Initiée (PNJ): "Tout est chargé. Nous sommes prêtes à partir. Ou est Cheeko ?"
Initiée (PNJ): "Avec moiiiiii~!"
La troisième religieuse arrive au pas de course avec l'initiée en devenir. Cheeko se laisse tirer par le bras. Son regard n'est plus si vitreux qu'il y a quelques jours, mais son état mental ne s'est pas amélioré pour autant. C'est comme si après son état de choc, elle était restée coincé à la mentalité d'un nouveau-né qui regarde le monde qui l'entoure sans le comprendre.
Initiée (PNJ): "Ben ! Z'avez mit le temps !"
Initiée (PNJ): "Héhé, je voulais en profiter pour habituer Cheeko à se balader un peu, désolée d'avoir mit du temps."
Initiée (PNJ): "Ce n'est pas grave. Nous devrions ne pas tarder plus que ça à partir. La Capitale n'est pas à côté."
Sur ces mots, tout le monde embarque dans une jolie carriole. En effet, il y avait de la route à faire du Temple jusqu'à la Capitale.
Il fallu contourner le lac afin de trouver la route principale, puis suivre cette dernière pendant l'autre moitié du voyage. Le groupe d'initiées qui accompagnent Cheeko parlent, discutent, rient, s'occupent. La sauvageonne, elle, ne parle toujours pas. Elle réagit, parfois, mais ne comprend jamais. Elle préfère regarder le paysage. Elle regarde à droite puis à gauche. Parfois, elle lève les yeux au ciel, d'autres fois, elle regarde les roues de la carriole et les traces qu'elles laissent dans la terre.
Alors les jours passent. Et ils passent. Et ils passent. Sans encombres, sans soucis. Dans la joie, et la bonne humeur !
----------------------------------------
La carriole arrive dans le milieu de l'après midi. Les initiées descendent avec Cheeko, et s'empressent de rejoindre les foules de la capitale. Une initiée devant puis une sur chaque côté, le groupe fait attention à sa protégée. La Capitale n'est pas un lieu plus dangereux que la forêt, mais il n'est pas vide d'individus mal intentionnés. Et si quelqu'un repérait Cheeko et décidait de la kidnapper pour lui faire du mal ? Les initiées ne se le pardonneraient jamais, et leur soeur encore moins.
Pendant une bonne heure, elles marchent et visitent, elles restent principalement sur la place marchande. Une grande place sur laquelle l'on retrouve nombre de marchés, petits et grands, luxueux et plus communs. Bien que l'objectif principal soit de faire visiter à Cheeko tout ce bel endroit, les initiées qui l'accompagnent ne manquent pas de se faire plaisir non plus. Si ces trois filles ont des étoiles dans les yeux devant quelques articles, Cheeko elle... Ne semble pas plus intéressée que ça.
Elle regarde ailleurs. Elle regarde la foule. Elle regarde le visage des gens. Le seul moment où son regard se pose plus d'un instant sur quelque chose, c'est quand elle remarque un certain établissement bien fréquenté. Si elle ne sait pas lire le nom "L'aventurier téméraire", le lieux semble lui faire remonter quelques lointains mais vagues souvenirs. Malheureusement, les religieuses la traînent hors d'ici avant qu'elle ne puisse s'y diriger. Son attention s'éloigne vers d'autre choses sans intérêts.
Initiée (PNJ): "Cette robe est magnifique...!"
Initiée (PNJ): "Que Lucy me pince une fesse, t'as du goût, TOI ?!"
Initiée (PNJ): "N'ai-je pas le droit d'aimer les bonnes choses ?"
Initiée (PNJ): "Oh, ne le prends pas mal... C'est juste que nous avons tant l'habitude de te voir habillée si formellement...! Ne veux-tu pas l'essayer ?"
Initiée (PNJ): "E-et bien... Elle est très belle, oui mais... Je doute qu'elle ne m'aille très bien."
Initiée (PNJ): "Le prends pas mal non plus, mais j'suis bien d'accord. Par cooooontre... Sur Cheeko, elle serait parfaite ! Ca ajouterait un peu de couleurs à son p'tit teint !"
Initiée (PNJ): "Oui~!! Cheeko ! ... Cheeko ?"
A droite, à gauche, de la foule et encore de la foule. Pas de femme à queue de lézard en vue. Même en s'éloignant un peu, impossible de la retrouver du regard.
Initiée (PNJ): "L-l-les filles ! Cheeko elle est...!"
Initiée (PNJ): "Vous avez réussi à la perdre de vue ?!"
Initiée (PNJ): "O-on a tourné les yeux un instant à peine ! J-je ne sais p-pas où... Je...! Oh par Lucy le soleil va bientôt se coucher..."
Initiée (PNJ): "ON EST MORTES."
----------------------------------------
Nous approchons de la fin de l'après-midi. Dans les rues de la capitale où l'on trouve largement moins de monde que sur la place avance nonchalamment une fille. Elle n'est ni petite, ni grande. Elle a l'air bien fragile, non seulement à cause de sa maigreur mais aussi à cause de sa manière de marcher. Comme si une créature qui avait vécu à 4 pattes apprenait tout juste à se lever. Parfois, on lui porte un regard interrogateur à elle et à sa queue de lézard, mais elle ne les remarque jamais. Elle continue d'avancer, lentement, dans une direction aléatoire.
Pourquoi était-elle partie dans le dos de celles qui veillaient sur elle ? Etait-ce parce qu'il y avait trop de bruit sur la place marchande ? Peut-être. Après tout, c'est vrai que rester trop longtemps parmi une telle foule peut vite donner mal au crâne. Est-elle juste en train d'explorer comme un enfant trop curieux ? Ce ne serait pas étonnant. Où alors... Serait-elle en train de suivre quelque chose que beaucoup ressentent, mais que peu parviennent à voir aussi clairement que la lumière du jour ?
Il n'y a pas d'aura d'amitié si lumineuse pour qu'un esprit aussi affaiblit que celui de Cheeko n'arrive à la remarquer. Alors, elle marche dans les pas de cet individu des plus attirants en restant à quelques mètres de distance par rapport à lui. Elle avance bêtement, mais sans craintes.
-Jack ! Je suis vieille, tu sais. Les rhumatismes, tout ça, on ne se refait pas.
-Qu’est-ce que vous dites, madame ? Vous êtes aussi fringantes que quand je vous ai connu.
-Arrête, va. T’y connais rien. T’avais trois ans et t’es crouté sur le pas de la porte.
-Ah bon ? je ne m’en souviens pas.
-Et quand tu te bagarrais avec mes garnements, tu t’en souviens ?
-Ah oui. Peut-être. Nous étions jeunes.
-C’est vrai. Le bon vieux temps.
-Allez. Je dois y aller. Bonne journée à vous.
-Bon courage Jack.
C’est toujours plaisant de marcher dans les ruelles de la Capitale, en dehors des grands axes où les gens s’arrêtent pour des affaires ou pour le simple plaisir de flâner et de se promener devant les quelques bâtiments iconiques de la cité, histoire de se faire une petite culture. A côté, il y a les quartiers populaires, le véritable poumon de la capitale. Là où les petits gens vivent en toute modestie, du fruit d’un dur labeur, de la satisfaction d'élever leurs enfants et d’une mousse fraîche au bar du coin, le soir venu, à discuter avec les voisins et les amis, rêvant d’un autre monde, mais ne voulant pour rien au monde remplacer l’actuel. La chaleur humaine qui se dégage de ces ruelles tortueuses qui pourraient passer pour des coupes gorges si elles n’étaient pas sous la surveillance des vieilles mégères du quartier qui n’en loupe pas une, histoire de pouvoir raconter au tout venant ce qu’elles ont pu constater, enjolivant certaines choses pour rendre les histoires plus intéressantes mais clairement moins véridique. Ça fait partie de cette ambiance humaine, malgré l’immensité des lieux, des maisons et des chemins. Comme si ces quartiers étaient dotés d’une vie à part entière, ou tout est différent au bout de cent mètres, mais reste foncièrement la même chose dans le fond. Une grande famille pas que du sang, mais du cœur.
C’est chez moi.
Et en même temps, mes parents sont beaucoup plus loin. Mais c’est chez moi. Et malgré ma promotion au conseil de la guilde, les nombreuses rencontres avec des membres influents du royaume, la noblesse et même le prince héritier en personne, j’appartiendrais toujours à ces gens. C’est dans mes tripes. C’est important la famille. Les familles. Mes parents. Les quartiers. La Guilde. J’ai toujours vécu au sein de quelque chose qui pouvait être considéré comme une famille. C’est mon moule. Et ce n'est pas un mal, loin de là. Se protéger les uns les autres. Surtout les plus faibles. S’éduquer et travailler à faire de nous des gens plus responsables. Intègres. Rendre service pour que chacun puisse accéder à son rêve. Accomplir ses désirs. C’est l’essence de tout cela. Et c’est quelque chose qui m’appartiendra jusqu’à ma mort.
Même si j’ai gagné en influence et en pouvoir au sein de la guilde et que j’ai mis un pied dans la politique, je reste le sympathique Jack ici. On me salue. On prend des nouvelles. J’en prends. J’ai la sympathie sur la gueule. Parce que je suis dans mon élément et qu’il y a une positivité ici qui fait plaisir. Je m’amuse de voir les jeunes jouer ensemble, me remémorant brièvement les souvenirs lointains ou c’était moi qui faisait le fier devant les gars tout en baissant les yeux quand les filles se ramenaient. Je croise des amis aussi. Vagues connaissances d’un soir où vieil ami aujourd’hui rangé. Puis de rares gars qui travaillent avec moi. Pour les petits potes. On se salue. On papote. J’ai rien concernant la guilde cette après-midi, alors j’en profite pour me ressourcer dans la simplicité.
-Et sinon, Jack, c’est qui celle-là ? Tu la connais ?
Il pointe du doigt dans mon dos et je me retourne. Alors je l’avise. Cinq mètres derrière, comme arrêté en plein milieu de la rue, une gamine, que je me dis au premier abord. Après, je me rends compte qu’elle est un trop grande pour ça, même si c’est pas non plus folichon. Jeune. Avec un accoutrement qui fait penser aux sœurs de Lucy. Y a pas de mal, hein. Il y a un temple de Lucy dans les parages et je connais quelques sœurs pour avoir fait pas mal de bêtises dans ma jeunesse. Par contre, c’est rare d’en croiser une avec un regard aussi vide, ses grands yeux passant mollement d’un individu à l’autre, devant elle, comme si rien n’avait vraiment d’intérêt, au final. Un duo passe à côté en la regardant, intrigué, mais c’est comme si elle ne réagissait pas. Je fais la moue.
-Bizarre. Ma tête ne doit pas lui revenir. On bouge ?
-Allez.
On bouge. Pour se mettre dans un coin tranquille loin de son regard qu’est quand même intrigant. On a à peine le temps de reprendre notre conversation qu’on constate qu’elle a suivi et qu’elle s’est arrêtée à nouveau à quelques mètres.
-Je crois que t’as un ticket.
-A mon avis, elle a surtout un problème.
-Oui, je me doute.
-Je vais m’en occuper. On se revoit demain ?
-ça marche. Bon courage.
