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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    Red et Bridget se transforment en instructeurs de la Garde de la Forteresse pour une journée, en compagnie d'une véritable instructrice...

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    Rattraper le temps perdu - Ft Luz Weiss
    Adam De ObeliaFloffy Ball
    Adam De Obelia
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    Rattraper le temps perdu - Ft Luz Weiss
    Dim 5 Sep 2021 - 12:37 #
    Il y avait ce rituel, tous les matins lorsque le soleil peinait à se lever entre les nuages, nous prenions les pelles pour dégager le chemin devant la boutique. Presque toutes les nuits, nous avions le droit à un épais rideau de neige qui couvrait le ciel de la Forteresse. Les pavés de pierre étaient recouverts d’une fine couche de verglas, et c’est ce qui nous prenait infiniment plus de temps. Certains jours où le gel était plus intense, il nous arrivait d’y passer plusieurs heures avant d’enfin pouvoir ouvrir boutique.

    Heureusement, ce jour était vraisemblablement plus clément, nous offrant dès le matin des rayons apaisants. La glace ne resterait pas comme un parasite pour lequel nous devrons y faire attention tout le reste de la journée. En l’absence d’un passage régulier, il n’était pas rare que le gel reforme la couche de verglas, et nombreux étaient ceux qui étaient venus se casser les dents sur notre porte. Je ne pus retenir un faible bâillement alors que je terminai de retirer le dernier tas de neige qui m’empêchait d’ouvrir la porte. Le passage était étroit entre deux remparts de glace, mais au moins l’accès restait possible, dans tous les cas, la chaleur qui se dégagerait des fours aura fait fondre une partie de la neige qui entourait notre établissement.

    L’activité intensive même si tôt m’avait fait perdre la sensation de froid, et seules mes joues empourprées étaient encore atteintes par la sensation mordante du gel. Il était évident que c’était bien plus éreintant et physique que de tenir une flûte à champagne dans un banquet, mais certainement plus satisfaisant que de se cacher derrière un sourire d’hypocrisie. D’un revers de la main, je repoussai les quelques mèches humides de mon front, nous avions enfin terminé – peut-être même un peu en avance – et un chemin dégagé nous accueillait. Un vaste silence répondit à mon soupir de soulagement, tous les artisans n’étaient pas aussi matinaux que ce que nous pouvions l’être, mais nos fours mettaient du temps à se mettre en route, surtout quand la neige avait réussi à s’infiltrer et que le bois était humide.

    Je finis par rentrer dans le petit établissement, accueilli par un décor sombre et froid, précédé par ce vieux Ivan. Il n’était généralement pas le plus grand bavard du pays, au final, je n’étais pas si mal tombé à ses côtés, nous avions pris l’habitude de travailler dans un silence reposant. Il m’attrapa le bras avant que je ne puisse aller plus loin.

    « N’oublie pas gamin, aujourd’hui, on a la livraison de cuir, faudra que t’ailles me la chercher. »

    Dire que je n’avais pas oublié serait mentir, mais je me contentai de hocher la tête. Ce ne serait pas très long, le tanneur de la ville n’était qu’à quelques rues de notre établissement, le plus inquiétant serait de savoir si j’allais être surpris par la neige. Elle abîmait le cuir plus vite que l’eau et certains morceaux risquaient d’être inutilisables. Son regard m’incita à y aller dès maintenant. Je ne peux m’empêcher de lever les yeux au ciel, il aurait très bien pu me dire qu’il voulait que j’y aille à l'instanté. J’attrapai la cape que je venais de déposer sur le comptoir pour faire demi-tour. Sur le chemin, je laissai échapper un profond soupir par le nez, me perdant à travers les ruelles de la ville. Comme à son habitude, il avait tout empaqueté avec soin dans un tissu hermétique. Ivan savait bien s’entourer ce vieux renard, le paquet récupéré, je n’avais plus qu’à retourner à la boutique.

    Quelque chose m’interloqua alors que je revenais de ma courte escapade. Seul, un des deux fours était en route, j’ouvris la porte un peu précipitamment. Est-ce que quelque chose était arrivé au maître des lieux ?

    Je manquai de lâcher mon paquet. Une invitée, si tôt. Il y avait beaucoup de choses que j’avais su oublier durant ces longues années. J’avais l’impression de vivre une chute vertigineuse depuis que j’avais ouvert cette fichue porte. Mes lèvres restèrent closes, et je restai planté comme un bel imbécile dans l’entrée. Je ne sortis de ma torpeur que lorsqu’Ivan rouspéta.

    « Adam, ferme cette foutue porte, tu fais rentrer le froid ! »

    Un léger sursaut plus tard, la porte était fermée, mais mon regard s’était laissé absorber par la longue chevelure flamboyante de cette femme, et je n’eus aucun doute sur son identité. Une véritable tempête de braises d’aussi loin que je pouvais m’en rappeler. Je n’ai jamais détesté la jeune Weiss, tout comme je n’avais su rester à l’aise en sa présence. Et aussi inexplicable que ça pouvait l’être, je me demandai ce qu’elle pouvait bien faire ici, alors que cela faisait cinq longues années que j’avais tout bonnement abandonné ma vie faite d’or, et justement ne plus avoir à faire aux titres pompeux qui me fatiguaient.

    « Tu vas quand même saluer ton invitée. »

    Je me finis par me tendre, droit comme un i, bafouillant vaguement quelques mots incompréhensibles. J’avais bien cru comprendre que père souhaitait que je revienne, sûrement pour mieux m’humilier une fois que j’aurais fait mon grand retour. Mais je ne m’attendais pas à ce qu’il fasse venir quelqu’un, et encore moins Luz. Il n’y avait sûrement pas d’autres raisons pour lesquelles elle était ici. Du moins, je n’en voyais pas d’autres. Plus j’essayais de parler, plus j’avais l’air d’un idiot, alors que ma langue s’emmêlait de formules stupides. Je n’avais de toute façon jamais été très doué pour m’exprimer.

    « Qu’est-ce que tu fais ici ? »

    Sec et cassant, c’était totalement involontaire. Je me tassai sur moi-même alors qu’Ivan me faisait les gros yeux. Lorsque je ne baragouinais pas de pitoyables excuses, j’arrivais tout de même à m’exprimer totalement à l’encontre de ce que j’étais. Ce n’était pas étonnant que les rumeurs couraient sur moi dès mon plus jeune âge, on me faisait passer pour un lunatique alors que ce n’était qu’un rempart maladroit pour dissimuler ma timidité. Je me passai une main fatiguée sur le visage, j’en avais déjà marre de trop réfléchir, et j’accueillais une vieille amie comme si elle était un intrus.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
    Informations
    Re: Rattraper le temps perdu - Ft Luz Weiss
    Dim 12 Sep 2021 - 13:17 #


