La guilde le matin était assez calme, surtout parce-que la plupart des aventuriers n’étaient pas vraiment des créatures du genre à se lever aux aurores. Il y en avait bien quelques uns, mais ceux-là était pour la plupart déjà partis en mission aux quatre coins du Royaume. Violette, elle, était plus du genre à avancer doucement et à son rythme, et profitait tranquillement de son petit déjeuner à la Guilde. Accompagnée de Lumi, qui, évidemment, profitait aussi du repas - la laïum profitait de tous les repas, de tout de façon - elle était à moitié allongée sur sa chaise en train de siroter sa tasse de thé noir aux agrumes.

Pas des plus réveillée pour l’instant, elle avait cette tête des matins où elle aurait bien pu rester allongée quelques heures de plus. Lumi, elle, somnolait déjà sur le parquet de la Guilde, roulée en boule. Elle releva les yeux un peu surprise de se faire aborder par un type si pressé et si bien habillé de bon matin. La brune n’en avait pas grand chose à faire de son statut, mais d’un autre côté il lui donnait aussi de quoi s’occuper alors que, justement, elle était en train de se demander ce qu’elle allait faire de sa journée.

Elle prit tout de même rapidement la confirmation que cette expédition serait bien rémunérée - elle n’avait rien contre travailler bénévolement, mais si elle pouvait se faire un petit pécule sur le dos d’un type qui avait de tout de façon certainement trop de cristaux, elle n’allait pas refuser. L’autre aventurier ainsi abordé était un brun, aux yeux d’émeraude intriguants, jeune aussi, un peu comme elle d’ailleurs. Elle n’y avait pas fait plus attention que ça, malgré son fiouk dans les cheveux. D’un côté, c’était aussi un familier à petit déjeuner.

D’abord pressé de partir, Violette haussa les sourcils avant de rapidement rassembler ses quelques affaires dans son grand sac sans fond, avant de partir à sa suite, rapidement suivie de Lumi qui se demandait ce qu’il se passait.

* Il se passe le travail, Lumi. Le travail n'attend pas. *
* Parfois travail attendre. *
* Et bien pas cette fois! *

Néanmoins, après son départ éclair, le jeune homme plutôt mignon se rattrapa légèrement. Pas l’habitude des présentations? Pas quelque chose qu’elle entendait souvent à la guilde.

« Moi c’est Violette, et voici Lumi. Enchantée! »

L’aventurière désigna la laïum qui gambadait fièrement à ses côtés d’un petit geste de la main, un léger sourire sur les lèvres. La dragonne blanche sembla même marcher un peu plus prétentieusement l’espace d’un instant, ce qui fit brièvement rouler des yeux l’aventurière. Par contre, les présentations en tant qu’aventurier, on apprenait aussi assez vite à les faire, plus ou moins bien.

« Pas l’habitude des présentations? T’es dans le métier depuis longtemps ou non? »

Leur destination n’était pas bien loin d’ailleurs, une taverne pas des plus réputées, de ce qu’elle en connaissait. Elle n’y avait jamais vraiment mis les pieds, et n’en avait jamais vraiment eu l’envie, ce qui était parfaitement compréhensible vu qu’on y trouvait sûrement pas grand chose d’autre que de la mauvaise bière et des emmerdes. Deux choses qu’elle préférait éviter autant que possible. Heureusement, on était le matin, donc certainement bien plus de gens qui cuvaient leur saoul de la veille que de gros ivrognes complètement ivres. Même si c’était peut-être ici sous-estimer ce genre d’établissements.

L’odeur à l’intérieur n’était en effet pas très engageante. Ni les regards des badauds qui parsemaient l’endroit, tous avec des yeux fatigués et cernés. Lumi, d’ailleurs, décida de rester à l’extérieur, l’odeur agressant un peu trop ses nasaux. Même si elle allait sûrement continuer de jeter un œil à l’intérieur et être prête à intervenir s’il y avait un souci. Mais pas de signe de petit nobliau dans l’endroit, tout le contraire même. A se demander ce qu’il avait été faire dans un tel coupe-gorge. Violette s’avança la première jusqu’au bar, jusqu’au patron patibulaire qui semblait avoir à peu près la même tête que ces clients. Plutôt enrobé, dans la cinquantaine, un torchon à la propreté douteuse sur l’épaule et une clope au bec, intimidant pour certains.

Pas pour Violette.

« Salut. On cherche Alejandro. Queue de cheval, cheveux châtains, yeux verts, plutôt grand. »
« S’tu cherches ton p’tit copain l’est juste derrière toi. Lui manque la queue de cheval, mais on est pas bien loin. »

Violette ne lui adressa qu’un regard à moitié blasé. Elle voyait déjà parfaitement où tout ça allait la mener. Et elle n’avait absolument envie de dépenser le moindre cristal dans ce trou à rat. Mais d’un autre côté, elle n’était pas certaine d’avoir vraiment le choix ni la capacité de faire des menaces bien développées.

« Ecoute ma p’tite, on fait pas dans la charité ici, et ton Alejandro, il est clairement plus là. »
« Donc ça veut dire qu’il l’a été? »
« Comme j’dit, c’pas l’Abbé Bière par ici. »

Un nouveau soupir, aucune envie de prendre ne serait-ce qu’un café qui aurait sûrement un goût de jus de chaussette, ni quoi que ce soit d’autre d’ailleurs. Pourtant, le patron lui semblait encore le meilleur moyen d’avoir des informations fiables. Après, peut-être que certains habitués pourraient l’aider aussi, mais elle n’avait pas plus envie de ça de passer des heures ici...

