Les rumeurs courent, emplissent et se transforment de jour en jour. Pas que cela ne soit pas intéressant de courir après une rumeur pour en connaître la source et savoir s’il faut ou non la raconter ou servir sa propre version du bousin, mais sans piste pour commencer cela est compliqué. Demandé une enquête sera plus simple et Pariza verra à ce moment ce qu’elle fera de tout cette histoire. Surtout que cela touche la couronne, encore une fois. C'est quand même salle d'utiliser des excréments pour salir une famille.
Tapotant sa plume sur sa feuille, elle cherche la bonne formulation pour la petite annonce. Est-ce que cela ne serait pas plus efficace de passer par un service d’enquête que par le journal vu l’ampleur des rumeurs ? Vu que cela touche, littéralement, de la merde et que très peu de personnes acceptent de chercher sur cela même avec une forte somme de cristaux ? Surement. Dans tous les cas, elle publie une note simple et acceptera de payer et aider la ou les personnes remplissant cette enquête. Parfois c’est plus simple ainsi.
Le Chantelune Voyageur cherche la vérité sur l’affaire du déversement de déjections sur la voie publique qu’il y a eu lieu à la capitale. Toutes les dépenses pour l’enquête et la protection des informateurs seront prises en charge par le journal. Nous assurons votre anonymat si tel est votre désir, mais nous assurons aussi votre publicité si vous préférez cela. La recherche de la vérité est notre plus grand salut.
Simple et précis. Enfin, elle le pense en tout cas. Si personne ne répond, elle verra pour faire une demande plus claire et attractive. Mettre des chiffres parfois cela aide. Surtout quand c’est le montant d’une paye.
Malgré tout, elle allait rentrer, et se servir de leur avidité pour se servir d’eux. Derrière elle trottait l’innocente Tetsuko qui regardait sûrement le bâtiment avec curiosité. Elle ne savait pas ce qu’il se passait, Vivianne ne lui avait encore rien expliqué. Il faut dire que la détective était un peu cruche sur les bords et une victime idéale. Elle se ferait sûrement dévorer toute crue si elle rentrait à Lagoon sans quelqu’un comme Vivianne pour la surveiller. Même si elle avait accepté de la suivre, Vivianne se demandait toujours si elle réalisait ce qu’il se passait. Comprenait-elle tout ce qui se tramait dans l’ombre ? Concevait-elle que des gens puissent considérer sa vie comme un outil jetable ? Elle avait vécu une vie tranquille, une vie de mensonges. Une prison d’illusions qu’elle appelait « bonheur ». Rien de tout cela n’existait pour Vivianne. Le temps … oui, le temps avait eu raison de toutes ses illusions. Seul lui importait la liberté, celle dont elle rêvait au fond de ce placard où elle lisait des grimoires en cachette pour apprendre la magie.
Je me tournai vers mon « apprentie ». Mon regard était sérieux et je ne pouvais cacher que je jugeai un peu son regard perdu. Mes yeux glissèrent sur son corps, inspectant sa tenue, sa chevelure, son maquillage que je l’avais obligé à mettre. Oui, cela devrait faire l’affaire. En sortant de prison, elle ne ressemblait à rien, mais avec un petit coup de pouce, elle avait enfin l’air d’une femme.
« Bien, tu te souviens de ce que je t’ai dit ? Tu me laisses parler, de toute façon le directeur ne s’intéressera qu’à moi, car il lorgne sur ma boutique depuis des années. Me voir en difficulté va piquer son intérêt. Il se peut cependant qu’il lorgne un peu sur ta poitrine et … Pourquoi tu me regardes comme ça ? »
Je levai un sourcil inquisiteur. Ne me dis pas que sur ce terrain là aussi, elle était innocente. Par la déesse Lucy, mais où avait-elle vécu pendant 25 ans ? Était-il possible d’être aussi ignare ? Je soupirai de fatigue. J’aurais dû la laisser à la boutique et m’occuper de cet entretien toute seule. Elle m’aurait attendue bien sagement, comme un petit chien.
« Oublis ce que je viens de dire, balayais-je de la main. Ce qui importe, c’est de nous mettre le directeur dans la poche. On a besoin de lui pour entrer dans les soirées d’entrepreneur. Tu te souviens ? Il faut qu’on trouve des preuves pour les donner à la journaliste. Elle s’occupera de faire notre tribune ensuite. »
Je sortis une bourse de cristaux de ma poche et l’agitai sous le nez de la détective.
« Et si notre charme ne suffit pas et bien on utilise la coquette somme qu’on nous a donnée pour ce travail. »
Vivianne rangea son argent et jeta un dernier regard à Tetsuko pour s’assurer qu’elle avait bien compris. Le message était clair pourtant : « Sois belle et tais-toi. ». Elle espérait qu’elle n’allait pas tout foutre en l’air. Lagoon n’était pas une entreprise de rigolos. Et il était de notoriété criminelle qu’ils savaient comment détruire un commerce et des personnes. Vivianne s’en sortirait, elle s’en sortait toujours, mais ce ne serait peut-être pas le cas de Tetsuko.
L’enchanteresse poussa la grande porte et pénétra dans le bâtiment d’un air à la fois fier et faussement émerveillé. Elle avait encore besoin de jouer le rôle de la cruche pour paraître vulnérable et attirer les requins dans ses filets. Elle s’approcha du comptoir principal où les attendait une réceptionniste.
« Bonjour, madame, je suis Vivianne Abelas et voici mon assistante. Nous avons rendez-vous avec Monsieur Richter à 10h30. »
La réceptionniste leur jeta un regard avant de les saluer poliment. Elle vérifia ensuite son registre pour s’assurer que la femme aux cheveux bleutés disait vrai.
« En effet, il est pour l’instant en rendez-vous avec une représente de l’Astre de l’Aube, il aura malheureusement un peu de retard. Puis-je vous inviter à patienter dans la salle d’attente ? Sa secrétaire viendra vous chercher. C’est la troisième porte à droite, dit-elle en pointant une direction.
- Vous êtes bien aimable, la remercia Vivianne avant de se diriger vers ladite salle d’un pas assurée. »
Il ne restait plus qu’à attendre le requin en chef.
Tetsuko n'en était qu'à ses débuts avec cette histoire de nettoyage de rue qui avait mal tourné. En quelques jours elle avait fait un séjour en prison, s'était fait abandonner par Vivianne, puis mis un couteau sous la gorge et la voilà maintenant à chercher les responsables de ce merdier. Faire une enquête, c'était son métier, mais le faire pour sauver sa peau et en collaboration avec une personne qu'elle n'appréciait pas, c'était une nouveauté. Elle avait la sensation de tomber dans l'illégalité et ce n'était pas un sentiment qui lui plaisait. Elle avait toujours su rester droite dans ses bottes et la voilà à suivre une délinquante et se retrouver elle-même prise pour une mauvaise citoyenne.
Sans trop avoir le choix, elle suivait Vivianne dans une entreprise qu'elle ne connaissait pas, sûrement un endroit peu fréquentable remplit d'autres sorciers malicieux comme Vivianne. C'est donc avec peu d'envie qu'elle avançait vers les lieux.
Elle avait dû mettre une tenue peu confortable que la femme lui avait donnée et un maquillage qu'elle n'avait pas l'habitude de porter. Le rouge à lèvre lui donnait une sensation désagréable et elle ne manquait pas de se pincer les lèvres à chaque instant, goutant ainsi le goût particulier de celui-ci.
- " Bien, tu te souviens de ce que je t’ai dit ? Tu me laisses parler, de toute façon le directeur ne s’intéressera qu’à moi, car il lorgne sur ma boutique depuis des années. Me voir en difficulté va piquer son intérêt. Il se peut cependant qu’il lorgne un peu sur ta poitrine et … Pourquoi tu me regardes comme ça ?"
Quand Vivianne mentionna sa poitrine, la jeune femme fit les gros yeux. Elle ne comprenait pas où elle voulait en venir et en quoi sa poitrine avait à voir dans l'histoire. Vivianne semblait agacée, ce que Tetsuko ne comprit pas non plus, elle n'osa même pas répondre à sa question et ne savait pas quoi ajouter.
- "Oublis ce que je viens de dire, balayais-je de la main. Ce qui importe, c’est de nous mettre le directeur dans la poche. On a besoin de lui pour entrer dans les soirées d’entrepreneur. Tu te souviens ? Il faut qu’on trouve des preuves pour les donner à la journaliste. Elle s’occupera de faire notre tribune ensuite. Et si notre charme ne suffit pas et bien on utilise la coquette somme qu’on nous a donnée pour ce travail."
- "Oui madame."
Tetsuko savait que son meilleur avantage était de se taire et elle avait une autre idée en tête, celle d'enquêter silencieusement avec les plantes alentour par télépathie.
Elle nota le changement de comportement de Vivianne et se dit que cette femme était une sacrée actrice, peut-être faisait-elle un autre métier que de vendre des enchantements pour en être arrivé à ce point. Ce ne devait pas être un métier dangereux pourtant, pensait Tetsuko.
