Elle détestait les bibliothèques, un ramassis de livres poussiéreux qu’elle ne lirait jamais et que personne ne lirait jamais de toute façon. Il suffisait de voir la couche de poussière qui s’installait à certains endroits pour voir que la plupart des ouvrages étaient ignorés de tous. Elle était sûre qu’Oscar se jetterait d’abord sur ceux-là. Il l’avait tellement bassinée avec la grande bibliothèque du village perché qu’il avait accompli l’espoir de la faire venir en vraie dans ce gigantesque temple du savoir. Ça avait intérêt à valoir le coup …

D’habitude, Sarah se jetait sans vraiment se préparer dans ses quêtes. Elle avait récemment accepté une offre d’emploi d’une noble, dame Foudari Salwart un truc comme ça, qui consistait à rapporter de la toile de Tissenuit. Et bien entendu, juste après ça, elle était allée voir oscar pour lui demander tout ce qu’il savait à ce sujet. Mais ce pleutre avait fui en quête en ne lui laissant qu’un simple mot avec écrit : « cherche toi-même pour une fois ». La belle aventurière s’était donc rendue malgré elle à la fameuse bibliothèque en espérant y trouver ses infos avant de rejoindre la forteresse pour rencontrer son contact.

« Tissenuit, tissenuit … rah je comprends rien à leur classification à la con. J’étais dans les recettes de cuisine et maintenant je tombe sur le rayon théologies, que quelqu’un ‘explique le rapport entre les deux, cria-t-elle ».

Une vague de « chuuuuut » agacés lui répondit la faisant le ver les yeux aux ciels. Elle déambula encore quelques instants avant de finir par trouver le rayon dédié à la faune aryonnaise.

« Eh bah voilà, c’était pas si compliqué, prend ça Oscar … marmonna-t-elle. »

Elle parcourut les rayons jusqu’à trouver le rayon qui pourrait l’intéresser : FAUNE DES GROTTES ET DES MONTAGNES.

« Parfait »

Elle prit un livre au hasard et le feuilleta, cherchant la moindre mention des araignées qu’elle allait chasser, mais ses recherches ne lui apprirent pas grand-chose. Elle soupira et reposa l’ouvrage à sa place. Quelque chose lui disait qu’elle allait finir par dormir à même le sol comme Oscar …

Sarah passa bien une heure à éplucher tous les livres qu’elle trouvait, mais ne les prenant qu’au hasard, elle n’avançait pas vraiment. Agacée, elle faisait les cent pas dans l’allée tout en lisant rapidement les pages, elle marchait de plus en plus vite tellement elle en avait assez de ne pas trouver de réponses à ses questions. Elle allait jeter le livre quand elle sentit un objet dur lui rentrer dedans. Enfin dur … c’était un bien grand mot, c’était à la foi mou et solide. Elle recula et heurta une étagère faisant tomber une pile de livres recouverts de poussière.

« Oh pardon je ne vous avais pas … PUTAIN DE MERDE, cria-t-elle sous l’effet de la surprise. »

Elle recula d’un pas et trébucha en arrière sur l’un des livres, se retrouvant sur les fesses. Elle avait devant elle une sorte de … de quoi d’ailleurs ? Un mélange de toutes les pires cauchemars des enfants, incarné par un seul être ? La surprise restait fixée à son visage, se faire surprendre par pareille créature alors qu’elle était en pleine réflexion avait eu raison de ses derniers neurones encore valides.

Sarah finit par cligner des yeux et se rendre compte qu’elle avait à faire à une personne, si on peut dire ça … Elle se releva en s’appuyant sur les rayonnages.

« Mais il vous est arrivé quoi pour avoir une tête pareille ? C’est votre magie qui fait ça ? questionna-t-elle naïvement ».

Sarah s’avança, mais manqua de glisser sur un livre particulièrement poussiéreux qui était tombé pendant sa chute. Elle écarta son pied pour en lire le titre : CHASSE AUX SOUVENIRS : ENQUÊTE SUR LES DÉVOREURS DE MÉMOIRE.