Violette n’était pas vraiment intimidée. Elle n’était pas vraiment intimidable non plus à vrai dire, elle préférait tout de même que la situation ne dégénère pas si possible, mais leur interlocuteur commençait surtout à ne pas leur laisser le choix. L’aventurière resta elle majoritairement impassible, elle se demandait juste si son compagnon saurait s’en tirer. Mais vu qu’il s’était placé comme pour la protéger, il devrait être sacrément confiant. Ou bien peut-être juste un peu trop galant. La brune le laissa reprendre la conversation, visiblement un peu plus entraîné qu’elle pour aller parler à de la vermine. Surtout après son petit coup où il commençait à jouer au con, elle aurait parfaitement été capable de le mettre en joue si ça ne dépendait que d’elle. Mais d’un autre côté, mettre la garde sur l’affaire était une menace plutôt efficace aussi. Même si elle ne mettait pas vraiment cette relation dans un bon terme, ce fut suffisant pour le faire parler.

Dans quel merdier cet Alejandro s’était-il encore fourré? Visiblement un sacré merdier, et les deux aventuriers avaient aussi mis un pied dedans. Et Violette avait mieux à faire que de démanteler un réseau criminel entier, alors l’objectif initial était bien de récupérer le bonhomme et de le faire s’expliquer ensuite. En attendant, ils avaient un endroit où fouiner, et peut-être quelques connards aux trousses.

« Et bah ça tombe bien, si on a des soucis on saura où aller pour retrouver le responsable. Merci pour l’information, gratuite celle-là! »

L’aventurière ne put s’empêcher de lancer une petite pique en partant, reprenant l’idée initiale de son compagnon, même si elle n’évoqua pas particulièrement la garde ou quoi que ce soit. Juste qu’il allait certainement devoir se trouver un autre business s’ils s’en sortaient. Voire un nouveau dentiste parce-qu’il avait l’air de lui rester des dents à perdre.

« Si ce n’est qu’une meute de chiens, je ne m’inquiète pas trop. »

L’aventurière haussa les épaules dans la rue, hors de portée de voix, alors qu’elle se dirigeait vers un endroit encore plus malfamé que celui qu’elle venait de quitter. Son ombre, elle, n’était plus là, et s’était faufilée discrètement dans un coin du bâtiment qu’elle venait de quitter. Elle se retourna un peu plus vers le brun.

« T’as l’air de savoir t’y prendre avec ce genre de types. Ça ne tenait qu’à moi, il aurait peut-être bien fini avec la tête dans son comptoir. Peut-être. »

Elle ne pouvait pas nier que l’envie était là, même si sa remarque avait peut-être été un petit peu exagérée et qu’elle ne serait sûrement pas passée à l’acte. Enfin, cela dépendait bien d’à quel point il aurait joué au con et à quel point il aurait été insultant. Et nul doute qu’elle aurait rapidement eu une laïum tout aussi énervée qu’elle qui aurait débarqué en cas de bataille. Lumi, qui s’était perchée sur un toit proche, les avait rejoints rapidement une fois qu’ils furent de retour dans les rues tortueuses de ce quartier de la Capitale. Elle ne savait pas trop ce qui les attendait, mais la dragonne ne serait certainement pas de trop.

Après quelques dizaines de secondes, une fois qu’ils s’étaient un peu éloignés de l’endroit, la main droite de Violette se para momentanément d’un voile d’ombre avant de redevenir normale, alors que l’aventurière regardait sa main d’un air mi-déçu, mi-agacé. Elle ne savait pas vraiment pourquoi son ombre avait échoué - ombre qui était directement réapparue. Elle avait tenté de récupérer la bourse de l’aventurier, mais sûrement avait-elle été déjà placée dans un endroit sûr et hors d’atteinte. Logiquement, son ombre aurait dû simplement se cacher dans un coin où elle ne se ferait pas voir, mais à entendre des cris au loin, de là où ils venaient, ça s’était certainement bien moins bien passé que ce à quoi elle s’attendait. C’était vrai que l’endroit manquait d’un grand nombre de sources de lumières, ce qui rendait les ombres un peu trop visibles. Certainement le souci… Quoi qu’il en était, il se pouvait qu’elle les avait peut-être énervé.

« Eh, mon plan de récupérer ta bourse et de négocier une tartelette aux fraises en récompense tombe à l’eau. Mais ne restons pas là, il se peut que ça les ai un peu énervés… »

L’aventurière attrapa le poignet du brun, avant de l’entrainer vers une ruelle proche. D’un petit message télépathique, Lumi les suivit immédiatement avant de s’envoler sur un toit proche qui avait l’air solide. S’emparant de sa corde magique et du grappin qui allait avec, elle le lança vers Lumi, qui se chargea de le déplacer rapidement vers la meilleure position sous les ordres de Violette. L’aventurière tira quelques coups secs dessus pour vérifier la solidité de la prise, et, d’une petite impulsion magique, la corde se noua toute seule en une multitude de petits nœuds disposés à intervalles réguliers. Un peu comme une échelle, en moins bien. Mais aussi bien mieux qu’une corde raide.

« Allons nous planquer quelques instants là-haut le temps de voir comment ça se passe. Ils ne nous trouveront pas. Après toi. »

Après tout, les gens regardaient rarement au-dessus d’eux, c’était bien connu. Et couvert par les toits, s’ils faisaient un peu attention, personne ne les débusquera là haut. Violette ne tarda pas à monter à la suite de l’aventurier, se hissant sur les tuiles salies par les éléments et un manque certain d’entretien. Peut-être pas le coin le plus confortable pour se cacher, mais le plus proche et le plus sûr.

