Nom An Amhran

Prénom Frey

Surnom Vif, Le Vif. De moins en moins utilisé.

Age 55 ans supposés

Sexe M

Groupe Citoyen

Spécialité/Métier Ranger. Est un excellent guide de survie en zone sauvage dans les biomes forestiers et montagneux.

Particularité Il porte la marque de lignes tatouées sur tout son corps, réalisées avec de la poudre de cristal, qui forment un enchantement destiné à l'empêcher de perdre définitivement forme humaine.

Arme de prédilection Arc de chasse, épée courte et couteau. Ce sont avant tout des outils autant que des instruments de défense. Les doigts de ses gantelets sont terminés par de petites parties métalliques acérées qui peuvent faire office de griffes de substitution pour le corps à corps.


Précisions supplémentaires
• Il a une connaissance très pointue des plantes, de leur saisonnalité, de la façon dont il faut les cueillir et les préparer pour en tirer le meilleur parti. Il est capable de confectionner de nombreux onguents et potions, mais aussi des poisons et autres concoctions aux effets plus ou moins néfastes. Il en va de même pour son expérience sur la faune forestière et montagneuse, dont il peut très facilement lire le comportement non verbal, ainsi que sur l'anticipation des changements brutaux de la météo et ses dangers associés. Avec une vie entière passée à explorer la nature, à faire partie d'elle, c'est clairement votre meilleur atout pour survivre en territoire hostile, pour peu que vous écoutiez ses conseils.
• Il joue plutôt bien de la lyre et sait chanter, mais ces moments sont en général intimes et solitaires. Il est plutôt rare qu'il montre ces talents à une tierce personne et il n'y a guère que les bêtes sauvages pour l'entendre. La musique semble avoir un effet apaisant sur lui, même en forme animale.
• S'il tolère les chasseurs qui tuent pour leur subsistance, il éprouve une haine intense envers ceux qui pratiquent la chasse pour le plaisir ou qui partent tuer des bêtes sous le seul prétexte qu'elles sont dangereuses pour l'être humain. D'une manière générale cet état d'esprit ne se limite pas aux bêtes et se généralise à toute la nature : gaspiller, tuer et exploiter en dehors d'une forme de nécessité n'est pas toujours quelque chose qu'il arrive à observer avec détachement et calme.

Nom du pouvoir Le Vif

Catégorie Transformation


Fonctionnement du pouvoir
Frey était à l'origine capable de se transformer à volonté en mist, adoptant ainsi toutes les caractéristiques de ce type de dragon. Glissant de plus en plus vers l'instinct sauvage, il a peu à peu perdu son humanité et sa raison avant de se retrouver coincé en permanence sous sa forme animale, au point de ne plus se rappeler lui-même ce qu'il était réellement. Aujourd'hui il en est revenu, grâce à un enchantement fait de sceaux magiques tracés sur son corps qui stabilisent sa forme humaine et qui ont pour but de l'empêcher de se perdre de nouveau. Ça n'est pas sans conséquences et, selon les jours et son humeur, Frey perçoit parfois cette condition comme une malédiction. Il faudrait probablement l'examen d'un érudit avancé en arcanes et enchantements pour comprendre, à force d'observations, ce qui est à l’œuvre ici.

Sous sa forme humaine, il a les mêmes capacités physiques qu'un humain normal. Bien qu'il se sente extrêmement gauche et limité, presque aveugle, sourd et muet, en comparaison de ses sens animaux.

Sous forme de dragon, il peut voler en glissant dans les airs comme s'il se soustrayait à la force de gravité, capable de se contorsionner dans des positions parfois extrêmes. Toutefois, il conserve des séquelles plus profondes que ce qu'il voudrait bien admettre et il n'est en réalité plus capable de se changer en brume, même pas pour un court instant.