    Le froid était mordant. Des cristaux et micro perles de neige s’étaient formés sur la pointe de ses cheveux, conséquence inévitable de ses échanges matinaux avec les enfants de Tarama, l’aubergiste qui l’accueillait gracieusement pour trois nuits. Elle avait passé sa main dans ses mèches folles, cherchant à secouer la glace sournoise pour en chasser les embruns, agacée par cette touche d’humidité susceptible de toucher la peau chaude de sa nuque à tout moment. Finalement résignée, elle avait enfilé un bonnet en laine chaude, ses gants du solstice et ses vêtements en tissu anti-climat, ses jambes chaudement engoncées dans des bottes doublées en fourrure. Le terrible froid du grand matin ne durerait pas, car la Forteresse avait tendance à s’embellir et à s’adoucir sous la lumière caressante du soleil. Cela embrasait alors une nuée étincelante de particules de couleur sur ses toits, un écrin blanc recouvrant toute chose alentour à la manière d’une couche de porcelaine fragile. L’étape suivante se révélait moins appétissante et les rues se transformaient progressivement en bains de boue partiels qu’il fallait adroitement esquiver en pleine journée… Pour l’heure et outre les commerçants matinaux, l’immense bastion dormait encore d’un paisible sommeil et une poignée de rayons perçaient à peine entre les tuiles. Elle frotta ses mains gantées l’une contre l’autre plus par réflexe que par réelle nécessité, percevant sur ses lèvres le nuage cristallisé de son souffle dans l’air mordant. La neige crissa délicieusement sous ses bottes lorsqu’elle s’engagea dans la ruelle parallèle à son auberge, tâchant de ramasser ses souvenirs des lieux tandis qu’elle se dirigeait dans l’épais labyrinthe des quartiers marchands.

    Elle avait plusieurs fois écumé les routes de Forteresse, et plus encore de la Montagne en général. Sa fuite éperdue quelques années auparavant l’avait inévitablement conduite à voyager dans ces contrées, en quête perpétuelle de découvertes et de savoirs à appréhender. La faune et la flore des environs étaient particulièrement fascinantes puisque adaptées à des conditions de vie extrême… Elle se rappelait à présent de cette période de sa vie avec une nostalgie teintée de tendresse. Elle n’avait plus depuis lors vécu une telle sensation de liberté, oubliée du monde comme de la société. Oh, elle était bien revenue par la suite à Forteresse, pour le travail cette fois-ci. Il n’était pas rare qu’elle dépanne certains de ses collègues éloignés, n’hésitant guère à se déplacer grâce à la fantastique magie des portails de téléportation ! Comment diable faisaient les gens pour traverser à pied l’étendue du pays ? Quel meilleur confort d’existence que de se retrouver en un claquement de doigt du Grand Port à Forteresse ?

    Elle déplia entre ses doigts le morceau de papier froissé qu’elle conservait sur elle depuis six jours. Une annotation rudement arrachée à qui de droit, le dernier et le plus essentiel indice à sa portée. Le nom d’une rue griffonnée à la va-vite, probablement avec une pointe d’irritation contenue, lorsqu’elle avait interrogé plusieurs jours durant un client de la forge souhaitée. Était-elle un peu folle ? Assurément. Elle ne voyait pas d’autres explications à ce soudain voyage, cette obsession contenue qu’elle ne parvenait pas à éliminer. Mais à partir sur le terrain sans équipement de pointe, on en venait à mourir dans d’effroyables circonstances… Luz mettait donc un point d’honneur à choisir avec soin les artisans en charge de ses affaires. Et son choix s’était porté sur Adam De Obelia. Un nom si ce n’était familier, du moins pas inconnu. Un jeune noble qu’elle avait moult fois croisé dans cet autre temps où sa vie se composait encore de dîners mondains et des sourires qu’il fallait offrir aux amis de son grand-père. Bavarde et sociable comme elle l’était, il ne lui avait pas fallu plus de quelques minutes pour bondir sur ce jeune garçon timide et l’entrainer dans elle ne savait plus quelle aventure imaginaire, contre-soirée parallèle au dîner des adultes.

    Toujours était-il qu’ils avaient tous deux grandi, et que le jeune Adam s’était dirigé vers un choix de carrière fort à propos… Armurier, avait-elle entendu dire. Les rumeurs allaient bon train à son sujet, notamment à cause de ses relations particulières avec ses parents, peu ravis de voir leur fils arraché à un destin prometteur pour une carrière « d’ouvrier ». Luz en aurait ri, si l’histoire n’avait pas comporté son lot de tristes engueulades. Une incompréhension mutuelle somme toute, une famille aux liens détruits du fait d’ambitions imposées… Elle soupira. La génération de nobles précédent la leur devait être incroyablement déçue de ce que devenaient leurs enfants ! Et mue par l’un de ses instincts sans faille, trop invraisemblablement illogique et passionnée, Luz s’était jetée sur les grands chemins afin de poursuivre Adam dans sa fuite… Avec un objectif fermement enraciné dans sa conscience. Il lui composerait une formidable armure. Et il ignorait encore quelle renarde incroyablement têtue elle faisait lorsqu’elle décidait de planter ses crocs dans un autre être humain !

    « Bonjour ! salua-t-elle à la cantonade en entrant dans l’atelier rougeoyant, un sourire d’ores et déjà parqué à la lisière de ses lèvres. »

    Ce que les forges étaient agréables à vivre par ce temps ! Le travail commençait incroyablement tôt pour eux et la chaleur dégagée par leurs différents ustensiles formait un écrin de paradis au milieu de la neige glacée. Elle sentit les sensations revenir dans ses joues rougies par le froid, et prit garde à tapoter les semelles de ses bottes à l’entrée pour ne pas répandre partout alentour une eau boueuse malvenue.

    « Je m’excuse de cette venue impromptue, Adam travaille-t-il ici ? »

    A l’étrange regard que lui retourna le propriétaire des lieux, Luz sentit qu’il se méprenait sur les raisons de sa venue. Ignorant tout de son tempérament et de la meilleure manière d’obtenir ce qu’elle souhaitait – la possibilité de parler au dénommé Adam-, la praticienne se garda bien de le contredire, soucieuse de ne pas se faire conduire hors de l’atelier : grand bien lui en prit puisqu’elle obtint la permission d’attendre ici sa cible !

    Il n’avait pas changé -ce fut sa première pensée. Une moue de lapillon décontenancé prit dans les rais de lumière d’une torche, un petit quelque chose d’apeuré, voire de totalement fermé. Son visage s’était en effet clos sitôt qu’il l’avait vue et Luz aurait presque pu entendre le tintement métallique d’une porte verrouillée chez son vis-à-vis. De toute évidence, il n’était pas spécialement ravi de la revoir après toutes ces années… Elle haussa mentalement les épaules et éloigna la conviction qu’elle était indésirable de ses pensées premières. Oh, elle ne se méprenait pas, c’était sans doute le cas ! Ce n’était toutefois pas son problème en cela qu’elle n’était nullement venue au prétexte de le ramener chez lui, mais bien pour lui passer une importante commande. Et si Adam n’était pas friand d’elle, cela n’entacherait probablement aucunement la qualité de son travail. Avait-il déjà été prolixe et fantasque ? Elle en doutait fort. N’en retrouvait pas le souvenir. Elle ressentit une pointe de culpabilité, par trop consciente de l’avoir souvent entrainé dans ses propres jeux contre son avis dans leur enfance. Elle manquait de tact et de sensibilité à l’égard des personnes timides, envahissant les autres tel du lierre rampant. Elle n’avait d’ailleurs pas évolué dans ce domaine, échouant à comprendre ces fragilités spécifiques chez ses interlocuteurs. Et quand elle se retrouvait prise de cours par une apparente hostilité, d’incommensurables bêtises lui venaient naturellement aux lèvres…

    « Je suis venue te proposer de participer à l’existence de mon dernier bébé, lui répondit-elle dans un silence aussi lourd qu’une chape de plomb, le visage imperturbable et l’air d’annoncer une effroyable grossesse. »

    Et puis, l’ambivalence de cette annonce se fraya un passage dans son cerveau et atteignit enfin son intellect.

