L'héritage vivant
Nivan & Leffe
”C’est qui le plus beau des Tsi’ly ? C’est qui le plus beau, c’est toi !” Souffla affectueusement le vieux garde, en passant ses doigts dans la crinière de son familier. “Tu veux une friandise ? J'ai ramené quelques bonnes pommes juteuses des cuisines juste pour toi ! ” Un petit sourire niais aux lèvres, il posa un petit baiser sur le museau de la bestiole. Tu te posas non loin d’eux, et laissas échapper un rire léger. ”T’es complètement gaga, tu le sais ça ?” Il se tourne vers toi, riant aussi. ”Tu dis ça car tu es jaloux de ne pas en avoir un ! Puis, c’est ma seule famille avec vous alors forcément que je suis aux petits soins.” Il plonge son regard dans celui de son familier, un regard empli d’une pure affection. ***
”T’sais y a des jours où je regrette de pas avoir eu une femme et des enfants... J’ai peur de partir en ne laissant derrière moi.” Te confia ton ami, son nez dans la cervoise et son poing serré sur la table. Il poussa un soupir. ”Qui se souviendra de moi si je meurs demain ? Mon nom ne sera pas gravé dans l’histoire comme celui de nos capitaines... ” Grogna-t-il d’une voix désespérée, où tu crus même percevoir un léger sanglot. Il renifla bruyamment, avant d’essuyer machinalement l’alcool avec le dos de sa main. Il releva la tête pour croiser ton regard bleuté, son visage était défait. Il leva sa choppe et but une longue rasade. ”J’en peux plus …" Marmonna-t-il, tout en répétant plusieurs fois ces derniers mots. ”peux plus...”
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”DES CERBERUS !” Hurlait ton ami en sortant sa longue épée et son bouclier. ”TENEZ VOS POSITIONS !” Vous les aviez repérés trop tard à cause de la tempête. Tu te plaças non loin de lui, prêt à accueillir les chiens à trois têtes, les autres entrant en formation rapidement. Vous étiez habitués à travailler ensemble.
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La douleur était horrible alors que le kerberus alpha jouait avec toi, comme ton fils le faisait avec une poupée de chiffon. Tu crachas du sang alors qu’une ombre s’approcha de toi en hurlant. “LEFFE !” Ton ami se battait comme un diable. Il était l’un des derniers encore debout. Tu aurais aimé lui dire de fuir, vous abandonner, mais le vétéran se jeta sur le chef de la meute, plantant sa longue épée dans l’œil de celui-ci. “Lâche le connard !” Cracha le vétéran. Tu tentas de bouger ton bras brisé dans sa direction sans y parvenir.
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”Nous n’avons pas retrouvé son corps, ni ses armes pour l’instant le garde Osrance est simplement déclaré disparu.” Ces mots te hantaient. Un espoir vain avait planté ses griffes dans ton cœur... et pourtant tu ne pouvais t’empêcher de prier Lucy qu’il soit encore en vie. Tu posas ta tête contre l’encolure du Tsi’Ly. ”je t’ai ramené une pomme.” Tu allais prendre soin de son familier, tant qu’il ne serait pas là pour le faire... Et tu lui ferais la réflexion quand il reviendrait.
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”Voici son bouclier... Il est en assez mauvais état comme tu peux le voir.” Tu le pris, les mains légèrement tremblantes. Tu te mordis la lèvre pour retenir les larmes qui te venaient. ”Et pour son familier, tu as déjà tout, son nouveau maître l’attendra à la lisière de la forêt proche de la Capitale. Ça va aller ? Je peux envoyer un autre gars t’sais ...” Tu grimaces. ”Non, je dois le faire et c’est sur mon chemin pour retourner à Grand Port. “ Tu avais demandé une permission pour assister à l’ouverture du testament de ton ami, et tes supérieurs t’avaient laissé faire avec l’appui du médecin, pensant que ça t’aiderait à passer à autre chose. ” tu diras au revoir aux gars pour moi...” Ajoutas-tu avant d’attraper les rêves du Tsi’ly et de saluer le garde en face de toi. Puis, tu commenças à t’éloigner, quand tu passas les remparts tu entendis un : “Reviens quand tu veux, t’auras toujours une place ici!” Tu ne te retournes pas. Tu ignores la petite larme qui coule et tu te mets en route.
