Ashley se pinça l’arête du nez, avant de remettre la plume dans son encrier, puis, il releva la tête tandis que ses orbes céruléens se durcirent devant l’homme qui s’inclina face à lui. Le noble avait su instaurer sa suprématie à travers les années depuis qu’il avait repris la tête de la maison O’Callaigh, et cet homme avait beau écraser son visage sur le sol pour se faire pardonner, il ne pouvait simplement pas affronter la colère qui luisait dans le regard du mécène.
« Nous… Nous avons perdu la marchandise. »
Un long soupir transcenda la pièce, alors que le jeune noble s’adossa à son fauteuil, les bras se croisant sur son poitrail. D’un geste de la main, il fit signe au marchand de prendre congé, il n’avait même pas la force de s’énerver. Une cargaison de quelques tableaux était en route depuis Grand Port, et était censée arriver dès le lendemain. Il devrait sûrement repousser les commandes qui étaient prévues dans sa boutique jusqu’à ce qu’ils retrouvent les tableaux égarés. Ashley se fit la réflexion qu’il fallait être un sacré incapable pour réussir à se faire voler des œuvres en plein jour, mais le résultat restait le même à présent et il ne pourrait honorer les commandes en temps et en heure. Une tasse fumante se posa devant lui, ce qui lui fit relever les yeux vers son fidèle majordome.
« Veuillez prévenir la boutique que trois tableaux ont disparu. »
Oscar s’inclina respectueusement aux côtés du noble afin de lui montrer qu’il accédait à sa requête, mais avant qu’il ne sorte du bureau, il déposa une lettre.
« Vous avez un rendez-vous aujourd’hui avec sire Soven. »
Les mains croisées au-dessus de la table, il dut déposer son crâne dessus pour ne pas se laisser dépasser par les événements. Ce rendez-vous ne pouvait pas plus mal tomber après la nouvelle des pertes. L’un des tableaux était prévu pour le gérant de l’Insomnie, il devrait sûrement trouver une solution pour ne pas perdre encore un client. C’était le moment où il se rendit compte que les négociations allaient se montrer particulièrement difficiles s’il ne se montrait pas compréhensif. Le mécène finit par répondre d’un hochement du crâne.
« Bien, vous pourrez l’escorter jusqu’ici lorsqu’il arrivera. »
Ashley se leva de son bureau pour aller admirer le jardin de sa demeure à travers la fenêtre. Il s’était fait pensif pour essayer de trouver une solution à son problème et des pertes d’argent que ça allait engendrer. Certaines toiles étaient devenues bien difficiles à trouver, et la maigre compensation qu’il pouvait proposer était une œuvre qui serait faite selon ses désirs une fois la requête faite à l’un de ses artistes. Il fut tiré de ses pensées lorsque quelques coups furent tapés à sa porte.
« Je vous en prie, faites entrer notre invité. »
Lorsque l’homme se présenta à lui, le noble l’invita à s’asseoir en lui présentant le fauteuil de sa main. La vente devait se finaliser à l’issue de cette rencontre, c’est ce qui le poussa à être encore plus contrarié. Mais il le dissimula derrière un sourire avenant.
« Je suis ravi de vous voir, commença-t-il calmement. Seulement, nous avons rencontré quelques problèmes concernant la commande qui avait été faite. »
Ashley commença à lui expliquer les pertes qu’ils avaient eues sans rentrer dans les détails, il n’était pas obligé de connaître le fond de l’histoire pour savoir qu’il repartirait de cet entretien sans le tableau. Le noble déposa son menton sur les doigts qu’il venait de croiser au-dessus du bureau. Il ne connaissait que trop bien la frustration de ne pas recevoir ce que l’on attendait.
« Je tiens à m’excuser personnellement de cet incident. Et tant que nous n’avons pas retrouvé le coupable de ce vol, je ne peux que vous proposer une nouvelle œuvre. Bien évidemment, ce ne sera pas sans compensation de notre part. »
Il n’avait pas d’autre option à lui proposer, le choix lui revenait totalement sur la marche à suivre, Ashley ne pourrait pas en vouloir au gérant de refuser son offre. Après tout, la faute revenait à la boutique de n’avoir pu tenir ses engagements. Mais il espéra tout de même qu’il se montre clément et que son commerce ne souffre pas de cet échec.