- Tout le monde a ces affaires ?
- Oui, maîtresse !
- Vérifiez bien que votre repas de ce midi se trouve bien dans votre sac, avec également vos fusains et votre carnet d'écriture.
- Oui, maîtresse !
Une sortie scolaire...C'est vraiment nul, pfff. Obligée de rester enfermé avec la maîtresse jusqu'à plus tard que d'habitude. En plus il fait beau aujourd'hui ! J'aurai pu jouer hyper trop longtemps avec mes copains une fois l'école finie ! Mais là, en plus de devoir être avec les autres que j'aime pas, avec la maîtresse, il y a...
- Mettez vous deux par deux, s'il vous plait !
- Oui, maîtresse !
- Nikolas...on se met ensemble ?
CAROLIIIIIINE !!! Noooooon ! Pourquoi elle me colle toujours ? Je lève mes bras au-dessus de ma tête, pour pas qu'elle m'attrape d'un coup !
- Non ! J'veux pas de toi !
- Mais...mais...
- J'vais me mettre avec quelqu'un d'autre. Mais pas toi !
- On est plus que tous les deux...
La maîtresse s'avance vers nous.
- Allez les enfants. Tenez vous la main, et en route vers la charrette.
Nooooon
Quelques temps plus tard, je suis entrain d'essayer de monter les dizaines de dizaines de dizaines d'escaliers du village perché. On y va souvent, parce que c'est pas trop loin. Mais qu'est-ce que c'est embêtant, tous ces escaliers ! Pourrait pas mettre quelque chose qui va plus vite, sans se fatiguer ?
Une fois arrivé tout en haut, la maîtresse nous laisse le temps de nous reposer un peu. J'en profite pour lâcher la main de Car..caroline. Mais qu'est-ce qu'elles ont, ces mains ? Elles sont complètement trempées !
- Je suis désolée...je n'aime pas la chaleur.
- C'est dégoûtant !
Elle a juste le temps de se les essuyer avant qu'on se doit remettre en rang, et monter les quelques dizaines de dizaines de dizaines d'autres marches jusqu'à la tour d'astronomie. Les gens qui habitent ici doivent avoir beaucoup de muscles...
Tout en montant, la maîtresse nous explique le lieu. C'est franchement pas intéressant...moi, tout ce que je veux, c'est récupérer mon ballon et jouer avec mes copains ! Copains qui ne sont pas dans la même classe que moi, donc qui ne sont pas là...
- La Tour d'Astronomie du Village Perché est surement l'une des merveilles scientifiques du Royaume. Bâtie au coeur même d'un arbre géant, ses multiples points d'observations et sa collection d’oculaire à son sommet en fait le lieux rêver pour tout passionnés d'étoiles. Et c'est justement ce pour quoi nous sommes là aujourd'hui !
- Regarder...des étoiles ? Mais maîtresse, c'est nul comme truc !
- Nikolas, je te pris de ne pas prendre la parole pour dire ce genre de bêtise.
- Mais quoi ? C'est nul, c'est nul !
- Nikolas... pendant que tes camarades et moi feront le tour de du premier étage de la tour, tu seras punis. Tu nous attendras sagement à l'accueil.
- Mais
- On ne discute pas, Nikolas.
J'entend des rires autour de moi, et je ne leur répond que par un tirement de langue.
- Tu veux nous attendre plus longtemps ?
- ...non, maîtresse.
Pff, elle était tellement plus méchante que maman...
Donc, pendant que mes "camarades" commencent leur tour de la première pièce, je suis assis en boule sur un banc, à attendre. J'ai même pas le droit de bouger ou de jouer, c'est complètement nul. Du coin de l'oeil, j'vois qu'une autre classe arrive. Mais elle est pas de mon école, et on l'air plus vieux. Pfff, m'en fiche moi. Tout ce que je veux, c'est mon ballon.
Ah… Voir des étoiles ? Sommes-nous vraiment obligés d'aller aussi loin juste pour ça ? Nous éloigner de nos familles plus d'une journée juste pour elles ? Je sais pas combien de fois j'ai soupiré pendant le trajet, mais si j'avais pu faire autre chose que laisser mon derrière sur ce poney, je l'aurais fait sans hésiter. Mais pas le choix.
