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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    Appâter le squale
    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
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    Appâter le squale
    Ven 27 Aoû 2021 - 12:32 #
    '' Putain, on étouffe ici. '' A peine descendu de sa calèche que l'homme se plaignait déjà, posant sa valise en cuir au sol, retirant sa veste. '' Au moins, le cadre est magnifique. '' Déjà sur le point de s'éloigner, un raclement de gorge provenant de derrière lui fit faire volte face. Le cocher, un homme âgé mais émanant un certain charisme, regardait Warren avec des sourcils arqués et une main tendue. '' Oh, oui, pardonnez moi mon brave ! Votre dû, avec un supplément pour la qualité du voyage ! ''

    Le blond fouilla dans ses vêtements, en sortit une bourse en tissu fin ainsi qu'une petite poignée de cristaux qui furent tendus au conducteur, ce dernier vérifiant la somme, un sourire sur les lèvres. Non, il se sent presque comme trop en vacances pour se sentir offusqué pas le manque de confiance du vieux pingre, et force à lui d'avoir accepté le trajet, peu de personnes accepteraient un bon gros trajet capitale – grand port pour un seul passager, même pas un nobliau de surcroit ! Bon, on ne peut dire que quand on a affaire à Warren Richter ; on dit rarement non. Surtout s'il est celui qui décide si votre petite entreprise familiale de transport continue ses activités ou bien fait faillite. Oups ? Incroyable d'avoir toutes ces ficelles à tirer. Veste projetée sur l'épaule, main tenant bien la poignée de son bagage, il se mit à traîner un peu, s'imprégnant de l'air et la luminosité du lieu. Croyez le ou non, mais Warren n'est quasiment jamais sorti de la capitale.

    Ses chaussures claquaient contre le sol, différents des pavés de la grande ville. En observant autour de lui, il remarqua vite qu'il contrastait énormément avec les locaux, le faisant encore plus passer comme un connard de touriste, petit poisson hors de l'eau, étouffant à la fois dans le sens littéral comme figuré. Et si c'était le prix à payer pour ne pas ressembler à un de ces pécores en short-claquette, il y survivrait. Bon, pas tout ça, mais il est pas venu pour profiter de la plage et du farniente, pas son style de base. Non, il avait quelqu'un à retrouver. Coup d’œil rapide à l'heure ; il était dans les temps. Vraiment, il se sentait beaucoup moins à l'aise, hors de son élément naturel, du sombre habituel de son bureau, de la compagnie, la froideur des personnes de la capitale. Qu'est ce qu'il foutait là, déjà ? Ah. Oui.

    ~~~

    Après avoir trouvé ce fameux orbe, la découverte fut bien évidemment soumise au reste de l'Ordre des Célantia. Objet unique en son genre, la jeune Weiss en savait bien plus que lui sur ce mystérieux artefact. Bien qu'il s'intéresse à l'art et l'histoire du pays, on ressent que les deux n'ont pas suivit la même instruction, l'un a apprit sur le tas, pas de la meilleure manière, pas les choses les plus raffinées, alors que l'autre aurait sans doutes bénéficié de précepteurs pleins de sagesse. Profiter de son statut d'Archonte pour s'accorder l'exclusivité, avec Luz, n'était aucunement contre le règlement. Personne n'osa s'y opposer, dans tous les cas. C'est ainsi qu'il avait avertit la noble qu'ils bénéficieraient tous deux de l'enquête et des recherches liés à cet orbe.

    En premiers lieux, leurs rencontres et leurs discussions se faisaient dans des cadres intimistes, pour pouvoir parler librement, sans crainte d'être entendu par des oreilles indiscrètes, dans un monde où n'importe quel mur peut se révéler porteur d'incroyables informations. Tantôt dans ses locaux à Lagoon, parfois aux abords de sa clinique, les deux Célonautes recroisaient leurs indices et recherches, passant beaucoup de temps à se triturer les méninges. Luz devint une régulière de la compagnie Althair et de Lagoon, aussi bien en tant que cliente, le contrat entre la société de transport et l'Astre de l'Aube ayant été acté il y a déjà bien des semaines, qu'en tant qu' ''amie proche'' de Warren.

    Puis, de manière aussi fluide qu'inattendue, ces réunions de travail finirent par être plus...Publiques ? Encore une chose qui lui est relativement inconnue ; après tout, les deux s'étaient déjà mis d'accord sur la marche à suivre pour les événements futurs, le surnom de la Galinette Cendrée avait déjà été entendu quelque part, dans les archipels. La date de départ avait été trouvée, les deux parfaitement au courant que cette escapade ne durerait pas quelques heures, les deux partis reconnaissant que des petites vacances ne seraient pas de refus. Alors...Pourquoi continuaient-ils à se côtoyer aussi souvent ? Ils se rendaient dans les établissements les plus huppés, se chamaillant parfois pour l'addition. Le blond lui montrait les endroits les plus chics, ces fabriques où il achetait tous ses produits les plus exotiques, originaux et chers, se montrant plus que de raison en public, les rôles s'inversant de manière alternée, réglés comme une pendule, la noble le traînant en des lieux qu'il n'aurait jamais pensé visiter, le tout en continuant à parler de l'Ordre à demis mots, puis des questions plus intimes, conversations plus relaxantes qui donna l'occasion aux deux de faire plus ample connaissance. C'est qu'elle se trouvait particulièrement curieuse, la petite ! Beaucoup d'interrogations sur son pouvoir, quelques unes sur sa vie, il eut même droit à un interrogatoire chaque fois qu'elle assistait à une de ses ''crises'' ; explications qui n'ont jamais été données car trop irrationnelles.

    Le jour J finit par arriver. La date convenue, le moment d'aller au charbon sur le terrain pour l'Ordre, une première pour l'Archonte qui devra redoubler de patience et de ruse pour ne pas se trahir, garder son équilibre tel un funambule sur ce fin fil séparant l'ignorance feinte aux connaissances légitimes qu'il pourrait posséder. Allez, on se ressaisit, il arrive à entendre d'ici le claquement des sabots de son moyen de transport. Ça allait vraiment être long. Espérons que le voyage en vaille la chandelle, que quelque chose se trouve au bout, n'importe quoi.

    ~~~

    C'est quand même agréable, d'entendre la mer non loin, d'avoir le visage fouetté par ce vent marin. Il s'en rapprocherait, de tout ça, puisque leur point de rendez-vous était justement le port de la ville. Immense, avec à quais galions et autres voiliers ou simples petits bateaux de pêche, l'ambiance y était toute particulière, le monde se pressait comme là d'où il vient, mais avec un sourire et une bonne humeur qui ne se retrouve habituellement que chez les personnes ayant passé un peu trop de temps à la taverne. Prenant son temps -après tout, comme il est de coutume, il est arrivé bien trop tôt-, le jeune Richter déambulait le long des étals de la pêche du jour, les vitrines des boutiques dont il mourrait d'envie de pousser la porte et examiner chaque objet, la réalité de sa situation, loin de chez lui avec pour conteneur sa simple valise, le ramenait constamment à la réalité.

    Seulement, flâner n'est pas la raison de sa venue, le temps passe et défile, grand temps de retrouver sa collègue, il avait été convenu que chacun se rende au grand port par ses propres moyens, s'y retrouver, emprunter ensemble un bateau pour se rendre aux archipels, la différence entre les deux est cependant colossale, puisque la bougresse a un accès total aux portails de téléportation disséminés aux quatre coins d'Aryon. Meh. Il en ferait quoi, Warren, de toutes manières ? Normalement, les deux devaient se retrouver au niveau du pont d'embarcation, rien de mal à la surprendre à la sortie du bâtiment ou se situe le portail, non ? Pour ça, il faudrait s'adresser à un local.

    Une conversation avec un garde plus tard, le revoilà parti, ''là bas, tout droit, à gauche, puis ce sera le bâtiment bleu, sur la place''. Merde, quelle bizarrerie que de ne pas être reconnu. Lui qui évite les gardes comme la peste, non uniquement par peur des problèmes, plutôt cette paranoïa exercée de se dire qu'un jour, cette personne en armure lui porterait préjudice d'une quelconque manière, le gênant dans ses activités. La chaleur est accablante, reste toutefois bienvenue, ça change. Donc, le grand bâtiment bleu. Le voilà. Pas bien imposant, mais situé de manière stratégique au centre ville, véritable cœur de la cité, ou calèches de nobles, chevaux, marchands et petites gens se mélangent parfaitement dans un tableau aussi hétéroclite que magnifique, loin des poncifs de la capitale.

    Adossé au mur juste en face de l'entrée, il n'eut pas à patienter bien longtemps pour voir débarquer la petite rousse, toujours aussi captivante, il aurait pu jurer la voir sourire quand elle l'aperçut au loin et trottiner vers lui, restant immobile, patientant gentiment qu'elle arrive à sa hauteur pour lui décocher un sourire franc tout en remontant ses lunettes par les côtés, de deux doigts, l'observant de haut en bas, affublée d'une robe aussi simple qu'élégante. C'est dans ces conditions, pas si différentes de toutes les fois ou ils se sont retrouvés ensemble, cette petite inaptitude sociale quand on sort du cadre protocolaire du bureau ou des négociations. A y réfléchir, il avait pas tant de proches que ça. Quand on baigne de ce type d'affaires, les relations peuvent se révéler un poids mort, une énième faiblesse à exploiter, le type ''on a enlevé ton enfant, donne argent ou conséquences''. En parlant d'enfants...Son regard s'attardait plus qu'il n'oserait l'admettre sur le ventre de la noble, cette crainte rampante liée à la non protection dont ils ont tous deux fait preuve lors de leur première rencontre. Après, elle serait du genre à l'avertir. Non ?

    '' Luz. Ravi de te voir, et à l'heure ! Toujours aussi rayonnante, hein ? ''Son dos quitta le mur qui le soutenait. '' Bien, on a encore beaucoup de trajet à faire. On discutera sur le chemin ? ''

    Se penchant légèrement pour attraper l'anse de sa valise, l'autre main toujours occupée à maintenir sa veste sur son épaule, aucun idée d'à quel moment les deux se sont mis à se tutoyer, être assez à l'aise l'un avec l'autre jusqu'à naturellement glisser vers cette familiarité aussi dérangeante aux premiers abords qu'elle est agréable le temps passant. A présent, les deux auraient à se diriger vers le port, embarquer, et repartir pour des heures de traversées. Imaginez Warren a le mal de mer ? Non je déconne. Mais. Imaginez quand même ?
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
    Informations
    Re: Appâter le squale
    Sam 28 Aoû 2021 - 12:28 #


    « Warren. »

    Une constatation, simple au demeurant, tandis qu’elle dévalait les quelques marches qui le séparaient encore de lui. Et si sa gestuelle n’était pas suffisamment équivoque, le sourire qui avait fleuri sur ses lèvres suffisait à traduire cet infime petit quelque chose qui s’était tapi dans sa poitrine. Elle ne s’était pas attendue à le voir là et pourtant, ses prunelles étaient tombées sur sa silhouette au premier regard, comme immanquablement tournées vers le nord, flèche sans cesse à la recherche de sa boussole. Et cela avait créé un roulé boulé contre son cœur, une vague retournée dont elle chassa immédiatement les embruns avec la précision chirurgicale d’une scientifique rongée de déni. La chasse à la gallinette n’était sans doute pas l’occasion idéale pour confronter d’obscures émotions. Pas lorsqu’elle tâchait précisément de fuir lesdites émotions, opération rendue sensiblement difficile par la présence quotidienne de Warren à ses côtés. Elle s’était du moins haussée gracieusement sur la pointe des pieds, déployant spontanément l’aile vaporeuse d’une ombrelle au-dessus d’eux, mouchetant leur peau de points colorés et de lumière tamisée.

    « J’espère que tu n’as pas attendu trop longtemps en plein soleil ? s’enquit-elle d’une voix soucieuse. As-tu fait bon voyage ? … Ou es-tu le nouveau propriétaire d’une entreprise de calèches ? »

    Elle lui coula un regard taquin, ses dents blanches cisaillant sa lèvre inférieure afin de retenir un rire. Warren était indubitablement capable de vendre à un cocher sa propre mère, pour peu qu’il lui en prenne l’envie. Elle restait qui plus est persuadée qu’elle n’avait aperçu qu’une infime partie de son talent, soupçonnant le squale de se conduire différemment en sa présence. Outre que le personnel des différents restaurants qu’ils avaient écrémés ces derniers temps se conduisaient avec la déférence de domestiques accueillant la famille royale – il avait d’ailleurs exagéré sur le dernier montant exorbitant de leur note qu’elle n’était pas parvenue à lui arracher : voilà qui requerrait une importante vengeance -, il restait en charge de l’une des branches les plus importantes d’Althair à un très bel âge. Ce n’était bien évidemment pas pour sa résistance à l'alcool qu’une telle promotion lui avait été accordée !

    S’ils n’avaient pas de long trajet à accomplir entre la place marchande et les quais, le Grand Port était particulièrement agréable à vivre à cette heure. Les rues étaient baignées d’un soleil brûlant, tout juste rafraichi par la brise qui s’engouffrait dans le dédale de la ville, rebondissant contre les façades blanches. Les mains libres grâce à son grand sac sans fond, Luz ramassa ses longs cheveux flammes sur sa nuque pour mieux les enserrer à la va vite d’un catogan, appréciant grandement le gain de fraicheur procuré. Elle repoussa les quelques mèches folles qui persistaient à lui chatouiller la joue et désigna la coque peinturée de bleu d’un navire à trente mètres d’eux :

    « Voilà notre cheval de course. Le Requin blanc, précisa-t-elle avec sagacité. »

    Oh, comme elle ne regrettait pas d’avoir opté pour des vêtements légers ! La traversée ne durerait qu’une poignée d’heures, suffisante pour leur permettre de récapituler leurs indices et éléments d’enquête. Néanmoins, la perspective d’affronter cela en chemise et pantalon à la manière de Warren ne la rendait pas du tout envieuse. La robe crème légère qui enserrait sa taille avait l’avantage de s’arrêter à mi-cuisse, laissant libre ses jambes halées qu’elle avait uniquement réhaussées de sandales dont les lanières formaient un écrin autour de ses chevilles. Elle regarda avec envie l’eau translucide qui léchait les contours du bateau… Ce n’était cependant point l’heure d’une baignade. On les conduisit à la place dans une cabine spacieuse, en réalité aménagée en réfectoire rudimentaire agrémenté d’un canapé et de chaises. Au-dessus d’eux, les pas de l’équipage annonçaient le départ, le bois du bateau sifflant lorsque le vent s’engouffra dans ses voiles.

    « Tu es toujours partant pour commencer par le Tambour Étincelant ? »

    L’Ordre était parvenu à conserver une ou deux traces de leur Galinette Cendrée. Dont la dernière en date soupçonnait leur cible de s’être fait un petit nom au sein du Tambour Étincelant, un casino reculé de l’Etoile du Sud, mais non moins fréquenté. Elle lui retourna une moue interrogative tout en fouillant dans son sac, juste avant de parvenir à mettre la main sur l’objet recherché. Elle sortit ainsi victorieusement une barquette délicatement emballée et encore chaude sous sa main, dont elle ôta le couvercle : la fragrance juteuse de brochettes de viande grillées s’évasa dans la cabine.

    « Te connaissant, tu as foncé au portail et tu n’as pas encore pris le temps de manger… Je me trompe ? Je les ai achetées avant de sortir du hall d’arrivée. »

    Elle lui offrit un sourire solaire et lui tendit la boite. Cela ne constituait pas un repas royal, mais cela serait bien suffisant pour l’après-midi et la soirée de travail qu’ils s’apprêtaient à abattre. Elle s’était pour sa part déjà replongée dans ses pensées, les sourcils froncés d’une légère inclinaison. Pourvu qu’aucune piste potentielle ne soit mise de côté !

    « Le Serwang Palace a confirmé notre réservation ce matin, nous aurons donc un hôtel où dormir. Même si la nuit s’annonce éreintante ! … Et pas du fait d’un appréciable passe-temps. »

    Elle soupira, car l’Etoile du Sud était réputée pour sa vie nocturne agitée. C’était un miracle s’ils trouvaient leur Galinette en journée, tant la population locale apparaissait miraculeusement à la tombée du jour comme quelques étranges charognards appâtés par le reflet des cristaux et le fessier hypnotisant des danseuses. Dire qu’ils ne savaient même pas combien d’œuvres ils cherchaient précisément ! Outre que l’orbe avait de toute évidence appartenue à Ukiyo no Hansha – de cela, ils étaient sûrs grâce à leurs épuisantes heures de recherche sur le sujet-, la collection auquel l’artefact appartenait n’était pratiquement pas connue du grand public et seule une évocation trouvée dans un livre de littérature d’époque évoquait plusieurs objets ressemblants à leur orbe dans les trésors personnels de la Reine Lyss Renmyrth. Cette description ne faisait malheureusement pas étalage de détails utiles… Comment leur Galinette avait-elle eu vent de l’existence de cette collection ? Comment œuvrait-elle pour les retrouver ? Était-elle connue à l’Etoile du Sud, suffisamment pour qu’ils puissent lui mettre la main dessus ? Pourquoi refusait-elle de s’aligner aux règles de l’Ordre ? Fort heureusement, Warren était parvenu à leur obtenir l’exclusivité de cette affaire. Cela l’amusait d’ailleurs de l’imaginer en ardente négociation avec les hautes instances de Célonautes, n’ayant que pour arme son culot et son adresse naturelle. Ah, comme elle n’aurait pas aimé être à la place des Archontes, lorsque leurs Célonautes se montraient si obstinés !

    « Oh, et je te prie de saluer la jeune et richissime détentrice d’une nouvelle compagnie spécialisée dans la fermentation alcoolisée d’ambriosa, naïve et dépassée par sa propre fortune qui s’est créée en six mois seulement, j’ai nommé Mademoiselle Marrei Everniel ! »

    Elle s’inclina théâtralement, surjouant ce rôle salvateur qui n’avait d’autre but que de protéger son identité et par extension l’Astre de l’Aube.

    « A qui aurai-je l’honneur ces prochains jours ? »

    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
    Informations
    Re: Appâter le squale
    Lun 30 Aoû 2021 - 15:25 #
    Le requin blanc.

    Le putain de requin blanc.

    Vraiment, quel nom.

    Warren avait jusque là plus qu'apprécié la sollicitude que Luz avait eue à son égard depuis son arrivée ; qu'elle ne s'inquiète pas, il ne finirait pas en poussière d'une surexposition au soleil, quant au voyage, il ne put que lâcher un '' Oh, si tu savais - ! '' quand elle évoque la possibilité, pas si ridicule en vrai, complètement plausible pour elle, réaliste pour lui, qu'il se soit octroyé, de gré ou de force, une entreprise de calèches. Un investissement qui saurait trouver sa rentabilité, sans l'ombre d'un doute. Bref, revenons sur la mission en cours, ne laissons pas la rousse embrumer son esprit, acte difficile alors qu'il est en train de s'enfiler les brochettes achetées pour lui, si généreusement. Pour un peu, il penserait qu'elle est en train de s'occuper de lui ! N'empêche qu'elle le connaît bien, mine de rien. Son estomac était noué tout du long, première plongée dans l'inconnu, que ce soit en coopération avec quelqu'un, ou mission pour l'Ordre, qu'il avait presque l'impression de délaisser ces derniers temps, les archipels, c'est un mal pour un bien.

    Le Tambour Étincelant. C'est un des seuls endroits qui était ressortis, lors de réunions et dans le registre. C'était délicat, de jouer sur deux tableaux, entre Célonaute et Archonte, il ne pouvait décemment dire à la noble ''Ouais donc j'ai vérifié mes registres, et y a bel et bien le pseudonyme de la galinette, pas de nom cependant. En poussant un peu plus, j'ai trouvé un lieu dans les archipels, le Tambour Étincelant, au sein de l’Étoile du Sud. On y va ?''. C'est avec une précision digne du plaidoyer d'un assassin essayant de convaincre le peuple de son innocence qu'il choisissait ses mots, ses conseils, n'hésitant pas à mettre sa comparse sur la voie d'elle même, si elle, apportait ses connaissances dans le domaine de l'art et de l'histoire, ainsi que de toute l’œuvre de ce Ukiyo no Hansha, le blond lui s'était concentré à localiser cette renégate, traîtresse à l'ordre envers laquelle il devra se montrer ferme une fois face à face.

    Encore faut-il qu'ils ne perdent pas leur objectif de vue ! Jamais venu dans le coin, il en connaît néanmoins toute la symbolique, tout ce qui se trame dans le coin. Royaume de la pègre, de la luxure et de la déchéance, où les pleins aux as en quête de frissons côtoient les pauvres citoyens lambda, rêvant de cristaux et de souvenirs à se graver en mémoire, et dont seule la chance de gagner aux jeux pourrait les sortir de leur détresse, leur vie triste et redondante, à se tuer à la tâche pour un salaire misérable, en épanchant durant ce temps leurs soifs de boissons alcoolisés diverses et de chair. Un monde gris, dépourvu de toute humanité, d'âmes solitaires cachées derrière l'apparat de ces hôtels et salles de jeux, impropre à un développement de qualités humaines.



    Oh bordel, qu'est ce qu'il allait s'y plaire !

    Démonstration d'un côté extravagant de l'héritière Weiss qu'il ne lui prêtait pas jusque là. Une identité d'emprunt, hein...A dire vrai, il y avait pensé, mais n'avait pas été sur que la démarche soit bien utile, après tout, aucune identité n'est requise quand on fait un braquage, et c'est de cette manière qu'il se voyait, avec Luz : On rentre, on prends nos infos, on récupère, on sort, propre, net et précis, pas de blabla, pas de tracas. Aucun nom évoqué, aucune identité compromise, prudence reste mère de sûreté, il ne put que s'incliner face à la prévoyance bienvenue dont elle faisait preuve. A moitié prit au dépourvu, trouver le nom ne serait pas difficile. L'occupation, en revanche...Puisons l'inspiration d'où elle vient, hein.

    '' Emerson Brown, héritier d'une famille d'artisans-charpentiers que le père su faire prospérer avant de partir et laisser gérer son fils ; j'ai rien à faire à part récolter le fruit du dur labeur des autres, juste venu flamber un peu en charmante compagnie. ''

    Nul besoin ni envie d’épiloguer, y avait une part de vrai dans tout ça. Nom, prénom, occupation. C'est tout ce qu'il fallait. Le peu de voyage qu'il restait s'était fait non pas dans le silence, mais avec un Warren un peu plus fermé que d'habitude, attitude bien vite évanouie une fois sur le pont, prêts à débarquer, alors que ce paysage s'offrait à lui, plissant presque des yeux malgré lui, alors que ses lunettes sont toujours sur son nez. Vraiment une ambiance...Particulière. Comme cette impression que son capital ne s'en sortira pas indemne. La verdure se mariait parfaitement au sable blanc, les gens grouillaient comme des fourmis entre les immenses bâtiments flamboyants, véritables phares en pleine terre -ce qui n'est pas très intelligent, si on y pense plus de deux minutes. Il se planta à côté de la passerelle qui leur permettrait de mettre pied à terre, tendit galamment son bras vers Luz Wei- Pardon, Marrei Everniel, utilisons les alias à partir de maintenant, il va falloir s'y habituer.

    '' Je t'en prie. Le Serwang, donc ? Eh bien, allons y ! ''

    Ainsi accompagné, il procéda à la descente, son pied foulant enfin le bois du ponton. Voici une nouvelle information sur lui ; il n'avait pas eu le mal de mer, les traversées en bateau ne sont plus une inconnue pour lui, eh, ce serait presque à refaire en d'autres circonstances. Galinette cendrée, femme, à peine la trentaine, aurait rejoint l'Ordre il y a quelques temps, avant d'en violer un des préceptes à répétition, une descente aux enfers qui n'eut pour répercussion qu'être traquée par certains Célonautes, n'ayant pas abandonné ses activités pour autant, comme si tout ça, Althair, les Célentia, n'était pas un impératif pour elle.

    Traversant ainsi une foule de corps, le duo devait prendre à l'origine le chemin le plus court vers leur palace, se débarrasser rapidement et se rendre au plus vite au Tambour Étincelant, cependant...Eh, après tout...Franchement, entre nous...A part à la nage, où en bateau, ce qui serait visible si elle repart avec ses ''larcins''...Elle ira nul part la galinette, en vrai. Ils ont donc flâné plus que de raison, pas pour lui déplaire, Warren ne peut cependant parler au nom de Lu- Marrei, bordel, bref, oui, n'étant pas dans sa tête, il ne peut dire si cela lui déplaît ou non, en manque de protestation, assumons que c'est bon.