Elle la suivit jusque dans la salle pour attendre le chef avec qui elles avaient rendez-vous. Tetsuko ajustait tant bien que mal la robe qu'elle portait, ce n'était vraiment pas dans son habitude de porter des robes aussi courtes et elle n'appréciait pas vraiment la sensation. Elle avait l'impression de marcher nue.
'' Euh, oui, bien sûr, et qu'est ce que je- ''
'' N'importe quoi. Tiens, on a qu'à dire que j'ai un entretien avec Mademoiselle Weiss. '' Précisons, sait-on jamais qu'elle se plante ! '' Une représentante de l'Astre de l'Aube. Fait circuler l'information. J'ai du travail avant l'arrivée de mon rendez-vous de dix heure trente. ''
'' Oh, oui, ce rendez-vous avec... ''
Mademoiselle Abelas.
Une bien jolie jeune femme, s'il avait quelques années de moins...Ah, cette frontière de l'âge ! Un trentenaire comme lui ne peut décemment entretenir de relations avec une gamine qui a à peine dépassé les vingt ans. C'est en tout cas son point de vue sur la chose ; après, rien ne l'empêche d'être suave et, mentons pas, un peu lourd. Sarah, Lady Belmont, Vivianne, Luz...Aucune n'a échappé aux petits numéros du blond. Après...Seule une s'y est laissée avoir. Peu importe à quel point il se concentrerait sur cette tignasse bleutée, cette tempête rousse finissait toujours pas tout balayer sur son passage, ne laissant plus que sa fragrance et cette agréable sensation de chaleur.
Car oui, Warren avait déjà rencontré à quelques reprises la citoyenne.
Et toujours, elle est passée entre les mailles de son filet. Sa boutique est pourtant si attirante ; si lucrative. A de maintes reprises, il y était passé personnellement, tentant vainement d'y proposer ses services, financements, transports, quoi que ce soit. Un business qu'il chérirait, ne tenterait pas d'arnaquer, ferait survivre et prospérer coûte que coûte. '' Peut-être juste en l'échange d'un verre ?''. Pas le genre de choses qu'on dit dès le premier entretien, et pour se faire cataloguer, il n'y a pas mieux. Chose que la jeune entrepreneuse fit en toute logique, justement. Tous ses essais suivants n'avaient été que des coups d'épée dans l'eau, si bien qu'il fit le mort, purement et simplement. Les jours se transformant en semaines, inlassablement en mois, la jeune Abelas ne reçut plus de nouvelles de Warren, Lagoon ou Althair.
Imaginez donc sa surprise, quand un jour, on lui annonça qu'un courrier avait été reçu, signé de ce nom qu'il n'espérait pas revoir ! Il se rappelle encore avoir tout annulé dans l'instant, priorité absolue aux recherches et à cet entretien qu'il espère si fructueux ! S'il avait su la raison de la venue de la bleue...Eh, il aurait accepté quand même, que le peuple la voit pénétrer dans le bâtiment, c'est déjà une minime victoire. Toute la matinée, il avait potassé ; tarifs, effectifs, localisation, il savait énormément de choses sur la boutique de la citoyenne -Oh non, rien de bien illégal, ni d'informations sensibles bien sur, il n'a pas cette autorité tant qu'il n'a pas la main mise dessus. Disons simplement qu'on apprend beaucoup de choses, quand des gens acceptent d'être grassement payés pour juste rester debout contre un mur à observer une devanture, suffisamment pour un rapport express auprès du grand patron.
Bon. On approche des dix heure trente. J'imagine que Abelas doit déjà être arrivée...Ah que j'en ai marre, de tout faire pour lui ! Et elle arrive quand, cette autre secrétaire qui est sensée me décharger ? Je sais qu'il cache plein de choses, c'est une évidence, et je suis ni assez payée, ni assez intéressée pour m'en préoccuper ! Et le temps, mais qu'il me manque le temps, par Lucy ! Surchargée et épuisée, voilà comment je suis la plupart du temps ! Merde enfin, j'ai même pas accordé mes chaussures à mon haut aujourd'hui, c'est dire le brouillard dans lequel j'étais ce matin ! Bref. Il a de la chance d'être aussi charmant. Même si...Il me fait peur, parfois, je sens que du moment où je serais à ce poste, entre ces murs, je suis en sécurité. La sécurité, c'est le plus important ici. Allez. Dix heure trente un peu passées. Je me lève, mes talons claquent contre le sol. J'ouvre la porte, hugh, toujours aussi...Actif ici. Je remercie tous les Dieux de n'être que la secrétaire de Warren ! Doucement, grand sourire, visage doux, je m'approche des deux femmes qui semblent attendre – deux ? Je sais pas si le patron avait prévu ça...
'' Madame Abelas, j'imagine ? Enchantée, je suis la secrétaire de Monsieur Richter ! Si vous voulez bien me suivre ; il doit être prêt à vous recevoir ! ''
Et c'est ainsi que je conduis ces pauvres petites brebis dans l'antre de mon chef. Il fallait passer cette porte rougie, longer ce couloir presque interminable bordé de pièces de repos, d'études et d'archives. Pour enfin, au bout. La large porte du bureau de Warren.
Voilà que ça toque à la porte. D'un œil affûté, il regarda l'heure ; cinq minutes de retard, assez pour paraître occupé, trop peu pour que le client ait l'impression qu'on se moque de lui. Cette ''tactique'' lui est égale et étrangère, et s'est faites naturellement sous l'impulsion de sa secrétaire. Elle est souvent elle même en retard, donc autant s'en servir d'argument. Candidement, il n'y vu aucune objection, requin non dénué de cœur et de sentiment, il comprenait les tourments de la jeune rousse.
'' Je t'en prie, Pam ! ''
La porte s'ouvre, en grand, laissant place à de- non, trois têtes ? Une inconnue à rajouter à l'équation ! Une petite femme, que Warren ne manquerait pas de qualifier de ''petite mignonne''. Un peu plus vieille que Vivianne, visiblement, cette dernière possède des traits fins, un visage d'ange encadré par des cheveux d'une couleur des plus irréaliste mais si charmante. Et derrière elle...Celle qu'elle semble traîner...Était très bien habillée, très bien maquillée, et son regard s'attardait bien plus longtemps sur cette chair fraîche, dans le sens où il ne la connaît pas, plutôt que sur Vivianne.
'' Monsieur Richter, Madame Abelas et sa...Euh...Plus un ? ''
'' Bien sur, bien sur ! Merci Pam, tu peux repartir ! Vous deux, je vous en prie, asseyez vous. ''
Ne daignant pas se lever, il se contenta d'un mouvement de bras vers les deux chaises. Bien que la présence de la deuxième beauté n'était pas prévue, il y avait constamment au moins deux chaises en face de lui, justement pour ces cas là. Et si ils viennent à trois, direz vous ? On improvise. On s'adapte. On surmonte. Derrière ses lunettes aux verres fumés, il jaugeait de nouveau les deux femmes, jusqu'à ce qu'elles daignent s'asseoir. Lui se renfonça confortablement dans son fauteuil, passant sa jambe droite par dessus la gauche, entremêlant ses doigts, sourire énigmatique aux lèvres. Espérons que l'ambiance feutrée un peu glauque pour quiconque n'apprécie pas les vieilleries, le mobilier sombre et la quantité assommante d'ouvrages et autres dossiers présents sur les lourdes bibliothèques. D'aucun dirait qu'il faudrait les ouvrir parfois, ces rideaux gris qui laissaient si peu filtrer la lumière naturelle par la grande fenêtre juste derrière lui. ''Elle gêne''. Voilà ce qu'il répondait toujours. Si il pensait à ses plantes ? Oh, y en a bien deux trois, qui se battent en duel. C'est Pam qui s'en occupe, bizarre, cette double casquette secrétaire-jardinière, mais on la refait pas. ''Ça fera quand même un peu plus chaleureux'', qu'elle disait.
'' Mademoiselle Abelas. Que me vaut ce plaisir ? Voilà bien longtemps que nos chemins ne se sont pas croisés ! Laissez moi deviner, je vous manquais, c'est bien cela ? '' Sourire carnassier. Il n'allait pas attaquer, pas encore. Juste...Tourner assez autour du pot. '' Et je ne vous pensais pas accompagnée ! Remarquez, ce n'est qu'un détail, un détail plaisant, même ! Voulez-vous bien nous présenter ? ''
Encore un peu, et il serait prêt à innocemment taper la discute, proposer un petit verre, demander à Pam d'aller faire deux-trois courses. Le squale restait toutefois prudent. On est pas à l'abri d'un coup fourré, qui le foutrait plus dans la merde qu'autre chose. A tout moment, le masque tombe, enfin, tant que ce n'est que les apparences et non pas ses lunettes, bien pratiques pour zieuter l'inconnue en toute impunité.
Vivianne s’avança, souriante, et un peu nerveuse. Elle avait joint ses deux mains au moment où elle avait passé la porte du bureau pour cacher un petit tremblement. Le regard de Warren la transperça et elle détourna immédiatement les yeux, comme si elle fuyait ce contact. C’est avec une petite voix qu’elle corrigea la secrétaire.