Je m’approche alors directement sur elle sans faire de chichi. Je suis un mec sympa, si on a besoin de moi, je viens. Il n'y a pas de problème.
-Excuse moi, mais j’ai l’impression que tu me veux quelque chose ? Qu’est ce que je peux faire pour toi ?
Et je lui balance un sourire bienveillant. Un moment, je me demande si elle va pas me demander un autographe. C’est qu’on pourrait croire que je suis une célébrité pour certains. Ou alors, elle a l’air tellement hors du temps qu’elle va s’évanouir. En tout cas, j’avise, les bras croisés.
Alors ils marchent.
Marchent marchent et marchent.
5 mètres de distance les séparent l'un de l'autre. C'est peu. Trop peu pour paraître discrète. Elle ne cherche pas à être discrète, alors ce n'est pas important.
Le centre d'intérêt s'arrête. Alors Cheeko s'arrête.
Elle attend.
...
Il se remet à marcher ! Cheeko le suit.
Ils se remettent à marcher.
Marchent marchent et marchent.
5 mètres de distance les séparent toujours. Cheeko a été remarquée. Les regards qui se tournent vers elle ne la font pas réagir. Ce n'est pas important, pas pour elle. Vraiment.
Le centre d'intérêt s'arrêt. Alors Cheeko s'arrête.
Elle attend.
Il discute avec son compagnon de marche. Ils se séparent l'un de l'autre.
Le centre d'intérêt approche de la faible d'esprit.
Jack : "Excuse moi, mais j’ai l’impression que tu me veux quelque chose ? Qu’est ce que je peux faire pour toi ?"
Cheeko lève ses grands yeux dorés pour fixer du regard le grand moustachu. Grand, comparé à la jeune femme. La bouche de cette dernière est légèrement entre-ouverte, cela lui donne l'air de contempler le personnage devant lequel elle se tient bêtement.
Cheeko : "Eeh..."
Elle cesse de fixer les yeux de son interlocuteur. Son regard se balade sur son visage. Sourcils et arcades, joues et pommettes, nez, lèvres, et menton. Comme si elle était en train de l'étudier sur place à une vitesse qui, à en juger par rythme auquel son regard change de cible, est assez étonnante. Elle est si concentrée que même sa queue de lézard cesse de faire des vagues de droite à gauche dans sons dos.
Cheeko : "... Ooh...?" Puis soudain... "Aah~!"
Une moustache.
Ce n'est pas une blague ou une mauvaise plaisanterie. La queue animale de la sauvageonne brille d'une étrange mais agréable lumière verdâtre. Vient d'apparaître sous le nez de Cheeko une moustache similaire mais pas identique à celle de celui dont elle examinait le visage. Elle ne semble ni fière, ni satisfaite de ce qu'elle venait de faire. Comme si elle ne l'avait même pas fait volontairement. Comme si... C'était juste arrivé. Comme ça. Alors, elle continue de regarder l'individu, bêtement. Que faire d'elle ?
Je vous parlerais pas de sa queue de renard, car elle doit bien être planquée sous ces vêtements et même si je peux apercevoir des mouvements qui paraissent pas humain, je suis rapidement intrigué par la moustache qui apparaît de nul part sur son visage. Pas surpris, hein. On est dans un monde de magie, il faut quand même s’attendre à tout dans ce monde. On peut passer à côté d’un gars capable de détruire tout le royaume sans s’en apercevoir. C’est les aléas de la magie. Elle se cache partout qu’elle soit forte ou faible. ça tombe, la gamine, là, elle détient un grand pouvoir. Aussi grand que mon pouvoir de transformation en glooby. Surement. Je dis gamine, parce que bon, elle a l’air assez frêle pour être du lot.
Bref, je suis intrigué.
-Ah ça. Pour sûr, c’est une bien jolie moustache sur un jolie petit minois. Mais tu sais, c’est quand même pas mal de boulot pour l’entretenir. Et je parle même pas des huiles de jojoba. Enfin, si ça existe par ici. Ou il doit y avoir un truc dans le même genre. Après, c’est sûr, on a un certain style avec, même si je dois te l’avouer, les filles n’en portent pas trop. Question d’hormones, je crois. M’enfin, si la magie le permet, autant en profiter, non ?
Parce que oui, c’est magique. Faut pas se leurrer. Sauf qu’en face, on peut pas vraiment dire que ça brille d’intelligence en face. Vous avez entendu l’expression “regard bovin” ? ça colle plutôt bien. Heureusement, même si j’ai pas mal de trucs personnels à faire sur ma liste personnelle, j’ai toujours du temps pour les inconnues. Et mon avis qu’elle a besoin d’un sacré coup de main. Alors, je prends le temps. J’avise deux marches et je m’assois dessus.
-Allez. Assieds-toi. Tu vas me raconter ce qu’il se passe.
Déclaration assez rhétorique. Je doute qu’elle se mette à déballer son sac d’un coup, mais peut-être que ça va la faire réagir. C’est une question de stimuli. Faut donner les bons et après, le cerveau fait le reste. Il paraît. J’en profite pour sortir ma pipe avec un peu de tabac tandis que je salue une connaissance de la main, lui intimant de nous laisser tranquille. Qui sait ce que ça ferait la foule autour de la pauvresse. On s’en voudrait s’il lui arrivait quelque chose.
Jack : "Ah ça. Pour sûr, c’est une bien jolie moustache sur un jolie petit minois. Mais tu sais, c’est quand même pas mal de boulot pour l’entretenir. Et je parle même pas des huiles de jojoba-"
Cheeko : "Jojoba~!"
Répète passivement la fille des bois pendant que le gentil personnage continue.
Jack : "-Enfin, si ça existe par ici. Ou il doit y avoir un truc dans le même genre. Après, c’est sûr, on a un certain style avec, même si je dois te l’avouer, les filles n’en portent pas trop. Question d’hormones, je crois. M’enfin, si la magie le permet, autant en profiter, non ?"
Cheeko fait les yeux ronds. Visiblement, avec ce sourire idiot sur son visage, elle n'a rien comprit de ce qu'il a dit. Elle l'écoute, simplement heureuse d'avoir son attention.
Jack : "Allez. Assieds-toi. Tu vas me raconter ce qu’il se passe."
Le Monsieur guide Cheeko afin qu'elle puisse s'asseoir à côté de lui. Elle ne manque pas de faire preuve de maladresse dans son déplacement, mais elle parvient à s'asseoir sans se casser la figure, alors, c'est déjà une victoire en soit. Une fois assise, son regard se met à chercher un peu partout autour d'elle. Elle regarde à droite, à gauche, en haut, en bas... Son visage toujours décoré de la moustache de celui qui se tient à côté d'elle ne montre aucune réelle émotion. Ses pensées sont justes, on dirait véritablement un enfant dans l'âme. Pas du genre qui aime bien faire joujou, mais du genre à découvrir le monde. Assez littéralement, d'ailleurs.
Elle reste silencieuse pendant quelques instants, jusqu'au moment on son regard retrouve celui de son nouvel accompagnateur. Là, elle le fixe de nouveau pendant une nouvelle dizaine de secondes avant qu'elle ne s'exprime une nouvelle fois.
Cheeko : "Jojo~?"
Certains me diront surement que c’est parce qu’elle a répété jojoba tout à l’heure qu’elle a fini par dire ça et je leur donnerais raison, mais dans ce genre de situation un peu à sens unique avec une pauvresse qui n’a visiblement pas toute sa tête et qui est bien mal placer pour avancer seul sur le chemin de la vie, il faut saisir la moindre occasion comme elle n’est pas, histoire de lui donner une certaine valeur auquel on s’attache afin de créer quelque chose. Peut-être que le concept de nom lui passe au-dessus de la tête puisque visiblement, elle est surtout intéressé par le fait de me regarder, toujours avec ses yeux qui ne vous laissent pas indifférent. J’évite de trop le soutenir, ça me rend toujours mal à l’aise. Mais elle fait l’effort de rester dans mon champ de vision. C’est que ça doit être important. Et vu comme il y a peu de choses auquel se rattacher pour l’instant, autant compter dessus, même si ça m’indispose. Je la désigne du doigt.
-Jojo ?
Je me désigne moi-même.
-Jack.
Je refais l’opération plusieurs fois.
-Jojo. Jack. Jojo. Jack. Jojo et Jack.
Un nom de duo comique, même si faut dire, je m’y connais en blague, pas sûr que celle de Jojo soient les plus démonstratif possible. Mais il suffit d’un juste temps de formation pour que tout le monde arrive à faire ce qu’il doit faire et Jojo doit être du genre à avoir besoin de beaucoup de temps. Surement. Je sors une gourde de mon sac. Peut-être qu’elle a soif. Je bois une goutte, puis je tends le doigt à l’intérieur.
-Eau.
Je me lèche les babines pour lui signifier que c’est bon, car si le vocabulaire n’y est pas, les réactions très humaines, voire primitif, ça va peut-être éveiller quelque chose au fond d’elle. Je rebois une gorgée. Non, ce n’est pas de la bière. Pas la peine de prnedre de la bière sur soi quand on peut s’arrêter tous les vingt mètres à un bar qui vous en serve. Peut-être bien que la bière la fera plus réagir, mais on va avancer à petit pas avant d’envoyer une pauvresse incapable de prononcer trois mots se prendre une caisse aussi töt. Je lui tends la gourde et elle me regarde sans vraiment comprendre. Je lui prends alors la main, cette petite main fragile dans ma grosse paluche et je la place autour de la gourde pour qu’elle s’en saisisse et qu’elle comprenne bien le mouvement. Je fais ça avec l’autre, parce que c’est mieux. Je lui souris. Puis je lui intime de boire.
-Bois Jojo.
Elle parait si fragile. Qu’est-ce qui a bien pu qu’elle déboule ainsi dans ce coin de la capitale. Peut-être une fille complètement paumé d’une famille du coin à qui elle a échappé la vigilance. Faudra que j’en tienne un mot à l’un de mes petits potes, de savoir si des gens cherchent une gamine dans son genre. Ça sera le bon moyen de la ramener à sa famille. En attendant, je vais m’en occuper, créer un climat de confiance. Faudrait pas qu’elle me disparaisse entre les doigts comme elle a pu disparaitre entre ceux qu’elle connait. Car si je suis quelqu’un de sympathique et que le quartier est bienveillant, certain ne sont pas et seraient bien cruels à tourmenter une pauvre fille comme elle. L’humanité, c’est pas ce qu’il y a de plus humain, parfois. La sombre ironie.
- Quelque part, dans la capitale...:
Initiée (PNJ): "VOUS ! PAS BOUGER !"
D'un trio affolé, une jeune fille trop énergétique pour son propre bien approche à pas lourds vers un pauvre citoyen innocent, adossé contre un mur attendant que le temps passe. Ce dernier ne fait d'abord pas attention aux cris de l'initiée de Lucy, mais il finit par bien être forcé de remarquer sa présence quand cette boule de rage commence à dangereusement s'approcher de lui.
Civil (PNJ): "Hein ? Je, heu... Q-quoi ?"