« Charmant … »

Soudain, elle entendit un ricanement derrière elle et se retourna d’un bon. Une espèce de betterave sur patte s’était glissée derrière elle pendant qu’elle regardait l’autre monstruosité. Sarah eut un petit sourire en coin.

« Je savais qu’Oscar venait pas ici que pour les bouquins, y a aussi des soirées hein ? Avec un dress code et tout ? Parce qu’on m’a rien dit à l’entr … »

*Flash*

Une lumière aveuglante l’éblouit complètement au point qu’elle en perdit complètement la vision quelques instants. Elle se massa les yeux et quand elle les rouvrit elle s’écria :

« Par Lucy, mais qu’est-ce que vous êtes ! »

Elle avait posé de nouveau les yeux sur le petit monstre aux yeux rouges et avait reculé de terreur. Qu’est-ce qu’elle faisait dans … dans … Les sourcils de l’aventurière se froncèrent. Où était-elle exactement ? Elle avait beau essayer, impossible de retrouver le fil de sa journée et même celui de sa vie. Elle commença à paniquer.

« Mais c’est quoi ce bordel, je ... je me souviens de rien … »

Elle se tourna vers la seule autre chose vivante autour d’elle.

« Toi là, c’est toi qui m’as fait ça ? Pourquoi je me rappelle de rien parle ! »

« Humaine, comment ça humaine, mais t’as vu ta tête ? Tes yeux sont trois fois trop grands et … et … »

La femme était complètement abasourdie par ce qu’il se passait. Tous ses souvenirs semblaient englués dans une sorte de brouillard et cela la rendait folle. Tout était fragmenté, éparpillé, même son nom ne lui revenait pas. Elle se souvenait seulement du visage d’une fille aux cheveux noir et avec un air de garçon manqué, mais impossible de se rappeler son nom et pourtant elle avait l’impression qu’elle était importante à ses yeux.

« T’es faites en quoi au fait, parce que t’as même pas l’air d’être faite de chair et d’os. Regarde comme tu es fine sérieux, à quel moment tu trouves ça normal ! »

C’était la panique totale dans son esprit, même sa personnalité semblait avoir été touchée. Ses yeux balayaient les environs à toute vitesse, cherchant le moindre indice qui aurait pu lui permettre de comprendre ce qu’il se passait. Elle vit un tas de livre éparpillés autour d’elle, c’était peut-être un début.

« Faut que je me calme, faut que je me calme … »

Elle prit deux grandes inspirations pour essayer de faire retomber la pression. La chose ne semblait pas agressive, même si elle ne lui faisait pas confiance pour le moment.

« C’est bon je vais arrêter de t’agresser, mais je te préviens gros yeux, t’as pas intérêt à me mentir ! »

Elle avait repris son calme, mais sa langue restait acide. S’il lui était resté des souvenirs, elle saurait que c’était toujours le cas. Elle désigna du doigt les livres éparpillés.

« On dirait qu’on a fait tomber tous ses livres avant de perdre la mémoire. Ça a peut-être un rapport. Tu peux m’aider à fouiller ? »

La femme aux yeux verts s’agenouilla et commença à retourner toutes les couvertures pour chercher un quelconque indice. Elle n’avait aucun souvenir de toute façon, alors il lui fallait bien trouver ne serait-ce qu’un début de piste pour essayer de retrouver la mémoire.

Elle retourna tout le tas d’ouvrage sans grand succès. La plupart des concepts évoqués dans les titres ne lui parlaient plus. Même cette partie de sa mémoire avait été atteinte.

« Pourquoi j’arrive à lire, mais je ne comprends rien à ce que je lis, c’est tellement agaçant ! jura-t-elle pour elle-même »

Elle envoya l’un des livres valser dans les airs d’un bon coup de pied, dévoilant un autre ouvrage caché en dessous : CHASSE AUX SOUVENIRS : ENQUÊTE SUR LES DÉVOREURS DE MÉMOIRE. Elle se pencha intriguée.

« Eh grands yeux, viens voir ce que j’ai trouvé »

Elle s’agenouilla pour récupérer le livre, qui n’en était pas vraiment un puisqu’il ne contenait plus une seule page ! C’était simplement une couverture de cuir, pas encore reliée. Elle ne se souvenait pas de grand-chose, mais elle savait qu’un livre ne ressemblait pas à ça. De plus, le titre était très intrigant.