« Bon, je suppose qu’on sera relativement tranquilles là-haut. Un p’tit biscuit? Faute de tartelette aux fraises. Au pire, tu pourras toujours te faire rembourser ta monnaie par l’autre gratte-papier. Enfin, bon courage pour ça en tout cas. »

Violette n’attendit pas vraiment sa réponse pour offrir un petit biscuit à Lumi qui avait été sage et efficace, et en prendre un elle-même. Elle poserait bien ses fesses mais l’état du toit laissait à désirer, alors elle s’accroupit simplement pour être moins visible.

« Désolée pour ce petit contretemps, j’aurais sûrement dû attendre qu’on soit un peu plus loin. Y a un truc qui s’est mal passé, j’aurai peut-être pu la récupérer discrètement. »

Peut-être que ça allait leur attirer des soucis, elle ne savait pas trop ce que les gens dans le bar avaient vu, ou bien ce qu’ils avaient compris de ce qui venait de se passer. Et peut-être ne le saurait-elle bien jamais. C’était un mystère avec lequel elle pouvait vivre. Elle rigola légèrement, plutôt de bonne humeur.

« C’était plus amusant que prévu, cette petite joute verbale. »

Retourner une taverne était bien la dernière préoccupation de Violette. C’était juste que ce genre de types l'insupportaient, ceux aveuglés par la lueur des cristaux, ou par du pouvoir, même si c’était parfois pour suivre la misère des bas quartiers. Elle détestait ces solutions, ces gens sans foi ni loi. Quitte à verser dans la criminalité, autant le faire avec un code d’honneur.

« Comment ça les provoquer gratuitement? Une tartelette aux fraises, c’est pour manger. Pas pour provoquer les gens. Du genre, avec une petite cuillère ou une petite fourchette. Et avec une tasse de thé. »

Lumi, à côté, était plutôt d’accord, son attention toute ravivée lorsqu’elle entendit le mot “manger”. Mais bon, malgré un petit biscuit qu’elle givra tranquillement avant de manger, elle savait que ce n’était pas encore tout à faire l’heure. La situation se tassa assez rapidement heureusement, ce qui l’empêcha de devoir restée cachée sur le toit trop longtemps, et ils retrouvèrent bien vite la terre ferme. L’aventurière glissa le long de sa corde magique jusqu’en bas, après en avoir défait les nœuds pour monter, et, sur le dernier mètre, la lâcha en faisant un petit saut avant d’atterrir sur les pavés sales. Elle fut rapidement rejointe par Lumi qui de tout de façon pouvait voler. Elle avait ignoré assez magistralement la main tendue d’Oscar, surtout parce-qu’elle avait été trop rapide et qu’en prenant sa main elle avait juste l’impression qu’elle allait le mettre par terre. Une petite impulsion sur sa corde magique, et le grappin se détacha avant de tomber dans un bruit métallique sur les pavés. L’aventurière prit juste le temps de ranger sa corde, avant de se remettre en marche.

« Vite lassés? J’sais pas, ils avaient peut-être mieux à faire. J’aurais clairement mieux à faire à leur place. Mais bon, d’un côté, ils savent d’où on va, donc on aurait sûrement eu de tout de façon un comité d'accueil. »

C’était bien le souci, elle ne savait pas vraiment s’ils allaient chercher une rançon à ce petit noble, ou s’ils voulaient en faire autre chose. Dans tous les cas, c’était peut-être bien plus une affaire de la garde qu’un souci d’aventuriers. Et Violette, si elle n’avait pas vraiment l’envie de faire le travail d’un garde, se disait aussi qu’elle ne pouvait pas laisser l’autre idiot de noble dans son pétrin.

Continuant leur chemin néanmoins, ils se firent avoir, par une vigie. Utiliser des gamins comme ça, c’était vraiment bas, et ça avait même le chic de l’énerver. Et voilà que deux types venaient de sortir d’une chaumière pour visiblement chercher la bagarre. Aurait-elle était seule qu’elle les aurait diverti quelques instants avant de fuir, mais elle ne pouvait pas non plus laisser le brun derrière.

« Ils connaissent mieux le coin que nous, ils nous lâcheront pas avant de sortir de leur territoire ou de trouver une patrouille. Et on trouvera pas de patrouilles dans ce quartier. »

Paradoxal, vu que c’était clairement le quartier qui en avait le plus besoin. Mais visiblement certains gardes n’aimaient pas prendre trop de risques et aller arrêter de la racaille les effrayaient. Assez pathétique. Oscar fut le premier chargé, mais il s’en sorti plutôt bien, et, alors que le second se ruait sur Violette, elle se décala de quelques centimètre sur le côté avec son ombre au dernier moment et lui fit un croche-patte. Le bourrin s’écroula de tout son long sur le sol, alors que Violette dégaina une de ses dagues, pour la planter dans la jambe du lourdeau qu’elle venait d’avoir. Maintenant, il bougera certainement beaucoup moins bien.

Lumi, de son côté, profitait de l’adversaire étourdi d’Oscar pour aller lui mordre le derrière, avant de retirer ses crocs pour lui mettre un coup de queue qui le renvoya droit vers le brun, la dragonne espérant que le brun lui renverrait, un peu comme un match de tennis. Néanmoins, visiblement, d’autres lourdeaux commençaient à se faire voir derrière la porte alors que l’alerte avait été donnée. A ce rythme, ils auraient tout le quartier à goumer. Violette se retourna vers son compagnon d’aventure.