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Dix jours déjà que vous aviez quitté les montagnes, dix jours que tu avais passé seul en compagnie du Tsi’ly à te remémorer tes amis disparus lors de ce jour fatidique. Ça t’avait fait du bien. Puis, il fallait dire que le familier était adorable. Toujours à tes côtés, comme s’il voulait partager sa peine avec toi. Un léger sourire aux lèvres, tu l’observas croquer joyeusement dans un buisson de baies, tout en passant un vieux torchon sur le bouclier. Tu avais réussi à retirer pas mal de crasse, mais il restait tout de même dans un sale état, mais tu pourrais toujours trouver un artisan pour le réparer.
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Une langue visqueuse passa sur ton visage, te forçant à ouvrir les yeux. “Pouah... Mais ca va pas ?” Tu regardas le Tsi’Ly avec désapprobation tout en essuyant la base qui coulait le long de ta joue. Un rire attira ton attention, c’était celui de vieux paysan qui t’avait invité à monter sur sa cariole pour t’emmener jusqu’au village où tu avais rendez-vous. ” Il a décidé de vous réveiller de lui-même comme je n’y arrivais pas !” Il tendit un bras vers un bâtiment. ”Là-bas c’est l’auberge où vous devez rencontrer votre gars.” Ajouta-t-il alors que tu sautais du chariot après avoir récupéré ton bouclier et le reste de tes affaires. Il te salua rapidement, avant de repartir sur le chemin terreux. Tu regardas autours de toi, tu devais trouver un certain Nivan Drayr, forgeron et noble pour les rares informations que tu avais. ”Allez, suis-moi Ulysse.” Tu saluas les quelques villageois que tu croisais, pour t’arrêter près des écuries. ”Tu vas pouvoir te reposer ici, le temps que j’trouve ce Nivan.” Tu posas quelques pommes, avant de repartir vers la taverne. Tu aurais plus de chance de le trouver à l’intérieur. Tu t’approchas du comptoir où une demoiselle était occupé à servir quelques bières, et t’arrêtas devant elle. ”J’peux faire quelque chose pour toi ? Un verre ? Une assiette ? Une chambre ?” Demanda-t-elle avant même que tu puisses ouvrir la bouche, un sourire avenant aux lèvres. ”je cherche un certain Nivan Drayr, je dois le rencontrer ici... Est-ce que vous savez s’il est déjà là? Et je prendrai sûrement une bière et de quoi manger plus tard. ” Tu avais parlé d’une voix forte, attirant l’attention des rares clients présents.
Mais à la lecture de la nouvelle, son regard s'était éteint. Il ne pensait pas qu'il aurait pu être atteint de la sorte pas ce genre de nouvelle. Surtout qu'en réalité, si on voulait rester pragmatique, ils ne se connaissaient pas personnellement. Nivan avait le souvenir d'un homme bon. Ca lui faisait indéniablement mal de savoir qu'il avait péri, même s'il paraissait que mourrir au combat était un grand honneur, le Maître forgeron n'avait jamais cru au fait qu'il puisse y avoir un quelconque honneur dans la mort.
Assis à son bureau au fond de son grand salon, il avait soupiré. Attristé par la nouvelle. Il avait lu la suite. La seconde page du document était une copie d'un paragraphe du testament le concernant. A priori, ce soldat avait une monture, Un tsi'ly dont il souhaitait faire don à Nivan. Un héritage? Nivan resta interloqué devant la nouvelle. Comment pouvait-il avoir été nommé héritier d'un homme qu'il n'avait pas connu si bien que ça? La nouvelle s'accompagnait d'une lettre manuscrite, probable qu'il l'ai lui même écrite à l'attention de tous les gens à qui il comptait faire don de quelque chose.
"Cher Monsieur Nivan Drayr,
Si vous recevez cette lettre, c'est que je ne suis plus de ce monde. Je vous écris à vous comme aux autres de ne pas être triste. Tous les hommes et les femmes de la Garde savent à quoi ils s'engagent en prenant les armes. J'ai été plus qu'honoré de me battre un peu à vos côtés en me servant de vos créations. Si mon bouclier n'a pas su me protéger, c'est que mon heure était venue, ne vous en sentez pas coupable.