« Des dévoreurs de mémoires hein ? On a peut-être été victime d’une de ces choses. Tu vois des pages autour de nous ? »

Sarah fouilla les alentours, étendant ses recherches un peu plus loin dans l’allée. Un peu plus loin, elle troua une feuille manuscrite, couverte de symboles étranges.

« Voyons voir … »

Elle approcha la page du livre et instantanément la feuille volante vint se greffer à la couverture. Sarah eut un moment de flottement. Attendez … Sarah ? Elle s’appelait Sarah ! C’était comme si remettre cette page en place lui avait redonné une partie de sa mémoire. Elle courut vers le monstre en brandissant son livre.

« Eh je m’appelle Sarah, je viens de m’en souvenir en trouvant cette page ! »

Son visage affichait une joie immense qui contrastait avec sa méfiance de tout à l’heure. Maintenant qu’elle avait un peu d’espoir, elle n’en voulait plus vraiment à cette étrange créature qui était apparue à côté d’elle.

La chose semblait ne pas apprécier les petites piques de Sarah, en même temps vu sa tronche elle avait dû en prendre plein la face durant sa vie. Peut-être était-ce une bonne chose qu’elle ne se souvienne de rien ? L’aventurière aurait mis sa main à couper qu’elle avait tout un stock de souvenirs en rapport avec le harcèlement. Pourtant, Sarah ne se sentait pas plus mal d’y participer, elle avait l’air d’avoir un peu de répondant, c’était une bonne chose. Dans la vie, il fallait savoir se défendre tout seul.

« Un manoir hein ? T’es une fille de bonne famille ? T’as bien de la chance … »

Si elle était née dans un trou perdu à la campagne, ses parents ne l’auraient sûrement jamais gardée ! Au moins, Sarah n’avait fait que le penser, comme quoi, elle pouvait être gentille elle aussi ! Elle inspecta la page que la fameuse Fedora venait de remettre dans le livre, blanche comme la première.

« Je ne me souviens pas pourquoi, mais j’adoooore dire des âneries, donc va falloir me supporter encore un peu princesse parce que … c’est moi qui tiens le livre, s’amusa-t-elle. »

Elle brandit l’ouvrage magique qui leur avait permis de retrouver un semblant de mémoire pour s’amuser. Elle ne comptait pas la laisser sans aucun souvenir, mais rien ne lui interdisait de ne pas la faire tourner un peu en bourrique. Même dans cette situation hors du commun, elle savait encore se rire de l’existence.

« Allez, allons chercher nos souvenirs, comme ça tu seras débarrassée de moi, Fedora ! »

Elle avait prononcé son nom sur un tom ironique, mais c’était une marque de respect, vu qu’elle avait arrêté les surnoms, la noble n’aurait pas mieux de sa part. Elle se retourna en riant et déambula parmi les étagères, faisant courir son doigt sur les livres à la recherche d’une autre page. Elle finit par mettre la main sur deux d’entre elles … Par Lucy, pourvu qu’il n’y en ait pas des centaines réparties dans toute la bibliothèque sinon elles allaient y passer le reste de leur existence. Elle replaça les pages dans son livre, mais rien ne lui revint. Elle se retourna pour chercher sa compagne d’infortune, mais elle avait dû se rendre dans une autre allée.

« Eh Fedora, j’ai remis des pages dans le livre, tu te souviens de quelque chose ? Genre om t’as rangé ta fortune qu’on engage un ou deux gars pour nous aider ? Parce qu’on n’avance pas là ? »

Sarah leva les yeux au ciel. Ce qu’elle pouvait être susceptible sérieusement. Elle l’avait appelé princesse pas souillon ou une autre injure du genre. C’était sûrement son côté noble qui remontait incapable de se prendre pour autre chose qu’une personne de la haute société. Cela lui donnait encore plus envie de la taquiner.

Elle déboula dans l’allée où se cachait Fedora avec son air confiant habituel, mais elle déchanta en l’entendant expliquer ce dont elle venait de se souvenir. L’aventurière papillonna des paupières, ne sachant pas quoi dire.

