Pour Nivan, qui n'avait pas forcément bonne presse auprès des animaux - de par son apparence inhabituel - savait qu'il aurait un long chemin à parcourir qu'Ulysse - c'était le nom du Tsi'ly - lui fasse pleinement confiance. Par chance, Nivan était un homme aussi patient que compréhensif, bien qu'il ne le montre pas toujours. Il était hors de question pour lui de ne pas prendre en compte le fait que l'animal ressentait forcément quelque chose depuis la mort de son ami et maître. Il lui laisserait le temps qu'il faudrait.
Pour l'heure, il n'avait pas encore pris le temps d’aménager un abri pour Ulysse. Aussi, il luait une place dans une écurie d'une vieille connaissance. Ce jour là, Niva avait entrepris de sortir un peu Ulysse, juste comme ça, en main. Pour l'habituer un peu à sa présence ainsi qu'à son nouvel environnement.
Parvenu à la dite écurie à quelques rues de sa demeure, Nivan entra dans l'allée et longea les box. La plupart étaient vide. Et au bout, se trouvait Ulysse. Un Tsi'ly étonnement grand pour son espèce. Il toisait un bon mètre quatre vingt. Mais malgré sa carrure, il était plutôt doux. "Bonjour mon grand". Prononça Nivan d'une voix sans timbre. Il adressa néanmoins un bref sourire à l'animal qui venait de se tourner vers lui. Le Maître forgeron sortie une belle pomme de sa poche et la tendit à l'animal qui la renifla, un peu hésitant, avant de la croquer avec appétit. "Ah, je me doutait que ça te ferais plaisir." Repris Nivan en avançant sa main, sans le toucher, le laissant venir à lui.
Nivan avait l'habitude des chevaux. Il en louait de temps à autres pour les grands trajets. Mais n'avait jamais vu de Tsi'ly avant d'hériter de celui ci. Il paraissait que c'était une espèce assez rare. Depuis quelques jour, Nivan avait pas mal planché pour savoir ce qui était le mieux pour Ulysse. Les habitudes de ses créatures lui étaient jusqu'alors inconnues, il lui fallait donc se mettre à la page.
Nivan resta là un moment, silencieux. Regardant Ulysse qui le regardait aussi. Les deux mains de Nivan vinrent se poser sur la porte du box, l'animal les renifla un moment. "Tu es prêt pour sortir un peu?" Questionna Nivan comme s'il attendait une réponse. Son bras se tendit vers un clou contre le mur à l’extérieur du box. Le licol d'Ulysse se trouvait là. Nivan le pris avant d'entrer dans le box sans geste brusque. Refermant la porte derrière lui, il tendit l'objet au Tsi'ly, le laissant ainsi l'examiner. A priori, il était habitué depuis longtemps à se laisser guider, et monter. Mais Nivan ne voulait pas griller les étapes, il n'était qu'un inconnu pour lui.
Méfiant, Ulysse vint humer le licol d'un souffle fort. Il recula tout d'abord. Jusqu'à se que sa croupe heurte le mur du fond du box et le face sursauter. Ce qui arracha un petit rire grave à Nivan. Les oreilles de l'animal se redressèrent, comme s'il avait compris qu'il se moquait de lui. "Tout va bien. On va juste faire un tour." Précisa Nivan en laissant Ulysse revenir vers lui. Il pu alors l'équiper du licol, auquel il accrocha une longe. Il ne lui fallait rien de plus. Il n'avait pas prévu de le monter aujourd'hui. Sortant du box sans encombre, Ulysse le suivi sans trop rechigner. Il eu droit à une autre pomme. Le blond avait lu quelque part que la plupart des créature fonctionnent à la récompense. Alors il avait pris soin de prendre avec lui une besace de cuir pleine de fruit, dont raffolent à priori les Tsi'ly. Il avait tout le temps de découvrir quel serait le fruit préféré d'Ulysse.
Le temps était maussade quand les deux comparses sortirent de l'écurie. Peut-être allait il pleuvoir. Il était assez tôt ce matin là, Nivan avait choisi un horaire tranquille, ou d'ordinaire, l'agitation des rues était minime. Cela permettrait à Ulysse de se familiariser plus facilement sans doute. La première demie heure se passa sans encombre. Nivan avait pris le chemin de la sortie Ouest de la ville, histoire de rejoindre les plaines. Mais en passant devant le tanneur, Ulysse eu soudain peur de quelque chose. Sans trop savoir quoi, Nivan tenta de le contrôler. Mais la longe cassa et Ulysse s'échappa à vive allure dans les rues de la capitale, bousculant une jeune femme sur son passage. "Madame, tout va bien?!" S'était rapidement enquéri Nivan en se précipitant vers elle tout en gardant un œil dans la direction vers laquelle Ulysse était parti. Un animal de sa stature se repère facilement.