« Mon assistante, pas ma plus un … »
Testsuko devait sûrement être choquée de me voir agir ainsi. Ou alors elle ne s’étonnait même plus de mon jeu d’acteur. Il faut dire qu’elle était facile à berner. Ce qui n’était pas le cas de notre interlocuteur. Heureusement pour moi, il ne me connaissait que comme la jeune fille à peine sortie de l’adolescence qui avait hérité du commerce de son grand-père. Pas de quoi l’inquiéter outre mesure pour l’instant.
L’enchanteresse s’assit dans le fauteuil comme on l’y invitait. Elle croisa les jambes et les garda ses mains jointes dans une position qui reflétait un sacré manque de confiance en elle. Elle émit aussi un petit rire cristallin à la remarque du directeur.
« Il faut croire qu’en effet … vous me manquiez … »
Un regard, un battement de cil plus tard, la femme aux cheveux bleus se mit à fixer les papiers qui traînaient sur le bureau. Elle avait prononcé ces mots d’une voix hésitante et n’avait regardé son interlocuteur qu’une fraction de seconde.
« Je vous présente mon assistante, Tetsuko Alween. Elle m’aide à la boutique, mais ça ne sera bientôt plus le cas … »
Une larme de crocodile roula sur ma joue. J’étais entré dans l’antre du requin, mais ces bêtes-là n’étaient pas aussi stupides qu’on pouvait le penser. Il ne suffisait pas d’agiter un morceau de viande sous leurs yeux pour les piéger. Ils marchaient à l’odorat et seule l’odeur du sang pouvait leur faire perdre la tête. Cela tombait bien, j’avais l’intention de me saigner à blanc aujourd’hui.
« Je … je vais bientôt devoir fermer ma boutique … sanglota-t-elle. Des hommes sont venus nous voir l’autre ils ont dit … oh misère … »
Les sanglots prirent le pas sur le récit et davantage de larmes coulèrent sur les joues immaculées de la jeune femme. Sa petite crise ne dura qu’un instant, juste le temps qu’il fallait pour jeter le malaise dans la salle et perturber les esprits.
« Des hommes sont venus nous voir l’autre jour … avec un avocat … Hercules Poitreau … Ils ont dit qu’on allait nous poursuivre pour détournement de fonds publics. Ils avaient tellement de preuves, je ne sais pas d’où ils les sortent … »
Vivianne attrapa la main de son assistante comme pour chercher un peu de réconfort auprès d’elle.
« S’ils vont devant un tribunal, je vais perdre la boutique de mon grand-père, mais elle est tout pour moi. Alors … nous sommes allées voir une journaliste qui a accepté de nous aider à nous défendre, mais il faut que nous trouvions des preuves … »
Vivianne sanglota un peu plus forte, plus fragile que jamais alors que sa main broyait celle de Tetsuko.
« Mais je ne sais pas comment trouver de telles preuves, je ne connais personne de ce milieu … je … je vous en supplie Monsieur Richter. La dernière fois, vous m’aviez dit que vous vouliez que ma boutique prospère. Mais si je la perds, ils vont la détruire ainsi que ma clientèle … Je … je ne sais plus quoi faire pour la sauver … Il ne me reste plus que vous … »
Un dernier aveu, le signe d’une faiblesse à exploiter. Il ne pouvait plus m’envoyer bouler maintenant. S’il avait accepté ce rendez-vous, c’est que mon commerce l’intéressait toujours autant et maintenant qu’il voyait à quel point il serait facile de le récupérer, je savais qu’il me tendrait la main. Le prix à payer toutefois serait sûrement la liberté que je chérissais, mais c’était là tout le sel de ce jeu n’est-ce pas ?
Tetsuko rentrait dans le bureau de l'homme avec qui elles avaient rendez-vous, elle n'était clairement pas à l'aise et semblait être l'ombre de Vivianne. Elle suivait les ordres sans commentaire, dans le plus grand des silences, elle voulait en quelque sorte faire partie du décor et ne pas attirer l'attention. La jeune détective sentait bien le regard pesant de l'homme sur elle, elle sentait ses yeux la parcourir de haut en bas et son malaise pour son accoutrement la pesait de plus en plus.
Elle ne fut plus réellement surprise en voyant le jeu d'acteur de Vivianne, elle avait cerné la vipère, elle était tout de même impressionnée par ses compétences. Elle ne savait pas vraiment si elle était admirative par son jeu ou si elle était dégoutée de voir une personne jouant autant des autres. Tetsuko ne supportait vraiment pas les personnes qui n'étaient pas honnêtes et qui manipulaient à toutes occasions.
La jeune femme regarda en silence l'intérieur après s'être assise; elle remarqua la présence de ce qui l'intéressait le plus, quelques plantes, quatre, plutôt soignés et en bonne santé. Elle n'avait que quinze minutes avec chaque plante, en tout une heure de discussion possible donc, de quoi vérifier les informations que rapportera l'homme ou trouver des choses gênantes pour le mettre face à un mur. Enfin Tetsuko savait qu'elle n'aurait pas la compétence de faire ça, mais elle rapporterait ses trouvailles à Vivianne plus tard.
- "Je vous présente mon assistante, Tetsuko Alween. Elle m’aide à la boutique, mais ça ne sera bientôt plus le cas …"
Tetsuko regarda Vivianne commençant à lâcher ses meilleures larmes et fausses histoires manipulatrices. Elle présenta un dégout profond pour ses fausses pleurnicheries, mais la sensibilité de Tetsu fit qu'elle commença, elle aussi à lâcher des larmes, des vraies. Le stress de la situation et le fait de voir une personne pleurer à côté d'elle ne pouvaient que lui donner les larmes à l'oeil. Sans le vouloir donc, elle rendit l'histoire de Vivianne encore plus crédible.
La détective eut un sursaut lorsque Viviane lui prit la main, le toucher de cette femme était vraiment peu agréable suite aux derniers évènements mais elle la laissa faire. Celle-ci lui broyait la main et Tetsuko essaya de rester la plus impassible à la situation. Elle posa sa deuxième main, non sans dégout, sur le dos de celle de Vivianne, donnant le sentiment qu'elle cherchait à la réconforter. Elle voulait plutôt essayer de passer le message de cesser de lui broyer la main en quatre.
La jeune détective soupira et avait le regard dirigé vers les mains prises en sandwich, elle n'avait rien à ajouter et avait peur de dire une bêtise, alors elle laissait le silence parler pour elle.
Du récit qu'en faisait la charmante femme, Warren n'avait gardé que le fond, nullement la forme, digne des meilleurs représentants des pires écoles de théâtre et autres représentations d'arts visuels d'Aryon. Des entretiens avec Vivianne, il en avait déjà eut plusieurs, disons plutôt qu'il se les créait lui-même en s'invitant dans sa boutique puis en accaparant toute l'attention de la tenancière. Il avait eu l'occasion de la comprendre, l'analyser, hey, même finit par la connaître quelque peu. Toujours elle avait prit cette attitude un peu fragile et mignonne avec lui, et ce, après leur première rencontre, un coup qu'elle aussi l'eut compris. Jouer sur sa corde sensible, son appétence pour les cibles aisées, aussi bien de part leur non difficulté que leurs moyens, et elle avait en apparence les deux.
Par contre, l'autre femme là, la jolie -pas que Vivianne soit repoussante, loin de là ; sauf qu'il a déjà, disons, été rejeté-, elle semble plus au bout du rouleau que vraiment impressionnée par la situation. Qu'est ce qu'elles pouvaient bien cacher, toutes les deux ?
Revenons sur la forme. Accoudé, mains sous le menton, il écoutait attentivement le récit, l'assistante ne servant visiblement que de souffre douleur à la gérante, ainsi que de douceur pour les yeux du blond. Donc, la boutique va fermer ? Oui, oui, à d'autres. La prospection, c'est aussi son fort, jamais cette boutique ne tournerait pas assez pour être contrainte de voir ses portes scellées jusqu'à être reprises d'un nouveau jeune et vigoureux marchand. Des choses peuvent lui passer sous le museau cependant, car il n'avait pas entendu parler de cette affaire de détournements de fonds. A la fin de sa petite histoire, dont il ne saurait déceler la véracité ; autant il pouvait lire un peu dans son acting, impossible de démêler le vrai du faux sans d'autres informations extérieures. Il se recula, s'enfonçant un peu dans son siège, frottant son menton aussi lisse que tous les jours, résultats d'un rasage quotidien.
'' Ça ne fait aucun sens... ''
Pourquoi elle se ferait flag pour détournement de biens et de fonds, si tout tournait si bien ? Un coup monté envers elle ? Possiblement. Le patron de Lagoon n'avait rien à y faire, rien à y voir, elle ne le ferait pas tomber, enfin une affaire dans laquelle Warren ne trempait pas jusqu'à l'os, et voilà qu'on souhaitait l'y embrigader ?
Hm...
Fort bien.
Il s'y plierait.