« Ah … toutes mes condoléances … mais ne dis pas que tu es toute seule, il doit bien y avoir quelqu’un d’autre, tu ne t’en souviens pas encore. Moi je me souviens de deux personnes qui sont importantes pour moi, ça doit être comme pour ce garçon. Cherchons encore il doit bien y avoir la suite. »

Elle replaça les deux pages qu’elle avait trouvées dans l’ouvrage magique et soudainement les souvenirs revinrent à son esprit. Sa famille Enola, son père Archibald et sa mère … qui les avait abandonnés sans un regard. Le visage de Sarah s’assombrit.

« Eh bien je viens de me souvenir que la mienne m’a abandonné avec ma sœur …»

Certes elle n’était pas morte, du moins elle ne s’en souvenait pas encore si c’était le cas, mais ce n’était pas non plus une situation familiale des plus plaisantes. Peut-être que les deux jeunes femmes avaient plus en commun l’une avec l’autre qu’elles voulaient le croire ? Enfin, si on oubliait le pouvoir étrange de Fedora. Sarah s’arrêta un instant pour se remémorer les souvenirs qui étaient revenus. Elle se voyait fuir sur un toit en pleurant avec sa sœur, mais comment avait-elle réussi à faire ça ?

« Je crois … que j’ai aussi une idée de ce que je suis capable de faire avec ma magie … Je peux me déplacer, mais … »

Sarah leva les yeux vers le haut des étagères, elles étaient si hautes qu’il lui était impossible de livre les titres des ouvrages les plus élevés, même les plus volumineux. Elle y trouva une pile de pages qui ressemblaient fort à ce qu’elles cherchaient.
Elle attira l’attention de sa compagne en pointant le sommet du doigt.

« Eh regarde, je crois qu’il y en a beaucoup qui sont perché sur ces étagères ! »

Sarah essaya de se concentrer, retrouvant des sensations anciennes en rapport avec son pouvoir. Elle se focalisa sur l’objectif à atteindre qui se trouvait au-dessus d’elle et fit le vide dans son esprit. À son âge, elle devait sûrement totalement maîtriser sa faculté, mais pour l’instant elle était comme un enfant qui découvrait pour la première fois qu’il pouvait faire de la magie. Une étincelle se forma dans les airs et s’éteignit aussitôt. Une goutte de sueur coula sur le front de l’amnésique avant qu’elle pousse un soupir de renoncement.

« Putain, j’y arrive pas … »

Elle donna un coup de pierre dans un objet qui traînait là par malheur. Il fallait qu’elle y arrive. Prise d’une colère sourde, elle joignit ses mains comme si elle essayait d’ouvrir une porte coulissante et força avec toute son énergie. Cette foi l’étincelle se fit plus intense et une forme commença à se dessiner dans le vide. Elle en écarta les bords de plus en plus, dessinant un portail grand comme un adolescent. Son visage affichait clairement sa fierté.

« Eh Fedora regarde, j’y arrive enfin ! Vas-y passe au travers avant que … »

Elle sentit comme une fatigue monter en elle et elle ne parvint plus à maintenir la porte ouverte. Elle tenta d’y résister, mais irrésistiblement le portail se troubla et se referma sans lui laisser aucune chance de le maintenir. Elle s’appuya sur ses genoux, essouflée.

« Pouah, c’que c’est dur et ça dure pas longtemps en plus 10 secondes à tout casser. »

Elle reprit son souffle avant de regarder la noble.

« Bon je vais réessayer d’en ouvrir un pour aller récupérer les pages en haut. Dès que j’ai ouvert le portail, tiens-toi prête à les attraper. Faudrait pas que ça te coupe les bras en deux, faudra être rapide. »

Elle fléchit ses genoux, prête à recommencer.

« T’es prête, dit-elle à l’intention de Fedora ».

Les yeux de Sarah s’écarquillent lorsqu’elle se fait réconforter par la petite noble. Ce sourire était … terrifiant. Mais bordel, à quel moment elle s’était dit que cela allait la réconforter. On aurait dit une parodie de livre d’horreur illustré. Sarah s’attendait bien plus à ce qu’elle sorte un couteau de derrière son dos qu’à ce qu’elle se penche pour lui faire un gentil bisou.

