- Alors brav’Ayah, t’as trouvé quelqu’un pour réchauffer tes draps pour l’hivers qui arrive ? s’exclama la voix d’Apolline par-dessus la musique de fond des sabots – et autres pieds – tapant contre le sol et les conversations épisodiques entre les membres de l’escouade. Désiré a rien voulu m’dire, ce petit cachotier. Ou p’tet que j’ai oublié de lui demander. On a parlé de beaucoup d’autres choses. Tu savais qu’il a un top dix des consultations les plus insolites au Bastion ? Anonymes, évidemment.
Si brav’Ayah froid nuit, Kana peut servir couverture, déclara joyeusement la loutre sous son séant, toujours prête à aider.
Je ne suis pas certain que tu rentres dans le lit… Ni que le lit, heu, tienne.
Avec magie ! Cal trouver Kana grosse ? Kana forte comme K’awill!
Chassant de la main les tentacules persistants d’une fatigue invitant ses paupières à se fermer, Calixte abandonna l’idée de débattre sur ce terrain avec la loutre géante – dont la tendresse pour son ami de même race comme l’envie de puissance tournaient parfois à l’obsession – et attrapa la gourde fontaine tendue par Abdallah pour se désaltérer. Et tenter de quitter définitivement le cocon latent du sommeil. Dormant depuis déjà de nombreuses lunes sous forme féminine afin de faire avancer sa grossesse sans risquer de la mettre en péril, le coursier commençait à accuser le cumul des affres de celle-ci jusque dans ses nuits, qui n’étaient donc dernièrement pas de tout repos. Et si les douleurs, nausées, urgenturies et autres délices s’estompaient au matin comme son corps redevenait masculin, à mesure du passage du temps celui-ci restait de plus en plus fourbu.
- J’ai entendu dire que tu avais rendu visite à la Furie Rouge ? fit-il un peu distraitement à son amie médecin, tout en s’étirant pour chasser les tensions s’installant dans ses lombes.
En dehors d’offrir une échappatoire à celle-ci si elle saturait de son échange avec Apolline – qui ne l’avait pas quittée depuis le début de voyage, plus tôt dans la journée – le soldat était réellement intéressé par ce que la jeune femme, embourbée dans les exigences de son pouvoir devenu incontrôlable lorsqu’ils avaient été missionnés pour la récupérer, était devenue.
Bonne assignation, déclara Vreneli avec satisfaction contre son esprit.
Le teisheba, qui évoluait au-dessus du cortège avec vigilance, avait particulièrement apprécié cette aventure où il avait pu faire déferler presque sans limite ses foudres vindicatives. Et la perspective de repartir au-devant d’un possible affrontement l’enchantait au plus haut point.
On verra comment ça se passe, et quelle est la stratégie privilégiée par Val, modéra Calixte qui ne tenait pas particulièrement à passer ses heures de travail au dispensaire à courir après son familier bagarreur.
Hmpf. Si tout ça pour juste blabla, nul, déclara Vreneli d’un ton boudeur en indiquant la petite troupe.
Leur nombre était bien moindre que celui nécessaire pour les assauts décidés et orchestrés par le gratin de l’Etat-Major, mais ils étaient déjà un rassemblement de trois escouades, dont un soutien de la Garde Royale qui devait les rejoindre un peu plus loin en chemin – en raison de la position particulière du lieu d’intervention, un détour par la Capitale ou le Grand Port avait été jugé inutile pour l’un ou l’autre groupe, et le point de rendez-vous était donc globalement au milieu de nulle part. Calixte ne savait pas si c’était la nature de cette mission, sa localisation – perdue au fin fond des plaines d’Aryon – ou bien encore les liens entre le Capitaine Hekmatyar et la gérante de l’Astre de l’Aube, Luz Weiss, qui avait amené à cette configuration finale, mais il n’en était guère étonné. Les collaborations inter-régiments n’étaient pas rares, et plutôt même riches d’opportunités. Xylia lui avait notamment parlé de nombreuses coopérations sur les zones limitrophes entre la Régulière de la Capitale et les Belluaires, et ces alliances avaient toujours été particulièrement fructueuses.
Remontant un peu la file des gardes avec Kaname, Calixte avisa Valentino. Ayant déjà reçu de celui-ci un premier topo oral avant qu’ils ne quittassent le Bastion, le coursier n’avait pas d’interrogation concernant le déroulement actuel de leur mission. En revanche…
- Comment ça se passe avec Mélusine ? demanda-t-il avec curiosité.
Khalie n’était pas bavarde, certes. Mais certains sujets étaient bien trop importants pour rester secrets.
Le topo était très simple, du moins, en apparence : un dispensaire des plaines était la proie d’un groupe de malfrats selon un rapport ici d’une des institutions médicales les plus reconnues du royaume.
L’Astre de l’Aube. Ayah lisait et relisait ces trois mots tandis qu’elle se préparait à partir, dehors, le soleil n’était même pas encore levé. Elle devrait peut-être leur rendre visite un de ces jours : l’unité médicale du régiment pourrait tirer beaucoup de ces illustres institutions civiles.
La jeune femme arracha son regard de la missive et resta pensive devant les pièces abîmées de son armure : son heaume était toujours brisé et la plate qui couvrait son bras gauche était sérieusement amochée. Tarya, la furie rouge, s’était donnée à cœur joie sur le matériel et la forge n’avait pas encore pu lui remplacer ou réparer ces équipements.
Elle hésita longuement avant de prendre le parti de ne pas utiliser son armure : elle aurait ainsi une meilleure mobilité.
Et puis, elle s’était entraînée dur pour peaufiner la maîtrise de son pouvoir et d’acquérir un nouvel outil pour se défendre sans dépendre de ses capacités martiales.
C’était décidé ! Elle alla chercher une monture de service aux écuries : le bon vieux Boris était toujours opérationnel !
Bon, il n’obéissait toujours pas au doigt et à l’œil comme Ablette, la jument d’Askr, mais la jeune femme ne désespérait pas d’y arriver un jour !
Elle rejoignit le point de rendez-vous du régiment : elle n’était ni la première, ni la dernière.
Fidèle à ses habitudes fort matinales, le lieutenant Rivolti était déjà là, discutant avec certaines de ses recrues. Ils devaient être six et seraient rejoints par quelques gardes de la royale sur le lieu de rassemblement pour une escouade d’une dizaine de soldats.
Elle patienta le temps que Valentino en ait terminé avec ses subordonnés directs avant d’aller le saluer.
« Bonjour Valentino, toujours aussi matinal à ce que je vois ! » Fit-elle d’un air léger. « J’espère que tu es en forme. »
La bleue suivait parfois l’entraînement matinal du lieutenant de l’avant garde, même si ce n’était pas la recrue la plus assidue.
Mais elle avait une très bonne excuse ! La soldate passait parfois des nuits à étudier certains sujets urgent du pôle médical avec Désiré et il lui arrivait de se coucher à l’heure où devrait commencer le fameux entraînement Rivolti.
Après quelques échanges, Ayah aperçut Calixte tandis que Valentino était déjà accaparé par un autre soldat, elle alla donc à sa rencontre. Il faut dire que le coursier ne passait pas inaperçu avec sa ribambelle de familiers !
« Ah ! Salut Calixte ! ça fait un certain temps qu’on ne s’est pas vus ! » Elle l’observa quelques instants avec un air critique, fronçant légèrement les sourcils, en quête d’un signe quelconque de blessure avant d’afficher un air bienveillant. « Tu as l’air un peu fatigué. »
Elle dut ensuite se tourner vers Kaname et accueillit l’enthousiaste loutre géante à bras ouverts :
« Ahah ! Toi aussi Kaname ça fait plaisir de te revoir ! Oh mais qu’est ce que tu as l’air forte ! Et qu’est-ce que tu grandis ! » Elle avait bien l’impression que cette gentille loutre était sensible à la flatterie, et Ayah s’en donnait à cœur joie.
Elle baissa la voix pour s’enquérir de l’avancement de la grossesse du blondinet, qui n’était évidemment pas venu sous sa forme de femme. Les choses avaient l’air d’aller plutôt bien, mais elle pria son ami de se ménager le plus possible.
Vreneli et Abdallah étaient aussi de la partie, et la guérisseuse ne manqua pas de les saluer gentiment. Et Apolline…. Apolline ! Bon, je ne vous fais pas un dessin, ce qui devait arriver arriva.
« Ooooh Aaaaah brav’Ayah jamais tu ne sauras à quel point nos fougueuses aventures avec le beau lion de la royale ont enflammé ma fermeture éclair ! » Poursuivit l’inlassable trousse animée. « Une bonne grosse partouze cette furie rouge, quand est-ce qu’on remet le couvert ? »
Cela faisait deux heures… DEUX HEURES que la petite troupe s ‘était mise en route. Ayah était sur le dos de Boris qui marchait à bon rythme derrière Kaname. Un autre soldat fermait la marche, le lieutenant Rivolti était en tête.
La bleue soupira intérieurement, elle était patiente, très patiente, mais il fallait bien reconnaître que parfois les interminables élucubration de cette âme artificielle avait de quoi vous tuer de l’intérieur. Aussi, tirait-elle une tête similaire à celle du blondinet : une tête d’huître avinée.
« Oh… J’espère sincèrement qu’il n’y aura pas d’autres cas que la furie rouge d’ici un bon moment, Apolline. » Fit-elle doucement, gardant une voix calme et bienveillante même si elle était un peu blasée.
« Gente Dame ! Si vous voyiez votre visage défait ! Tu devrais sûrement te laisser aller un peu brav’Ayah ! Tiens en parlant de ça je connais un bon club avec de super pratiques sex… »
« Ola ola tout doux… » La coupa gentiment la guérisseuse, en sentant la trousse s’emballer un peu trop.
« AH ! Tu préfères connaître les dernières histoires de l’ardent lieutenant de l’avant-garde ! LA REGLE DES TROIS BOUTONS TU CONNAIS ? »
Ayah rentra sa tête dans ses épaules, honteuse : Apolline parlait vraiment très fort et elle sentit quelques regards converger vers elle : la trousse vivante n’était pas forcément visible…
« Alors, pour qu’tu saches tout au sujet de l’auguste seigneur Rivolti, la dernière fois il a démonté une porte avec son… »
D’un geste vif mais sans violence Ayah utilisa sa main pour refermer l’ouverture de la bouche d’Apolline
« Shhh… Pas si fort Apolline… » Murmura-t-elle, gênée, faisant signe de la main à un autre garde qui lui laissait un regard curieux. « Heu... Tout va bien ! »
Forcément, Apolline glissa ensuite sur le sujet, fort passionnant, de sa vie sentimentale : avec qui elle partageait ses nuits.
* Pardon ? *
Dépitée Ayah performa un beau « facepalm » avant de croiser le regard curieux d’un de ses collègues, très attentif, c’était le pompon. Décidemment… Apolline S’arrêterait-elle un jour ?
Concernant le top dix des consultations les plus insolites… Effectivement il y avait des cas quelquefois… Mais bon ce n’est pas le sujet, hein !
Heureusement, Calixte sembla se tirer de ses propres songes pour s’enquérir de l’état de la furie rouge. La jeune médecin arqua un sourcil surpris, rien de lui échappait : mis à part Désiré et Arthorias elle n’avait pas vraiment parlé de sa petite escapade à autrui… Des ragots peut-être ?
« Tarya… » Corrigea-t-elle gentiment, Ayah n’aimait pas trop continuer de l’appeler comme s’il s’agissait d’une bête. « Ils n’ont pas trouvé de remède pour elle… Mais elle est entre de bonnes mains. »
Un léger blanc tomba entre eux, la mine fatiguée de la jeune femme avait laissé place à un air soucieux. Elle trouverait un moyen d’aider Tarya, elle avait promis à Embla d’enquêter sur le sujet et d’envoyer des rapports quand elle le pouvait.
« J’ai décidé de participer aux recherches de cette cause… Tu l’aurais vue… Ils ne sont pas mal traités mais l’endroit est si triste… Ce sont des gens comme nous, et je suis sûre qu’il est possible de les faire revenir à leur état normal. Néanmoins… » Sa mine s’assombrit. « Il y a d’autres problèmes dans le royaume, et celui-ci n’est pas si commun que cela, alors les ressources sont dédiées à d’autres sujets… Calixte, certaines personnes sont dans cet état depuis des années… »
Le bruit ambiant n’était pas particulièrement propice aux échanges de ce genre, et Ayah ne souhaitait pas inquiéter son ami avec Tarya pour le moment. Elle trouverait un moment plus tranquille pour se confier à ce sujet. Aussi lui offrit-elle un sourire optimiste :
« Mais chaque chose en son temps ! Nous avons des malfrats à déloger, pas vrai ? »
Apolline semblait beaucoup moins active… Pour le moment. Laissant un peu de répit à la jeune femme : peut-être rechargeait-elle déjà son registre d’insalubrité ?
Ayah ne pouvait s’empêcher de se demander quelle serait la prochaine fadaise à sortir de cette sympathique fermeture éclair.
Encore quelques échanges, et chacun parti dans son coin : Ayah devait à présent s’expliquer avec l’un de ses collègues de l’unité médicale, un peu trop intrigué par les propos d’Apolline sur sa vie privée. Calixte, quant à lui, entreprit de remonter la file : cherchait-il Valentino ?
Pas de langue de bois, pas avec moi, pas avec mes hommes alors qu'ils me connaissent parfaitement! Il y a des choses que je n'accepte pas, des choses que MA justice n'accepte pas! Quiconque touche aux enfants ou au malades subira mon courroux, c'est peut-être encore plus vrai maintenant que j'ai une gamine en réalité allez savoir? Soudain, alors que je donnes mes consignes pour l'opération à venir, partenariat entre le régiment et la royale, voici qu'une voix se fait entendre pour m'interpeler. J'me tourne et j'souris en coin comme à mon habitude en voyant Ayah, dernière recrue de l'unité médicale... "Ayah un plaisir de te voir! Et bien-sûr que je suis en forme, tu me prends pour qui franchement?" Dis-je faussement blessé par cette question pourtant anodine. On va pas se mentir, c'est pas pour rien que je voulais Ayah sur le coup, non seulement elle a fait montre d'une adaptabilité et d'un savoir faire sur le terrain en participant à l'arrestation de la furie rouge, une assignation des plus dangereuse on ne va pas se le cacher, mais en plus c'est un membre de l'unité médicale... Vu ce qu'il se dit sur ce dispensaire, j'm'attends à ce qu'on y trouve des malades, des blessés, des ancêtres croulants ayant besoin de soin et attendant bien trop longtemps s'ils ne déversent pas des cristaux en plus. Avoir quelqu'un comme Ayah sur place est donc un luxe qu'on ne peut pas réellement se refuser c'est un fait. Pour l'heure cependant pas le temps de discuter plus, c'est pas simple la vie de lieutenant, on a toujours besoin de nous... Enfin, la rançon de la gloire je suppose.