    '' Renversant. Vraiment. ''

    Les deux étaient enfin arrivés au pied du grand bâtiment ; blanc immaculé, imposant, finement décoré, avec une porte à faire pâlir l'entrée d'Althair. De quoi être inspiré, si vous voulez son avis, cela fait bien longtemps qu'il aimerait un petit ravalement de façade pour cette chaîne de bâtiments qui, bien qu’impressionnante, n'exulte pas assez de pouvoir. Les espaces vers étaient des plus entretenus, comme si le jardinier officiel de la royauté officiait également ici, et les fontaines alentours offraient un vent de fraîcheur bienvenue de par cette chaleur accablante. A leur approche, deux grooms se ruèrent presque vers eux. Il est vrai que le bâtiment paraît si luxueux, imposant et prestigieux, que les clients ne se bousculaient pas au portillon. Prémices de la vengeance de la femme, qui aurait plus que mal prit qu'il paye les additions et ces bouteilles qui tapaient à l’œil ? Hm. Quelle vipère. C'est au blond qu'un des hommes s'adressa.

    '' Bonjour ! Quelle belle journée pour séjourner au Serwang Palace ! Votre nom de réservation ? ''

    Oh les vautours, comment ils veulent leur petit cristal que Warren sera trop pingre pour lâcher, un pourboire est déjà parti pour le cocher, assez pour une journée. Surtout que ce n'était pas à l'homme qu'il fallait s'adresser, mais bel et bien à la petite rousse. Quel sexisme primaire, donc du coup, c'est à monsieur de tout payer, de s'occuper de tout ? Oui, mauvais exemple, vu le nombre de fois ou il avait invité la Célonaute, mais tout de même, c'est d'un révoltant !

    '' Oubliez les courbettes. C'est avec mon amie, mademoiselle, qu'il faudra traiter. ''

    Et il était resté là, à voir le personnel se décomposer un tout petit peu face à lui, se confondant en excuses et commençant à converser avec celle à ses côtés, ce qui ne put que lui arracher un sourire, ne se sentant aucune émasculé par ça, il leva les yeux au ciel pour encore plus s'imprégner de la beauté et la prestance de cet édifice ; qui n'est pas prêt pour l'état dans lequel Warren rentrerait des soirées passées en salles, que ce soit le Tambour ou ailleurs. Il dût presque fermer boutique, à Althair et Lagoon, repousser rendez-vous et entretiens, retraite accueillit avec ovations par les employés de Lagoon, et comprise par Althair, ''le patron prend enfin du repos ; et nous aussi'' avait été entendu dans les couloirs, avant d'être vivement réprimandé ; non, eux continueraient à bosser, faut faire tourner la machine. De surcroît, les plus hautes instances n'avaient qu'encouragé leur plus récente recrue à enfin se lancer dans le grand bain, s'il savait à quel point cette déclaration serait prise au pied de la lettre...
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Appâter le squale
    Mar 31 Aoû 2021 - 19:20 #


    Luz jubilait trop pour s’offusquer du comportement arriéré des employés. Elle n’était pas particulièrement rancunière – exception faite d’un acte perpétré à l’encontre de ses proches- , mais il y avait un goût certain à ce petit jeu qu’ils avaient engagés, un je vous en prie, je vous invite, le poignet facile et la bourse creusée. Or, Warren remportait la manche jusqu’alors. Une victoire provisoire qu’elle savourait à présent dans son air profondément absorbé, tandis qu’il contemplait l’envergure de leur hôtel pour les nuits à venir. Voilà qui valait bien toutes les victoires à venir et signifiait du même temps pour elle la levée du drapeau blanc : elle acceptait ce court instant de bonheur comme l’hégémonie de leurs passes d’armes et se désengagerait à l’avenir de tout concours entre eux. Heh, était-elle responsable de cette faiblesse de cœur lorsqu’il paraissait si effrontément, si adorablement subjugué par son environnement ? Et à travers la silhouette de cet homme, à travers ces larges épaules d’adulte et ce regard acéré par les noirceurs de la Capitale, Luz devinait par instant l’enfant saisi d’une curiosité candide. Avait-il souvent voyagé ? Sous ses abords de requin d’abysse, avait-il exploré les hauts fonds, tâté du bout de l’aileron la lisière de ces chemins noyés de poissons et de coraux exotiques ?

    « J’ai réservé au nom d’Everniel, leur répondit-elle. »

    Elle se fendit d’un sourire canin.

    « Pour deux suites Diamant. »

    Oh, comme elle regretterait de ne pas voir, ne pas pouvoir savourer la moue qui immanquablement se saisirait du visage du blond dès lors qu’il ouvrirait sa porte ! Que ses pas s’égareraient dans le hall d’entrée, puis parcourraient les deux premiers salons rutilants, la chambre grandiloquente, la salle d’eau aux jeux aquatiques aussi parfumés qu’embrumés… Cela, juste avant qu’il ne découvre peu après l’étrange couloir qui s’achèverait par des escaliers. Conduirait à une plage privatisée. Mais… Deux suites ? Ah, quel casse-tête que cette inextricable décision. Qu’étaient-ils ? Collègues, assurément. Amis, sans nul doute. Amant ? Cela ne s’était produit qu’une seule fois, au chalet, diraient certainement plusieurs boute-en-train. A moins qu’il ne soit plus légitime de dire « Oui, mais c’était pour le travail » ? Des excuses, tout ça, mais des excuses foutrement pratiques ! Cela lui permettait de refouler un attrait un peu trop poignant pour son collègue, puisqu’ils étaient amis, de ses termes, quand ils devaient travailler. Restait qu’il lui avait paru plus naturel de réserver deux chambres et d’ainsi esquiver adroitement toute situation gênante. Il était toujours plus habile de prévoir une porte de sortie !

    Pour sa part, elle ne déposa donc que son grand sac sans fond dans la suite qui lui avait été décernée, connaissant déjà le goût exquis de la décoration environnante. L’Etoile du Sud ne lui était pas un territoire entièrement inconnu et la connaissance auprès de qui elle s’était renseignée pour l’organisation de ce voyage lui avait présenté le palace grâce aux images conservées sur son cadre magique. Assurée que tout était parfaitement en ordre, elle chaussa rapidement une paire d’escarpins plus en adéquation avec leur sortie nocturne et équipa son petit sac sans fond à la manière d’un sac à main. Convaincue qu’elle n’aurait pas réellement à en faire davantage – après tout Marrei avait vécu la quasi-totalité de son existence à un seuil raisonnablement bas de richesse avant que la bonne fortune ne la heurte brutalement, elle rejoignit Warren à l’entrée du Serwang Palace.

    « J’espère que l’endroit est suffisamment à ton goût ? l’apostropha-t-elle sans résister à l’envie de laisser filer cette pointe d’étincelle taquine qui caractérisait à présent une bonne part de leur relation. »

    Elle jeta un bref regard à son tempus qu’elle rangea derechef dans son sac. Les ombres avaient commencé à s’allonger dans la cour de l’hôtel, et le soleil ne chauffait plus autant leur peau. La traversée avait été longue, mais tout à fait chronométrée pour leur permettre d’arriver à l’heure des charognards. Une musique rythmée se réverbérait déjà dans les rues alentour pour leur parvenir par ressacs attrayants. Luz gageait qu’il serait bientôt impossible de distinguer une musique d’une autre au fur et à mesure de leurs déambulations dans la ville, chaque casino et boutiques se disputant ardemment pour attirer le chaland. Il ne faisait pas encore nuit pour autant, une heure adaptée en somme pour une promenade jusqu’au Tambour Etincelant. Elle enroula pour sa part son bras autour de celui de son compagnon, se glissant arbitrairement contre lui avec la sainte autorité des audacieux. Personne n’irait s’interroger sur ce rapprochement, tout amical qu’il fut, dans une ville où les nouveaux riches se fréquentaient et se courtisaient comme autant d’abeilles autour d’une Reine ! Ils n’étaient de toute façon pas les seuls téméraires à avoir accosté à l’Etoile du Sud, en témoignèrent les nombreux duos qui longeaient les rues et s’engouffraient ici et là dans les casinos attenants…

    « Je propose que nous nous séparions dans un premier temps, souffla-t-elle au squale une fois devant l’enseigne recherchée. Disons… Rendez-vous dans une heure ? »

    Cela ne l’enchantait pas entièrement, mais elle craignait d’étouffer les murmures et de provoquer des levées de bouclier s’ils écumaient l’endroit à deux. Un être humain esseulé avait du moins le mérite de paraitre moins inquiétant, plus fragile, ouvert aux opportunités naissantes… Ce qui ne manquerait pas d’allumer quelques foyers de curiosité dans l’établissement, un bâtiment ostentatoire mais un tantinet plus humble que ses confrères. Le Tambour n’avait pas été construit sur un axe principal de l’Etoile du Sud, il avait plutôt poussé tel un hardi champignon sur le bas-côté, frôlant une colline qui en dévorait les bords, lui donnait cette attitude cabossée de dandy des rues. Dandy pour les dorures omniprésentes, apanage essentiel de toute bonne maison du jeu, et rue pour la clientèle d’origines diverses qui se pressait à ses portes. Luz comprenait ce qui avait plu à leur Galinette lorsqu’elle avait fait de ce lieu l’une de ses principales fréquentations… Il suffisait de tendre l’oreille pour saisir des racontars à la volée et la foule était étonnement entreprenante ! L’attitude désinvolte et secrète des très riches s’était envolée et les pauvres se fichaient d’hurler leur désespoir ou leur passion en jetant leurs dés. Cela lui faisait l’effet d’un jour de marché particulièrement animé, un contact déroutant entre le monde du très haut et celui du très bas – ici seul comptait visiblement de pouvoir continuer à jouer.

    Se séparant à regret de son requin attitré, Luz s’engagea dans l’une des allées transversales de l’immense salle, acceptant avec un plaisir non dissimulé la coupe de champagne tendue par un groom. Sous prétexte de lui laisser son foulard, elle prit le temps d’observer les occupants du lieu. Elle jeta finalement son dévolu sur l’imposante roulette à sa droite, actuellement environnée d’excités bigarrés dont les cris affolés retentissaient jusqu’à elle. Elle perçut l’odeur caractéristique de l’alcool en s’approchant et choisit une place en se coulant naturellement dans l’engouement général.

    « Rouge, pair, héla-t-elle le croupier, tout en glissant plusieurs jetons sur le velours de la table. »

    « Heh, c’est votre première fois ici non ?
    lui répondit une voix masculine à sa gauche, de ce ton intrépide qu’elle connaissait si bien. »

    Elle releva vers lui un regard-tout-sourire, une pointe de naïveté, un quelque chose de gracile et de délicieusement féminin. Si l’appât mordait à l’hameçon, le poisson qu’elle guettait en réalité l’observait toujours d’une moue mitigée. Deux amis, visiblement. L’un fortement alcoolisé, l’autre en possession d’une gourmette qu’elle aurait reconnue entre mille, une création rare d’orfèvrerie des années 800. Un amateur d’art devait connaître la Galinette cendrée, non… ?

    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
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    Re: Appâter le squale
    Mer 1 Sep 2021 - 2:57 #
    Le nom des suites était des mieux trouver. Diamant, hein ? En effet, c'est éclatant. Rien que le hall, somptueux et vaste, si finement décoré qu'il sentit une pointe de jalousie naître dans un recoin de son cerveau, sentiment qu'il n'a que rarement connu, il appréciait chaque sculpture, chaque tableau avec une avidité rare pour de telles pièces, la capitale regorge de boutiques et demeures luxueuses qui pourraient aussi bien rivaliser avec cet étalement d'extravagances, le côté paradisiaque y joue pour beaucoup. L’héritière Weiss doit être habituée à tout ça, à famille prestigieuse tout devient fade, balayant prestement l’éventualité qu'à son contraire, il ne s'agit pas de sa première visite aux archipels, ses capacités de réflexions embrumées par l'excitation, tout était réunit pour passer un effroyablement bon moment.

    Montant escaliers, dévalant couloirs, le temps parut long jusqu'à la découverte de l'endroit qui deviendrait momentanément son ''chez lui'', sa chambre au sein de ce palace, on peut dire que le tout est hétérogène, imaginez débarquer dans une chambre miteuse après avoir gravé d'aussi belles images au fond de ses rétines ? Non, tout était bien, du lit aux commodités, au mini-bar remplit, l'inverse aurait été d'une indélicatesse certaine et l'aurait conduit à partir pousser une gueulante, oui il n'a pas payé, ce n'est pas une raison pour que Lurrei (oui, ce sera la combinaison de Luz et Marrei) se fasse pigeonner ainsi ! Le blond n'était pas choqué de ne pas partager de suite à deux ; après tout, qu'y avait-il de concret entre eux deux, à part les souvenirs de leur première rencontre sulfureuse ? L'entrepreneur ne pouvait se résigner à se dire que des quelques jours que durerait leur mission, tout tourne justement autour de cette dernière. L'Ordre est quelque chose qu'il prend au sérieux, chéri ses principes comme ses propres enfants dont il ne veut pas d'ailleurs, il ne faillira pas à démêler toute cette affaire, rien n'empêche d'autre choses.

    Rapidement, il balança dédaigneusement sa veste sur le lit, se débarrassa de cette cravate qui ne faisait que trop formelle, à l'exact opposé du personnage qu'il eut à se créer. Il fallait quand même apporter ce brin d'excentricité, du mec qui en branle pas une mais brasse tellement qu'il se doit de le montrer. Une de ces affirmation vaut pour Warren, à vous de deviner laquelle. Valise ouverte sur le lit, ne pas tarder à finir de se préparer, son accompagnatrice est si rayonnante que se refaire une beauté n'était aucunement nécessaire. La chemise restera, à dire vrai, il n'avait aucun besoin de partir sur un autre accoutrement, les habits dans la sa valise ne lui serviraient que de change, à l'exception de ces deux petites boites. L'une, la première qu'il prit, était en acier, finement ornée et ciselée, le loquet d'ouverture claqua fermement entre ses doigts. Bijoux, bagues, chaînes, '' l'attirail du parfait connard '', si on l'entendait parler. Il portait tous ces trucs, y a encore quelques années, dans sa période tape-à-l’œil, vite remplacée par du chic et de l'efficace. Parfaits cependant pour l'alias du blond. Des belles pièces de surcroît, rares, parfois uniques, qui valent cher, seules raisons pour lesquelles le tout reste en sa possession. L'autre boite, fine, en bois, abritait cigares et allumettes. Il prit un de ces rouleaux brunâtres, le porta à son nez, appréciant la délicate fragrance qui vint lui envahir les narines. Rangeant le tout, mettant quelques bijoux, boite à cigares dans la poche de la veste, il se recoiffa précieusement pour rejoindre sa comparse en bas du bâtiment.

    '' Ce palace est au niveau de la personne qui m'accompagne, ma chère; magnifique et étonnant. T'as un vrai don pour dénicher de bons endroits ! ''

    Dorénavant en partance pour le Tambour Étincelant, aucune protestation du côté de l'homme quant au rapprochement dont avait fait preuve la rousse, néanmoins suspicieux quant à la sincérité de ce mouvement. Autour d'eux, couples et bandes d'amis se mélange aux loups solitaires écumant salles après salles, espérant que les cristaux brillent plus fort chez le concurrent voisin, la plupart du temps sans succès. Une basique procédure de reproduction de son entourage ? Il ne peut pas penser à ça. Il ne veut pas penser à ça. Il ne doit pas penser à ça. Ses pensées mêlées au brouhaha musical les entourant brouillaient de nouveau son esprit, pas dans le bon sens cette fois ci.

    Plantés devant le bâtiment, Warren ne lâcha qu'un signe de tête positif envers Lurrei en seule réponse à sa proposition. Ce casino...Impossible de décrire ce qu'il lui inspirait. Oui, le tout était beau, impressionnant, à côté de Serwang, il n'a pas l'air finit. Le charme est certain, le cadre porte manifestement tout l'établissement sur ses frêles et dangereuses épaules, Toute cette tergiversation s'effaça aussi vite qu'un message laissé sur le sable, emporté par le va et vient des marées une fois que le premier pied fut posé à l'intérieur. Ce melting pot de classes sociales, tout ce côté hétérogène venant détruire tout ce qu'il avait pu observer depuis le début. Allez Warren, tes premiers pas sans une sublime créature cramponnée à ton bras. Ça va le faire, cette odeur d'espoir, de tristesse, d'alcool et de tabac n'est pas sans lui rappeler l'atmosphère de son bureau après chaque entretien. Autour de lui, hôtesses et autres employées lui fondaient dessus, alors qu'il n'avait d'yeux que pour la silhouette gracieuse qui s'esquiva bien vite à son champ de vision. Prenant le chemin opposé à celle à la crinière de feu, il entreprit de s'installer à une table de blackjack. Cristaux pleins des poches, il ne comptait pas faire fructifier de maigre capital ; s'amuser était une priorité. Se glissant à une table sur une place libre, il eut à peine le temps de parler qu'il fit invectiver par le croupier.

    '' On attends la fin de la main en cours, Monsieur. ''

    L'entrepreneur leva une senestre compréhensive, sa main opposée fouillant dans sa poche pour en sortir la boite de cigares, bagues aux doigts bien apparentes, entreprit d'en allumer un sans que quiconque tente de le stopper, après tout, certains ne se gênaient pas, c'est que c'était autorisé, non ? L'homme n'a jamais été un grand joueur de jeux de cartes, il en connaît les règles, de là à dire qu'il tiendra plus longtemps que les autres, on en est à des lieues. C'est ça l'avantage du blackjack, au moins s'il perd, ne donne-t-il pas son argent aux autres parieurs, mais à la maison qui finit toujours, peu importe comment, par gagner. Scrutant ses coéquipiers de fortune, rêvant de plumer le directeur du Tambour Étincelant, un certain Piksouh, que des visages fermés qui tentaient eux aussi de comprendre le blond ; il paraissait pro, avec ses lunettes tintées. Seule à se démarquer, une femme, adorable pour tous avis objectifs, qui semblait bien se moquer de tout ce qu'il pouvait se passer devant elle, croiser son regard lui aurait presque donné des frissons dans le dos, et -

    '' Monsieur ?! Vous participez alors ou non ? ''

    '' Oh, oui, bien sur ! On va commencer doucement, hein ? ''

    Passons les non-talents de Warren, aussi doué est-il en manipulation et analyse, ce dernier ne reste qu'un Homme, impuissant face à une telle institution. Les jetons qu'il avait échangés contre ses cristaux fondaient aussi vite qu'il acceptait de boissons de la part des serveuses, le délestant au passage d'encore plus de cristaux qu'il est raisonnable. Ce qui devait arriver arriva, à force de pianoter si fréquemment sur la table, métronome demandant une nouvelle carte à un rythme indécent, il se retrouva vite à sec.

    '' Monsieur, vous feriez mieux de quitter la ta- ''

    '' Ta-ta-ta-ta ! Et ça, alors ? '' De son index et pouce droit, il se saisit de son collier, encore autour de son cou. '' Ce collier vaut plus que le solde que vous pouvez vous faire en dix lunes en bossant ici ! Alors vous allez me resservir des cartes, immédia - ''

    '' Enfin, je ne peux pa- ''

    '' Une bien belle pièce, que vous avez là. ''

    Yeux obnubilés par la table de jeu ; toucher submergé par le grain des cartes : odorat pollué de fumée ; goût anéanti par la boisson ; ouïe virevoltante, véritable agente à la recherche constante d'informations revenant pourtant bredouille, portant un coup au moral, la voix féminine le ramena à la réalité. Comment ne pas avoir remarqué cette gestuelle féline s'immiscer juste à côté de lui, remplaçant un des malheureux reparti bredouille ?

    '' Originale, de surcroît ! Unique en son genre ! ''

    '' Je vois ça ! Un autre amateur de belles pièces ? '' La tête de la mystérieuse individu pivota vers le croupier. '' Sa valeur devrait permettre à monsieur de continuer, non ? ''

    '' Je- J'imagine que oui. ''

    Au moins l'avait-elle sauvé sur ce coup là. Par chance, il remporta cette main, n'ayant à se défaire de ce bien qui, aussi précieux soit-il, ne représente plus aucune valeur pour le blond, qui passa d'ailleurs une main lascive dans ses cheveux, comme pour fêter sa victoire, remerciant silencieusement sa bienfaitrice. A y repenser, elle n'avait pas joué une seule main depuis son arrivée ? L'heure allait finir par s'écouler, il faudrait qu'il pense à retrouver – Une main se posa sur son avant bras, tête baissée, ses prunelles glissèrent depuis ces ongles minutieusement manucurés jusqu'au visage de l'inconnue.

    '' Tout le plaisir est pour moi, voyons ! Par pitié, dites moi qu'un bel homme comme vous s'est rendu ici sans compagnie ? ''

    Des yeux d'un bleu profond, semblables à une mer agitée, un visage délicat encadré par de longs cheveux de jais. Oh, c'était donc comme ça que ça se jouait, ici ? A la capitale, même dans les enseignes les plus huppées, rameuter les plus belles femmes se trouvait être une épreuve. Le côté inconnu, le brassage de corps par milliers d'âmes vagabondes qui ne se recroiseraient nul part ailleurs qu'ici, sentiments exacerbés qui ne se terniront pas après de fortuites rencontres dans les rues de la ville. Tout n'est qu'éphémère et poudre aux yeux, ici.

    '' Eh bien... ''

    Alors, Warren ? Quel sera ton prochain mouvement, quelle pièce va-tu avancer ici ? T'es venu seul, t'as des chances d'attirer cette créature dans ta suite, te faire michtoner bien comme il faut ? L'honnêteté, non, tu n'es pas venu seul, mais après tout, rien n'est gravé dans le marbre, hein ? Ou bien écouter cette petite voix intérieure, cette curiosité qui traîne aussi bien dans ton esprit que dans les tréfonds de ton cœur ? Se redressant sur son tabouret, sa nuque fut mise à l'épreuve tant il la tendait en arrière, en plusieurs directions, en l'espoir de voir Lurrei, quelque part, espoir aussi mince que les probabilités de croiser son regard émeraude. De nouveau face au croupier, le donneur avait ignoré la présence des deux pour continuer de délester les autres attablés. Lourd soupir.

    '' C'est pourtant le cas. Je suis venu accompagné, très bien accompagné, même. Il faudra vous trouvez une autre proie, mademoiselle. ''

    '' Quel dommage, vraiment...Vous semblez si...Cultivé et équipé. '' Le ton neutre de sa voix contrastait avec le message qu'elle tentait de faire passer. D'une manière presque féline qui n'est pas sans rappeler quelqu'un, elle quitta son assise, se penchant à l'oreille du l'homme à lunettes. '' Si jamais vous deviez changer d'avis...Je suis à l'Hôtel Elysium. Je vous conseilles d'y passer demain soir. Au cas ou. Vous devriez y trouver votre bonheur. ''

    Le jeune Richter aurait pu jurer voir le regard de la demoiselle se balader sur ses doigts et son cou, le jurer n'est pas dans ses cordes. S'excusant, elle quitta les environs. Que faire de cette information ? Au mur, au dessus, la lourde pendule indiquait qu'il ne restait que peu de temps avant de rassembler les nouvelles des deux Célonautes. En recoupant le tout, les bribes finiraient par atteindre une toute nouvelle cohérence retrouvée. Ces intentions qu'il a eues, juste avant de refuser cette compagnie...D'une main assurée, il commanda un autre verre, la deuxième occupée à cogner la table du bout des doigts.

    '' Cartes. ''
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Appâter le squale
    Mer 1 Sep 2021 - 23:17 #


    « Il est bourré. »

    « Complètement bourré
    , acquiesça-t-elle. »

    « Je mise sur le revers
    , surenchérit un troisième observateur. »

    « Pourquoi lui avoir donné ce dernier cocktail, franchement ? Ça nous l’a achevé ! »

    « Soyez pas mauvais joueur parce que vous avez perdu le dernier pari… »

    « Je mise sur un touché double. »

    « Un touché double ? »

    « Oui, il renverse le verre de la donzelle et les éclabousse tous les deux. »

    « Je vous trouve tous bien pessimiste. C’est un ami, tout de même… Oh bordel, je sens que je vais le regretter, mais je paris qu’il réussit. »

    « … Je partirais plutôt sur un joker
    , fit le quatrième curieux de leur groupe. Vous voyez le type là-bas ? A tous les coups c’est son mari, il n’arrête pas de la mater. »

    Un hurlement strident, suivi d’une gifle retentissante, et leur jeune poulain se retrouva soudainement bredouille.

    « Ah non, c’était son père. »

    « … Et son verre s’est renversé ! Ça fait une mise doublée pour ma poche les amis. »

    Elle se retourna vers eux, les mains sur les hanches et l’air indubitablement ravi. Les trois hommes grommelèrent des imprécations à l’égard de cette satanée modernité qui permettait aux femmes d’entrer dans les casinos, ce qui ne les empêcha guère de farfouiller leurs jolis costumes pour en extraire quelques cristaux.

    « Allons, vous repartirez bien sur un quatrième tour ? leur susurra-t-elle, un sourire futé sur les lèvres. »

    « Pour peu qu’on en sache, vous empoisonnez ses verres. »

    « Comment tient-il encore debout après tout ce que vous lui avez servi ?! »

    Le détenteur de la belle gourmette, dénommé Fabrice, arborait un regard circonspect en contemplant les frasques de son ami d’enfance, à moitié avachi sur un comptoir un peu plus loin. Sans doute cuvait-il tout autant le dernier shot qu’elle lui avait versé que son récent déboire amoureux.