« Je sais pas si je dois me sentir touchée ou m’enfuir en courant, dit-elle avec un sourire en coin »

Le ton était maintenant clairement à la plaisanterie, même si les mots restaient durs. Elle était comme ça, tout ce qui lui arrivait passait par son prisme de sarcasme et de cynisme. Elle ne pouvait juste pas s’en empêcher ! Toutefois, elle savait quand même reconnaître qu’elle avait besoin d’aide. Son visage marqua un semblant de reconnaissance.

« Merci, allons retrouver ceux qu’on a oubliés, les bons comme les mauvais … »

Elle lui ouvrit le portail et fut surprise de voir la petite poupée s’y jeter sans hésitation. Sarah la vit sauter sur le haut des bibliothèques avec grâce et elle émit même un sifflement admiratif tandis qu’un fin sourire se dessinait sur ses lèvres.

« Eh beh t’as pas froid aux yeux Fedora ! Y en a beaucoup ? cria-t-elle sans aucune forme de gène au milieu de la bibliothèque »

Une vague de « CHHHHHHU » lui répondit venant tous les côtés. Ah oui, il y avait d’autres personnes avec elles, elle avait tendance à l’oublier tellement ce qui leur arrivait était surréaliste. Elle ne leur prêta pas attention, s’ils voulaient vraiment le silence, ils n’avaient qu’à venir le lui dire en face et dans ce cas-là, elle les accueillerait comme il se doit. A la place, elle préféra tourner son regard vers la poupée qi trimait pour récupérer leurs souvenirs. Elle venait d’ailleurs de lui lancer une page qu’elle s’empressa de remettre dans le livre. Fedora sembla vaciller légèrement, mais continua sa récolte sans un mot.

« Tout va bien ? Tu as besoin d’aide ? s’enquerra l’aventurière. »

Et tout d’un coup, les mots de la noble lui revinrent en mémoire.

« Attends comment ça tu arrives ? s’interrogea-t-elle en s’écartant prudemment des étagères. »

Quelle ne fut pas sa surprise quand elle vit le corps de Fedora s’écraser devant elle lui coupant le souffle. Totalement horrifiée par cette tentative de suicide, elle se précipita à son secours oubliant un instant le sel de son cynisme, car elle était vraiment inquiète pour la jeune femme. Elle s’agenouilla totalement paniquée ne comprenant rien à ce corps désarticulé qui ne saignait pas le moins du monde. Prudemment, elle approcha ses doigts pour toucher une de ces chaînes qui reliaient ses membres.

« Fedora … ça va … par la déesse … »

L’aventurière ne savait que faire de ses mains, essayant de raccrocher les membres comme elle le pouvait jusqu’au moment où elle entendit un petit rire. Fedora se releva et se raccrocha toutes seule comme si de rien n’était sous les yeux ronds d’une Sarah estomaquée.

« Par la déesse, tu m’as fait une de ces peurs ! J’ai bien cru que tu étais morte ! Il est incroyable ton pouvoir ! »

Elle avait l’air sincèrement impressionnée par ce qu’elle avait vu bien qu’encore sous le choc de toutes ces émotions. La petite noble avait l’air pleine de surprise finalement ! Sarah attrapa les feuilles qu’elle lui tendit et les plaça dans l’ouvrage toutes en même temps. Peut-être aurait-elle dû faire un peu plus attention car tous ses souvenirs lui revinrent d’un coup, au point où elle bascula en arrière, frappée par une vie entière qui revenait dont ne sait où. Elle se retrouva sur les fesses à papillonner des paupières tandis qu’elle se rappelait d’Althaïr, de sa sœur, de son père, d’Oscar, de la raison pour laquelle elle était venue à la bibliothèque. Il lui fallut quelques minutes pour intégrer cette masse d’informations qui déferlait dans son esprit. Fedora avait l’air d’avoir subi le même sort. Au bout d’un moment, Sarah sortit de sa torpeur en se tenant le crâne à deux mains.

