Plus les jours avancent et plus mon petit Cid grandit! Ce n’est pas toujours facile de devoir quitter la maison surtout lorsque j’ignore quand je serai de retour, mais je sais que tout se passera bien à la maison. Devon est un excellent père malgré ses craintes que je partage aussi, après tout, c’est toujours effrayant de ne pas savoir lorsque l’on reviendra quand on sait qu’une famille nous attend quelque part. Enfin, moi aussi j’ai du boulot à faire et je ne peux pas demander à Devon de porter ce poids seul.
Cette fois-ci mon voyage m’amène dans les montagnes. Je sais que je n’ai pas pour habitude de m’y rendre, mais il n’empêche que les montages, mis à part les rocheuses, sont très souvent couverte de forêt et qu’elles font tout de même partie de mon domaine d’expertise. Évidemment, il y aura toujours meilleur guide que moi dans ces dernières. La faune et la flore sont différentes, mais ça ne change pas le fait qu’il m’arrive d’y travailler. Comme à mon habitude, j’avais amené mes trois familiers avec moi; deux dragons ainsi qu’un corbeau trois yeux. Cela allait leur faire du bien de pouvoir sortir un peu tout comme moi d’ailleurs. Pour nous faciliter la tâche, nous avons pris le portail de téléportation jusqu’à forteresse où il était plus facile de nous diriger vers notre lieu de rendez-vous.
Notre mission actuelle est d’aider une certaine Sia à trouver un œuf d’un familier assez particulier; un dragon miniature. Je ne suis pas spécialement rentrée dans les détails, parce que je préfère le faire de vive voix, mais sachant que je suis moi-même maîtresse de deux spécimens draconique, je ne pouvais pas dire non. Puis, le travail c’est le travail. J’ai déjà fait bien pire comme boulot alors trouver un œuf n’est pas ce qu’il y a de plus compliqué. C’est surtout ce qui se trouve autour qui peut rendre les choses difficiles. J’espère que la demoiselle saura se défendre un minimum, même si devoir la protéger augmentera un peu mes honoraires. Après tout, on ne travaille jamais gratuitement. Pourvu qu’elle écoute ce que je lui dirai, mais bon, je ne préfère pas me faire d’idées de suite, après tout je pourrais être agréablement surprise. La seule chose que je lui ai mentionné, c’est de ce vêtir en conséquence de notre petite expédition dans les montagnes. Je peux chasser pour nous nourrir, mais il vaut mieux prévenir que guérir.
On s’était donc donné rendez-vous dans l’une des tavernes près de l’entrée de la ville je ne me suis pas réellement décrit dans mes lettres. Je lui ai donné mon nom, mais lui ai surtout fait savoir que je n’étais pas difficile à manquer et qu’elle ne pouvait pas douter de mon identité une fois sur place. Mes familiers restent à l’extérieur pour ne pas déranger la clientèle et je m’installe non loin de l’entrée. Mon but n’étant pas de me cacher, mais bien de me faire voir. Je suis accoutrée de ma cape bourgogne, dont le capuchon est rabattu sur mes épaules, laissant ainsi voir de longue oreille dépasser de ma longue chevelure blond cendré. Ma peau est d’un gris violacé, rien de bien naturel en soi, alors que mon regard rougeoyant contraste avec le reste. Bien que nous soyons en saison chaude, il fait quand même plus frais dans les montagnes, alors je porte une armure de cuir complète créée par mes propres soins. Il s’agit d’une autre de mes compétences dont je n’exhibe pas assez en réalité, puis cela me permettrait de travailler de la maison aussi. Je devrais peut-être en parler à Devon pour qu’on puisse m’installer un atelier derrière la maison. Bon je m’égare, je ne suis pas là pour ça.
Le tavernier s’approche finalement de moi cherchant à prendre commande et je lui demande un simple verre d’eau. Il parait surpris, ce qui est assez normal, mais je ne suis là que pour attendre ma cliente. J’observe tout simplement les gens, le dos appuyé contre dossier de ma chaise. Je surveille d’un œil mes sacs pour qu’on ne s’en approche pas. Je change de position, croisant une jambe sur l’autre sous la table, alors que je m’appuie sur l’un de mes coudes tapotant le bois de mes doigts griffus de ma seconde main tout en essayant de me rappeler si je n’ai rien oublié. Après tout, il serait stupide d’avoir fait tout ce chemin si j’oubliais quelque chose d’important.