    « Ah… Non, attends, ce n’est pas… »

    Son regard glissa vers Ivan à la recherche d’une ancre de soutien ou une vague lueur avisée, ne trouvant là qu’une absolue incompréhension. Bon. Un changement de tactique peut-être ?

    « J’ai entendu dire que tu avais débuté une carrière d’armurier à Forteresse, expliqua-t-elle, et l’occasion d’effectuer le voyage s’est présentée… Cela fait longtemps. Et je suis ravie de te revoir Adam ! »

    Elle avait accompagné cette honnête affirmation d’un franc sourire, espérant s’extraire de cette drôle de situation par une pirouette verbale. Accepterait-il si elle lui demandait de but en blanc de l’accompagner boire un verre ce soir après son travail ? Vu l’ambiance et son accueil, rien ne permettait de l’assurer… Elle allait devoir ruser. Tenter d’apprivoiser l’animal. Fermement plantée dans l’atelier, donc, elle s’ébroua et opta pour l’approche professionnelle, unique atout qui contraindrait Adam à ne pas la jeter dehors :

    « J’aimerais passer commande auprès de votre forge, et te demander une réalisation pointue, Adam. Accepteriez-vous de me proposer un devis ? s’enquit-elle en incluant cette fois Ivan dans son propos, ignorant le lien hiérarchique qui liait les deux hommes. »

    Adam De ObeliaFloffy Ball
    Adam De Obelia
    Informations
    Re: Rattraper le temps perdu - Ft Luz Weiss
    Dim 12 Sep 2021 - 22:22 #
    L’espiègle fillette que j’avais connue dans mon enfance était pour le moins devenue une jeune femme dont l’apparence élégante ne trompait pas, c’était une belle femme. Je pouvais le dire sans me tromper malgré mes préférences. J’étais bien tenté de l’observer tel un animal qui jaugeait sa proie, prêt à délier les véritables intentions de cette flamme impétueuse. Je contournai l’établi pour venir lui faire face, réfléchissant à quelques piètres mots d’excuse que j’espérais lui sortir. Je m’étais montré dur avec elle, alors que ses intentions n’étaient probablement aussi noires que ce que je pouvais l’imaginer. Lorsqu’elle lâcha l’énorme bombe, j’ai cru sentir mon cœur lâcher au fond de ma poitrine. Porté à confusion le sens de sa phrase, j’allais émettre quelques vives objections. Si tel était son but que de concevoir sa future progéniture, elle s’était plantée de porte.

    Je posai presque trop violemment notre commande sur le comptoir, non pas dans l’idée de l’intimider, mais bien parce que le choc de sa réflexion m’avait fait perdre mes moyens. Je pris une longue inspiration pour lui répondre, mais bien vite, elle se reprit. La tension dans l’air s’apaisa soudainement et un profond soulagement m’envahit. Ne pouvant le retenir, j’échappai un faible rire, conscient de ma propre méprise. Un sourire s’égara sur mes lèvres avant que je lui fasse signe de s’installer sur l’unique chaise qui traînait dans la boutique.

    « Mets-toi à l’aise, c’est un peu rustique, mais c’est tout ce que je peux t’offrir pour le moment, annonçai-je avec plus de conviction et bien moins agressif qu’à mon entrée. »

    Je disparus dans l’arrière-boutique pour trouver de quoi restaurer notre invitée. Le froid de la Forteresse pouvait se montrer surprenant lorsque l’on quittait le doux climat de la Capitale. Lorsque je ressortis, une tasse fumante entre les mains pour la tendre à la jeune noble, je me permis de tourner la tête vers le propriétaire de l’armurerie.

    « Je m’en occupe Ivan, je pense être capable d’écouter une telle requête. »

    L’artisan ne se fit pas prier, il était toujours fort pour ronchonner quand ses petites habitudes lui étaient retirées. À force de me voir grimacer à l’évocation de mon passé, il n’était pas étonnant que son rempart soit devenu encore plus solide que le mien, et si moi, je n’aurais jamais trouvé le courage de mettre Luz à la porte, il l’aurait sûrement fait à ma place. J’étais tout de même profondément rassuré d’apprendre que c’était une commande qui l’avait attirée vers moi. Je me demandais juste à quel point les rumeurs s’étaient étendues à la Capitale pour que l’on arrive à trouver notre commerce qui n’avait réussi à étendre son succès malgré le travail de maître d’Ivan.

    « Je m’excuse pour l’accueil. »

    Remuant les pieds maladroitement, j’avais un peu honte de moi en cet instant. Ma méfiance m’avait rendu stupidement acerbe. Je passai une main à l’arrière de mon crâne, le regard baissé sur les dalles en pierre. Néanmoins, ça ne m’empêcha pas de le relever pour croiser ses prunelles, venant croiser les bras sur mon poitrail pensif, soutenant mon menton de quelques doigts parasites. J’en oubliai presque le fait que ce soit une vieille connaissance pour me rentrer aussitôt dans le rôle de mon métier.

    « Je suppose que c’est quelque chose que nous pouvons faire, il me reste à savoir ce que tu as en tête. »

    J’inspectai la silhouette de la flamboyante jeune femme, le travail pouvait durer des semaines en fonction de la demande. Mais une question continuait à me trotter dans la tête, persistante. Il y avait beaucoup d’artisans talentueux à travers le pays, mais elle était tout de même venue me trouver moi en particulier pour une commande dont nous n’avions aucun détail. Et par-dessus tout, après bien des années. Je ne sais pas vraiment si on pouvait dire qu’on avait été réellement proches durant nos jeunes années. Tout était relatif lorsque l’on nous faisait rentrer dans les rangs de la noblesse. Une éducation si stricte et des relations souvent imposées plus qu’appréciées. Même si au fond, son attention réveillait en moi une certaine fierté. Je gardai tout de même une certaine distance avec Luz, plus par instinct que réellement par discorde.

