Première lune de la saison fraîche de l'an 1001
Chère Chrystielle,
Cela fait depuis tellement de lune que je ne t'ai pas écrit. Je pourrais parler de mon travail qui me prend énormément de temps, ou bien même de la naissance de ma petite fille, Annabeth. Je pourrais également te dire que c'est la faute de mon mari, qu'il ne m'aide pas assez dans les tâches quotidiennes et que je n'ai pas assez de temps pour moi...mais il n'est rien de tout cela.
La demande pourrait te surprendre, surtout que je t'écris uniquement quand j'ai quelque chose à te demander. Mais j'ai tout de suite penser à toi.
Depuis quelques jours, des cris étranges se font entendre dans la forêt environnante de mon village. Au début, nous pensions qu'il s'agissait d'un animal blessé. Plusieurs battues ont été faites, mais aucune n'a réussi à trouver la source de tout ce bruit.
Quelques rares personnes ont raconté qu'une forme se faisait voir en pleine nuit. Mais là encore, impossible de dire de quoi il s'agit. Nous ne savons également pas si elle est blessé, ou pire, mourante.
Te contacter m'a semblé important. Depuis que nous nous connaissons, tu as toujours été d'une extrême gentillesse pour les animaux, qu'ils soient dangereux ou imposants. Alors je t'en conjure : viens en aide à celle-ci. Ces cris de détresse me fait mal, fait souffrir tous les habitants du village.
Tu trouveras en joint à cette lettre la carte menant à mon village. J'espère de tout coeur qu'elle t'arrivera à temps. J'ai confiance à tes capacités, et t'attends à la première lune de la saison fraîche à l'entrée de notre village.
Éléanore.
A la fin de la lecture, je m'empresse d'en écrire une autre. Pas pour Eléanore, mais pour monsieur Fauve. Je connais les dangers de la montagne, et c'est bien la seule personne à qui j'ai pensé pour m'accompagner dans cette aventure.
Cher monsieur Fauve,
Ma demande peut vous paraître bizarre, voir déplacer. Mais j'ai besoin de votre aide ! Une amie habitant en montagnes m'a parlé d'une créature mystérieuse en danger. Je ne connais pas encore tous les détails : je me rend dans son village tout de suite. A la réception de cette lettre, il se peut que je sois déjà arrivée.
Si cette recherche vous intéresse (et je n'en doute pas !), je me ferai une joie de vous retrouver au village ! Je vous joins une carte pour connaître sa localisation.
J'espère que, d'ici votre arrivé, j'aurai réussi à recueillir un peu plus de renseignement...
Je compte sur votre présence à mes côtés !
— Farouk court bien !
— Effectivement Soly.
C’est ma première sortie officielle avec mon frouska, se dégourdir vraiment les jambes semble lui plaire plus que bien. Bien content d’avoir un équipement de monture adapté pour lui, mon poids ne semble pas trop lourd pour lui et même s’il fait parfois quelque danse étrange pendant nos pauses il est plein de vie. On ne dirait pas qu’il a été traumatisé par des contrebandiers quand on le regarde ainsi. Au moins cela permet d’aller plus rapidement au point de rendez-vous avec Chrystielle et d’avoir un moyen de courser un animal en fuite si on doit en trouver un.
— Odeur de saison là !
— Je t’ai déjà dit de ne pas l’appeler ainsi.
— Mais saison plus simple.
— Soly…
— Pas loin ! Juste par-là ! Suis !
Tout en disant cela, elle prend la tête de notre groupe et va dans une direction très précise dans ce petit village. Je n’aurais point pensé que nous en serions là aussi rapidement sur place, mais ça va tout de suite plus rapidement avec une monture. Farouk freine d’un coup et je vois Soly sautiller autour de Chrystielle qu’elle vient de trouver alors qu’elle était dehors et mon frouska se met à chantonner comme dans son langage comme pour accompagner les sauts de ma chienne.
— Vous deux vous êtes ridicules, on ne dit pas bonjour comme ça.
Ils semblent n’en avoir rien à faire et continuent leur affaire alors que je soupire de cela. Il aurait été plus simple que cela se passe autrement. Je descends de ma monture et lui caresse un peu le cou pour le remercier de ses efforts.