En sortant de l'hôpital de Luz, Rebecca n'avait qu'une seule envie : dormir. Et jeter la chose qui dormait tranquillement dans la poussette prêtée. Le lien maternelle que la doctoresse avait déclaré venir, un jour ou l'autre, n'était clairement pas encore de mise, même après plusieurs jours à ces côtés. Au lieu d'approfondir leur relation, cette hospitalisation forcée ne les a que plus séparer. Peut-on vraiment parler de séparation après une semaine de naissance ?
Enfin.
Donc, après une belle et ensoleillée semaine à l'Astre de l'Aube, enfermée comme un criminel en prison, la jeune maman sort...sous de gros nuages annonciateur de pluie. Mais bon, elle préfère être en liberté sous une météo capricieuse, plutôt que de revoir cette....cette...Anne.
- Aaaaaah...cette bonne vieille madame Hall. Franchement, j'hésite à reprendre ton corps pour aller boire un p'tit coup avec elle !
- Je te rappelle ce qu'il s'est passé la dernière fois qu'on a échangé ?
- Le bon vieux temps, ouais...
North remut légèrement dans sa poussette de prêt. N'ayant rien pour le transporter, l'astre de l'Aube a prêté gratuitement une poussette à la blanche, permettant de ramener le bébé en tout sécurité jusqu'à son domicile, et de lui laissé le temps d'acheter quelque chose. Mais bon, avant d'acheter un moyen de transport, peut-être commencer par acheter un moyen de dormir, hein. Mais chaque chose en son temps, commencer par rentrer chez soi est le premier point. S'assurant que son sac avec toutes ses affaires était bien dans la poussette, la femme se met en route.
Après cinq minutes de marche et une bonne dizaine de personne se penchant sur la poussette en bavant "hoooo, mais qu'est-ce qu'il est beau, ce bonhomme !", Rebecca dû faire une pause. Encore un peu et elle aurait balancé North a une des grande-mère bavantes, en disant "tenez, cadeau de fin d'année en avance." Mais qu'est-ce que les gens pouvaient être chiant, quand il y a des nourrissons. A croire qu'ils ont tous un radar dans la tête, leur donnant la position des bambins dans un rayon de 10 kilomètres.
Assise sur un banc en rentré de la rue principal de la capitale, Rebecca souffle bruyamment, en se penchant sur le berceau. Le monstre dort encore, à croire que tout le bruit environnant et les visages en gros plans ne le perturbent pas. Soit, c'est tout de même un avantage. En regardant les passants, la blanche se sent un peu nostalgique. Est-ce à cause de North ? En tout cas, elle se souvient de ces nombreux va-et-vient dans cette rue, accrochée au bras de son mari. Tout sourire tous les deux, ils ne pensaient pas au lendemain, ils profitent simplement du moment présent. Rebecca secoue la tête. Se faire mal en repensant au passé n'est pas bon. Même si le sourire et le mari n'est plus là, elle se doit de penser à demain.
Reprenant sa poussette, la jeune femme se lève pour reprendre sa route, quand une bruit suspect se fait entendre derrière elle. Un bruit de sabot contre le sol pierreux de la route. La garde en pleine arrestation ? Ca ne l'étonne qu'à moitié : les crimes se font de plus en plus souvent dans la capitale aryonnaise, et elle connaît la responsable de la moitié d'entre eux.
Rebecca a tout juste eu le temps de tourner la tête et d'éviter le Tsi'ly. Mais c'est quoi cette garde qui fonce sur les gens comme ça ?? Rapidement, un jeune homme lui demande si tout va bien. Les fesses par terre, la blanche se relève précipitamment pour voir si North a été touché. Mais le bébé dort toujours, absolument pas perturbé par la mésaventure. Mais même si celui-ci est toujours présent, son sac, lui, avait disparu.
Se retournant vers la personne qui lui avait demandé de ces nouvelles, Rebecca se rend compte qu'il s'agit d'un homme aux cornes et aux écailles de dragon. Qu'importe son accoutrement, la jeune maman le prend pas le haut de sa veste. Même plus grand que lui de bien dix centimètres, elle ne compte pas se laisser faire.
- Non mais t'as un grain, ma parole ! Qu'est-ce que tu fous à bousculer les gens comme ça, hein ?!
Faut-il lui parler de la disparition de son sac maintenant ? Il était sûr qu'il s'agissait de lui, ou du moins, de Tsi'ly qui l'avait fait tomber.