    « Quand tu auras terminé ta boisson, je viendrai prendre tes mesures, tu m’expliqueras ce que tu as en tête. »

    Je me demandai bien quelle serait son idée. Le calme de la forge était interrompu par le martèlement régulier des pièces de métal travaillées, dans une bulle de chaleur, j’attendais sagement qu’elle me fasse son compte-rendu.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
    Informations
    Re: Rattraper le temps perdu - Ft Luz Weiss
    Sam 18 Sep 2021 - 12:20 #


    « Ah… Ce n’est rien, voyons, affirma Luz avec un mouvement de dénégation de la tête. C’est moi qui m’excuse d’apparaitre ainsi subitement de nulle part dès tes premières heures de travail, j’aurais peut-être dû prévenir ou prendre rendez-vous au préalable… »

    Elle se mordit la lèvre inférieure, après tout réellement gênée de sauter de but en blanc sur Adam qu’elle n’avait pas vu depuis de nombreuses années. Assise sur la chaise désignée comme une ancre à la mer, repère et refuge dans l’immensité métallique de la forge dont elle percevait les cliquetis et la chaude omniprésence, elle laissa aller son regard curieux sur la kyrielle d’outils et l’aménagement avoisinant. Loin d’être effrayant, l’endroit réveillait chez elle un lointain instinct de petite fille, un goût sacré d’enfance à la manière d’une caverne un peu magique où la promiscuité était promesse de nombreux secrets. Dangereux en apparence – il y avait après tout du métal en fusion et toutes sortes d’options mortels dans cet établis-, cette première image était rapidement rattrapée par la présence des deux hommes au travail. Ils œuvraient de concert avec une certaine harmonie rôdée par la routine. Luz le devinait dans ces gestes infimes qu’ils réalisaient, et son cœur fut soudain réveillée d’une courte tendresse : Adam avait tout l’air de s’être trouvé un écrin de velours dans l’univers glacé de la Forteresse. Était-il épanoui ? Il avait bonne mine, du moins, ses grands yeux bleus investis d’un sérieux professionnel qu’elle ne lui avait jamais connu, indubitablement craquant. Elle rectifia donc sa pensée initiale, constatant que si, Adam avait bel et bien grandi, bel et bien changé. Il se postait désormais devant elle avec l’aplomb serein d’un splendide armurier en devenir, toute chrysalide écartée, déployant une patience nouvelle et un intérêt assumé pour ses commandes.

    « Merci, lui répondit-elle de prime abord en s’emparant de la tasse fumante qu’il lui tendit. Tu as l’air de te plaire à Forteresse, c’est une belle forge. »

    Les mains en coupe autour du précieux récipient, elle avait désigné du menton le reste de la boutique pour appuyer ses dires. Aucune question pour le moment, quand bien même une nuée infernale d’interrogations lui taraudait l’esprit, marée qu’elle peinait à retenir. Elle se doutait toutefois qu’Adam n’apprécierait pas entièrement de se voir interroger de la sorte dès les premières minutes de leurs retrouvailles, aussi Luz jugeait-elle judicieux de passer par des moyens détournés. Désireuse de lui prouver qu’elle venait en visite tout à fait amicale, elle s’était plongée dans ces quelques banalités verbales qui masquaient en réalité le profond souhait de lui prouver sa loyauté et son soutien. Qu’elle n’était aucunement là pour le ramener. Ou lui reprocher ses choix de vie. Bien au contraire !

    « J’aurais à vrai dire deux commandes à te proposer… Elles se complètent, mais les matériaux ne seront a priori pas les mêmes. Je voudrais m’équiper d’une armure efficace pour mes futures expéditions, car c’est aujourd’hui le seul bagage qu’il me manque encore. J’ai du coup commencé à travailler avec un enchanteur du Village Perché et nous avons abouti à quelques plans. »
    Sa tasse dans une main, elle se tortilla pour enfourner sa dextre dans son grand sac sans fond et en extraire un écheveau de papiers enroulés soigneusement refermé d’une ficelle rouge. Elle le tendit derechef à Adam et reprit son explication :

    « Si la partie magique pourra sans aucun problème être traitée par lui, il doit pouvoir travailler sur une excellente base déjà existante, forgée et façonnée par un armurier compétent. Il se chargera uniquement d’y ajouter les runes adéquates. »

    Les grandes feuilles étaient effectivement maculées de symboles obscurs et d’annotations écrites à la scribouilleuse, entourant deux pièces dessinées au crayon léger.

    « La première est un cerceau de métal que je dois pouvoir attacher à la cuisse. Quelque chose de solide, de peu contraignant et d’à la fois suffisamment épais pour accueillir des runes et suffisamment fin pour ne pas me gêner lorsque désactivé. Grosso modo l’enchanteur se servira de cette pièce pour me créer une armure manipulable et mobile… Ce qui implique de créer la forme finale de cette armure. Qu’il rendra par la suite magique. »

    Elle utilisait ses mains pour s’exprimer, volubile et peu certaine d’être parfaitement claire dans son discours tant elle se mélangeait elle-même les pinceaux. Elle convenait volontiers que sa demande pouvait paraitre fort brouillonne et chaotique pour un armurier à sept heures du matin ! Elle prit le temps de s’accorder une rasade de thé bouillant, réfrénant un profond soupir de bien-être lorsque la sensation du liquide chaud gagna sa gorge et repoussa un peu plus loin encore les affres du givre matinal.

    « Je suis prête à mettre le prix qu’il faudra, je voudrais la meilleure qualité possible sans sacrifier le confort… Je vais devoir me battre avec cette armure sur le dos et mon style est plutôt souple et vif. »

    Électrique, devrait-elle préciser. Elle était néanmoins ignorante des matériaux et des techniques de forge existantes, ne sachant jusqu’à quel point il était possible de personnaliser une armure ni même si Adam jugerait sa commande possible.

    « Je… Voudrais que tu sois le concepteur de mon armure, ajouta-t-elle, trop ouverte et loquace pour ne pas partager ses sentiments avec son interlocuteur. Je ne fréquente aucun forgeron qui me connaisse mieux que toi et j’ai la conviction que je peux te faire une confiance aveugle pour la création de ces deux pièces. Je sais qu’on ne s’est pas vus depuis longtemps et… Je dois peut-être représenter quelque chose que tu souhaites oublier à présent dans ta nouvelle vie. Mais on dit que le métal doit être familier de son porteur, et je ne vois personne d’autre que toi pour insuffler ça à ma future armure ! »

    Adam De ObeliaFloffy Ball
    Adam De Obelia
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    Re: Rattraper le temps perdu - Ft Luz Weiss
    Sam 2 Oct 2021 - 16:03 #
    La silhouette de la jeune femme s’était altérée à travers la brume qui se dégageait de sa chaude boisson, pourtant, j’avais pu sentir émaner d’elle une sincérité touchante. Sa simple demande, alors qu’elle avait certainement remué ciel et terre pour me retrouver me faisait me dire que je ne pouvais tout simplement pas la rejeter. Un tel pouvoir de persuasion alors qu’elle maniait de gros sabots me fit légèrement sourire, certaines habitudes n’avaient guère changé en ces quelques années. Je devais avouer que sa persévérance était admirable, car j’étais incapable de dire si un jour, j’ai pu refuser l’une de ses demandes farfelues, alors qu’elle se décidait à partir fièrement à l’aventure. Je ne pouvais encore dire si notre relation pouvait rester intacte, car j’avais beaucoup souffert de l’aristocratie, et j’avais peur de retomber dans la boucle infernale. Mais j’étais tout de même rassuré de me dire que ce n’était pas le cas chez tout le monde, Luz semblait toujours fidèle à elle-même, si ce n’était même rayonnante.