Après que les préparations aient été effectuées, nous voici en route pour le point de rendez-vous avec l'unité de la garde royale censé nous épauler. J'dois avouer que je sais pas vraiment qui sera de la partie mais j'm'inquiètes pas trop, j'ai déjà bossé avec plusieurs membres de cette unité, que ce soit le capitaine même ou la soldat Garlemald, et j'ai donc pas spécialement de doute concernant leurs capacités. J'vais pas cracher sur des renforts pas vrai? Et en parlant de renfort, j'suis pas seul aujourd'hui! Bien-entendu, je monte sur Amarok, mon Frouska a fait beaucoup de progrès dans sa gestion de la peur, lui que j'ai recueilli alors qu'il était battu par les connards qui lui servaient de maître avant est maintenant un fier destrier toujours prêt à me mener en mission. Malheureusement, Aja n'est pas avec moi pour l'occasion, il est resté à la maison avec Mélusine, au moins je sais qu'il peut veiller sur elle et puis, j'suis heureux que le Drarbuste ai quelqu'un pour jouer avec quand je suis en mission. Par contre, j'en connais un qui aurait sans doute dû se limiter dans ses accompagnateurs...
C'est pas que je n'apprécie pas Appoline, la trousse a même plutôt tendance à me faire rire la plupart du temps et je dois bien avouer être un lecteur assidu de ses histoire sur le capitaine, ne fut-ce que pour pouvoir en balancer moqueusement quelques passages lorsque je suis en réunion avec le big boss à son grand désarroi... Mais sérieusement, ça fait deux heures que son esprit beaucoup trop fécond met notre soigneuse mal à l'aise, en plus je connais certains de mes hommes, Réno n'a pas le monopole de la drague foireuse et une donzelle comme Ayah, elle fait tourner les têtes! J'l'ai déjà remarqué quelques fois quand elle participe aux entraînement matinaux, les membres de mon unités ont tendance à en faire plus juste pour l'impressionner! Pas que ça me dérange qu'ils se bougent un peu plus les fesses, loin de là, mais y a une limite quand même! Surtout que vu qu'Ayah lui demande d'arrêter ses délires, voilà qu'elle veut encore donner sa version déformée de la règle des trois boutons!
"Apolline... Je te l'ai déjà dis! La règle des trois boutons... C'est entre le capitaine et moi, faudrait pas que ses prétendante l'apprennent! WOUARFOUAFOUAF!" Bah quoi? Moi j'suis déjà casé et puis, j'suis pas du genre à me soucier de ce que les autres peuvent dire ou penser sinon ça fait longtemps que j'les aurais fermé mes trois boutons... J'me sors une clope, ma pierre de feu, et j'me l'allume en reportant mon regard sur la route... J'dois avouer que j'm'intéresse plus spécialement aux discussions derrière moi, au moins Apolline semble plus calme ce qui est une victoire en soi... La journée est fraiche, pas que ce soit gênant, avoir des capacités de scorpion c'est pratique lorsqu'il y a changement de température mais naturellement, j'pense aux malades, ces pauvres gens qui ne reçoivent pas l'aide qui leur est dû... J'exagère sans doute un peu mais, forcément j'pense aussi à Mélusine, dans quel monde est-ce qu'elle va grandir? Plus que jamais j'aimerai pouvoir lui assurer une belle vie, dans un royaume en paix, plus que jamais je veux changer les choses.
Calixte me fait presque sursauter, putain! J'me laisse surprendre c'est pas bon, heureusement qu'on est pas encore sur place! J'jette la clope, maintenant que je sais que c'est pas Sol' qui attend un gamin ou une gamine, j'vais pas fumer proche de lui... Est-ce que c'est seulement nocif quand il a cette apparence? Bref, j'hoche la tête en souriant. "Ça se passe bien! Très bien même, c'est une petite morveuse mais elle est adorable... Elle s'habitue doucement à la vie au grand port, j'regrette juste de pas pouvoir passer autant de temps que je le souhaiterais avec mais bon, pas de repos pour les braves surtout s'ils sont lieutenants pas vrai?" Dis-je en haussant les épaules, façon j'peux pas me permettre du repos, plus que jamais je dois "éclairer" ce monde, si ce n'est pour moi, j'dois le faire pour elle. "Et toi? T'as une tête à faire peur tu sais? Te surmènes pas trop vu la situation..." Pas besoin d'en dire trop, Khalie est au courant, j'suis au courant, j'sais pas trop pour les autres donc on fait semblant de rien et tout ira pour le mieux... D'ailleurs, va être temps de faire une halte! Pas que je sois crevé mais, c'est qu'on est au point de rendez-vous! J'lève la main, faisant s'arrêter le groupe et j'fais tourner Amarok vers mes hommes.
"On s'arrête ici, si vous voulez pisser c'est le moment! Quand la royale arrivera il n'y aura plus de pause jusqu'à l'accomplissement de la mission!"
Loin de la capitale et d'autres grandes villes, il est aussi loin de toute garnison de notre ordre. Est-ce pour cela qu'il est devenu une proie si facilement oppressée ? C'est fort possible. Mais manque de pot, l'Astre de l'Aube a fini par comprendre qu'il y avait un hic. Entre la mauvaise réputation qui en ressortait et les retours quelques peu nébuleux, une enquête a fini par voir le jour.
Et de cette enquête a abouti cette assignation. Cela dit, c'est la garnison du grand port la plus proche de cette établissement de soin, alors pourquoi moi je me retrouve dans cette mission ?
Parce que depuis que je me suis confiée à Arthorias, il a choisi de m'assigner au plus loin de la capitale pour quelques temps. Une idée qui me soulage et me pèse à la fois. Car loin de la capitale, je suis aussi loin de tout ce passé qui me dévore chaque jour un peu plus... Et même si le capitaine à promis de m'aider à gérer mes problèmes de noblesses, je ne peux m'empêcher de culpabiliser de l'avoir mêler à tout cela... Loin de ce passé donc... De cette famille de noble, les Lys, qui m'a adoptée. Mais aussi loin de ma fille et de son père.
Un mal pour un bien puisque malgré mon envie irrépressible de les revoir, je me suis promise de ne pas le faire. Pas tant que je ne serai pas libre.
Alors, droite sur ma monture, je profite simplement de l'air frais tandis que nous avançons vers notre destination. Avec moi : un autre Cuirassier, Reyes, et deux voltigeurs, Marty et Tifaine de la Royale, permettant ainsi un meilleur mélange de nos compétences. Et même si pendant mon dernier entretien avec Arthorias, celui ci a insinué qu'il aimerait me voir adjudant ce n'est pourtant pas à moi qu'il a donné les rennes de cette mission. Surement à cause de tout ce que je vis en ce moment...
Est ce que cela me dérange ? Pas vraiment. Même si devoir obéir à Reyes qui a finalement cinq ans de moins que moi dans la garde me parait un peu déconcertant.
- Hey, Lunarya, tu as une idée de comment on devrait procéder ?
- J'en ai quelques unes oui. L'approche frontale, l'inspection classique, l'infiltration discrète pour tenter de repérer les brigands... Au vu de la présence d'otage, la dernière me semble la plus sage mais aussi la plus risquer pour nous. Mais de toute façon, c'est à toi et au chef de la brigade du port d'élaborer ce genre de stratégie, non ?
- Oui. Oui...
A côté de moi, les deux voltigeurs se regardent d'un air légèrement inquiet. Mais je n'en ai cure. Reyes est un grand garçon, il devra apprendre à se faire confiance, à lui et à notre Capitaine. Je suis certaine qu'Arthorias ne l'aurait pas désigné s'il n'était pas capable.
Et au pire, il y aura toujours le chef d'escouade du Grand port pour le soutenir non ? D'ailleurs, en parlant d'eux, ils sont déjà sur place lorsqu'enfin on arrive. Eux sont six et sont pour la plupart toujours sur leur monture ou entrain d'en descendre, sans doute viennent-ils juste d'arriver ?
- Bonjour à vous, je suis Reyes Tobas, Cuirassier et responsable d'escouade. Et voici Lunarya Lys, également cuirassière ainsi que Tifaine Enrocil et Marty Yenop, deux voltigeurs de la garde royale. Je suppose que vous êtes l'équipe envoyé par le Grand Port ?
Laissant mon responsable gérer la rencontre, tout en hochant simplement la tête en guise de salutation aux gardes civils, je laisse pendre les rennes de Bergamote pour qu'elle puisse profiter de brouter tranquillement l'herbe de la plaine tout en regardant le ciel et respirant profondément l'air frais de la campagne, profitant simplement du calme de cette région.
Et malgré mon air ailleurs, j'écoute quand même d'une oreille la conversation des deux chefs de groupe.
Il était à la fois étrange d’imaginer ce dernier en père de famille, et en même temps, être lieutenant à la tête de troupes parfois indisciplinées, n’était-ce pas un peu de la même engeance ? Un sourire amusé étira les traits du coursier comme son ami lui donnait des nouvelles de Mélusine, avant de devenir songeur comme l’homme évoquait cette absence, pas complète mais tout de même ressentie, qui le chagrinait. Avec le poids des responsabilités, le temps familial pouvait se réduire à peau de chagrin, et trouver un équilibre satisfaisant dans tous les aspects de son existence pouvait relever de la gageure. En ce sens, et même si certaines habitudes avaient la vie dure, Calixte était particulièrement satisfait d’avoir refermé les portes du pôle espionnage.
- Merci chef, grimaça-t-il ironiquement à la mention de son air de déterré. Je pense qu’on peut difficilement parler de surmenage, poursuivit-il plus sincèrement en haussant les épaules. Juste de malchance ; certaines nuits sont plus compliquées que d’autres.
Depuis que ses tâches officieuses s’étaient étiolées, le coursier avait l’impression d’avoir un temps infini de loisir qu’il avait encore du mal à appréhender. Bien évidemment, on était bien loin d’une vie complètement oisive, mais même l’agenda complet de son métier officiel lui paraissait à présent d’une légèreté indécente. Nul doute que d’ici quelques lunes cette sensation s’estomperait et que le vide laissé par les missions d’espionnage lui paraitrait des plus normal.
- Je suis surtout pressé d’en voir le bout, même si je ne tiens pas à utiliser davantage le sapic, conclut-il en songeant que, vu comment il vivait sa grossesse – complètement soumis aux nausées, douleurs, urgenturies, troubles de la mémoire et autres réjouissances – l’associer à la vie de garde était loin d’être une bonne idée.
Ils arrivèrent sur ces entrefaites au point de rendez-vous, en en profitèrent pour faire une courte pause. Glissant de sa selle, Calixte fouilla dans les sacoches de Kaname pour lui trouver quelques friandises. Jamais contre un biscuit à la sardine, l’attention de la loutre géante fut cependant rapidement détournée de la poignée d’encas comme la route leur portait le fracas de sabots et le vent l’odeur musquée et métallique d’un groupe monté et armé. Bientôt des silhouettes aux couleurs de la Garde Royale se dessinèrent sur l’horizon, et les soldats du régiment méridional les regardèrent les rejoindre avec intérêt.
Où Capitaine ? s’enquit la loutre, le museau levé à la recherche d’Arthorias Hekmatyar.
Il ne sera pas là pour cette mission, Kana.
Mais soldats quand même Royale ?
Et comme le coursier acquiesçait tout en attrapant le thermos rempli de thé que lui tendait Abdallah, Kaname déploya son armure et s’avança avec curiosité vers les nouveaux venus. Amusé, Calixte revint pour sa part à côté d’Ayah et regarda son familier s’aventurer du côté du groupe qu’elle admirait. Adorait. Et comptait bien rejoindre un jour. Jusqu’à présent, il n’avait pas eu le cœur de défaire son rêve de devenir un jour loutre soldate Royale.
- Tu en connais certains ? demanda-t-il à son amie comme il inclinait respectueusement la tête alors que Valentino présentait à son tour ses effectifs.
Lui-même n’avait qu’une vague impression de déjà-vu avec la jeune femme rousse – sans doute avaient-ils dû se croiser plus ou moins régulièrement à l’Académie Militaire – mais en dehors de ce visage-ci, aucun autre ne lui était familier. Ce ne fût cependant pas la douce voix d’Ayah qui lui répondit, mais celle joyeusement indiscrète d’Apolline :
- Ils sont bien gaulés ! Tu crois qu’ils les choisissent pour leur physique à la Royale ?
Instinctivement, le pied de Calixte trouva l’arrondi de l’âme artificielle qui partit voler dans un bosquet à proximité, dans une exclamation hilare. Néanmoins, sa déclaration tonitruante avait déjà fait tourner certaines têtes dans leur direction, et plus particulièrement celle de la médecin, puisque le timbre avait été ostensiblement féminin.
Ceux qui étaient à pied s’assirent et déposèrent leurs équipements au sol, ceux qui étaient montés allèrent se dégourdir les jambes, laissant un peu de répit à leur monture. La jeune femme flatta l’encolure de Boris et desserra légèrement ses sangles, observant d’un œil curieux la monture de Valentino.
Elle avait pris l’habitude de voir une loutre géante faire office de cheval, mais c’était bien la première fois qu’elle voyait Amarok.
En y pensant bien : c’était aussi la première assignation qu’elle effectuait en la compagnie de Valentino.
D’ailleurs, avait-elle seulement déjà vu un frouska ? Rien n’était moins sûr, mais cette drôle de bestiole reptilienne couverte de fourrure était plutôt du genre à marquer les esprits.
Les réjouissances furent de courte durée, car très peu de temps après leur arrêt un groupe armé se détacha au loin. Kaname fut l’une des premières à les sentir venir, Ayah l’avait remarquée s’agiter avant même que leurs silhouettes ne soient en vue. La gentille loutre avait certainement un odorat remarquable, bien qu’Amarok semble être un sérieux concurrent au titre du meilleur nez.