    « Vous savez, il n’y a pas de bons ou de mauvais cocktails. »

    « Qu’importe le flacon pourvut qu’on ait l’ivresse… ? »

    « … Oui, c’est exactement ce que j’allais dire. Mes recettes sont précises et requièrent paiement ! Un quatrième tour, donc ? »

    Nouveau sourire tout de dents blanches. Ah, un désistement, là, de la part de leur deuxième spectateur. Un quadragénaire qui s’était greffé à leur drôle de groupe avec la spontanéité d’une personne en quête d’animation dans ce foutu Tambour. Le troisième spectateur n’était pas loin de rendre l’âme non plus – elle avait prit soin de s’en assurer en chargeant ses verres d’un poignet plus lourd que le tour de bras d’un béhémot.

    « Vous n’avez pas l’air très abîmé, lui fit remarquer très justement Fabrice. »

    Observateur, le bougre. Elle ignora sa pique, contourna l’attaque :

    « Nous pourrions parier une dernière fois. Vous n’êtes pas entièrement sur la paille. »

    Elle désigna l’or du bijou qui ceignait sa main d’un éclat alléchant, annoté d’une gravure sur la bordure dont elle décelait l’importance. Puisqu’il venait de vivement recouvrir sa gourmette d’une main protectrice, levant vers elle deux iris méfiantes, Luz fit le dos rond. Elle s’adoucit, vint s’appuyer contre le bois de leur table haute, paumes ouvertes avec l’évidence d’une simple coïncidence.

    « Trois cent ans d’âge ? se trompa-t-elle volontairement. »

    Une touche de curiosité candide qui finalement s’avérait très proche de son tempérament naturel. A ce genre de jeu, mieux valait toujours singer son propre caractère que de risquer de s’élancer trop loin au risque de retomber maladroitement en dehors de l’arène.

    « Deux cent cinq ans, pour être exact. »

    Vague regard gêné, tension dans les replis de ses mains. Hésitation fugace.

    « Vous avez l’œil, tout de même. »

    « C’est un très bel objet je dois dire, je m’étonne que vous preniez le risque de le porter dans un casino ! Enfin… Ce n’est pas Sam qui vous la volera
    , conclut-elle en désignant d’un haussement de sourcil leur troisième accompagnateur endormi sur la table. »

    « Oh, vous le connaissez ?
    répondit Fabrice, surprit. »

    « Pas du tout ? Il me semblait être venu avec vous… ? »

    Il y eut un léger silence puis ils rirent de concert.

    « Bon, laissez tomber, soupira-t-il. Mais… J’ai quelque chose à vous proposer. Si ce type de bijou vous intéresse, je sais exactement où vous pourriez en trouver ! »

    « Ah ? »

    « Axel et moi on est sur l’archipel depuis un bon mois et on a quelques connaissances ici. Bref, y a bien un événement régulier où quelques érudits et collectionneurs se réunissent, un genre d’enchères privées de ce que j’ai cru comprendre. Les organisateurs laissent à peine filer une ou deux infos ici et là, rien d’officiel… »

    Il se pencha sur son tabouret, un ton de conspirateur patenté sur la langue, vaguement gêné peut-être de passer pour un fou auprès d’une illustre inconnue. Axel était après tout celui des deux à disposer d’un tempérament sociable et ouvert – malheureusement, Axel n’était plus disponible, car actuellement occupé à chercher un endroit où dégobiller. Luz interrompit pour autant son geste, un sourire compréhensif sur les lèvres :

    « Nul besoin de vous justifier, j’ai compris, vous comprenez, nous comprenons. Hormis Sam, j’entends. »

    Une enchère illégale donc. Un trafic idéal, à bien y réfléchir, dans un coin du Royaume aussi reculé que l’Archipel. Loin des lumières centrales des axes principaux, le Tambour offrait un écrin fertile aux échanges sous le manteau. Les rumeurs faisaient naître de véritables feux de poudre et de tels commerces faisaient bien plus aisément mouche lorsque les riches et les pauvres daignaient se mélanger de la sorte… Rien qui ne la traumatisait pour sa part. Warren et elle n’avaient ni plus ni moins que sonner le glas d’un pauvre hère pas plus tard que récemment. Alors, s’il fallait converser d’artefacts rares et volés…

    « Ah ! Parfait parfait, soupira-t-il avec soulagement. On vous compte dans le lot ? »

    « A quelle date est prévue la prochaine enchère ? »

    « Demain soir, il parait. Il y a toutefois un dernier détail à régler… »

    « Si vous me dites que vous ne savez p…

    « … Pas où c’est. Oui, très exactement. »

    Elle demeura interdite une poignée de longues secondes, sentit poindre une terrible envie de lui envoyer son verre à la figure.

    « Heh ! se justifia-t-il aussitôt, les indices avec eux c’est comme une chasse aux œufs de fiouk ! Les gens deviennent fous et on se retrouve à faire des hypothèses absurdes et à ne plus voir l’évidence ! »

    « Y a… Y avait un truc,
    intervint Axel qui était de retour, guère plus vaillant qu’auparavant. Le séjour des hommes vertueux ! s’écria-t-il en déclamant elle-ne-savait-trop quel vers d’un conte oublié. »

    « Je crois que vous feriez bien de le raccompagner
    , suggéra-t-elle d’un sourire compatissant. »

    « Vous viendrez, du coup ? »

    « Nous viendrons
    , répondit Luz laconiquement, une étincelle sibylline dans les prunelles. »

    Elle décroisa ses longues jambes et ramassa ses affaires, s’échinant d’ores et déjà à décortiquer le seul indice à sa portée sur le trajet qui la mènerait jusqu’à leur point de rendez-vous. Le séjour des hommes vertueux ? Que signifiait cette référence obscure ? Ils n’avaient malheureusement que peu de temps à leur disposition pour percer l’énigme, et elle était à court d’intelligence – elle ne l’aurait avoué pour rien au monde, mais les verres absorbés commençaient également à faire effet ! Où donc était son squale, dans ces eaux étrangères où la présence de sa tignasse blonde lui était familière, si ce n’était… Essentielle… ?

    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
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    Re: Appâter le squale
    Jeu 2 Sep 2021 - 3:20 #
    De toute façons, on va pas se mentir, on est entre nous.

    Le blackjack, c'est quand même bien naze, non ?

    Enfin, ces gens qui ne se connaissent même pas de vue, assit en demi-lune sans un regard, une parole, accord tacite consistant à braquer la banque personnifiée en la personne du donneur, tradition voulant que le gagnant recrache une partie de ses gains gagnés de manière chanceuse, rinçant les gosiers asséchés de ses pseudo-coéquipiers de fortune qu'ils n'obtiendrait d'ailleurs pas ici.

    De cette soirée, il passait plus de temps à s'abreuver qu'à partager. Eh, malheureux au jeu, hein ?

    Mises en opposition aux autres tables et autres activités disponible, ce petit coin isolé était un peu plus calme, sans le vouloir, il s'était dirigé dans le coin des gens qui jouent plus pour leur vie que pas simple amusement. Si Warren aurait du fonder sa fortune sur ça, nul doute qu'il ne serait pas celui avachi, en larmes, fortement alcoolisé, sur son tirage perdant, le poids du monde sur les épaules. L'entrepreneur, lui, serait la personne qui fait servir cet alcool ; qui embauche toutes les hôtesses, croupiers et grooms. Le casino ne se vidait pas, mais ces tables, oui ; elles font des ravages, dans tous les sens du terme. Prises d'assaut dès le début, les démarches résignées qui déambulaient autour n’appâtaient pas tant que ça. Puis, une fois ces perdants dispersés, une nouvelle vague arrivait, prête à en découdre.

    Actuellement, on est en plein dans cette transition.

    Toujours assit, un verre à moitié plein dans la main, il ne pouvait s'empêcher de se rappeler qu'actuellement, c'est Sandro qui était l'Archonte à l'archipel. Est-il ne serais-ce qu'un peu au courant de tout ce qui se passe ici ? Voyons, à d'autres ; c'est le frérot, celui qui l'a lancé, eh, apprit à se battre même. Bon, du haut de ses trente neuf ans, l'ancêtre serait toujours capable de mettre une rouste au fringuant blond, pensée renforcée par la dernière fois qu'il l'avait vu, d'ailleurs, à cette mini-réunion où il fallait décider à qui irait la joie d'enquêter dans l'archipel. Bien familier avec le bonhomme, s'il a voté pour, c'est qu'il y a anguille sous roche, faut s'attendre à un courrier demandant une faveur à la branche de la capitale, quand il sera rentré au bercail. Par contre...Non, impossible qu'il baigne la dedans. Cette Galinette est très forte ; faire ça sous son nez. Après, tant que ce n'est pas un artefact qui pourrait régler son problème, est-il intéressé ?

    '' Monsieur ? ''

    '' Hm ? ''

    '' Vous...Refaites une main ? ''

    Sortit de ses pensées, il n'avait en effet plus de jetons, l'échange précédent l'ayant conforté dans l'idée qu'il ne faut pas se séparer de ses breloques, il n'avait en effet plus rien à jouer. D'une traite, il écoula son verre, tapotant finement ses lèvres du dos de sa main en le reposant à même la table. Ça devait bien faire quoi, plus d'une heure ? Avec sa chance, il aurait droit à une gueulante pour ne pas être parti à son tour à la recherche de la rousse.

    '' On va pas se mettre à poil pour une partie de blackjack, hein les gars ? Ce sera sans moi ; bonne soirée, et évitez d'en finir quand le croupier ne pourra plus vous taper dans le fond des bourses. Sur ce ! ''

    Ce rôle lui donnait des libertés d'expression qu'il ne se connaissait pas, c'était d'un grisant, bien sur qu'il se permet d'être direct, franc et limite blessant avec les clients, pour établir un rapport de dominance, encensé par le sentiment de jouer à domicile et d'être intouchable. Avec des inconnus, c'est toujours plus...Friable. S'allumant un énième cigare, sa levée de table fut accueillie par grognements et insultes ; rien d'inhabituel. Traînant un peu dans l'immense casino, toujours aucun signe de sa partenaire. '' Peut-être est elle sortie, ce serait plus simple de se retrouver ? ''. Ni une, ni deux, il prit en sens inverse le chemin qui l'avait mené jusque cette table, jusqu'à rentrer dans un mollasson traîné par deux autres de ses amis.

    '' Oh, par Lucy, mais ne pouvez-vous pas faire atten- ''

    Interrompu par un jet malodorant et brunâtre qui le manqua de peu, le pauvre bougre en face de lui était rond comme une queue de pelle, titubant et visiblement, avoir relâché ce poids de son estomac semblait lui avoir fait le plus grand bien. Se comporter de telle façon, si proche d'un homme de son standing, reste inacceptable et une bonne raison d'en venir aux mains. Fermement, Warren saisit l'homme par sa veste au niveau des épaules, dans un mouvement violent et bruyant, et le poussa si fort qu'il n'eut pas le temps de tituber en arrière avant de finir éjecté, son fondement devenant la première partie de son corps à trouver le sol.

    '' Mais je vais t'en apprendre, des manières, moi ! Tu vas voir ce qui t'att- '' Alors qu'il se dirigeait vers la barrique allongée au sol, des séries de mains viennent le retenir par divers endroit de ses vêtements. '' Ces fringues valent plus que vos vies ! Vous feriez mieux de lâcher ma vest- ''

    '' Pardonnez le, ohlala, il est totalement ivre ! C'est la rouquine sulfureuse qui lui à servit des doses, de quoi coucher un requin saoulard ! ''

    '' La rouquine ? ''

    S'ensuivit un de ces fameux moments où l'on est envahit par cette illusion que le temps autour de vous ralentit, deux hommes étaient encore autour de lui alors qu'un autre relevait le malheureux. Tout autour, sur plusieurs degrés à la ronde, son regard se portait, à la recherche de cette flamboyance qui lui servirait de phare dans les ténèbres de ce lieu, alors qu'une marée de badauds s'approche du lieu de l'incident, dont des vigiles qui furent vite dispersés une fois le malentendu expliqué. Bougeant des bras pour se défaire de l'emprise des acolytes de la fontaine humaine, il les pointa du doigt.

    '' Vous avez de la chance que j'aies à faire. Prier Lucy que je ne vous recroise pas. ''

    S'écartant derechef, à la poursuite de Lurrei qu'il finit par rattraper. Elle aussi, était pas dans le meilleur de ses états, en tout cas, un peu plus dévastée que lui, si bien que, ne disant jamais deux sans trois, il lui offrit son bras, prenant la direction de la sortie, cigare toujours vissé entre ses dents. ''Toute sortie est définitive'', oui, merci, on connaît la chanson, un grand classique, aux côtés du fameux ''pas de sabots aux pieds''. Le duo se trouva un coin tranquille, alcôve entre bâtisse et colline. Il était temps de tout mettre à plat sur ce qu'ils avaient appris. Laissant Lurrei commencer, le blond s'était planté devant une des vitres du casino, se remettant de ces émotions, passant ses doigts dans sa crinière qui s'était ébouriffée, ajustant son haut, repassant sur les plis de sa chemise. Des ventes illégales avaient donc bel et bien lieu ici. Demain soir ? Des indices ? Ça concordait que trop avec ce qui lui était arrivé de son côté, alors que ce doux visage dans lequel était encastré ces prunelles bleues...

    '' J'ai eu un événement presque similaire, aussi. J'étais à ma table, prêt à me faire plumer, sur le point de jouer mon collier par dépit, ce qui attira cette demoiselle qui s'assit à côté de moi, et là PUTAIN ET LA LE MEC IL GERBE ! '' Oh. Snap. '' JE TE JURE, LE JET, J'ETAIS EN TRAIN DE ME BARRER QUE DEJA, IL ME RENTRE DEDANS, ALORS QUE LUI, C'EST PAS VRAIMENT LE GENRE DES GENS DANS LESQUELS J'AI ENVIE DE RENTRER ! ''

    Trop tard, Il était partit. Ça dura une poignée de secondes, qui parurent des heures à Luz, c'est pas demain la veille qu'elle en viendra à pouvoir le raisonner, comme le faisaient si bien Sandro et Stentor. Si ça se trouve, de là ou il se terre, le premier se dit ''Ah, ça, c'est Warren, je reconnaît la verve. ''. Il marchait, piétinait plutôt, vite, effectuant de prestes mouvements de ses mains. Et comme souvent ; il fallait que cela finisse en apothéose, en véritable ode souvent jalousée par les plus grands poètes, souvent imité, jamais égalé.

    '' ...ET EN PLUS LA MEUF, JE TE JURE, UN DE CES PETIT LOT LA, OHLALA, AVEC QUELLE FACILITE J'AURAIS PU LA TRAINER AU SERWANG ET PASSER LA NUIT DESSUS ! POUR DE VRAI, JUSTE A CLAQUER DES DOIGTS, CLAC, BIM, BOUM, FAIT ! AH, CA, J'AURAIS PU ! MAIS - '' Et là, ses yeux croisèrent ceux de Luz. Non, il ne ressentirait pas de honte, aucun problème à s'être comporté de la sorte. Excès qu'il ne maîtrise pas, la noble en a parfaitement conscience, c'est cependant la première fois qu'elle est directement concernée, sans en avoir la certitude cependant. '' Mais ça n'a aucune forme d'importance, puisque je l'ai reboutée, et que ce n'est aucunement lié à notre enquête. Regarde ça, tout est à refaire ! ''

    D'un geste mou, il écrasa du bout du pied son cigare qui était pas inadvertance tombé au sol durant son tantrum, puis entreprit de nouveau les mêmes gestes que tantôt, être pleinement présentable pour lui même. Pas d'excuses, pas encore, il laisse couler. A peine s'il ose replanter son regard dans le sien, maintenant, de peur que même à travers ses verres enfumés, il puisse distinguer la déception dans ces émeraudes, que la femme puisse sentir le regret dans les siens. Déçue de quoi ? Quels regrets ?

    '' Désolé pour ça. Donc. Elle m'a parlé de cet hôtel, l'Elysium. Mes breloques semblaient l'intéresser, ces vieilles choses on suffit pour me faire passer pour un amateur de beaux objets, apparemment. Que j'y ''trouverais mon bonheur''. Elysium...Le séjour des hommes vertueux...Ca collerait, tu ne penses pas ? Dans tous les cas, je ne penses pas qu'on ait grand chose de plus à faire ici ce soir. ''

    De tous les êtres vivants qui respirent sur cette île, c'est bien sur à elle qu'il a fallut qu'il s'en prenne inconsciemment. Si sur de lui, il se moquerait éperdument des retombées s'il ne s'agissait pas de la jeune doctoresse. Continuant à contempler son reflet, plus pour éviter toute prolongation gênante de la discussion ou retourner sur ce qui a déjà été dit, le fils Richter se laissait à la merci de la belle pour la suite des événements, du moins pour le reste de la soirée et la journée du lendemain, puisque leur agenda pour dans environ vingt quatre heure était tout écrit. La nuit n'était pas encore tout à fait tombée, un fin vent marin sifflait à ses oreilles, faisant danser les feuilles et l'herbe autour d'eux, la chaleur présente jusque là laissa place à une douce température bien plus adaptée aux accoutrements du citoyen, donc bien plus supportable. Si elle devait le planter là...Eh, sans doutes retournerait-il dans sa suite, se baladant au gré des rues, achetant beaucoup plus d'objets transportables aisément que nécessaire, et puis pourquoi pas traîner sur la plage avant de se poser dans un des salons qu'offre le palace ?[/b]
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Appâter le squale
    Lun 6 Sep 2021 - 18:58 #


    Ce n’était pas comme lorsqu’ils se chamaillaient. Pour la facture exorbitante d’un restaurant, le contenu d’un plat pris à la va-vite sur le coin d’un bureau pour mieux travailler sur cette affaire, ou les efforts qu’elle devait fournir pour le convaincre d’arrêter ici ce soir, fatigués qu’ils étaient. Ce n’était pas non plus la première fois qu’elle décelait chez lui ce brusque changement de rythme, un rebours d’horloge brisée, absorbant, rejetant soudain un mélange explosif d’émotions. Cela s’était produit deux ou trois fois auparavant, jamais dirigé contre elle, une salve dilatée dans l’espace que seuls ses hommes de main étaient en mesure de calmer… Que cherchait-il à contraindre par ce biais ? Les autres ? Lui-même ? Que fuyait-il avec tant d’ardeur, cette terreur d’enfant perdu qu’elle percevait en bribes impromptues, un caprice qui hurlait « j’existe » alentour comme un ultime appel à l’aide de naufragé ? De lui, elle ne connaissait que peu de choses, si ce n’était rien. Il possédait une maison qu’il n’utilisait pratiquement jamais, dormait au travail, aimait son café sans sucre. Des éléments qui n’expliquaient nullement les morceaux brisés à ses pieds, car il se noyait, seul en face d’elle. Un bric-à-brac de colère rentrée, une effervescence sans but qu’il déjetait devant lui cahin-caha… Et une part infime d’elle-même se heurta à ces récifs effilés qu’il tentait de lui jeter au visage, un serrement de cœur aiguisé à la manière d’un tapis de rasoirs. « Pourquoi ? », voulut-elle lui répondre. Pourquoi n’avoir pas accepté les avances de cette autre qu’elle ? Oh, elle n’était pas suffisamment folle pour s’interposer. Argumenter. Faire un esclandre pour mieux le ramener à elle. Heh, qui était-elle pour lui qu’elle ne puisse supporter qu’il passe ses nuits avec moult étrangères ? Le choix lui revenait tout entier. Elle aurait léché ses plaies, silencieuse et distante, car c’était là l’unique acceptation possible.

    Elle l’observait, le visage indéchiffrable, retournant et appréhendant cet étrange goût dans sa bouche, masquant l’amertume désœuvrée qui lui vrillait la poitrine. Les remous se calmèrent, ne laissant bientôt que quelques ridules sur la surface, une tension latente entre eux. Mais Luz était Luz. Mère et femme, astre entier à la gravité impérieuse, ne s’échaudant qu’au contact des autres sans lesquels son existence n’avait aucun sens. Elle accepta la blessure induite entre ses côtes, la modela pour ce qu’elle était vraiment : le dommage collatéral d’un homme perdu. Et elle le vit enfin tel qu’il était à cet instant dans la nuit, fissuré, esseulé et clos dans son propre monde. Elle ignorait encore ce qui provoquait une semblable souffrance chez lui, ce tremblement de terre interne qui le saisissait sans prévenir et dont les répercussions demeuraient troubles… Un abîme qu’il creusait à mains nues et dans lequel il cherchait à entrainer les personnes voisines – le grand squale n’avait ainsi de cesse que de se heurter au hublot de son propre aquarium. Un aquarium qu’il s’était bâti sur mesure pour se protéger. Oui, mais de quel ennemi ?

    « Warren… »

    Une interrogation, paisible et satinée comme un lac de montagne. Il lui tournait le dos, hostile, incertain, fermé. Ne s’offrant pour seule perspective que la façade résolue d’un bâtiment. Pire encore, son reflet hanté. Dans quelle boucle psychologique s’était-il enfermé, toutes ces années durant ? Avait-il ressenti la morsure cuisante de la solitude ? Culpabilisait-il parfois, lorsque les crises se calmaient ? Elle s’était coulée jusqu’à lui, d’un pas de chat silencieux, une dextre glissée contre son flanc, bientôt rejointe par sa senestre jusqu’à se faufiler entre lui et son reflet. Faire rempart. Barrage à son égarement. Elle l’étreignit avec cette douceur d’hirondelle, peut-être pour lui communiquer sa propre chaleur, raviver ce qui était éteint chez lui depuis de longues années. L’empêcher de s’effondrer définitivement. Son corps contre le sien, indifférente aux badauds alentours, à l’animation des rues parallèles et même au reste d’Aryon s’il le fallait. Tant qu’il la laissait ramasser les morceaux épars de lui-même, les repositionner à leur place originelle avec la tendresse d’un parent envers un être essentiel – oui, combler ces meurtrissures soudaines qu’il s’était échiné à s’infliger devant elle. Ce gouffre prendrait du temps à se laisser franchir, mais elle était d’une patiente pugnacité.

    « Pardon. »

    Pardon de ne pas savoir t’apaiser. Pardon de ne pouvoir agir, pour l’heure, comme l’auraient fait Sandro et Stentor. Pardon peut-être, de ne pas être eux, de n’avoir que du réconfort à te proposer. De t’avoir laissé seul dans ce casino, face à une bien étrange situation, de ne pouvoir te dire que tu as tort ou que tu as raison. Et…

    « Je suis heureuse que tu l’aies rejetée. »

    Aucune explication ne viendrait compléter cette affirmation. Une bouée lancée à la mer sans objectif défini, ni même compréhension rationnelle. Cela lui importait peu de toute façon, Luz était un animal d’émotions solaires, sibyllines et tempétueuses. Qu’importait la raison ? C’est ce qu’elle voulait ressentir, voulait lui dire. Et nul n’aurait pu l’en empêcher. Elle s’écarta d’un pas précautionneux, ses prunelles félines et franches toujours ancrées au verre fumé de ses lunettes, s’interrogeant sur la promptitude de son pouvoir s’il réagissait mal et décidait de briser son élan. Elle s’en foutait. Elle avait de toute façon déjà entremêlé ses doigts aux siens, un sourire soyeux sur les lèvres rehaussé d’un léger charme pétillant.

    « Effectivement, nos indices ont l’air de correspondre, reprit-elle leur précédente conversation avec un naturel confondant. Je ne pensais pas que ce vieux conte était si populaire. »

    Le séjour des hommes vertueux, ou Champs d’Elysium, décrits de la sorte dans un vieux conte pour enfant dont elle se remémorait quelques vers égarés :

    « Les Immortels t'emmèneront chez la blonde Lucy, chanta-t-elle en échos de ses souvenirs,
    Aux champs d’Elysium, qui sont tout au bout d’Aryon.
    C'est là que la plus douce vie est offerte aux humains.
    Jamais ni neige ni grands froids ni averses non plus ;
    On ne sent partout que zéphyrs dont les brises sifflantes
    Montent de l'Océan pour donner la fraîcheur aux hommes.
    »

    Le conte possédait un titre imprononçable en rapport avec un effroyable voyage en bateau et un héros imbuvable jeté en pâture au destin. Peut-être une ode à Lucy et aux hasards chanceux qu’elle incarnait dans ses bons jours ? N’était-ce pas du moins une parfaite métaphore de l’Archipel et de son écrin paradisiaque ? Des voyageurs de toutes sortes venaient quotidiennement y jouer leur vie dans une mascarade théâtrale fort versatile… Elle secoua lentement la tête, et en vint à la même conclusion que son précieux requin :

    « Je suis d’accord, nous devrions rentrer. Il semblerait que nous ayons quartier libre jusqu’à demain soir, le temps de trouver où ce maudit hôtel se cache ! J’imagine que le personnel du Serwang pourra nous renseigner… ? »

    Enfin, rien ne disait que son squale n’avait aucun autre plan prévu ce soir.

    « Veux-tu… Rentrer avec moi ? Il y a une plage privée que j’adorerais tester avec un bon cocktail du cru… »

    Elle avait sensiblement penché la tête de côté, quelques mèches flammes éparses glissant d’une épaule, ses grandes prunelles interrogatives dévisageant Warren dans l’attente d’une réponse espérée.