Ça ne fait pas bien longtemps que je suis là et je suis déjà impatiente qu’elle arrive. Le surplace et l’attente sont quelque chose que je n’aime pas, mais je dois m’y faire. Après tout, je suis arrivée d’avance exprès pour qu’on n’aille pas à se chercher partout dans la salle, mais je suis une femme d’action. Je bouge tout le temps, je provoque, je me chamaille, mais jouer la statue ce n’est pas trop mon truc. Enfin, elle ne devrait plus trop tarder de toute façon.
Et puis j'ai quitté le foyer familial pour m'installer chez Lyle. La solitude m'a alors frappé. Je n'ai plus ma sœur à l'énergie si envahissante, plus mon père et sa bonne énergie pour m'encourager, plus ma mère et sa froideur quand elle me sert le repas, plus Rid pour venir me lancer des piques lors de ses visites, plus Weissium pour me mordiller en réclamant une session de jeu. Je n'ai plus que moi, la forge, mon nouveau maître et le silence des montagnes. Au début, cela était assez difficile, mais le travail à la forge et le rythme imposé par le forgeron m'ont rapidement fait oublier ces problèmes secondaires. Ma routine a endormi ce sentiment de solitude et j'ai appris à me contenter de ce que j'avais.
Sont alors venues mes vacances. Une dizaine de jours que j'ai passé auprès de ma famille. Tous ont beaucoup changé entre temps. Seulement deux lunes se sont écoulées depuis mon départ et pourtant j'ai eu l'impression que des années nous ont séparé. Retrouver la chaleur de mon foyer, contrastant avec la fraicheur de la maison de Lyle, m'a rappelé mon sentiment de solitude d'un seul coup. J'ai profité de ces jours de repos pleinement, m'imprégnant de la présence de ma famille autant que possible.
Ces jours m'ont aussi permis de nouvelles rencontres, des rencontres qui m'ont marqué de façon indéniable. Bien que je ne souhaite pas l'avoue, c'est Brent qui m'a le plus marqué. Cet enfant plein d'énergie, s'attachant autant à moi en si peu de temps, il a réveillé en moi mon envie de donner de l'amour. Le perdre aussi brutalement que de l'avoir rencontré m'a donné l'effet d'une bulle de bonheur que l'on fait éclater violemment pour vous remettre au milieu d'un environnement hostile. Sont ensuite venus s'ajouter mes rencontres avec Aslander et Orisha, mais aussi Violette et Lumi. Voir ces aventuriers et leurs fidèles partenaires m'ont doucement donné l'envie de moi aussi trouver un compagnon pouvant m'accompagner.
Des problèmes se sont alors soulevés. Quelle créature adopter pouvant suivre mon mode de vie ? Je passe beaucoup de temps dans la forge de Lyle, un endroit pas vraiment adapté à un animal. Il doit aussi pouvoir vivre en montagne, là où je vis la majorité de mon temps désormais. Sans parler du fait qu'avec mes missions il doit pouvoir m'accompagner sur les routes. J'ai longtemps hésité sur la meilleure créature pour cela et j'ai pris du temps pour me renseigner sur le sujet. Il a aussi fallu que je négocie avec mon maître et que j'obtienne sa permission d'héberger une créature dont je m'occuperai. La discussion n'a pas été facile, mais j'ai fini par obtenir son autorisation. Mon choix a fini par se porter sur une "petite" créature. Un familier pouvant se défendre, mais aussi m'accompagner à la forge. Un animal appréciant la montagne, mais qui pourrait aussi me suivre dans la forge à l'occasion. Un dragon. Évidemment, pas un véritable dragon, mais son cousin miniature.
Pour acquérir une telle créature, il me faut les meilleurs conseils. Pour cela, j'ai commencé par me renseigner auprès du bureau de la Guilde a la Forteresse. On m'a alors guidé vers d'autres personnes spécialisées dans le domaine, m'indiquant que je pouvais acquérir un animal adulte, mais plus difficile à dresser, ou partir sur un œuf et faire son éducation complète. Ma préférence est partie sur la seconde option, mais trouver un œuf n'est pas forcément aisé. J'ai donc cherché un contact spécialisé, une personne pouvant m'aider avec ce type de tâche. Bien que je vive dans les montagnes depuis la fin de la saison douce, je suis loin de les connaître parfaitement. J'aurai pu demander l'aide de mon maître, mais il est un forgeron, pas un forestier. Je préfère dépenser quelques cristaux et faire confiance à un expert du domaine.