    Je saisis les notes pour y jeter un coup d’œil, les esquisses laissaient facilement deviner l’idée même de ce qu’elle désirait. Le projet promettait d’être intéressant, et je pourrais certainement mettre à contribution mon savoir afin qu’elle ne regrette en rien de m’avoir laissé un tel bijou entre les mains. Cependant, je préférai la prévenir avant qu’elle ne se laisse rattraper par la réalité, j’avais beau avoir quelques années derrière moi, je n’étais probablement pas à la hauteur des maîtres artisans qui peuplaient le royaume, et si elle me demandait de le faire au nom de notre amitié, je me devais également d’être honnête avec elle. Une telle confiance me touchait, mais je ne voulais pas qu’elle puisse avoir de regrets alors que je n’aurais pas été à la hauteur de ses espérances.

    Tirant le vieux tabouret branlant, je m’assis en face d’elle, cherchant mes mots pour ne paraître ni défaitiste, ni terrifié. Si nous n’avions pas eu notre invitée, Ivan m’aurait certainement collé une mandale derrière le crâne pour que j’aille droit au but. Mais le visage doux de la belle noble me força à me montrer clair pour lui éviter toute confusion.

    « Je connais des matériaux solides et légers qui permettront que tu puisses te mouvoir avec aisance, mais ils ne sont pas faciles à travailler, je pris une légère pause, songeur. Je pense pouvoir être à la hauteur de tes exigences, mais je reste sceptique sur ton choix de forgeron. »

    J’entamai doucement la lèvre inférieure, tout en triturant mes doigts, incapable de la regarder dans les yeux. J’avais cette fâcheuse habitude de baisser mon regard vers mes chaussures pour ne pas confronter les gens lorsque je leur parlais. Une fuite inconsciente et ainsi, je ne défiais pas l’antipathie de ceux que je craignais. Et maintenant que j’y pensais, cette phrase pouvait porter à confusion, et donner l’impression que je refusais.

    « Ne te méprends pas ! Bafouillai-je faiblement. Je suis très content que tu m’aies choisi, mais il y a tant de maîtres talentueux dans le domaine… J’ai peur que tu puisses être déçue… Puis… C’est de moi dont on parle… Ce serait du gâchis… Et…»

    À mesure que je cherchais des excuses, je m’emmêlais pitoyablement les pinceaux, avant d’enfouir mon visage écarlate dans mes mains. Si elle avait besoin de quelqu’un de confiant, il ne serait pas étonnant qu’elle se lève pour me claquer la porte au nez, j’avais pu lui faire la démonstration d’un Adam dans toute sa splendeur. Je poussai alors un profond soupir, tandis que je sentais un regard inquisiteur me brûler le dos. Si on devait perdre un client à cause de ma bêtise, il ne serait pas étonnant que je finisse au raffinage des métaux pour les dix prochaines lunes. Je finis par me redresser pour venir croiser son regard, enfin. Luz m’avait choisi moi, je ne pouvais pas la décevoir.

    « Il y a des métaux qui naissent sous des cristaux, il est extrêmement léger. Seulement, il est très rare, et je doute que nous puissions le trouver à des prix raisonnables. Si tu me laisses deux semaines, je pourrai me lancer dans la création de ton armure. »

    Je connaissais un filon dans une grotte assez éloignée, mais elle était bien gardée par un petit groupe de harpies qui y ont installé leurs nids. Peu d’aventuriers ne souhaitaient s’y aventurer au risque d’y perdre la vie, et les mineurs ne voulaient même pas s’y essayer sans une protection adéquate. Mais en détournant l’attention des volatiles, il était possible de pénétrer dans la grotte pour atteindre les cristaux. J’étais suffisamment confiant pour me lancer dans cette expédition, mais ça risquait de demander du temps pour la préparer et c’était un risque à prendre pour pouvoir lui offrir un travail de qualité.

    Mais avant tout, j’avais besoin de faire des esquisses complètes de son armure pour être certain de tous les matériaux qui seraient utilisés. J’aurai de quoi occuper ma journée ainsi.

    « Je te propose que nous nous revoyons ce soir le temps que j’adapte tes croquis et comme ça, je te proposerai quelque chose de plus concret. »

    Je croisai mes doigts sur mes genoux en souriant légèrement, assez excité de me lancer dans un tel projet.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Rattraper le temps perdu - Ft Luz Weiss
    Dim 17 Oct 2021 - 14:49 #


    Oh par le doigt de pied gauche de Lucy, les personnes timides ne pouvaient-elles fournir un manuel de compréhension à leurs interlocuteurs en début de conversation ? Impuissante et désarçonnée, Luz ne sut de prime abord comment réagir face à la rougeur et aux bégaiements d’Adam. Peu, si ce n’était pas du tout, habituée à rougir elle-même, voire à ressentir la moindre honte – et les Astres seuls savaient combien il s’agissait d’une tare dans son cas-, elle n’osait réagir de peur d’emprunter le mauvais sentier et de s’aliéner définitivement le jeune forgeron. Comment ne pas lui rentrer dedans de toute la puissance de sa maladresse contenue ? Au fur et à mesure de ses explications, ses sourcils s’étaient froncés, puis adoucis dès lors qu’elle parvint à comprendre qu’il ne rejetait nullement sa demande. Ah. Oh. Mais… Luz revint soudainement de sa stupeur, et sa bouche entrouverte jusqu’alors sur un « O » décontenancé se mua en un léger rire spontané. Juste avant que ses neurones ne songent au fait que cet inattendu égaiement puisse passer pour de la moquerie assumée.

    « Non, ce n’est pas ce que… tenta-t-elle immédiatement de se rattraper, agitant ses mains en tous sens. »

    Elle se figea lorsque le liquide chaud dans sa tasse manqua de peu d’atteindre la bordure du récipient. Il ne manquait rien de plus à cette formidable journée que de gratifier une bonne partie de l’atelier de thé bouillant ! La catastrophe contenue juste à temps, Luz se rasséréna et ses lèvres s’ourlèrent d’un sourire apaisant. Elle s’était déjà levée, laissant sa tasse sur sa chaise vacante, franchissant la distance qui les séparait pour poser une main amicale sur l’avant-bras d’Adam. Totalement inconsciente de son espace vital, âme par trop tactile qu’elle était, incapable de percevoir lorsque ses interlocuteurs n’appréciaient pas être approchés.

    « Tu es à la hauteur de mes exigences, Adam. »

    Sa voix s’était faite affirmée, l’aplomb d’un monde dans un simple regard qui cherchait à persuader sans concession.