« Vas-y, avance, je les retiens, et je te rejoins après. Pose pas de questions, ça va le faire. »

Un petit sourire de la brune, un pouce levé, et elle s’empara de son arbalète de poing pour aller clouer un de leurs ennemis à la porte. Elle essayait de ne pas être mortelle dans ses coups, mais les visaient assez dangereux pour incapaciter sérieusement ces connards. Comme ça, certains resteront aussi s’occuper d’eux. Lumi, de son côté, tout comme Violette, avait son ombre détachée et était prête à suivre Oscar sous les directives de l’aventurière. S’il fuyait, et qu’elle les retenait assez longtemps, le plus longtemps possible même, elle n’aurait aucun mal à le retrouver, où qu’il soit.

« Bon, restez dans votre cabane de merde si vous voulez pas vous prendre un autre carreau, bande de bouseux! Le prochain qui sort il s’en prend un! »

Était-ce vraiment une bonne idée de les provoquer? Clairement pas. Mais le but était bien de reporter toute leur attention sur elle pour laisser à Oscar le temps de faire son échappée. Et puis, tant pis si elle en blessait quelques uns - ils l’avaient bien cherché. Et à qui ils allaient s’en plaindre de tout de façon? Leur maman? La garde? Elle aimerait bien voir la tête de la garde si ça arrivait.

L’aventurier hésita juste quelques instants, l’idée de laisser Violette seule derrière, l’enchantait guère. Mais la situation était urgente. Si celle-ci estimait être capable de gérer la situation seule, il devait lui faire confiance. Il hocha alors la tête, convaincu qu’il pouvait lui faire confiance.

« Fais attention à toi. »

Oscar s’enfonça entre les ruelles boueuses d’une course soutenue. Qu’est-ce que cachait cette histoire pour qu’ils soient si réticents à l’idée qu’ils retrouvent cet Alejandro ? À quel point le noble s’était enfoncé dans une histoire sordide ?

L’aventurier pouvait entendre derrière lui quelques pas de course qui cherchaient à le suivre, sur le qui-vive. Il était incapable de dire combien avaient faussé compagnie à la jolie Violette pour le suivre dans le labyrinthe des bidonvilles. Cependant, ils étaient bien inconscients de croire que l’archonte était sans ressources. Oscar pila au milieu du chemin, se délestant de sa cape qui vibra au contact du vent, et d’un coup sec, celle-ci durcit. Dans l’élan de leur course, ses assaillants ne purent s’arrêter à temps, se heurtant à un mur d’acier. Légèrement sonnés, et les fesses à terre, l’archonte profita de cet instant pour asséner un coup aux deux hommes qui les assomma.

« Au moins, on peut s’estimer chanceux que leur force ne réside pas dans leur crâne de moineau, soupira l’archonte d’un ton dépité pendant que Claudios terminait de renifler les deux imbéciles. »

Il les attacha l’un à l’autre à l’aide d’une corde qui traînait au fond de son sac. Saucissonnés l’un à l’autre, il était assez certain qu’ils ne se libèreraient pas d’eux-mêmes. Par la même occasion, il les dépouilla de toutes leurs armes, cherchant dans chaque recoin de vêtements pour s’assurer qu’aucune lame n’était dissimulée. En ayant enfin terminé, il rangea les diverses reliques des mercenaires dans son sac, puis reprit sa course à la recherche de l’entrée des caniveaux comme le leur avait si bien conseillé le tavernier.

Oscar ignorait si les informations étaient véridiques, dans le cas contraire, il se ferait un plaisir de lui coller la garde au derrière. Et peut-être potentiellement faire couler son commerce discrètement. Mais ce serait une autre histoire. L’archonte pénétra dans le gouffre sombre, il sortit ses lunettes de jour pour les poser sur le bout de son nez.

« Claudios… »

Le petit félin tourna autour des pieds de l’archonte lorsque celui-ci l’appela, avant de s’asseoir sur le sol, au garde-à-vous, attendant que celui-ci s’exprime.

« Reste près de moi, cet endroit ne m’inspire pas confiance. »

L’animal renâcla, puis s’accrocha aux vêtements de l’aventurier pour grimper souplement sur lui, jusqu’à atteindre son épaule. Le fait que celui-ci se tende contre lui indiqua à l’archonte que les lieux n’étaient pas sans danger. Bien qu’en regardant autour de lui, rien ne semblait indiquer que quelque chose soit suspect. Seul un bruit d’eau permanent s’écoulait à travers les caniveaux creusés dans un sol pavé. Le réseau souterrain s’ouvrait sur divers galeries, chacune entrainant sûrement dans les entrailles de la ville. Assourdi par le courant de l’eau, Oscar ne sut quel chemin emprunter.

D’un pas assuré, il commença vers l’ouverture la plus proche, déambulant silencieusement, alerte au moindre bruit suspect et aux réactions de son fiouk.  Il l’apaisa d’une simple main sur son crâne, et en échange il reçut un frottement affectueux contre sa joue qui le fit longuement soupirer.  Les lieux étaient si peu éclairés qu’il aurait été difficile de s’y déplacer sans une forte source de lumière, les cristaux crépitant d’une lueur mourante.

L’archonte jeta un bref regard en arrière, espérant que sa compagne s’en sorte avant de reprendre sa route.

Son attention fut attirée par des tissus déchirés qui étaient accrochés aux barreaux de certaines ouvertures d’eau. Ils se mouvaient étrangement, frapper constamment par les charges torrentielles du courant qui se déversait. Il lui semblait en avoir vu un de la même couleur à l’entrée, enroulé volontairement. Pourtant Oscar détourna son attention pour reprendre sa route, il y avait plus urgent à l’heure actuelle.