Les armures et les visages des nouveaux venus se précisèrent au fur et à mesure qu’ils approchaient. Les discussions moururent pour arriver à un grand silence quand ils furent à portée de voix. La guérisseuse observa avec intérêt le détachement de la royale s’approcher : c’était un petit groupe de quatre soldats : deux hommes et deux femmes.
L’une d’entre elles, montée sur un cheval manifestement bien dressé, arborait une jolie chevelure ardente et avait un regard qui en disait long sur ce qu’elle venait faire ici. La bleue la sentit très sérieuse, un peu à la même manière qu’Arthorias.
En outre, elle semblait ailleurs et ne parut pas accorder trop d’attention aux gardes du sud, comme si ses pensées étaient absorbées par tout autre chose.
En tout cas, cette femme qui avait une certaine présence n’était manifestement pas la dirigeante de la petite escouade. Ce rôle revenait à un homme qui se présenta comme un certain Reyes, avant de présenter ses confrères : Tobias, Tifaine et Lunarya. Les deux chefs échangèrent et Ayah resta silencieuse et attentive, tout comme l’ensemble de ses camarades.
Il y avait un moment à tout, et les gardes du grand port ne lésinaient pas sur la discipline en pleine mission. Personne ne voulait donner une mauvaise image du régiment à l’extérieur.
Seule la loutre géante de Calixte semblait faire un peu de zèle : n’hésitant pas à s’approcher des gardes royaux pour les saluer. Fort heureusement elle ne semblait pas disposée à leur sauter dessus pour les gratifier de l’une de ces léchouilles baveuses dont elle avait le secret !
Ayah accueillit son ami d’un sourire affable quand ce dernier revint vers elle.
Tout se passait pour le mieux…
Tout ceci aurait parfaitement pu bien se finir pour elle, mais ça… C’était sans compter sur Apolline !
La jeune médecin s’apprêtait à répondre au blondinet quand la trousse démoniaque sortit à nouveau des tréfonds du sac de quelqu’un.
Et ce fut donc sans le moindre scrupule, aucun, que la maudite engeance servit à un auditoire sa dernière fantaisie, brisant joyeusement le silence et couvrant la vox du lieutenant :
« Ils sont bien gaulés ! Tu crois qu’ils les choisissent pour leur physique à la Royale ? »
Premier réflexe d’Ayah : un soupir.
Premier réflexe de Calixte : un magnifique coup de pied qui envoya l’âme artificielle voltiger un peu plus loin.
Si seulement les choses pouvaient s’arrêter là…
MAIS NON ! Parce qu'un jour un gars s’est levé en se disant que ce serait quand même vachement sympa si les choses pouvaient toujours être pires.
Quand les regards convergèrent à nouveau vers le duo, Ayah regarda par-dessus son épaule, mais il n’y avait personne derrière…
Elle comprit alors ce que les autres avaient l’air de penser…
Sentant le feu du malaise monter à ses joues, elle se figea, échangea un regard avec Calixte, regarda l’assemblée et leva en biais un timide index vers le coursier, l’air de dire « ce n’est pas moi, c’est lui… ». Comme des gamins ayant fait une bêtise et devant rendre des comptes.
Il y eut un petit moment de silence gênant, mais qui fut bien rapidement dissipé.
Les choses rentrèrent vite dans l’ordre et la guérisseuse salua à son tour ses pairs en s’inclinant respectueusement quand elle entendit son nom.
Sur le coup, le quiproquo n’avait pas vraiment fait rire la jeune femme.
Mais à présent elle s’efforçait tant bien que mal de garder son sérieux, se mordant l’intérieur des joues tandis que l’on finissait les présentations et rappelait l’ordre du jour. Elle ne voulait vraiment pas causer de trouble au lieutenant de l’avent garde.
Quelle histoire !
Profitant d’une nouvelle agitation tandis que les deux régiments de gardes se mélangeaient, s’apprêtant à reprendre la route, Ayah reporta son attention vers le jeune coursier.
« Pour revenir à ta question : je n’en connais aucun à priori. Il y a juste cette dame aux cheveux rouge… Je l’ai peut-être déjà aperçue à la Capitale, mais je ne me souviens pas lui avoir parlé. »
Elle haussa les épaules, un sourire optimiste vint barrer son visage :
« Mais je suis contente que les divers régiments travaillent ainsi ensemble. On y gagne à faire de nouvelles rencontres. D'ailleurs, on devrait peut-être aller leur parler en chemin. »
Soudain, voilà que la royale se ramène! Enfin, j'me doute que ce sont eux, quatre inconnus en armure c'est soit la royale soit des aventuriers qui ont peur de prendre un coup... Vu que c'est pile ici, on va miser sur la compagnie d'Arthorias! Reyes, Lunarya, Tifaine et Marty... Belle brochette donc! J'laisse Calixte retourner avec le reste de l'escouade alors que j'descend de ma monture pour approcher du nouveau venu. C'est pas que mais faut que je m'entretienne avec le fameux responsable d'escouade. J'comprends bien que l'homme ait la direction de son unité mais, c'est pas une grosse mission qui demandera des séparation, un leader c'est bien assez donc va falloir accorder nos violons, évitons qu'en plein milieu de l'opération on donne des ordres différents et que ça foute tout en l'air, les batailles d'égo c'est pas réellement le plus intéressant ni le plus efficace donc, autant régler ce point immédiatement. J'approche et j'salut l'homme en posant deux doigt sur mon front et en les écartant rapidement. Pas réellement un salut militaire classique mais, j'suppose qu'ils sont déjà au courant de ma réputation et des rumeurs qui doivent courir sur moi, surtout s'ils sont envoyés directement par Arthorias. J'l'imagine bien me décrire comme un bon soldat mais pas forcément le plus à cheval sur le règlement, à moins que ce ne soit les mots doux de la commission qui fasse le plus jaser sur le lieutenant Rivolti en ce moment? Allez savoir.
"Soldat! Lieutenant Rivolti, c'est moi qui vais diriger cette opération conjointe. Heureux de vous avoir avec nous et..."
Et me voilà coupé par le petit spectacle auquel participent - forcément Ayah, Calixte et bien-sûr Apolline... J'roule de l'oeil alors que je me tourne vers les trois... Pardon, les deux concernés vu qu'Apolline effectue un magnifique vol plané grâce à l'aide de son "propriétaire"... Franchement j'pourrais ne rien dire, secouer la tête, pousser un petit soupire au pire et reprendre ma conversation, j'vois bien qu'Ayah tente de détourner la culpabilité sur son partenaire de crime et j'pourrais juste faire le minimum syndicale du professionnalisme en reprenant la conversation comme si de rien n'était... Ouai ce serait sans doute mieux... Mais ce serait aussi horriblement chiant de ne pas profiter de la situation non? Alors forcément, je pousse un soupire grandement exagéré avant de sourire machiavéliquement. "Bon les filles, quand vous aurez calmé vos hormones on pourra se concentrer sur la mission?" Et le pire c'est que je me retiens de pouffer - ou plutôt d'exploser de mon rire caractéristique comme si je venais de faire la meilleure des blagues... Ouai un vrai gamin mais bon. "Donc... Vu qu'ils se sont fait remarquer autant faire les présentation : Calixte qui fait partie de notre branche logistique et Ayah de notre unité médicale... Rassurez-vous quand ils ne vous déshabillent pas du regard, ils sont parfaitement compétents! Pour le reste, voici Meyers, Petersen et le soldat Thomas. Maintenant que les présentation sont faites, j'suggère de discuter d'un plan d'action. Techniquement j'aurais tendance à vouloir foncer dans le tas mais, vu que les enfoirés qui sont en cause n'ont aucune raison d'avoir vent de notre venu, j'préfère éviter de mettre en danger des patients. L'infiltration me semble notre meilleure chance et ça tombe bien, on a une médic' avec nous ainsi qu'un jeune homme capable de se fondre littéralement dans le décors! Sauf si vous aviez un plan d'action en tête?"
C'est quand on fréquente la garde civile qu'on se rend compte à quelle point ils sont plus libre que nous, de la Royale... Je ne sais pas trop à qui appartenait cette voix mais c'est plutôt surprenant comme entrée en matière. A tel point que ça a eu le mérite de me faire sourire un instant tandis que Tifaine elle est plutôt mécontente... Après tout, quoi ? Ils n'oseraient quand même pas rabrouer nos efforts et notre intégrité en imaginant qu'on ne soit recruter dans l'élite de la Garde que pour nos belles frimousses ? Quant aux restes de nos physiques, ils révèlent surtout nos nombreuses années d'entrainement et d'effort pour rester toujours au top.
Mais au fond, quand on y pense, est ce qu'on est pas des genres d'imposteurs se pavanant plus qu'agissant ? Aux yeux de la civile et aux miens, sans doute un peu. Mais bon, on a pas tous eu la chance de choisir notre destin.
- On note qu'ils sont aussi prompts à créer des situations imprévisibles. C'est peut être là dessus qu'on devrait jouer. Après tout, c'est dans l'imprévu qu'on commet le plus d'erreur...
Après avoir fixer longuement Reyes pour insister sur le fait qu'il a son mot à dire dans cette affaire, je jette alors un coup d'œil en coin pour capter le regard de Tifaine et lui faire comprendre silencieusement qu'elle ferait mieux de ravaler sa colère avant de déclencher une guerre ouverte. D'autant plus qu'on a clairement rien a prouver à personne ici.
- Tu... Tu penserais à quoi comme imprévu Lunarya ?
Je reporte alors mon attention sur les deux chefs de groupe.
- Une situation d'urgence, l'arrivée d'un blessé grave ? Quelque chose de stressant, et à la fois appâtant. Si ces bandits en ont après l'argent, il faudrait qu'un riche arrive et soit prêt à dépenser des sommes et des cents pour leurs soins. De quoi permettre de faire relâcher leur vigilance et permettre à ceux qui peuvent se fondre dans le décors d'aller récupérer les noms et information qu'il nous manque pour arrêter tout ce petit monde.
Mais bien sûr, ce n'est que mon avis. C'est vous les chefs, on fera bien comme vous voulez.
- Nous nous en remettons a votre décision Lieutenant Rivolti. Après tout, vous êtes le plus haut gradé de nous tous, il est donc normal que vous dirigiez ces opérations.
Finalement, peut être qu'Arthorias s'était trompé sur le compte de Reyes... Enfin, c'est surement plus simple comme ça, même si je trouve légèrement dommage qu'il se rabaisse aussi facilement.
A voir plus tard si les ordres du Lieutenant se révèlent pertinent... Pour autant, je compte bien pouvoir revenir de cette mission en un seul morceau pour pouvoir m'attaquer à un bien plus gros poisson que de simples petits brigands en compagnie d'Arthorias.
Cependant, cela ne semble pas spécialement être le cas ici, j'souris légèrement en coin. Visiblement Reyes n'est pas réellement celui qui dirige les opérations du côté de la royale. C'est étrange, j'imagine mal Arthorias faire un choix par dépit on va pas se mentir, pourquoi ne pas avoir confié la direction de son unité à la demoiselle à la chevelure flamboyante alors que, de toute évidence, c'est entendu que c'est elle qui a le leadership? Bon naturellement, j'vais éviter de manquer de respect à Reyes, évitons les incidents ici mais cela n'empêche que c'est visiblement avec la jeune femme qu'il est le plus intéressant de discuter si j'veux pas juste avoir des "chef oui chef" en réponse... Chose qui plait sans doute à d'autres, mais mes hommes peuvent le dire, j'suis pas réellement ce genre d'officier au grand dam de la commission qui voudrait sans doute un électron moins libre dans la hiérarchie.
"Lunarya hein? Bon avant toute chose, il n'y a pas réellement d'otages. Que les choses soient claires on ne va pas arriver et trouver des civils avec un couteau sous la gorge. Comme je l'ai déjà dis, ils n'ont aucune raison d'attendre qu'un groupe de garde arrive, ce qui veut dire que personne ne tente de jouer les héros en foutant un bordel monstre par précipitation. Ton plan pourrait avoir de la gueule cependant... Ayah! Tu joueras les malades, j'suis sûr que t'es capable de simuler des symptômes impossibles à vérifier sans analyse mais crédibles. Calixte tu en profites pour t'infiltrer, j'aurais bien envoyé un de vos hommes avec mais, les armures c'est pas le plus discret on va pas se mentir... Ou alors..." Un léger moment de réflexion, une double diversion? Pendant que certains médecins seront probablement occuper avec Ayah ils ne le seront pas tous, si on veut assurer que Calixte puisse agir librement... "Reyes, vous et vos hommes allez entrer un peu après Ayah! Prétexter une inspection suite à une plainte, cela devrait offrir plus de liberté à Calixte pour fouiller et protéger les civiles, mieux on pourrait les évacuer pour s'assurer que si notre envoyé est découvert, ils ne deviennent pas réellement des otages! Si tout est bon pour vous, on se met en route et on lance l'opération!"
Aussi lança-t-elle un dernier regard en arrière tandis qu’elle s’éloignait, accompagnée du soldat Thomas.
Plus les silhouettes lointaines de la petite troupe rapetissaient et plus elle avait l’impression d’aller au-devant de grosses galères.
« J’ai un vieux feeling… »
Laissant définitivement derrière eux le reste de l’escouade, la médecin lança vers son camarade un regard interrogateur.
Mais dans le fond il était le parfait écho de ce qu’elle ressentait à ce moment précis.
« Ce plan, là… »
« Oui ? »
« J’imagine bien que le lieutenant l’a bien rôdé, mais tout de même. On va se jeter littéralement dans la gueule du loup. »
« Comme il a été dit : ils ne s’attendent pas à subir un raid. Si on s’y prend bien on ne devrait pas avoir trop de problèmes à entrer. »
« Pfeuh. Moi qui pensais déloger ces satanés rats de cale en imprimant bien comme il faut ma semelle sur leur derrière… »
« Autant régler tout ceci pacifiquement si c’est possible… Même si je suis sûre qu’il faudra recourir à la violence à un moment ou à un autre. Il faut qu’on essaie de les isoler. »
« Parfois faut leur mettre un peu de plomb dans la tête à ces bons à rien de moules à gaufres. »
Bons à rien de moules à gaufres ?
Ayah réprima un sourire amusé, le soldat Thomas avait toujours de sacrées expressions quand il se laissait un peu aller.