Tout fait sens, quand on y réfléchit, il a autant le bras long qu'il a les bourses remplies de cristaux. Il pourrait tout aussi bien faire pression sur les éventuels créanciers de la belle, que y investir un peu de ses propres moyens pour la sortir de cette panade. Il la jouerait bien fine, tomber aisément dans la chose, ou bien tout l'inverse, s'en retrouver froid, calculateur, profiteur. Marchant toujours sur cette fine frontière, il afficha un large sourire.
'' Voyons, voyons, mesdames...Arrêtez de chialer. '' Il sortit un grand dossier, en éplucha quelques feuilles. '' Votre Hercules Poitreau, là, jamais entendu parler. Je n'ai eu qu'à composer avec celle qui est, sans doutes, une de ses consœurs, Yulie Lesskau. Belle femme ; facile à maîtriser et manipuler. Pas comme vous. '' Il referma le dossier. '' Vous n'êtes pas demeurée. Vous savez que si je vous aide ; ce n'est pas par pure gaieté de cœur. Si je veux que votre boutique prospère ; c'est uniquement car je compte y mettre le nez un jour. Et vous en avez parfaitement conscience. '' Il écarta les bras de manière théâtrale. '' Je suis quand même prêt à vous sortir de cette misérable situation, cependant. Je ne vois que deux solutions qui s'imposent à nous. La moins sûre étant bien sur de me laisser du temps ; avec assez de leviers, de pressions, je pourrais aisément faire tomber ces fausses accusations, n'est ce pas ? La plus facile...Serait de me laisser la main mise sur votre boutique. Oh, vous en resteriez propriétaire, fantoche, cependant. Les preuves, ça se cache mal, ça laisse des traces, ça fait des tâches. Aucunes que mes hommes ne pourront trouver. ''
En vrai, une myriade d'autres solutions pourraient être proposées, et il est sur que c'est aussi évident pour la tenancière que le ciel est bleu. L'erreur était de lui avoir laissé les clés en main, devant une témoin qui, bien que de son côté, était finalement un potentiel poids plus qu'un argument de choc pour celle aux cheveux bleu. Il haussa les épaules. Ne pas perdre la parole.
'' C'est à vous de voir ; mais sachez qu'avec ces informations, il m'est aussi aisé de faire pencher la balance de l'autre côté, celui qui vous ferait tout perdre de manière sûre et définitive. Trouver des preuves ; je peux le faire. En créer de toute pièce ; aussi. Vous avez assurément frappé à la bonne porte. Comme on dit. Tout travail mérite salaire. Reste à voir ce que vous pouvez me proposer. ''
A cette dernière phrase, il avait tourné la tête de manière visible vers Tetsuko, si on ne peut suivre son regard, on peut ainsi au moins deviner ses intentions. Que ça l'amuse, de faire croire qu'il est toujours aussi attiré par les plaisirs de la chair, et que les paiements en nature, ça se fait plus depuis, genre, houla, au moins 995. Comme si il n'avait pas déjà été piqué, non, électrocuté par une autre, et que les rumeurs sur ça ne vont pas déjà de bon train. Il s'agissait plus d'une tentative désespérée de voir l'accompagnatrice, ostensiblement plus émotive, craquer et lâcher le mot de trop, ainsi que la réaction de Vivianne ; chienne de garde, ou alliées de circonstances ?
« Je suis sûre que mon assistante pourra vous apporter ce que vous désirez … »
Elle ne comprenait, jamais elle ne comprendrait. Elle était trop stupide, ses yeux étaient aveugles. Son regard glisse en moi et Warren, elle cherche un sens à nos paroles, à apercevoir nos sous-entendus, mais cela ne suffit pas. Elle n’est qu’innocence.
« Ce sera probablement ta première fois Tetsuko, tâche d’être à la hauteur si tu ne veux pas finir tes jours en prison … »
Mon regard devint aussi ardent que le soleil. J’attendais, j’attendais de voir cette lueur dans ses yeux, une simple étincelle. Un éclat bien particulier. Elle me regarde, je crois qu’elle commence à comprendre, la lueur jaillit.
« Car sans ce sacrifice, ta vie sera finie Tetsuko, ne t’inquiète pas, je t’y préparerai. »
La lueur … où est-elle passée ? Elle baisse les yeux, non ne me dîtes pas qu’elle n’a rien appris.
Déception.
Le bruit d’une gifle retentit dans le bureau de Richter. Tout le monde avait vu Vivianne se lever pour claquer les jolies joues roses de son « assistante ». L’enchanteresse restait plantée devant la détective, la dardant d’un regard de dégoût profond.
« N’as-tu donc rien appris ? Tant que tu resteras esclave des autres, ils profiteront de toi jusqu’à l’os et tu finiras tel un déchet sur le bord du chemin. »
Vivianne se pencha, son visage était effrayant, presque fantomatique.
« Ne dis plus jamais oui à ce genre de proposition, respecte-toi un peu … »
L’alchimiste se retourna vers Warren. Elle avait abandonné son petit masque de niaiserie. C’était un signe. Elle ne comptait plus jouer maintenant. Son jeu d’acteur n’était-là que pour tester la jeune Tetsuko, maintenant elle allait parler affaires. Vivianne fit le tour du bureau d’un pas nonchalant, faisant glisser ses doigts sur le bois, jusqu’à passer derrière Warren et se positionner devant la fenêtre dans son dos.
« En effet monsieur Richter, vous pourriez m’évincer de ma propre boutique. Vous pourriez vous glisser dans mes affaires, en prendre le contrôle et me laisser sur la paille comme vous l’avez si souvent fait. Et vous hériteriez alors d’un diamant sans éclat. Voyez-vous Richter, ma boutique n’a aucune valeur. Non, ce qui a de la valeur est ici. »
L’enchanteresse désigna sa tête avec son doigt.
« C’est pour me voir que les aventuriers viennent à ma boutique. C’est pour mes innombrables connaissances qu’ils en passent la porte. Ce sont pour mes talents d’enchanteresses et d’alchimistes qu’ils ouvrent leur bourse de cristaux. Même si vous me l’arrachiez, vous ne trouveriez jamais quelqu’un d’aussi compétent que moi pour tenir la boutique au niveau où elle se trouve aujourd’hui. Il vous faudrait au moins 5 expertes différentes. »
Vivianne s’assit devant la fenêtre, laissant ses cheveux être illuminés par le soleil de midi qui remplissait le bureau d’une intense lumière.
« Ce diamant que vous convoitez, ce n’est pas cette bâtisse, mais moi et vous savons aussi que vous ne me posséderez jamais. »
Son ton était catégorique, ferme, intransigeant. Le regard de Vivianne se tourna vers Tetsuko comme pour lui rappeler ce qu’elle essayait de lui enseigner depuis quelques jours.
« Mais je ne suis pas venue ici les mains vides. En effet, toutes ses accusations sont en réalité totalement fondées. »
Elle laissa le silence s’installer tandis que ses mots se perdaient dans le vide.
« Quelqu’un … oui quelqu’un détourne de l’argent public normalement attribué à l’entretien des systèmes d’assainissement de l’eau. Et ce quelqu’un essaye de nous faire porter le chapeau pour les erreurs qu’il a commises. Ils sont peut-être même plusieurs dans coup, plusieurs qui occupent une place prépondérante dans la gestion de ce service public. Vous voyez où je veux en venir Richter ? »
Elle revint se poster devant son bureau.
« Si vous m’aidez avant que cette affaire soit enterrée avec nous et que nous arrivons à les exposer au grand jour, il y aura un tout nouveau marché de disponible, et qui sera bien juteux, au plus près de la couronne. Mais si vous tardez trop, ce sera nous qui serons derrière les barreaux et cette opportunité disparaîtra. »
Vivianne défia Warren du regard.
« Je sais déjà où chercher et comment parvenir à ce résultat, comme je vous l’ai dit j’ai déjà le Chantelune Voyageur derrière moi. Un simple coup de pied dans ce château de cartes et tout s’effondrera. Alors Richter, est-ce que ce que je vous propose vous intéresse ? »
Tetsuko ne comprenait vraiment rien à ce qu’il se passait autour d’elle. Elle se sentait comme une proie au milieu de prédateurs assoiffés de sa naïveté. Vivianne affirmait qu’elle pourrait rendre un service qu’elle ne comprenait pas, voulait-elle faire d’elle un otage ? Une servante ? Une autre secrétaire ?
Il était clair que tout ce qu’elle pouvait vivre avec Vivianne était une “première fois", comme se faire menacer au couteau, aller en prison, servir d’appât, ... Elle avait coché plusieurs cases qu’elle n’aurait jamais touchées d’elle-même.
Tetsuko baissait les yeux, résignée à faire tout ce qu’on lui demanderait pour sortir de cette situation. Vivianne lui avait bien fait comprendre qu’elle n’était pas l’héroïne de cette histoire et qu’elle ferait mieux de se plier à ses connaissances pour se sortir de ce cauchemar.
Elle fut réveillée par une claque qui raisonna dans toute la pièce. Les larmes coulaient de nouveau sur sa joue rosie, où on pouvait apercevoir la trace de la main de Vivianne. Elle était effrayante, c’était trop, Tetsuko n’en pouvait plus. La jeune femme ne comprenait plus rien, ne savait pas quoi faire et sentait l’impuissance serrer son coeur.