Le bruit de ses pas résonnait comme un écho alors que les couloirs devenaient plus larges à mesure qu’il s’approchait du centre. L’archonte pinça ses lèvres avec agacement. Comment être certain qu’il prenait le bon chemin. Les galeries s’ouvraient toujours plus sur des chemins sinueux. C’était un interminable dédale qu’il faudrait certainement des semaines pour en explorer qu’une moitié.

« J’aurais dû en prendre un avec moi, grommela l’archonte visiblement exaspéré. »

La tête de son fiouk se redressa subitement, forçant l’aventurier à se taire. Il tendit l’oreille avec attention pour saisir plus loin des éclats de voix bougonnant, ainsi que le tintement familier du métal d’une arme. Un rayonnement éclaira le mur d’un croisement. En quelques pas, Oscar rejoignit un renfoncement pour se dissimuler.

Les lamentations de l’eau l’empêchaient de saisir le contenu de leur conversation et seules quelques paroles sourdes lui parvinrent. Il les vit s’approcher de sa cachette, et il cessa de respirer. Il devait continuer à se cacher pour espérer pouvoir continuer à les filer. Peut-être trouverait-il la cachette où Alejandro avait été emmené.

Combien étaient-ils ces brigands aussi? Certainement que l’organisation avait main mise sur ce bout de quartier, donc ils risquaient d’en croiser un bon nombre. Mais bon, s’ils les coffraient, d’autres viendraient certainement prendre leur place demain. Et ils n’étaient pas payés pour les ramener à la garde. Surtout, pour leur dire quoi? On a bastonné ces types dans la rue, et voilà? Violette frissonna un court instant, pensant désagréablement à la quantité de paperasse que cela pourrait impliquer. Non, c’était mort. Ou bien elle laisserait Oscar y aller seul.

Toujours était-il qu’elle continua de jouer un peu défensivement, courant parfois un peu au hasard pour s’éloigner, pour se retourner d’un coup et les menacer d’une attaque, pour les faire douter, gagnant du temps dans les ruelles nauséabondes des bas-fonds de la capitale. Elle continua quelques temps, jusqu’à être certaine qu’Oscar avait bien pris ses distances, et fini enfin par échanger de place, elle, tout comme Lumi.

Regardant rapidement autour d’elle, elle était recroquevillée dans un coin sombre, tout comme Oscar, bien caché, qui ne l’avait pas encore vu, puisqu’elle était arrivée un peu derrière lui, tout comme Lumi. Un petit sourire étendit les lèvres de l’aventurière. Même si l’endroit n’était pas trop adapté aux blagues, pourquoi se priver? Elle s’avança légèrement vers lui, avant de murmurer subitement un « Bouh! » au creux de son oreille, histoire de l’effrayer, avant d’éclater d’un petit rire.

« Bon, où est-ce-que tu nous as encore mené? »
« Hey, j’entends des voix par là bas! »

Merde. Violette se figea un instant, laissa échapper un petit soupir. Ces gens n’allaient donc jamais les laisser tranquille? Et, où Oscar s’était-il encore fourré? Bon, dans tous les cas, leur cachette était compromise, un peu par sa faute. Mais bon, elle ne pouvait pas deviner, après tout. Son ombre, et celle de Lumi, se faufilèrent en dehors de leur cachette une fois que les deux les avaient rappelées à eux.

« Sérieusement, ils sont combien? J’ai vraiment l’impression qu’on a toute la ville qui nous en veux… »

Elle avait parlé un ton plus bas, alors que plus loin, les bruits de pas approchaient plus rapidement.

« Mais je te dis que j’ai vu des ombres passer! »
« Des ombres? Et pourquoi pas des fantômes hein? Si ce coin était hanté, ça se saurait hein! Il est déjà assez moisi comme ça, pas besoin d’y rajouter des spectres! »

Violette soupira légèrement, parfois, certains avaient de bonnes intuitions, mais ça ne volait jamais bien haut. Elle fit faire un petit tour à son Teizeur avant d’en rattrapper la poignée, et de s’étirer légèrement.

« Bon, j’espère que c’est qu’une patrouille… »

Un petit clin d’oeil à son collègue aventurier, et elle disparu dans un petit nuage d’ombres, accompagnée de Lumi, abattant directement le manche de son arme électrique à l’arrière du crâne d’un des hommes, tandis que Lumi venait d’en planquer solidement un autre au sol, tout en le menaçant de ses crocs. Le troisième, qui était encore sur la surprise de cet assaut éclair, s’élança droit vers l’avant - droit vers Oscar.

« Il est pour toi le dernier! »

Violette en profita pendant ce temps pour solidement attacher les deux types restants, et les traîner dans un coin à peu près tranquille, les gardant sous une certaine menace, avec les classiques de pas faire de bruit s’ils ne voulaient pas perdre de dents, ou encore pire.

« Bon, du coup, les loustics, Alejandro, ça vous dit un truc? Alejandro De La Cruz, si. Beau gosse, brun, queue de cheval, yeux verts, tout ça tout ça. Du genre, riche. Un peu tout le contraire de vous quoi. J’suppose que vous l’avez vu? Vous parlez, ou bien je vous sors d’ici de la même façon que je vous ai trouvé, et je vous balance tout attachés au poste de garde le plus proche. »

C’était faux, évidemment, mais rien ne leur indiquait qu’elle bluffait, et Violette n’avait pas plus de temps à perdre que ça. Un peu confus, l’un des deux décida de parler.

« I…Il est un peu plus loin. Il est arrivé cette nuit. »

Silence, elle voulait plus d’informations, exactement où.