« Bref, tu sais quel genre de numéro tu vas leur jouer ? »
« En imaginant qu’il y ait réellement des médecins dans leur groupe… »
« C’est un dispensaire, même s’il ne fait pas partie de la bande un médic’ civil pourrait bien te mettre des bâtons dans les roues dans le vouloir. »
« C’est vrai… Mais ne t’en fais pas, j’ai peut-être une idée. »
Sous l’œil perplexe du soldat, la jeune femme fouilla dans l’une de ses poches.
Elle avait laissé tout son matériel de médecine sur le dos de Boris pour éviter tout soupçon au moment d’entrer dans le dispensaire, mais elle avait gardé sur elle une toute petite bourse de toile.
Elle tendit l’objet au militaire qui le prit entre ses mains avant de faire mine de l’ouvrir :
« Non attend. » Il interrompit immédiatement son geste et l’interrogea du regard. « Laisse-moi t’expliquer rapidement. C’est un petit extrait de champignons thérapeutiques. Appliqués sur la peau ce champignon contribue à favoriser la cicatrisation des plaies, mais il est toxique si ingurgité. »
« Et donc ? »
« Et donc je ferai semblant d’avoir les symptômes que pourrait provoquer, et toi tu pourras montrer ça aux médecins du dispensaires en prétendant que j’en ai mangé. Pour que le tout soit crédible. C’est une espèce pas trop rare, qui pousse en ce moment dans les plaines et qui peut facilement être confondue avec une autre espèce comestible… »
La main de Thomas passa dans sa barbe dans un grésillement tandis qu’il considérait la proposition.
« Mouais… T’as l’air confiante en tout cas. Bonne comédienne ? »
Un silence.
« …Pas vraiment… »
« Parfait… On est dans une belle galère toi et moi... »
Le dispensaire était en vue, et l’escouade loin derrière, le soldat avait laissé son armure et ils passaient pour un duo de civils tout à fait banal.
Ayah était tendue, bientôt elle devrait sortir le grand jeu.
« Et d’ailleurs, pourquoi ce n’est pas Calixte qui a eut le rôle du malade imaginaire ? »
« Uh ? » Cette remarque la tira de ses pensées.
« Il me semble que pour le coup il sait jouer la comédie le petit blondinet. »
« Le lieutenant pense que je suis là plus à même de mimer des symptômes crédibles. Ce n’est pas un raisonnement erroné je trouve. »
« Ouais… Mais, entre nous, tu ne trouves pas que le chef est un peu trop aux petits soins avec le petit blond là ? »
La bleue haussa simplement les épaules, ne sachant pas trop que dire…
La grossesse de Calixte n’était pas un sujet connu du grand public et Valentino avait effectivement tendance à ménager le coursier, à raison.
Mais comment expliquer aux autres ce genre de traitement de faveur ?
« Je n’ai rien remarqué de spécial… Pardon mais… Je crois que tu te fais des idées. »
« A d’autres ! On ne me la fait pas à moi ! Ayah, honnêtement j’ai l’impression qu’il y a un truc entre ces deux-là. »
« Valentino est avec en couple Khalie. »
« Mon cul ! Ne lui répète pas, hein, mais je ne suis pas convaincu qu’il ait totalement laissé ses vieilles habitudes au placard. Mais je ne savais pas qu’il pouvait aussi être attiré par les hommes. »
« Je ne sais pas… Et je ne veux pas savoir je crois. »
Oui, ça devenait vraiment débile. Il fallait trouver un autre sujet de toute urgence !
Prise de cours la guérisseuse s’empara de la première chose qui lui passait par la tête.
« Normalement on ne devrait pas rester seuls très longtemps. Les gardes royaux doivent intervenir peu de temps après notre entrée en matière. »
« Ouais… D’ailleurs en parlant des loustics là. Certains ont l’air de devoir s’détendre un peu. T’as vu la tronche de Tifaine après l’intervention d’Apolline ? On aurait dit qu’elle venait de se faire personnellement insulter. »
« Ne la juge pas trop vite. Ils ne connaissent pas Apolline, je comprends qu’ils aient pu mal interpréter la chose. » Elle tira une légère moue, c’était un épisode de leur rencontre qu’elle préférait largement refouler tout au fond de son être. « J’ai confiance en la royale, ce sont toujours des valeurs sûres. »
« Ah ! Je ne dis pas le contraire, ça reste de sacrés monstres. Dans le bon sens du terme, hein. Même si je trouve que le Reyes là, et bah devrait un peu plus poser ses attributs sur la table. M’voyez. »
« Hmmm.. C’est vrai que j’avais aussi plutôt l’impression que Lunarya tenait les rênes de leur groupe. » Elle haussa les épaules. « Cette femme… Elle a l’air d’avoir une certaine expérience sur ce genre d’intervention. Et puis Reyes n’est pas forcément lieutenant, c’est peut-être simplement un chef désigné sur cette mission. »
« Qu’ils gèrent leurs histoires comme ils veulent. Personnellement ça me ferait chier si mon lieutenant s’écrasait devant un subordonné sur une mission. »
« Et Lunarya… J’ai l’impression de l’avoir déjà vu quelque part… Mais ce n’est peut-être qu’une impression. »
« Ah ? »
« L’académie peut-être… Ou alors quand j’étais à la régulière de la Capitale ? Je ne sais plus trop… »
Leurs échanges s’amenuisèrent au fur et à mesure qu’ils approchaient de leur destination.
« On devrait commencer à jouer la comédie. »
Quelque peu stressée, Ayah hocha la tête, une mine grave collée au visage.
« Soutiens-moi, les symptômes sont sensés provoquer de grosses crampes d’estomac et d’intenses migraines. Je ne dois pas être en mesure de marcher toute seule. »
« Compris. »
« Je vais aussi faire semblant de trébucher alors tiens moi pour de vrai s’il te plait… »
« Ce serait marrant de te voir te viander tiens. »
« … »
« C’est bon, relax Ayah ! J’ai compris t’inquiète pas. »
Elle passa son bras par-dessus son épaule et il se prêta au jeu. Peut-être un peu trop ?
La médecin n’avait réellement plus vraiment besoin de faire le moindre effort pour marcher, elle s’affaira donc à travailler l’expression de son visage : le déformant en une mimique de douleur.
Ils s’avancèrent ainsi et atteignirent assez rapidement les portes du bâtiment sous le regard méfiant de deux sentinelles.
A peine furent-ils arrivés à proximité que les deux gardes en civil furent interceptés par deux loubards qui semblaient se faire passer pour des gardes, ou des « agents de sécurité ».
« Qu’est-ce qu’elle a ? » Lança l’un d’eux.
Ayah se tenait le ventre de son bras disponible et gardait le visage rivé vers le sol, tâchant d’y faire figurer une douleur intense.
« Elle a mangé un truc bizarre… Un champignon je crois… Faut absolument qu’elle voit un tou… Heu, un docteur compétent. M’enfin regardez-moi ça elle est même plus capable de parler. »
« Hugh... »
« ça a l’air assez sérieux chef… »
« Ouais… Elle n’a pas l’air en forme. Vous avez de quoi payer les soins ? »
« De quoi payer ? Evidemment, je suis… Un célèbre tromboniste. Bref… Je veux le meilleur médecin ! »
Tromboniste ? Sérieusement ? Il n’avait rien trouvé de mieux à leur servir ?
Un peu plus et il leur disait en toute transparence qui se fichait de leur gueule.
La bleue pria pour que ça passe. Le soldat tomba ne brillait pas non plus pour ses compétences à jouer du pipeau.
Les deux sentinelles échangèrent un regard perplexe, elles ne savaient manifestement pas ce qu’était un trombone, fort heureusement.
Une petite hésitation pris place et la guérisseuse laissa échapper un grognement de douleur bien audible.
« Faudrait pas qu’elle nous claque entre les doigts chef. Le boss a dit pas d'embrouilles. »
« Mmmh… Bon. Allez. Entrez. On s’occupera de vous à l’intérieur, et file lui un sac si elle doit rendre quelque chose ! On n’a pas spécialement envie de passer après elle. »
« Vous devriez peut-être l’allonger. Il y a des civières sur roues à l’intérieur. »
« Merci. J’vais tâcher de trouver ça. A qui dois-je m’adresser ? »
« Pas notre boulot, on vous recevra à l’intérieur, filez maintenant. »
Est-ce qu’il en faisait trop ? Peut-être.
Mais l’autre sembla se satisfaire de cette simple déclaration.
Un benêt ? Peut-être.
La voie était libre, et ils purent franchir les portes du bâtiment sans plus de cérémonie. Ayah jeta un regard discret autour d’elle tandis qu’ils entraient dans l’établissement.
Il y avait des patients çà et là, mais tout était calme : un dispensaire tout ce qu’il y avait de plus normal.
Et pourtant… De sacrées magouilles avaient lieu ici tous les jours…
Qui faisait partie de la bande ?
Qui n’était qu’un simple civil ?
Tout ceci avait fort l’air d’un grand jeu de piste.
« Tout a l’air si… Normal… » Murmura-t-elle à l’adresse de son complice.
« Hormis les deux abrutis à l’entrée ? Ouais… » Il s’arrêta et chercha autour de lui du regard. « Bon c’est pas que t’es lourde cocotte, mais faut que j’te pose quelque part. Tu t’laisses bien aller en plus. »
« Vraiment désolée… C’était pour être plus crédible, j’avais peur qu’ils nous questionnent davantage. Mais tu peux relâcher un peu la prise je ne vais plus trébucher. »
« Entendu. »
Ils se dirigèrent vers une espèce de salle d’attente ou quelques lits sur roulettes semblaient mis à disposition.
Pour ne pas discontinuer de son petit numéro, Ayah se hissa avec l’aide de son camarade dessus, mimant d’infinies difficultés et douleurs dans l’opération.
Elle se recroquevilla en prenant soin de tourner le dos au plus de gens possible, gardant Thomas dans son champ de vision.
Elle fit mine de se tenir le ventre, mais savait qu’il n’y avec pas d’oreille indiscrète trop proche d’eux.
« J’espère que ça se passera bien plus les autres… Fais-moi signe si quelqu’un vient. » Murmura-t-elle.
« Ils se débrouilleront, et ça se trouve on sera aux premières loges pour les voir se dépatouiller. Je suis prêt à botter des culs si le besoin s’en fait ressentir. »
Et ils patientèrent… Le temps de prise en charge était plutôt long pour un cas sensé être une urgence… Heureusement, elle n'avait pas réellement ingurgité le poison...
Quelque chose ne tournait décidément pas rond ici…
Pourtant il n’y avait pas foule dans un coin aussi reculé.
Kana venir mission ? demanda la loutre en revenant de sa petite excursion auprès de la Royale.
Pas dans le dispensaire. Mais tu vas m’accompagner à l’une des annexes. Apparemment une buvette aux prix indécents a poussé juste à côté, je te laisserai m’y attendre.
Acquiesçant finalement aux directives de leur supérieur, le regard glissant sur ses collègues – et est-ce que Thomas ne le regardait pas un peu étrangement ? Valentino devait avoir raison quant à sa mine de déterré – Calixte se remit en selle, recueillit Apolline qu’il fourra au plus loin de son sac-sans-fond, et fit emprunter à Kaname un chemin différent de la malade imaginaire. Assurément un œil non averti n’y verrait que du feu, car comme leurs camarades l’avaient dit et redit précédemment : ils n’avaient pas de raison particulière de craindre une méfiance résolument exacerbée de la part de leurs cibles.
Au terme d’un large arc de cercle le faisant serpenter entre bosquets et vastes étendues champêtres aux vêtements automnaux, probablement à une dizaine de minutes du premier groupe d’Ayah et Thomas, le coursier arriva sur les lieux de l’affaire. Le rapport remis par l’Astre de l’Aube avait mentionné un bâtiment a priori composé de deux ailes : l’une vétuste, laissée entre les mains d’un personnel dont on pouvait même douter des compétences médicales, et l’autre bien plus coquette, a priori cœur de l’arnaque installée par un groupe de malfrats. Contournant l’entrée accueillant le tout-venant, Calixte avisa la petite cahute construite à la va-vite et encastrée entre l’hospice et les étables. Apparemment les malfaiteurs avaient trouvé là le moyen d’engranger toujours plus de cristaux, en proposant une restauration sur le pouce aux tarifs particulièrement scandaleux. Mais si loin des premiers villages alentours, et avec des délais d’attente pouvant aller du quitte ou double, la buvette marchait très correctement.
Après avoir donné quelques conseils de dernière minute à Kaname qu’il laissa entre les mains d’un palefrenier au visage enjoué, le soldat pénétra dans la cabane. Moyennant finances, puisqu’apparemment si l’on n’avait pas de ticket d’attente du dispensaire – ou autre preuve de son passage par celui-ci – l’on ne pouvait accéder librement au comptoir ni aux sanitaires attenants. Probablement un moyen de filtrer comme de récolter des cristaux supplémentaires comme un autre. Déboursant encore une poignée de son salaire – heureusement le travail au pôle logistique comme chez les espions l’avait formé aux formulaires de frais professionnels – dans un breuvage a priori sans alcool mais à la teinte douteuse, il se glissa sur l’un des rares tabourets tenant dans l’espace exigu et s’immisça aussi facilement dans la conversation renfrognée de deux hommes aux traits bourrus.
- … encore cinq personnes avant moi, et j’y ai passé la nuit ! T’as vu mon doigt ? J’aurais mieux fait de l’apporter au boucher pour c’qu’il va en rester si je passe pas avant le déjeuner.
- C’était combien en prio ? Avec Sylvaine on a pu y mettre la grand-mère, mais pas assez pour des accompagnateurs. M’enfin la jeunette là, Leena, nous a dit entre deux portes que d’ici quelques heures elle devrait être sortie.
- Attends, avec la saison qu’a été mauvaise on se serre la ceinture nous. J’vais pas aller claquer les rares cristaux qu’il nous reste là-dedans. Si j’étais sûr des soins au moins… Parait qu’à la Capitale ils ont mis un hôpital. Ca doit pas être la même qu’ici ! Et toi, t’es là pour quoi ?
- Une réaction étrange sur la peau. Une plante, je crois. Ou p’tet un début de gale. J’ai dormi dans des endroits pas chers. C’est fou c’que ça gratte !
Les yeux de son vis-à-vis s’écarquillèrent et les deux hommes eurent un mouvement de recul.
- Hé traine pas trop avec ça !