Je souhaiterais que vous preniez soin d'Ulysse. C'est mon compagnon de voyage depuis plusieurs années maintenant. Il a besoin du repos qu'un homme tel que vous pourra lui apporter. Il a vécu beaucoup de chose au sein de la garde, et je crois que comme moi, il est temps pour lui de prendre sa retraite. Il sera toujours heureux de vous emmener où vous le voulez.
A bientôt dans un autre monde.
Amicalement."
Nivan avait posé la lettre sur le bureau. Interdit. Nivan, de par son apparence, n'avait pas toujours bonne presse auprès des animaux. Il ne savait pas trop comment le dit Tsi'ly allait bien pouvoir prendre la nouvelle. C'était une position délicate, à vrai dire. Il n'était pas franchement heureux de la nouvelle. Pas parce qu'il n'aimait pas les Tsi'ly, au contraire. Mais parce qu'il ne s'en jugeait pas franchement digne. Et aussi, parce que s'il était amené à en hériter, c'était qu'un homme bon était mort. Il soupira. La lettre stipulait un rendez-vous dans une auberge à la lisière de la forêt, non loin de la capitale, quelques jours plus tard.
Dans les jours qui suivirent, il se demanda plusieurs fois s'il s'y rendrait. C'est en fait un peu au dernier moment qu'il prit sa décision, attrapant son long manteau pour se mettre en route. A pied, il en avait pour une heure de marche. Cela lui changerait les idées. Il arriva sur les lieux au bout de cette heure de marche. Poussant la porte de l'auberge, s'attirant tous les regards comme à son habitude.
Impassible, il traversa la pièce pour se mettre dans un coin isolé, à droite de l'entrée. Demandant une bière, il ignora les regards tournés vers lui. Beaucoup le connaissaient déjà depuis longtemps. Mais son apparence draconique laissait rarement indifférent. Il s'y était habitué. La bière servie, il la porta à ses lèvres, balayant du regard chaque homme se trouvant là, ne sachant pas franchement si l'homme qu'il attendait était arrivé.
Il eu à peine le temps de se poser la question. Bientôt, un nouveau voyageuse vint se présenter au comptoir. Nivan perçu sans mal le nom qu'il venait de prononcer. Il n'eu pas à répondre cependant, à priori, la jeune femme qui servait au comptoir le connaissait puisque son regard glissa sur lui comme si elle désignait une "chose" à l'homme qui lui avait posée la question.
Alors que leur regard se croisait, Nivan adressa un signe de tête à cet inconnu, lui signifiant par ce geste qu'il était bien celui qu'il cherchait. Nivan n'était pas un homme très bavard. Il ne l'avait jamais été. "Bonjour, vous êtes bien Leffe Ruby? Votre nom était mentionné dans les missives". Précisa Nivan d'une vois claire, mais grave. Comme à son habitude, il n'avait pas sourit. Il avait la réputation d'être un homme pédant de par sa froideur et son manque d'éloquence. Mais il n'en était rien.
L'héritage vivant
Nivan & Leffe
"Bonjour, vous êtes bien Leffe Ruby? Votre nom était mentionné dans les missives" L’homme qui avait parlé était installé non loin de l’entrée. Tu te rapprochas de lui, jaugeant du regard celui qui allait hériter du familier de ton ami. Il devait avoir quelques années de moins que toi et avait un visage assez agréable à regarder malgré ses traits... draconique ? M’enfin parmi toutes les bizarreries que tu avais pu voir dans ta vie, ce n’était pas les cornes et les écailles de ce mec qui allait te déranger. L'expression du noble était neutre, voire froide et ça c’était déjà plus gênant pour toi. Tu ne savais jamais sur quel pied danser avec les gens inexpressifs.
”Bonjour, je suis bien Leffe Ruby.” Soufflas-tu en reprenant ses mots, bon tu n’avais qu’à agir normalement. Pas besoin de te monter le bourrichon, tu n’étais plus un gamin. ” Je peux ?” Demandas-tu en montrant la chaise en face de la sienne, tu ferais dos au reste de la salle mais tu n’étais pas assez paranoïaque pour réclamer la place près du mur. Sans attendre la réponse, tu t’installas, après tout il n’avait pas terminé sa bière. Tu n’allais donc pas le traîner dehors, et l’homme aurait peut-être des questions.