C'est ainsi que j'ai eu le contact avec Saryna. Nous avons un peu échangé, désignant ce que je souhaite trouver et demandant son assistance. Nous avons fini par nous donner rendez-vous près de la Forteresse. J'ai quitté la maison de Lyle assez tôt le matin, lui laissant un mot pour lui rappeler mon absence. Équipée de mon sac sans fond rempli de mon matériel d'aventurière, mais aussi des objets que j'ai acquis pour m'occuper d'un bébé dragon, je me suis dirigée vers notre point de rendez-vous. Après beaucoup de marche, j'arrive dans la taverne indiquée. Elle m'a simplement indiqué qu'elle serait reconnaissable et de mon côté, je lui ai laissé entendre que ma couleur de cheveux et ma fleur seraient facilement reconnaissables.
Depuis l'entrée de la taverne, je parcours la salle du regard. Mon œil se pose alors sur une femme à l'allure plutôt unique. Sa peau sombre, ses longues oreilles. Je crois avoir trouvé la personne que je cherche. Nos regards se croisent un instant et je vois qu'elle fixe ma fleur, semblant me reconnaitre. Je m'avance alors vers la forestière, la laissant me jauger et faisant de même de mon côté. J'ai équipé ma tenue d'aventurière, des vêtements assez proches du corps, mais me laissant libre de mes mouvements, un morceau d'armure légère protégeant mes bras et mes points vitaux, mon sac sans fond accroché dans le dos et une épée à ma ceinture. J'ai privilégié la sécurité tout en conservant ma mobilité pour cette mission. Je toise le regard spécial de la femme me faisant face, mais évitant de la dévisager, connaissant trop bien ce sentiment désagréable.
« Saryna je suppose ? Je suis Sia Zmeï. Enchantée. »
Je lui tends une main courtoise pour la laisser la serrer. Je ne m'assieds pas, restant debout face à elle. Nous verrons si nous avons besoin de discuter plus amplement, mais je ne pense pas que cela soit nécessaire.
Alors que mes deux jambes étaient en pleine compétition pour savoir laquelle des deux faisait trembler la table le plus rapidement possible, une jeune femme entrait dans la taverne. Évidemment, je tourne la tête comme pour toutes les personnes qui y ont mis depuis mon arrivée et je remarque finalement la fleur qui cache l’un de ses yeux. Cheveux blancs et une fleur, ça doit être la jeune femme que j’attendais. Dans tous les cas, nos regards se sont croisés et elle avance maintenant vers moi.
Quelques secondes me suffisent à l’analyser pour me rendre compte que je ne pars pas avec une princesse. Et je ne parle pas réellement de royauté à ce moment, mais bien de personnalité. Dans tous les cas, je me lève pour l’accueillir et me saisit de sa main sans aucune hésitation. Sa poigne est ferme et na rien de fluet ce qui est un autre bon signe. Enfin, on m’a appris à ne pas juger la couverture d’un livre, alors autant apprendre à la connaître en chemin.
« L’plaisir est pour moi, Sia. J’imagine que vous êtes d’jà prête à partir? »
Une fois ma main libérée, j’attrape mes sacs que j’enfile aussitôt sur mon dos, plaçant le second en bandoulière sur ma gauche. Je replace un peu ma cape et me voilà disposée pour me mettre en route. Je remercie le tavernier d’un hochement de tête et je fais signe à la demoiselle de me suivre.
« On va être accompagné de mes familiers. » Dis-je en me dirigeant vers la porte que je pousse pour nous laisser sortir.
Glissant mon index et mon pouce de chaque côté de ma bouche, je siffle un bon coup rappelant ainsi mes compagnons écailleux, feuillu et plumeux. Évidemment, je préviens le corbeau par la pensée alors que les deux dragons arrivent quelques instants plus tard.
« Voici, Nephalie. C’est un drarbustre, dis-je en pointant le dragon feuillu dont la taille égalait celle d’un chien de taille moyenne. Puis il y a Misumena, un laïum. »
Il n’a que sept mois et il n’a pas encore atteint sa taille adulte, mais cela reste tout de même un dragon. Le troisième familier se posa quelques instants plus tard sur mon épaule tout en croassant. Évidemment, je le présente aussi comme étant Theraphosa, mon corbeau trois yeux.