Initiée (PNJ): "J'AI DIT PAS BOUGER OU J'VOUS CASSE LES GEN-"
Avant que la folle n'attrape le pauvre monsieur par le col, ses deux amies la rattrapent et la tirent en arrière. Ce n'était pas le moment de s'attirer des ennuis, ou de finir derrière les barreaux après l'arrivée d'éventuels gardes ? En parlant de ces hommes de métier, certains dans les environs tournent déjà leur regard vers la scène. La disparition de Cheeko est encore récente, peu de gardes en sont au courant. Eux ne le sont certainement pas en tout cas.
Initiée (PNJ): "B-bon, ça suffit tu vas causer plus d'ennuis que nous en avons déjà ! L-laisses-nous faire !"
Les deux initiées se débrouillent pour éloigner la troisième, cette dernière criant et crachant visiblement du feu alimenté par son esprit enflammé. La calmer prend cinq à dix minutes. Ceci fait, le groupe retourne auprès du civil, qui entre temps ne s'est pas enfuit. Il était dans un coin qu'il connaissait bien, qui plus est, la garde n'est pas bien loin.
Civil (PNJ): "Rah mais, qu'est-ce que je vous ai fait !"
Initiée (PNJ): "R-rien du tout monsieur ! Pardonnez le comportement de notre amie, c'est que... Nous avons un gros problème voyez-vous et..."
Initiée (PNJ): "On s'baladait avec une quatrième fille sauf qu'elle a disparu ! Z'avez l'air louche, vous savez forcément quelque chose !"
"... Louche ? Mais j'ai rien fait...!"
Initiée (PNJ): "C'est une jeune femme à peu près de notre taille. Peau pâle, cheveux cendrés, yeux dorés, maigrichonne. Elle vient du temple de Lucy, comme nous trois, cela peut notamment se voir à sa robe. Elle a aussi une queue de lézard dans le bas de son dos."
Civil (PNJ): "Donc une gamine bizarre et perdue ?"
Initiée (PNJ): "Ce n'est pas-... Et bien... Ce n'est pas totalement faux mais..."
Civil (PNJ): "Nan, désolé, pas vu. De tout les gens que je peux voir passer dans la journée, ça me dit rien."
La plus énergétique du groupe grogne, mais ses deux amies partent avec elle avant que les choses ne dégénèrent.
Initiée (PNJ): "On dégage pas de c'te ville tant qu'on a pas remit la patte sur elle !"
Initiée (PNJ): "Par Lucy, surveille ton langage ! Nous allons la retrouver !"
Jojo ? Non, ce n'était certainement pas son nom. Mais c'était un mot qui sonnait bien dans la bouche de la sauvageonne. Un mot que son esprit malade allait sans doutes s'amuser à répéter, qui sait pour combien de temps. Le Monsieur pointe la fille des bois du doigt.
Jack : "Jojo ?"
Elle regarde le doigt revenir vers le moustachu, la bouche en o.
Jack : "Jack."
Il répète l'opération plusieurs fois.
Cheeko ne quitte pas le doigt des yeux. Ses pupilles le suivent très précisément aller d'avant en arrière, sans battre des cils à un seul instant. A-t-elle seulement écouté ce bon Jack ? Probablement pas.
Jack décide de se saisir de son sac pour en sortir un petit objet. Une gourde, mais ça, Cheeko ne le comprenait pas. Elle observe le Monsieur porter la bouteille opaque jusqu'à ses lèvres et commencer à en boire le contenu d'une ou deux gorgées. Ce après quoi, il baisse le bras et désigne l'intérieur de sa gourde.
Jack : "Eau."
Cheeko ne répète pas après lui, mais refait un o avec sa bouche pour mimer la forme des lèvres du moustachu. Lorsqu'il effectue ce qui semble être un sourire, Cheeko l'imite encore une fois. Elle ne fait pas qu'imiter ce sourire, mais aussi le sentiment derrière. En souriant, elle devient contente ! Lorsque Jack boit de nouveau dans sa gourde, Cheeko mélange alors ses deux précédentes expressions. Ce que l'on pourrait plus facilement décrire par : ":D"
Le Monsieur s'arrête de boire afin de tendre l'objet à l'esprit perdu. Cheeko se met à regarder l'objet avec un temps de réaction moyennement décalé. Jack décide de prendre les devants face à cette conscience affaiblie, de lui prendre sa main, et de la faire prendre doucement la gourde. Il ne la force pas, mais la guide. Cheeko suit bien calmement le mouvement, tout réflexe de défense disparu.
Jack : "Bois Jojo."
Boire. Hm...
Cheeko est intriguée. Elle regarde la gourde entre ses mains, et se met à l'examiner. Elle la fait pivoter d'un côté, puis d'un autre, puis elle se met à la soulever pour regarder en dessous. Puis, elle remarque qu'il y a un trou sur le dessus. Un trou ? Un autre endroit à explorer ? De nouvelles choses à découvrir ? Tandis que la bouteille est pratiquement levée jusqu'au dessus de sa tête, elle se met à la retourner afin de pouvoir voir dans l'ouverture.
De l'eau se met subitement à couler sur son visage. Surprise, Cheeko sursaute et baisse les bras. Elle n'est pas trempée, mais c'est l'équivalant de quelques gorgées qui vient de la prendre au dépourvu. La sauvageonne reste parfaitement immobile gardant bien fermement la gourde entre ses petites mains, elle cligne plusieurs fois des yeux avec un air plus qu'étonné sur son visage. Elle regarde pendant quelques secondes dans le vide, puis baisse ses yeux jusqu'à la gourde. Elle refait un o avec sa bouche.
Cheeko : "Jojo~?"
-C’est pas grave Jojo.
Je sors de mes pensées pour prendre mon mouchoir et lui nettoyer le visage. On n’en est pas au point où elle s’est noyée, non, mais c’est quand même plus agréable d’être au sec. Le soleil s’occupera du reste. Il fait bon. L’inconnue se laisse faire et je nettoie bien sa nouvelle moustache parce que de ce genre de chose, faut s’en occuper, sinon ça fait n’importe quoi. Elle ne peut pas le savoir. Je crois. Elle n’a pas l’air de savoir grand-chose, en même temps. Elle me renvoie toujours un regard expressif, mais qui est bien impossible à décoder. Qu’elle est le mystère de Jojo ? QU’Est ce qui se cache derrière ce comportement enfantin qui n’est probablement pas une comédie, un mauvais tour que l’on me joue ? Clairement, elle est dans le besoin et il serait bien cruel de la laisser là. Peut-être qu’elle a quelque chose sur elle qui pourrait me donner des renseignements. Dans une poche. Ou un tatouage. Je comprends bien vite que ma réflexion m’amène sur un terrain glissant où je vais avoir besoin d’une aide conséquente. Je ne vais pas commencer à regarder sous toutes les coutures une pauvresse perdue et incapable de se défendre, à même la rue, ça va sacrément jaser et ce n’est pas très Whiskeyjack. Je la prends doucement par l’épaule.
-Ecoute, Jojo. On va aller chercher de l’aide. Tu es d’accord ?
Je lui souris. Et il parait pas déconnant qu’elle me sourit en retour. Ça pourrait être un accord, mais je ne pense pas que ça passe devant un tribunal. Heureusement, je suis un mec sympa et intègre. Je me lève, je range ma gourde et je l’invite à se lever à son tour. Ce n’est pas très loin, mais il faudrait éviter de la perdre. Je lui tends ma main.
-Tu me donnes ta main ? Et tu ne la perds pas, hein ?
Direction ? Mes parents. Des gens de confiance qui ont déjà eu à traiter ce genre de cas ; moi. Quand je devais avoir un an. Je ne devais pas être très malin. Ils sauront un peu quoi faire et je compte sur la sagesse maternelle pour m’aider à savoir quoi faire. Et puis, je pourrais m’éclipser pour aller prévenir mes petits potes qui feront le travail de recherche à ma place. Main dans la main, comme un frère surveillant sa jeune sœur pas très maligne, on part. Et je lui laisse le soin de vous décrire si ça passe bien ou pas. Moi, j’essaie surtout de pas la perdre et de garder son attention. Je vois tout jeune. Il suffisait d’un rien pour vouloir courir loin de mes parents à la poursuite d’un gars bizarre, d’un animal majestueux ou d’une charrette pleine de bonbons. Et clairement, ça ferait des problèmes s’il fallait lui courir après. Les gens poseraient alors des questions et ça serait surement compliqué à expliquer. Je peux aussi la remettre à la garde, mais est-ce que Whiskeyjack Callahan se lave les mains des problèmes et n’offrent pas de son temps à aider son prochain ? Surement pas.
Lorsqu'elle ne ressent plus rien frotter sa peau, elle se remet à respirer en abandonnant sa grimace et en rouvrant les yeux pour regarder le moustachu. C'était lui qui tenait le morceau de tissu. Cheeko cligne plusieurs fois des yeux et observe alternativement le mouchoir, puis Jack, puis le mouchoir, puis encore Jack, le tout avec un air interrogateur et curieux habituel à la sauvageonne.
Jack : "Ecoute, Jojo. On va aller chercher de l’aide. Tu es d’accord ?" Dit-il en prenant la jeune femme par l'épaule.
Imitant son sourire comme à chaque fois, Cheeko suit automatiquement le mouvement. Elle laisse le moustachu récupérer sa gourde. Elle n'a pas la notion des possessions, elle est simplement assez distraite par le visage du Monsieur pour ne pas faire attention quand il récupère sa bouteille.
Jack tend une main à la fille des bois, lui disant de la prendre et de ne pas la perdre. Ces mots ne font aucun sens pour un esprit aussi affligé que celui-ci, heureusement elle ne manque pas de réaction. On lui tend quelque chose, alors elle attrape le quelque chose. Elle prend un air surprit lorsque le Monsieur commence à se déplacer, elle qui avait l'intention d'examiner la main et de jouer avec... Alors elle ne la lâche pas pour faire ce qu'elle voulait tout en marchant sans faire attention à son entourage.
C'est une grande main, épaisse, solide... Bien plus que les siennes ! Quand elle veut forcer un doigt de Jack à bouger, c'est à peine si elle en trouve la force à moins que lui même ne se décide à les faire bouger ! Cheeko n'est pas bien forte, son état physique est une bien mauvaise représentation de sa santé d'il y a deux ans. Elle qui était capable de chasser dans la forêt en sautant d'une branche à l'autre et de courir dans la nature sans jamais trébucher, un javelot de bois en main... Elle faisait partie de la vie sauvage, elle était une véritable chasseuse ! Maintenant, ce n'est plus qu'une proie. Vulnérable. Faiblarde. Incapable. Mais ça, personne ne peut s'en rendre compte. Elle est trop méconnaissable, et elle-même ne se souvient de son propre passé. Ni de quoi que ce soit d'autre, visiblement.
Si la route se passe assez calmement du côté de Cheeko et de Jack...
- ... Ce n'est pas le cas du côté d'un trio affolé.:
- Un quartier après l'autre, le groupe continue ses recherches en vain. Comme si les religieuses étaient envoyées en quête par Lucy elle-même, elles persistent dans leur tentatives d'interrogations. Elles parlent au moindre civil qui aurait possiblement pu remarquer l'handicapée. Elles avertissent chaque garde qu'elles croisent. Elles avancent en continuant d'appeler Cheeko par son nom. Jamais elles ne reçoivent de réponse.
Initiée (PNJ): "A ce rythme là, nous aurons fouillé toute la capitale sans jamais la croiser..."