Elle écouta en silence le discours de Vivianne tout en essayant de reprendre son calme. Elle n’arrivait pas à suivre la discussion, encore sous le choc, la jeune détective semblait perdue dans un autre monde. Lorsque Vivianne se posa à la fenêtre, Tetsuko se surprit à penser que c’était une belle femme, les rayons de soleil m’étaient en avant la couleur bleue de ses cheveux. Penser à la beauté de son bourreau était plutôt surprenant.
Elle revint petit à petit et capta plusieurs mots. Elle comprit alors ce que celle-ci lui proposait, c’était surement très intelligent mais la jeune femme ne comprenait rien au business, au pouvoir et à l’économie.
Tetsuko se faisait petite, silencieuse et voulait se faire oublier, elle ne sentait vraiment pas à sa place et savait qu’elle n’avait aucune compétence pour participer à la discussion. De plus l’humiliation de Vivianne ne lui donnait que l’envie de fuir.
Calmement, il écouta le petit monologue de Vivianne. Après tout, qu'elle prenne ses aises ; si l'une se le permet, c'est aussi car l'autre ne se sent pas menacés. Il ne lui fera directement rien ici, tout comme elle n'oserait sans doutes pas dépasser certaines limites. Le contourner était encore acceptable, citer l'évidence également, surtout s'il obtient encore plus d'informations par ce biais ; oui, il ne la posséderait jamais, surtout qu'il est bon à savoir que du coup, c'est pour sa personne que les gens achètent chez elle. Déception, ça aurait presque pu être lucratif. Et un peu idiot de la part de la femme ; qui aurait juste pu faussement candidement obtenir le blé de Warren tout en sachant pertinemment qu'il n'en tirera rien, du moins, un difficile retour sur investissement se serait annoncé. Mais non, elle venait de tout lui dire tout de go. Signe de confiance ; d'ouverture ? Autre chose qu'il préférerait ouvrir. Bref.
Du coup, ce qu'on lui promet, c'est des cristaux. Un sacré bon gros paquet de cristaux. Oui, il en a déjà plein, il croulerait presque dessous, mais il y a toujours ce on-ne-sait-quoi qui force ceux qui ont déjà beaucoup trop d'argent à en posséder encore, toujours plus. Ce n'est pas du sérieux, quand il propose d'obtenir en paiement des ''services spéciaux'' de la part de la jeune femme qui accompagnait la vendeuse, puisque de toutes façons, de ce côté là, il a maintenant tendance à avoir la tête ailleurs. Le tout nouveau marché était prometteur, mais il grinça ostensiblement des dents à l'évocation de la couronne, plus il en est loin, mieux il se porte, à l'instant T, il est heureux et frais comme un gardon, mais attendez que certains services soient prêt à foutre leur nez dans son business comme cette garde royale avait foutu le sien dans ses archives poussiéreuses ; en lui souhaitant un bon rhume au passage.
'' Eh bien voilà, on y est. C'est comme ça que je vous connais et apprécie, Vivianne ; vivace et pleine de mordant. On aurait pu vivre une sacrée belle vie, vous et moi. Si vous aviez quelques années de plus. ''
Bien sur que non, mais taquiner la belle fait toujours partie de ses activités préférées. Lentement, il se leva de son fauteuil, l'alchimiste lui faisait face, de l'autre côté du bureau. Il pourrait jurer qu'elle réussissait à capter ses prunelles à travers ses verres tant son regard se faisait insistant.
'' Je n'ai nullement l'intention de porter la main sur votre assistante. Vous vous débrouillez déjà très bien pour le faire. Oh, ce n'est pas la joue que j'aurais giflé, cependant. '' Pour être sur que la fille tétanisée sur la chaise comprenne bien qu'il s'adresse à elle, il pivota son visage dans sa direction. '' Désolé, tu es adorable, trésor, mais une telle docilité, je la cherche chez un chien, pas une dame. Quoique t'en ferais peut-être une bonne, de ch- ''
Non, Warren, tu es dans ton bureau ; ton lieu de travail ; et là, ce que tu fais ; c'est travailler, et qu'est ce que t'as dit Pam, quand on parle ainsi aux belles demoiselles ? Que c'est du harcèlement, et que c'est pas bien, qu'il faut être gentil, pas méchant, c'est pas gentil d'être méchant, mieux vaut être gentil. La secrétaire rousse avait sacrément bossé sur ce trait de caractère de son patron ; dommage que ça ne serve qu'à moitié.
'' Par contre, l'idée de me faire encore plus de cristaux, tout en ayant un encore plus grand poids sur la ville ? Par Lucy, Vivianne, pas besoin d'être si timide, on se connaît presque à force ! Juste cet argument aurait accéléré grandement les choses, et votre amie ici serait encore dotée de parole. Vous dites que vous savez où nous rendre ? Eh bien, partons ! Aucune autre affaire n'est plus importante que celle là. ''
Prestement, il doubla les deux femmes, récupérant sa veste sur le porte manteau situé à côté de la porte, s'en para en deux-deux, et ouvrit la porte de son bureau, laissant volontairement à Vivianne le soin de s'occuper de décrocher Tetsuko de la chaise sur laquelle elle devait être crispée, avant de pénétrer dans le couloir et d'hurler, au loin, à l'intention de sa secrétaire.
'' PAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAM! On annule tous les rendez-vous d'aujourd'hui, j'ai une urgence, ça va prendre facile le reste de la journée. ''
La petite voix répondait depuis l'autre bout, alors que le blond s'en approchait.
'' Même celui avec Rivi ? ''
'' Ohlala, oui, en priorité, j'm'en fou ''
'' Et celui avec l'enchanteur ? ''
'' Oui oui, ça peut attendre, j'm'en fou. ''
'' Et celui avec Madame Weiss ? ''
A ce moment là, le trio était arrivé juste au niveau de sa secrétaire. Il se stoppa net, leva un index à côté de son visage, comme s'il hésitait, avant de l'abattre dans le vent.
'' J'm'en fou...Pour l'instant. Reprogramme celui là, s'il te plaît. Sur ce, mesdames. ''
D'abord la première porte maintenue, celle de ses locaux, puis l'autre imposante d'Althaïr, il laissa par dépit la place de meneur à Vivianne, qui allait les conduire à bon port.
« Et voilà nous sommes arrivés. De quoi j’ai l’air ? »
Vivianne se détacha de Warren et tourna rapidement sur elle-même révélant des pans de tissu ajouré sous sa robe. Elle sourit et réajusta son masque. Il était du même coloris que le reste de sa tenue, noir comme la nuit, agrémenté de quelques perles et de petits cotillons réfléchissants. Une plume effilochée finissait de décorer cette incroyable parure qu’elle avait sortie d’un de ses coffres. Elle enfila ses gants qui lui arrivaient jusqu’au coude et s’avança un peu avant de se tourner vers les deux autres.
« Ce soir, la famille Alicanth organise un grand gala de charité en l’honneur des sinistrés de la grande tempête qui a sévi dans le sud cet été. Un vrai déluge de ce que j’ai cru comprendre. Nous sommes ici parce que l’entreprise de cette famille à la charge du traitement des eaux usées et parce que tous leurs partenaires commerciaux s’y trouveront également. Si nous voulons trouver des informations, c’est l’endroit rêver. »
Son sourire dévoila ses dents de requins et elle fixa son regard sur le petit chiot.
« Il est temps pour toi de mériter ton titre de détective Tetsuko. Il ne s’agit pas de trouver un chat perdu. Ici, tout le monde te mentira, tout le monde voudra t’utiliser et surtout, tout le monde te jugera et tout le monde t’écrasera au moindre signe de faiblesse. »
Ses yeux s’étaient immédiatement asséchés, comme si de vieux souvenirs étaient en train de la hanter. Elle finit par se ressaisir et sourire de nouveau.
« Alors soit prudente Tetsuko, tu joues ta liberté ce soir. »
Elle ouvrit un éventail en dentelle brodé d’or sur un tissu noir et revint se poster aux côtés de Warren sans s’accrocher à lui cette fois. Elle ne voulait pas l’embarrasser en se faisant passer pour une de ses conquêtes, après tout elle avait l’air particulièrement jeune à côté de lui.
Le petit groupe s’avança et Vivianne laissa Warren montrer leurs invitations qu’il avait réussi à obtenir en avançant le nom de sa compagnie. En effet, ce soir n’était convié que la crème des entrepreneurs d’Aryon et Vivianne et Tetsuko n’aurait eu aucune chance d’y entrer sans le soutien d’un patron d’Althaïr. Heureusement pour elles, Warren avait très facilement accepté. Leur entrée passa assez inaperçue. Il faut dire que la salle de bal grouillait déjà de monde et que se déplacer était assez difficile sans marcher sur un ou deux pieds. Tout le monde attendait le discours de l’hôte de la soirée, Alinor Alicanth, le chef de la famille. D’ailleurs, le vieil homme venait de faire une apparition au balcon qui surplombait la salle, levant la main pour attirer l’attention du public. Vivianne en profita pour s’approcher de Tetsuko.