« Thera et Neph’ feront office d’éclaireurs. Je suis liée au deux, l’un par la pensée et l’autre par notre partage de sens, alors tout devrait bien aller. D’ailleurs, j’espère que de marcher ne te pose pas de problèmes. Les créatures ne m’apprécient pas réellement, enfin sauf ces trois-là que j’ai élevés depuis leur sortie de leur œuf. »
Prenant donc les devants, je débute cette marche plutôt confidente pour la suite. Cela fait un petit moment que je n’ai pas réellement mis les pieds dehors et je suis plus bavarde qu’à l’habitude. Mais ça elle ne le sait pas. Puis c’est ça que d’être mère, il faut parler beaucoup… Faire entendre les sons, prendre le temps d’articuler pour que mon enfant me comprenne et puisse un jour répéter mes dires. Puis ça me fait changement aussi de voir un nouveau visage.
« Avant qu’on ne mette le nez dans les montagnes, j’aimerais savoir un peu qui tu es, plutôt connaître ta spécialité. Je ne pense pas que tu ailles besoin d’une protection, mais je ne voudrais pas me retrouver dans tes pattes si jamais. »
« Marcher ne me pose aucun problème. »
À vrai dire, j'ai déjà entamé une bonne marche pour venir jusqu'ici. Je suis partie tôt de la forge pour rejoindre la Forteresse, faire ce trajet est presque devenu une habitude avec le temps. Même si je me destine à la forge, vivre dans les montagnes et d'aventures m'a appris à vivre au grand air, à m'habituer à bouger, mais aussi à vivre avec la nature et ses dangers. Je suis la forestière sans un mot, ne cherchant pas spécialement à faire la conversation, ce qui ne semble pas être le cas de mon guide. Je réfléchis un moment à sa question, cherchant la bonne manière de répondre sans paraitre trop brute ou exagérer mes propos.
« Je sais me battre. Je suis aventurière. Je me spécialise dans le combat au corps à corps et à l'épée. »
Machinalement, ma main se porte à la garde de mon épée à ma hanche, la saisissant en la replaçant et la maintenant pour qu'elle ne bouge pas trop en marchant. J'aurais certainement dû l'accrocher à mon dos, mais l'habitude d'avoir le poids de mon marteau à cet endroit et mon sac sans fond m'ont fait changer d'avis au dernier moment.
« Je cherche un compagnon qui pourra me suivre sur les routes quand il en aura l'âge, qu'il puisse me tenir compagnie quand je dors en extérieur et me servir d'éclaireur lors de certaines missions. Mais j'aimerais aussi qu'il puisse être à mes côtés pour ma seconde activité. »
La chaleur de la forge me vient directement à l'esprit, et je sens ma peau picoter comme si elle me manquait, comme si la fraicheur de la montagne ne me convenait pas. Le froid ne m'affecte pas tant, je suis loin d'être frileuse, mon corps se réchauffant toujours rapidement dès que je bouge et habitué aux grandes différences de températures que peuvent provoquer mes allers et venues à la forge. Quoique je fasse, la forge me revient toujours à l'esprit.
« J'ai besoin d'un familier pouvant vivre dans les montagnes puisque c'est là que je réside principalement. Il faut aussi qu'il puisse résister ou apprécier la chaleur. »
Je me mords légèrement la lèvre en hésitant à poursuivre. Les longues conversations ce n'est pas mon truc. Je finis toujours par avoir l'impression de paraitre bête ou gênante. Avec mon maître je me suis habituée à m'ouvrir, mais avec une étrangère mes barrières naturelles reviennent rapidement. Après un petit silence, je finis par reprendre la parole.
« Je n'ai jamais eu de familier. J'ai gardé la dafresk de mon frère quand elle était petite, mais rien de plus. Alors je suis preneuse sur tous les conseils que vous pouvez me donner... »
Je me suis beaucoup renseignée avant de choisir d'avoir un familier, et j'ai évidemment dû parlementer avec le forgeron qui m'accueille, mais j'avoue que je garde une petite boule au ventre à l'idée d'avoir un premier familier. Cette créature sera un bébé, elle aura besoin de moi et sa vie en dépendra jusqu'à ce qu'elle soit autonome et puisse être mon fidèle compagnon. J'ai longtemps hésité, ne me sentant pas apte à un tel poids, mais à force de voir d'autres aventuriers avec des familiers et de discuter avec eux, j'ai fini par me convaincre. Si les autres en sont capables, pourquoi pas moi ?
La question sur le déplacement était donc réglée. La décision de partir à pied avait été acceptée par la demoiselle pour qui je travaillerais pendant ces prochains jours. Ah oui, ne pensez pas que cela prendra quelques heures. Pisté n’est pas une question minute et il faut savoir se montrer patient par moment et je sais que pour le moment il ne fait pas mauvais, mais nous ne sommes jamais à l’abri de la pluie ou de quelconques intempéries.