— Salut princesse. Ton chevalier servant est là pour t’aider à sauver cette créature en danger. Est-ce que tu as eu des informations sur ce qu’on cherche de base ? Au fait, tu connais déjà Soly, mais je te présente Farouk.
Suite à la mention de son nom, ce dernier roucoula à sa manière avant de poser sa tête sur mon épaule droite comme pour asseoir le fait qu’il était mien. J’ai un peu de mal à comprendre son comportement, mais ce n’est pas bien important.
— Est-ce que tu as tout pour partir en montagne ou est-ce qu’on doit faire quelques courses avant ?
J'ai tout juste eu le temps de revenir à moi pour me rendre compte que Soly me fonçait dessus. Arrivé à mon niveau, elle me tourne autour, sa voix résonnant dans ma tête.
- Ahaha, moi aussi Soly, je suis contente de te revoir !
Je me rhabille rapidement : les frottements de soly contre mes vêtements à fait tomber mes chaussettes jusqu'en bas de mes chevilles. Je remonte tout ça et m'approche de mon ami.
- Monsieur Fauve ! Je suis bien contente de vous revoir... Oui, j'ai eu le temps de trouver quelques informations, mais rien de vraiment transcendant, malheureusement... mais ne restons pas dans le froid de la montagne ! Venez, je vais vous emmener jusqu'à la maison de mon amie.
Je penche la tête délicatement sur le côté, surprise de voir un frouska auprès de l'homme. Je n'entend aucune voix, à croire que l'animal préfère montrer ses émotions et ses sentiments par le geste et non pas par la parole comme peut le faire Soly.
- Elle n'est qu'à quelques minutes de marche, suivez moi.
— Tiens, mon apprenti voulait qu’on ait une douceur avant de voir plus loin ce qu’on a fait.
Je le lui mets dans les mains et prends la bride de ma monture pour le guider à terre, même s’il est incroyablement docile et suis simplement nos pas sans chercher à explorer tout ce qu’il y a autour. Ce n’est pas plus mal pour le coup.
— Vraiment, ma p’tite étincelle arrête avec le monsieur. J’ai l’impression, à chaque fois, que je suis ton grand-père. Pas que d’être de ta famille me dérange, mais j’ai assez de cheveux blancs naturellement pour ne pas avoir envie d’avoir les rides en prime. Mes cicatrices sont assez bien.
Je sais d’avance que c’est comme pisser dans un violon de dire cela, mais au on ne sait jamais, peut-être un jour cela ne tombera pas dans l’oreille d’un sourd. Effectivement, la maison de son amie se dessine assez rapidement face à nous et j’observe un peu les alentours. Pas de signe de destruction donc au moins pas de créature dangereuse n’était venu jusque là.
— Je ne sais pas si cela sera très utile, mais j’ai un peu étudié les bestioles du coin, même si je me doute que tu connais bien ton sujet aussi. Parfois je me dis que je devrais demander le bestiaire du royaume et faire des croix à chaque nouvelle créature que je rencontre, juste pour jouer.
Une manière comme une autre de faire un peu la conversation sur un sujet qu’on a en commun.
Je prend le rouleau et le mange en deux grosse bouchées. J'ai toujours eu un penchant pour ces sucreries, mais trop en manger ne me ferai que souffrir, et encore plus pour mes pantalons et mes jupes.
Nous commençons à prendre la route vers la demeure de mon amie Éléanore, quand monsieur Fauve me redemande de ne plus l'appeler "monsieur". Je sais que cela peut faire du tort à certaines personnes, mais c'est ma façon de parler...je peux tout de même essayer de faire des efforts...
- Je peux envisager d'arrêter de vous vouvoyer si vous me laissez tout de même le monsieur !
Je sais que l'homme n'acceptera pas cette proposition, et que de mon côté, il sera très difficile de m'y tenir. Mais il faut faire des compromis dans la vie, non ? Devant nous se dessine le chalet d'Éléanore, petite maison, mais suffisante pour elle, son mari et sa petite-fille. Je glousse à la remarque de monsieur Fauve.
- Nous pourrions nous montrer nos classeurs à chacune de rencontre !