    « Tu es à la hauteur, précisément parce que ta première réaction est d’être honnête envers moi, ta cliente, et ce, en t’interrogeant sur tes capacités. Je ne veux pas d’un artisan persuadé de tout savoir ou tellement rôdé dans son confort que toutes ses créations se ressemblent, je recherche une personne talentueuse, qui cherchera à confronter ses limites, à s’interroger, à se concentrer pour donner le meilleur de lui-même. Je veux d’une armure qui soit le meilleur de toi-même, en somme. J’ai toute confiance en tes capacités. Et crois-moi, je ne connais pas le mot déçue ! »

    Elle lui glissa un clin d’œil et l’espace d’un instant la petite fille qu’elle avait été se devina en filigrane de l’adulte, roux feu follet qui n’avait eu de cesse d’entrainer Adam dans des aventures colorées et parfois dangereuses par le biais d’un tel clin d’œil. Elle retira sa main et son sourire ample s’effaça au profit d’une fine ligne de concentration, un bras sous sa poitrine et l’autre tapotant pensivement son menton.

    « Je peux repousser la date initiale de mon retour à la Capitale et rester à Forteresse quelques temps. S’il s’agit de récolter des métaux, je peux être utile ! Et je ne doute que ce sera passionnant… »

    Son objectif premier n’était pas de mettre Adam en danger. Elle ignorait de quel matériau il parlait, mais elle serait incapable de dormir en l’imaginant crapahuter en pleine montagne sans la moindre aide extérieure. Non pas qu’il ne soit pas débrouillard – elle n’avait aucune idée de son niveau en la matière -, mais elle rechignait à laisser seul un artisan qui travaillait actuellement pour elle. De surcroit, Adam était un ami.

    « Je me spécialise dans le combat de soutien et j’ai l’habitude d’arpenter des terrains difficiles, lui précisa-t-elle. Une lubie qui n’a pas vraiment changé depuis toutes ces années, tu constateras… »

    Elle haussa les épaules, l’air de dire qu’elle n’y pouvait rien si la perspective de vivre continuellement entre quatre murs l’étouffait. Elle imaginait difficilement de tels minerais patienter tranquillement à la surface même du sol, comme de véritables et fragiles pâquerettes. Non, il s’agissait vraisemblablement davantage de mines ou de grottes complexes d’accès… De quoi justifier leur prix et leur rareté.

    « Mais tu m’en parleras ce soir, conclut-elle en acceptant par la même sa proposition. Je ne voudrais pas vous retarder dans vos commandes et votre travail du jour. A ce soir, dix-neuf heures ? »

    Elle grimaça intérieurement à la perspective de devoir regagner la fraicheur du petit jour. Un liseré de givre se devinait déjà sous la porte tandis qu’une opaque buée s’échappait de la forge, témoignant du différentiel de température. Allons, avec sa journée libre, peut-être trouverait-elle le temps de faire un saut aux sources chaudes de la Forteresse… ?

    ►◄

    La lumière du soleil s’était déjà réduite à un fin halo enflammé sur le toit des maisons lorsque Luz revint. Elle avait rabattu une capuche supplémentaire par-dessus ses cheveux, cherchant à se protéger de la relative intempérie qui régnait depuis une demi-heure sur la cité. Une infime chute de neige, de très légers flocons glissant silencieusement dans les airs en une danse presque onirique, aussitôt engloutis sous les semelles et les souffles des passants… Les rues s’étaient en effet étoffées depuis le matin, à présent fréquentées par une multitude de badauds occupés par leurs propres activités, car il fallait bien travailler ! Ici, l’immobilise et l’attente étaient synonymes de corps gelés, et chacun s’activait pour chasser au loin les prémices du froid et garder à soi une once de chaleur compactée. Ses bottes crissant sur la faible couche de neige qui s’installait, Luz ralentit son pas à proximité de la forge, percevant le bruit de voix de potentiels clients. Ah oui, évidemment qu’Adam et son mentor n’attendaient pas toute la sainte journée qu’une maladroite balourde vienne leur passer commande ! L’atelier avait une certaine popularité qu’elle devinait dans l’eau fondue qui traçait un chemin de la rue vers la porte de la forge, témoignage indéniable du passage récurrent d’êtres humains sur les pavés. Elle se coula donc dans l’embrasure de la porte, jetant un regard profondément curieux sur le décor environnant. Comment était Adam lorsqu’il travaillait ? Comment se déroulaient ses journées dans cette atmosphère d’une chaleur métallique à couper le souffle… ?

    « Re-bonjour ? lança-t-elle à la cantonade, désireuse de ne pas interrompre les deux artisans devant d’autres clients. »

    Adam De ObeliaFloffy Ball
    Adam De Obelia
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    Re: Rattraper le temps perdu - Ft Luz Weiss
    Jeu 28 Oct 2021 - 12:23 #
    Une quiétude m’animait alors que je ressentais les mots de ma vieille amie comme un bandage soigneux. Je n’étais peut-être pas confiant, mais il fallait croire qu’elle l’était pour moi. Un faible sourire se dessina sur mes lèvres, elle avait de toute façon tranché pour moi. Et son éternel entêtement ne me permettait plus de refuser. Je n’avais pas envie de l’entraîner dans les grottes neigeuses qui s’étendaient par-delà la montagne, mais elle était capable de venir me chercher, et j’imaginais sans mal la ligne de ses sourcils se froncer au-dessus de son regard d’émeraude.

    Ne cherchant même pas à me lancer dans un débat que je savais déjà perdu – Luz avait toujours eu les bons arguments et ce n’étaient pas mes bafouillages fastidieux qui auraient eu raison de son acharnement – je baissai les épaules avant de lui offrir un léger mouvement du crâne pour lui faire comprendre que je consentais à l’entraîner avec moi.

    « À ce soir, alors. »

    Je me permis d’admirer son départ entre les volutes brumeux qui s’échappaient du sol alors que le froid se condensait, lui offrant comme seule salutation un vague mouvement de la main, tandis que la porte se refermait derrière sa silhouette.

    « Tu t’améliores, j’ai bien cru que t’allais me faire une syncope au milieu d’la forge, j’aurais eu l’air malin. »

    J’offris un sourire nerveux en direction d’Ivan, pendant une fraction de seconde, j’avais même oublié de respirer. Puis soudain, une douleur intense me saisit au ventre. Voyant le maître de lieux se redresser alors que je me repliais sur moi-même, je lui fis un léger signe de la main pour lui signaler que tout allait bien. Un mauvais déjeuner accompagné du paroxysme de mon angoisse, je me devais de disparaître aux toilettes quelque temps, et c’est ce que je fis aussitôt après m’être redressé.

    ~

    L’étrange chaleur qui se dégageait de la forge pouvait se montrer presque insupportable alors que le froid dévorant se mettait à s’insinuer par la porte qui s’ouvrait par intermittence. Il n’était pas rare qu’Ivan finisse à moitié nu pour marteler le métal en fusion. Bien trop mal à l’aise pour me permettre ce genre de comportement en présence des clients, je m’étais habillé d’une tunique en lin légère, récupérant les plaques de métal pour assembler les armures demandées.

    Si au début de la journée, je m’étais permis de travailler les quelques croquis laissés par ma jeune amie, mais bien vite le temps m’avait rattrapé, et désormais le petit antre était submergée de quelques gardes à la recherche d’un nouvel équipement. J’eus tout juste l’occasion de faire un signe en direction de la noble qui venait de montrer son nez à travers l’embrasure de la porte. C’était toujours Ivan qui se chargeait d’accueillir la clientèle, il avait essayé une fois de m’y atteler, et j’avais manqué de mettre le feu à l’établissement.