« Voici celui qui gère la famille et le réseau d’assainissement de l’eau à la capitale. Il est notre principal suspect dans cette affaire, mais il n’est pas à exclure que le responsable soit quelqu’un de son entourage. Dès qu’il aura fini son discours et que la soirée glissera dans le jardin, ce sera à nous de jouer et d’interroger le plus de monde possible. Tu es prête gamine ? »
Le regard de Vivianne était plein de jugement, de mépris, mais aussi un peu teinté d’espoir. Elle avait déroulé le tapis rouge à Tetsuko pour qu’elle se sorte du trou où elle s’était mise. À elle maintenant de faire le nécessaire pour mériter sa liberté.
Tetsuko était choquée des paroles de l’homme sur elle et ne put retenir un rictus de dégoût. Certes, elle semblait faible, mais de là à l’a traité ainsi, la jeune femme se demandait comment des hommes comme lui pouvait s’en sortir en toute impunité. Ils ne méritaient clairement pas les femmes... quoique celles comme Vivianne devraient leur correspondre; la jeune fille se rappela pourquoi elle préférait parler aux plantes plutôt qu’aux humains, manipulateurs et sales. Elle avait devant lui une deuxième Vivianne, mais de sexe masculin cette fois. Il fallait que cette histoire se termine vite et qu’elle reprenne sa vie sans humiliation et danger.
La jeune femme avait peur, elle tremblait de tous ses os, elle savait que sa vie était en danger face à des criminels comme eux; ces personnes, elle ne pouvait les comprendre, elle ne pouvait pas avoir sa place dans cet environnement. Tout cela était en dehors de sa façon d’être. Si elle avait acté droitement comme elle l’avait toujours fait, elle n’en serait surement pas là et la jeune fille s’en voulait d’avoir suivi le plan de Viviane. Depuis qu’elle avait fait un acte en travers de la loi, tout lui tombait dessus et elle avait la sensation de descendre dans une fosse des enfers. Plus jamais elle ne referait quelques choses contre les lois. Pas de doute, ça devait être une leçon de Lucy pour lui montrer que ce qu’elle avait fait était mal et qu’elle devait le payer.
Tetsuko se leva et suivit en silence les deux criminels qui étaient bien sur de leur coup. La jeune femme n’y comprenait rien, mais il y avait une chance pour elle de ne pas finir en prison, alors elle suivait. Ils arrivèrent alors a une fête, la détective comprit qu’ils allaient devoir trouver des informations, très bien c’est son métier après tout.
- "Il est temps pour toi de mériter ton titre de détective Tetsuko. Il ne s’agit pas de trouver un chat perdu. Ici, tout le monde te mentira, tout le monde voudra t’utiliser et surtout, tout le monde te jugera et tout le monde t’écrasera au moindre signe de faiblesse. "
- "Tu sais je ne fais pas que retrouver des chats... "
Tetsuko ne voulait pas dire qu’elle travaillait avec Haru, après tout, sa mission avec elle devait rester discrète, elle préférait ne pas en parler. Même si peut-être cela aurait pu fermer la bouche empoissonnée de Vivianne.
- "Alors soit prudente Tetsuko, tu joues ta liberté ce soir. "
Elle suivait Viviane dans la foule, la jeune femme détestait la foule mais il fallait faire bonne impression alors elle faisait mine de sourire.
- "Voici celui qui gère la famille et le réseau d’assainissement de l’eau à la capitale. Il est notre principal suspect dans cette affaire, mais il n’est pas à exclure que le responsable soit quelqu’un de son entourage. Dès qu’il aura fini son discours et que la soirée glissera dans le jardin, ce sera à nous de jouer et d’interroger le plus de monde possible. Tu es prête gamine ?"
- "Dans le jardin... très bien. Je ne pensais pas que tenir un réseau d’assainissement pouvait rendre aussi riche... "
Une bonne nouvelle pour Tetsuko, elle allait pouvoir converser avec quelques plantes qui devaient avoir entendu beaucoup de choses, les fêtes devaient se passer à cet endroit assez souvent, ainsi, elle pourrait avoir tout un historique de l’affaire.
Pendant le discours que Tetsuko n’écoutait que d’une oreille, elle retenait principalement les noms et les fonctions qui étaient énoncées, elle réfléchissait à sa couverture. Elle ne pouvait être Tetsuko ce soir, elle n’avait pas à être ici, elle devrait donc jouer un personnage; elle avait déjà dû faire cela pour quelques rares missions. Le lieu où elle était n’était pas vraiment sa spécialité, elle ne passait pas de temps avec ce type de personne. Le bon point c’est que personne ne la connaît ici et donc pourrait faire capoter la personne qu’elle allait jouer.
Elle sera donc Eula, femme d’un entrepreneur fleuriste, cherchant des fleurs dans les endroits les plus dangereux d’Aryon et rares, étant très demandée par les nobles, c’est ainsi qu’il a été connu. Assez vague pour ne pas qu’on ne se pose trop de questions, mais assez réaliste pour être cru. Il ne devait pas y avoir qu’un seul fleuriste cherchant des fleurs pour les nobles, elle avait sauvé sa meilleure amie des mains d’un de ses fameux hommes. Pour le côté stressé, elle passerait son temps à ruminer que son mari est en mission dangereuse et qu’elle a peur qu’il ne revienne pas.
- "Ce soir je serais Eula, femme d’un entepreneur. Veuillez ne pas m’appeler Tetsuko. "
Le discours ennuyeux finit, Tetsuko se détacha de Vivianne, elle voulait respirer et rester concentré sur l’enquête. Avoir cette femme qui la stressait dans les pates ne l’aiderait certainement pas. Elle commença alors à s’aventurer vers un buffet non loin de plantes, elle pourrait ainsi discuter par télépathie sans éveiller des soupçons. Son premier but serait de demander aux plantes les liens entre les hommes et femmes annoncées lors du discours et savoir s’il y avait des informations qui pourraient l’aider pour mettre pression sur telle ou telle personne, Vivianne pourrait s’en charger.
Elle apprit alors, tout en mangeant une part de tarte et un verre de champagne qu’un des hommes, Julian, avait une relation secrète avec Myrta, la femme du boss. C’était une sacrée révélation. Julian serait le bras droit du boss. Elle apprit aussi que le boss s’était fourré dans une sacrée affaire qui pouvait compromettre sa réputation mais elle ne trouva pas plus d’information sur cela. Verre à la main, Tetsuko chercha Vivianne des yeux, c’est alors qu’elle fut couper par une certaine Cristel qui ne lui lâchait pas la grappe.
Compliments qui tomberaient aussitôt à l'eau, il en avait conscience, ce n'est pas la première fois qu'il le dit, peut-être pas la dernière, mais voilà bien longtemps qu'il avait prit connaissance du fait que ça tombait dans l'oreille d'une sourde. Seulement pour le business ? Non, voyons, c'est totalement son genre, de flirter pour ses affaires, il est vrai. Cela a parfois des retombées...Aussi inattendues que plaisantes. Le blond sait reconnaître une belle femme quand il en voit une, et au delà de Vivianne, la pauvre Tetsuko n'était pas à plaindre non plus, presque un plaisir de parader avec la première à son bras, l'autre les suivant. Niveau vestimentaire, il n'avait pas changé grand chose, il ne le fait jamais, de toutes façons, puisqu'il est toujours extrêmement bien habillé. Encore s'était-il peut-être apprêté un peu plus, c'est tout.
Avoir des invitations et réussir à passer ? Rien de plus facile. C'était bien pour ça qu'il était présent, après tout, non ? Juste faire passer les deux femmes, et rien de plus. N'empêche qu'il pourrait aisément finir par s'y plaire, à ces petites soirées -non-. Tout ce monde, cet apparat, ces faux semblant, ugh. Comment ça, il fait pareil ? Non, c'est faux, il prétend, nuance. La famille que Vivianne évoquait lui était parfaitement inconnue, mais avec les activités du requin, il se faufile n'importe ou, il préfère utiliser la carte Althaïr en première lame, et, le cas échéant, la deuxième lame Lagoon fait toujours son petit effet pour quiconque en aurait déjà entendu parler.
Fidèle à ses habitudes, il ne toucha absolument à aucun des hors d’œuvres et autre petits canapés qui étaient proposés, par contre, avoir une coupe dans la main, ça, il n'y dira pas non. D'une oreille distraite, tout en sirotant le contenu du verre, il écoutait la manipulatrice discuter avec sa marionnette. Des mots pour le moins...Édifiants. La petite est donc détective, hein ? Ne faisons pas cette erreur bête et méchante, contentons nous donc de l'éviter le plus possible. La bleue a tendance à rabaisser tout le monde, même les plus efficaces, donc, il aurait son propre avis à se faire sur les capacités de Tetsuko, pardon, Eula.
Le discours était à mourir d'ennui ; comme tous les discours. Voilà que ça se caresse dans le sens du poil, voilà que ça flatte les ego, voilà que ça se fait des promesses, avec une éloquence et un charisme pour les moins discutables. Un rictus déforma son visage alors qu'il remonta ses lunettes du bas de sa paume. Ce n'est pas le fait qu'ils soient tous entassés là qui l'empêcherait d'exprimer le fond de sa pensée.