Il est sûr qu'avec ce genre d'ouvrage, je me déplacerai beaucoup plus souvent dans son centre ! Pour le voir, pour sûr un peu, mais beaucoup plus pour voir toutes les nouvelles créatures qu'il a pu rencontrer et que je n'ai pas encore eu la chance de croiser.
Devant la demeure, je toque trois fois pour que mon amie soit avertie de notre venue. Celle-ci ouvre la porte en grand, un bébé dans les bras.
- Ma Lucy ! Qui êtes-vous ?!
bien entendue, Éléanore ne peut pas encore me voir, et n’aperçoit donc que monsieur Fauve, un parfait inconnu, sur le seuil de sa porte.
- Éléni ! Je suis là.
Ces yeux croisent enfin mon regard, et son sourire s'illumine.
- Kersi ? Kersi !
La jeune femme me prend dans les bras, prenant soin d'écarter Annabeth de la trajectoire. Âgée d'un an maintenant, elle possède le physique de sa maman, mais avec les gros yeux de son père. Au bout de quelques secondes, elle me relâche, et me laisse le temps de présenter monsieur Fauve.
- Tous les deux, nous allons trouver quel animal ce cache ici.
- Vous me sauvez la vie...mais venez, entrez et ne rester pas dans le froid ! Pour votre monture, passez par l'arrière de la maison. Vous y trouverez un abri.
- Je vou-...je t'accompagne, monsieur Fauve !
Nous déposons le Farouk et rentrons nous réchauffer. Le petit salon accueille une grande table en bois, ainsi que cheminé où un feu brûle chaudement. Éléanore nous installe dans un canapé et des fauteuils, et nous sert une boisson chaude.
- Qu'est-ce que tu pourrais nous dire, sur la créature ?
Le thé au citron me brûle les mains, mais cette douleur me fait du bien, vraiment. Elle réchauffe chaque petites parties de mon corps, faisant parcourir de légers courants électriques dans mon dos.
- Malheureusement, non. Les cris se font toujours entendre, mais personne ne l'a encore vue...je peux vous donner une zone, mais je ne vais pas pouvoir faire quelque chose de plus...
Je regarde monsieur Fauve. S'il a d'autres questions, c'est le moment de les dire !
— Merci d’écouter mes demandes. Je passerais le mot à Xarope, il sera heureux.
En plus, le gamin sera vraiment heureux qu’elle est pu gouter à ses roulers à la cannelle. Ils sont bons, si ça ne tenait qu’à moi je les aurais tous mangés tout seul. Quoi qu’il en soit, même si j’ai très envie de faire des propositions lourdes à l’amie de Chrystielle, je me retiens pour le bien de notre affaire. Une vie animale est en jeu, j’aurais le temps pour la bagatelle plus tard. J’ai laissé Farouk et Soly ensemble à l’arrière de la maison. Les deux ensembles histoire que Farouk ne se sente pas seul, il a tendance à faire des choses étranges une fois seules, on ne dirait pas ainsi que c’est une créature solitaire de base. Enfin. Ce n’est pas le souci du jour.
— Merci pour l’accueil, on va tenter de faire de notre mieux. La traque je m’y connais, en animaux aussi.
— Il ne faudra pas lui faire de mal, hein… Nous ne savons pas ce que c’est, mais dans tous les cas c’est une âme qui souffre.
— Vous n’avez pas une carte des lieux en plus de nous donner une vague idée de la zone ?
— Si, bien sûr, c’était même prévu de la donner en même temps que les informations, je ne m’attends pas à ce que vous connaissiez la zone par cœur.
— Je demande, certaine personne ne semble s'attendre à cela des sauveteurs.
— Ce sont des idiots.
— Parfaitement d’accord avec cela.
Éléanore commença à donner les indications d’un lieu qui semblait être proche d’un torrent très rapide, assez proche de petite grotte où l’on pouvait trouver des sources chaudes très en profondeur, mais personne n’allait jamais là-bas, malgré qu’on sache que cela existe à cause du danger et du fait que c’était tout sauf pratique.
— C’est une zone assez à risque pour pas mal de monde effectivement… ça explique facilement de comment ce qui se trouve là-bas à pu finir blessé, enfin, ça n’explique pas vraiment puisqu’il y a beaucoup de possibilités, mais… bref, c’est logique un blessé là-bas.