- Traine pas, même ! C’est hyper contagieux non ? Mon frère l’a eu après avoir hébergé des frères de Lucy de passage, et toute sa famille l’a choppé ! C’était l’enfer. Si t’as un fond de cristaux essaie de passer en prio.
- A c’point là ?
- A c’point là, ouais. Vas-y là, et dis bien à l’accueil qu’tu as les moyens de passer prio. T’as les moyens de passer prio ? T’as les moyens de passer prio. … J’vais voir pour qu’on sorte la grand-mère maintenant parce que ça, heu, doit aller.
- Ouais, et j’vais vérifier qu’Hubert tient toujours ma place. M’enfin ptet que je repasserai demain. A cause de, heu, j’ai des choses à faire aujourd’hui.
Adressant un signe négligent de la main à ses camarades de boisson qui prenaient la poudre d’escampette en lui jetant des regards inquiets par-dessus leur épaule, Calixte reposa son verre – auquel il avait à peine touché par peur de vraiment tomber malade – et compta quelques secondes avant d’aviser les toilettes comme propre porte de sortie. Avec un peu de chance la rumeur de l’arrivée d’une maladie contagieuse suffirait à déserter une partie du dispensaire côté patients, et faciliterait l’action de ses camarades.
Usant de sa fusion pour traverser les murs des sanitaires, ralliant d’un pas discret l’une des ailes du bâtiment, le coursier se glissa prudemment à l’intérieur à l’aide de son pouvoir. Pour se rendre compte, assez rapidement, qu’il avait pénétré dans l’aile défavorisée. Hésitant quelques secondes sur la suite de ses actions, il choisit finalement de se couler à l’intérieur d’une bille et de se laisser véhiculer par Vreneli. En dépit de la vétusté des lieux, les lueurs matinales traversant les vitraux crasseux couplées aux cristaux de lumière encore en place rendaient le petit teisheba relativement furtif. Et puis, certainement ne pouvait-il pas se montrer « trop bon » en infiltration.
Ils croisèrent quelques salles individuelles et une pièce commune où une poignée de patients paraissait autant dans l’expectative que dans la salle d’attente de l’entrée, avant de voleter au-dessus de la tête d’un duo en blouse blanche. Ou, tout du moins, initialement blanche.
- … fait quoi pour l’brancard trois ?
- Salle commune. File-lui comme les autres, les pilules rouges.
- T’sûr ? L’était vraiment pas fraiche. J’cru qu’elle allait m’gerber sur les pieds. Ou m’chier d’sus. T’crois pas qu’faudrait un vrai médic ?
- Si elle paie pas pour la prio, pas d’toubib ! Pilules rouges comme les autres !
- Son mec a fait une avance, m’pas autant… ‘tin ça f’rait chier qu’elle clamse quand même. L’bosse a dit d’rester discret. T’es sûr pour les pilules ?
- … va lui faire payer les options, là. Et oublie pas celle du conjoint présent. J’vais voir qu’on la mette coté Palais. J’crois qu’y avait des départs précipités quand j’en suis parti y a quelques minutes. Les docs ont ptet enfin compris que s’ils voulaient pas que leurs familles douillent fallait accélérer la cadence !
Les deux hommes se séparèrent et Vreneli poursuivit son tour de l’aile défavorisée. A l’occasion d’une salle de désinfection désaffectée et déserte, Calixte défusionna et attrapa son cristal de communication pour faire un premier rapport à Valentino.
Sur le chemin, je sens que Reyes doute encore. En même temps, s'il voulait bien arrêter de gigoter cinq minutes sur son cheval et juste se tenir droit, ce serait pas mal. Le pire, c'est que je suis certaine que si je n'étais pas là, il saurait très bien se débrouiller seul. Mais comme je suis présente avec lui, il ne peut s'empêcher de s'en remettre à moi. Parce que je suis la première à l'avoir formée à sa sortie de l'académie quand j'étais encore Sentinelle ? Probablement.
Sauf que c'était il y a cinq ans maintenant. Et ça en fait trois qu'il a rejoint les cuirassiers. Mais il manque encore de confiance, alors qu'il a tout pour réussir.
"Ça aurait été plus simple que ce soit toi qui gère cette mission au niveau de la royale."
Peut être, mais Arthorias en a décidé autrement. Et cela me va très bien. Pour une fois que je suis en mission loin de la capitale, je n'ai pas envie de me creuser sans cesse la tête avec des plans plus ou moins farfelus pour gérer la mission, je laisse cela à d'autres.
Alors durant ce nouveau trajet, je me contente une nouvelle fois de regarder le paysage mais aussi d'écouter d'une oreille distraite la conversation entre Marty et Tifaine, ponctuée de quelques interventions de Reyes.
Et finalement, le fameux dispensaire apparait devant nos yeux. Et si nous pouvons le voir, il va sans dire que ceux chargés de la sécurité extérieur peuvent soudainement voir un groupe de types en armures et à cheval se diriger vers eux, créant alors une certaine agitation.
Sans doute se demande-t-il qui nous sommes. Aventurier ? Chevalier ? Ou Gardes ? Mais ces armures là, ne sont-elles pas connus ? Ah si, elles le sont. Mais alors, la garde royale ? Carrément ? Et que font-ils ici ? Et pourquoi ?
Ce n'est pas difficile de deviner leurs pensées, même de loin : des gens se rassemblent, va et viennent, ramènent d'autres gens... Et finalement, quand nous arrivons enfin devant, nous sommes accueilli par un administratif qui semble assez richement vêtu pour nous faire dire que ce doit être lui le responsable de l'établissement.
- Bien le bonjour à vous, gardes royaux.
L'homme d'une cinquantaine d'années nous dévisage tous un par un, nous détaillant des pieds à la tête tandis que nous restons tous les quatre impassible en mettant pieds à terre.
- L'un de vous aurait-il besoin de soin ? Soyez assuré que nous serons ravis de vous traiter de la meilleure manière qui soit.
Sa voix est soudainement bien moins assurée. A nous voir en parfaite santé, lui même n'y croit pas mais ça ne l'empêche pas de se raccrocher tout de même à cet espoir. Et pendant que Reyes lui répond, je jette mon regard au travers des portes ouvertes qui mènent sur l'entrée de l'établissement, et du peu que je vois, je peux déjà noter que c'est le chaos à l'intérieur... Sans doute au vue de se préparer au mieux à une inspection surprise.
- Bonjour à vous... Monsieur ?
- Colin.
- Monsieur Colin. Merci pour votre proposition mais nous sommes tous en forme. Nous avons été envoyé ici car notre commanditaire s'inquiète de la réputation décroissante de votre établissement.
- Ah ? Vrai-vraiment ? Je. Je puis vous assurer que ces rumeurs ne sont que pures calomnies !
- Je veux bien vous croire mais il est de notre devoir de vérifier par nous même.
- Cela n'est vraiment pas nécessaire, je vous assure.
- Seriez vous entrain de refuser une inspection de routine ?
- De routine ? Depuis quand les inspections font-elles partis des prérogatives de la Garde Royale ?!
- Vous savez, nous ne sommes que de simples soldats au service du peuple et de sa majesté. On nous ordonne, nous exécutons. Mais vous vous doutez bien que si une telle tâche est arrivée jusqu'à nous, c'est qu'elle ne vient pas de n'importe où.
Cette fois, le directeur ne répond plus rien tandis que je jette un petit regard en coin presque moqueur à Reyes qui bien évidemment ne le voit pas. Mais comme quoi, quand il veut, il peut tout a fait se débrouiller seul.
Les deux hommes se dévisagent ainsi de longues secondes, Reyes restant tout à fait courtois tandis que Colin a gagné quelques teintes de rouge et une petite veine palpitant sur son front. Il veut très certainement gagner un maximum de temps, je n'ose imaginer ce qu'il se passe actuellement à l'intérieur, mais j'imagine bien que le niveau de panique à du monter d'un cran.
Puis finalement, sachant pertinemment qu'il n'a pas vraiment le choix, notre hôte baisse enfin ses défenses.
- Bien. Alors dans ce cas, laissez moi vous prouver que vous êtes venu pour rien. Je vous invite à me suivre jusqu'à mon bureau ou je pourrais vous montrer que toute la paperasse administrative est en règle et qu'il n'y a rien qui valent la peine de s'inquiéter dans nos pratiques.
C'est évidement que c'est un nouveau moyen de gagner du temps, il y a même fort à parier qu'il va commencer par nous prouver que tout son personnel est qualifié et capable, en plus d'être parfaitement rémunérer. Des broutilles pour endormir notre vigilance, cela va de soit.
Mais comme nous ne sommes que la face visible de l'iceberg, et que notre principale mission est de faire diversion pour trouver des preuves incriminantes, autant les laisser croire qu'ils tiennent parfaitement les rennes de cette affaire.
Alors sans surprise, Reyes accepte et nous nous dirigeons sans histoire là où Colin nous guide. Aux autres de faire leur part maintenant.
Nous nous séparons, le but c'est de ne pas se faire repérer, pas avant l'arrivée de la royale sur place en tout cas! J'espère juste que je peux compter sur eux, sans aucune animosité on va pas se mentir, pour l'heure le responsable de ce petit groupe ne me fait pas une très forte impression. Pas assez de gueule et trop d'hésitation selon moi, pas vraiment le genre de gars que j'imagine érigé en leader mais bon, j'suppose que c'est un autre système? J'donne mes consignes à Meyers et Petersen qui se marre légèrement. "Oui Lieutenant, on est certain que vous allez rester sagement dehors!" J'dois avouer que j'y crois pas trop non plus, pas vraiment mon genre de rester hors de l'action et puis, faut aussi que je m'assure que tout aille bien pour Ayah et Calixte. La médecin est avec Thomas donc ça devrait bien aller mais Cal'? Mon ami n'a pas forcément l'habitude de ce genre de mission, certes il a participé à l'arrestation de la furie rouge - un exploit en réalité vu la réputation de l'ancienne aventurière - mais ça ne veut pas dire que je désire l'exploser à des risques inutiles ou inconsidéré. La direction d'une opération ça vient aussi avec cela, hors de question de voir un homme se faire abattre sous mes directives et, malheureusement, on ignore de quoi sont capables ces hommes...
Soudain, il y a du mouvement, de l'agitation même : des gens quittent le dispensaire comme s'ils avaient un Fenrir aux trousses et, vu leur dégaine, ce ne sont clairement pas des membres du personnel. Des patients? Qu'est-ce qui se passe exactement? J'aime pas ça, est-ce que mon équipe va bien? Est-ce qu'ils se sont fait repéré et que des combats ont commencé? Je dois en avoir le coeur net! Descendant de ma monture, je lui flatte l'encolure. "Reste ici Amarok, je reviens vite." Mais alors que je m'apprête à me diriger vers le bâtiment, voici que Calixte me fait son premier rapport ce qui m'arrache un léger rire. "Bien reçu! Essaie de trouver le directeur du bâtiment, d'après nos informations c'est lui qui a demandé de l'aide à Dame Weiss par lettre." Au moins tout va bien, un regard vers l'entrée : la royale entre en place et... Qui est ce mec qui les accueille? Il est temps de faire aussi une petite inspection et pour cela, mon pouvoir est on ne peut plus utile! La transformation est rapide, je deviens un scorpion de quelques centimètre à peine et me déplace rapidement pour m'approcher, couvert par l'herbe haute qui m'offre une invisibilité pratiquement totale... Je n'entend que quelques brides de la conversation entre Reyes et cet homme mais une chose est certaine : il se fait passé pour quelqu'un qu'il n'est pas! Alors que la royale le suit, j'hésite un instant... Je pourrais prévenir Calixte mais sans savoir où il se trouve l'utilisation du cristal de communication semble périlleuse. Pas le choix, ça va faire plaisir à Petersen, faut que j'entre dans le bâtiment pour trouver mon ami ou, mieux, le véritable directeur de l'établissement : un jeune médecin plein d'espoir et d'envie d'aider les autres et non pas ce vieil homme visiblement intéressé uniquement par les richesse qu'il affiche tel un trophée. Espérons juste que tout ira bien et que Calixte ne tombera pas nez à nez avec le petit groupe de la royale en cherchant le directeur.
Ayah hocha légèrement la tête en le regardant pour lui signifier qu’elle avait bien entendu. Toujours couchée sur le brancard, tournant le dos à l’entrée, elle prit le risque de se retourner pour mieux voir ce qu’il se passait.
La délégation de la garde royale était arrivée et était actuellement reçue par ce qui semblait tenir lieu de « Directeur » des lieux… Le vrai directeur ou l’imposteur ? Cela restait à définir : il était nerveux, mais il pouvait l’être pour diverses raisons dans les deux cas.
Autre élément inexplicable : une grande partie de la patientèle du dispensaire avait disparue. Diverses personnes avaient pris un départ précipité, une mine inquiète sur le visage.
« Les gens quittent le dispensaire… Que se passe-t-il ? » Murmura-t-elle à l’adresse de Thomas.
« Aucune idée… » Il leva les yeux. « Quelqu’un vient. »
« Quel est votre budget ? »
« Pardon ? »
« Votre budget. Si t’as pas d’argent, t’es pas malade. »
« Oh ! Oui, bien sûr… J’ai assez pour les meilleurs soins. Faut la tirer d’affaire. » Il prit une mine faussement inquiète en baissant les yeux vers Ayah, qui tentait tant bien que mal de mimer une douleur abdominale. « Dites, les gens sortent vite du dispensaire. Vos médecins ont l’air plutôt performants. Est-ce que vous pouvez la prendre en charge assez vite ? Elle m’inquiète vraiment là. »
« Évidemment, ce centre est parmi les meilleurs. » Il fit mine de regarder ce qui semblait lui tenir lieu de carnet de rendez-vous. « Pour 100 cristaux on lui file des médicaments, pour 200 le résultat est garanti. On la garde avec nous, si vous voulez venir ajoutez 100 de plus. »
« Tu t’fous d’ma… Ahem… Je veux dire. Oualala. J’espère que ces prix sont à la hauteur de la prestation… »
« C’est le prix de l’excellence, sinon tu peux la laisser crever, ça c’est gratuit. En revanche va falloir dégager si c’est l’option que vous choisissez. »
Ayah n’en croyait pas ses oreilles, ce type était vraiment en train de faire du chantage sur sa vie ? Heureusement qu’elle n’était pas réellement malade… Son regard azur croisa celui du garde, et elle put lire assez distinctement dans ses yeux de douces attentions du registre de * Oh putain j’vais m’le faire.*.