'' Vous seriez bien surprise de l'argent indécent que l'on peut se faire quand on laisse les autres mettre les mains dans la merde pour nous. Je parles en toute connaissance de cause, même si je me suis pas mal sali au début. Et je ne penses pas être le seul dans ce cas là. N'est ce pas ? ''
Oui, la pique était clairement ciblée envers Vivianne, de base, mais elle pouvait concrètement s'appliquer à quiconque était à portée d'oreilles de ses paroles. On finit pas dans les petites soirées mondaines si on a pas une petite armée de larbins derrière pour effectuer le travail à notre place, hein ? Bon, ce soir, Tetsu avait la chance d'être à la fois ' l'employée ' et à la soirée. Heureusement que les boissons sont bonnes, car qu'est ce qu'on s'ennuie à écouter ce mec. Une fois le discours terminé, l'attention n'était plus portée sur le petit gars ennuyeux, des groupes se formèrent bien vite, aussitôt, la détective s'écarta du duo, qui selon lui, dénotait bien du reste de la salle ; les deux joyaux de ce tas de vase.
'' Je penses que la petite a du flair. Vaut mieux se séparer, je vous laisse bosser de votre côté, et moi, eh bien, je vais m'occuper de la meilleure manière que je connaisses ! Bien ? Bien ! ''
Et hop, on se soustrait aussi rapidement et élégamment de l'emprise de la bleue. On ne peut dire qu'il circulait avec aise, entre les majordomes et servantes qui portaient leurs plateaux, les groupes tantôt bruyants, tantôt silencieux. Squale affûté, ce n'est pas les conversations qu'il recherche, mais une proie, un gros bonnet, de quoi attaquer avidement et – oh, mais n'est-elle pas jolie cette petite demoiselle ? Un peu trop jeune pour lui, sans pour autant dégager les même ondes que Vivianne, le genre d'ondes qui ferait débarquer la garde chez vous. Bref. Elle était toute seule, blonde, robe rouge, ravissante, maquillée comme une calèche subtilisée, ça suffirait quand même pour la soirée. Son corps disait ''Viens'', mais son regard disait ''Pars'', ses yeux parcourant rapidement l'assemblée.
'' Mademoise- ''
'' Monsieur Richter. ''
'' Je vois que ma réputation me précé- ''
'' Estevan, ça vous parle ? ''
Estevan.
E-ste-van...
Ah, oui, c'était pas le marchand au cœur de la capitale, qui avait été des plus simples à convaincre ? Ouais, si, ah, il lui avait mis le taux maximum, un vrai naïf celui là, il lui piquait tellement d'argent qu'il avait finit par se -
Oh.
'' Je crois que je vais partir, hein ? ''
'' Si c'est des ragots que vous cherchez, c'est elle qu'il faut voir. '' Elle pointa vers une femme qui- tiens, embêtait fortement la jeune détective. '' Maintenant, qu'un Balthazar vous écrase, Monsieur Richter. ''
'' La bonne soirée, et qu'une Mâne vous emporte. ''
Dingue de voir que personne ne tient pas à lancer de mélodrames dans ce genre de soirée, qui suffirait à vous placer une étiquette sur le front jusqu'à la fin de votre vie. La bonne culture que voici. Un autre verre ; faut faire couler ce qui vient de se passer. Il s'attendait à être reconnu pour Althaïr, comme par ceux à qui il avait serré la main. Pas comme le patron de Lagoon. C'était pas trop mal, à vrai dire. Une fois au niveau de Tetsuko et de celle qui l'importunait, un véritable moulin à parole, il se dit que la sortir de là pour qu'elle puisse bosser et ne pas se faire fouetter par Vivianne serait une bonne idée. Ces gens comme ça, peu importe à qui elles causent, tant qu'elles causent. Et puis, profiter un peu, c'est rigolo. Sa dextre se posa sur la hanche de Tetsuko, alors qu'il la poussait en dehors de la conversation, la remplaçant peu à peu.
'' Bonsoir, belle dame. Je me nomme Warren Rich- ''
'' Richter ? Le patron d'Althaïr ? Ohlala, quel homme ! Figurez vous qu'une fois, j'ai fait une commande, c'est passé par chez vous et- ''
Aucune des deux femmes ne pouvait voir son regard, si Cristel pouvait, cela ne l'empêcherait pas de parler, mais si Tetsuko pouvait, elle aurait pu y voir tous les malheurs du monde. Voilà pourquoi les gens semblaient l'éviter. Habillement, Warren tentait de dévier la conversation vers des choses plus intéressantes, comme la famille Alicanth, d'où venait tout l'argent de ces gens, et si elle même est une femme, disons, disponible d'ici deux-trois heures?. Pas grand chose n'y faisait. Sait-on jamais, à un moment, sa fourche pourrait languer. Donc il encaissait.
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Je refermai la porte du bureau derrière mois. J’avais enfin réussi à m’éclipser pour rejoindre l’étage sans me faire arrêter par une sentinelle ou stoppée par la gamine écervelée. Cela avait été long et compliqué d’arriver jusqu’ici. Il m’avait d’abord fallu me coltiner cette gamine qui décidément était bien sotte de me suivre encore après tout ça, mais je ne devrais plus m’en étonner. Elle était faite pour servir, cela se voyait dans son regard. Elle ne connaissait rien d‘autre. Et pour Richter, et bien elle espérait pour lui qu’il serait le plus rapide sur l’affaire, car elle avait appâté beaucoup d’autres requins avant lui sur cette affaire. Elle prendrait un malin plaisir à les voir s’entre-déchirer pour récupérer des morceaux sur la carcasse des Alicanth. Avoir la confiance de la couronne pour la gestion d’un service d’utilité publique était … très enrichissant. Je ne doutais pas que Richter saurait y trouver sa part.
Quant à moi, et bien j’ai des objectifs bien particuliers. Depuis ce jour, où un garde trop zélé avait voulu couvrir la feignantise d’un collègue en me demandant de nettoyer un océan d’excrément, j’avais patiemment préparé mon plan pour en arriver là. En effet, Tetsuko ne le savait pas, en même temps qu’est-ce qu’elle était naïve, mais il n’y avait en réalité aucune affaire de détournement de fonds. C’était du pipeau, de la poudre aux yeux, du flan, appelons ça comme ça. Une histoire que j’avais pris le soin d’organiser petit à petit, de la manifestation aux soi-disant preuves d’Hercules Poitrot. J’avais créé le personnage de Tetsuko la rebelle, combattant la grande famille Alicanth qui essayait de la faire plonger. Une histoire que la journaliste m’avait achetée très rapidement, une épopée qui ferait couler beaucoup d’encre.
Et enfin nous y étions, le moment où la grande détective Tetsuko, la fille du peuple, allait découvrir comme par hasard les preuves à charge qui allait mettre cette famille à genoux. Doucement, je glissai une feuille sur le bureau, juste assez caché pour ne pas être en évidence, mais juste assez visible pour attirer inconsciemment l’œil d’une curieuse. Puis, j’en cachais une autre dans les dossiers et encore une autre, tel un jeu de piste que la chère gamine qui m’accompagne se ferait une joie de suivre. Une histoire d’argent coulant de main en main, mais pas celles attendues. Une histoire crédible, un mensonge nécessaire, car quand cela se saura, j’avais des amis qui sauteraient sur l’occasion. Et avoir des amis qui s’occupent des services d’assainissements de la ville, c’est avoir des amis avec la clé des égouts. Les égouts qui sont le meilleur endroit pour faire passer sa marchandise illégale sans être vue. Voilà, j’ai fini de dissimuler les preuves, il ne me reste plus qu’à retourner envoyer mon petit chien qui sera très fier de tout rapporter à la presse. J’y suis presque.
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Vivianne apparut comme par enchantement derrière Tetsuko. En réalité, elle s’était simplement glissée derrière la détective en profitant d’un mouvement de foule, mais son apparition soudaine avait de quoi faire sursauter n’importe qui.
« Eh bien comment ce passe votre soirée ma très chère Eula ? dit Vivianne de sa voix acide et piquante. Je vous vois discuter avec des fleurs depuis tout à l’heure, j’espère que vous ne vous ennuyez pas ? »
Vivianne cligna des yeux, comme pour dire à Tetsuko que ce n’était pas le moment de se relâcher, puis elle s’assit à ses côtés.
« Je crains que les racontars ne nous suffisent pas à tracer une ligne directrice pour notre enquête. Heureusement, j’ai réussi à amadouer un serviteur qui m’a donné un objet … très précieux … »
Elle glissa une clé dans la poche de Tetsuko avant de se pencher à son oreille.
« Le bureau se trouve au premier étage, dernière porte à droite, je crois que ce sera ta dernière chance de trouver quelque chose de probant, fait vite pendant que je fais diversion. Va traîner devant la justice ceux qui te voulaient en prison. »
Et pour ne pas lui laisser le choix, Vivianne se releva avec un sourire mauvais sur les lèvres. Au même moment, un cri retentit dans la salle de bal. Une femme venait de s’effondrer sur le sol et convulsait. Vivianne échangea un regard coupable avec Tetsuko avant de se précipiter à l’intérieur.