S'il est capable d'adopter une forme intermédiaire, il ne le fait néanmoins pas souvent car il préfère de loin la mobilité de son corps de mist, en plus d'être quelque peu dégouté par l'aspect monstrueux que cette transition confère parfois.

Frey ne peut plus prendre sa forme de mist indéfiniment, il est limité dans le temps à une durée de quatre heures maximum par jour car lutter contre son enchantement l'épuise lentement mais sûrement. Néanmoins, cette durée de quatre heures est une  durée maximale : s'il fait des efforts physiques extrêmes pendant ce temps ou s'il change de forme d'une manière répétitive, ces actions l'épuiseront plus vite et il finira par consumer son énergie avant le terme des quatre heures, se retransformant en humain, physiquement diminué voire carrément épuisé, et sera d'une manière générale fatigué proportionnellement au temps passé en animal. Il aura alors besoin de repos pendant quelques heures. Aussi, la transformation en elle-même peut être lente ou rapide, dépendamment de l'urgence du moment, mais plus il ira vite et plus ça lui occasionnera de la douleur et lui demandera un effort. S'il prend son temps, tout ira bien et il ne sera pas gêné. Cette transition peut prendre de quelques secondes à une trentaine, mais forcer au maximum lui laisse l'impression que ses nerfs sont en feu au moment du changement. Les blessures restent, évidemment, d'un corps à l'autre et peuvent ralentir, ainsi que la fatigue, sa métamorphose. Enfin, il peut se retransformer sans délai mais chaque métamorphose au-delà de la première dans la même journée lui retire trente minutes au temps maximum qu'il peut rester en mist.

Aussi, sous forme animale son pelage est majoritairement blanc. Beaucoup de légendes et de rumeurs populaires disent que cette particularité exceptionnelle parmi une espèce déjà très rare est signe de chance, de fertilité ou de longévité a qui l'aperçoit. On raconte aussi que les écailles ventrales d'une telle créature seraient un ingrédient unique permettant de fabriquer des objets magiques précieux pouvant dévier ou décupler la magie. C'est faux, évidemment, et ce blanc est en réalité une variante plus commune dans la population de mists vivant au-delà de la frontière nord, mais cette bête est suffisamment rare pour que ces croyances aient la vie dure. Dans tous les cas, c'est une menace à ne pas négliger pour Frey, qui a déjà dû affronter des individus tentant de le chasser, capturer ou tuer. Si c'est un évènement qui n'est arrivé que rarement, il ne tient malgré tout pas à finir enfermé ou, pire, dépecé. Le vieillissement du corps de Frey s'étant calqué sur celui de sa forme animale durant toutes ces années où il est resté un mist, le décalage entre son aspect et son âge n'est pas pour arranger la situation.

Notons également que sa nature duale le laisse vulnérable aux pouvoirs qui affectent les animaux, particulièrement quand il est transformé, et qu'il peut psychologiquement se perdre dans l'instinct et l'animalité s'il ne se méfie pas ou s'il abuse de ses transformations.

Qualités Loyal, boute-en-train, combatif, résilient.

Défauts Loyal, parfois têtu, affabulateur, imprudent.


Physique et mental
Frey est à mi-chemin entre deux mondes : le sauvage et le civilisé, tout en penchant dangereusement vers le premier.
C'est un être qui paraît parfois distant, sans nécessairement se montrer froid, et qu'il est difficile de cerner entièrement. Il y a ces insécurités, là, ce quelque chose d'intime et de personnel qu'il ne dévoile qu'accidentellement devant les autres, l'essence même de ce qu'il est et de doutes qu'il conserve dans l'intimité vulnérable. Souvent il se montre avare de réels détails personnels et il faut beaucoup de temps pour l'apprivoiser. Nomade, ses attaches sont éphémères, toujours, et sa vie est un mouvement perpétuel où l'arrêt signifie la mort. La stagnation, l'inertie, l'immobilité, toutes ces choses le repoussent et le laissent méfiant dans ce qu'elles promettent de facilité et de déclin, et il serait très difficile pour lui d'envisager de se fixer quelque part définitivement. Il a besoin de bouger, de voir défiler sous ses pas les landes et les vallées, les forêts et les pics escarpés. Il est Mouvement et Voyage, un infatigable pèlerin qui arpente en long, large et travers tout ce qu'il est possible de visiter, à pied quand il ne vole pas. Lancé sur un chemin qui n'a pas de fin, la nature même de ses instincts est inscrite au plus profond de lui : il vit dans l'instant présent, un jour après l'autre, se satisfait de la contemplation des choses simples et parfois de la présence d'un ou deux compagnons de route.