Marcher jusque là-bas c'est long, alors on est tous à la queue leu leu sur des poneys plus ou moins grands selon notre âge. Même malgré ça, il nous aura fallu plusieurs jours pour qu'on nous indique enfin que l'on devrait attendre le lieu tant désiré le soir même. Et qu'il faudrait tout monter à pieds parce que, si on veut regarder les étoiles, il va bien falloir se rapprocher au maximum du ciel parmi les arbres très hauts du village que l'on rejoint. Ces informations ont de quoi en faire soupirer plus d'un, mois compris. C'est looooong. On est loin. Je m'ennuiiiie. Et dans ces cas-là, il ne reste plus qu'une solution.
– J'en ai marreee, c'est quand qu'on arrive !
Et me voilà à m'agiter plus que de raison sur un poney qui prend peur et se met à galoper. Avec moi qui crie sur son dos. C-c'était pas prévu au programme ça ! L'un des adultes se met à ma poursuite sur son cheval qui n'aura aucun mal à me rattraper. Sauf que la panique a pris part de moi avant que ça n'arrive et que mon corps a commencé la transformation que j'espérais. Me voilà pleine de plumes, toute petite, à voler au-dessus du poney qu'ils viennent de récupérer avec mes vêtements laissés sur place.
Je me pose sur la selle du poney calmé, alors que je me fais rouspéter par la maîtresse qui me prend pour une inconsciente à piquer des crises pour rien. Sur ce coup elle n'a pas tord. Puis quelques murmures commencent à se faire entendre.
– Oh, regarde, elle a recommencé.
– Tu crois qu'elle va rentrer à la Capitale ?
– J'ai pas l'impression, sinon elle risque de se perdre et de se faire manger par les bêtes sauvages.
Après quelques réprimandes supplémentaires nous nous remettons en route alors que je peux me réfugier sur l'épaule de la maîtresse pour roupiller un coup. Au moins, il n'est plus question d'ennui, je peux enfin faire ce que je veux.
Lorsque je rouvre les yeux, nous nous sommes arrêtés et il a bien dû se passer quelques heures. Les adultes nous accompagnant donnent les consignes qui ne me concernent pas le moins du monde : monter en rang, rester groupés, faire attention à ne pas marcher sur les pieds de la personne de devant, etc. La montée commence et, cette fois-ci, j'ai bien envie de bouger un peu maintenant que j'ai bien dormi. Le problème, c'est que quelques pensées parasites commencent à arriver alors que j'émets quelques sons, chantant comme peu ont dû l'entendre. Quelques secondes après, me voilà envolée, à suivre les escaliers. Si seulement il y avait de quoi grignoter dans le coin… Bizarrement, j'ai l'impression que monter m'éloigne de cette envie. Les graines, ça se trouve au sol.
– Elle monte.
– Tiens, on la voit plus !
Rien de bien transcendant. En attendant, pour ne pas me perdre, je suis les escaliers en volant, jusqu'à surprendre un autre groupe bien plus haut. Tiens, c'est qui ceux-là ? Curieuse, je me rapproche, tentant de garder un vol stable, mais… Et s'ils me transportaient jusqu'en haut ? Et s'ils avaient à manger ? En attendant, le groupe se sépare, en laissant un seul à attendre. N'ayant pas envie de voler après les autres, je finis par me poser sur son épaule tout en l'observant sans pour autant tourner la tête vers lui. Pas besoin, quand les yeux sont sur les côtés.
Qui sera le grand élu du petit oiseau bleu affamé ?
La tête dans les genoux et les oreilles serrées contre eux, je compte dans ma tête. C'est bien la seule chose que je peux faire, ici ! Mais bon, entre ça et devoir tenir la main de Caroline, franchement, je préfère largement compter jusqu'à un million !!
Puis là, je sens un truc sur mon épaule. Qui c'est qui vient m'embêter ?!