L’autre chose qui m’était importante de savoir était les compétences de Sia. Je ne doute pas d’elle, loin de là, mais je ne voudrais pas me retrouver dans son champ de vision alors qu’elle décocherait une flèche. Enfin, au vu de ce qu’elle porte je me doute bien qu’il ne s’agisse pas d’une archère tout comme moi pour le moment, puisque mon arme et mon carquois sont tous les deux cachés dans ma bague tsépi. Il ne reste donc que mes dagues de visibles, mais bon, ce n’est pas un secret. Je ne compte pas lui cacher.
« Parfait, je tâcherai de ne pas me glisser sous ton épée, tout comme j’essayerai de ne pas te toucher d’une flèche. Dis-je sur le ton de la plaisanterie. Enfin, espérons tout simplement ne pas tomber sur quoi que ce soit. »
Pour le reste, j’écoute les attentes de la demoiselle vis-à-vis de son familier tout en secouant doucement mon épaule pour dégager le corbeau de cette dernière. Il était temps pour lui de prendre son envole ou du moins de trouver perchoir ailleurs. Je ne peux m’empêcher de noter que la demoiselle ne parle pas pour ne rien dire. Elle semble savoir ce qu’elle veut et peut-être que certains diront qu’elle semble froide, mais personnellement je m’en fiche. Je suis pareille et si je parle un peu pour faire la conversation, c’est aussi pour tâter le terrain, essayer de voir quel genre de personne elle est. Ainsi, je m’adapte et quand on est engagé à faire quelque chose, autant satisfaire le client jusqu’au bout. Puis, j’suis pas là pour faire copain copain avec tous ceux qui me paieront.
« J’dois t’avouer que si je connais bien les créatures, normalement c’est pas nécessairement pour m’en occuper. J’apprends leur mode de vie, leur déplacement, ce qu’il mange, dans le but de les chasser ou les capturer. Mon drarbustre est le premier familier que j’ai eu alors que je n’en ai jamais voulu. Les animaux m’ont toujours fuie et les familiers des autres ne m’apprécient pas spécialement. Alors je ne suis pas la meilleure placé pour te conseiller. »
Et pourtant, j’avais pourtant trois familiers. Il y avait certainement quelques trucs que je pouvais lui dire non? Enfin, nous nous étions tout de même mis en route pour sortir de la forteresse afin de prendre la direction de l’un des sentiers qui nous permettraient de nous enfoncer dans les montagnes.
« Mais si je peux te conseiller quelque chose; n’attends pas spécialement qu’il soit en âge de t’accompagner. Nephalie m’a accompagnée dès la sortie de son œuf dans la forêt puisque j’y vivais encore. Il s’est habitué à mon mode de vie, ça m’a permis de l’entraîner de suite et maintenant il sait parfaitement ce que j’attends de lui. C’était pas toujours facile, mais au moins ça évite de devoir corriger les mauvaises plies quand ce n’est pas le moment. »
Puis, si moi-même j’ai réussi là où j’avais échoué par le passé, Sia n’a pas à avoir peur. J’suis sûre qu’elle n’a pas décidé cela sur un coup de tête et si elle demande l’aide d’une traqueuse c’est qu’elle ne rigole pas.
N’étant pas bien loin de la sortie, nous arrivâmes bien vite à la sortie de la ville là où des gardes surveillaient les allés et venus des passants. Évidemment, je sens leur regard pesant sur ma personne et je suis presque portée à relever mon capuchon sur mon crâne, mais à la place, je ne fais que refermer discrètement ma cape sur ma personne comme si cela allait faire quoi que ce soit.
J’attends d’ailleurs que nous ne soyons plus réellement dans leur ligne de mire pour me détendre. J’suis pas spécialement amie des gardes au vu de mon passé, mais je déteste toujours autant qu’on me fixe ainsi. Du coup, je sors finalement mon bras portant mon tatouage de rangement pour en sortir une carte pliée que j’y avais rangée. Je l’ouvre donc en me mettant au côté de la demoiselle tout en pointant de mon index griffu quelques endroits surélevés.
« Les dragons miniatures aiment particulièrement les hauteurs. Ils ne seront pas faciles à trouver, mais ce n’est pas impossible. Il faudra aller au-delà des sentiers qui ont été créés avec le temps par le passage des humains. Nous passerons par ce sentier pour commencer. »
Au moins, elle savait à quoi s’attendre et pour ne pas plus tarder, je me mis aussitôt en marche.