    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
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    Re: Appâter le squale
    Mar 7 Sep 2021 - 4:56 #
    Plus que l'évocation désolée de son prénom, c'est ce premier contact de sa main contre lui qui le fit réagir. Oui, elle a beau se mouvoir avec cette étrange grâce, si féline et particulière, qu'il eut l'occasion d'observer maintes et maintes fois, toujours aussi abasourdi par comment une démarche pouvait être aussi...Agréable à voir ; le blond avait toujours le regard dardant sur son reflet, et donc, par extension, celui de Luz, qui se rapprochait de lui. A dire vrai, elle l'avait mit dans une position inconfortable, n'ayant aucune idée sur comment réagir à ce rapprochement, d'autant plus avec la mini bombe qu'il venait de balancer. De toute façons, les deux ne se doivent rien, ne sont engagés en rien -par Lucy, pourquoi faut-il le préciser?-, ses excuses sont d'un superflu de haute catégorie ; en quel honneur, pour quelle(s) raison(s) ?

    La posture du squale n'était que des plus inacceptable, rien à redire, puisque c'est de son propre fait. Les doigts toujours glissants sur le col de sa chemise, l'étreinte de la noble le forçait à garder ses bras plaqués sur son torse. Warren étant un peu plus grand que la femme, il pouvait observer toute la scène depuis ce miroir de fortune, cette fenêtre, qui ne laissait pas son regard passer au travers, donnant tout de même cette impression d'analyser cette scène d'un point de vue extérieur ; le haut de son visage était entièrement visible, juste au niveau de son menton -normalement un peu en dessous, mais eh, c'est pas lui qui porte des talons- naissait une longue tignasse rouge, lisse, agréable. Le corps de l'homme, en plus de, à son point de vue, accuser le poids des années, était resté regrettablement raide. N'importe quelle réaction finirait de casser le miroir, cette ligne entre réalité et fiction qu'il s'est dessinée dans sa tête ; ne pas relâcher ses épaules, c'est baisser ses défenses. Ne pas la serrer en retour ; ce serait approuver sa faiblesse. Rester comme ça ; t'as l'air complètement con. Des moins pires, partons sur con.

    Et pourtant, ses cinq sens étaient en ébullition. A la fois similaire et pourtant, si différent de tout ce qu'il a ressenti dans ce casino ; tout était fait dans cet endroit pour vous agresser, vous donner envie de...Il ne pourrait même pas dire en fait, de s'abandonner comme tout le monde ? A la vue de tous, à la merci du peuple, tous sous la même étoile, dans le même cas, aucune intimité. La, à l'inverse. Tout est si calme, si apaisant ; la chaleur qu'elle irradie, son doux parfum néanmoins altéré par les mélanges d'alcool, de tabac et de désespoir qui fumait dans le casino ; seulement les deux premiers dans le cas du blond, tout ça rend sa volonté de rester impassible encore plus éprouvant que de devoir négocier avec ces vieux pontes de la compagnie. Heureuse qu'il l'ait rejetée ? En quoi ? Il aurait adoré l'avoir avec lui hein. Il a juste...Pas pu. Elle le relâcha ; il n'en avait pas envie. Elle faisait ressortir un côté fragile qu'il n'accepte juste pas. La fréquenter plus ne ferais que le rendre plus friable. Mais...

    '' Pourquoi tu t'excuses ? Je veux plus jamais entendre ça de ta part. Et...Ouais, c'est pas plus mal. Nos suites ne sont pas si éloignées l'une de l'autre ; quel homme serais-je si d'aventure, nos ébats parvenaient à tes oreilles, à toi, qui a payé pour la chambre ? C'est mal me connaître, je ne suis pas aussi rustre ! ''

    Se voulant le plus convaincant du monde, profitant de toutes ces années de mensonges et de négoce, elle n'y verrait que du feu, car là était toute la subtilité ; il disait la pure et dure vérité. Oui, cela l'aurait incommodé qu'un tel événement se produise, l'arnaque voyait naissance dans le fait que ce n'était pour ça qu'il avait repoussé des avances aussi appuyées. Euh non, si, c'était pour ça, juste par respect. Oui ? Peut-être ? On ne sait plus. Dingue de voir ça. Donc, on peut parler Aryonnais au bout d'un moment ; oui, ça crevait ses yeux, Warren la désirait, plus que ce simple et éphémère moment qu'ils passèrent ensemble, cette journée et nuit de leur première rencontre. Nonobstant tout cela, pouvait-il seulement se le permettre ? Oui. Était-ce sage ? Pas pour elle. Son style de vie ; son corps nageant tout entier dans le grand bain de l'illégalité ; son caractère en lui même et le lot de problèmes qu'il apporte, il ne peut lui imposer tout ça.

    La capacité de la belle à passer comme cela du coq à l'âne se révéla aussi salvatrice qu'appréciée. Un vieux conte ? Pas besoin d'y réfléchir plus longtemps, les premiers mots résonnèrent en écho dans sa tête, son esprit lui envoya des souvenirs qui le ramena des années en arrière ; un foyer heureux, où le père était parti travailler, et que la mère s'occupait de son gamin. Des rires d'enfant, une odeur de tarte à la cannelle embaumait la maisonnée alors qu'elle lui racontait les histoires qui la passionnait tant. Cette femme n'avait beau être ''qu'une tavernière'', elle était cultivée, et ne rechignait pas à transmettre tout ça à son fils, aussi étrange, cryptique qu'horrible soit l'histoire. Il se surprit à mimer les mots du bout des lèvres, en duo avec Luz, de bout en bout. Serait-elle fière de ce qu'il est devenu. ? Non. En un flash, un sourire carnassier apparut sur ses lèvres, partit aussi vite qu'il était arrivé. Lui, était fier de ce qu'il était devenu, envers et contre tout. Ce flashback l'absorba tellement qu'il ne prit nullement compte des croisements entre ses doigts épais et les fins de la rousse.

    '' Je suis assez familier avec ce texte, oui. Ta mémoire est bien meilleure que la mienne ; ça pourra toujours nous servir, je le sens. ''

    Sa proposition fut...Inattendue. Lui, s'attendait à se balader seul. Remonter dans sa suite. Nettoyer toute trace de cette rude journée de sa peau. Profiter de ce que la chambre avait à lui offrir. Et se reposer pour repartir de plus belle. Tout dans son corps, dans sa tête, avait envie de dire ''Non, on se reverra demain''. C'était trop nouveau pour qu'il puisse tout encaisser comme ça aussi prestement, il n'était pas être de pierre, immobile et coincé dans son carcan, réfractaire au changement, imperméable. Ce visage, ces yeux émeraude, cette expression sur le visage...

    Un soupir.

    Léger, rapide.

    Sa manière d'approuver sans l'exprimer de suite, résignation tacite mais heureuse à cette offre. Lâchant sa main, replaçant assurément mais délicatement les mèches enflammées de la femme correctement -oui, ça l'agace, lui qui se recoiffe presque en permanence-, lui tendant enfin le bras comme il l'avait déjà si souvent depuis leur arrivée.

    '' Je penses en effet qu'on aura à y réfléchir qu'à partir de demain, je le crains. Si tout ce qu'on pense est avéré, cette Galinette ne s'exposera pas avant le moment crucial. Prenons notre soirée, et tâchons de profiter un peu quand même. Allons voir cette plage, mais à une condition. C'est moi qui paye. Bien ? Bien ! ''

    Malgré son plumage récent, il avait quand même encore quelques cristaux en poche, prévoyant un scénario où la soirée ne s'arrêterait pas à cette session de paris divers, tout n'avait pas été converti en jetons de malheur. Et les voilà, les deux, en train de faire le chemin inverse pour retourner au Serwang. L'ambiance n'avait pas radicalement changée, même avec la tombée de la nuit, normal, ce genre de populace reste active autant que possible, les cycles journaliers n'ayant aucune incidence sur leur volonté et leur esprit de fête. Rien à signaler, à part des gens peut-être un peu plus alcoolisé qu'à l'accoutumée, les poussant à parfois refuser quelques avances et propositions outrecuidantes, telles que ''des produits locaux presque naturels qui vont feront voyager encore plus loin qu'un Grand Port – Forteresse''.

    De retour à l'hôtel, l'accueil se fit moins en grande pompe, ses mots n'étant pas tombés dans les oreilles de sourds. Quelle exploitation, de voir que ces deux pauvres employés étaient encore là, fidèles au poste, après toutes ces heures...Putain, quel respect pour le directeur de ce respectable établissement ! Au moins un grand penseur, d'un intellect supérieur ! Le duo ne tarda pas à pénétrer dans le bâtiment, où dans les luxueux fauteuils, des familles, des amis, parlaient et débattaient entre eux, à des volumes sonores différents, mais tout de même relativement discrets, ah l'étiquette, le respect d'autrui...Tout ce qu'il eut à apprendre sur le tas, bon an mal an. Sa belle à son bras, c'est lui qui menait la danse, même si elle connaissait sans doutes déjà l'endroit, c'était à lui de s'imposer, il se dirigea donc vers un des serveurs.

    '' Excusez moi ? '' Il se retourna.

    '' Oui ? Oh, mademoiselle Everniel ! Et, euh, pardonnez-moi, monsieur... ? ''

    '' Brown. Emerson Brown. Retenez bien ce nom ; vous l'entendrez bien souvent dans les prochaines année. Simple conseil. '' Que c'est drôle de jouer ce rôle de puissant un peu imbu, le permettant de prendre ce ton pincé et vexé, qui lança le jeune homme en excuses, coupé d'un geste de main autoritaire du blond. '' Non, non, je me moque de tout ça. Dites moi juste par où passer pour atteindre votre plage privée. ''

    Bien qu'il eut bégayé, rien qui n'empêcha les deux Célonautes de trouver leur chemin entre couloirs et escaliers, finissant par sortir depuis une porte coulissante. Le bruit des vagues. Le vent marin. Le sable, qui ne prendra pas longtemps à crisser sous leurs pieds. D'abord, se rendre à ce petit stand sur le côté, où une barmaid officiait. Alors que la distance qui les séparait d'un rinçage de gosier en règle, le regard de l'homme se porta sur la plage et ses occupants. Cette dernière était magnifique, préservée, finement balisée, aménagée de chaises, transats, parasols, tout le confort nécessaire, qu'on y reste quelques minutes ou toute une journée. Quelle idée qu'on les gens, de passer autant de temps sur ces endroits ! Quelques heures, c'est déjà très sympa et rafraîchissant, tous ces gens, eh, Pam la première, qui profitent de leurs maigres repos pour venir se faire dorer la pilule, sans rien faire d'autre, prouver que ''ui je suis parti à l'autre bout du royaume hihihi'', c'est ridicule. Des groupes d'amis qui faisaient les idiots, sur terre et en mer. Et majoritairement, des couples, jeunes, moins jeunes. Faut dire que le cadre s'y apprête bien.

    Finalement alpagués par l'employée peu occupée mais qui semblait pourtant faire des pieds et des mains pour on ne sait quoi, une petite carte soigneusement calligraphiée leur avait été présentée. Bien sur, galanterie oblige, il laisserait le choix à la dame de commander, profitant pour la détailler de haut en bas, de la tête aux pieds, action invisible, rendu possible que grâce à la présence de ses lunettes qu'il rajusta. Ouais, il y allait peut-être avoir un soucis. Si la tenue du citoyen n'était en aucun cas adaptée à ces étendues blanches, une pièce d'habillement rendrait également la vie dure à la noble. Il n'a même pas pensé au fait qu'elle voudrait profiter de l'eau claire, venant ici directement sans passer par la case chambre de luxe. Lui n'avait rien ramené pour, en tout cas. Après, c'est moins gênant pour les hommes...Ses pupilles se reportèrent sur le visage de la rousse, souriant face à la moue qu'elle faisait, se décidant à choisir.

    '' Prends ce que tu veux ; rien n'est trop beau pour le contexte actuel. Par contre, après, ces trucs risquent de te rendre la vie dure. ''

    Il pointa vers le sol ; les escarpins et autres talons n'ont pas la vie facile de base, alors dans ces ridules de sable, n'y pensons pas. Chaussures de ville ? Oh, c'est bon, il y survivra.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Appâter le squale
    Dim 12 Sep 2021 - 14:14 #


    La brise était d’une extrême agréabilité à cette heure. Un vent marin qui vous caressait la peau, soulevait à peine une mèche de cheveux pour apaiser cette brûlante ferveur façonnée pas les casinos, la restreindre à un carcan de fraicheur délicieuse. Une poignée de luminaires avaient été installés sur cet immense banc de sable d’un blanc laiteux, strié de grenats noirs et d’autres éclats diaprés que l’océan avait refoulé en galets parfaitement lissés. Cela dessinait sur cette surface fluide des ombres délicates, des ressacs de lumière tamisée au gré des flammes parfois chassées par un mince filet de vent inquisiteur. L’endroit n’était heureusement pas entièrement pris d’assauts – les riches n’étaient pas friands de promiscuité et traçaient spontanément un périmètre d’opaque secret autour de leur groupe-, de sorte qu’il était entièrement possible de s’enfoncer dans les replis d’ombres et de végétation joliment apprêtée pour se soustraire aux regards indiscrets. Assurément, certains fortunés clients devaient ramener sur cette plage leurs escortes soigneusement choisies, à la manière d’une vaine cour d’ego supposée aboutir à une nuit endiablée. Ah, quel homme n’avait pas besoin de se persuader que la belle créature ramenée ouvrait les cuisses pour leur incroyable charisme et non pas pour les cristaux versés un peu plus tôt dans la soirée ? Luz masqua son sourire à la vue d’un duo similaire en partance pour un tel recoin d’oubli, l’homme, volubile, déclamant une litanie d’absurdités à une jeune femme dont les yeux trahissaient son profond ennui. Voilà ce qu’était également l’Etoile du Sud dans toute sa gloire rentrée, un nid d’échanges et d’estocades muettes, un jeu de jambes grandiose dont la finalité n’était autre que de repartir plus riche, plus malheureux, plus esseulé. Avec peut-être en prime une ou deux maladies suspectes.

    Luz s’arracha à ses pensées cyniques, observatrice presque trop scientifique pour ce spectacle morbide. Warren lui parlait, et désigna présentement les escarpins qui enserraient toujours finement ses chevilles. Elle se fendit d’un semi sourire mutin, renarde en possession d’un savoir secret, une blague amusante dont elle était seule à détenir les clés.

    « Tu as tout à fait raison. Ces trucs me rendent déjà suffisamment la vie dure en temps normal… »

    Elle ôta lesdites coupables d’une main habile, qu’elle posa derechef sur le rebord du comptoir, son sourire élargi d’une pointe de dents blanches effrontées.

    « Vous seriez adorable de me garder ceci, lança-t-elle à la serveuse décontenancée. »

    Mais ce n’était pas là l’unique obstacle aux plaisirs de la plage, et ses doigts vinrent s’enrouler aux rebords de sa robe dont le tissu léger recouvrait ses cuisses. Ô impertinente flamme, savourant cet infime instant d’hésitation chez son squale, cette incertitude vacillante. Auréolée d’une provocante sensualité, joueuse et taquine, elle retroussa d’un geste délié la robe sur ses cuisses, l’ôta de ses hanches, dévoila la souplesse de sa taille et la rondeur de sa poitrine avec une lenteur consommée. Peu soucieuse des conventions et fortement attirée par la perspective de ce séjour à proximité d’une plage privée, Luz avait en effet pris soin de revêtir en premier lieu un vêtement approprié à la nage, masqué sous sa robe initiale. Et c’est désormais en maillot d’une blancheur crue maintenu par un léger nœud, et non en sous-vêtements, qu’elle se tourna vers la serveuse pour lui soumettre sa commande :

    « Je vais vous prendre un Mora Mora pour commencer, s’il-vous-plait. »

    Elle déposa sa robe précautionneusement repliée sur le sommet de ses escarpins, ratant de peu la mine curieuse de son interlocutrice. Le regard de cette dernière traça un chemin entre Luz et le grand blond à l'allure impressionnante qui l’accompagnait, en proie à une interrogation mal placée compte tenu de son rôle, cherchant à donner un sens à ce choix particulier de boisson. Il fallait dire que le menu arborait une ligne supplémentaire sous le Mora Mora, mentionnant à leurs précieux clients que ce cocktail avait l’heur d’être sans alcool et idéal pour les futures mères, précision noyée sous les dorures et autres explications quant aux bienfaits de tel ou tel fruit sur le corps. Privilégiant une infime dose de sucre à de l’alcool pour ce verre sur la plage, Luz escomptait pour sa part profiter d’une simple composition fruitée.

    « C’est un excellent choix, toutes nos félicitations, annonça la serveuse en lui tendant son verre enfin préparé. »

    « Hé bien, merci
    , lui répondit Luz dans un haussement de sourcil circonspect, consciente que l’employée semblait travailler depuis peu et restait par conséquent moins adroite verbalement que ses collègues. »

    S’agissait-il de félicitations d’usage pour approuver les clients dans leur choix de boisson et les inciter par ce biais à recommander ? Elle chassa sa curiosité d’un geste mental et indifférent du poignet. Elle coula un regard de connivence à Warren, songeant entièrement à leur journée du lendemain et aux informations qu’il leur fallait encore trouver.

    « Dites-moi, savez-vous où se trouve l’hôtel l’Elysium ? »

    « Oh euh… Bien entendu, l’Elysium n’est pas très loin de notre palace, souhaitez-vous y faire envoyer un courrier ? »

    « Non, non… Nous aimerions en revanche obtenir le nom de la rue exacte et le moyen de s’y rendre. »

    « Nous pouvons faire dépêcher pour vous une calèche. Nous déposerons également dans votre suite un plan des rues avoisinantes. »

    « Je vous remercie
    , acquiesça Luz sans prendre la peine épuisante de préciser qu’ils possédaient deux chambres. Nous avons été invités par des amis, une soirée dansante visiblement. »

    « Vous serez sans doute heureux d’apprendre dans ce cas que l’Elysium accueille fort bien pour ce type de soirée ! Mon cousin travaille là-bas et… »

    Elle se tut brusquement, s’empourpra, réalisant qu’elle se laissait un brin trop aller en compagnie de clients.

    « L’Elysium invite dans ces moments ses visiteurs à respecter un code vestimentaire particulier. Vous devrez de ce fait disposer d’un masque pour y rentrer. L’équipe du Serwang Palace se fera un plaisir de vous fournir un masque festif et adapté si vous le désirez ! »

    « Très bien… »

    L’enchère privée respectait-elle les mêmes règles d’intronisation que les soirées dansantes de l’Elysium ? En outre, voilà qui risquait de sensiblement compliquer leur traque à la gallinette. Ils ne perdraient rien à se dégotter un masque approprié avant de s’y rendre… Au moins l’hôtel se trouvait-il à une distance raisonnable de leur propre palace, Luz sentant poindre l’effroyable envie de profiter des largesses d’un tel cadre idyllique avant d’avoir à replonger les mains dans le cambouis. Un groupe de musique discret mais idéal en termes d’ambiance avait d’ailleurs joliment accordé leurs instruments pour débuter un morceau suave et presque intime. La praticienne avait de son côté levé son verre à l’intention de son cher requin blanc, un plaisir évident à se trouver sur cette plage en sa compagnie marqué sur ses traits.

    « A un travail réussi et à une soirée satisfaisante, porta-t-elle un toast. Qu'en penses-tu ? ... Ta chemise et ta veste doivent te mener la vie dure, il fait une chaleur étouffante, ne put elle s’empêcher de l’asticoter à son tour. Je vais aller tester cette eau turquoise, on ne m’en a dit que du bien ! »

    Et peut-être que la morsure de l'eau suffirait à diminuer le feu de braise qui commençait à croitre sous sa peau, par trop consciente de la présence de Warren à une distance peu raisonnable pour la relation amicale qu'ils s'étaient échinés à créer...

    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
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    Re: Appâter le squale
    Mer 15 Sep 2021 - 2:39 #
    En toute honnêteté, il n'avait apporté qu'une oreille distraite à la suite de la conversation entre Luz et l'employée de l'hôtel, resté complètement bloqué sur la commande de la rousse. Évidemment que Warren allait également se prendre quelque chose à consommer sur place, encore plus s'il paye. Avec l'équivalent d'un menu sous les yeux, la Célonaute avait commandé bien plus rapidement que lui, naturellement, son regard se porta sur le choix de son accompagnatrice. Mora Mora. ''Pour commencer'', bien sur, impliquant la présence d'autres verres plus tard dans la soirée. Alors, composants, du sucre, des épices, et des tas de bonnes choses, ouais, plutôt sympa, sans alcool, intéressant, idéal pour les futures mères, c'est en effet une bonne précision à apporter, l'alcool était plus de prohibé pour les femmes enceintes.

    Oui, les femmes enceintes.

    Celles qui vont être mères, quoi.

    C'est les femmes qui en fait, elle sont enceintes.





    Pardon, excusez moi ?!

    Le blond ne se cacha même pas pour observer Luz de haut en bas, ce qui dut être perturbant pour la jeune serveuse, un tel comportement de chien n'est pas toléré, dans ce genre de lieux de hauts standing. Tout ça lui passait par dessus la tête, alors que cette info la lui avait traversée de part en part, ne le laissant pas indemne. Comment ça femme enceinte ? La rousse s'était entre temps déshabillée, dévoilant son corps toujours aussi agréable à l’œil ; oui, il l'avait déjà vue dans son plus simple appareil, quand une fine couche de tissu demeure, l'intérêt n'en est que décuplé, se demander ce qui demeure derrière cette fine limite à l'imagination. Bon, Warren ; la seule fois ou vous avez été intimes, tous les deux, y avait-il eut des précautions ? Non. Bien sur que non, abruti que tu es. Son corps est toujours svelte, ferme et – oui on a compris, merci. Quelqu'un d'autre ? Ouais, c'est sans doutes ça, elle à quelqu'un, un heureux élu. Remarquez qu'à aucun moment, dans son esprit malade, il ne s'est dit qu'après tout, elle voulait juste un truc sympa et sucré, préférant échafauder des hypothèses les plus capillotractées les unes que les autres.

    On se détend. Cette pensée ne quittera jamais son esprit ; le hantera pendant assez longtemps, n'osant mettre les pieds dans le tas, gardant un certain tact et respect de la vie privée, enfin, autant que possible avec les prunelles encore juchées sur les lignes de la femme, yeux heureusement cachés par ses lunettes, tête trahissant cependant le tout, rendant la présence de ces verres bien futile. Donc, l'Elysium, pas très loin d'ici, une soirée dansante, parfait parfait, il faudra néanmoins préciser où et quand la calèche devra venir les récupérer. La mention de masque le fit sourire ; en tant qu'Archonte, il n'a que l'habitude de se couvrir, protéger son identité, se jouer du regard des autres, raccrochant à l'occasion sa deuxième paire d'yeux pour moins se trahir.

    Retour à la réalité direct mais doux, instigué par le début d'un morceau doux et d'aucun dirait romantique, d'un groupe qui venait de débarquer sur une petite scène non loin. Il est vrai que de nuit, avec ces douces lumières, l'ambiance ne pouvait que s'y prêter. Et l'homme n'avait pas finit de se faire alpaguer, le bruit des ongles martelant, pianotant sur le bar lui fit faire volte face vers la serveuse, non hors de patience, elle se demandait sans doutes s'il s'était enfin décidé.

    '' Vous prendrez quelque chose ? ''

    '' Ah, bien sur ! '' Il fallait s'y attendre. Analyse rapide de la carte, il savait déjà quoi prendre. '' Un Papa Doble, pour moi. Lésinez pas sur le papa, bien ? Bien. ''

    Tout ce qu'il voulait dire par là, c'est de bien doser sur le liquide clair qui apporterait toute sa saveur au cocktail, du moins, de son point de vue qui ne semblait pas partagé par sa compagnie. N'a-t-il pas déjà assez bu, avec ce qu'il a pu s'enfiler dans le casino ? On ne le saura qu'à la fin de la soirée. Imitant la noble, il leva son verre, hésitant à balayer d'un revers son indécente incitation à le déshabiller, ainsi qu'à aller se baigner. Il ne répondit pas pendant quelques instants, sirotant sa boisson. Oui, qu'y avait-il de mal, sous couvert de la nuit, sous cet éclairage tamisé, qu'un homme aille se baigner en simple sous-vêtements ? Ce n'était pas le moment de lâcher son meilleur ''Oui, je reviens, je vais chercher mon maillot !'' ; déjà car il se souhaitait pas laisser une femme si désirable seule, et surtout car ce n'était pas dans ses plans à l'origine. Vraiment, il ne pensait pas qu'ils se permettraient tranquillité et farniente en bord de mer. Enfin, il se décida à réagir, posant délicatement sa main sur la hanche de Luz, grand sourire, la poussant légèrement, l'invitant ainsi à réaliser son envie.