C’est peut-être con à dire, mais c’est rassurant que cela paraisse logique parce que ça veut dire que ce n’est pas un piège. Je ne sais pas qui nous aurait tendu un piège, en tout les cas ne s’en est pas un. Tant mieux.
— On va pouvoir y aller Chrys ?
Éléanore part quelques instants avant de revenir les bras chargés de vêtements. En m'approchant, je me rend compte que ce sont des vêtements vraiment très chaud, ainsi qu'un bonnet avec un petit trou derrière pour laisser passer une queue-de-cheval. J'y trouve également une paire de gant, une écharpe et des espère de grosses lunettes à monture ronde.
- Qu'est-ce...qu'est-ce que c'est ?
- C'est pour ton expédition. Je n'ai pas envie que tu te fasses mal ou que tu attrapes froid à cause de moi, donc j'ai tout prévus pour toi. Je suis désolée, messire, je ne savais pas qu'elle venait accompagné.
- Je...je ne peux pas accepter...
- Ne dis pas de bêtises, je te pris ! Avec tout ce que tu fais pour nous à chaque fois, ça, c'est simplement un maigre remerciement.
Je la serre alors dans mes bras, et dis à monsieur Fauve que je pars quelques minutes pour me changer. Dans la nouvelle salle, je me rend compte qu'Eléonore connait ma taille avec beaucoup trop de précision. Tous les vêtements, même les chaussures me vont à la perfection. J'ai donc le droit à de grosses bottes fourrées qui remontent jusqu'à mi-mollet, un collant bien épais aux grosses lignes de couleurs pâles, une robe en laine descendant jusqu'à mi-cuisse avec les mêmes motifs que le collant et une espèce de grosse laine sans manche de teinte blanche. J'ai également mis le bonnet noir et fais passer mes cheveux roux bouclés dans le petit trous, ainsi que la paire de lunette à monture marron ronde posé sur mon nez. L'écharpe et les gants verts foncés cachent les derniers centimètre de peau encore visible.
- Voilà ! On peut y aller monsieur Fauve !
Mon sac à dos sur les épaules, j'ai l'impression de mettre préparer pour une expédition de plusieurs mois dans le grand nord, alors que nous partions simplement pour une petit visite de quelques heures dans la forêt des montagnes.
Nous sortons de la maison d'Eléonore. Celle-ci est restée sur le seuil de la porte, son bébé dans les bras, à nous faire un signe de main de loin. Je me rapproche de monsieur Fauve afin de voir un peu mieux la carte.
- Par où veux tu qu'on commence à fouiller ? Directement au niveau des rapides ?
— Vous ferez attention à elle ?
– Bien entendu. Ça fait aussi partie de mon travail.
Elle sourit et ça semble lui suffire comme réponse. Un peu plus et je me dirais qu’elle se fait des histoires d’enfant sur la relation entre son amie et moi. Plus mon souci. Même si sa réputation se ternit à force de me rencontrer ce n’est pas de ma faute. Enfin, elle est une adorable enfant quand elle redescend toute prête.
— Les rapides seraient effectivement un bon début, commencer directement par les parties dangereuses permet d’être certain que la créature n’est pas dans une zone qui est mortelle pour elle. Moins c’est dangereux, plus c’est sûr pour elle et donc moins c’est urgent.
Tout en disant cela, je vérifie que Farouk et Soly ont l’air d’attaque pour une traque. Les deux sont même très excités visiblement et il va même falloir faire attention à ce qu’il ne provoque pas d’animaux sauvages au lieu de juste suivre une trace. Doucement, j’indique la marche à suivre pour nous rendre au premier point d’intérêt possible. Le bruit des rapides est ce qui s’entend le plus rapidement, mais il y a comme des cris dans le lointain que je n’arrive pas à comprendre complètement.
— C’est que moi le bruit en plus ou toi aussi tu as cette impression ?
Je demandais cela autant à ma compagne d’aventure qu’à mes familiers qui se mirent visiblement à tendre l’oreille. Farouk se met à sautiller comme dire qu’il avait effectivement entendu quelque chose alors que Soly semble plus sur ses gardes par rapport au son en question.
|
|