La femme à la peau sombre continue en répondant à mes premières interrogations. Cette fois, je suis plus étonnée par sa réponse. Les créatures ont tendance à la fuir ? Je suis légèrement curieuse, mais je ne l'exprime pas pour le moment. Est-ce son apparence physique qui est en cause ? Ou sûrement son pouvoir qui a aussi un impact sur son physique ? Elle a tout de même l'air de ne pas avoir de problèmes avec ses familiers. Les liens les unissant étant spécial au point que ces créatures n'agissent pas comme les autres.
Vient alors le moment des conseils. Je suis légèrement étonnée de sa réponse sur le fait de ne pas attendre que mon familier soit en âge. C'est vrai, c'est même logique. Mon frère a fait le choix inverse, mais il a pris tout de même la peine de passer le plus de temps possible avec sa louve. Et c'est lui qui l'a dressé principalement. Ce n'est pas juste un chien, et maintenant il doit s'agir d'une magnifique louve combattant à ses côtés. Et désespérant aussi certainement de la bêtise de Rid... Mais c'est un autre sujet. J'écoute attentivement les conseils de Saryna, opinant silencieusement et notant mentalement tout ce qu'elle dit. Il faudra que je note tout cela dans mon carnet quand on se posera pour camper.
Nous sortons finalement de la forteresse et je ne peux m'empêcher de remarquer que ma guide semble ressentir une certaine tension au regard des gardes. Ceux-ci semblent s'attarder sur notre physique particulier, mais nous n'avons rien d'étrange mis à part cela, nos actes étant parfaitement normaux et non répréhensibles. J'interprète cette tension comme une sorte de gêne d'être ainsi scruter et je compatis avec elle. Je souris légèrement à l'un des gardes avant de passer les portes de la ville. La femme semble alors aller mieux et reprendre son attitude précédente.
Elle me sort alors une carte de la région et me parle de l'espèce que nous cherchons. Je hoche à nouveau la tête silencieusement, écoutant ce qu'elle a à dire et essayant d'enregistrer toutes ces informations pour ne pas en oublier. J'enregistre aussi mentalement notre trajet sur la carte. Je possède bien une carte du royaume, mais elle est plus globale et moins précise et surtout elle ne détaille pas autant les sentiers de la région. Il faudra que je pense à économiser aussi pour investir dans cet aspect de mon métier d'aventurière. Une carte précise et à jour, c'est toujours utile. C'est encore mieux quand elle est détaillée.
Je suis d'abord la forestière de manière silencieuse, restant près d'elle sans pour autant être sur ses talons. Je la laisse gérer ses familiers et faire son travail même si je reste moi-même vigilante. Je dois aussi bien surveiller où je pose mes pieds que les alentours pour ne pas être surpris par une créature nous attaquant. J'ignore si ma compagne de voyage possède une quelconque capacité de détection, mais je préfère tout de même être vigilante et faire attention à ma propre vie, ne pas me reposer entièrement sur elle parce que je l'ai payé.
Nous avançons ainsi un petit moment, quittant rapidement les routes pour s'enfoncer sur des sentiers menant à plus de végétation. Le silence ne me gêne pas, mais plusieurs questions me brulent tout de même les lèvres, cherchant le bon moment pour les poser. Finalement, après ce silence, je finis par parler. Je fais attention à ne pas parler trop fort pour mais suffisamment pour que ma guide puisse m'entendre.
« Même si je connais un peu la région, j'ai des choses à savoir sur les zones spécifiques où nous allons ? Ou des choses auxquelles je dois faire spécialement attention ? »
Même si je vis dans les montagnes depuis plusieurs lunes et que je m'y promène presque quotidiennement, je ne peux pas dire que je connais l'endroit comme ma poche. Et puis, elle est aussi payée pour cela. Autant utiliser ses services sans hésitation !
S’il y a quelque chose qu’elle doit savoir? Oui, évidemment, après tout, on ne s’engage pas dans les montagnes sans y connaître les risques, puis je ne voudrais pas que cette dernière disparaisse au sein de la nature parce que j’ai omis des informations. Je n’ai pas envie d’expliquer le pourquoi du comment… Ça m’apporterait bien trop de problèmes. Elle me dit connaître un peu la région. Au moins c’est déjà ça, mais ça ne veut pas dire qu’elle saura repérer les dangers qui seront présents. Après tout, s’il est plus facile de se perdre dans les forêts, il est plus facile de trouver des points de repères ici.