    '' Je t'en prie, ma belle, passe devant, je te rejoins très bientôt. ''

    A vrai dire, lui-même ne savais s'il tiendrait cette promesse, l'observant s'éloigner de dos, rayonnante, solaire, sans se retourner. Il continua sa boisson, accoudé au bar, profitant du silence que même la serveuse sentait important. Un moment pour se rappeler comment il en est arrivé là ; Célonaute, Archonte, au service de l'Ordre et de la compagnie Althair, devant régler une petite affaire pour Lagoon, leurs rencontres, au blond et à la rouge, aux locaux et chez Sokim. Ah, Sokim. D'où tu es, saches que Warren te remercie, de lui permettre de passer du temps en si belle compagnie. Bien sur, cette affaire était loin d'avoir été toute rose. Sans surprise, il avait de nouveau accueillit des gardes au sein de son bureau, le fait qu'il se fasse pseudo-embarquer était par contre une première. Ici, ça lui permet de rester loin de tout ça, se faire tout discret, alors qu'il avait réussit à s'échapper à leurs griffes, faute de preuve directe pouvant bien l'incriminer. Rien de le relies à la mort de ce raté, si ce n'est le fait qu'il ait récupéré ses possessions par contrat, que les gratte-papiers des officiels avaient beau tourner dans tous les sens, était profondément solide. Et encore une fois, il s'en sorti. Pas de peu, mais plus le temps passait, plus ce goût amer d'échec à chaque visite se faisait sentir, il va vraiment falloir apprendre à déléguer ; comment réagiraient les autres Archontes, s'il se faisait gauler ? Inaros ? Ses employés ? Luz?. Mieux vaut ne pas y penser.

    Essayons de se concentrer sur les ramifications positives de tous ces événements récents, plutôt que de fixer le sol à retourner les racines pourries sur lesquelles le glorieux arbre de sa vie réussit à pousser, contre toute attente, à l'inverse de tous les paris. D'une traite, il finit son verre.

    '' Vous ne rejoignez pas votre dame ? ''

    '' Pardon ? ''

    '' Euh, votre, hm, copine ? Je veux pas m'avancer mais - ''

    '' Ne vous avancez pas, c'est bien mieux. '' Au loin, il aperçut la noble, dans l'eau, en train de lui faire de grands signes. Autour d'elle, certains jeunes se baignaient également. '' Eh, vous savez quoi ? On s'en fou. '' Comme la femme tantôt, il se mit à se déshabiller, sous le regard approbateur de l'employée ; veste, chemise, pantalon, chaussures, le tout déposé à côté des propres affaires de la Célonaute. Même ses lunettes ; pour l'occasion, quel genre de personne se baigne avec ses lunettes ? S'il avait su, il aurait prévu quelque chose, plutôt que de se retrouver en boxer gris sur la plage. '' Vous serez bien gentille de me garder tout ça aussi, j'ai compté les cristaux, jouez pas à la conne. Ah, et je reprendrais la même chose, une fois sorti de l'eau. Bien ? Bien ! ''

    Sur ce, il s'éloigna, appréciant plus qu'il n'oserait l'admettre le contact du sable, encore un peu chaud malgré la nuit tombante, sous la plante de ses pieds, glissant sur sa peau, ignorant la douleur que procurait les ridules en marchant dessus. Plage privée de luxe, oui, le cadre est incroyable, l'aménagement plus que luxueux, aussi fortuné êtes-vous, vous ne pourrez acheter la nature et son art de rendre les choses les plus magnifiques parfois pénibles. Presque dans son élément dans l'eau -un squale, rappelez vous-, il se laissa allégrement emporté par le courant, nageant, rejoignant celle qui avait à présent plus une dégaine de vacancière que d'enquêtrice sérieuse, impliquée dans un meurtre et qui sait, d'ici moins de vingt-quatre heures, un casse grandiose. Influencé par la jeunesse environnante, il en oublierait les traits qui commencent lentement mais sûrement à buriner son visage d’inquiétude et de stress, se retrouvant à faire des conneries de gamins dans la flotte, volontiers rejoint par la rouge. Eh, l'alcool, n'est-ce-pas ?

    ~~~~

    Combien de temps ils sont restés ? Des minutes, des heures ? La nuit avait eu le temps de faire ressortir les luminaires, qu'il utilisait comme phares pour ne pas dériver inutilement ; imaginer, Warren Richter, le grand visionnaire, Archonte de la capitale, directeur à succès de Lagoon, finir noyé et perdu en mer dans ce qui paraîtrait une retraite paisible ? D'un ridicule. Il avisa d'un geste rapide de main qu'il comptait sortir de cette eau salée qui, à défaut d'avoir déridé son visage, commençait à attaquer le reste de son corps, ironie de se dire que l'eau déshydrate, non ? Malgré la mine visiblement déçue de la noble, il fut le premier à grelotter sur le bord, la nuit est moins clémente que le jour niveau température, encore plus en sortant tout juste du grand bain en boxer, qu'il peina à rendre digne en sortant ; c'est pas un tissu bien prévu pour la baignade, et disons que, bon, ça donne un effet moulant du pire des effets.

    Sa victoire personnelle était de ne pas se retrouver essoufflé, après la virée maritime et avoir remonté toute la plage. De nouveau au stand, il tapota le comptoir pour sortir la femme debout derrière le comptoir de ses quelconques pensées ; oui, ses yeux sont là haut, merci. Entre temps, d'autres clients s'étaient amassés autour cet endroit, ainsi que sur les divans et autres transats présents, profitant de la musique, toujours présente. Leurs affaires n'étaient plus là ; Ô qu'il valait mieux qu'elle les ait mises dans un endroit sur. Souriant à la barmaid, elle semblait avoir oublié le plus ca-pi-tal.

    '' Alors, trésor ? '' Il la lâcha du regard pour observer la plage. Luz était en train de le rejoindre. '' On a oublié le plus important, non ? ''

    '' Ah, oui, pardonnez moi ! ''

    Elle lui servit son verre ; pensant être la bonne chose à faire, elle entama la discussion après avoir également remarqué que la femme qui l'accompagnait tantôt arrivait tout en finissant la préparation.

    '' Combien de temps ? ''

    '' Hm ? ''

    '' Entre vous - ''

    Il leva un doigt autoritaire. '' Je crois qu'on avait dit que vous deviez arrêter d'assumer. Ou de vous avancer. Rah, je sais plus. D'ailleurs. La calèche, demain, devant l'hôtel, sur les coups de, disons, vingt heures. On s'y rendra directement nous même, bien pris, trésor ? '' A ce stade, la rousse s'était plantée à côté de lui. '' Oh, et pensez à nous rendre nos affaires, ma mignonne. Ce serait fort sympathique. '' Son visage se tourna vers Luz, prit d'une expression qu'il ne saurait déchiffrer. Dans tous les cas, elle avait l'air d'avoir passé un bon moment. Nonobstant tous les curieux alentours qui les observaient -Oui, il est boxer, et oui, vous allez vite lâcher sa veste un coup qu'il l'aura récupérée-, il réalisa que c'était la première fois qu'elle pouvait directement planter son regard dans le sien, hors bien sur dans la pénombre et précipitation de leur première rencontre. Il porta son verre à ses lèvres, avant de s'adresser à Luz. '' Alors, ma chère ? L'eau était à ton goût, j'espère ! ''

    On ne dirait pas, mais elle était presque comme une employée pour lui, contre son gré, bien sur, la femme n'ayant pas l'ombre d'un soupçon sur sa condition d'Archonte. Et Warren, il aime bien se soucier du bonheur de ses employés, ça se ressent sur Pam. Ahahahahah. Non, plus sérieusement, il s'inquiétait vraiment de l'état d'esprit de la noble, la soirée de demain s'annonçait compliquée et éprouvante, les deux auront besoin de toute la lucidité qu'il leur est possible de collecter, autant la perdre maintenant une fois pour tout le séjour. Certes, la journée de demain se présentait sous un augure calme, et serait sans doutes résumée à une brève parenthèse dans leur aventure. L'excitation et l'appréhension de la soirée à venir réussira à faire son chemin entre le cœur et le cerveau de Warren tout le jour ; il aimerait presque déjà être à dans deux tours de cadran...
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Appâter le squale
    Lun 20 Sep 2021 - 23:05 #


    « Heh, la prochaine fois je te montrerai qui nage le mieux, répliqua Luz, un rire dans la voix trahissant la fausseté de cette déclaration de guerre. »

    Elle avait entortillé les longues mèches de ses cheveux flammes autour de ses doigts et tâchait vainement de les essorer, trempée de la tête au pied. Ce qui au départ avait débuté en brasses paisibles s’était inévitablement transformé en chamailleries agitées sitôt que le squale l’avait rejointe, deux foutus enfants dont les quelques cris s’étaient perdus dans la nuit et dans les élancements de la musique omniprésente. Contrariée, amusée, mais surtout concurrente ravie, elle devait à présent avouer que ses talents à la nage n’atteignaient pas ceux de son vis-à-vis. Ce qui n’était en aucun cas une raison pour l’énoncer à haute voix et reconnaitre ladite faiblesse devant Warren. Plutôt continuer de l’asticoter, car une victoire arrachée par erreur restait malgré tout une victoire !

    « Je vais vous reprendre un verre, héla-t-elle à son tour la serveuse lorsque celle-ci fit apparaitre leurs affaires d’une salle secondaire. »

    « Nos chers clients peuvent bénéficier s’ils le souhaitent des vestiaires aménagés pour eux
    , expliqua de prime abord son interlocutrice en désignant un bâtiment adjacent. Que puis-je vous servir ? »

    « Je vais vous prendre un punch rhum orange s’il-vous-plait. »

    « Euh… »

    La serveuse se tut. Une telle onomatopée était-elle appropriée dans un hôtel de ce standing ? Luz en doutait fortement, tandis qu’elle relevait vers elle un regard suspicieux.

    « Un problème ? »

    « Non, pas le moindre
    , abdiqua-t-elle. Je vous sers immédiatement vos commandes. »

    Pauvre jeune travailleuse, songea la praticienne. Tôt ou tard ses supérieurs hiérarchiques ne manqueraient pas de prendre connaissance de ses déboires auprès des clients… Cela faisait toutefois partie du processus d’apprentissage et son comportement s’avérait finalement familier pour Luz dont l’organisation accueillait quotidiennement toute sorte de jeunes étudiants. Mieux valait s’égarer un instant dans la commande d’un résident plutôt que de confondre le remède à donner à un patient mourant…

    ►◄

    N’avait-elle pas vu le temps passer ? s’interrogea-t-elle une poignée de minutes peut-être, une demi-heure plus tard assurément, plongée dans une discussion dont ils détenaient seuls le secret, si caractéristique de ses échanges avec Warren. Un mélange de contre-rebonds, de taquineries fluides, de sujets invraisemblables et d’évocations prosaïques. Et pourtant… Elle levait à présent vers le ciel l’ombre d’un regard circonspect, frémissant sous l’étreinte soudaine d’une goutte, puis d’une deuxième. Une bruine fine s’étendit sur le littoral et cela forma comme un rideau mouvant d’eau tiède dont les embruns ruisselaient dans le sable et sur le bois des aménagements. Des cris surpris retentirent, un tintamarre de pas précipités soulignés de gloussements et de chuchotements prompts dans la moiteur tropical des îles, chacun ramassant à qui mieux-mieux ses affaires pour courir vers de lointains refuges si ce n’était le hall accueillant de l’hôtel. Le temps de rendre les verres, et la bruine s’était transformée en averse scintillante, couvrant la végétation éparse d’un voile d’humidité presque lactescent sous la lueur des lampes ensorcelées. Loin vers le sud, un sombre orage écrasait d’amples rouleaux contre la voute, de cette puissance caractéristique des climats tropicaux au sein desquels la soudaineté et la débauche rivalisaient sans cesse d’ingéniosité... Rien qui ne serait passé d’ici une poignée supplémentaire de minutes ou peut-être d’heures.

    Avant qu’elle ne s’en aperçoive, elle les avait entrainés tous deux sous le toit protecteur du vestiaire, semblablement détrempés à la manière d’animaux abandonnés, perdus dans la contemplation de ce déluge nocturne qui avait tous les airs d’un mélodieux et fantastique spectacle. Elle pencha sensiblement la tête de côté, une question silencieuse posée à ce dehors désormais inaccessible, observant les jeux de reflets aqueux qui naissaient à dix centimètres de leurs pieds nus, marres d’eau sinueuses déjetées là par les larges feuilles des plantes grasses qui proliféraient dans les parages. Elle perçut alors en réponse l’absence derrière eux, cet écho habité et tout à la fois dénué d’êtres vivants dans l’espace confortable du bâtiment : rien que la pluie martelant les tuiles, glissant entre les fermoirs des volets joliment dentelés. Un habitacle agrémenté de banquettes sculptés, d’un bassin équipé de cristaux d’eau chaude et diverses armoires proposant serviettes et autres outils d’usage dans ces contrées. Et puis… Elle le regarda. Lui. Un éclat de tonnerre découpé en blanc contreplaqué, leurs silhouettes égarées dans cet étrange abri issu du hasard.

    Il n’y avait personne d’autre ici qu’eux.

    Cela forma comme un déclic, une rupture sous-jacente qu’elle avait pris soin d’ignorer jusqu’alors. Elle le regardait, oui, différemment, identiquement à cet ancien souvenir dans le bureau du squale, et la quintessence de cette contradiction se nouait dans ses veines à la manière d’un feu de poudre au goût de lave sur sa langue. Elle aurait voulu prononcer son nom, une incantation ronronnée, une sonorité dont elle ne se lassait plus contre son palais. Warren. Si entièrement lui, tandis qu’elle le découvrait présentement à côté d’elle, si surprise de le trouver là, toujours là, acceptant ses lubies et ses tirades enflammées de vivante solaire. Refusant de la tirer à lui dans la froideur de ses propres abysses. Une relation bicéphale désarticulée, pire encore - déséquilibrée… Cesserait-il un jour de suivre ses pas ? Ce jeu l’ennuierait-il, aussi soudainement que cet orage de saison chaude, l’ignorerait-il de but en blanc, redevenue inconnue, détachée, oubliée ? Un potentiel futur, où ses Warren murmurés ne trouveraient plus l’éclat de sa voix, la justesse de ses mains sur ses hanches, comme sculptées pour lui dès l’origine… Leurs chamailleries d’idiots lâchés dans un monde trop grand pour eux, par trop différents sans doute, par trop cruellement attachés à ce mensonge rassurant.

    Elle le voulait contre elle subitement, ses longues mèches flammes rebelles distillant sur sa peau des éclats de nacre aquatique, sa robe trempée enserrant son corps en un écrin seyant de semi transparence. Et le vert de ses prunelles ancré aux siennes traduisait cette demande invisible, ce besoin incommensurable de vérifier sa tangibilité. Émerveillée par ce simple instant, la prise de conscience de la confiance que le squale lui prêtait. Plus guère caché derrière ses verres protecteurs, mais droit et fiable, ce regard qu’elle avait tant voulu voir auparavant sans la barrière de son pouvoir, heureuse et totalement certaine de son absolue sécurité en sa présence. Une puissance contenue qu’il ne déchainerait jamais contre elle. Elle se sentit remuée par cette conviction ténue, plongeuse subjuguée par la douceur du grand requin blanc qui avait accepté sans prendre gare de nager sous sa paume, non pas docile mais paisiblement curieux. Ses escarpins produisirent un bruit sec lorsqu’elle les laissa chuter, plus guère intéressée par leur sort. Elle avait glissé sa main derrière sa nuque, chatouillée par les crins blonds constellés de pluie, pour mieux ramener ses lèvres à elle, l’embrasser à pleine bouche dans un flamboiement d’orages lointains. Pas d’explications, nul bavardage, rien qu’un silence heurté, un souffle brusquement affolé, pressé d’avidité.

    Elle le voulait. Elle le voulait frémissant sous elle, en elle, à vrai dire, fiévreux, absorbé par le va et vient de ses hanches, rythme volcanique, lascif, qu’elle pousserait jusqu’au supplice. Elle le voulait découvert comme en cet instant, pris à rebours, plus de Monsieur Richter, rien que Warren, hors de son office et de tout ce que ce maudit bureau représentait. Arraché à tous ces « petits lots » de casino, ces autres qui n’étaient pas elle, et imprimer dans sa chair l’empreinte de ses propres courbes. Arraché à ce quotidien trop parcellaire, ces travaux où ils ne pouvaient être eux, où il devenait par trop ardu d’accepter cette démangeaison d’émotions qui ramenait éternellement ses pensées à lui… Sa senestre s’était perdue dans sa tignasse blonde, se prolongeait en glissade tandis qu’elle contournait sa mâchoire de ses doigts fins, effleurait son torse en une longue cavalcade vers le bas, ses lèvres toujours arrimées aux siennes, suave caresse tactile destinée à ce désir identique et tout masculin qu’elle sentait grandissant, plaqué contre elle et qu’elle voulait gratifier de nouveaux plaisirs. Elle se découvrait embrasée, les sens saturés, assoiffée des marques invisibles que chaque geste de sa part déposait sur sa peau, une trainée brûlante qui ne manquait jamais de lui arracher un gémissement incontrôlé, le souffle coupé par un frémissement incendiaire… Avide, impérieuse, éclatante féline dont la souplesse aquatique se cambrait pour mieux épouser l’aune de ses formes, poussés dans leur élan contre le rebord traitre d’un banc voisin. Elle voulait découvrir la teneur de son corps, la teinte de sa chair en contraste du rouge provoquant de ses lèvres, ni domptée ni sage, trop fauve et fourbe pour ne pas se délecter de tout, d’absolument tout ce qu’il pouvait offrir.

    Dehors, le reste du monde redoublait d’une pluie battante. Et le déluge, loin derrière ses pensées encore conscientes, les étreignit d’une douce humidité prégnante, un martellement de rigoles apporté par les gouttières du toit...

    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
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    Re: Appâter le squale
    Jeu 23 Sep 2021 - 15:21 #
    Dans le fond, quelles sont les différences entre la chance et le hasard ? Un des deux peut se provoquer, alors que l'autre, on se contente de le subir, contre vents et marées, bien obligés de se laisser porter telles des poupées de chiffon. Tous ces événements, survenus depuis leur sortie de l'eau, dépendaient d'un de ces deux facteurs. Les discussions avec la praticienne ? Chance, même si leur rencontre fût fruit du hasard, il avait volontiers mordu dedans et s'était plié en quatre pour que tout se passe pour le mieux. L'affaire de Sokim ? Hm. Difficile, c'est par hasard que la noble était présente sur les lieux, mais par chance que Warren s'y rendait le même jour. L'orage, qui avait décidé de débarquer comme un malotru invité, celui qui se présente aux soirées alors que personne ne l'avait invité ? Hasard, malchance de surcroît dans les faits, puisqu'à peine rhabillé convenablement, de nouveau aussi présentable que tantôt, si on omet l'absence de ses lunettes, maintenant bien nichées dans sa poche poitrine, le revoilà trempé jusqu'au os, à force de vents et pluie, chaque gouttelette se retrouvait être l'équivalent d'une nouvelle piqûre.

    Il s'était laissé traîné jusqu'au fameux vestiaire par la belle. Quel instinct de survie exécrable, tout bien réfléchit, toutes les personnes sensées s'étaient dirigées vers l'hôtel, ou dans les bâtiments alentours, non, il fallut que ce soit ce vestiaire pour eux. Posté en premier lieu non loin de l'entrée, droit comme un piquet, bras croisés sur le torse, Warren observait le torrent qui se déversait à présent sur leur tête, chaque trait frappant violemment le sable, les parasols qui semblaient à présent bien désuets, le toit du bâtiment, martelé, faisait écho au tonnerre que l'on pouvait tant entendre que percevoir au loin. De notoriété publique que le temps en Aryon est imprévisible et changeant, en tout cas, les petites pluies sont régulières, à la capitale, partant et venant à leur bon vouloir, se faisant oublier si vite qu'elles étaient arrivées. Pour un de ses premiers voyages hors de la grande ville, il y avait de quoi être surpris et dépaysé, et de ne plus jamais sortir de sa bulle, cette zone de confort où l'orage soudain de vous force pas à

    Alors que le blond désirait simplement discuter avec la rousse, rompre ce silence qui, sans être gênant, était plus qu'inhabituel entre les deux, quelque chose qui justement l'était se trahissait dans les prunelles de Luz, si bien qu'après avoir tourné la tête vers la femme, c'est son corps entier qui faisait là face à elle. Sourcil arqué, bras toujours croisés, mine perplexe. D'un coup d’œil, il observa les alentours. Ils semblaient bien être les seuls à avoir trouvé refuge ici, la relative pénombre, l'éloignement certain du reste des pièces qu'on peut apercevoir illuminées dans le bâtiment principal, ainsi que les trombes d'eau complétant le tableau rendaient le duo, non, le vestiaire en lui même ardu à distinguer pour quiconque n'y prêterait pas une attention particulière. Dommage, car en vrai ici, il y avait tout ce qu'il faut, au lieu de balancer leurs affaires comme des malpropre à la pauvre employée qui n'avait rien demandé. Le bruit d'un objet claquant au sol attira son attention, captant rapidement qu'il s'agissait des escarpins de la belle, son regard n'eut le temps que de frôler timidement et furtivement le sien, avant qu'elle fonde sur lui.

    Donc, ses lèvres connectées à celle de Luz. Chance ou hasard ?

    Passées les deux secondes de surprise, l'initiatrice dût composer avec la propre fougue de l'homme, qui, bien que se laissant faire, n'était pas non plus avare de contacts de son propre côté, bien que ses mains étaient bien plus occupées à parcourir les formes de la femme que sa chevelure longue et rebelle. Oui, son comportement trahit le fond de sa pensée ; il en avait déjà eut envie, à de multiples reprises. Pourquoi étais-ce si aisé avec toutes ces filles faciles, aux petites mœurs, et si compliqué avec la gérante de l'Astre de l'Aube ? La raison voudrait qu'il n'ose pas se rapprocher de celle qui hante ses pensées depuis plusieurs semaines déjà, son train de vie, sa personnalité, sa manière de gagner ses cristaux qui ne peuvent, à échéance, que le mener à de lourds problèmes sont tant d'arguments qui font que malgré cette boule qui brûle dans son ventre, ce désir ardent, toutes ces lourdes piques et sous entendus à peine dissimulés, il ne se résolvait à rien. Et c'était une honte qui le marquait fréquemment ; minimum machiste comme il est, laisser la femme prendre les devants, entre honte et indignité, il n'y a qu'une ligne très fine entre ces deux notions.

    Les faits sont différents. Peu confiant dans ce domaine particulier en dépit de ses dragues incessantes, ses mots doux et surnoms sucrés, ça fait des années qu'il n'a pas eu comme ça, dans sa vie, quelqu'un qui pouvait bien se soucier de lui, détaché de cette partie chaude et réconfortante de la vie pour se plonger de tout son être dans cette partie froide, méthodique et calculatrice, pleine de vices, de pouvoir et de possessions purement contemplatives, inutiles donc si indispensables.

    Ces raisons n'eurent pas raison de l'emportement de Warren, s'alliant à celui de Luz. Ce mélange de corps était presque en tout point identique à celui qui eut lieu dans son bureau, il y a des mois de cela, si ce n'est que cette fois, c'est lui qui fit tomber la dernière frontière de tissu que les séparaient. Tout était prétexte à servir pour nourrir leur fougue ; un coin de banc, un bord de bassin, la force même de ses bras. Que trop longtemps, ils avaient travaillé durement pour en arriver sur cette île paradisiaque, que trop longtemps, ils se sont mis de côté, que ce soit entre eux ou chacun individuellement, pour le bien de cette mission, que trop longtemps, il en avait envie.

    Le temps est une unité relative dans ce genre d'étreintes, il ne saurait dire combien de fois son visage s'était enfoui dans le creux de la nuque de la rousse, ou inversement, les deux cherchant un réconfort bienvenue dans les bras de l'autre, dans un duo aussi rôdé, pourtant improvisé, rien de dit que des gens s'entendant si bien dans la vie de tous les jours iraient loin à deux ; si Warren supporterait, comme souvent, l'abandon total d'une relation avec la Célonaute, ne serais-ce qu'amicale, le coup resterait dur à digérer quelques temps, puis ainsi irait la vie. C'est ainsi qu'il profita de chaque seconde au plus près d'elle, imprimant mentalement ses courbes, jusqu'à pouvoir les redessiner du bout des doigts dans encore des lunes, espérant tout de même ne pas se montrer trop brutal ; imaginez, un requin coincé dans sa cage, son aquarium, à qui l'ont tend un bout de viande plus qu'appétissant. Et d'un coup d'un seul, ce mirage, ce graal, finit juste sous son nez. Vous avez dorénavant une idée de comment Warren traitait Luz en l'instant présent, carnassier, leurs deux corps marqués de stigmates physiques temporaires, de marques profondes dans la mémoire. A chaque temps de pause suffisait un soupir, un murmure, un nom envoyé tel une bouteille à la mer, un souffle chaud glissant sur leur peau pour tout soit relancé.