Initiée (PNJ): "'tain, dis pas c'genre d'conneries...! Si ça s'trouve on est vraiment passées à dix mètres de c'te cruche et elle nous a même pas capté !" C'était effectivement le cas.
Initiée (PNJ): "Hm..."
La plus douce du trio se met à marcher plus lentement que les deux autres. Celles-ci ne tardent pas à la remarquer.
Initiée (PNJ): "Ca ne va pas ?"
Son visage est aussi triste que jamais. Elle se mord la lèvre inférieure et semble à deux doigts de fondre en larmes.
Initiée (PNJ): *Sniff* "J'ai envie de pleurer... C'est ma faute... Je n'ai pas fait assez attention."
Les deux autres sœurs s'échangent un regard alarmé. Ce n'est vraiment pas le moment de chouiner pour des broutilles pareilles, c'est la faute de chacune d'entre elles pour avoir laissé Cheeko sans surveillance !
Initiée (PNJ): "H-hey, pas l'temps d'couiner ! On a toute les trois foiré bien salement, d'accord ? Pis les gardes sont aussi sur l'qui-vive maintenant, on va la r'trouver !"
Initiée (PNJ): *Sniff* "M-mais..."
L'initiée sérieuse souffle doucement du nez et s'assied sur un banc libre.
Initiée (PNJ): "Nous devrions nous asseoir un instant afin de nous reposer. Nous avons bien assez couru dans tout les sens pour le moment. Les gardes seront bien plus doués que nous pour retrouver Cheeko, on viendra sans doute nous rapporter quelque chose."
L'énergétique et la douce acquiescent, malgré tout, et décident de venir s'asseoir à leur tour.
Quelle terrible journée...
Je frappe et j’entre. C’est les parents après tout, je suis un peu chez moi et la porte n’est pas fermé. On ferme assez peu les portes ici car la confiance règne. Le quartier veille sur ces habitants. Je fais entrer Jojo à ma suite
-Maman ! C’est moi !
-Ah ! J’arrive !
Ma mère arrive. Je vous ai probablement rarement parlé de ma maman, voire jamais. Mes parents sont taxidermistes et ils étaient un peu tristes d’apprendre que je voulais devenir examinateur et ne pas reprendre l’affaire familiale, mais aujourd’hui, avec ce que je suis devenu, ils s’en satisfont. Papa doit être à l’atelier. Reste Maman. Un petit bout de femmes aux cheveux grisonnants avec un regard tout ce qu’il y a plus bienveillant. Elle apparait dans l’encadrement de la porte, un grand sourire aux lèvres, ouvrant les bras pour accueillir son petit bonhomme comme elle aime m’appeler. Puis elle se fige un instant, tout comme son sourire tandis qu’à son tour, son regard glisse vers Jojo. Puis il s’attarde sur nos mains. Je vois trop tard dans son regard qu’elle fait des déductions totalement fausses mais qui me poursuivront sur les cinq prochaines années, assurément. Elle rosit des joues et porte une main à sa bouche, lançant un clin d’œil à Jojo.
-Jackie. Peux-tu m’expliquer qui est cette délicieuse personne ?
-Maman. C’est pas du tout ce que tu crois.
-Allons. Une mère sent ces choses-là.
Je lâche la main de Jojo pour donner un peu de poids à mon argumentaire, mais visiblement, la demoiselle n’est pas trop de cet avis, profitant de cette liberté retrouvé et de notre immobilisation pour saisir ma main et l’examiner sous toutes les coutures, se désintéressant un instant de ma mère. Je lui demanderais bien d’arrêter, mais n’allons pas provoquer plus de problème qu’il y’en a déjà.
-Tu te trompes, vraiment. Je viens à peine de la rencontrer et …
-Les sentiments sont plus forts que le temps. Tu sais, avec ton père, ça s’est fait rapidement, le coup de foudre.
-Nan mais c’est pas ce que je dis. On s’est rencontré tout à l’heure, elle avait l’air perdu…
-Et elle t’a trouvé, c’est le destin.
-Maman ! Elle n’a pas l’air d’avoir toute sa tête.
-Peut-être bien, mais ça veut dire que ces sentiments sont purs.
-Là n’est pas la question ! Elle ne parle presque pas.
-Ce n’est pas quelque chose qu’aurait regretté ton père.
-Sauf que c’est pas facile pour communiquer Maman.
-Les regards suffisent. Et le langage du corps… évidemment.
-Maman ! Est-ce que tu peux être sérieuse un instant et m’aider ? J’ai besoin de toi pour t’occuper d’elle un instant, le temps que j’aille prévenir les gens compétents pour retrouver les gens qui doivent la chercher.
-M’occuper d’elle ? Mais bien sûr. Tu sais que tu peux compter sur moi. Je prendrais bien soin d’elle.
Il y a quelque chose d’insidieux dans ce qu’elle dit. Je la vois bien tenter d’obtenir des confirmations à ces réflexions là où il n’y a rien. C’est que pour ma mère, plus que mon père, ma situation matrimoniale est la question qui occupe ces pensées. Heureusement qu’elle n’est pas comme dans certaines famille à me pousser à me caser, mais dès qu’elle me croise en compagnie d’une demoiselle, peu importe qui est-elle, elle se met des idées en tête. Certainement que la laisser seule avec Jojo me créera quelques problèmes, mais il faut bien ça pour retrouver ces amis ou sa famille. Et ma mère est digne de confiance, il ne pourra rien lui arriver. Surtout après avoir dévoré quelques-uns de ces cookies. Délicieux. Je finis donc par me tourner vers Jojo et je plie les genoux pour mettre à sa hauteur. Même si mes propos n’auront pas forcément beaucoup de sens pour elle, je tente le coup.
-Ecoute, Jojo. Je vais aller chercher ta famille. Reste avec ma mère pendant ce temps-là, d’accord. Je reviens vite. C’est d’accord ?
J’ai peur qu’elle saisisse plus le concept de séparation que celui de retrouvaille prévue. Et pour cette Jojo qui se comporte comme une enfant en bas âge où les séparations sont toujours sources d’une grande tristesse, j’espère qu’on n’en arrivera pas là. Ça risque de devenir gênant. Surtout en présence d’un témoin qui me le rappellera toute ma vie.
Une succession de son qui fait revenir Cheeko à la réalité. Elle détache son regard de la main du moustachu, le dirigeant désormais vers une sorte de grande façade de bois. Toc-toc-toc ? Les murs, qu'importe leur matière, ne font pas de bruit d'eux-mêmes. Il aurait fallu que la fille des bois ait remarqué le point de Jack frapper contre le bois pour qu'elle le comprenne. En attendant, elle regarde simplement la porte avec de grands yeux surpris, pensant que l'entrée venait de lui parler.
La sauvageonne était tant surprise que sa moustache lui en tombait !
Sous ce grand regard ébahi, le Monsieur pose sa main sur la poignée, la tourne, puis ouvre la porte du foyer de ses parents. Il s'écrie d'une suite de mots que Cheeko ne comprend toujours pas, mais ceci n'a pas d'importance. L'importance est dans la voix qui répond à cette suite de mots. Le propriétaire de cette voix féminine ne tarde pas à montrer le bout de son nez. Une femme dont les cheveux commencent à ressembler à ceux de la fille des bois, ce qu'on aime appeler un début de mamie-gâteaux par chez moi.
Maman Callahan (PNJ): "Jackie. Peux-tu m’expliquer qui est cette délicieuse personne ?"
Délicieuse ? Ce ne doit pas être totalement faux. Cheeko n'est pas belle à proprement parler, vraiment pas plus qu'il y a deux années en tout cas. Son corps maigre, les traits de son visage, les tâches sur ses joues qui agissent comme des tâches de rousseur, ses grands yeux exotiques, sa manière de se tenir debout ainsi que de se déplacer avec cette queue de lézard dans le bas de son dos... On peut au moins la dire mignonne.
Remarquant évidemment le regard avec lequel maman Callahan la fixe, Cheeko penche légèrement la tête sur le côté, laissant s'échapper une son de sa bouche à voix basse.
Cheeko : "Jooo~?"
Ainsi une conversation débute entre mère et fils. L'esprit perdu alterne son regard entre le moustachu et la gentille dame à chaque fois que l'un des deux prends la parole. "Maman"... "Choses"... Son attention, jusque là portée sur les mots prononcés, se redirige vers la main de Jack. Soudainement, elle ne tient plus celles de Cheeko. Mains froides, mains vides... Pas bon. Haussant les sourcils, la jeune femme se décide à rattraper la main du Monsieur et la fixe. Si elle ne veut pas faire l'erreur de la laisser partir une seconde fois, elle va devoir la tenir plus fermement. Comme la gourde de tout à l'heure !
La conversation reprend. Cette fois-ci, Cheeko n'écoute pas. Elle reste concentrée sur la main du moustachu, déterminée à la tenir comme si c'était sa possession. Parfois, elle la secoue stupidement, d'autres fois elles joue avec ses gros doigts épais. Jouer... Est-ce vraiment le bon mot ? On dirait plutôt qu'elle examine le fonctionnement d'une main comme si elle était à l'école en train d'apprendre quelque chose qui l'intéresse sincèrement.
Quelques instants plus tard, Jack se tourne vers la sauvageonne et se met à sa taille. Remarquant le mouvement, elle lèves la tête et les yeux pour observer le regard que lui porte le moustachu.
Jack : "Ecoute, Jojo. Je vais aller chercher ta famille. Reste avec ma mère pendant ce temps-là, d’accord. Je reviens vite. C’est d’accord ?"
Cheeko : "Jojo~?"
C'est là que les complications commencent. Comment la faire lâcher la main de Jack, si elle-même refuse de relâcher sa prise ? Fallait-il forcer ses petites mains fragiles à s'ouvrir ? Ce ne serait pas difficile. Tirer doucement sur ses doigts un par un jusqu'à ce qu'elle n'ait plus de prise sur la paluche du moustachu ? Elle sera assurément assez bête pour tomber dans le panneau. Ou alors... Une autre solution toute bête mais qui fonctionne depuis toujours, surtout ces derniers temps. La nourriture ! Vous souvenez-vous de ce rôti qu'à offert le Frère Aord Svenn à la sauvageonne perturbée ? Des fameuses tartes aux pommes et de leur odeur que la sauvageonne aimait tant ? Une fournée de cookie devrait avoir un effet similaire. Détourner l'attention de l'esprit perdu donnerait au moustachu l'occasion parfaite de s'éclipser et de laisser temporairement la pauvresse entre de bonnes mains.
Je lui souris. Et au lieu de venir lui desserrer les doigts avec mon autre main, je viens lui ébouriffera les cheveux gentiment comme on le fait dans de bien nombreuses familles. Du coin de l’œil, maman me regarde, les yeux plissés avant d’avoir un sourire attendri pour Jojo.
-Ou est-ce que tu as bien pu la trouver ?
-Le hasard.
Elle s’approche et vient se mettre au niveau de Jojo, regardant son visage un instant avant de passer quelques doigts dans ces cheveux, la recoiffant sommairement en défaisant ce que j’ai fait un instant plus tôt. Son autre main vient sur poser sur son bras, la serrant d’une poigne maternelle, caressant doucement du pouce son avant-bras comme pour la rassurer.