« Nous pourrons communiquer, mais en aucun cas élever la voix. L’écho de nos voix pourrait nous faire repérer. »
Ça, c’était une première chose. Après tout, même si nous sommes à la saison chaude, la neige couvre toujours les pics et les flancs de la chaîne de montagnes. Il y fera toujours plus froid et nous ne voudrions pas déclencher quoi que ce soit qui finira par nous ensevelir sous la neige.
« Il faudra aussi surveiller le sol afin de voir s’il n’y aura pas de traces de pattes ou de passage récent de quelconques créatures. Les montagnes cachent souvent des bestiaux qu’on ne souhaite pas vraiment rencontré seule et comme le vent balai souvent la neige et efface les traces, si nous en voyons, il se peut que le propriétaire de ces dernières soit plus proche qu’on ne le croit. »
Enfin, je n’ai pas spécialement peur à ce sujet. Après tout, j’ai bien des outils en ma possession qui me permettrait de nous sauver et comme elle l’a spécifié, elle sait se battre.
« Mais je ne m’inquiète pas spécialement pour ça, sauf si on tombe sur un truc un peu trop coriace pour nous. Mais bon, ne partons pas négative, mais il faut quand même rester vigilante. »
Je regarde mon laïum qui se promène à mes côtés alors que mon drarbustre mène la marche, la tête levée tout en faisant son fière. Heureusement, je lui ai mis un talisman chauffant, sinon il aurait fini gelé sur place. J’aurais pu aussi me permettre de me passer de lui en le laissant à la maison, car après tout, j’ai toujours travaillé seule par le passé, mais il ne faut pas se mentir, ils ont leur utilité.
« J’t’ai sûrement pas tout dit, mais bon, ça viendra au fur et à mesure de notre avancé. J’espère que vous avez de quoi faire un peu d’escalade, sinon on s’arrangera. Y’a certainement d’autres alternatives. »
Ou presque, mais avec mon pouvoir d’hybridation, grimper ne m’est pas inconnu et si je dois tresser une corde pour elle, je le ferai au besoin.
Enfin, les premiers kilomètres ne sont pas les plus difficiles. Plus nous restons près de la grande ville et moins il y a de danger. Les animaux ne sont pas stupides et savent reconnaître lorsqu’il y en a un et l’humain est très certainement leur plus grande menace pour plusieurs d’entre eux. De plus, la température semble être plus clémente et être en notre faveur. Le vent est doux et ne nous envoie pas son souffle glacial en plein visage. Par contre, le chemin que je ne ferai emprunter ne nous en protégera pas malheureusement. À flanc de montagne et sur des plateaux un peu plus escarpé, le vent soufflera, mais bien habillé, cela ne devrait pas trop nous gêner.
Je reste vigilante à mon entourage gardant toujours contact avec mon corbeau qui surveille du haut des airs. Pour le moment, nous sommes encore bien loin des sommets et conifères et arbres nous entourent toujours.
« Si jamais tu as besoin de te reposer, dis-le-moi. J’imagine qu’on ne fait pas de course contre le tempus et parfois j’oublie que ceux qui m’accompagnent n’ont pas grandi comme moi dans la forêt et ses environs. »
Je me laisse presque distraire alors que nous marchons, c’est la voix de la forestière qui me fait revenir à moi. De l’escalade ? Je réfléchis un moment, défais une bretelle de mon sac sans fond pour fouiller dedans tout en marchant. J’ai du cordage, mais il semblerait que j’ai oublié tout ce qui est crochets et autres équipements d’escalade. Je soupire de ma bêtise. Je sais qu’il y a ce qu’il faut à la forge, mais j’ai porté mon attention sur l’équipement à avoir pour le familier et pour résister à la fraicheur en altitude. Tant pis, je vais devoir demander son aide à Saryna.
« Je n’ai que du cordage avec moi. Désolée d’être un poids... »
Nous marchons encore plusieurs minutes et une légère distance commence à se faire entre ma guide et moi. Elle le remarque et me propose alors une pause. Je lève le regard vers le ciel, nous marchons depuis déjà une bonne heure. Même si je ne suis pas fatiguée, nous ne faisons pas une course de rapidité, il ne fera pas de mal de se poser quelques minutes. Je hoche de la tête en direction de la forestière avant de sortir ma gourde fontaine tout en m’asseyant sur un gros rocher proche.