« L… La deuxième porte à droite, par là bas. »

Un petit signe de tête, une direction.

« J’espère que tu dis vrai, parce-que Lumi va rester ici, et si c’est un piège, je vous garanti pas que vous en repartirez entiers. Il ne me faut qu’une petite commande télépathique. Hm? C’est bien vrai? »
« O..Oui! Oui! J’te le jure! »

L’aventurière hocha la tête, donnant ses instructions à Lumi, avant de tourner la tête vers Oscar.

« Bon, du coup, on est où, là? Ca pue, c’est sale, et c’est humide. Et visiblement les cristaux de lumière ont vu au moins trois siècles pour être aussi ternes. Mais je crois que j’ai trouvé où ils ont planqué Alejandro. Il se peut qu’on soit attendus, par contre. Tu passes devant? J’ai un peu peur. »

C’était faux, et elle était bien plus décontractée qu’elle n’aurait dû l'être. Pour le moment, elle s’en était tirée assez bien avec l’effet de surprise. Mais ça ne durerait sûrement pas éternellement et si les loubards là étaient faciles à vaincre, ces organisations là avaient aussi des gens qui savaient se battre. Fallait espérer qu’ils soient en pause, après.

Oscar resserra les liens autour de l’homme qu’il venait de neutraliser, jetant un regard dans la direction de sa partenaire, puis s’anima d’un léger sourire. Cette étrange jeune femme titillait sa curiosité, ses actions reflétant un tout autre discours. Son regard verdoyant se retourna dans les tréfonds de l’antre sombre.

« Très bien allons-y, plus vite on y sera, plus vite on en terminera avec cette corvée. »

Il reprit sa route silencieusement, la main posée sur la garde de son épée, prêt à dégainer au besoin. Suivre la piste d’Alejandro ne s’était finalement pas montré si difficile. Les mercenaires s’étant montrés très peu malins, et si peu entraînés, mais incroyablement nombreux. Vraisemblablement, toutes ces histoires n’avaient pour but de dissuader plus que de réellement protéger.

L’archonte s’approcha de la porte, approchant son oreille pour tenter de capter le moindre bruit venant de l’intérieur. Il ne distingua que quelques éclats de voix, mais avant qu’il ne puisse réagir, les morceaux de tissu accrochés aux barreaux des caniveaux explosèrent. Les deux aventuriers éclaboussés, et la porte s’ouvrant à grande volée fit tomber Oscar en arrière. Ce dernier jeta un regard glacial envers d’un des hommes attachés qui avait déformé son visage d’un rictus glaçant.

Des débris de roches s’écroulaient, et le plafond semblait branlant. Ils étaient bien décidés à les arrêter.

« Mais qu’est-ce que t’as foutu ? Tu veux rameuter la garde ou quoi ? Beugla l’homme qui venait de sortir. Que… »

Un homme immense se dressa face aux deux aventuriers, le visage cisaillé de plusieurs stigmates sur un crâne dénué de toute chevelure. Contrairement à ses hommes, il semblait émaner de lui un véritable danger. Oscar le suivit du regard, un frisson désagréable parcourant sa nuque.

« Prends le gosse de riche et casse-toi ! On a des fouines ! Hurla l’homme à l’origine des explosions. »

Sans attendre, l’archonte se leva puis courut à l’intérieur de la pièce pour encore profiter de l’effet de surprise. Il pénétra dans une pièce bien plus illuminée où une odeur âpre s’en dégageait. Il se couvrit le nez rapidement, avant de remarquer un homme inconscient qui semblait correspondre à la description d’Alejandro. Hélas, il fut saisi par les hanches puis soulevé, une puissante prise l’étouffant. Les bras rabattus de part et autre de son corps, il était complètement immobilisé.

« Elles n’ont pas l’air bien coriaces tes fouines, comment vous avez pu les laisser rentrer ? »

Oscar étouffa un gémissement douloureux, avant que Claudios ne vienne planter ses crocs dans le nez de son agresseur, griffant ses yeux. Le mercenaire poussa un cri de douleur en jetant le familier brutalement contre un mur après avoir relâché l’archonte qui était tombé durement sur le sol. Profitant de l’ouverture, il se redressa et planta la lame de son épée dans la jambe du colosse. Il hurla de douleur alors que le plafond commençait à s’effondrer.

Il se massa douloureusement les côtes, avec sa force de brute il avait peut-être fêlé une côte. Mais il ne s’en préoccupa pas davantage, se dirigeant vers son fiouk inconscient. Il le souleva pour se retourna vers le géant en lui lançant un coup d’œil acide.

« Peut-être suffisamment coriace pour savoir que vos histoires se terminent ici. Avec ces explosions, nul doute que la garde va arriver. Et je me chargerai en personne de vous garder ici. »

Oscar retira d’un coup sec l’épée puis écrasa la plaie de son pied. Il pointa le bout de sa lame sous la gorge du mercenaire, alors qu’il se dessinait une menace réelle derrière ses orbes verdoyants. L’archonte ne plaisantait pas, s’il devait plonger son arme dans la gorge du colosse, il le ferait.

« Violette, appela-t-il alors qu’une partie de la cité s’écroulait dans les caniveaux. On nous a demandé à ce que l’identité de la victime ne s’ébruite pas… Tu penses pouvoir le cacher le temps que la garde arrive. »

Il inventerait bien une histoire assez crédible pour expliquer les raisons de sa présence en ces lieux. Mais ce qui importait c’est que ceux-ci ne s’amusent pas à les poursuivre. Oscar leva alors la tête en direction de la fosse qui s’était créée au-dessus de leurs têtes. Par chance, personne ne semblait être tombée en même temps que l’explosion, au grand soulagement de l’archonte. En revanche, la foule se rassemblait dangereusement.