Une mine indéchiffrable passa sur les traits du soldat, une petite veine saillait sur son cou : les propos étaient vraiment scandaleux.
« Hmf… Je n’ai pas le choix on dirait. J’veux le médicament garanti pour 200 cristaux, et je veux aussi l’accompagner. »
« 300 cristaux si tu l’accompagne. »
« 200 et 50 directement dans ta poche. »
« Vendu. »
Les choses devenaient vraiment ridicules, et cela révoltait intérieurement la médecin qu’elle était. Ce genre de négociation était-il vraiment monnaie courante ici ? C’était vraiment choquant, comment pouvait-il marchander la vie humaine ainsi. Elle sentit son brancard se mettre en mouvement avant de s’arrêter brusquement avant de repartir.
« Par contre t’es mignon mais c’est moi qui pousse. » Le naturel revenait au galop, la jeune femme pria pour que leur interlocuteur ne se braque pas.
« Grand bien vous fasse. Suivez-moi. »
Après s’être assurée que ce qui semblait être un infirmier, ou un commercial, ouvrait la marche devant eux, Ayah chercha le regard de Thomas et put le croiser : il se pencha vers elle.
« T’as vu ce foutu nodocéphale de mes deux ? »
« Oui… »
« J’lui imprimerais bien ma semelle sur l’cul. »
« Du calme… Quelle est la suite des opérations ? Ils risquent de se rendre compte de quelque chose. »
« Gagner du temps pour le bon vieux Cal’ et mener l’enquête. »
« Je crois qu’on en a vu assez… »
« J’suis bien d’accord avec toi… Bon, on garde la couverture et on reste en renfort si l’inspection se passe mal… »
« Compris. »
Ils cessèrent de converser et Thomas se redressa, quelques instants plus tard le brancard s’immobilisa dans un couloir peu fréquenté dans ce qui semblait être l’aile des soins intensifs.
Leur interlocuteur ouvrit la porte, une autre voix se fit entendre :
« Je vous ai déjà dit de ne pas ouvrir la porte comme ça ! Ne voyez-vous pas que je suis occupé ? »
« Changement de prio. Tu laisses ce patient et tu prends celle-là. »
« Mais enfin, je suis en pleine opération. »
« Pas mon problème, sa famille s’est barrée, tu diras qu’il y a eu un accident, ils n’ont pas payé pour la garantie. »
« Vous voulez vraiment avoir la mort d’un homme sur la conscience ? »
« Je dormirai très bien cette nuit. » Le bruit caractéristique d’une petite lame tirée de son fourreau se fit entendre et Ayah se raidit. La tête que tirait Thomas passa par plusieurs expressions. « Grouille toi, le temps c’est de l’argent. »
« Inconscient ! Je ne peux pas faire ça. »
« Tu commences à me les briser, le toubib. Tu dégage ce type et fissa ! Sinon j… » *BONK*
Ayah et le médecin levèrent vers Thomas un regard incrédule : il s'était muni d'une plaque de métal servant à porter des médicament et l'avait envoyé directement dans la tempe du bandit avec un beau déhanché. L’envoyant directement au pays des rêves.
« Rah… Qu’est ce que ça fait du bien ! »
« Qu’est-ce que tu fabriques ? » Elle était interdite et c’était sans compter sur le médecin civil.
« Désolé, ça allait vraiment trop loin là. »
« Il faut se replier... »
« Vous… Qui êtes-vous ? »
Au vu de ses réactions précédentes, ils étaient à peu près sûrs que cet homme, relativement jeune, ne faisait pas partie du gang. Thomas prit donc le parti de ne pas passer par quatre chemins.
« On est de la garde. On vient mettre un peu d’ordre dans tout ce bordel. »
« Par Lucy… Vous arrivez à temps… Comme vous le voyez les choses deviennent critiques. Oh, entrez, ne restez pas ici, ils patrouillent régulièrement ! »
Ayah se redressa et vérifia l’état du bandit, assommé :
« On devrait le ligoter, il pourrait revenir à lui à tout moment. »
« J’m’occupe de ce sac à patate puant. Vous avez du boulot, non ? »
Ils entrèrent dans la salle des soins et refermèrent la porte derrière eux, Thomas s’occupa du corps inerte du criminel et se chargea de le cacher derrière un rideau, sur un lit de soin.
« Ils risquent de venir par ici pour le chercher… Je vous couvrirai, mais restez discret. »
« Si c’est un gars qu’on peut neutraliser fais nous signe et on s’en occupe… Si on peut commencer à nettoyer ce trou à rat on ne va pas se priver. » Fit Thomas, revenant vers eux. « De toutes façons on ne partira pas d’ici sans avoir fait le grand nettoyage. »
« Qu’est-ce qu’il a ? Je peux peut-être vous aider. Je suis aussi médecin. » Demanda la jeune femme, s’approchant prudemment du lit sur lequel se trouvait un homme inconscient : il semblait avoir une blessure ouverte sur le flanc droit.
« Je ne sais pas trop comment il s’est fait ça… Surement un outil agricole. »
« Je m’en occupe… Parlez-nous de ce qu’il se passe ici. »
La guérisseuse se mit à la tâche, priant pour ne pas être interrompu par une nouvelle intrusion. Il semblerait néanmoins que l’on puisse plus ou moins entendre les passages dans le couloir.
Des dires du médecin qui se présenta comme le véritable directeur : le chef de toute cette mascarade se ferait appeler Monsieur Colin : son affaire est plutôt bien ficelée et tout un scénario était préparé par avance en cas de visite des forces de l’ordre… Forcément, il y avait déjà des plaintes, et donc la petite bande organisée faisait en sorte de passer tous les contrôles.
« Si la garde royale est en train de faire une petite inspection il n’est pas impossible qu’ils passent par ici… Si ça arrive, allez vous cacher derrière les rideaux, j’espère qu’ils ne remarqueront rien… Concernant la bande… Ils sont une petite quinzaine je dirais… » Son regard était résolu. « Je ferai en sorte de leur faire comprendre que je suis en pleine opération, Colin ne devrait pas insister en présence de gardes royaux… »
« Reste à savoir comment on met le grappin dessus. »
« On n’a pas déjà suffisamment de preuves pour tous les arrêter ? »
« J’aimerais avoir l’aval du lieutenant avant de me lancer dans une grosse baston… On devrait éliminer leurs agents un par un au fur et à mesure qu’ils viennent ici… S’ils sont une quinzaine ça pourrait bien nous aider. »
Ayah était concentrée à refermer les blessures du patient en utilisant son don : son collègue médecin observait la scène avec soulagement.
« Qu’est-ce qu’on fait alors ? »
« On attend et on joue les marchands de sable. »
« Tu veux dire... Comme avec celui derrière le rideau ? ... »
« Huhuhu. On n’peut rien t’cacher. »
« Ne leur cause pas de traumatisme quand même. »
« J’vais m’gêner tiens. »
« Oui, ce n’est pas toi qui vas devoir les réparer après… »
« Tu marques un point. Rooh allez, c’est pour rire, j’suis pas si con. »
Ayah, Thomas et le vrai directeur du dispensaire étaient donc retranchés dans l’aile des soins intensifs : pas encore découvert, mais la situation est plutôt tendue. La jeune femme observait parfois d’un œil inquiet la porte, puis le criminel ligoté et bâillonné, toujours inconscient.
* J’espère que Calixte n’est pas en difficulté… * Songeait-elle sombrement, inquiète pour le coursier qui était livré à lui-même et qui valait deux vies…
Les autres, au moins, étaient en groupe : les choses allaient-elles dégénérer ?
Leurs recherches les firent passer par l’accueil où un chaos sans nom avait saisi les lieux. Des rumeurs, gonflant comme les voiles d’un bateau sous la brise enthousiaste, s’entremêlaient pour rebondir contre les murs carrelés de la pièce encore bondée et donnaient l’impression qu’il y avait là deux fois plus de monde pour les générer. Demandant à Vreneli de s’y arrêter un instant, Calixte repéra l’écho du soupçon de sa maladie infectieuse. Le murmure s’étendait de groupe en groupe, parfois négligemment balayé d’un revers de main, parfois accepté d’un haussement d’épaules résigné, parfois déstabilisant des esprits déjà affaiblis qui hésitaient alors sur la conduite à tenir, avant de parfois se lever d’un bond et prendre la poudre d’escampette. Le mensonge devenu croyance partageait cependant le devant de la scène avec la clameur surprise de l’arrivée de la Garde. Royale, même, paraissait-il. On n’avait guère l’habitude dans ces contrées reculées d’y avoir affaire, mais certainement l’éclat de leurs uniformes métalliques n’était-il pas celui de la Régulière. La curiosité, l’espoir et la méfiance tourbillonnaient là dans un joyeux maelstrom d’hésitation, agitant toujours plus chaque seconde passant la salle d’attente usuellement d’un calme soumis.
L’homme, richement vêtu, qui était sorti à la rencontre des quatre militaires sembla rapidement se rendre compte du potentiel désastreux de l’affaire et attira l’attention de ces derniers vers une porte annexe – après tout, il n’était pas très sage de faire déambuler les figures martiales au milieu des souffrants et des pestiférés, quelle que fût la raison de leur présence. Le temps de quelques secondes, l’ancien espion hésita. S’agissait-il là du directeur qu’il recherchait ? Mais si les étoffes coûteuses drapant son corps pouvaient dissimuler la grossièreté truande, elles ne faisaient rien pour effacer la tension agacée de celui-ci, et encore moins estomper les années visiblement en trop par rapport au descriptif précis qu’ils avaient reçu concernant le directeur officiel des lieux. Non, qui que fût cet homme, il n’était pas Florent Ecamp. Laissant là ses collègues qui suivaient l’usurpateur pour une visite guidée – et certainement étroitement contrôlée et censurée – débutant par un passage plus calme que l’entrée principale, Calixte indiqua à Vreneli de quitter la salle d’attente à l’accueil. Profitant d’un nouveau mouvement de panique comme il semblait que quelqu’un avait vu passer un scorpion – ou s’était fait piquer par un scorpion ? ou mordre par un rat ? ou chatouiller par un shalupin ? ou brûler par un feupagnol ? – et que les lieux se vidaient encore davantage malgré la curiosité avivée par la présence martiale, le duo se faufila vers l’aile favorisée en évitant de justesse un mouvement aveuglément affolé de serpillère cherchant à bouter le nuisible qui s’était soi-disant introduit dans la pièce.
L’atmosphère était véritablement différente entre les deux ailes du dispensaire, et le coursier accusa un moment de consternation au franc écart de moyens entre les deux. Distraitement, il se demanda quelles excuses tirerait bien de son chapeau l’homme qui avait pris en charge la Royale si jamais celle-ci devait trouver le chemin du secteur défavorisé. Le teisheba s’avança sans crainte dans la lumière des nombreux cristaux magiques, et ils effectuèrent ainsi un premier aller-retour pour mieux appréhender l’organisation de l’endroit. Il régnait là une ambiance tout aussi pesante que de l’autre côté, mais la possibilité de réelle prise en charge de la souffrance lardait celle-ci d’un espoir aux fondations solides que son homologue pauvre ne connaissait pas. Et comme la présence de la Garde semblait avoir pris de court tout le monde, c’était très clairement le bordel. Dans un concert de murmures inquiets et menaçants, hommes et femmes – soignants et malfrats – drapés de blouses blanches passaient de porte en porte en échangeant nouvelles consignes empressées, matériel à dissimuler ou à mettre en évidence, dossiers, brancards et patients. En échangeant de rôle, aussi, comme un couple de malandrins se glissait apparemment dans celui de souffrants vitrine.
- Porte à gauche, murmura Calixte à son familier comme ils reprenaient leurs recherches de manière plus minutieuse.
Mettre la main sur le directeur du dispensaire ne serait sans doute pas rapide, sauf s’ils avaient de la chance – mais le coursier ne comptait pas là-dessus car Lucy n’avait jamais lancé de bons dés pour son âme – et il gardait en tête l’idée de préparer les innocents de l’affaire à s’écarter du conflit lorsqu’il éclaterait, comme à trouver le support de preuves écrites, ou matérielles, qui étofferait leur rapport au terme de leur intervention. Déjà, il avait profité de quelques fusions/défusions discrètes pour capturer des images parlantes des ailes favorisée et défavorisée dans son livre mémoire, mais certainement pouvait-il faire mieux.
La petite pièce dans laquelle il se glissa était un entrepôt chiche reconverti en salle de pause. Et si Calixte l’avait repéré, c’était bien pour cette qualité. A l’intérieur, deux infirmiers observaient avec incrédulité une femme d’une trentaine d’années réorganiser le minuscule comptoir bordé de tabourets bancals.
- … stez là jusqu’à c’que j’revienne vous dire de bouger. V’là c’est mieux. Prenez un café, ou un thé, ou c’que vous putain de voulez mais oubliez pas d’sourire à leur passage.
- … mais on doit vraiment… ? j’dois retrouver Leena pour la prochaine inter…
- Ta gueule ! Tu prends ton putain de café, tu poses tes putains de fesses ici, et si les putains de Poulors fourrent leur nez ici vous souriez bêtement en disant que tout va bien, compris ? Et si l’un d’vous deux ne fait que changer un peu le putain de script, c’est vos enfants qu’on fait chanter derrière, c’est clair ?
La femme quitta la pièce en retenant tout juste le fracas d’une porte qui claque avec hargne sous le regard résigné des deux soignants.
- Tu crois que… ?
- Déconne pas, Basil. J’joue pas ma fille moi. Pense à tes fils !
- C’est l’moment où jamais ! C’est peut-être un hasard, ou pas, mais faut qu’on en profite !
- Alors, précisément, intervint Calixte depuis les hauteurs de sa bille portée par Vreneli.
L’exclamation de surprise des deux hommes fut certainement audible depuis le couloir principal de l’aile, mais dans l’agitation décontenancée du moment personne ne sembla la relever. Aussi, une fois certain qu’aucun malfrat ne viendrait leur rendre visite, le coursier défusionna de son abri pour montrer sa médaille de garde et expliquer aux soignants ce qui allait se jouer. Et comment ils pourraient, peu à peu, de leur côté, prévenir leurs collègues et s’organiser pour rester en dehors du conflit. Eux et leurs patients. Quand ce fut chose faite, il quitta le duo – nouvellement fort de l’objectif qu’il leur avait donné et de l’espoir d’un horizon plus clair – et se remit en quête de Florent Ecamp. Un peu plus loin, le panneau « soins intensifs » attira son attention. N’était-ce pas un bon endroit pour assigner la tête officielles de l’établissement ?