-Jojo, hein ? Qu’est-ce que tu dirais d’une tarte aux poires ?
-Tarte aux poires ?
C’est moi qui réagis surtout. Jojo, elle, ne semble pas bien comprendre de quoi il en retourne et réagit plutôt par rapport à moi. C’est ma maman. Ma maman fait des bonnes tartes. Les meilleurs. C’est toujours la maman de chacun qui fait les meilleures tartes. Elles ont le gout de notre enfance. C’est un fait universel. Devant l’incompréhension de Jojo, ma mère se lève et nous invite dans la cuisine. Là, elle va directement au four pour en sortir une très grosse tarte aux poires et au chocolat. L’odeur sucrée se répand instantanément dans la pièce et a le don de réveiller mon appétit même si le déjeuner n’est pas si loin. Ca et la tarte à la crème, c’est les deux impondérables de mon enfance. Et au regard qu’elle me porte, avec ce petit sourire en coin, elle sait bien qu’elle me fait extrêmement plaisir. De son côté, Jojo semble tout aussi intéressé. Serait-ce un gargouillement déchirant qu’on entend depuis son ventre. Toujours agrippé à ma main, je l’accompagne à la table d’une poussée dans le dos de l’autre. Maman pose la tarte sur la table et sort trois assiettes et des couverts qu’elle dispose devant nous avant de commencer à découper deux gros morceaux pour moi et Jojo et une plus honnête part pour elle-même. Toujours pareil. En garder le plus pour les invités. Je me saisis d’une fourchette et je suis tout à fait apte à manger comme ça d’une seule main, mais Jojo n’a pas cette dextérité. Je pose ma main sur la table avec ces doigts toujours accrochés aux miens et je lui lance un sourire bienveillant.
-ça sera plus simple de manger avec tes deux mains.
Il y a comme un déclic ou c’est juste le hasard et ce que j’ai dit n’a servi à rien. En tout cas, elle me lâche doigt par doigt avant de s’occuper de sa nourriture, les odeurs sucrées suffisamment puissantes pour éveiller l’instinct de se nourrir. Le plus fort de tous. Si la logique serait de profiter de l’occasion pour partir et prévenir les autres, il y a deux choses qui m’en empêchent. La première, c’est que je ne peux détourner le regard de sa naïve bouille goutant avec envie la tarte de Maman. Je suis attendri. Comme Maman, même. La deuxième, c’est que je ne vais pas dire non à un quartier de tarte de Maman, quoi, merde ! Vous imaginez ? Si Jojo est capable de tout manger, il va rien me rester. Il y a des priorités et clairement, gouter à une souvenir éternel de mon enfance, on ne dit pas non. Toujours aussi bonne, d’ailleurs. Une recette passée de générations en générations sans trop d’évolutions. Le gout de nos origines, pourrait-on dire. Ce n’est que le quartier fini et alors que Maman propose un autre quartier à Jojo que j’en profite pour m’éclipser. Ce n’est que l’affaire d’un quart d’heure en faisant vite. Une demi-heure, grand maximum. J’ai un petite voix dans la tête qui m’incite à ne pas trainer, comme si je craignais que mon absence la rende triste. Et clairement, j’aime pas rendre les gens tristes.
Cheeko : "J-... Oh~?"
Elle se laisse soudainement faire. En fait, elle vient même bouger sa tête de sorte à ce que la main du Monsieur passe plus facilement entre ses cheveux pour mieux la gratter. Cette technique semble être d'une efficacité absolue au vu du léger sourire qui se forme automatiquement sur ses fines lèvres.
La vieille femme, après un court échange avec son fils, se décide à approcher Cheeko. A son tour, elle passe une main dans ses cheveux. La méthode est différente, tout comme l'objectif, mais le procédé reste aussi agréable que précédemment. Elle vient faire les mêmes gestes, sur l'avant-bras de la sauvageonne cette fois-ci.
Maman Callahan (PNJ): "Jojo, hein ? Qu’est-ce que tu dirais d’une tarte aux poires ?"
Jack réagit en premier. Ce n'est pas bien difficile, Cheeko n'a simplement fait que ses habituels yeux ronds d'incompréhension. Tarte aux poires, tarte aux pommes... Ces mots ne semblent rien éveiller dans son esprit. Pas même le moindre souvenir du Frère Svenn qui lui a fait découvrir le délice des tartes. Si les mots n'éveillent rien... Les odeurs en revanche...!
Avez-vous déjà entendu parler du goût de l'odeur ? Si vous avez eu à faire à un mauvais cuisinier, vous avez très certainement dit que votre plat avait un goût de semelle ou de vieille chaussette. Pourtant, vous n'avez jamais mangé de semelle ou de vieille chaussette, le goût de ces objets est pourtant gravé en vous comme si c'était bel et bien le cas. Cela fonctionne aussi pour les bonnes choses, comme les fameuses tartes de la mère du moustachu. Cheeko les sent comme si elle les avait déjà sur une assiette devant elle. Quelle supplice que d'avoir un goût de dessert en bouche et une douce odeur sucrée au nez sans rien avoir avalé ! Effectivement, ce grondement vient bien de son estomac !
Gentiment en posant une main dans le dos de la fille des bois, Jack accompagne et installe Cheeko à une table dans le monde des rêves : La salle à manger. Sans tarder, la mère sort assiettes et couverts afin de servir ses petits délices après qu'elle ait soigneusement découpé sa tarte en plusieurs parts.
Voilà qui est étrange, voire illogique pour un esprit si perdu que celui de Cheeko. Assiette, couverts... A quoi est-ce que cela peut bien servir ? Des étapes supplémentaires pour se nourrir ? Pourquoi se donner tant de mal plutôt que de simplement prendre la part dans ses mains et de la dévorer comme un animal mange ses proies en piochant dedans directement avec sa gueule ? Elle ne se pose pas réellement ces questions. Elle n'a pas encore la lucidité pour. Son regard dérive lentement vers la tarte sous son nez avec un regard brillant de milles étoiles de bonheur.
Jack : "Ca sera plus simple de manger avec tes deux mains."
Elle écoute le moustachu, mais laisse ses mots traverser sa tête et son esprit sans y faire un arrêt. Ca rentre par une oreille et ça ressort par l'autre. Après tout, elle n'y comprend rien, surtout maintenant que son instinct se met enfin au travail.
La sauvageonne lâche les doigts de Jack, pas pour attraper sa fourchette, ça non. Elle attrape directement sa tarte et se rend soudainement compte de la fragilité de cette nourriture. Ce n'est pas un objet solide qu'elle peut saisir et manipuler comme bon lui semble, et elle le constate bien vite tandis que le bout de sa part commence à glisser vers le bas. Par réflexe, aussi inattendu que ce à quoi on pourrait s'attendre d'un esprit aussi enfantin, elle soulève la tarte jusqu'à la placer au dessus de sa bouche et croque la partie qui s'effondre avant qu'elle ne tombe ailleurs que dans sa bouche.
On pourrait s'attendre à ce qu'une fille si peu civilisée se mettre à tout dévorer sans prendre son temps, sans profiter du goût, dans le simple objectif de se nourrir. Il se passe tout l'inverse. Cheeko prend cette bouchée, repose doucement sa tarte dans son assiette le temps qu'elle finisse sa bouche et mâche lentement. A chaque milliseconde qui passe, une nouvelle étoile se met à briller dans son regard. Elle ne parle pas la bouche pleine, elle ne peut pas vraiment, mais elle produit divers sons de contentement.
Cheeko : "Mh... MH...! MH~!"
Une fois sa bouchée avalée, elle attaque une seconde fois sa part en faisant preuve de plus de précautions. Elle qui est si peu consciente de son environnement, elle a l'air très consciente de ce qu'elle tient entre ses mains pour cette fois-ci. C'en est presque intelligent ! Et elle continue, bouchée après bouchée. Du bonheur à chaque mouvement de mâchoire, la sensation d'un estomac qui se remplit... Les petits plaisirs de la vie que Cheeko n'a jamais vraiment connu, aujourd'hui comme il y a des années.
Il sera facile pour Jack de s'éclipser, surtout à l'arriver d'une deuxième part. La sauvageonne est une petite gourmande, bien que son estomac ne soit pas bien grand. Quand il s'agit de délices de ce genre, on peut facilement lui découvrir une faim pratiquement insatiable. Et avec une femme aussi douce que sa mère, le moustachu a tout le temps dont il a besoin pour régler ses petites affaires. Après un tel instant, il se pourrait bien que la fille des bois fasse un petit somme~...
- Pendant ce temps là, sur un banc...:
- Trois initiées, différentes en apparence, mais similaires dans la posture comme dans leur expression. Assises, coudes sur les genoux, mains placées de sorte à pouvoir reposer sa tête dessus... Un mot peut facilement les définir. Un mot qui vient à l'esprit de quiconque pose son regard sur ces trois jeunes filles. "Blasées." Combien de dizaines de minutes ont-elles attendu ici ? Elles-mêmes ne le savent pas. Chaque seconde passe tel un siècle entier. Lentement. Péniblement.
L'une des filles du trio se décide à briser le silence qui règne entre elles depuis trop longtemps déjà.
Initiée (PNJ): "... On va patienter encore longtemps comme ça ?"
Initiée (PNJ): "Nous ne pouvons malheureusement rien faire d'autre, je le crains..."
Initiée (PNJ): "Nous avons couru à travers de nombreux quartiers sans trouver le moindre indice de son passage. Comme si elle avait soudainement disparu de ce plan de la réalité. Les gardes ont bien plus de chances de la trouver que nous."
Initiée (PNJ): "... C'est nul."
Initiée (PNJ): "Que Lucy la garde..."
Initiée (PNJ): "Que Lucy NOUS garde. On va avoir de gros ennuis..."
En harmonie, les trois initiées du temple soupirent. Quelle horrible sortie...
A peine sortie dans la rue, j’alimente les muscles en énergie avec la tarte de ma maman, même si on sait très bien que ça ne fonctionne pas aussi rapidement, mais c’est bien un concept que je garde de quand j’étais gamin, où le simple fait de grignoter un truc fait par ma maman me donnait l’impression d’être tout de suite plus fort, capable de passer outre les plus grands obstacles. Quand on retourne auprès de sa mère, il y a toujours un peu plus de de notre enfance qui ressurgit. Bref, je me carapate vite fait, direction la taverne à quelques centaines de mètres de là. Qui sait ce qui pourrait se passer en mon absence ? Cette Jojo est tellement étrange, au final, qu’elle pourrait cacher d’autres secrets et devenir un danger pour elle-même et pour ma mère. On n’en sait rien, mais quand je suis présent, on y pense pas forcément parce qu’on se prend prêt à agir en conséquence si quelque chose se produit. En mon absence, j’ai une petite voix à mon oreille qui me chuchote que je peux revenir et trouver de bien mauvaises nouvelles une fois sur place. Autant faire vite alors. Je tourne dans une rue un peu plus passante. Je pourrais faire un détour, mais ça serait prendre un risque de perdre du temps. Pas que c’est plus long, mais on risque de croiser des gars qui connaissent ce genre de raccourci et c’est souvent des gens que je connais. Ils voudront causer, parler du beau temps et échanger des banalités qui sont toujours sympathiques, mais ça ne serait pas le moment. Et même s’ils finiraient par comprendre que je suis pressé, ça fera des minutes de trop. Et si j’en croise plein des comme ça, on a pas fini. Là, dans la cohue de la populace, on peut plus difficilement me reconnaitre et je peux plus difficilement entendre qu’on s’adresse à moi. Parce que refuser de parler délibérément à un copain, c’est méchant. Si on ne l’a pas entendu, c’est pas de la méchanceté, non ?