C'est sans un mot qu'il reporta son regard clair sur celle qui avait porté ses mains à son col, toujours solidement empoigné. Il attrapa ses poignets, sans faire usage de la moindre force, simplement pour lui signifier qu'il était tant de le lâcher. Il n'avait pas prononcé un mot; Il faut dire qu'il n'était pas réputé pour son côté bavard. Ni son côté avenant, d'ailleurs. Il la toisait presque de sa hauteur. Sans le vouloir en réalité. Il passait souvent pour un homme pédant et orgueilleux. Ce n'était pourtant pas le cas. Fort heureusement d'ailleurs. Sans quoi il aurait très probablement mal réagit à l'impulsivité de la demoiselle.
"Imaginez vous réellement que j'ai pu le faire exprès?" Rétorqua Nivan d'une voix calme. Sa voix était grave, comme toujours. Dénué de la moindre émotion. De même que son visage. "Excusez Ulysse. Il n'a pas encore l'habitude d'être avec moi." Précisa simplement le dragon en doutant qu'une telle excuse puisse suffire. Il s'en voulait. C'était indéniable. Mais il ne comptait pas se mettre à genou non plus. Personne n'avait été blessé. La réaction de la jeune femme lui semblait bien démesurée. Ceci dit, sans doute était-ce du à la présence de ce bébé. Il pouvait comprendre qu'elle ai eu peur. Aussi, il s'abstint de la provoquer.
Il soupira. "Vous n'êtes pas blessée j'espère? Et votre bébé?" S’enquit il finalement à nouveau. Il savait bien qu'elle pouvait ne pas avoir l'air de l'être, elle pouvait néanmoins avoir reçu un choc. Il ne serait donc pas impoli au point de l'ignorer. Ce n'était pas uniquement de la politesse d'ailleurs. Il s'inquiétait réellement de ce fait. Évidemment, il s'inquiétait aussi de savoir où pouvait bien être Ulysse. Mais ça, il aurait bien l'occasion de le voir un peu plus tard. Après tout, il ne doutait pas du fait qu'un animal aussi imposant soit facilement repérable. Même dans une grande ville. Surtout dans une grande ville, en fait.
- C'est à toi de m'expliquer, en faite. La prochaine fois amène un warg dans la ville, hein.
Emmener un familier aussi grand en ville passe encore. Mais en prendre un qui n'est pas dressé, avec des gosses qui courent partout, mais faut vraiment avoir un problème. Bon, Rebecca s'en fou un peu des autres gosses. Mais il aurait suffit de placer la poussette quelque centimètres sur le côté gauche pour qu'il soit retourné comme une crêpe.
- J'espère pour toi que ni lui ni moi ne soyons blessé, hein. Parce que je te jure sur Helmex qui j'aurai la peau de ton familier.
Et qui connait Rebecca sait que ce n'est pas une menace en l'air... Elle se tâte rapidement pour bien vérifier qu'aucun liquide rouge ne coule de son corps, puis jette un dernier regard vers le beau aux bois dormant. Bon, tout va bien des deux côtés. Mais un soucis est toujours pressant.
- Ton bourriquet a emporté mon sac.
Plusieurs solutions s'offrent à l'homme cornu. S'excuser platement et la rembourser. S'excuser platement et partir chercher son sac. Au final, faut qu'il s'excuse platement. L'aventurière n'en a que faire qu'il s'inquiète pour eux deux. Les excuses sont plus importants que le reste.
- Qu'est-ce que tu vas faire pour réparer ça ?
Il ne doutait pas que les menaces de cette femme soient sérieuse. Mais il n'était pas du genre à se laisser monter sur les pieds non plus. "Un jour viendra où votre enfant fera lui aussi une bêtise. Je doute que vous laisserez quiconque le menacer de mort." Précise simplement le maitre forgeron sans aucune animosité. Sa voix était calme. Il ne détournait pas le regard et ne comptait pas le faire. Il avait commis une erreur, il la réparerai. Voilà tout.
Oui, il venait de comparer l'enfant, à l'animal. Il ne faisait pas vraiment de différence entre les êtres vivants. L'un comme l'autre avaient - à ses yeux - le droit d'évoluer librement. Ulysse n'était en rien fautif. Ce n'était certainement pas à lui de payer. Nivan comptait bien le faire comprendre à cette inconnue. "Je suis désolé. Désolé également que cet évènement vous touche à ce point. Maintenant, si vous voulez bien, on a un sac à retrouver". Repris Nivan en se mettant en route. Ils perdaient du temps. A la fois pour le sac et le Tsy'li. Elle était libre de rester là à râler, ou bien de le suivre pour récupérer son bien.
Un animal de cette taille n'était pas compliqué à repérer. Mais la ville était grande. Ils devraient suivre les éventuels dégâts causés pour le retrouver. Une journée qui n'annonçait des plus enthousiasmante.