    ~~~

    Euphorie passée. Retour à la réalité. Assit à même le sol, amante juste à ses côtés, sa cage thoracique s'élevait puissamment et rapidement, au rythme de sa respiration effrénée. Ses sens revenaient à la normale, alors que son esprit revenait dans le droit chemin. Égaré ? Non, ce n'est pas d'un instinct purement animal qu'il venait d'agir. Les mouvements, les intentions l'étaient, la volonté était toute sienne. Il bougeait lentement, non d'épuisement, juste de cette même affliction que le taraude, qui touchera de toutes manière toute personne, lui qui se voit si âgé, s'étire et bouge ses membres de façons à entendre ce petit craquement d'articulation si caractéristique. Ce n'est non sans avoir préalablement sourit et embrassé la belle qu'il se releva, ramassa ses affaires, ainsi que certaines de la rousse.

    '' Non pas que passer le reste de la nuit dénudé dans les vestiaires me dérange ou m'effraie, mais je penses qu'on ferait mieux de décaler dans notre suite avant l'arrivée de curieux. Ou de ceux qui apprécient un bon bain de minuit. ''

    A l'extérieur, la pluie n'avait pas cessée, les litres d'eau s'écoulant à la minute avait cependant laissés place à une bruine rafraîchissante qui leur épargnerait bien des maux. Sans être imbibés, les vêtements du duo étaient encore assurément humides, ce qui arrachait une moue de non satisfaction au blond. Une fois les deux de nouveaux présentables -aux yeux du monde hein, Warren n'est pas contre la tenue d'Eve qu'arbore Luz- et les lunettes vissées sur le nez, comme une habitude déjà rodée, il tendit son bras qu'elle saisit vivement. Dans l'hôtel, tout était calme, presque personne. Après tout, les aléas du temps n'encourageaient en rien au tourisme ; baigneurs devaient déjà dormir en attendant des jours meilleurs, les joueurs terrés dans leur clapier qu'on appelle casinos n'ont même pas du se rendre compte des trombes qui leur tombait dessus. Tout étant, le personnel de l'hôtel n'osait aucune réflexion quand à l'eau qu'apportaient les deux nouveaux venus, tâchant le travail de plusieurs dizaines de minutes suite à la défection massive des clients sur la plage. Une fois devant la porte de sa chambre, un doute l'assaillit. Et si...Y avait un côté partagé à cette passion ? Autre que ''J'étais là, t'étais là, il fallait se défouler''. Volte face, la rousse n'était qu'à quelques mètres de là, le seuil de se porte pas encore passé.

    '' Luz. '' Le visage toujours aussi bienveillant, elle se tourna vers lui, radieuse, ce qui lui arracha un sourire sur son visage il y a quelques secondes austère, résultat de réflexion intense. Il leva lentement les bras, peu loin de son corps, avant de les laisser retomber lourdement, dans un signe d'évidence. '' Ça sert à rien de se mentir. On a dépassé le stade où...Les chambres séparées sont justifiées. Prends tes affaires. Rejoins moi. Je laisse la porte ouverte. Enfin, sauf si tu veux rentabiliser la réservation de deux suites, hein. ''

    Sans plus de cérémonie, il posa pied à l'intérieur de la chambre, s'empara que quelques affaires dont il se sert habituellement pour la nuit, un simple haut et un bas confortable -pas besoin de dormir en smoking de nuit, voyons, qui ferait ça ? -, avant de se rendre dans la petite mais plus que fonctionnelle salle d'eau pour prendre une douche bien méritée ; le sable l'irrite, l'eau de la mer lui tire la peau. Il n'est pas habitué à tout ça, voyez vous, sa peau est même moins hâlée que celle de son accompagnatrice, c'est dire. Il avait laissé, bien entendu, la porte ouverte, laissant l'occasion à Luz de le rejoindre. Ce qu'elle avait l'air d'avoir fait, puisque sortant de sa douche, apprêté pour dormir qu'il est, il la vit, solaire, souriante, sur le lit. Passant à côté d'elle, il glissa lentement une main sur sa joue.

    '' J'ai deux-trois trucs à régler. Je te rejoins bientôt ma belle. Repose toi, y a du boulot demain soir. ''

    Sur ce, il se dirigea vers sa valise, en sortit quelques documents, et s'installa sur le simili bureau non loin de là. Idéalement situé sous la fenêtre, il l'ouvrit pour s'autoriser à allumer un cigare, dont il avait laissé la boîte ici tantôt. De la paperasse d'Althair, rien de plus, rien de moins, qui serait traitée en bonne et due forme dans la nuit. Quel culot, de demander à la femme de se reposer alors que lui n'en fait rien. Si bien qu'il ne veilla pas plus longtemps, laissant dédaigneusement la paperasse sur un coin du bureau ; il avait en tout cas pleine confiance en elle pour ne pas s'immiscer ainsi dans son travail et sa vie privée. Se glissant lentement sous les draps, aussi discret et fin que possible, il plongea rapidement dans une courte nuit sans rêve.

    ~~~

    L'idiot qu'il représente a complètement oublié, la veille au soir, de tirer les rideaux. Les fins rais du Soleil perçaient la pénombre de la chambre, venaient lui caresser la joue. Épuisé, oui, il l'est, mais ce n'est que sa forme usuelle. Homme se tenant à ses habitudes, sur le point de, comme à chaque orée du jour, se lever précipitamment pour se mettre au boulot, fût tout de suite ramené à sa nouvelle situation par cette chaleur qui se diffusait sur une partie de son corps. A moitié collée contre lui, Luz était profondément assoupie ; un sommeil de façade, jaugea-t-il. A en juger par leur aventure commune avec Sokim, et du peu que cela l'eut troublée, sa vie doit pas être de tout repos non plus. Renonçant rapidement à assurer l'exploit de se lever sans déranger, autant la réveiller lui même. Mais...Comment s'y prendre ? A l'époque, Stentor et Sandro le réveillait au seau d'eau. Pas sur de l'optimisation de la chose, dans ce cas. Non, il faudra remonter à encore plus loin, à comment sa mère faisait. Mouvement peu académique, qui avait néanmoins l'autorité et la douceur de lui procurer un bon réveil. Il écarta le bras en travers de son torse, passa ses doigts dans la crinière rouge, non sans rencontrer quelques nœuds et résistances, ce qui ne manqua pas de lui faire ouvrir les yeux.

    '' Bonjour, toi. Bien dormi ? Je vais chercher ce qu'il faut. Je reviens. ''

    Ni une, ni deux, profitant du fait qu'elle ne se sentirait pas bringuebalée par un Warren quittant les draps, il sortit du lit comme monté sur ressort, s'habilla prestement, et entreprit de descendre, passa par la réception, jusqu'à la salle de restauration. Des visages qu'il reconnut, qui étaient soit présents hier soir à la plage, soit dans le salon commun lors de leur arrivée. S'emparant d'un simple mais élégamment décoré plateau d'argent, il y entassa cafés, viennoiseries et autres douceurs nécessaires à un bon petit déjeuner. Eh, après tout, c'est les vacances. Il pourrait bien reprendre son alimentation normale et le sport après tout ça. Des vacances... ? C'est donc comme ça qu'il voyait tout ça, quand il était à ses côtés ? Ô, que cette soirée risque de le ramener bien vite à la raison. Galérant à ouvrir la porte avec les bras chargés, il sourit à la mine du matin de Luz, qui restait néanmoins sublime. Il posa le plateau sur l'étude, y prit un café.

    '' Je t'en prie, sert toi. Après tout, on m'a dit en bas que c'est toi qui paye. ''
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Appâter le squale
    Sam 25 Sep 2021 - 12:56 #


    « Hmmm… avait répondu Luz, peinant à reprendre pied dans la réalité, confortablement lovée contre lui. »

    Elle n’eut pas la force de protester qu’il arrachait déjà sa bienfaisante chaleur à l’étreinte de ses bras, les caresses de ses doigts dans sa chevelure en partance pour une chasse aux victuailles. Une chasse nécessaire, prit-elle conscience en ouvrant les yeux, sondant l’état de son corps tandis qu’elle pivotait sous les draps. Hurgh, sa propre place était froide, délaissée beaucoup plus tôt dans la nuit… Depuis combien de temps n’avait-elle pas aussi bien dormi ? Apaisée, épuisée, lavée de ses doutes et des fantômes qui la hantaient ? Depuis Calixte ? L’annonce de sa grossesse miraculeuse ? Non, bien avant encore… Depuis le Désert volant, depuis Zahria qui avait mis en jeu sa position de Maître espion sur un coup de poker que Luz avait dû porter à la seule force de ses bras, depuis la maladie qui avait heurté son grand-père et avalait ses souvenirs à une vitesse grandissante désormais… Depuis Mysora également, bien sûr, encore et toujours, et les secrets qu’elle devait porter pour tout ce petit monde, cette réalité aux sourdes facettes qui n’hésiteraient pas une seconde à s’écharper si les concurrents apprenaient leurs véritables identités. Heh, ce n’était pas de tout repos que de vivre avec une majorité d’espions du Royaume ! Jin, Rebecca, Nema… Autant d’êtres qu’elle récupérait régulièrement en morceaux à ses pieds et qu’il fallait tendrement remodeler, peut-être au prix de ses nuits mais jamais de l’amour qu’elle leur portait. Restait ainsi que ce profond sentiment de sécurité lui était resté étranger depuis de nombreux mois et qu’elle en était soudain prise de court, étonnée sous ses draps. Reposée, une ample impression de satisfaction sur sa peau, repue et étreinte de cette si savoureuse sensation de satiété fatiguée… Comme il était étrange d’être soudainement elle-même grâce à la proximité de Warren ! Ne pas craindre d’être attaquée, ne pas réfléchir aux potentielles tentatives d’assassinats, juste lui et elle, dans un élan pratiquement mu par l’égoïsme. Était-elle égoïste… ?

    « Ça sert à rien de se mentir », avait-il dit. Non. Oui. Peut-être ? Ah son cher squale et ses propos sibyllins ! Voilà que sans l’avertir il l’avait projetée dans un abime de circonspection tumultueuse, et Luz sentait les rouages de son cerveau s’activer dans l’espoir vain de traduire l’intention derrière les mots. Quel genre d’aveu était-ce là ? Qu’avaient-ils accepté, quel contrat avaient-ils signé dans ce simple changement de chambre ? Elle laissa glisser son regard vers les larges fenêtres qui distillaient dans la pièce une kyrielle de faisceaux lumineux. Les éclats épars encerclaient ses chevilles nues, découvertes parmi les draps chiffonnés. Une conviction semblablement ancrée dans sa poitrine, n’ayant plus l’heur de s’aveugler librement… L’orage avait de toute évidence noyé ses faux semblants, emporté ses illusions dans des trombes d’eau scrutatrices. Pour ne laisser qu’une froide vérité crue. Tu l’aimes ? l’interrogea sa conscience, plus gère une question déjà, davantage une assertion culottée. Hmm… D’accord, très bien, tais-toi, concentre-toi sur le rationnel. Elle avait ouï dire que les gallinettes ne s’attrapaient pas par le biais de déclarations enflammées et les intentions de Warren demeuraient encore un dangereux mystère… Elle n’était toutefois pas femme à refuser d’assumer ses propres inclinaisons, car elles ne les craignaient nullement. L’existence était un feu de forêt incontrôlable, dont tout le plaisir résidait dans cette aptitude à sauter les yeux fermés au cœur du brasier… Non, elle refusait clairement de se passer de lui. De ses bras, de la chaleur de son corps contre le sien, de tels réveils lovés ensemble sous les draps. De sa voix, de ses caresses, de sa force, de ses chagrins également, de ses complexités et de tout ce qu’il représentait. Mais… Pas maintenant, pas aujourd’hui. Le travail était une part prépondérante de leurs deux vies, et ils s’étaient engagés à œuvrer de concert pour trouver cette collection d’arts disparus au nom des Célonautes. Voilà qui nécessitait de mettre quelques temps de côté ses émotions toutes personnelles. Et il se trouvait justement que ce travail était agréablement plaisant à gérer grâce à l’identité du collègue choisi.

    Elle se redressa tandis qu’il entrait, un plateau en équilibre entre les mains. Elle creusa le dos, s’étira à la manière d’un félin languide, le corps délicieusement éprouvé par leurs activités nocturnes dont elle retrouva certaines traces éphémères dans les cambrures de ses formes. Elle se hissa sur le bord du lit, uniquement revêtue d’une nuisette joliment crénelée de dentelles, ne résistant guère au sourire rieur qui grignota ses lèvres à la dernière des tirades du squale.

    « J’ai toujours su que tu avais un petit quelque chose d’homme au foyer entretenu, le taquina-t-elle en s’emparant d’un croissant, son sourire accru par l’absurdité de cette touche d’humour. »

    Ils savaient tous deux qu’il payait malheureusement bien plus souvent leurs consommations communes, malgré les hauts cris de la praticienne…

    « Merci pour le ravitaillement, précisa-t-elle cependant en déposant sur ses lèvres un prompt baiser. »

    Remuée et échauffée par la facilité de tels gestes intimes et familiers à son égard -par Lucy, elle pourrait faire cela toute la journée, l’embrasser voulait-elle dire-, elle s’ébroua mentalement et se contraignit à se lever de ce foutu lit qui lui inspirait des idées peu productives dès le matin. Elle remercia la déesse de la chance qui avait conduit Warren à s’habiller, persuadée de la fragilité de son self contrôle dans le cas contraire.

    « Quelle heure est-il… ? »

    Son tempus laissé sur la table de nuit lui répondit. Neuf heures. Une journée entière à égrener avant de pouvoir se jeter dans la tanière du loup. Luz n’était pas particulièrement nerveuse, mais ses affres intérieures, l’activité physique de la veille au soir et l’attente constitueraient à terme un mélange délicat… Elle avait par ailleurs mis les pieds dans bien trop d’expéditions et de situations douteuses pour ne pas penser derechef à la pire des possibilités : une contre-attaque de leur gallinette s’ils parvenaient d’aventure à mettre la main sur elle. Et il était tout bonnement hors de question que son corps rechigne à réagir s’il s’agissait d’une question de vie ou de mort ! Elle ne niait pas non plus que deux bonnes heures de sport l’aideraient à considérablement vider son esprit de l’omniprésence de Warren et des questions qu’il soulevait… Il avait qui plus est pour sa part un monceau de travail à terminer, un écheveau de documents patientant paisiblement sur la table d’appoint. La compagnie Althair tout comme Lagoon n’étaient certainement pas un cadeau pour leur patron et sa double vie de Célonaute ! Une responsabilité qu’il assumait à merveille lorsque Luz referma doucement la porte de leur suite une heure plus tard, soucieuse de ne pas le sortir de sa présente concentration. Ils avaient convenu de se retrouver peu avant le déjeuner, et la praticienne escomptait mettre à profit ce temps libre pour dérouiller ses membres endoloris.

    ►◄

    Il faisait un soleil éclatant quand elle sortit de l’aile de l’hôtel réservée aux résidents, une serviette duveteuse passée sur son visage échevelé. La terre meuble avait absorbé l’humidité ambiante et il n’y avait plus dès lors aucune trace de l’orage de la veille, oublié comme un mauvais rêve si ce n’était le vert éblouissant des plantes locales. Elle ôta de deux doigts habiles le catogan qui avait servi à maintenir ses cheveux attachés durant son entrainement, sentant poindre une terrible faim d’après effort. A tous les coups Warren n’avait pas levé un seul instant les yeux de ses documents, véritable bourreau du travail qui n’avait pas pour habitude de lâcher une once de terrain dans ses affaires. Assurément, il était pire qu’elle en ce domaine, nota-t-elle avec amusement en se dirigeant vers l’accueil de l’hôtel pour se renseigner sur les restaurants voisins. Oui de préférence carnivore merci, elle avait un requin à nourrir tout de même !

    Elle profita de prime abord de sa concentration studieuse pour se glisser sous la douche, désireuse de reprendre pleinement forme humaine. Elle se drapa dans une tunique légère en lin cerclée d’une ceinture de cuir à la taille, un short court n’empiétant pas sur la peau halée de ses jambes par cette effroyable chaleur tropicale. Restait à parvenir à appâter suffisamment le grand requin blanc pour le convaincre de délaisser ses proies administratives… Elle se coula donc contre son dos, glissant ses mains sur ses épaules, percevant la ligne de tension qui traversait sa nuque, ses doigts d’hirondelle lissant avec douceur les nœuds provoqués par le manque de repos et son travail assidu.

    « Monsieur Richter, votre médecin traitant vous impose trois repas par jour, et je ne négocie pas sur ce sujet avec le gérant de la Compagnie Althair. »

    Elle ne devrait pas négocier tout court avec lui, se fit-elle la réflexion en grimaçant, ce bougre d’aimable blondinet n’ayant pas volé sa réputation de redoutable commerçant : elle avait eu l’occasion de le voir plusieurs fois à l’œuvre au cours de leurs sessions récurrentes de recherche ! Fort heureusement, il consentit à la suivre sans qu’elle n’ait à en venir aux armes lourdes, bien au contraire conciliant, peut-être réceptif à sa proximité physique ? Oui, elle acceptait qu’il paye le restaurant en contrepartie, et oui, elle prétendit s’offusquer en levant les yeux au ciel, agrémentant leur sortie de l’hôtel par quelques fausses querelles amusées qu’ils s’échangèrent, purement démenties par le bras qu’elle avait glissé autour du sien. Au moins la nourriture était-elle délicieuse, et le cadre idyllique ! Les rues de l’Etoile du Sud s’étaient parées d’un visage flambant neuf caractéristique des journées ensommeillées après une nuit particulièrement agitée : les buveurs de la veille sortaient de leur antre pour s’avaler une pleine quantité de nourriture solide, et l’on en profitait pour flâner le long des plages si ce n’était pour se rafraîchir d’une courte baignade. Une nuée d’échoppes avait fait leur apparition colorée, parcellant les pavés de cris enthousiasmes et d’objets aussi loufoques qu’exotiques à acquérir pour une poignée de cristaux à peine. Allons, vous offrirez bien un splendide porte-clé gravé pour votre belle-mère ? Et que dire de ces assiettes peintes à la main, typiques, une parfaite réussite pour vos rutilantes soirées entre nobles de la Capitale ?

    Ils mirent un terme à leur conversation par trop sérieuse, tâchant d’anticiper les potentielles retombées de la soirée à venir – après tout, leur gallinette serait probablement masquée tout comme eux et susceptible de prendre la fuite si elle décelait un trop grand danger- et se virent rapidement distraits par les différents marchés de cette ville artificielle et surréelle. Ils avaient eu le tort de se balader après le déjeuner, touristes immanquablement ferrés dans ce dédale bien rôdé. Assurément, des trésors devaient se cacher entre les étalages pour qui avait le bon œil pour regarder… Une activité que Luz confia gaiement à Warren, percevant chez lui l’attrait d’un enfant libéré dans un magasin de jouets derrière la façade de l’homme d’affaires en quête d’opportunités. Elle se faufila pour sa part entre les ruelles jusqu’à rejoindre un coteau escarpé, la roche effilée par l’eau et le temps rejoignant une eau somptueuse et limpide inégalée. Une trouvaille confiée par un marchand local suite à ses achats, uniquement connue des gens du coins… Et pas âme qui vive à proximité pour lui gâcher la saveur de ce lagon turquoise !

    Son masque des abysses dans une main, ses sandales dans l’autre, elle le rejoignit à l’hôtel sous les coups de dix-huit heures. Elle rejeta machinalement sa longue chevelure flamme gorgée de soleil derrière une épaule, gênée par la chaleur sur sa peau, et posa sur le lit entre eux deux un paquet finement emballé.

    « J’ai longuement hésité sur ce qui représenterait le plus fidèlement possible Emerson Brown, expliqua-t-elle, armée d’un charmant semi sourire renard. J’espère que ça te plaira. »

    En ouvrant le paquet, Warren y découvrirait les contours d’un masque de crocodile façonné à la main, reptile plus vrai que nature aux écailles méticuleusement peintes, agrémentées d’impressionnants crocs taillés dans le matériau. Car qui du requin ou du crocodile mordait le plus fort sa proie pour l’entrainer dans une féroce noyade sans retour… ?

    « Et pour accompagner tes larmes de crocodile, Marrei Everniel portera pour sa part un masque de poisson Pterois. »

    Elle lui présenta son futur visage, créé par le même artisan, figure de poisson rayée et bariolée rehaussée sur les contours de nageoires semblables à de la fine dentelle, comme une couronne d’argent. Quoi de mieux pour une héritière un peu rêveuse et naïve, fondée uniquement sur l'apparence… ?

    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
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    Re: Appâter le squale
    Lun 27 Sep 2021 - 14:32 #
    '' Un crocodile donc. Ironique ; j'imagine que même sous cette fausse identité d'Emerson Brown, tu ne peux t'empêcher de m'associer à un de ces animaux à puissante mâchoire. '' Le masque glissait sous ses doigts, alors qu'il avait laissé traîner son emballage sur un des coin du lit. Plus que de bonne facture, espérons que la noble n'ait pas déboursé que trop cher pour cet objet, à l'air certes unique et donc si précieux, cote décuplée par son apparente rareté et d'autant par la valeur sentimentale que voudra bien y mettre le blond. '' J'imagine que le requin reste cependant tout indiqué et réservé pour Warren, le reptile devient donc une bonne contrepartie. ''

    Pendant plusieurs secondes, l'homme était resté ainsi, debout sur le côté du lit, examinant l'objet sous toutes ses coutures ; bon prétexte pour se perdre dans ses pensées. Depuis ce matin, la familiarité de la noble envers son égard faisait débat dans son esprit, et les voix promouvant un simple côté tactile ; proche de tout le monde, aimante et attentive de tout le monde, de son cercle d'amis, gracile créature sociale qu'elle est, commencèrent à se faire moins bruyante, moins sensées que celles clamant que quelque chose était en train de se créer, que ce sentiment, cette pensée qui le taraudait, toujours présente, rampante, était partagée, potentiellement toute aussi obsédante pour la jeune femme qu'elle l'est pour lui. Ce baiser de bon matin, vif, furtif, reste une première pour eux ; la manière subtile et adorable qu'elle a de le taquiner, le squale bien plus coulant quand il s'agit de ses remarques ; cette proximité physique qu'elle ne cessait d'établir entre eux.

    Pouvait-il s'en passer ? Depuis combien de temps n'avait-il pas été aussi serein, tranquille, bavard ? Tant d'années auraient-elles finies par émousser ses défenses solitaires, toutes abaissées naturellement, ou l'aura solaire de la rousse les aurait tout simplement faites fondre, comme neige au soleil ? Après ce réveil, les autres paraîtront bien fades, aucune couverture, aucun feu ne peut remplacer la chaleur qu'un être vous procure, chassant d'un revers la froideur de la nuit. Impassible, surtout avec ces verres occultant, que le directeur avait prit soin de remettre avant même de sortir, de toute évidence, son corps trahissait la neutralité de son visage, à l'image de ces muscles, relaxés de toute cette pression, cette mauvaise posture qu'il adopte depuis tant d'années, arqué sur ses documents, par un simple passage des fins doigts de la praticienne. Proximité qui faisait que même la savoir dehors, aux affres de la rue, alors que lui était là, sur sa paperasse, faisait qu'elle occupait ses pensées. Et vu où on en est, toute une après midi face à lui même n'eut pas permis de démêler le vrai du faux ; le fantasme de la réalité, que ses achats compulsifs

    Contre ce flux de pensées, à contre courant total, nageait perpétuellement cette idée tenace, puissante pour aller à l'encontre de tout ça, qu'à ses côtés, Luz ne trouverait que problèmes et misère. Il n'est pas socialement adapté pour encaisser tout ça ; sa vie n'est pas un long fleuve tranquille, pas la place pour une si charmante dame de la haute, tout ce qu'elle est, ses réussites, ses bienfaits, tout ce qu'elle aspire à être, ne doit absolument pas se retrouver attirer dans cette spirale de haine et d'illégalité. Et pourtant...Est-ce si égoïste, de quand même la vouloir si proche, autant que faire se peux, en sachant tout cela ? L'Archonte est celui qui dit ne pas avoir à se mentir, pour au final, avoir mit le doigt dans un engrenage de pensées cachées, de non-dits et d'impressions non assumées.

    Grande et profonde inspiration. Expiration sonore et lente. Le temps des lamentations devra rester derrière lui pendant quelques temps. C'est un Archonte, pour l'amour de Lucy. Il était grand temps de se comporter comme tel de nouveau, la pause, délectable qu'elle fut, est finie. Harnachant le masque à son visage, il passa à côté de la rousse sulfureuse, posa sa senestre sur son épaule, laissant sa main glisser sur son dos alors qu'il la dépassait. Non, arrête ça. Inspection rapide dans le miroir, le pire, c'est que ça lui va, le bougre. Se recoiffant rapidement de ses doigts abîmés, ajustant son costume sous l’œil empreint de jugement de Luz, il fallait se rendre à l'évidence.