Quelques débris continuaient à sombrer dans le courant de l’eau, mais le plus gros des dégâts étaient passés. Des travaux de rénovations seraient très certainement à prévoir après cette attaque. Oscar soupira longuement. Sa journée était encore moins pire que prévue.

Violette toussa doucement, au milieu de toute cette poussière. C’était une bien drôle de façon d’engager un combat, de tout faire exploser. Mais cela avait été assez surprenant pour l’aventurière qui s’était un peu faite propulser en arrière et s’était cognée l’arrière du crâne contre un mur de pierres. Lumi, heureusement, était un peu en retrait et avait réussi à bondir sur le côté en entendant la chose venir. Oscar semblait en difficulté, mais d’un autre côté, le gosse de riche était en train de se faire embarquer. Assurément encore une situation bien merdique, où il fallait choisir entre la mission et l’objectif. L’aventurière soupira, se relevant, alors que son ombre s’avança vers l’avant, suivie par Lumi, pour se lancer à la poursuite des fuyards.

L’aventurière, de son côté, entra dans la salle avec le plan de porter assistance à Oscar, juste avant que son fiouk n’arrive à renverser la situation, non sans un certain prix. Elle soupira légèrement.

« Bon, d’accord, je vais aller récupérer le colis et le planquer. Mais sois prudent. Cette tartelette ne va pas se payer toute seule. »

Et elle disparu dans un petit voile d’ombre, trébuchant en se retrouvant d’un coup à la poursuite du noble emporté par deux loubards. Elle rappela son ombre pour l’envoyer à ses côtés courir, la laissant même prendre un peu d’avance, courant avec Lumi qui avait fait de même.

« Eh, merde, y a un des vermiceau et une bestiole qui nous suivent! »
« On s’en occupe! »

Violette chuta d’un coup alors qu’une liane venait de la prendre en pleine course à un pied, alors qu’elle était en train de les rattraper puisqu’ils étaient alourdis par leur colis tout saucissonné. Essayant de se relever, elle se retrouva à moitié collée au sol, devenu tout comme gluant et collant. Rien de dangereux, mais ils avaient des bons pouvoirs pour semer leurs poursuivants! Lumi aussi s’était retrouvée bloquée par le même sol. Ils prenait plus de distance.

« Ah! Voilà, reste sagement là bas! Nous on s’en va! »

Il se mit à ricaner, alors qu’il avait un peu ralenti dans sa course, s’étant retourné pour voir ce qu’il était advenu de l’aventurière. Qui, de son côté, souriait légèrement. Le brigand moqueur eu le temps de froncer les sourcils alors que l’aventurière disparu une nouvelle fois. Une expression qui ne dura pas alors que le coude de l’aventurière qui venait d’échanger de place avec son ombre trouva sa gorge en plein dans sa course, le propulsant au sol en coupant sa respiration complètement.

Son comparse fut rapide à réagir, balançant le noble bâillonné un peu plus loin, pour dégainer une dague et balayer horizontalement en direction de l’aventurière qui se jeta au sol pour éviter l’attaque, se retrouvant une nouvelle fois collée au sol. Nouvel échange de place avec son ombre qu’elle avait ramené à elle, et elle se retrouva debout en face de son assaillant qui était maintenant complètement ouvert après avoir manqué son attaque. Profitant de l’initiative, elle lui décocha un coup de poing en plein dans le ventre, qui le plia légèrement en deux mais fit au final très peu de dégâts comparé à son attaque précédente.

Heureusement, Lumi débarqua à ce moment, donnant à l’assaillant un coup de queue en pleine mâchoire tel un uppercut, avant d’échanger de place avec son ombre à elle, derrière sa cible qui s’effondrait en arrière, pour lui mordre le mollet peut-être un peu trop vigoureusement, lui faisant échapper un cri de douleur. Pendant ce temps, Violette se dépêtrait de ce sol  un peu dégueulasse.

« Permettez-moi juste de prendre votre colis, et je m’en vais. »

Se dirigeant vers Alejandro, elle coupa les liens qui le retenaient avec sa dague, du moins une partie avant de voir une nouvelle liane arriver vers elle, tandis que le premier des deux se relevait. L’autre, qui semblait rendre le sol collant, était toujours aux prises avec Lumi, rapidement désarmé, il ne ferait pas long feu face à une laïum énervée qu’on essaye de faire du mal à Violette.

« Mais, vous pouviez pas rester sagement au sol aussi?! »
« J’peux te faire la même remarque! »


La liane se resserra sur la jambe de Violette, avant de la projeter contre un mur, ne pensant pas que cette petite chose aurait autant de choses. Heureusement, son armure absorba une partie du choc, et son ombre était déjà en route. Après quelques échanges pour esquiver les autres lianes, elle arriva au corps-à-corps de son adversaire problématique, coupa d’un coup de dague une liane qui arrivait vers elle, avant de donner un coup de dague très maladroit vers le bras de son adversaire. Son esquive fut plutôt mauvaise, et, Violette, qui n’était pas vraiment préparée à ça, arrêta sa dague à quelques millimètres de son buste alors que son adversaire se figea, sûrement de peur. Violette profita du moment pour juste asséner un coup de genou dans son foie pour lui couper la respiration et le mettre KO, peu de temps après que la garde ne commence à rappliquer au loin.

Elle soupira. Ca allait être chiant. Mais l'autre crétin était sûrement déjà parti loin. C'était déjà ça.