Il a une conscience aigüe des cycles et des interdépendances naturelles, sait dur comme fer à quel point le sauvage est aussi la source d'un danger impitoyable et prend la vie comme une lutte perpétuelle qu'il faut apprendre à suivre en évoluant au même rythme qu'elle sous peine de mourir. Partant du principe qu'il doit pouvoir subvenir à ses besoins n'importe où, il n'accumule que peu de possessions ou finit par les abandonner tôt ou tard. Ce qu'il ne peut pas porter sur lui ne doit pas lui être vital, c'est une part prépondérante de son côté voyageur. Combatif s'il le faut, il opte néanmoins rarement pour l'affrontement, détestant la violence inutile et préférant la fuite tant qu'elle est possible. Acculé, méfiez-vous néanmoins et n'oubliez pas qu'il reste une bête sauvage avant tout. Une fois transformé, il change du tout au tout et c'est comme si un poids s'était détaché de lui pour le libérer : il acquiert une dimension nouvelle et semble ne plus faire qu'un avec le vent, qu'il prétend pouvoir entendre et sentir. Tout devient alors prétexte au jeu, espiègle, furtif, chapardeur, avec un élan presque inarrêtable et parfois inconscient, flirtant avec des limites souvent dangereuses par pur défi entêté. Fier et insouciant, voilà ce qu'il est. Ces moments sont les rares où il a l'impression de ne plus être physiquement entravé, alors il ne manque pas d'en profiter pleinement, quitte à souvent se pousser à bout d'épuisement, mû par l'ivresse et la crainte de rester définitivement humain un jour s'il ne tente pas de repousser coûte que coûte cet enchantement.

Car c'est ça qu'il cache, l'opaque de ce mystère qui le rend difficile à cerner. Il a sombré, Frey, trop longtemps et trop profondément pour pouvoir se retrouver lui-même un jour. Toutes ces années passées sous forme de mist ont laissé leur empreinte sur sa psyché, l'ont amputée, et il y a désormais une disharmonie entre ce qu'il est et ce qu'il pense qu'il est. Se souvient-il seulement de qui il était avant qu'il ne perde la plus grande part de sa faculté de raison ? Rien n'est moins sûr et si de temps en temps des réminiscences de souvenirs lui parviennent, déclenchées par un nom, une odeur, une personne, il mentirait en affirmant savoir qui il est exactement et où il va. Lancé sur une route dont il ne retrouve plus le commencement, il doute lui-même des piliers de ce qui le rend humain et s'interroge : n'est-il pas un animal ? On l'a ramené des tréfonds du sauvage pour le poser en équilibre précaire sur un fil tranchant et c'est une angoisse que d'affronter cette réalité sans preuves. Alors il compense, souvent, soit en plongeant sans retenue dans la transformation, soit en inventant les grandes lignes de mensonges suffisamment crédibles pour rendre l'illusion d'une existence auprès des autres. Un compromis accepté par sa conscience duquel il est difficile de se défaire une fois construit. Car il ne se souvient ni de son prénom, ni de son âge, ni des liens qui ont pu l'attacher aux autres auparavant. Il aurait pu naître de nulle part un beau jour que c'eut été pareil. Il esquive quand on tente de le prendre en défaut, mais il n'est pas difficile de se rendre compte, à force de le fréquenter, que certains réflexes purement animaux subsistent même sous forme humaine, et de s'interroger : parfois il a la sagesse de la nature avec lui, d'autres, l'insouciance presque naïve du mist.