J’évite de bousculer les gens, parce que c’est pas correct, mais j’arrive à me frayer un chemin sans accident de parcours, me permettant de saluer deux connaissances. Si c’est moi qui commence et que je continue à avancer dans le même coup, les gens comprennent tout de suite que c’est juste un coucou en passant. J’arrive donc à la taverne du chat qui pête quelques minutes après avoir quitté Jojo et ma mère. J’entre précipitamment, manquant de rentrer dans un client et de renverser sa bière, ce qui serait vraiment un coup dur parce qu’on ne gâche pas de la bière. Le patron se retourne vers moi et m’offre son sourire le plus franc. C’est un pote. Un petit pote même. L’un des premiers.
-Ah ! Jack ! Ça fait longtemps ! Comme d’habitude, n’est ce pas ?
-Pardon, Terry. Mais j’ai besoin du réseau là, tout de suite.
-Ah ouai ? Bon. On va pas dire non au père du réseau, non ?
-ça ferait mauvais genre, pour sûr.
-Dis-moi tout.
-… Mets moi quand même un demi, si tu veux bien.
-Ah ! C’est le Jack que je connais ça.
Je suis pas alcoolique. Je peux m’en passer. Mais ne pas boire au comptoir d’un ami, c’est un sacré manque de savoir vivre. Je ne fais que respecter les conventions en consommant, même qu’un demi. Une fois servie, je lui expose mon problème. Je lui décris Jojo, non sans prendre un instant pour enlever un sourire plein de sous-entendus de sa figure, autant physiquement que sur certains aspects, dirons-nous, intellectuels. Je lui précise où je l’ai croisé pour la première fois et je lui demande de faire tourner l’information dans tous le réseau des petits potes. Il a pris scrupuleusement des notes sur un bout de papier qu’il glisse dans un petit étui avant de l’accrocher à la patte d’un écureuil, spécialement domestiqué dans la banlieue de la Capitale pour servir de coursier entre les différents membres du réseau des petits potes. D’ici une vingtaine de minutes, l’écureuil arrivera au centre de distribution central géré par mon ami Domovoï qui s’occupera de transmettre l’information à tous les établissements de la ville. Et peut-être bien qu’ils sauront des choses. Parce que c’est ça la grande force du réseau des petits potes. C’est que les gens directement concernés par la charge de Jojo ne vont peut-être pas allés dans une taverne, mais ils vont croiser des gens, leur parler et marquer leur esprit suffisamment pour qu’ils en causent au comptoir d’une taverne comme les gens simples aiment bien raconter les petits détails de la journée. Et là, les gens de mon réseau, servant une nouvelle bière, feront le rapprochement et feront remonter l’information. Il ne faut jamais sous-estimer la capacité des gens à causer de tout et de rien. Le rien peut-être si important pour quelqu’un d’autre. Terry m’assure qu’il me fera parvenir un message s’il reçoit du nouveau. Je le remercie et je finis mon demi alors que l’écureuil est déjà partie arpenter les toits de la ville. Si on ne trouve rien, on pourra étendre les recherches à l’échelle du royaume. Mais c’est sûr que les résultats prendront plus de temps.
Je ressors direct et je fais le chemin inverse, remontant la rue principale. Pas de bol, je croise un examinateur en mission dans le coin qui ne peut s’empêcher de faire un brin de causette avec. J’évite les pièges de la discussion qui peuvent durer beaucoup trop longtemps : savoir ne pas réagir à certaines informations, savoir changer de sujets avant de commencer à en développer un. Je parviens à m’en sortir sans devoir boire un verre avec. C’est dommage, il est sympa. Jeune et encore plein d’illusions sur le monde de l’administration. Je le laisse en plan avant de repartir chez mes parents. Et j’arrive sur le perron, le souffle court. Je frappe doucement et j’entre. Doucement, j’entre dans la salle à manger. Il s’est passé quoi, vingt minutes ? Peut-être trente ? La table a été rangée et il ne reste plus de tarte. Un bruit derrière moi et j’avise ma mère, les bras croisés sur sa poitrine.
-Qu’est ce qui …
-Elle s’est endormie.
-Ah.
-Je l’ai couché dans ta chambre.
-Ah.
Qui n’est plus utilisé, évidemment. Resté en l’état de quand je suis parti vivre ma vie d’adulte. On monte à l’étage en silence et elle ouvre la porte, je passe la tête. Là, dans la demi-pénombre du fait des volets fermés, je peux la forme fragile de Jojo, rompichant du sommeil du juste. J’ai un petit sourire attendri. Aucun accident. Aucun problème. Juste des problèmes très terre à terre. Je me retourne vers ma mère.
-Laissons là dormir.
-Tu veux un morceau de tarte ? J’ai réussi à sauver une part dans la bataille.
Je fais une grimace amusée.
-On ne dit jamais non à un morceau de tarte.
Voici toute les informations qui viennent à l'esprit de la sauvageonne. Bien entendu, elle est incapable de les traduire et de les communiquer pour féliciter la maman de Jack autrement qu'avec des sourires et un air satisfait.
La tarte ne fait pas long feu. La part suivante non plus. Et celle qui suit... N'en parlons pas. Elle est si vite partie dans l'estomac de la fille des bois qu'elle pourrait bien ne jamais avoir existé. Dire que Cheeko avale une part à la seconde serait comiquement exagéré, mais elle mange assez vite en effet. Si vite et si bien que cela force probablement un regard légèrement inquiet de la mère du moustachu. La sauvageonne ne va quand même pas tout engloutir toute seule ! Ca ne serait pas bien gentil, et puis, son estomac pourrait ne pas le supporter !
La stratégie n'est pas bien compliquée. La faim de Cheeko semble se baser sur ce qu'elle voit. Un peu comme un poisson assez stupide pour manger plus qu'il ne le devrait. Il suffit de cacher le reste de la tarte -pas grand chose- de ses grands yeux dorés, et le tour est joué.
Cheeko : "Mhhhh~..."
La fille des bois s'affale dans le fond de sa chaise, repue. Son regard divague vers le plafond tandis que ses paupières se ferment à moitié. Elle n'est pas particulièrement fatiguée, il lui reste encore pas mal d'énergie. Il s'agit simplement de la mémoire de son corps. Une mémoire qui lui rappelle ce qu'elle doit faire quand son estomac est rempli comme à présent. Dormir.
Comme dans un flash d'inconscience, Cheeko se retrouve allongée sur une matière des plus confortables. Il s'agit d'un objet dont elle n'a jamais eu l'habitude. Un bon matelas. Qu'est-ce, sur son corps ? Des draps aussi confortables que son matelas. Et sous sa tête, ce sac tout blanc ? Un oreiller encore plus confortable que ses draps et son matelas. Soudainement, la lumière se met à disparaître tel le soleil qui se couche en un instant à peine.
Il ne lui en faut pas plus pour la laisser voyager. Son esprit de chasseresse perdu, elle ne se pose pas la moindre question et se met en route.
En route pour une noyade dans le monde des rêves.
De quoi peut-elle bien rêver ? De quoi pourrait bien rêver un esprit aussi affligé que celui de la sauvage, de la primitive, de l'inculte et de l'incivilisée ? De nombreuses choses. Les esprits les plus simples sont parfois les plus créatifs, pour le meilleur et pour le pire.
Ce qu'elle voit dans sa tête transforme les esprits. Peut-être ne vaut-il mieux ne pas parler de ces formes difformes dansantes dans son esprit, ou encore de ces ombres nombreuses l'encerclant de toute part. Son état mental actuel n'est qu'une protection. Une protection contre une folie qu'elle a frôlé pendant trop longtemps. Qu'elle reste ainsi pendant quelques temps encore. Qu'elle se repose car elle n'est pas prête.
- Ailleurs...:
- Deux des initiées restent assise sur ce même banc. Elles y sont depuis de si longues minutes qu'elles pourraient bien laisser la marque de leur arrière-train encastré dedans. La troisième, quant à elle, fait les cents-pas. Pour garder son sang-froid, sans doutes.
Initiée (PNJ): "..."
Initiée (PNJ): "..."
Initiée (PNJ): "..."
La plus douce a les coudes posés sur ses cuisses et ses mains placées de sorte à pouvoir soutenir sa tête.
La plus sérieuse est affalée dans le fond du banc, les yeux levé vers le ciel, contemplant le soleil s'éloigner un peu plus à chaque instant.
La plus téméraire qui faisait ses cents-pas s'arrête soudainement.
Initiée (PNJ): "Mh ?"
Initiée (PNJ): "Hm ?"
Initiée (PNJ): "Hmph."
Non. Rien à signaler. Rien d'intéressant. Pas de Cheeko ici, pas de Cheeko là. Juste un trio d'imbéciles en pleine dépression qui ne savent plus quoi faire. Un trio qui ne peut qu'attendre encore et encore. Encore et encore. Encore et encore.
...
Garde (PNJ): "Mesdames !"
Initiée (PNJ): "Heh ?"
Initiée (PNJ): "Oui ?"
Initiée (PNJ): "Oh, c'est vous !"
Il s'agissait de l'un des gardes qu'elles avaient abordé plus tôt. L'un des premiers duquel le trio avait demandé son aide dans la recherche de la fille des bois.
Initiée (PNJ): "Par pitié dites-nous que vous avez des nouvelles..."
Dans cette simple phrase, on pouvait ressentir la fatigue et la lassitude des trois filles combinée. Un léger sourire se dessine sur les lèvres de l'homme d'armes tandis qu'il leur répond premièrement d'un hochement de la tête.
Garde (PNJ): "En effet. En faisant ma patrouille, j'ai entendu parler par hasard d'une étrange fille perdue qui colle à la description que vous nous en aviez faite ! On dirait qu'une sorte de rumeur est en train de courir."
Initiée (PNJ): "Quoi, vous l'avez pas encore retrouvée ?!"
Garde (PNJ): "Non. Mais si vous voulez bien me suivre... Voyez-vous, j'étais aventurier autrefois, et..."
Ainsi, le trio se met à suivre le garde avec grande hâte, priant Lucy qu'elles soient bien sur la trace de la sauvageonne grâce à ces rumeurs qui se mettent subitement à courir les rues. Le garde avait raison, on ne parle pas que de cette étrange fille, mais on retrouve plusieurs bouches parler de la rumeur concernant celle qui semble être une Cheeko bizarrement habillée et perdue.
Initiée (PNJ): "Bizarrement habillée ? Ca peut-être qu'elle !"
Initiée (PNJ): "Elle n'est pas bizarrement habillée !!"
Après quelques minute de marche accélérée, le trio dirigé par l'homme d'armes arrive à un établissement bien précis. La taverne du Chat Qui Pète. Les trois filles regardent le nom de l'endroit affiché sur un écriteau d'un air consterné.