    '' Il me sied à ravir, ma jolie. '' Arrête, on a dit. '' Merci, en tout cas, mais quelque chose est sure. '' Son doigt passa sur les plis du col de sa veste. '' Le vert de ce masque ne va strictement pas avec le bleu de ce costume. Fort heureusement, j'en ai un de rechange. '' Se dirigeant lentement vers sa valise, il en sortit un pantalon et une veste tous deux noirs. Certes, c'est pas non plus parfait, couplé au vert pâle de cet aspect de crocodile, mais toujours bien mieux. Ses yeux se portèrent sur Luz, ses lèvres animées par un sourire en demi-teinte. '' Je prends la salle de bain quelques minutes, je vais me préparer rapidement, car seule Lucy sait combien vous, les femmes, êtes lentes pour cela ! ''

    Sans plus de cérémonie, il se dirigea dans la pièce susnommée, en ferma la porte, entreprit de se changer. D'aucun lâcherait qu'aucune gêne entre les deux ne l'interdirait de se changer en plein milieu de la chambre, et cette personne aurait totalement raison, mais n'aurait pas toutes les informations intrinsèque à la relation entre l'Archonte et la Célonaute -eh, est ce que mine de rien, cela ne fait pas de lui son patron?-, encore moins les tergiversions internes, propres au blond. Enfin, il laissa le champ libre à sa comparse pour s'apprêter, comme si elle en avait vraiment besoin, au final. Dernière touche ; quelques gouttes de parfum, pour le paraître, et ce petit accessoire, qu'il avait prit grand soin d'emmener, ce couteau pliant, ricasso finement gravé et accentué pour faire une sorte de mini-garde, bien plus décorative qu'utile. Manche d'un blanc immaculé, mitre en argent, symbole du forgeron sur la mouche, qu'il ne saurait identifier ; après tout, il s'agit d'une trouvaille, non d'une commande, il ne saurait le dater, mais il est sur qu'il n'a pas perdu de son tranchant. N'oublions pas ces allumettes et cette boite de cigares, qui se faisait dorénavant bien vide, glissés à la va vite dans une poche. Faisant rapidement signifier à une Luz des plus occupée à se pomponner qu'il lui laissait son masque -les sac à main de femme, ça peut vraiment tout contenir, c'est bien pour ça que ça existe-, il glissa son arme blanche dans une poche intérieure cachée de sa veste, et sortit, non sans notifier la noble qu'il l'attendait dans le salon de l'hôtel.

    Confortablement assit dans un sofa, verre à la main, Warren se retrouva malgré lui attiré dans une conversation peu profonde avec d'autres clients. Beaucoup de gens aisés, citoyens comme nobles. Peu d'aventuriers, aucun garde. Toute cette caste de supérieur, qui se sent bien meilleure dans leur petit confort, pouvant s'octroyer le luxe de jeter leur argent par les fenêtres, engraisser plus que de raisons ceux qui ont déjà tout, se serrent la main de la droite pour mieux trahir de la gauche, prenant la fuite au moindre coup de vent, laissant tomber les gens derrière eux. Sans les exécrer, Warren était loin d'être fan des nobles. De la majorité des nobles. Pourquoi ? Non, comment s'être autant attaché à une de leurs représentante, et non des moindres, alors qu'elle même irradie de cette noblesse décadente, du scintillement de son nom ? Telle la dame blanche, il suffisait de penser suffisamment à elle pour qu'elle fasse son apparition. Sourcils froncés, bouche en cul de poule, un ''oof'' sifflant entre ses lèvres pincées. Le temps d'attente ne pouvait que valoir le coup, tant la personne qui se dirigeait maintenant vers lui était incroyablement prête à sauter dans le grand bain de ce type de réception un peu chic. Longue robe fine, dos nu, escarpins, tout y était. Il se leva et partit à sa rencontre.

    '' Eh bien, mademoiselle Everniel, vous êtes - '' Sublime ; Magnifique ; Incroyable. ''- Très bien. '' Connard. '' Allons patienter dehors, voulez vous ? La calèche ne devrait tarder. '' Dernier regard vers le groupes de gens avec qui il discutait, attablés ou bien enfoncés dans leurs luxueux sièges. Il pouvait sentir que les hommes voulaient être lui ; les femmes crevaient d'envie d'être Luz. Quelle sensation...Agréable, qu'est de se faire jalouser. '' Messieurs, Mesdames, je n'ai plus qu'à vous souhaiter d'essayer de passer une bonne soirée ! ''

    Leur transport ne manqua pas d'arriver, galant, il en avait ouvert la porte, offrant sa main en soutien pour laisser la déesse monter à bord. Dans cet endroit exigu, peu de place pour le silence, alors que la luxure même de la voiture était insolente, verres, petits fours, champagne, tant de choses auxquelles Warren ne toucherait pas. Il toucherait bien autre chose, mais non. Assit en face de la praticienne, il l'observait à travers ses verres fumés. Le cocher les avait bien prévenus ; le trajet serait court. Quel luxe, que de se balader ainsi, pour parcourir en une dizaine de minutes ce qui se ferait sans soucis à pied. Leur conducteur restait bien embêté, visiblement, la circulation est difficile, beaucoup de gens s'attroupent dans la direction vers laquelle se rendent les deux Célonautes. La rumeur de cette vente dût faire grand bruit ; était-elle vraiment cachée ? Tout de même réservée à une élite, ceux ayant les bons mots ? Toutefois, les deux eurent le temps de mieux échafauder leurs alibis ; s'accorder sur leurs fausses identités, ou plutôt, le pourquoi du comment ils se retrouvent là, ensemble. Pourquoi faire compliqué quand tout peut être simple ; juste deux nouveaux riches, vivant l'instant présent, qui se sont rencontrés pendant moult soirées mondaines, s'étant liés d'amitié, non rare de les voir se trimballer ensemble.

    L'Elysium était bien moins impressionnant que son homologue hôtelier, mais avait un côté plus antique, légitime et ancien que celui où le duo séjournait. Assurément, il aurait été bien plus pratique d'avoir une deux suites à l'Elysium, mais la palme du confort et du luxe revient tout de même au Serwang. La clientèle semble tout de même tout aussi aisée, et il ne put s'empêcher de remarquer, car c'était au moins aussi gros que le nez au milieu de la figure, que certaines personnes étaient masquées. D'autres non. Délimitation facile entre ''simples'' clients, profitant des bienfaits et infrastructures de l'archipel, et ceux qui ont débarqué dans un but bien précis. A la sortie comme à l'entrée, il aida la belle à descendre de son carrosse, et Ô merci Lucy, celle ci ne chercha pas à l'agripper par le bras. Soucis de couverture ? Ou une empathie telle qu'elle lui permit de ressentir les vibes négatives émises par l'Archonte ? La rouge lui tendit son masque, qu'il attrapa dans un mouvement de tête et s'en équipa. Les deux n'avaient pas l'air ridicules, avec leurs masques, au contraire, ils se fondaient parfaitement dans la masse.

    L'intérieur était bondé, sobre mais chic, colonnes blanches, sol immaculé, un sentiment de grandeur et d'ouverture malgré ce fourmillement. Bien vite, se sentant intrus ou mal à l'aise, comme s'il n'étaient pas à leur place dans cet endroit qu'ils ont pourtant du louer une fortune, les clients se réfugièrent dans leurs chambres, à l'étage. De chaque côtés du grand escalier central se dessinaient ce qui ressemblait à deux files d'attentes, avançant à un rythme soutenu, qui permetterait dans un futur proche de pénétrer dans cette alcôve, cosy et cachée, où aura sans doutes lieu la vente. Dans ces deux lignes d'humains, pas un seul à visage découvert. Quelle horreur, pour le blond, de se dire que pour mettre ce masque, il avait du retirer ses lunettes, retrouvant une place familière dans sa poche de poitrine. L'idée que ces badauds puissent croiser directement ses pupilles, ugh, quelle horreur. Peu étaient ceux à avoir eu cette honneur, sans qu'il n'essaye de vous apeurer à la mort. Au hasard, Warren pointa une des deux files, et bien docilement, Luz le suivit. C'était un truc qu'elle lui avait dit, dans la calèche. Elle voit bien son alias comme naïve, suivant Emerson dans tous les coins, confiance aveugle et candide. Impossible de communiquer discrètement de par le brouhaha, rendant aussi les oreilles indiscrètes caduque. D'un coup, une main, non, juste un doigt qui s'enfonça dans son dos. Il tourna la tête, et, du coin de l’œil, put distinguer une femme, juste derrière eux.

    '' Ah, je me disais bien que c'était vous ! Je vous aurais reconnu entre mille, je crois. '' Mais qui était cette femme qui s'adressait à lui ? Collé à elle, un homme qu'il ne reconnaissant pas non plus. Elle arborait un masque de ribec blanc, alors que son accompagnateur avait un flatteur masque de rat géant. De voix, elle lui rappelait brièvement quelqu'un. Qui ? Il passa son regard de haut en bas, supporté par un mouvement de tête ; ah, ces formes, ces lignes, oui, ça ne pouvait être que cette femme du casino. '' Oh, c'est vous ! Eh bien, ravi de vous revoir. '' Sourire franc de la part de la femme, non de Warren. '' Oh, mais pas autant que moi je le suis ! J'espérais vraiment que vous vous pointeriez, seulement moins... '' Presque tout le corps de la femme pivota vers Luz. '' ...Accompagné. C'est donc ce qui vous sert d'escorte ? Ô, que votre choix est le mauvais ! '' Faisant derechef face au blond, elle passa un lent et lascif doigt sur le torse de l'Archonte, loin d'apprécier un tel comportement. '' Je vous l'ai déjà déjà dit, si elle vous déçoit, vous savez où me trouver- Par tous les grands, qu'est ce qu'il y a, Fabrice ? ''

    Le prénom de l'homme était maintenant révélé, toujours pas celui de la mystérieuse personne qui lui faisait un gringue plus qu'ostensible ; dans quel but ? Le grand avait finit par repousser fermement mais poliment la main de la demoiselle, qui mettait mal à l'aise ce qui avait l'air d'être son fidèle toutou, un petit caniche servant de faire-valoir à la solitude, elle n'avait pas eu Warren, bien, elle trouverait n'importe qui sur qui apposer son bras, mieux si cette personne est d'une richesse apparente, avec tous ces bijoux apparents. Non, ce n'était pas le semblant de relation toxique, le poison insidieux qui coulait entre les deux, qui était le plus dérangeant, mais bel et bien le regard que le ratus portait à la Célonaute, à la fois dubitatif et admiratif. Comment ne pas l'être ? Pour le deuxième, du moins. Le premier mettait Warren mal à l'aise ; pourquoi cette sphère de plomb incandescente dans son estomac alors qu'il scrutait Luz ? Bras croisés, le droit en avant, assurant un certain aplomb et une agressivité latente, sourcils froncés, malheureusement rendus non visibles par le masque, patientant la suite des événements. Ô que l'opération avait été parfaite, tendre et incroyable jusque là, à en oublier que c'est ce soir que tout se jouait, que le sérieux et le professionnalisme étaient de nouveau de mise.

    '' Enfin, Ma Dame, vous trouvez ça normal d'agir comme ça alors que je suis littéralement à moins de cinq centimètres de vous ? Comme si je commençais moi aussi à dragouiller cette gente dame sous prétexte que je l'ai croisée hier ! ''

    '' Enfin, Fabrice. Regarde le et...Regarde toi. ''

    Elle pouvait bien parler, à se prendre pour la diva du salon, la reine du bal, alors que – Oui, non, objectivement, elle est bien. Si Warren était Emerson, avec les connaissances de ce dernier, il succomberait volontiers. Rares sont celles à être aussi rentre dedans avec lui ; d'habitude, c'est l'inverse, et justement, à la fin, bah il rentre pas dedans, si vous voyez le délire. Ah. Luz. Il y avait qu'elle pour refréner ses ardeurs pour déjà la deuxième fois en deux jours, sans même lever le petit doigt, juste par son existence et la place qu'elle avait prit dans sa vie. Non, on a dit non. T'attaches pas trop, petit prince d'Althair, on ne joue qu'avec les cartes et les dés, non le cœur des Hommes ; la dernière chose dont tu as envie, c'est que l'un de vous ressorte brisé. Se bercer d'illusions, ça va bien minutes, et même si ce mirage apparaît comme tangible, après quoi ? La tragédie qu'est ta vie, la noirceur de tes actes, l'entacher ? Eh. Plutôt redevenir solitaire, tiens.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Appâter le squale
    Mer 29 Sep 2021 - 20:22 #


    Luz ne l’aimait pas. Une assertion d’une évidence cruciale face à un ribec de mauvaise éducation. Non, voilà qui constituait encore une excuse médiocre pour justifier cette apparente détestation. Elle n’y pouvait rien, son empathie naturelle, son inclinaison à s’ouvrir à Warren pour mieux comprendre les silences dans sa voix et la couleur de ses intentions, n’avaient pas manqué de noter un fragile bouleversement dans leur relation. Une dégringolade malhabile dont elle ne comprenait pas les raisons, loin d’imaginer les tendres turpitudes dans lesquelles étaient plongées son requin. Elle ne percevait de lui que cet esquif de glace, une distance progressive et mal à l’aise qu’elle ne pouvait alors traduire intérieurement que par le drapeau blême de l’avertissement. En proie à une frustration croissante, un drôle d’oiseau se pointait à présent avec la majesté d’un cadeau empoisonné, soulignant douloureusement le peu de légitimité de la praticienne aux côtés du squale. Luz sentit poindre en elle la vibration infime et familière des bracelets d’or qui cerclaient ses poignets : les lames chantaient leur féroce hallali en réponse à l’agitation de leur maitresse, heureusement invisibles sous cette forme réduite. Par Lucy, elle ne pouvait pas se contenter d’égorger toutes les satanées bonnes dames qui décidaient de poser leurs mains sur Warren. Et certainement pas au prétexte qu’il prenait ses distances et que la réalité ne s’orientait pas vers le meilleur des avenirs !

    Oui, cette décision était parfaite. Du moins, jusqu’à ce que Fabrice daigne réagir, s’attirant derechef une réaction plus terrible encore de Ribec-balec. Luz qui n’était déjà pas d’ordinaire d’un calme olympien, bien trop orageuse, bien trop affirmée également, perçue le net déclic que produisit son corps à l’instant où une lugubre idée prenait possession de sa conscience rationnelle. Un crissement de givre, indécelable sous sa belle robe de soirée, rejetant à Helmex les possibles répercussions de ses futurs actes. Etait-elle égoïste ? La réponse était oui désormais, et elle en embrassait pleinement les contours, acceptant cet état de fait avec l’amour morbide d’une personne prête à sévir. Un soir, seulement, se corrigea-t-elle, précisant cet aparté doucereux en elle-même afin d’en appréhender l’inévitable amertume. Warren serait libre ensuite, libre de courir après ces jolies plumes, cette moue de ribec narcissique que, ma foi, en d’autres temps d’autres émois, elle aurait sans doute pu apprécier à sa juste mesure… Mais les rencontres se produisaient rarement à l’instant idéal, n’en déplaise à Ribec-balec qui allait en savourer toute la mesure dans cet échange. Et puisqu’ils bloquaient l’avancée de la file, indécelables parmi la foule, Luz fit un brusque pas en avant qui eut pour conséquence d’heurter l’épaule de l’outrecuidante : elle amorça un pas surpris en arrière pour s’éviter la chute, immédiatement contré par le pied traitreusement glissé de la praticienne, conduite à une prodigieuse bousculade jusqu’au sol. La dextre de Luz avait néanmoins filé tout aussi tôt vers la main adverse, l’attrapant en moins d’un souffle de temps, figeant sa course dans une étrange rigidité stupéfaite. Ainsi enlacée à la manière d’une amie réagissant promptement pour éviter la dégringolade à une précieuse connaissance, un observateur extérieur n’aurait perçu qu’un soudain sursaut entre les deux femmes, la ribec encore courbée dans une infime mais dangereuse oblique. La voix de Luz s’était réduite à un mince filet de son, un ronronnement métallique à la froideur assumée, pourtant glissé contre son oreille avec une langueur de lave brûlante :

    « Hé bien, restez concentrée, vos distractions pourraient vous coûter cher. »

    « Qu’est-ce que… »

    La ribec remise pleinement sur pieds tandis que Luz s’écartait, ouvrit sa main pour y découvrir l’éclat de deux cristaux clairs. Elle s’empourpra, volta vers la praticienne, une insulte à la bouche que Luz coupa d’un ton avenant :

    « Pour compenser votre soirée. J’ai de la peine à laisser une consœur dans un aussi profond besoin – vous aurez de ce fait assez pour participer à cette enchère sans vous contraindre à supporter un riche accompagnateur qui ne vous plait pas. Voyez cela comme une aumône amicale. »

    Il y eut un silence interdit, une insulte étouffée sous un masque à son encontre et puis… La redescente. La ribec parut chasser sa rage apparente, investie d’un aplomb sourd, une conviction mystérieusement menaçante. Elle venait assurément de se créer une ennemie, et quel dégât pouvait produire cette ennemie ? Luz l’ignorait, mais sut conserver à l’esprit les prémices de cette méfiance animale et spontanée. Pas suffisamment cependant pour ne pas tourner les talons et reprendre innocemment sa marche, désireuse de creuser la distance entre leur duo et le leur. Elle n’avait pas manqué non plus de percevoir l’abattement sur les épaules de Fabrice, gravant dans sa conscience la perception d’un acte grave dont elle n’avait aucunement connaissance des aboutissants. Elle chassa ses interrogations circonspectes. Le duo de malheur les suivait de près et elle dut se résoudre à l’évidence : l’enchère se déroulerait à leurs côtés, paramètre tristement inconnu dans l’équation. Ribec balec avait aussitôt repris son verbiage usé dont elle inondait Warren avec une persistance qui forçait le respect, ignorant royalement l’attitude teintée de désespoir de son accompagnateur initial. Et la moue pincée cachée derrière le masque de poisson pterois.

    C’est ce singulier cortège qui pénétra quelques minutes plus tard au cœur d’une magnifique alcôve, les murs recouverts d’un velours aux teintes riches et nuancées, de larges fauteuils équitablement répartis en demi-cercle de large devant une estrade. Il n’y avait en tout et pour tout qu’une cinquantaine de convives, saisis par la même nécessité d’adopter entre eux une forme de murmure intime comme s’il se fut agi d’entrer dans la salle d’un illustre opéra. Trois domestiques discrets évoluaient dans la foule avec l’adresse du métier, proposant des coupes de champagne aux riches investisseurs susceptibles de faire de cette soirée une véritable réussite… Reconnaissante de cette offre providentielle, Luz s’était déjà accaparé sa propre flute. Quoi ? Boire pour oublier ? Peut-être. Majoritairement. Cela engourdissait les irritations, non ? Cela, jusqu’à ce que ses prunelles se posent par inadvertance sur un masque bigrement atypique. Les stries mouchetées délicatement peintes sur le bois, le bec élégant, la crinière de plumes mousseuses autour du visage… Une galinette cendrée. Luz avait pour sœur Mysora, aussi ne croyait-elle pas réellement aux coïncidences : un acte douteux était ici à l’œuvre et elle devait à tout prix en obtenir les clés. Elle parvint à cacher sa tension, aidée par les lumières qu’une main inconnue prit soin d’éteindre, signifiant le début des enchères. Comment prévenir Warren ? L’autre Ribec était si proche de lui, pratiquement pâmée sur son épaule, qu’il était complexe de soumettre le moindre signe ou parole explicite. Sa galinette restait heureusement bien assise à sa place, facilitant son travail de surveillance. Par trop distraite, Luz n’entendit pas même le premier appel lancé par le crieur ni ne remarqua l’arrivée du commissaire-priseur. En revanche, son regard perçut très clairement le mouvement produit par sa cible lorsqu’elle s’arracha à sa chaise quelques vingt longues minutes plus tard, pour rejoindre dans un couloir adjacent une deuxième silhouette… Portant un masque exactement identique au sien. Oh et puis zut.

    « Je m’absente un instant, indiqua-t-elle à Warren, trop agacée par l’ensemble de ce tableau pour expliciter davantage. »

    Elle n’eut pas grande difficulté à se faufiler entre les rangées jusqu’aux prémices du couloir, jetant un dernier regard hésitant au programme affiché sur un panneau adjacent. Elle ne manqua pas d’y découvrir la mention « Ukiyo no Hansha », en quatrième items de la liste, terriblement divisée par deux effroyables possibilités. Suivre les deux galinettes ? Il y avait bien évidemment une tentative de distraction en cours, peut-être pour les attirer hors de la salle pendant la vente de la collection convoitée. Bon. Parfait. Warren restait, et tout accaparé qu’il était par Ribec balec, sans doute ne manquerait-il pas de pouvoir mettre la main sur cette collection ? S’il s’agissait bien de cela. La possibilité d’un leurre dans l’enchère elle-même n’était pas exclue. Elle se mordit la lèvre inférieure, soupira. Ainsi soit-il pour la séparation, autant couvrir plus de terrain, trancha-t-elle. Elle s’engagea dans l’obscurité du couloir, échouant par la même à remarquer le semblable départ de Fabrice qui prétexta un énervement latent envers son tendre ribec pour se lever à son tour de sa chaise et la suivre une poignée de minutes plus tard.

    « Marrei ? l’interpella-t-il tandis qu’elle parvenait à une dernière pièce suite à une succession de carrefours et de virages labyrinthiques. »

    Elle sursauta -pas l’ombre d’une galinette en vue, les deux inconnues s’étaient comme volatilisées depuis le quatrième virage, ne laissant pour contemplation que les dorures d’une jolie pièce vide.

    « Fabrice ? »

    « Euh… Pardon, je ne voulais pas te surprendre… C’est euh… J’ai eu besoin de m’aérer. Trop de… Trop de blabla là-bas. »

    Il se tortillait, passant une main embêtée dans ses cheveux broussailleux, traduisant le mal-être que devinait sans peine Luz au vu de l’échantillon présenté un peu plus tôt. Insidieusement, elle se radoucit, s’arracha à son inspection du balcon pour le rejoindre, saisir cette main égarée qu’il lui tendait dans un simulacre de détresse émotionnelle. Que ne devait-il pas vivre présentement pour cette foutue ribec ? Luz le comprenait. Mieux que n’importe qui dans cette soirée. Hormis qu’elle n’avait pas le loisir d’assumer ses propres souffrances…

    « … Tu l’aimes, hein ? compatit-elle, fouillant du regard ce masque de rat qui l’empêchait pleinement de percevoir l’homme derrière la voix. »

    Elle perçut la différence subtile d’atmosphère juste avant qu’il ne réponde. Un ferme concentré de résignation mêlée de colère, un acte qui emplit le bras de Fabrice avant que cette pensée ne se traduise en geste.

    « Plus que tu ne le crois. »

    Un rideau d’ombres s’écroula sur ses prunelles. La pièce, arrachée à sa vue, une nuit d’une noirceur absolue, privée de vision. Aveugle. Elle avait néanmoins amorcé un brusque écart en arrière, mue par l’un de ces instincts foudroyants qui lui sauva la vie : elle entendit la déchirure de l’air à un souffle de sa poitrine, lame perdue dans le vide. Respire, respire… Son corps s’embrasa. Un élan électrique continu, un reflet de bouclier ouaté qui gondola sa silhouette, frémit sur sa peau. Ne pas paniquer. Respirer. Elle ôta à la va-vite ses talons, tournant spontanément la tête vers le bruit de pas étouffé qui naissait à sa droite. Il la contournait ? Ah, pas un combattant. Un homme effrayé. Amoureux. Perdu. Avec une lame dans les mains.

    « Tu n’aurais pas dû la chercher ! Bon sang, Marrei, tu n’as pas vu qu’elle obtenait toujours ce qu’elle voulait ?! Et toi, toi tu lui as donné des raisons de te haïr, tout ça juste par ego ? »

    Et amour.

    Warren.

    « Je suis désolé… Je ne veux pas qu’elle me laisse seul… Alors je dois… »

    Sa voix mourut. Un son coupé, une fin de phrase qu’elle n’entendrait jamais tandis qu’il joignait son propre pouvoir à celui de la ribec. Sa vue et son ouïe supprimée, Luz ne put que percevoir trop tard le ressac de son pouvoir dérangé par l’arrivée d’une pointe à grande vitesse, déviée, propulsée sur cet infime instant de côté. Elle ignora l’estafilade cuisante qui brûlait son flanc, repoussée juste à temps par son champ magnétique et creusa l’étendue de ses possibilités. Le balcon. Le jardin. Elle plongea dans Rebonds.

    Sa course électrique et erratique se brisa par-dessus le parapet dont elle avait évalué approximativement l’emplacement, ignorant les risques de ce coup de poker désastreux. Car elle chuta tout aussitôt, plongée dans un abîme dépourvu d’images et de sons, confrontée au vide sous ses pieds et… Le choc contre un sol inconnu lui souleva le cœur, l’envoya rouler douloureusement dans la pénombre. Elle ravala son cri, investie d’une sourde douleur de protestation. Indemne néanmoins, vivante toujours. Et ses mains… Comprirent qu’elle avait atteint la terre, un terreau meuble dont elle appréhendait la fraicheur. Ici, le contact froissé d’une large feuille, là, la matière rugueuse d’un tronc…

    Très bien.
    D’accord.