- Oui, bien sûr, mais ce n'était que les dossiers de l'entretiens de vos outils.
- Il est vrai oui. Si vous devez épluchez toute la paperasse de cet endroit, vous en aurez pour un sacré moment... Puis-je vous proposer un thé ou un café à vous et votre équipe ?
Et sans même que Reyes ai le temps de lui répondre, Colin fait les gros yeux à l'une des assistantes présente avec nous et l'envoie d'un simple mouvement de tête chercher de quoi nous tenir ici un moment.
Reyes quant à lui , bien assis dans une chaise continue de feuilleter tous les papiers qu'on lui présente tout en faisant mine de tout comprendre... A moins peut être qu'il soit plus doué que moi pour vérifier ce genre d'information ? Qui sait... Cela dit, au petit regard qu'il me jette en coin, je crois deviner que non. Après, est ce un mal ? De toute façon, dans ce plan, nous ne sommes ici que pour faire diversion et même si trouver de nouvelles preuves de l'illégalités des pratiques seraient un plus, je ne pense pas qu'on nous en veuille si on ne rapporte rien de probant.
Cela dit, histoire d'augmenter encore un peu plus l'angoisse qui règne dans ce lieu depuis qu'on y est, je suppose qu'il y a un moyen assez simple.
- Reyes, j'ai peur que tu en ais pour un moment ici et nous n'avons qu'une journée pour terminer cette inspection. Peut être devrions nous nous répartir les tâches ? Après tout, nous devons aussi vérifier tous les locaux.
Et tandis que mes mots provoquent un étrange silence l'espace de quelques secondes, nous pouvons voir Monsieur Colin faire de très gros effort pour cacher sa contrariété, toussant un moment dans son mouchoir et ruminant des paroles plus ou moins incompréhensibles de désaccord avant de se faire couper l'herbe sous le pieds par le cuirassier.
- Tu as raison. C'est un grand établissement et nous sommes quatre, autant en profiter et espérer pouvoir rentrer à la capitale pour le dîner. Et puis je suis certain que Monsieur Colin sera d'accord pour permettre à cette inspection de finir le plus tôt possible. Après tout, nous savons tous à quel point ce genre de chose peut être stressante...
- Hé bien, keuf, keuf... C'est à dire que... Vous savez, pendant que vous êtes là le dispensaire continue de fonctionner et... Le personnel a d'autres priorités que de devoir s'occuper de vous...
- Oh, si ce n'est que ça, je suppose que nous pouvons simplement nous balader un peu partout et noter nos questions qu'on ne manquera pas de vous poser à notre retour...
Cette fois, Colin devient vraiment blême, l'idée ne lui plaisant pas du tout.
- Non... Tout de même, ce serait mettre la vie de nos patients en danger... Imaginez que vous vous perdiez dans une salle d'opération... Non voyons, ce ne serait vraiment pas raisonnable...
- Et ces gens avec nous, ne peuvent-ils pas leur faire visiter les lieux ? Du moins dès que votre assistance sera revenue... Ils seront alors trois, un pour chacun de mes collègues.
- Ah... Mais euh... C'est que...
Le regard de Colin se pose tout particulièrement sur ce qui semble être un médecin d'âge mûr, sans doute dans la quarantaine, le foudroyant du regard. Puis sur la jeune femme revient et c'est à elle de subit le regard courroucé du soit disant directeur.
- Cela nous ferait vraiment gagné un temps fou... Qui sait, peut être même que d'ici une heure, nous pourrions repartir ?
- Très bien. Finn, Robert et Joyce, je compte sur vous défendre au mieux la réputation de notre établissement. Après tous, nos vies à tous, ainsi que celles de nos familles dépendent de ce lieu, n'est ce pas ?
Ah bah on en est là, des menaces à peine déguisée par des métaphores... Bon bah d'accord. Enfin, si mon intuition est bonne, Joyce et Robert ne font clairement pas partie de la bande sous les ordres de Colin.
- Je vous invite à me suivre ?
Et évidemment moi, c'est de Finn dont j'écope.
- Je suis là pour ça.
Armée d'un calpin et d'un crayon, me voilà embarqué dans un tout nouveau genre de rôle pour moi...
Ayant échapper à la vigilance de l'homme d'entretien, je sors de ma cachette pour me remettre en route, malgré les risques inhérents à mon apparence et ma petite taille, hors de question de redevenir humain avant un petit moment. Faut avouer que même si je passe pas forcément inaperçu sur le carrelage blanc du dispensaire, c'est toujours plus subtile qu'un grand connard borgne d'un mètre quatre-vingt huit non? Profitant du passage d'un brancard pour me faufiler entre deux portes battantes, me voici dans l'une des deux ailes de l'hôpital : sale, pas particulièrement bien entretenue on ne va pas se mentir, de toute évidence ça doit être ici que l'on amène les quelques patients pauvres que l'on prend la peine de traiter... Plusieurs sales vides, pas réellement de mouvement si ce n'est derrière une porte, quelqu'un semble marcher rapidement vu les vibrations sur le sol. Personne d'autre cependant? Mes capacités arachnides ne détectent rien d'autre alors, retour à la forme humaine afin de pouvoir agir un peu plus librement. Je pousse doucement la porte pour jeter un oeil à l'intérieur.
Un médecin s'attèle à tenter de soigner un enfant malade, putain! Le gamin doit pas être bien plus vieux que Mélusine, c'est sérieux? Qu'est-ce qu'il fout dans une pièce aussi mal entretenue? "Courage petit, j'ai profité de l'agitation pour prendre des médicaments dans l'autre aile... Tu vas t'en sortir." "J'en conclu que vous êtes l'un des médecins honnêtes de l'établissement?" Un léger sursaut alors que l'homme se tourne, pointant sur moi un scalpel qu'il saisit sur le côté et je lève doucement les bras pour montrer que je ne viens pas avec de mauvaises intentions. "Du calmes doc, j'suis ici pour aider... Lieutenant Rivolti de la garde du grand port... Vous pouvez me dire ce qu'il se passe ici?" Dis-je en désignant ma plaque qu'il analyse un moment avant de baisser son arme visiblement nerveux. "J'ai cru que j'étais finis... Ces hommes. Ils sont arrivés il y a quelques lunes maintenant, décidant que vu l'absence de gardes dans les environs, ils pouvaient se servir des malades pour s'enrichir. Ils ont menacés nos familles, nos vies, nous obligeant à ne traiter que les patients qu'ils désignaient... Ce pauvre gamin, ils l'auraient laissé mourir parce que ses parents n'ont pas d'argent..." Ok, cette fois c'est trop! "Vous inquiétez pas Doc, j'vais m'assurer que ce genre de chose n'arrivent plus!" J'ai dis qu'Ayah allait pouvoir calmer Thomas... Quel dommage qu'il n'y ait personne pour me calmer moi... "Occupez-vous du gamin puis essayer de fuir avec lui si vous le pouvez, oh et Doc... Puis-je emprunter votre veste?"
Et me voici, déambulant dans les couloirs, vêtu d'une blouse blanche de toubib et cherchant un moyen de faire le plus dégâts le plus rapidement possible lorsque je vois la chevelure flamboyante de la membre de la garde royale accompagné d'un homme patibulaire, il convient d'être discret. "Qu'est-ce que vous faites ici? C'est réservé au personnel médical!" Ou pas! L'homme se tourne vers moi, surpris visiblement avant d'avancer d'un pas décidé. "Qu'est-ce que... Retournez vous occuper des patients, on ne voudrait pas que quelqu'un perde la vie à cause de votre absence en salle n'est-ce pas?" Encore un peu... Encore un peu... Parfait, le voici assez près! D'un mouvement rapide, je lui envois mon front dans le nez, frappant avec force et vélocité pour l'envoyer au tapis. Putain ça fait du bien! "Et un de moins! Lunarya, changement de programme! J'ai assez de preuves, on fait le ménage maintenant!" Dis-je comme si cela était parfaitement logique.
- C’est nous, indiqua donc, avec un temps de retard, le coursier depuis le refuge de sa bille de bois avant de défusionner.
- Désolé, réflexe, s’excusa son collègue en levant innocemment ses mains devant le teisheba qui l’observait d’un œil mauvais.
Un rapide regard à la ronde lui apprit qu’il ne s’était pas trop embourbé dans ses conjectures, puisque l’homme drapé d’une blouse de soignant à côté d’Ayah collait parfaitement bien à la description de Florent Ecamp, le jeune directeur du dispensaire.
- Bonjour, Calixte Alkh’eir, de la Garde, aussi, se présenta-t-il succinctement au médecin avant de reprendre sur le sujet qui les mobilisait présentement. Une grande partie des civils est en train de quitter les lieux, une rumeur de gale… fausse, ajouta-t-il comme le directeur commençait à ouvrir de grands yeux. Je veux dire : c’est moi qui l’ai lancée. Mais il reste encore quelques patients, et quelques curieux qui ont vu la Royale débarquer. Le personnel a été prévenu en partie de notre présence – pour sa part officieuse j’entends – et ce murmure-ci devrait rapidement se propager. Je leur ai demandé de s’organiser pour qu’il, et les souffrants, soient au minimum dans notre champ d’action. A voir comment ça va évoluer.
Homme dodo trace rouge front, interjeta Vreneli contre son esprit comme il patrouillait dans la petite pièce pour décharger une partie de son impatience.
L’ancien espion marqua une pause, son regard tomba sur la plaque que Thomas avait encore entre les mains, et il arqua un sourcil interrogateur à l’adresse d’Ayah qui paraissait bien plus innocemment sérieuse que le sourire plein de dents de son collègue.
- Pour ma part je vais essayer de récupérer les documents de gestion du dispensaire… et ceux de l’organisation truande, avant qu’ils n’aient l’idée de les dissimuler ou les détruire. Plus que des preuves, si on peut démanteler l’entièreté de leur réseau, c’est une opportunité à ne pas passer, poursuivit Calixte en cherchant à nouveau son cristal de communication pour faire le point avec Valentino.
Qui, visiblement, avait décidé de passer à l’action. Et qui, aux sons qui lui provenaient, avait retrouvé une partie de la Royale. La prunelle de ses yeux s’agrandissant comme son supérieur et ami lui indiquait qu’il partait pour un furieux ménage de printemps, le regard du coursier rebondit contre les silhouettes alentour comme les reliefs de la pièce, à la recherche d’un plan d’action à leur échelle. Ou, tout du moins, d’un plan d’action pour répondre au commandement de l’homme.
- Heu d’accord, à plus tard, conclut-il maladroitement comme la conversation se coupait. Y a-t-il un risque pour les patients si j’ouvre la fenêtre ? demanda-t-il abruptement à Florent Ecamp.
- C’est pas très hygiénique, mais on n’est plus à ça près. Mais que… ?
Traversant la pièce d’un pas preste, Calixte déverrouilla le panneau de verre pour le pousser en grand. Dans son élan mal contrôlé, celui-ci heurta avec violence le mur adjacent, se fissurant sur toute la hauteur de son carreau.
- Oups, grimaça-t-il comme Vreneli ricanait contre son esprit.
Ne s’y attardant cependant pas plus – assurément cet impair serait-il pris en charge par l’assurance de la Garde – il attrapa son sifflet de soldat et le rythme codifié du ralliement et d’assaut s’envola par-dessus la silhouette austère du dispensaire. L’un des points annexes avoué par Valentino, étant qu’il était bien évidemment parti s’aventurer seul dans ses entrailles.
Refermant tant bien que mal la fenêtre après deux échos supplémentaires pour indiquer à leurs collègues restés jusque-là dehors que le groupe passait ostensiblement à l’action, le coursier revint auprès d’Ayah et Thomas. Le faciès du directeur était ouvertement inquiet, et ses lèvres pincées dénotaient sa circonspection.
- Nos rapports mentionnaient une demi-douzaine de malfrats, mais en appréhendant les lieux j’ai eu l’impression qu’ils étaient plus que ça, commenta Calixte.
- Oui, acquiesça Florent Ecamp en fronçant davantage ses sourcils soucieux. Comme je disais à vos collègues : ils sont plutôt une petite quinzaine actuellement. Le groupe s’est agrandi depuis quelques jours. Je n’sais pas si c’est en raison du bénéfice toujours plus grand qu’ils font ici, au s’ils rassemblent leurs gens pour autre chose…
- On le saura bien assez vite, je pense, fit le coursier comme l’écho d’une agitation de plus en plus intense leur parvenait du couloir principal de l’aile favorisée. J’aimerai encore mettre la main sur les documents mentionnés plus tôt, à votre avis où puis-je les trouver ?
- Il y a l’ancien bureau administratif en sous-sol, derrière l’accueil principal, à côté des archives. Mais je crois qu’eux préféraient la salle du bout de cette aile-ci, la pharmacie, comme quartier général… Probablement plus près d’une issue pour décamper.
Hochant pensivement la tête tout en évaluant ses possibilités, Calixte riva son regard sur ses camarades.
- Pensez-vous avoir besoin de notre aide pour organiser ou évacuer les malades ?
- Je ne pense pas, répondit après un lapse de réflexion le directeur avant de remercier Ayah pour son aide.
- Alors je ne dis pas non à une escorte, même temporaire, pour aller jusqu’à la pharmacie, fit le coursier pour ses collègues.
Attaque ?
Oui, répondit-il dans un soupir d’anticipation pendant que son familier se réjouissait de la tournure des évènements.
Et laissant son sifflet à Florent Ecamp pour les appeler en cas de besoin, il se glissa entre Thomas et Ayah pour affronter le chaos grandissant du dispensaire.
Ayah restait auprès du civil et du patient toujours inconscient, observant d’un œil critique le soldat Thomas : campé à l’entrée de la porte.
Personne n’était venu depuis leur arrivée avec le criminel, toujours assommé et bâillonné dans un coin de la pièce. Les deux gardes ne savaient pas vraiment si la disparition du hors-la-loi allait provoquer des recherches ou non, et leurs nerfs étaient à fleur de peau.