« Une petite pause rapide ne fera pas de mal. Je suis aventurière, mais mon métier de forgeronne me fait plutôt travailler les bras et le dos. Je n’ai clairement pas votre endurance. »
Je bois une gorgée avant de tendre la gourde en direction de la femme. Je la laisse la prendre si elle le désire et se désaltérer avec. Je continue de l’observer avant d’essayer de lui afficher un sourire sympathique. J’ai le visage toujours plutôt froid, mais je m’efforce d’avoir l’air sympathique quand j’y pense.
« On peut d’ailleurs se tutoyer ? Je n’aime pas spécialement que l’on me vouvoie... Ça me gêne toujours. »
Je me relève, m’étire un peu, bouge mes jambes avant de réajuster mon sac sur mon dos. Je récupère ma gourde fontaine et fais ensuite signe que l’on peut reprendre la route en discutant. Nous commençons déjà à grimper un peu, bientôt nous aurons du mal de discuter tout en marchant, mais je profite quand même d’ainsi échanger avec ma guide tant que je le peux.
Même si elle manquait de matériel, cela n’allait pas me poser de problème. Je n’aurai qu’à me servir de mes griffes pour la partie d’escalade et elle pourra toujours utiliser mes crochets foreur. Ça ne serait pas le première et ça ne fait pas d’elle un poids. Si je suis là, c’est pour les aider et les guider. Ça fait partie de mon boulot et un véritable poids c’est quelqu’un qui ne sait vraiment pas se défendre et dont la survie dépend entièrement de moi. C’est le genre de boulot que je ne prendrai pas.
« On trouvera une solution le moment venu, ne t’inquiète pas. »
Nous marchâmes un moment avant de profiter d’une pause. Bien qu’il s’agissait de la saison chaude, la neige était toujours présente dans ces montagnes. Nous profitons de ce moment pour discuter plus amplement en m’efforçant de répondre à ces questions lorsqu’elle en avait. Mon laïum et mon drarbustre étaient tous les deux des sortes de dragon, mais tous les deux demandaient des soins différents.
Nous nous étions remis assez rapidement en route, mais cette fois-ci pour nous arrêter le soir venu. Nous avions parcouru une grande distance et même si notre endurance n’était pas la même, elle suivait bien. Nous avions franchi des passages escarpés et évité de tomber sur une créature qui pourrait nous donner du fil à retordre. Nous avons pu profiter des paysages que les montagnes nous offraient. Une fine neige recouvrait de son manteau blanc les flancs des montagnes alors que de nombreux conifères coloraient d’un sombre vert le sol immaculé. C’était toujours apaisant de se retrouver en ces lieux. L’air y était bon et frais. Ça faisait changement de la capitale même si m'absenter ainsi me faisait comprendre que ma famille me manquait.
Une fois bien éloigné dans les montagnes, nous sommes sorties des sentiers afin de continuer notre ascension, mais pour cela, il me fallait trouver des traces de dragons miniatures, cela ne fut pas particulièrement facile et m’a pris quelques jours, mais nous y sommes arrivés. Ils nous restait plus qu’à grimper le pic qui nous faisait face après avoir suivi les traces. Sortant ainsi nos cordes enchantées, je lance la mienne entre deux gros rochers plus haut et prête mes crochets foreurs à la demoiselle pour qu’elle ne glisse pas. Pour ma part, j’utilise mes griffes afin de m’aider à m'agripper aux parois tout en m’aidant de la corde pour ne pas tomber. L’ascension n’est pas facile et nous demande quelques poses, mais cela valait la peine pour ce que nous recherchions.
Une fois là-haut, nous nous déplaçons avec prudence et dans le plus grand des silences, recherchant ainsi un nid ou voir même d’autre dragon miniature. Après tout, ils avaient laissé des traces derrière eux.
Trouvant finalement ce que nous cherchions, nous prenons notre temps pour récupérer l'œuf qui se trouvait non loin. Sauf que nous n’étions pas seuls et d’autres petits dragons se trouvaient dans les environs. Il fallait donc agir avec prudence puisqu’on ne savait pas ce qu'il pouvait nous faire, mais voyant qu’il ne semblait pas agressif, je laissai la demoiselle récupérer ce pour quoi nous étions venu avant de prendre une pause bien mérité.
Nous reprîmes finalement le chemin inverse, faisant bien attention à l’œuf qu’elle avait récupéré. Après tout, nous ne voulions pas qu’il termine en omelette, puis nous retournâmes finalement à Forteresse sain et sauf. Ma mission maintenant terminée, la demoiselle me paya en bonne et due forme avant que nos chemins se séparent.