Initiée (PNJ): "... C'est d'ici que vous tenez vos informations ?"
Garde (PNJ): "N-non je ne me reposais pas pendant mes heures de travail ! Je prends mon métier très au sérieux !"
Le trio s'échange un regard d'autant plus consterné.
Garde (PNJ): "Bon bref ! Entrons. En faisant un peu parler de vous, je suis sûr qu'on vous rapportera votre amie avant demain ! HEY ! TERRY !!"
"HEY RE-BONSOIR TERRY !"
Le garde se tourne vers le trio religieux en progressant dans le hall de la taverne.
Garde (PNJ): "C'est marrant, on s'appelle tout les deux Terry."
On dirait bien qu'il y a de l'espoir pour ces jeunes filles inquiètes. L'histoire aurait pu prendre une tournure bien plus dramatique. Heureusement, ce monde n'est pas comme les autres. De si sombres événements sont rares, surtout dans un quartier de bienveillance comme celui-ci.
Les mères sont machiavéliques.
Surtout que dans l’instant présent, je me fais un peu de souci sur la pauvre âme qui dort à l’étage. J’espère bien que quelqu’un viendra la chercher. Pas que je veux m’en débarrasser, mais ça voudrait dire qu’elle manque à quelqu’un et que cela fait toujours chaud au cœur de savoir que l’on manque à quelqu’un. On a l’impression de faire partie de quelque chose et pour Jojo qui semble définitivement correspondre à la définition d’être perdu, ça voudra surement dire quelque chose de fort le jour où elle sera capable de le comprendre. Et puis, je pourrais avoir des réponses aussi. Pourquoi est-elle ainsi ? Chacun a son histoire et celle de Jojo est clairement quelque chose de pas commun. Faut pas se méprendre, je vois vous dire que je prends un certain plaisir à connaitre des histoires extraordinaires ou profondément tristes pour les raconter en soirée. Pas du tout. Même si j’aime raconter des histoires, il y’en a qui ne méritent pas d’être exposé sur la place public. Et quand on aime raconter une histoire, c’est qu’on a un certain respect pour ce qu’elles veulent dire pour les gens qui l’ont vécu. Qu’elles ont parfois des leçons qui peuvent servir à d’autre. C’est ce qui faut se dire.
Avec ma mère, on parle bien deux heures, esquivant ces insinuations avec plus de souplesse qu’un serpent. On peut dire merci à mon expérience au contact de la noblesse. Puis on finit par frapper à la porte. Maman va ouvrir, me laissant un instant avec mes pensées avant de m’appeler soudainement. Je me lève et je la rejoins, tombant nez à nez avec trois jeunes femmes portant les attributs du culte de Lucy. Je hausse un sourcil. Je n’ai pas souvenir que les initiées aient l’habitude de faire du porte à porte pour réclamer des dons au culte Puis quand je m’aperçois que leur visage sont un savant mélange de retenu, d’espérance et de soulagement prêt à exploser alors qu’elles se tordent les doigts des mains d’une angoisse palpable, je me dis que c’est peut-être pour autre.
-Bonjour.
-Voilà.
-On vient de de l’auberge…
-Le chat qui pête.
-Le nom de l’auberge ça ! Hein !
-Et on a entendu parler que vous auriez…
-Retrouvé ?
-Notre petite Cheeko.
Trois visages plein d’espoir. Je fronce les sourcils.
-Cheeko ?
Je tourne la tête vers maman.
-Jojo ? Une fille un peu pâle avec une queue ?
-C’EST ELLE !!
-OUI !!
-OH MERCI LUCY !!
Sûr qu’on peut la remercier de les avoir mis sur le perron de mes parents. Visiblement, Terry a bien fait le boulot. On les invite à entrer, leur intimant de ne pas trop faire de bruit. On monte à l’étage et chacun leur tour, elles peuvent identifier leur protéger dans un demi-sommeil réparateur. Peut-être que c’est bientôt la fin, mais on descend au rez-de-chaussée, attendant que ça se termine. Evidemment, on nous remercie de s’être occupés d’elle. Je leur fais rapidement un résumé de ce qui s’est passé avant d’en venir à une question que je me permets parce que j’estime avoir droit à une réponse, tout de même.
-Dites-moi. Qui est-elle ? Elle n’a pas l’air très… bien dans sa tête. Qu’est ce qui lui est arrivé pour qu’elle soit dans cet état-là ? Comment l’avez-vous récupéré ?
... C'est très inintéressant ce qu'il se passe dans son sommeil. Dans un scénario pré-écrit, elle se réveillerait et se mettrait, dans un éclat de conscience, à écouter une conversation dans la cuisine qui la concerne. Une conversation à la tournure dramatique, une dispute ! Des gardes qui viennent frapper à la porte, ils viennent pour Cheeko !
Mais ce n'est pas un scénario pré-écrit qui prévoit action et drames. Non. C'est le calme plat. Cheeko dort. Whiskeyjack converse paisiblement avec sa tendre mère autour des restes de la meilleure des tartes.
Et c'est tout.
Quel beau monde qu'est le nôtre.
*Toc toc toc*
Initiée (PNJ): "Bonjour."
Initiée (PNJ): "Voilà."
Initiée (PNJ): "On vient de l'auberge..."
Initiée (PNJ): "Le Chat qui Pète."
Initiée (PNJ): "Le nom de l’auberge ça ! Hein !"
Initiée (PNJ): "Et on a entendu parler que vous auriez…"
Initiée (PNJ): "Retrouvé ?"
Initiée (PNJ): "Notre petite Cheeko."
Trois inconnues venant visiblement du Temple à la recherche de quelqu'un. Une certaine Cheeko. Un nom que ni le moustachu ni sa mère adorée n'ont entendu de toute leur vie. Ils ont pourtant une personne probablement disparue, dans l'une de leurs chambres. Il ne leur faudra pas longtemps pour lier les deux bouts. Mère et fils font une description de Cheeko. Courte, mais efficace. Suffisamment efficace pour faire bondir de joie les trois initiées désespérées, même la plus sérieuse du groupe.
Initiée (PNJ): "C’EST ELLE !!"
Initiée (PNJ): "OUI !!"
Initiée (PNJ): "OH MERCI LUCY !!"
Après avoir été calmées lors de l'explication de la sieste de la fille des bois, le trio est invité à entrer. Bien entendu, elles sont guidées jusqu'à celle qu'elles pensent être Cheeko. Lucy soit remerciée, il ne s'agit pas d'une erreur. C'est vraiment la sauvageonne. Chacun son tour observe et constate la sieste paisible de "Jojo", comme si elle n'était inquiète de rien dans son sommeil. Comme si elle ne savait même pas qu'elle était perdue. C'est... Préférable, qu'elle n'ait ressenti aucun stress. Qui sait ce qui aurait pu lui arriver, la pauvre ?
Soulagées, les filles sont accompagnées au rez-de-chaussée. Elles ne manquent pas de fondre et de se confondre en remerciements. Sans Jack, sans sa mère... Qui sait où Cheeko aurait pu finir ? La seule idée de la laisser passer sa nuit dehors fait frissonner chacune des trois invitées. Sans tarder, car il mérite des réponses, le seul homme de la pièce pose ses questions.
Jack : "Dites-moi. Qui est-elle ? Elle n’a pas l’air très… bien dans sa tête. Qu’est ce qui lui est arrivé pour qu’elle soit dans cet état-là ? Comment l’avez-vous récupéré ?"
Initiée (PNJ): "Oh, euh..."
Initiée (PNJ): "Oula, on commence par quoi ?"
Initiée (PNJ): "Par le début."
Heureusement, l'atmosphère est bien plus détendue pour ces fils. Non seulement car elles sont soulagées d'avoir enfin remis la patte sur leur protégée, mais sans doute aussi car ce salon est tout chaleureux et agréable. Qu'il est bon de commencer une conversation dans une pièce telle que celle-ci. Ca leur change du Temple.
Initiée (PNJ): "Bon, ben... Du coup son nom, c'est Cheeko ! Et pas... "Jojo". C'pas comme si elle savait se présenter en faisant des courbettes celle-là..."
Initiée (PNJ): "Et justement... Oui, elle n'est pas très... "Bien", dans sa tête. Notre Sœur a évoqué plusieurs théories, mais nous n'avons pas encore la réponse exacte. Le docteur ne nous a point encore renvoyé de message. Ce que nous pouvons vous dire en revanche, c'est que Cheeko n'a pas toujours été comme ça..."
Initiée (PNJ): "De ce que nous savons, Cheeko est une sorte de sauvageonne. Elle vivait dans la forêt. De ce que quelques témoignages nous ont révélé, elle vendait des plantes aux bords de la Capitale. Elle aurait disparu pendant une ou deux années. A son retour, elle n'était plus la même. Elle n'était pas devenue comme elle est aujourd'hui, non. Elle serait devenue plus sauvage et commençait à effrayer les habitants aux abords de la ville. Un de nos Frères aurait décidé de rentrer en contact avec Cheeko pour comprendre la situation, et éventuellement régler tout éventuel problème paisiblement. Là, je ne saurais vous dire ce qu'il s'est passé, exactement. Elle aurait subi comme un... Choc mental. Elle aurait perdu connaissance, et notre Frère a décidé de la ramener au Temple pour que nous puissions nous occuper d'elle, que Lucy puisse lui venir en aide. A son réveil, Cheeko était... Et bien... Comme vous avez pu la voir aujourd'hui."
Les initiées laissent un instant de silence s'installer. Elles aussi se mettent à réfléchir, tout comme elles ne cessent de le faire quand elles pensent à Cheeko. L'une d'elles reprend avec légèreté, comme si elle avait peur de ce dont elle allait parler.
Initiée (PNJ): "Quand nous nous sommes occupées d'elles après qu'elle nous ait été rapportée... Nous avons découvert d'étranges plantes aux sombres couleurs. Nous les avons envoyées à un spécialiste -dont nous attendons aussi un message- mais notre Sœur pense qu'elle produit une sorte de... De drogue ou de je ne sais quoi de nocif pour la santé. Elle en avait partout sur elle. Dans ses cheveux... Sur sa peau... Ces plantes constituaient même partiellement ses vêtements. Nous pensons que ces choses ont joué un grand rôle à ce qui est arrivé à notre Cheeko..."
Le silence fait son retour. Les initiées ne peuvent dire grand-chose de plus quant à ce qu'elles savent sur Cheeko. Leur travail est principalement de veiller sur elle, et lui tenir compagnie le temps qu'elle se remette de tous ses maux, si une telle chose est encore possible.