    Elle se releva – où était le ciel ? Où était la façade chaleureuse de l’hôtel, cette absence totale d’êtres humains dans ce vaste jardin ? C’en était assez de courir. Assez d’être aveugles, de corps et d’esprit, assez d’accepter la détresse injuste de ce connard entiché d’une ribec infidèle. La morsure de sa colère la rasséréna, une empreinte délicieuse, Ô amie suprême. Et lorsqu’enfin un sifflement d’air caressa sa peau… Elle en accepta la pleine amplitude.

    La lame perça sa chair, entra à vif dans un éclatement de souffrance scintillant. Tournée à l’infime instant d’un millimètre à peine, acceptant l’attaque oui, mais pas n’importe où, sacrifiant le muscle inutile de son flanc gauche pour mieux refermer sa senestre sur le poignet coupable. Ses doigts glissèrent sur son bras, devinèrent ses épaules, sa nuque et… Luz s’enflamma d’une foudre nouvelle. Son genou vint heurter violemment le visage de Fabrice dans un craquement d’os froissés, rabattus par l’emprise de sa dextre, entrainé par son propre élan d’attaquant. Il tomba – peut-être ? -, elle vacilla, se rattrapa de justesse au tronc allié. N’entendit pas le son métallique du couteau qui se perdit dans les fourrées. Elle rata une boucle de respiration, hoqueta sous ce nouveau faisceau de souffrance omniprésente, traversée d’un éclat glacé. Calme-toi, calme-toi, tenta-t-elle de repousser la nausée qui la gagnait comme un feu de poudre, sautant sans préambule dans la magie de Vol vie. Le son revint, et le chant des grenouilles fut presque une agression trop subite de son ouïe. Fabrice ? Evanoui ? Enfui ? Elle sentit sa tête tourner, pas un effet de magie cette fois-ci, assise dans ce jardin salvateur dont elle arrachait l’énergie à corps perdu, tâchant de réguler l’hémorragie, refermer peu à peu la ligne rougeâtre qui s’était taillée un chemin dans sa chair… La végétation alentour s’affaissa d’une morbide sécheresse, un cercle de plantes absorbées dont elle devinait l’amplitude malgré sa vue dérobée.

    Où était Fabrice, cet ennemi qu'elle ne pouvait pas voir, avait-il vraiment fui ? L'avait-elle mis hors jeu ?

    Qui était ribec ? Avait-elle un lien avec les galinettes qui l’avaient attirée dans ce piège ?

    Et… Qu’allait-elle faire de Warren ?

    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
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    Re: Appâter le squale
    Ven 1 Oct 2021 - 1:44 #
    '' J'aime pas trop ça... ''

    '' De quoi donc ? ''

    '' Rien. Oublie. ''

    Le blond faisait référence au départ de la rousse, sans plus de cérémonie qu'un simple 'je m'absente'. Et pourquoi ça, direz vous ? La réponse candide est tout simplement que plus la noble se trouve proche de lui, mieux il se porte. Mignon, mais également vrai, elle a tendance à faire ressortir le meilleur chez lui -c'est dire de son pire ! La vérité était qu'il était mal à l'aise, avec cette femme plus qu'intrusive qui, bien qu'éduquée et intelligente, n'a pas eut la chance d'avoir une leçon particulière de ses parents sur les notions de ''zone de confort'' ou ''sphère de vie privée'', le nombre de fois qu'une main a été repoussée, des mots laissés en suspend, sans qu'elle ne revienne à la charge une énième fois.

    Surtout qu'elle semblait aller aux devants d'ennuis, lui aussi, avait remarqué ces étranges masques ressemblant, du moins de loin, à l'idée de l'animal dont le nom fut emprunté par la mystérieuse personne qu'ils allaient devoir débusquer au plus vite, car ô Lucy, qu'il ne veut pas se retrouver avec tous ces croulants et nouveaux riches de merde qui viennent dilapider leur argent sur tous les terrains, casinos, hôtels, prestations, et maintenant, enchères privées qui devaient bien coûter un demi-bras la simple hausse de prix. Officiellement, le directeur était également présent pour cette occasion, donc il devait se montrer tout à son aise dans ce confortable fauteuil, un des bras de ce dernier accueillant ce fameux genre de petit panneau, numéroté, qui vous permet de le lever pour montrer votre intérêt, ainsi que la taille monumentale de vos bourses. De cristaux. Oui. Après, il en faut toujours une sacrée paire pour participer, sans même pouvoir analyser son futur achat.

    Comme un enfant qu'on finit par gâter après son caprice, il ne put s'empêcher de sourire niaisement en repensant au coup d'éclat de sa partenaire, une triple humiliation en bonne et due forme. Ah, il aurait pu l'embrasser sur place à ce moment là, réussissant à déceler comme une étincelle de jalousie dans les mouvements de l'héritière Weiss, qui lui faisait étrangement chaud au cœur, comme au milieu d'une mêlée, d'un tumulte pour s'accaparer ses faveurs. Allons, chère Luz, nul besoin de vous abaisser à de telles exactions, tu ne le sais pas encore, Warren non plus lui même en son sein, mais il vous est tout acquis ; ses sens si brouillés qu'il serait capable de voir votre minois partout juste pour se rappeler de vous. Par contre, le coup de donner des cristaux à une femme si manifestement aisée que sa robe seule vaut sans doutes plus que tous les bijoux du directeur, faut être sacrément culottée. Bon sang, Luz, ton ''instant'' commence à ressembler à un ''plus tard''. Sur le point de se lever, un coup de coude et une main sur la sienne le ramena à la réalité.

    '' Tu n'arrives plus à suivre depuis le départ de l'autre greluche, rah ! On est déjà au troisième lot, et j'ai même pas pu arracher le deuxième, ni même participer sur le premier à cause de l'autre...Pouffe. ''

    Ne pas oublier leur objectif principal...Les peintures. Et autres formes d'arts. C'est ça, qu'ils sont venus chercher. Pas n'importe lesquels, donc la concentration était de mise, même depuis sa place, éloignée de toute action intéressante, Warren distinguait le nom qui intéressait le duo : Ukiyo no Hansha. Quatrième objet de la longue liste de broutilles mises en vente. Arrivée du troisième lot, un ensemble de poteries qu'il estimait sans grande valeur, oser exposer ainsi de telles immondices dans cette alcôve si finement décorée, avec un goût plus que certain. A sa plus grande surprise, de nombreuses ardoises s'élevèrent dans les airs, autant de majeurs tendus à l'Art, le vrai, et au bon goût, tous ces gens qui ont un jour ouvert un livre et se sentent cultivés, juges d'une matière qu'ils ne peuvent qu'espérer toucher du bout des doigts. Quiconque achète cet item devrait, en repentance, se rendre sur la plus haute montagne du royaume, prendre son élan et -

    '' ...Et adjugé pour la petite dame, numéro 193 ! ''

    193 ? Attendez, il a le 194. Donc, c'est forcément quelqu'un qui est -

    '' Ah enfin ! T'as vu, t'as vu ? Je l'ai eut celui là ! ''

    A côté de lui. Fantastique. Jamais sa théorie de la montagne n'aura été aussi pertinente.

    '' C'est...Bien ? ''

    Détachant finalement son regard de la vente aux enchères pour suivre la demoiselle, il put de nouveau en découvrir les formes. Oui, non, elle est définitivement mieux, sous tous les aspects possibles et imaginables. Toujours aussi heureuse de sa piètre acquisition, elle revint vers sa place, le bulletin à la main. Oui, ça fait sens, les sommes ici sont souvent astronomiques, d'une indécence à ne pas choquer que les plus riches. Admettons le, certaines sommes étaient si prohibitives qu'elles arrachaient un hoquet à Warren. Sans non plus être un habitué de ce type de ventes, il faut bien s'en manger, c'est pour le travail ; vraiment le ratio le plus rentable entre plaisir personnel et travail. Ne pas croire qu'il est égoïste sur ce point, c'est bel et bien plus pour les Célantia qu'il se mange ces interminables sessions, dont la longueur et la lenteur semblent déchirer les mentions même d'espace et de temps.

    '' Alors que voiciiiii notre quatrième article ! Il s'agit d'un trio d’œuvre de l'ancien artiste Ukiyo no Hansha ! Prix de départ à... ''

    '' Non...C'est pas normal. ''

    Crispé sur sa chaise, l'Archonte n'en revenait pas. Ses mains étaient si enfoncées dans les bras des chaises, comme un rapace sur le poids de soulever la proie sur laquelle il venait de fondre, le bout de ses doigts en blanchit. Ces nuits blanches, ces heures passées avec Luz, ces bouquins feuilletés, documents et images analysées...Tout ça rassemblés lui permettait d'affirmer une chose, avec une exactitude qui ne frôle pas la perfection ; c'est la perfection. Ces trois trucs, là. Deux statuettes, une peinture. Il pourrait y mettre sa main à couper. Non, sa tête. Non, sa tête et celle de tous les autres Archontes d'Aryon : ce n'est pas fait de la main de l'artiste susnommé. Et pourtant, bande de pourceaux incultes, tout le monde se les arrache, ça crie et hurle de partout. Désolé, ma belle. Il est bien trop sous le choc pour penser à toi, là tout de suite. Tient le coup...

    '' Un problème...Warren ? ''. Il aurait pu jurer avoir réussit à entendre ses lèvres se morpher en un sourire satisfait. Bien sur. Quoi de mieux pour se cacher de ses ennemis que de les approcher au plus près ? '' Évidemment. La séduction crasse et basse. Comment ais-je pu tomber là dedans ? Moi qui te prenait juste pour une grosse lourde, visiblement j'ai pas visé si loin à côté. ''

    '' Ahah, oh ça non. Tu me fais vraiment un effet des plus agréables, là, en bas. Ce que tu cherches n'est plus ici, beau gosse. Cela fait bien des lunes que ces œuvres ont été dérobées par mes sous fifres. Pour le compte de Wolfram. ''

    Wol-Wolfram ? Merde. Ce nom, si longtemps oublié, si longtemps occulté...Le cher frère de son mentor, de son nouveau père, de Stentor. Le traître. Le fourbe. Le lâche. Toujours il eut ce brin de soupçon, comme quoi il était celui à avoir commit l'irréparable, le fratricide. Une pointe d'espoir, à se dire que tout ça aurait pu être le fruit de son imagination, osons aller jusqu'à un de ses fantasmes, de mettre un visage sur cette lourde perte qui l'eut tant affecté, qui comme beaucoup d'autres, n'ont et ne seront jamais réalisé ; et s'il était innocent, blanc comme neige ? Cette révélation n'était pas du tout à son goût, sa langue collait à son palais, il pouvait y sentir l'amertume de la haine, du regret et cette sensation désagréable d'avoir été floué de A à Z.

    '' Et...Pourquoi me dire tout ça ? C'est pas complètement con et cliché de votre part à vous, les salauds, de lâcher votre plan comme ça au beau héros qui finira par tous vous faire tomber ? ''

    '' Oh, pour plusieurs raisons. Déjà car...Il le savait sans doutes. Que j'ai un faible pour les beaux blonds. Ô, qu'on aurait pu être heureux ! Tu aurais rejoins de frère de Stentor, et tout se serait bien passé ! Je devais juste m'assurer que vous tomberez dans le panneau. Avoir les informations qu'il faut, pour Wolfram. Je suis maintenant sûre que tu as la dernière pièce, dérobée à Sokim. Pourquoi être là, sinon ? Bien, il ne me reste plus qu'à y aller. ''

    '' Et puis quoi encore ? T- ''

    '' Tu me feras rien, Warren. Tu l'aimes. Enfin, au moins tiens tu assez à elle pour ne pas laisser Fabrice finir le travail. Elle en met du temps à revenir, non ? La pauvre, aveugle, sourde, elle n'a rien vu venir. ''

    '' ...C'est mon truc, ce genre de phrase. ''

    '' J'imagine. Joue pas au détaché. Tu n'as que deux choix. Poursuis moi, et tu obtiendras peut-être ce que tu veux. Grave toi bien cependant que tu peux aussi supposément la perdre. J'ai hâte de voir sur quoi tu vas parier. Je lui rendrait la vue un coup que je serais en sécurité. '' Elle se leva, et commença à partir, mélangée au chahut des corps et des hurlements de la salle, voulant s'arracher ces artefacts sans en connaître la dérisoire valeur, cette cacophonie ayant couvert depuis le début les échos de leur conversation. '' J'ai beau être de l'autre côté. J'ai aussi de l'honneur. Sur ce. ''

    Le temps ralenti, les sens exacerbés ; il pourrait vous énoncer la marque de l'eau de Cologne utilisé par cet homme, trois rangées plus en avant. Le nombre de pancartes d'enchères se levant à la seconde. Encore en train d'encaisser le coup, essayant de bien comprendre ce qu'elle voulait dire par rendre la vue, les scénarios s'étalaient devant lui. La laisser partir, c'était perdre des semaines d'enquête, de recherches, risque d'être rabaissé encore une fois par la vieille Jefferson, qui adore lui casser du sucre sur le dos, si l'expression n'était pas une métaphore, il en porterait les stigmates rectangulaires comme d'autant de cicatrices de leurs prises de bec. Il avait néanmoins une information capitale ; le retour de Wolfram...N'indique rien de bon. Finalement, d'un autre côté, laisser Luz...Le moindre mal. Elle est grande. Elle saura s'en sortir sans soucis, ce qui n'est pas toujours son cas malheureusement. Il s'est fait avoir comme un bleu, avait encore tout prit à la légère. Dans le fond, il était démuni face à un tel adversaire. Il ne pouvait rien laisser s'échapper, tout indice, toute information. Non, son choix était fait.

    Désolé. Encore faudra-t-il réussir à lui pardonner. Comment ? On ne sait encore. C'est la seule chose à faire. Dans le fond...Qu'est ce qui compte vraiment?




    '' MARREIIIIIIIIIIIIIIIIIII ! ''

    Sa nuque était ruisselante. Après avoir empruntés les couloirs communicants qui avalèrent Luz tantôt, n'ayant trouvé aucun signe si ce n'est un balcon aux allures calmes, il venait de ressortir par la porte d'entrée, non sans être repassé en trombe devant une foule de nobliaux bien disciplinés ayant repris leur calme originel,  maintenant quelque part entre la cinquième et la sixième enchère, perdant son masque au passage dans la foule. Bravo à celui qui était encore heureux, des minutes après, d'avoir acquit un dessin d'enfant et deux statues d'apprenti. Pourquoi utiliser le prénom Marrei ? Lui était complètement cramé, potentiellement depuis le début, expédition vouée à l'échec dont il portera seul le blâme sur ses larges épaules. Aucune réponse, merde. Elle devait pas être bien loin. C'est le nez creux qu'il fit le tour du bâtiment, et qu'il la remarqua, par terre en plein milieu d'herbes aussi mortes que leur mission. Immense soupir de soulagement, alors qu'il s'approcha lentement d'elle, l'appelant doucement par son prénom. Personne à la ronde. Permettons nous.

    '' Luz... ''

    Oh qu'inconsciemment, il était ravi de savoir qu'elle pouvait de nouveau l'entendre l'appeler, et lui de la voir réagir comme à chaque fois qu'il l'interpelle. Non, pas comme à chaque fois...Elle peina à se relever. Premier reflexe purement...Humain ? Non, animal, guidé purement par son cerveau reptilien, aucune logique en ce geste qui constitua à se rapprocher de plus en plus vite d'elle, de peur qu'à tout moment, elle disparaisse et vacille, pour la prendre dans ses bras, la serrer si fort contre lui. J'ai eu peur. Voilà les mots qu'il réprimait si vivement, qu'il voulait lui susurrer à l'oreille. Rien de tout cela. Il n'avait aucune idée de ce qu'il lui était arrivée, mais sa mine quand il la serra ne mentait pas. Finissant son étreinte, sa dextre glissa sur le flanc de sa belle, non sans rencontrer une chaleur humide inhabituelle. Du sang. Dorénavant qu'on en parle, il arriverait presque à en sentir l'odeur. Glissant ses doigts sur le flanc de la rousse, il découvrit la déchirure dans la robe, apposa sans hésitation sa main là où il pensait que la blessure se tiendrait, il n'en fut rien. Ah, quelle redoutable praticienne, toujours équipée. Le même tour que pour lui, chez Sokim. D'un geste assuré, il retira sa veste pour la poser sur les fraîches épaules de la noble.

    '' Tient, garde moi ça, tu veux ? C'est un de mes plus beaux, l'abîme pas et Ô que Lucy te garde si tu le tâche de ton sang. '' Son fin sourire fit se plisser de quelques centimètres ses yeux dénudés de toutes lunettes. '' Rentrons à l'hôtel. Je t'expliquerais. Au fait, Fabrice...? ''
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Appâter le squale
    Lun 4 Oct 2021 - 20:41 #


    Par le panthéon tout entier, qu’elle était fatiguée ! Le souffle régulier, cependant, et cette simple constatation lui redonna du baume au cœur, la nuque appuyée contre l’écorce même de l’arbre. Heh, c’était bon signe ça en termes médicaux ? Les paupières closes, luttant contre une somnolence qui aurait été non moins que mortelle, Luz sentit une subtile différence dans les ombres qui agrémentaient ses prunelles. Elle rouvrit brusquement les yeux, découvrit l’étendue d’un champ d’étoiles, la rumeur d’une poignée de nuages effilés et les silhouettes affaissées des plantes voisines. Si sa respiration s’emballa, elle regretta derechef cette brève montée d’adrénaline lorsque son corps protesta d’un vif éclat courbaturé. Son premier réflexe fut de sonder l’endroit à la recherche de son agresseur, ne découvrant non loin de là que les vestiges de leur combat : un poisson pterois fendu regardait benoitement le ciel, accompagné d’un bouton de col masculin dont les fils étaient tâchés de sang. De l’herbe écrasée dans tous les sens, ce qui serait a priori le dernier souci du jardinier lorsqu’il découvrirait l’état de son bijou végétal au lendemain…

    Ainsi donc Fabrice avait déguerpi.

    Pour retrouver sa douce empoisonnée ? L’aider à s’en prendre à Warren ? Elle serra les dents, retint un grondement de douleur mêlé de colère, une main plaquée sur son flanc. Pas lui. A quel point avait-elle failli, s’ils s’en prenaient à lui ? Quel autre but donnait-elle à sa survie, si elle permettait à leurs ennemis d’abattre son précieux squale ? Elle ramassa ses jambes sous elle, grimaçant de plus belle en découvrant ses pieds nus maculés de terre. Non, elle l’avait laissé dans un trop mauvais état. Elle put le dire en découvrant la constellation d’hémoglobine que son fuyard avait abandonné derrière lui, tachetant les pavés plus loin à la manière d’une lugubre pluie. Et pourtant… Une telle preuve rationnelle n’avait pas de pouvoir face à l’angoisse qui prenait racine en elle. Et si…

    Elle se figea lorsqu’elle reconnut sa voix. Oh, maudite renarde, une volte-face instinctive, ses prunelles fouillant à nouveau l’obscurité qu’elle savourait désormais avec un enthousiasme renouvelé. Déjà son corps se levait – sans lui avoir demandé la permission nota-t-elle, furieusement fâchée contre sa chair pétrie d’une douleur à présent fantomatique, la vague et étonnante impression de s’être coltinée une sacrée roulade en compagnie d’un fenrir.

    « Warren ? »

    Elle n’eut le temps que de vaciller sur deux mètres que deux bras l’engloutirent. Elle sentit sa chaleur infuser sa peau, assoiffée soudain de son omniprésence, enfouissant son visage dans son épaule, savourant cet élan saisissant qu’elle lisait encore dans la tension éperdue de son étreinte. Disparaitre, peut-être, un instant, oublier, ne plus vivre, juste lui… Entier. Indemne. Si brusque toujours, et pourtant mâtiné d’une tendresse pure dont elle ne pensait jamais pouvoir se lasser.

    « Je n’ai rien, le rassura-t-elle lorsqu’elle perçut l’attention aiguisée de son regard sur sa robe. »

    Elle regretta le fin filet de voix qui lui servit à communiquer, décela les signes évidents d’un autre mal qu’elle connaissait très bien.

    « Enfin… Juste une anémie. »

    Il recouvrit ses épaules de son manteau et lui arracha un léger rire. S’il faut cela pour te faire rester voulut-elle lui dire, envisageant une infime seconde la possibilité d’aller de ce pas tremper d’hémoglobine ce maudit manteau. Elle en referma à la place les pans sur sa silhouette épuisée, pas le temps de le remercier, une anxiété soudaine pour unique maitresse :

    « Et Ribec ? Que s’est-il passé ? Pourquoi es-tu sorti de l’hôtel ? Et la collection ? »

    Elle se tut, un moment infime de silence, spécialiste du péché par curiosité et des trop nombreuses questions posées. Il avait néanmoins avancé le premier ses pions, et l’on ne refusait pas la priorité au gérant d’un empire commerçant :

    « Fabrice s’est de toute évidence enfui… Je crois l’avoir bien amoché. J’aurais pu faire davantage s’ils n’avaient pas fait appel à leur magie. »

    Elle soupira, tandis qu’ils se mettaient en route, retrouvant dans ses affaires ramassées un biscuit bienvenu pour son énergie drainée. Remerciant la présence d’esprit de Warren pour ce confortable manteau qui la soustrayait aux regards insidieux des quelques badauds à cette heure. Il aurait été d’un mauvais goût particulier de devoir expliquer à de bons samaritains pourquoi sa robe était semblable à celle d’une effroyable victime, avec pour unique compagnie un homme aux larges épaules et à la mine patibulaire. Et irrité. Pourquoi ces contournements… ? Elle était faible, sans doute, de ne pouvoir songer qu’à cela pendant qu’il lui racontait ses propres péripéties, un souffle de temps accaparée par sa présence physique, leurs mains enroulées, encore sous le coup de cette sublime magie qui les avait réunis l’un contre l’autre pour ne plus se lâcher, et cependant son squale s’ébrouait d’un conflit intérieur qu’elle ne pouvait comprendre. C’était elle, ou toi, avait-il dit. Un empire de significations, premières, secondaires et tertiaires, un mille feuilles de sous-couches tout en couleurs, en amertumes, en espoirs et en torture contenue. Son discours était également perclus de silences. Des non-dits qu’elle comprenait en filigranes de ce qu’il voulait bien lui confier, trop malin pour ne pas brosser un portrait suffisamment honnête de la situation et trop secret pour ne pas chercher au contraire à soustraire les informations qui lui étaient personnelles. Leur galinette s’était enfuie. A cause d’elle, traduisit-elle dans l’abattement certain qui la tenaillait. Et cependant, des porte-à-faux demeuraient – il louvoyait très clairement autour de certaines de ses questions. Pas de trace de leur collection, un retour sur le continent à prévoir dès le lendemain, oui, il se renseignerait, non, il ne fallait pas qu’elle s’inquiète, il avait ses contacts auprès de l’Ordre, de quoi relancer l’enquête. Retrouver leur Ribec-Galinette en fuite ? Peut-être. Fabrice avec. Elle l’espérait, Ô combien ses poings la démangeaient d’expliquer quelques contre-arguments bien sentis à cet amoureux désespéré. Cela, si possible, sans voir l’ironie criante de cet appel à la vengeance.

    La nuit chassa momentanément ses incertitudes. Enroulée sous les draps, assoupie, épuisée contre lui, redoutable présence se refusant au sommeil, acceptant pour autant la féline endormie qui s’était lovée entre ses bras. Elle le comprit dans les traits marqués de son visage au lendemain, lui qui l’avait si férocement veillée, et cette prise de conscience fut plus traitre encore lorsqu’il se ferma d’une décision intérieure inattendue. Et ce fut tout. Pas une main tendue vers elle au matin, pas un bras passé autour de son épaule, pas un regard échangé non plus. Un espace infranchissable qu’il maintint sur le trajet jusqu’au bateau, son mur de haute sécurité à nouveau élevé comme l’on tracerait à la craie la délimitation d’un terrain personnel au sein duquel elle n’était pas conviée. Et toutefois pas suffisamment glacé, pas suffisamment froid pour assassiner ses émotions, enterrer dans l’œuf ses convictions que quelque chose devait bien être réciproque, là quelque part derrière cette façade. Le reflet de ses lunettes pour simple miroir, masqué derechef par le masque derrière lequel il était le plus à l’aise : celui de Monsieur Richter, l’homme des rues, le carnassier, le charismatique commerçant intouchable. Celui qui ne se berçait pas d’illusions, celui qui ne remettait pas l’une de ses mèches flammes esseulées derrière une oreille, avec ce geste de faux agacement tout en tendresse.

    La traversée fut courte, étrangère, enrouée de ce grain de sable qui s’était subtilement glissé entre eux, un flocon de givre dans l’immensité des abysses. Ni loin, ni près, un jeu délicat sur le fil en haute altitude sur lequel ils s’étaient tous les deux réfugiés. Quel invisible virage avait-elle pris, qu’il faille rebrousser chemin, lâcher sa main dont elle avait à peine perçu la chaleur ? Une interrogation qui demeura sous la lisière fatiguée de ses prunelles longtemps après le départ du bateau qui les enlevait définitivement à cette idylle des archipels. Et les flots lui rendirent pour seule réponse la sibylline noirceur glacée de leurs courants agités.

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    Re: Appâter le squale
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