    Peu à peu, le bâtiment se vidait, nous laissant enfin le loisir de souffler un peu. Je m’approchai lentement de la jeune femme qui patientait encore, avant de lui offrir un fin sourire.

    « Désolé de t’avoir fait attendre. Je rassemble mes affaires et nous irons nous installer dans un endroit plus confortable et peut-être dîner si ce n’est pas encore fait. »

    Je n’attendis pas sa réponse, enfilant une tenue plus adaptée au froid mordant qui nous attendait à l’extérieur. Ivan me tirerait peut-être un peu les oreilles de le laisser fermer la boutique seul, mais je m’en préoccuperai lorsque je reviendrai de notre escapade dans les grottes.

    Je tins la porte à la flamboyante jeune femme pour lui laisser place, avant de suivre ses pas.

    « Je connais un restaurant qui n’est pas très loin, ça nous évitera de marcher dans le froid trop longtemps. »

    Je me gardais bien de lui proposer mon domicile, destitué de mon titre, je vivais loin des architectures hors de prix pour me contenter d’une vie prosaïque. Machinalement, je laissai mes pas me guider à travers les ruelles de glace, incapable de trouver les mots pour maintenir une conversation. Je désirais bien savoir quelle vie menait Luz pour s’échapper en permanence des murs dorés de la Capitale, et s’égarer sans crainte à l’autre bout du royaume. J’ai toujours été étonné de voir à quel point la liberté offerte aux nobles pouvait se montrer si inégale. Mais il n’était plus temps de ressasser les spectres du passé, j’étais bien plus heureux depuis que la belle cuillère en or et empoisonnée avait abandonné mes lèvres.

    Je secouai lentement mes quelques mèches dorées pour faire fuir les quelques étoiles neigeuses qui commençaient à s’échapper du ciel, mais davantage pour me remettre les idées en place.

    « Je me suis permis de revoir en détail les idées de tes croquis pour que tu puisses te mouvoir confortablement dans ton armure, commençai-je doucement pour briser le silence qui s’était déjà bien trop installé. Tu me diras si tu as toi-même des choses précises que tu veux ajouter. »

    Arrêtés devant la porte d’une bâtisse, je lui ouvris à la porte afin de la laisser pénétrer la première dans l’antre chaud qui nous accueillait. C’était un établissement assez calme, ce qui nous permettrait de discuter sans avoir à crier par-dessus les voix des autres. Je pris place à une table dans un coin plus isolé, avant de lever mon regard – enfin – vers la jeune femme. Nous avions beaucoup de choses à se dire, mais je ne savais même pas par quoi commencer, laissant à nouveau un malaise s’installer entre nous.

    « Tu es sûre de vouloir m’accompagner ? L’endroit peut se montrer très dangereux si on fait une mauvaise rencontre. »

    Comme la créature qui m’habitait lorsque je me métamorphosais, j’étais un bon fuyard dans les situations extrêmes, mais je ne voulais pas entraîner Luz dans une souricière gelée. Surtout pas après toutes ces années où je n’étais devenu qu’un souvenir latent à la Capitale.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Rattraper le temps perdu - Ft Luz Weiss
    Dim 7 Nov 2021 - 13:06 #


    « Je ne sais pas, est-ce possible d’y intégrer un chauffage intégral ? souffla-t-elle entre ses dents serrées par le froid, une plainte d’autodérision dans l’enfer climatique de la Forteresse. »

    Un nuage glacé s’était formé tout aussitôt contre ses lèvres, happé par le givre qui rôdait d’ores et déjà aux frontières de la nuit. La perte du soleil entrainait rapidement une chute drastique des températures et chaque soir se voyait le théâtre d’une reconquête silencieuse et mortelle. Luz ne pouvait néanmoins nier le charme indéniable de l’immense citée sculptée entre les pics avoisinant, incapable de résister à l’appel de ces sempiternelles sirènes cotonneuses, nimbées d’éclats lorsqu’un puits de lumière daignait trouer le matelas nuageux du ciel. Les jours de saison chaude ou de froid glaçant étaient les plus ensoleillés, un spectacle à couper le souffle digne de se graver à tout jamais sur la rétine, et la cité se métamorphosait d’une liesse aussi joyeuse que boueuse. Même ces chutes de neige spectrales avaient leur beauté, et Luz dut s’arracher à la contemplation des lents flacons qui dansaient autour d’eux pour entrer dans la sphère chaleureuse du restaurant.

    L’Ecrin du Griffon Blanc était sans surprise à la hauteur de son hôte du moment. Un semi sourire sur la pointe des lèvres qu’elle tâcha de masquer, elle ne fut pas étonnée de découvrir l’atmosphère discrète et plutôt anonyme de l’endroit, dans le bon sens du terme. Certaines tavernes avaient cette particularité de vous projeter au milieu d’une foule curieuse et intrusive, d’autres renvoyaient une image trop lugubre pour vous épargner la crainte de recevoir un coup de surin d’ici la fin de la soirée… En l’occurrence, l’établissement se situait à un parfait équilibre de recoins tamisés et bienveillants, un oubli généreux que le reste de la clientèle était ravie d’offrir aux nouveaux venus : chacun se préoccupait uniquement de son assiette et de ses propres proches présents, la rumeur des voix se maintenant à un ronronnement diffus et plaisant. Elle pouvait aisément voir ce qu’Adam appréciait en ces lieux qui correspondaient merveilleusement à son tempérament, un écrin au sens propre dans lequel il était aisé de se fondre pour peu que la nourriture soit à la hauteur du décor.

    « Très sérieusement, poursuivit-elle l’écheveau de ses pensées, il me faudra me pencher sur la conception d’une sous-armure en matière chaude pour la saison fraiche et froide… J’ai déjà eu à porter du métal en pleine neige et l’expérience n’a pas été des plus agréables. »

    Elle frémit au souvenir de cette sensation exécrable, peu encline à s’imaginer traverser un jour la frontière en portant son propre tombeau de métal sur les épaules. Les engelures pouvaient prendre une grave tournure et elle soignait régulièrement des randonneurs dont les doigts de pieds ou de mains n’avaient malheureusement pas survécu à une escapade dans la montagne. Elle s’installa sur sa chaise une fois dégarnie de son lourd manteau, remontant le col ample de son pull pour mieux s’y enfouir le temps que la chaleur de la cheminée parvienne jusqu’à ses os. Elle fit mine de réfléchir très sérieusement à la dernière tirade d’Adam, toutefois absolument convaincue de son choix. Elle comprenait pour autant la nécessité de le rassurer et de lui montrer qu’il ne s’agissait pas là de l’énième caprice d’une noble perdue hors de ses murs, puisqu’elle ignorait tout de la manière dont il la voyait.