Il ne fallut que peu de temps avant que des pas de course se fassent entendre dans les galeries souterraines de la ville, offrant à l’archonte ce tant attendu repos depuis que leur mission avait commencé. Ils n’avaient certes, pas tant réussi dans la délicatesse que ce que leur commanditaire avait espéré, mais au moins Alejandro semblait sauf et entre de bonnes mains. Du moins, il se forçait à croire.

Machinalement, il porta sa main libre sur la zone douloureuse de son corps, mais gardant bien en place la pointe de sa lame contre son agresseur. Un geste, et il n’hésiterait pas à commettre ce qu’il appellerait une simple maladresse face aux gardes. Le fiouk encore inconscient reposait dans une besace, qu’Oscar tenta de ne pas trop remuer pour ne pas aggraver ses blessures. Le dédale des entrailles de la ville semblait ralentir le corps de la garde, l’aventurier pouvait les entendre se répartir les ordres mais aucun ne traversa encore la porte du repaire des bandits à son grand damne. Pouvaient-ils se hâter afin que l’archonte puisse enfin rentrer ?

“Par i-…"

Il tenta bien vainement de les prévenir, mais ce fut une inattention qui lui coûta plus que ce qu’il aurait pu croire. Un crochet rencontra sa mâchoire, le propulsant en arrière. Légèrement sonné, Oscar, se laissa tomber sur le sol, en se massant la zone douloureuse, par chance, celle-ci n’était pas déboîtée. Les rats étaient tenaces aujourd’hui. Dans l’entreprise, il avait perdu son épée, qui s’était également égarée quelques mètres plus loin. Un grognement agacé traversa les lèvres de l’aventurier, contrairement à nombre de ses comparses, il n’était pas cet homme à la réflexion limité qui s’armait plus de leurs poings que de leur cervelle, et cette fois-ci, il devait bien admettre que cet aspect lui faisait défaut, surtout avec quelques blessures accrochées à son corps.

Seulement, cette fois-ci, leur objectif était atteint, donc il n’avait plus rien à perdre ici. Plus mince, plus souple, il ne lui fallut pas longtemps pour se glisser loin de la poigne meurtrière du colosse. Passant non loin de sa jambe, la dague se planta de nouveau dans la jambe, libérant un geyser écarlate lorsqu’il la retira, ne manquant pas de redécorer sa tenue du liquide encore chaud. Un nouveau hurlement rauque, plus de fureur que de douleur, mais celui-ci était suffisamment audible pour faire remarquer leur présence. Un sourire narquois marqua les lèvres de l’archonte qui s’écarta de sa cible, se rapprochant d’un pas tâtonnant de sa sortie. Cette fois-ci, il ne ferait pas l’erreur de le lâcher du regard, pas alors que la tête du loup pouvait encore mordre.  

Loin d’être bien présentable, Oscar parvint à rejoindre le couloir d’eau, parfaitement illuminé par l’astre solaire. La porte fut aussitôt refermée derrière lui. Une légère fatigue marquant ses traits, mais il fut cependant soulagé de croiser le regard d’un garde qui s’approcha de lui pour l’appréhender. Mais avant qu’il ne puisse émettre la moindre protestation, la porte s’ouvrit à grande volée, son épée sifflant dans sa direction. Un claquement de langue agacé, l’aventurier commençait à en avoir assez de ce singe qui hurlait à n’en plus pouvoir, ne sachant pas quand s’arrêter. Il n’avait pas vécu grand-chose, mais il était exténué, et la douleur lui rappelait qu’il était blessé bien malgré lui. Serpentant entre sa garde, la dague cisailla avec aisance la peau de son bras, puis lorsqu’il la retourna du côté de la pince, il s’en servit comme d’un marteau pour assommer son adversaire.

Il lui fallut quelques secondes pour réaliser que c’était fini lorsqu’enfin il s’écroula sur le sol. Complètement essoufflé, Oscar se passa une main sur le visage, écartant les quelques mèches brunes trempées de sueur, de son visage. Tout s’était passé si vite, qu’il n’avait pas vu que le garde qui venait tout juste d’arriver, l’avait épaulé dans son action, sans quoi, il aurait certainement fini tranché en deux.

“Ça va gamin ?”

L’archonte tourna la tête dans sa direction, puis étira un léger sourire.

“Je pense bien oui... Enfin, ça va mieux.”

Alors que la zone se remplissait peu à peu de gardes, Oscar commença sa déposition, quelques premiers soins lui étant donnés pendant qu’il leur racontait une version de l’histoire un peu revisitée. Esquivant soigneusement de mentionner le noble qui les avait embarqués dans les sous-sols de la ville.

Ramené à la surface avec les blessés - et Violette - Oscar, reprit les éléments de sa déposition, parlant suffisamment fort pour qu'elle puisse entendre sa version des faits, et s'y accorder lorsqu'ils seraient interrogés séparément.

Mais l'aventurier, loin d'être en très bon état, fut finalement libéré pour être transporté chez un médecin afin de vérifier la gravité de son état. Rien de bien important, mais bel et bien la côte fêlée comme il y avait pensé. À son grand dépit, il ne pourrait pas retourner sur la route de sitôt, finalement, Claudios avait fini par ouvrir les yeux, encore confus de l’échange, il ne semblait pas en si mal état que ce à quoi il s’y était attendu.

Lorsqu'enfin, ils se décidèrent à le relâcher, il rejoignit sa nouvelle comparse devant la caserne, sans savoir si celle-ci l'avait attendu. Il put pousser un soupir de soulagement en la voyant assise sur un muret à l'attendre.

“On avait dit des tartelettes aux fraises c’est ça ?”