« Je suis apothicaire, laissez-moi l’examiner, poussez-vous que diable ! »
Elle se fraya un passage parmi la foule qui s’agglutinait, médusée devant ce spectacle. Vivianne accourut et jeta sur le sol pour examiner sa « patiente ».
« Vous là, aidez-moi à l’immobiliser, dit-elle en pointant Warren du doigt, ne lui laissant pas non plus le choix que de participer à son manège. »
Tetsuko n’en pouvait plus de discuter avec la dame, qui même si elle était extrêmement bavarde et pouvait lancer des indices ci et là, mais la détective ne pouvait plus suivre ses paroles déferlantes. C’est alors qu’elle vit Warren venir tenir compagnie à la dame, elle ne savait pas trop s’il faisait ça pour l’aider où s’il venait chasser une nouvelle femme, ça avait l’air d’être son genre de vouloir draguer.
Elle resta à cotée d’eux ne sachant pas comment quitter la conversation de manière polie. Le temps semblait être une éternité et la jeune femme s’occupa en cherchant Vivianne dans la foule. C’est alors qu’elle remarqua qu’il était impossible de la retrouver, avait-elle fui comme elle l’avait déjà fait dans le passé ? Tetsuko fit un coup de coude à Warren lui indiquant qu’elle aimerait lui toucher deux mots.
Il plia la discussion en trois coups de mâchoire, il savait y faire, et amena Tetsuko un peu plus loin.
- "Vivianne a disparu ! Je vais partir à sa recherche, j’ai comme un mauvais présentiment. On devrait se séparer et se retrouver ici ?"
La jeune détective partie alors à la recherche de sa bien-aimé sorcière, ne trouvant rien elle finit par s’assoir sur le lieu de rendez-vous avec Warren. Elle espérait que celui-ci ait pu la retrouver.
C’est alors qu’elle sentit une présence dans son dos et sursauta à la vue de Vivianne. Comment avait-elle bien pu se cacher derrière elle alors qu’elle avait observé tous les recoins du jardin ?
- "Le bureau se trouve au premier étage, dernière porte à droite, je crois que ce sera ta dernière chance de trouver quelque chose de probant, fait vite pendant que je fais diversion. Va traîner devant la justice ceux qui te voulaient en prison. "
- "Moi aussi j’ai trouvé des choses intéressantes…"
C’est alors qu’un cri la coupa, une femme semblait convulser non loin d’elles. Le regard que Vivianne lui lança semblait lui hurler d’en profiter pour fouiller la salle. Cette idée ne lui plaisait vraiment pas mais elle décida de s’y plier.
Il ne fut pas difficile de rentrer dans la pièce, les gardes étaient tous occupé avec le drama extérieur. La jeune femme observa la salle et remarqua une plante mal en point dans le coin de la pièce.
- "Je ne peux pas te laisser ici, ma pauvre…"
- "Oh.. merci de prêter attention à moi. Une personne est passée tout à l’heure, je me disais qu’on viendrait enfin s’occuper de moi… "
- "Une personne ? hm."
Elle fit le tour de la pièce et récupéra certains indices qui semblaient parfaits. Cependant, elle remarqua aussi sur un dossier soigneusement posé sur la table, un cheveu bleu coincé entre deux pages. Elle le prit et fut étonnée par la ressemblance avec les cheveux de Vivianne, la longueur, la couleur, tout collait. Elle prit le cheveu et le rangea dans son carnet à secret. Elle ajouta les preuves facilement transportables et sortit de la pièce, la plante dans les bras.
Elle sortit alors dehors pour rejoindre le banc et s’y posa avec la plante en attendant les retours de ses accompagnateurs.
Elle réfléchissait à ce que pouvait bien faire ce cheveu de Vivianne dans les dossiers mais n’y voyait aucun lien. Peut-être avait-elle visité la pièce avant de l’en informer, mais alors pourquoi ne pas avoir pris les preuves elle-même ? C’était un vrai casse tête.
'' Et puis, ohlala, je ne vous raconte pas la dernière de la nièce ; une vraie tornade ! Et - ''
'' Oui, oui, c'est très bien, mais je ne me poses qu'une question. ''
'' Bien sûr, laquelle donc ? ''
'' Qui ? ''
'' Je – Je suis pas sûre de comprendre ? Qui de quoi ? ''
'' Qui a demandé en fait ? Certainement pas moi, car je m'en contre-fou. Pardonnez moi, mais une dame bien plus fraîche que vous -dans tous les sens du terme- requiert mon attention. Bonne soirée et, je l'espère, pas à bientôt. ''
Ouais, ça passait aussi bien que de mettre du citron sur une plaie ouverte. Mais béate comme elle est, elle ne semblait pas en avoir prit ombrage plus d'une seconde avant de partir ennuyer quelqu'un d'autre. Ugh, le bonheur de ce genre de soirée, je vous jure. Qui sont malheureusement bel et bien obligatoires pour lui, si tant est qu'il souhaite escalader à mains nues l'échelle sociale d'Aryon. Passer de seulement Lagoon à Althaïr, ça braque les projecteurs sur lui, de gérant d'entreprise d'escrocs en tout genre à directeur de la branche capitale d'un géant du transport, ça change. Bref. Du coup, tu avais quoi à dire, beauté ?
Disparue, disparue, c'était un bien grand mot. Warren était convaincu qu'elle s'adonnait à Lucy seule sait quelles bassesses. Après tout, c'est bien elle qui voulait s'introduire ici, traînant bon an mal an la jeune Tetsuko avec elle. Autant continuer à jouer le jeu et prétendre s'intéresser à leur petite enquête, la seule chose l'intéressant sont les éventuelles retombées du petit ramdam qu'elles vont sans doutes créer, donc, ''chercher'' Vivianne également.
C'est elle qui allait le trouver.
Quelle ruse avait-elle encore inventée pour que cette pauvre dame tombe dans les pommes ? Les gens étaient médusés, apeurés, certaines même feignait l'effondrement dans l'espoir de se faire rattraper par un homme fort, beau, riche et célibataire ; calmez vous, il peut pas être partout, surtout qu'il devint bien fortuitement l'aide requise par la marchande pour gérer la situation. Sans se précipiter, il la rejoint, se mettant bien à côté d'elle, sous les regards de certains jaloux qui aimeraient bien être à côté de la jolie dame. Surtout que le blond lui murmurait doucement à l'oreille.
'' Donc, c'est ça le but ? Une petit victime, et on s'enfuit fissa ? J'ai connu mieux. Mais pire. ''
Rien ne s'était passé comme il le pensait, ça avait été beaucoup plus sobre et soft. Elle savait ce qu'elle faisait, donc ça a pas duré bien longtemps avant que sa victime -en vrai, aucune idée, mais ça paraissait bien trop pratique pour que ce soit un fruit du hasard- se remette lentement mais sûrement, se faire escorter en lieux plus surs, un endroit calme ou se reposer. Remerciement, sauveur, heureusement qu'ils étaient là, blablabla habituel de héros, il en a l'habitude. Une fois l'ambiance normale revenue, Vivianne lui indiqua que tout devrait être terminé, que sa torture était finie. A peine le temps de rétorquer que passer du temps avec une femme magnifique était loin d'être dans son top trois des pires activités, qu'ils se retrouvaient déjà sur le chemin pour l'extérieur, où le duo récupéra Tetsuko pour redevenir le trio initial. Les deux femmes discutent un peu, il écoute d'une oreille distraite alors qu'il s'allume un cigare. Puis léger silence. Les deux sont en train de le contempler.
'' Oui, oui, profitez bien ; c'est vrai qu'on ne voit pas souvent un homme comme moi. Oh, pardon, ça veut juste dire que vous avez fait ce que vous aviez à faire, hein ? Eh bien, je propose qu'on se sépare ! Je lirais attentivement les journaux, mais j'espère que j'aurais des nouvelles avant. Allez, on fait comme ça ! Bien ? Bien ! ''
Sur ce, leur chemin se séparait. Elles prirent une direction, lui l'autre, ne devenant que trois ombres dans la nuit. Il ne pouvait s'empêcher de se demander s'il n'avait pas juste purement été utilisé. Orf, sans doutes que si. Mais cela n'avait-il pas été des plus distrayant ?
Elle prit sa plume et commença à écrire l’article incriminant point par point cette très tendre famille Alicanth qui tentait de faire couler la brave enquêtrice Testuko et l’honnête apothicaire Vivianne. Une simple histoire de pots de vin en apparence, mais qui allait faire grand bruit. De quoi mettre en sacré plomb dans la cuisse de la personne victime de ce retournement de situation. Les victimes de la veille étaient les héroïnes de demain. Un sourire amusé se fit aux lèvres de la demoiselle alors qu’elle envoyait tout cela pour l’impression. Les ventes seraient bonnes et les rues plus propres prochainement. Impressionnant tout de même d’avoir ce genre d’information a seulement deux personnes, elles avaient un talent certain ou de bons atouts cachés, peut-être les deux, qui sait.
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