”Ça fait longtemps que vous attendez ?” Pour le coup tu demandais ça plus par politesse qu’autre chose... et pour empêcher un silence gênant. Deux inconnus qui se retrouvaient pour transmettre un héritage, y avait quand même mieux comme rencontre. Du bout des doigts tu viens tapoter le bois de la table. Que pouvais-tu dire dans de tels circonstances ? Tu regardes Nivan, le défunt ne t’avait jamais parlé de lui... Ou alors tu ne t’en souvenais pas. Il était tellement bavard. Le notaire t’avait juste dit que c’était un “proche”, mais qu’ils n’avaient aucun lien du sang. ”Je... toutes mes condoléances.” Baragouines-tu, avant de laisser échapper un soupir. Ces mots avaient toujours du mal à sortir de ta bouche, d’autant plus que tu avais l’impression de les mériter plus que ton vis-à-vis. Ce qui était égoïste et tu le savais. Tu t’en voulais de ressentir ça, même si le médecin que tu avais vu, disait que c’était normal, que ça passerait... mais dans combien de temps ?
Tu sens ta gorge se nouer. Tu as envie de vomir. Tu caches tes mains sous la table, tente de planter tes ongles dans ta peau sans succès à cause de ton don.”Vous avez peut-être des questions au sujet d’Osrance ? Ou d’Ulysse ? C’est un gentil familier, il a été adorable durant le voyage... ” Ces derniers jours en sa seule compagnie t’avait fait du bien. Tu baissas les yeux. Que pouvais-tu dire de plus ? Ou faire ? Puis, tu te rappelas quelque chose. Rapidement, tu fouillas ta besace pour en tirer des parchemins que tu posas devant le noble. ”J’ai ça pour vous. C’est les derniers documents au sujet de votre héritage.”Soufflas-tu en le regardant à nouveau, attendant de voir s’il avait des questions ou autres.
Il en vint à conclure que peut-être, il n'y en avait pas vraiment. Et que parfois, une justification n'est, de toute façon, pas nécessaire. Quoi qu'il en soit, il était là. Pas par avidité. Mais par respect. Il n'avait pas besoin d'une monture. S'il en avait voulu une, il s'en serait procuré une depuis longtemps. Mais ce n'était pas une question de besoin. Il se sentait responsable de l'animal, bien que ne l'ayant rencontré que peu de fois.
Il venait de trouver l'homme qu'il cherchait. Bien. Il ne savait pas trop qui il était par rapport au défunt. Aussi, il se montrait un peu distant. Ceci dit, c'était quelque chose d'habituel chez Nivan. Il le laissa s'asseoir en face de lui, le suivant du regard. Sans doute l'ambiance n'était pas ce qu'il y a de plus détendue entre les deux hommes. "Non, je viens d'arriver ne vous en faite pas." Reprit simplement le maître forgeron. Et tant bien même il aurait attendu, il n'avait pas à se plaindre. Il s'adossa. "Je vous le retourne. Au risque de paraitre bien impoli, je pense que vous le connaissiez bien mieux que moi." Reprit Nivan, se montrant le plus compatissant possible. Bien qu'en fait, il prononça ses mots avec un détachement qui pourrait être déroutant pour n'importe qui. Il était pourtant sincère. Bien plus que quiconque ne l'aurait cru. Bien qu'il ne soit pas capable de le montrer, il comprenait ô combien la perte d'un compagnon ou un être cher pouvait être compliqué.
"Je sais combien il tenait à Ulysse. Mais c'est à peu prêt tout ce que je connaissais de lui. Accepteriez vous de me parler un peu de lui?". Reprit Nivan avant de reprendre rapidement, sans trop laisser le temps à son vis à vis de répondre. "Sauf si bien sûr son souvenir vous est trop douloureux." Acheva Nivan, se montrant compréhensif. Il l'était. la situation n'était pas facile. Ni pour l'un, ni pour l'autre. Son regard se tourna vers les documents tendus, il les pris en y jetant un œil rapide. "Laissez moi vous offrir un verre, nous avons le temps." Termina t-il en interpellant un serveur d'un geste. Nivan sentait l'homme troublé. Quoi de plus normal. Probable qu'Osrance était son ami. Et lui n'était qu'un inconnu de plus.
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