Aussi, quand la porte s’ouvrit de nouveau sans crier gare : Thomas offrit un beau swing pour donner un grand coup de plateau en métal vers l’endroit où aurait dû se trouver la tête de l’intrus… Mais il n’en fut rien, et un claquement électrique furieux se fit entendre en réponse à son accueil.
« Mais qu’est-ce que… ! » Fit le militaire, très surpris, bondissant en arrière.
« C’est nous. »
« Calixte ? »
Tout aussi surprise que son partenaire, la guérisseuse ressentit néanmoins un grand soulagement quand elle reconnu Vreneli.
Non pas qu’elle pouvait l’identifier formellement, mais elle imaginait qu’il n’y avait pas trente-six teisheba parlant dans ce monde. D’autant plus que le coursier venait de reprendre sa forme normale et se présentait.
« On a dû le neutraliser… »
« Si ton petit compagnon électrique a besoin de se défouler n’hésite surtout pas ! » Il lança un regard prudent en direction du familier. « EH ! Ne me regarde pas comme ça, je ne pouvais pas savoir que ce serait vous ! »
« Donc le mouvement de foule provenait de toi… » Ayah observa pensivement le coursier, la mine grave. « C’était une bonne idée. Ces gens sont vraiment dangereux… Celui là avait un couteau de combat sur lui… » Fit-elle, lançant un léger signe de tête vers la silhouette immobile de leur ancien accompagnateur.
Calixte semblait plutôt intrigué par le plateau déformé que tenait fermement Thomas : rougi et déformé par le choc qu’il avait subi. Il lui lança un regard interrogateur auquel elle ne put répondre qu’à un haussement d’épaule résigné…
« Notre parole et celle des témoins ne seraient pas suffisantes ? Nous avons déjà vu et entendu tant de choses. »
Le coursier semblait farfouiller dans ses affaires pour trouver quelque chose.
« Ça ne marche pas comme ça, Ayah. » Le soldat avait retrouvé un air grave. « Pour qu’ils paient pour leurs crimes, et pour faire tomber le réseau, les magistrats auront besoin de plus que de simples paroles… Je sais, c’est con… Mais il y a la présomption d’innocence sur beaucoup de choses… Calixte à raison, si on veut les avoir, il va falloir la jouer fine. »
« Je comprends… Mais… » Elle hésita, mais ne termina pas sa phrase et se contenta d’observer le coursier tandis qu’il était en communication avec le lieutenant Rivolti.
Valentino était « passé à l’action » ?
Venant du capitaine de l’avant-garde, la médecin avait peu de doutes sur ce que cela pouvait bien signifier… Il ne ferait probablement pas dans la dentelle, mais après tout, il restait le chef des opérations. Il fallait lui faire confiance.
Une fenêtre brisée et quelques explications plus tard, le trio de garde cherchait un plan d’action pour la suite des évènements.
Leurs ennemis étaient probablement tous armés
Une partie du véritable personnel médical était au courant de leur présence, mais il n’était pas impossible que l’information remonte jusqu’aux ravisseurs. Une évacuation fortuite avait été enclenchée par une rumeur de gale lancée par le coursier. L’un des truands était assommé à leurs côtés, et une bonne partie de la bande devait être bien occupée par la présence des gardes royaux.
Il fallait agir : avec rapidité et précision.
Les intrus seraient rapidement identifiés dans leurs rangs, il fallait rester sur ses gardes.
Dans l’immédiat, le plan était plutôt tout tracé : se frayer un chemin pour rejoindre le quartier général des truands et sécuriser les preuves. Ayah était nerveuse, l’affrontement n’était pas bien loin et elle et Thomas avaient dû laisser leurs armes à leurs collègues pour assurer leur infiltration.
Heureusement… Il lui restait son hydromancie.
« Vous êtes sûr que ça ira ? »
« Pour lui ? Oui, il devrait être tiré d’affaire maintenant. Merci pour votre aide. »
« Et l’évacuation ? Vous pourriez être une cible de choix pour eux. »
« C’est un grand garçon, arrête de te faire du sang d’encre pour rien. Il a le sifflet de Calixte en cas de problème. »
« Ne vous en faites pas, je me débrouillerai, je compte bien remettre un peu d’ordre dans toute cette histoire… Il y a déjà eu assez de victimes… » Son visage se referma quelques peu à cette évocation.
*Quels sont les dégâts humains de toute cette affaire ? *
La bleue n’eut toutefois pas beaucoup de temps pour s’attarder sur ces considérations et le trio fut bien vite en marche. Calixte en tête, affublé de Thomas et d’elle-même.
« Nous sommes désarmés. » Commença-t-elle, sourcils froncés, échangeant un rapide coup d’œil avec Thomas. « Mais je peux utiliser quelques techniques apprises dernièrement. N’hésite pas à utiliser la fusion, Calixte. »
« S’ils sont tous du même acabit que l’autre tanche, ça ne devrait pas poser trop de soucis. »
« Tu l’as quand même pris par surprise… »
« Quoi ? Tu vas te mettre à compter les points maintenant ? »
« Oh, loin de moi cette idée. » Elle s’autorisa un instant un léger sourire amusé avant de reprendre son air sérieux. « Je dis simplement que nous ne devrions pas les sous-estimer. »
« Au pire, on n’est pas loin des urgences ! Mouarf mouarf ! »
« ... »
« ... Je me suis pas renseigné pour la distance jusqu’au cimetière par contre… »
Ayah ne put réprimer un soupir, mais elle reporta son attention vers Calixte, qui ouvrait la marche. Elle l’observa quelques instants, essayant de déterminer si quelque chose lui était arrivé, mais il semblait bien que non.
« On commence par la pharmacie avant de se rendre au bureau administratif alors ? » Elle posa une main amicale sur son épaule. « Tu sais comment t’y rendre ? Le bâtiment semble plus complexe que l’aile médicale de Grand Port… Ou alors c’est une question d’habitude. »
Ils dépassèrent un embranchement, un trio de personnes discutaient dans le couloir perpendiculaire au leur : la conversation mourut dès qu’ils les virent.
Mais Calixte sembla continuer résolument son chemin, et sembla même presser le pas.
Ayah essaya de suivre leur mouvement du coin de l’œil : elle avait un mauvais pressentiment.
Ils marchèrent encore une dizaine de mètres quand elle regarda par-dessus son épaule.
Les personnes qu’elle avait vu dans le couloir ne parlaient plus entre elles et les suivaient à une bonne distance : deux hommes et une femme. Ils semblaient farfouiller dans leurs poches à la recherche de quelque chose… La guérisseuse crut voir une lame étinceler un instant.
« Thomas… Cal… » Appela t-elle doucement.
Elle s’interrompit brusquement quand le bras de Thomas l’empêcha de faire un pas de plus. Calixte s’était lui aussi figé : un duo de gaillard marchait vers eux. Les deux portaient des espèces de matraque qu’ils ne cachaient pas.
« Une embuscade. » Grommela Thomas. « Je crois que les rumeurs ont tourné un peu trop vite. »
« Vous allez bien gentiment déposer les armes et vous rendre. » Lança l’un des truands du duo face à eux.
« Où-est-ce que tu vois une arme, ducon ? Pas besoin de ça pour te redescendre sur le plancher des vaches. »
Ayah se mit dos à ses partenaires, observant avec prudence le trio derrière eux.
« Ils ont des poignards. » Fit-elle à l’adresse de ses partenaires, nerveuse mais sûre sur ses appuis, il était temps de mettre à profit leurs entraînements dans la Garde.
« Ducon ? Eh ! T’as bien une grande gueule pour un type fichu comme un rat. » Il ricana. « On va voir dans cinq minutes qui est le con dans l’histoire. Puis ce ne sont pas tes partenaires qui vont t’aider. Non mais, regardez-moi ces brindilles. »
« Ta gueule Billy. Bon, si vous ne faites pas de vagues on ne vous fera pas de mal. Juré craché ! On est d’honnêtes marchands après tout, si vous nous laissez tranquilles il n’y a pas de raison que ça dégénère hein ? »
« Aucune raison ouais… » Mais l’expression de son visage ne semblait pas des plus rassurantes.
Tendue, la bleue resta sur ses gardes : la situation était compliquée.
Ils étaient trois contre cinq, et si Thomas avait de bonnes qualités en tant que combattant : Ayah demeurait une médecin et Calixte un coursier.
Bien sûr, ils étaient tous les deux entraînés, mais désarmés et en infériorité numérique, les choses allaient se corser.
« On va avoir besoin de renforts. » Fit la jeune femme, ne répondant pas à leurs adversaires, leur adressant un regard de défi et commençant néanmoins à rassembler son énergie pour utiliser de nouvelles techniques d’hydromancie.
Leurs adversaires s’approchèrent un peu trop proche à son goût : d’un geste avec son bras, elle entreprit d’extraire une petite sphère d’eau de sa personne et la condensa avant de l’envoyer s’écraser aux pieds de son adversaire le plus proche, qui s’arrêta net.
« Désarmé, mais pas sans ressource. » Siffla-t-elle en soutenant son regard, tentant de l’intimider. « N’approchez pas. »
L’impact de son petit orbe d’eau, utilisé comme un avertissement, laissa au sol une belle marque : comme si une pierre avait percuté le sol. Néanmoins… Il en faudrait sûrement plus pour décourager leurs opposants. La situation devenait très préoccupante.
- Euh, d'accord.
Par rapport au calme que je connais de mon propre supérieur, je suis assez surprise par le sang chaud du responsable de cette opération. Mais, est-ce un mal ? Non, certainement pas. Alors détachant le bouclier de mon dos, je le passe à mon bras pour pouvoir me défendre uniquement grâce à lui pour le moment. Après tout, je ne suis pas certaines que ces gens soient armés et je ne compte pas faire de blessé inutile. Donc rien ne vaudra un bon coup de bouclier dans la tête.
Et si les choses s'envenime, au pire, mon épée est prête à être dégainée.
- Par contre, on ferait mieux de l'attacher quelque part histoire qu'il ne nous gêne pas quand il se réveillera.
Et si tôt dit, j'attrape une jambe du pauvre Finn et commence à le tirer derrière nous tandis qu'on avance au travers des couloirs à la recherche d'une pièce sécurisé. Chose qu'on ne trouve pas avant l'appelle du fameux Calixte qui fait son rapport. Il a donc retrouvé le véritable directeur et nos deux infiltrés. Bon, je suppose que c'est plutôt bien. Et tandis que j'écoute la conversation d'une oreille, je j'ouvre une des portes et trouve de quoi ligoter le boulet que je traine à une chaise grâce aux rideaux qui séparent les deux lits du box.
Espérons que ce soit suffisant. Au pire, on lui fera regretter de nouveau de nous recroiser, tous membres de la garde confondu.
Et une fois la communication et ma propre affaire terminée, je me tourne à nouveau vers le lieutenant.
- Si on part dans l'optique de faire le ménage, autant commencer par celui qui est le mieux placé pour être à la tête de toute cette histoire, ou au moins dans le dispensaire. Et il y a fort à parier que ce soit celui qui se fasse passer pour le directeur de l'établissement.
Alias Monsieur Colin. Bon, j'espère juste avoir suffisamment bien mémoriser le chemin pour me souvenir d'où je suis passé. Mais la dessus, je peux au moins me reposer sur mon mist esprit qui me sert de mémoire secondaire à défaut de pouvoir avoir une quelconque autre utilité.
"Demi tour donc, puis tu prends à droite."
- Je sors tout juste de son bureau, venez, c'est part là.
Sous les indications d'Haku que je suis la seule à entendre, je prends la place du guide et montre le chemin au travers de l'aile rénovée de l'établissement.
"A droite j'ai dis..."
Demi tour... Oui, je guide presque bien.
Et sur le chemin, je croise Tifaine qui est seule alors qu'elle était partie avec la jeune secrétaire.
- Tiens, un soucis ?
- Du tout, elle s'est rapidement confiée sur la situation et je lui ai dit de s'enfuir avant que les choses s'envenime ici. Mais je suppose que si le lieutenant est là, c'est que ça a déjà commencé ?
- Yep, on retourne justement dire deux mots à Colin.
- Dans ce cas, je vais voir si je retrouve Marty et si on ne peut pas aider à évacuer ailleurs.
Et immédiatement, la voltigeuse dégaine son épée à défaut d'avoir un bouclier avant de nous laisser pour aller parcourir les autres lieux du dispensaire tandis que nous nous contentons d'hocher la tête pour la laisser faire.
Puis, cinq minutes plus tard, nous arrivons enfin devant le fameux bureau où la porte a été laissé ouverte et où Monsieur Colin bouge nerveusement ses mains tandis que Reyes continue d'éplucher les dossiers en faisant de son mieux pour tâcher de rester concentré. Mais force est de constaté que c'est une chose plutôt complexe pour lui. Si bien que dès l'instant où on apparait dans l'encadrure de la porte, il lève les yeux et comprend immédiatement de quoi il en retourne.
- C'est pas trop tôt.
Le cuirassier se relève alors tandis que nous avançons tous dans la pièce sous le regard médusé du faux directement.
- Monsieur Colin, vous êtes en état d'arrestation.
- Qu... Pardon ?! Et pour quel motif ?
- Détournement de fond, refus de soin, abus de pouvoir, menace, maltraitance... On continue ou c'est suffisant ?
- Allons, soyez raisonnable et rendez vous docilement. Nous préférerions éviter que tout cela finisse en bain de sang.
Le visage de Monsieur Colin passe au rouge. Un rouge vif, presque anormale. Clairement, il ne semble pas prêt de vouloir coopérer. A telle point que ma main se referme sur la garde de mon épée cachée derrière mon bouclier. Au moindre geste suspect, je suis clairement prête à intervenir.
Mais pour l'heure, l'homme qui nous fait face reste silencieux tandis qu'une autre personne vient soudainement nous rejoindre. Sous le bruit des pas, je fais volte face. Et cette distraction suffit à Colin pour enflammer ses papiers et son bureau de ses mains. Son pouvoir ? Très probable. Et en moins d'une seconde, ce qui semblait être une situation tout à fait gérable pour nous semble prendre une ampleur énorme.
Le feu se propage, grandit à une vitesse folle et que je sache, aucun de nous n'a de quoi l'arrêter. Et étrangement vif, une fois l'incendie déclaré, Colin choisi de battre en retraite en sautant de la fenêtre, enflammant tout ce qu'il touche sur son passage.
Et dans un bureau, des choses inflammables, il y en a beaucoup...