J'balance mes bras dans tous les sens en remontant ma tête, ce qui fait peur à l'oiseau qui s'envole pour se mettre devant moi.
- Hein ? Qu'est-ce que tu fais là, toi ?
J'pensais pas qu'un oiseau pouvait rentrer ici ! En même temps, y'a pas de porte qui sépare l'extérieur de l'observatoire, donc c'est normal qu'il y a des trucs comme ça qui rentre ici.
- Qu'est-ce que tu me veux, hein ? Laisse moi tranquille.
Je me remet dans ma position initiale, mais cette fois, en posant mon menton sur mes genoux. Je fixe la sortie de l'arbre, me demandant pendant encore combien de temps les autres vont visiter la pièce.
- J'ai été puni, j'suis obligé de rester là tout seul. J'ai envie de m'amuser avec mon ballon, moi, pas regarder de stupides étoiles.
Et revoir maman aussi. Ca fait combien de temps que je ne l'ai pas vu ? On est pas très loin, je ne suis partie que depuis ce matin, mais j'ai l'impression que ça fait une éternité... Des petites gouttes se forment au niveau de mes yeux, et je renifle bruyamment pour les faire remonter. Non ! Faut pas que je pleure. J'suis un grand garçon !
- Moi j'veux juste faire ce que je veux...
Après la première frayeur qui m'a fait m'envoler, me voilà maintenant au sol, sautillant un peu devant cet enfant en lâchant des piou à plusieurs reprises. Il préfère peut être que je chante clairement pour lui faire comprendre ? Pourquoi il ne parle pas l'oiseau aussi… ? Dans tous les cas, c'est marrant, mais ses mots font écho à ce que je ressens. D'ailleurs, ça fait combien de temps que je suis un oiseau ? Oups. Vous la trouvez pas bizarre cette question ? C'est peut être à cause des voix qu'on commence à entendre.
– Kahlua !
C'est qui qui crie ? Je me retourne, m'envole de nouveau, observe ces bipèdes... Ah, zut, j'ai l'impression de les connaître. Je les ai déjà vus. Quand j'étais en bas, non ? Bah, ce ne sont pas eux qui vont me nourrir. A cet instant, le soleil est caché par un nuage de passage alors que je tente de faire entendre ma plus belle voix à cet enfant. Ce qui tombe plutôt bien parce que le lieu assombri commence à faire luire mes plumes d'un joli bleu par moment. Ce qui risque de ne pas durer bien longtemps.
– Kahlua !
Rah. Les voix se rapprochent. Pourquoi elles viennent me chercher ? Hein…? Moi ? Oh. Comment aurais-je pu oublier quelque chose de si important ? Moi aussi, je suis une enfant, et pas un simple oiseau... Et j'aurais plus de chance de me faire comprendre en redevenant ce que je suis normalement. Chose que je choisis de faire juste devant lui. C'est juste assez pour remarquer que je suis un peu plus grande, alors qu'il a l'air surpris. C'est tout à son honneur…
– Me regarde pas comme ça… T'aurais pas un bout de pain ?
Mes jambes sont repliées sur le côté alors que mes cheveux devraient cacher une partie de mon corps. Bah, c'est pas comme s'il y avait grand chose à cacher non ? Il fait juste un peu froid. En tous cas, il n'a même pas le temps de répondre qu'on me balance du tissu sur la tête. Oh ! Les vêtements tombent même du ciel.
– Kahlua ! Heureusement tu n'es pas allée bien loin.
Et ils continuent en rouspétant. "On t'avait prévenue blablabla quand tu t'es transformée tout à l'heure, tu ne devrais pas, blablabla". Toujours la même rengaine. Ils oublient peut être que mon état mental suit le petit oiseau que je deviens ? Moi, j'veux juste manger.
– Vu que la sortie ne t'intéresse pas, tu n'as qu'à rester ici à attendre. Venez, rejoignons l'autre classe.
Ils disparaissent tous dans un brouhaha habituel avant de rejoindre les autres enfants de sa classe. Pendant ce temps, je repasse le bout de tissu par-dessus ma tête pour recouvrir ma peau et récupérer un peu de chaleur en soupirant.