Je passe le mot sur mes lèvres en me la visualisant. C’est tout de suite mieux quand on met un prénom sur quelqu’un. Au fond de soi, la personne parait plus complète. Le prénom, c’est quelque chose qui fait partie de nous. De notre identité. De notre histoire. Je garderais Jojo pour d’autres occasions, quand elle ira mieux, s’il y a d’autres occasions en fait. Nul ne sait de quoi sera fait l’avenir. A mes côtés, ma mère prend parfaitement conscience de l’ampleur de la problématique de Cheeko. Je mets un instant de plus qu’elle, mais l’état des lieux brossés par les jeunes initiés du Temple n’est guère reluisant. En sous-texte, on comprend qu’elle n’a pas de famille, pas vraiment de passé. Presque pas de repère. Au-delà de ce « choc » qui l’a changé, tout est un bouleversement en soi. Une vie sauvage dans la campagne, rejetée de la société des hommes, puis maintenant la capitale, le monde et ses nombreux codes. Probablement que ce changement d’ambiance ne doit pas beaucoup aider à la faire revenir à son état normal. Mais est-ce l’état que l’on veut ? Doit-elle revenir à cette vie sauvage ? Surtout que cette histoire de plantes, ce n’est guère rassurant. En quelques minutes, Jojo n’est plus qu’une pauvre enfant perdu, elle est devenue Cheeko, un énorme problème complexe qu’on ne sait pas résoudre. NI même si on veut le résoudre.
-Quels sont vos plans pour elle ?
Je parle au sens général. Les plans du Temple. Car si les initiées n’ont que pour but de la surveiller, avec un succès mitigé, quel est la volonté de leur supérieur ? La soigner et la faire redevenir une humaine « normale » ? La faire reprendre sa vie initiale ? Ou alors, peut-être qu’elle ne guérira jamais, mais alors, compte-ils la garder à jamais ? Comme une initiée un peu particulière. Pour la protéger. Que comptent-ils faire pour lui faire reprendre sa raison qui s’est perdu bien plus loin que cette après-midi. Des questions légitimes qui n’ont probablement pas de réponses. Je pourrais activer les petits potes pour me renseigner sur le mal dont elle est victime, mais je crains d’avoir des résultats limités. Ce n’est pas un domaine de compétence pour lequel mes associés ont beaucoup d’échos. Il vaut mieux demander à des experts comme l’Astre. Si quelqu’un doit savoir, ils sauront.
C’est à pas feutré qu’elle arrive, passant la tête dans l’entrebâillement de la porte, son regard à demi-ensommeillé se posant sur les trois initiés. Visiblement, elle est agréablement surprise de les voir ici, même s’il est difficile de bien déchiffrer son comportement. C’est une fois devant moi que je me rends compte qu’elle a changé. Un nom et une histoire, ça a vraiment de l’importance. Je sais que je n’ai plus ce regard attendris sur elle mais plutôt de la tristesse quand on pense à ce qu’elle a vécu et son futur pleins d’interrogations. Pas facile. Même pour ceux avec qui on passe peu de temps, on leur souhaite de redresser la pente et de trouver la voie qui leur correspond ou ils pourront s’épanouir pleinement. Même si ce fut court, je sais qu’intérieurement, elle a un bon fond et qu’elle mérite de s’en sortir. Et ça aurait été un plaisir de l’aider.
Et c’est assurément le temps de la séparation. Les initiées doivent surement retourner au Temple. Ou à d’autres affaires. Je lui fais alors face et je reste un instant songeur avant de lui sourire, parce que sourire, c’est important, même quand il y a de la tristesse.
-Salut Cheeko. Moi, c’est Jack. Rentre bien avec tes amies. Et évite de les perdre, cette fois.
Je passe ma main dans ses cheveux, lui gratouillant la tête comme je le ferais pour un enfant. Ce qui ne doit pas être si loin de la réalité, son esprit amputé d’une partie d’elle-même à cause de ces traumatismes. Alors un peu de gentillesse et de bonté, surtout avec les membres du temple, seront peut-être les ingrédients qui la sauveront. Qui sait ? En théorie, il y a quand même une déesse à la clé capable peut-être de miracles, non ?
"Quels sont les plans pour Cheeko ?"
L'aider à se rétablir ? L'aider à s'intégrer à la société qui l'entoure ? Les trois initiées s'échangent un regard soucieux, car au fond, seul Lucy le sait... La plus sérieuse des trois initiées se frotte les yeux d'une main, fatiguée de cette journée comme de cette situation compliquée.
Initiée (PNJ): "Tout dépend de si elle retrouve la capacité de faire un choix un jour. Dans quel cas, la suite de sa vie de dépendra que d'elle-même, bien que j'espère qu'elle fera le choix de rester parmi-nous ou de commencer à mener une vie normale plutôt qu'une vie de sauvage. Mais dans le cas où elle reste affligée comme elle est à tout jamais, ce qui est une éventualité que nous ne pouvons point écarter... Nous... Le Temple pourrait la garder pour la protéger. Cheeko n'est pas idiote, nous pourrions lui trouver un rôle-..."
Initiée (PNJ): "T'avance pas trop."
L'interrompt l'autre initiée. Sa voix est sévère, soudainement chargée de rancune.
"Souviens-toi de comment ont réagi certains quand Frère Aord a ramené Cheeko au Temple. J'aime voir la vie en rose mais il existe des sacs à merde sans cœur qui vont préférer voir Cheeko dégager sous prétexte qu'elle coûte trop cher à garder ou je sais pas quelle connerie du genre. Faut qu'on lui trouve une vraie solution à cette fille. Elle s'en sortira jamais sinon."
Initiée (PNJ): "... E-En effet. Certains membres du culte de Lucy refuseraient qu'une sauvageonne handicapée séjourne au sein de notre Temple. Mais... Ils ne pourraient jamais refuser ce droit à un autre membre du culte. Souvenez-vous de ce que notre Sœur nous a dit."
Initiée (PNJ): "Heh ?"
Initiée (PNJ): "En effet. Si Cheeko ne guérit pas et que nous ne trouvons rien de mieux pour elle, nous pourrions faire d'elle non pas une croyante, mais une fidèle. Ca serait un peu de travail, mais je suis sûre qu'elle parviendrait à s'affirmer en tant qu'initiée."
Initiée (PNJ): "Peut-être pourrait-elle même grimper les échelons et finir par devenir une prêtresse !"
Au même moment, un bruit attire les regards de tout le monde dans le salon. Un bruit au niveau de la porte maintenant entre-ouverte. Derrière, on peut apercevoir une silhouette. Elle n'est pas bien grande. Ses membres sont fins. Dans la pénombre, l'on ne voit briller que ces deux orbes dorés qui lui servent d'yeux. Quelle genre de créature cela peut bien être si ce n'est...
"Jojooooo~?"
... Cheeko ?
Cette dernière pousse la porte au même moment, laissant la lumière du salon l'illuminer elle et cet air bête qu'elle porte sur son visage avec sa bouche en o.
Initiée (PNJ): "CHEECHEE ! J'TE JURE ON VA FINIR PAR TE FOUTRE UN COLLIER AU COU !! TU TE RENDS PAS COMPTE DE LA FROUSSE QUE TU NOUS A FICHU GROGNASSE !!!"
Initiée (PNJ): "Surveille ton langage ! Elle va finir par répéter tes grossièretés !"
La première se jette sur Cheeko tandis que les deux autres se lèvent plus calmement de leur siège ou canapé, pas moins contentes que voir que leur protégée est réveillée et en bon état.
Initiée (PNJ): "Encore une fois, nous vous remercions tout les deux pour avoir prit soin de Cheeko. Sans vous, je ne sais pas comment nous aurions fait pour la retrouver."
Dit-elle à Jack et à sa mère.
"Maintenant qu'elle est réveillée, je pense que nous allons retourner au Temple."
Initiée (PNJ): "Heh ? Et notre séjour à la Capitale alors ? On aura à peine passé une après-midi ici !"
Initiée (PNJ): "Je ne prendrais pas le risque de la perdre du regard une seconde fois dans une ville aussi grande."
Initiée (PNJ): "Et maintenant qu'elle a bien dormi, elle va être en forme ce soir. Il va aussi falloir la garder à l'œil sur le chemin du retour."
Les trois initiées grimacent en même temps.
Initiée (PNJ): "... Pas de repos pour les braves."
Maintenant que l'égarée a de nouveau rejoint l'équipe, le groupe se tourne vers le moustachu. Ce dernier s'était lui-même approché pour faire face à Cheeko, lui et son air gentil. Il reste un instant comme ça, le temps d'observer la fille des bois plus en détails.
Jack : "Salut Cheeko. Moi, c’est Jack. Rentre bien avec tes amies. Et évite de les perdre, cette fois."
Les initiées font quelques commentaires comme quoi c'est plutôt à elles de mieux faire attention, mais ce n'est que secondaire au regard que la sauvageonne lance au monsieur lorsqu'il se met à passer sa main sur ses cheveux. Un regard bien différent que celui qu'elle a porté à tout ce qui l'entourait aujourd'hui. Ce n'est pas le regard d'un mort au réveil, ce n'est pas non plus un regard qui brille de milles étoiles devant une bonne tarte. Non, c'est un regard... Normal. Elle cligne des yeux une paire de fois avant de commencer à ouvrir la bouche pour prononcer quelque chose de sa voix abimée.
Cheeko : "Ja... Cko..."
Une réaction. Une.
Finalement, cette sortie à la Capitale n'aura pas été totalement inutile.
Initiée (PNJ): "Elle... Oh, elle, MOOOOOOOOOOOH !!! ELLE A REAGIT~!!!"
Initiée (PNJ): "Par pitié cesse d'hurler...
C'est tout. Il n'y a rien de plus à cette réaction. A peine le nom du monsieur est prononcé que Cheeko se met à redevenir... Cheeko. Saura-t-elle se souvenir de ce nouveau mot ? Cessera-t-elle enfin de répéter jojo en boucle ? Seul le temps nous le dira.
Initiée (PNJ): "Hmph. Bien, nous devrions nous presser un peu, il commence à se faire sérieusement tard."
Le groupe est raccompagné jusqu'à l'entrée de l'habitation. Il est vrai que la nuit est bien sombre à cette période de l'année. Si elles ne se hâtent pas, Cheeko pourrait bien trouver l'occasion de s'éclipser une fois de plus. Personne ne veut ça.
L'une après l'autre, chacune des filles passe le pas de la porte en saluant Jack et sa mère, et en leur souhaitant une excellente soirée après les avoir noyé une fois de plus sous les remerciements pour avoir retrouvé et prit soin de la sauvageonne. Sauf Cheeko, bien sûr. Il aura d'ailleurs fallu pousser un peu cette dernière pour lui faire comprendre qu'il était temps de partir. Elle était bien, ici.
Une initiée prend cependant un peu de retard. Se retournant avant que la porte ne soit fermée derrière elle, elle s'adresse directement au moustachu.
Initiée (PNJ): "Nous ne savons pas encore ce qu'il adviendra d'elle. Nous ne pouvons pas le prédire. Une chose reste sûre. Nous, ainsi que le culte que nous représentons toutes les trois, souhaitons voir cette âme égarée retrouver sa lucidité d'antan. Si vous pensez pouvoir l'aider d'une manière ou d'une autre, n'hésitez pas."
Elle se retourne une nouvelle fois, cette fois-ci pour se mettre à partir pour de bon, pas sans prononcer de dernières paroles toujours destinées au monsieur.
Initiée (PNJ):
La scène se termine sur quatre silhouette qui s'éloignent d'une habitation dans un petit quartier de la Capitale. De ces quatre silhouettes, on peut apercevoir au loin que l'une d'entre elles n'arrête pas de se retourner pour faire de grands signes de bras. Si on tend l'oreille, on peut même l'entendre faire du bruit, du bruit qui se veut ressembler à des mots, mais cela reste du bruit sans grande signification.
|
|