« À la vache, ça fait un mal de chien, grogna-t-elle. »

Elle s’appuya sur une étagère pour se relever. Pfiou, cette aventure commençait à devenir très agaçante. Heureusement, elle se souvenait maintenant comme tout avait commencé.

« Je me rappelle maintenant, il y a eu cette espèce d’endive rouge qui nous a éblouis … »

Elle se tut, parce que la créature était là, devant elles. Son petit ricanement retentit entre les étagères, mais cette fois Sarah était prête. Elle se précipita sur Fedora en lui criant :

« FERME LES YEUX VITE ! »

Une fois devant la poupée elle écarta les bras en ouvrant par la même occasion d’un grand portail au moment où la lumière illuminait la bibliothèque pour la deuxième fois. Sarah ferma les yeux pendant 5 secondes, mais il n’y eut pas d’autres lumières. Elle se risqua à ouvrir un œil, puis un deuxième. La betterave sur patte s’était posée au sol et commençait à perdre de ses couleurs, virant sur le gris/ blanc. À côté d’elle, un portail se fermait après lui avoir renvoyé son propre flash lumineux.

« Bouffe ça saloperie, l’insulta Sarah. »

Après un long soupir d’agonie, le monstre tomba en poussière, tout comme le livre que tenait Sarah. Elle serra le poing en signe de victoire.

« Bon débarras ! (Elle se tourne vers la poupée.) Tout va bien Fedora, tu te souviens de tout ? »

« Que déloges petite poupée, mais c’est normal. Je suis peut-être acerbe, mais je reste une aventurière au service de la population. (Elle secoue sa tête pour rassembler ses cheveux) Et puis il nous avait bien casser les pieds celui-là »

Elle s’avança pour inspecter le petit tas de cendre qui marquait l’endroit où le monstre s’était effacé lui-même. Elles avaient été attaquées par un bien étrange monstre, cachés dans les rayonnages poussiéreux depuis Lucy savait quand. Toute la bibliothèque devait les détester maintenant, mais Sarah était soulagée que ce soit finit. Même si ses souvenirs étaient douloureux, elle ne voudrait les oublier pour rien au monde.

« Oui je me souviens de tout, enfin je crois … qui nous dit que notre mémoire est entière. Si nous avions oublié quelque chose nous ne le saurions pas. Un petit détail … »

Son visage s’assombrit avant de reprendre son masque de confiance qu’il arborait d’habitude. Elle se souvenait de tout, de sa sœur, de sa mère, de son père et de ce qu’il avait fait à l’entreprise, des Celantia, des activités illégales qu’elle faisait semblant de ne pas voir … Un vrai paradis.

« Content de sa voir que t’as un chéri à retrouver après ça, scanda-t-elle sur un ton amusé. »

Elle n’avait personne pour sa part, mais c’était plus un choix qu’une fatalité. Elle trouvait ça mignon qu’elle ait une histoire amoureuse, parce que franchement avec sa tête, ce n’était pas gagné.

« Tu vois y avait un peu de bonheur qui t’attendait au final, lui dit-elle en faisant un clin d’œil. Mais c’est vrai tu as raison, est-ce que je serais en train de devenir gentille ? Par la déesse tout mais pas ça. Imagine-moi en train d’élever des petits chatons et d’offrir des fleurs aux passants, le monde ne s’en remettrait pas ! »

Elle mima une tragédie comme si elle se trouvait au théâtre avant d’éclater de rire s’attirant l’ire des usagers de la bibliothèque. Soudain, une vielle bique portant des grosses lunettes déboula dans leur allée et courut vers elles avec un air mauvais.

« On m’avait rapporté que deux personnes faisaient un bruit pas possible, mais je vois que … Oh par la déesse … »

Elle venait de voir l’étagère renversée et les reste du livre qui gisaient au sol. Elle devint aussi rouge qu’une tomate.

« COMMENT OSEZ-VOUS VOUS COMPORTER DE LA SORTE DANS MA BIBLIOTHEQUE !!! s’emporta-t-elle.

- C’est bon, mamie, pète un coup tu vas exploser. »

Et c’est comme ça que Fedora et Sarah se firent mettre à la porte de la grande bibliothèque du village perché avec interdiction de revenir.