    « J’en suis absolument convaincue. J’ai bien conscience des dangers, et suis prête à y faire face. As-tu… As-tu entendu parler de la Cité enfouie en l’an 999 ? J’ai fait partie des rares expéditions à en être revenues vivantes… Et j’ai réitéré l’expérience avec le sombre Désert volant cette année. »

    Ce qui pouvait facilement passer pour un discours empli d’égo et de mise en valeur couvait en réalité d’infimes failles de fragilité. Elle n’aimait pas particulièrement parler de ces précédents voyages pour le lot d’atrocités dont ils recelaient, mais elle se sentait en confiance auprès d’Adam et était persuadée qu’il n’interpréterait pas son discours de travers. Sa voix avait d’ailleurs baissé d’un ton pour frôler le murmure et l’aveu, et ses prunelles avaient un court instant cherché les striures dans le bois clair de la table. Lorsqu’elle releva les yeux, elle semblait avoir repris son aplomb coutumier, chassant les nuages d’orage d’un mouvement de poignet rendu habile par l’habitude.

    « Je voudrais être à tes côtés si tu pars en milieu hostile pour réaliser une de mes commandes. Je ne suis plus capable de rester dans un salon à attendre de savoir si j’ai envoyé quelqu’un à la mort ou à des blessures plus atroces encore. Et puis… Je ne nierai pas que la scientifique en moi meurt d’envie de découvrir ces minerais dont tu me parles dans leur milieu naturel et la façon dont tu les prélèves ! Promis, je réaliserai des croquis de tes meilleurs profils, rit-elle, une touche de légèreté plus franche. »

    Elle s’interrompit brièvement pour confier sa commande au serveur qui les avait rejoints, jetant son dévolu sur un plat chaud typique de Forteresse à base de viande et de fromage bouillant.

    « Une martiflette au lapin fromager s’il-vous-plait. Et en boisson… L’apéritif est pour moi, Adam, si tu me permets de t’inviter. »

    Son sourire s’agrandit, n’ayant pas coutume d’accepter le non pour réponse dans ces situations.

    « Et toi, que deviens-tu après… Après tout ce temps ? reprit-elle une fois leur commande achevée, définitivement curieuse. »

    Adam De ObeliaFloffy Ball
    Adam De Obelia
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    Re: Rattraper le temps perdu - Ft Luz Weiss
    Mar 7 Déc 2021 - 13:22 #
    Je ne saurais dire le temps que nous avions passé à discuter de tout et de rien. Les quelques balbutiements avaient fini par se tarir pour que je me laisse emporter par le torrent de conversation, heureux de retrouver cette vieille amie dont les propos m’avaient mis en confiance. Je ne savais que peu ce qui se déroulait dans l’aristocratie de la Capitale et les faibles échos que j’avais eus ne me permettaient pas de me remettre au goût du jour.
    De mon côté, je me laissai aller aux révélations en toute confiance, lui narrant chaque étape de ma fuite après avoir abandonné le manoir Obelia. Mes craintes également lorsqu’il fallut que je me présente à la Guilde ainsi que mes regrets d’avoir abandonné les projets de la garde car j’avais eu ce désir de réussir afin de prouver ma valeur aux yeux de ma famille. Car si au final, j’étais bien plus épanoui ici, je ne sus ce qui m’avait décidé à tout abandonner pour m’égarer dans les montagnes. Je perds brièvement mon regard dans le vague après avoir confessé ce poids qui me pesait depuis des années sans réaliser que j’étais devenu un véritable moulin à paroles.

    « Excuse-moi, je ne sais plus où m’arrêter, fis-je en soufflant un rire. »

    L’ambiance sereine m’avait disposé à la conversation sans même que je le réalise et à présent je n’arrivais même plus à m’arrêter, soumis à la rancœur que je ressentais. J’ai détesté être un pantin manipulable, mais j’étais également bien incapable de m’en défaire sans fuir, préférant laisser derrière moi, plutôt que de confronter et Lucy savait à quel point il s’agissait d’une tare dans mon cas.

    Je tripotai pensivement les couverts en regardant les assiettes vides qui nous faisaient face, n’osant plus relever les yeux vers les orbes verdoyants de mon amie. J’avais peut-être laissé échapper plus que ce que je ne l’avais voulu, mais je ne pouvais nier que ça m’avait beaucoup soulager de trouver une autre personne à qui me confier.
    Et qu’en était-il de Luz ? Elle avait entrepris son périple,  mais au final, j’avais fini par occulter totalement le passé pour foncer vers l’avenir sans chercher à en savoir plus sur ceux que j’avais laissés derrière moi.

    « Est-ce que toi, tu vas bien ? »

    Et je ne faisais pas que référence à l’instant présent. Je me demandais quelle vie elle menait et qu’elle acceptait de vivre. Nous vivions dans un monde étrangement hostile  et il était tout aussi étonnant à mes yeux qu’elle abandonné la sécurité que pouvait offrir l’aristocratie. Mais la jeune noble avait souvent cette lueur dans le regard, outre le malice que je pouvais parfois lire, je sentais en elle cette flamme de vie. J’avais toujours vu en Luz une femme incroyable pleine de bons sens avec ce grain de folie qui nous entraînait dans des situations aussi étranges qu’amusantes.

    Et maintenant que j’y pensais, je regrettais légèrement d’entraîner Luz dans ce bourbier. J’étais incapable de dire si les créatures dans la grotte étaient nombreuses, mais ce minerai me paraissait essentiel afin de mener à bien la commande qu’elle m’avait faite.
    J’étais perdu dans mes pensées, la regardant parfois pour écouter ce qu’elle avait à dire, soutenant non sans mal cette sensation de malaise qui m’oppressait. Je me concentrai sur ma jeune amie, celle-ci se montrait étrangement réconfortante dans chaque tournure de phrase, m’offrant le loisir d’en apprendre davantage sur elle et ses dernières péripéties parvenant à faire taire les quelques doutes qui subsistaient.

    Après que nous ayons pris le temps de nous re-découvrir, j'abandonnai notre table pour retourner dans le froid hivernal, de la cité. Beaucoup de choses, peut-être même trop s'étaient déroulées durant cette courte journée et je me devais de me préparer en bonne et due forme pour cette occasion.

    Attendant que la jeune femme sorte, je m'étais installé à l'extérieur, observant la forme duveteuse qui s'était réfugiée contre la fenêtre où se dégageait un peu de chaleur. Le jeune chaton blanc se redressa rapidement en me voyant, se tassant sur lui-même. Fouillant grossièrement dans mes poches, je sortis un lacet en cuir que je n'avais pu mettre sur une armure pour attirer son attention. L'animal d'abord curieux se jeta dessus, et durant plusieurs minutes, je m'amusais à le faire serpenter pour qu'il joue.

    Lorsque la porte s'ouvrit, dévoilant la flamme rousse, je me redressai en prenant le chaton dans mes bras, décidant de le garder au chaud. M'inquiétant de le voir ainsi dehors par ce temps.

    Après m'être avancé de quelques pas, je proposai à Luz de la raccompagner jusqu'à l'auberge où elle résidait pendant son séjour à la Forteresse, je savais les rues sûres, mais c'était un moyen de rattraper le temps perdu.
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    Re: Rattraper le temps perdu - Ft Luz Weiss
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