- Il n'aura pas le temps de prononcer quelque menace que ce soit, de toute façon...
Mais la jeune femme ne prononce pas la phrase à haute voix, comme si elle avait peur de se faire une nouvelle fois taper sur les doigts si on l'entend. Elle ? Avoir peur ? Bien sûr que non ! Mais bon, elle le dira tout de même pas à voix normale.
Elle n'avais pas l'habitude de rencontrer une personne qui reste autant de marbre face à elle, c'est peut-être ça qui la perturbe autant. Avec ces paroles, soit on s'emporte, soit on fuit. Mais on ne reste pas comme lui, froid et sans émotion dans la voix.
Pensait-il vraiment que l'aventurière allait rester comme un arbre mort à attendre qu'on lui rende son dû ? Manquerait plus qu'il lui demande un paiement pour ces bons et loyaux services ! Mais non, hors de question qu'elle ne fasse rien pour retrouver son sac. Son fameux sac qui renferme...aucun affaire de bébé, mais bien ces doses d'opium. Il ne faut vraiment pas que la garde tombe dessus, commence à faire leur petite enquête et remonte jusqu'à elle. Parce que là, pour expliquer la présence de la drogue à l'intérieur de son sac, simplement dire "j'avais pas vu" ou "non non, c'est pas à moi" ne fonctionnera clairement pas. Retrouver l'animal avec l'homme était maintenant devenue une priorité.
- Bon on y va ou on continue à parler de la pluie et du beau temps ?
Rebecca prit la poussette de North et commençait à suivre la route emprunté par ce fameux Ulysse. il a causé quelques Remus-ménages sur son passage : des vieilles renversées, des paniers de fruits à terre dû à la surprise de croiser un familier aussi grand seul dans les rues de la capitale. Mais pas le temps de s'arrêter toutes les deux minutes pour dire pardon et essayer de réparer les erreurs, la course au sac était beaucoup plus important pour elle. Mais pas forcément pour l'homme qui lui, prit le temps de réparer toutes les erreurs de son animal. Le temps passait, et Rebecca commençait à s'énerver petit à petit. Franchement, le temps y est pas là !
- On peut passer la deuxième, non ? il y a de grosses empreintes là. On le récupère et on se dit adieu, c'est tout.
L'animal avait laissé la trace de ces sabots dans de la boue fraîche, ce qui rendit la poursuite un peu plus facile. Encore faut-il le rattraper avant qu'il ne sorte de la ville...
Nivan n'était pas le genre d'homme à se laisser dicter sa conduite. Et bien qu'il soit en tort sur ce coup là, il s'était déjà excusé. Il ne se rependrait pas davantage. Le sujet était déjà clos depuis un moment. Libre à elle de faire preuve de rancune. Il ne la suivrait pas sur ce terrain là.
D'ailleurs, ils ne mirent pas longtemps à retrouver l'animal, qui, après avoir bousillé par mal de chose sur son passage, avait trouvé refuge, le nez dans un sac en toile de jute contenant un tas de pommes. Nivan esquissa un sourire furtif alors que des dizaines de gens râlait autour de lui. Toujours de marbre, il s'adressa à un homme qui essayait de repousser l'animal avec un bâton. Visiblement, il s'agissait du propriétaire du sac de pommes. "Bonjour. Excusez moi, ce tsi'ly m'appartient. Combien je vous dois pour les pommes?" Demanda Nivan d'une voix sans timbre. Sans doute devait-il sembler bien pédant, comme à son habitude. Mais que dire de plus? Il était désolé, il paierai les pommes, et les dégâts occasionnés. Il n'y avait rien d'autre à faire.
L'homme se calma, comprenant qu'il récupérerait au moins la somme de ses pertes. Nivan s'acquitta de sa dette avant de se pencher pour récupérer le sac de la jeune femme, qui trainait au sol, plein de poussière et de boue. Il le lui tendit, la fixant droit dans les yeux. "Votre sac". Prononça t-il alors en lui fourrant dans les mains sans attendre sa réponse. De l’intérieur de sa veste il sorti un petit bloc note sur lequel il griffonna son nom et l'adresse de sa forge qu'il tendit au marchand de fruit. "Donner ça à quiconque aurait des dégâts à déplorer. Je les rembourserait". Précisa Nivan avant de s'approcher d'Ulysse avec douceur.
L'animal soufflait bruyamment, exténué par sa course folle. Mais visiblement satisfait d'avoir trouvé de quoi se sustenter. Il avait grignoté un peu tous les fruits. Nivan le caressa un instant pour le calmer avant de repartir en sa compagnie. La première sortie n'était pas des plus simple à priori, mais il ne doutait pas du fait qu'il arriverait bien à nouer un lien avec lui. Il était désormais temps de rentrer.