Solitaire, il n'a pourtant de cesse de chercher de la compagnie, par intermittence, sur le plus ou moins long terme. L'isolement définitif serait une petite mort pour lui, au moins aussi sûrement que la perspective horrifiante de perdre sa liberté. Partageant souvent un peu avec beaucoup, rarement beaucoup avec peu, il n'oublie pas les visages rencontrés et apprécie parfois de revoir, ici ou là, une personne le temps d'un voyage. Néanmoins, si un lien a été forgé, il est un compagnon loyal, peut-être trop pour son propre bien, et il donne beaucoup plus qu'on aurait pu imaginer. Il a été le compagnon animal d'une personne pendant de nombreuses années et la mort de celle-ci a laissé un vide qui n'a jamais vraiment cessé de bourdonner depuis.

Physiquement, il a un âge qui peut parfois paraître incertain, en ce qu'il semble avoir entre vingt-cinq et trente ans de son apparence d'homme et, pourtant, il est plus âgé que ça. Ses cheveux sont d'un blanc inhabituel, reflétant sa nature intérieure, ses yeux vert d'eau et il porte la trace de quelques marques mystiques discrètes sur son corps. Ses traits sont assez fins, son nez droit. Vestimentairement il est habillé avec des habits fonctionnels et solides. Il porte une armure légère de cuir souple, dans des tons naturels, et essaie de limiter les parties métalliques pour éviter les reflets qui pourraient le trahir. Si ce n'est pas un colosse, il est toutefois athlétique et construit pour l'endurance aussi bien que l'agilité, essayant de ne pas perdre encore plus de liberté de mouvement en négligeant son corps. Mesurant entre un mètre soixante-quinze et quatre-vingt, on peut également noter que la pointe de ses oreilles est effilée, anomalie supplémentaire trahissant une partie de ce qu'il est.

Sous sa forme de mist il doit mesurer un bon trois mètres, possédant un long corps fin et souple, flottant dans les airs comme une anguille sous l'eau. Doté de deux paires de longues oreilles et de cornes, on dirait un mélange entre un serpent et un renard ou un loup. Deux très longues moustaches uniques partent de chaque côté de son museau et il a quatre pattes dotées de griffes qui justifient bien assez de se méfier en plus de ses crocs. Son ventre est recouvert d'écailles et son dos et ses flancs sont d'un pelage immaculé, pouvant varier légèrement avec les saisons. Enfin, sa queue fait au moins la même taille que son corps, terminée au bout par ce qui ressemblerait presque à une nageoire ou à un plumeau de fourrure.

Frey ne s'est pas toujours nommé ainsi.
À vrai dire, il y a beaucoup de chose qu'il lui serait difficile de vous raconter. Et d'autres qu'il n'aurait aucun mal à improviser.

Il lui serait également hasardeux de prétendre pouvoir donner sa date de naissance en dehors d'une approximation grossière, car si les gens disent des mists qu'ils ont une mémoire d'éléphant, lui vous répondrait que les dates ne sont que des artefacts arbitraires inventés par les humains. Un jour il a été, c'est aussi simple que ça et la chose se suffit à elle-même. Ou du moins c'est ce qu'il voudrait croire et c'est une excuse bien trouvée pour dissimuler un gouffre d'incertitudes sous le couvert d'une nonchalance insolente.

Il n'y a pas grand-chose à dire de l'époque « d'avant », quand il était encore un homme plein et entier, qui n'avait pas encore sombré dans l'animalité. Si ce n'est peut-être ces souvenirs qui remontent parfois, baignant l'esprit d'une nostalgie lointaine pour ces paysages de glaces et de vents, loin au nord, là où l'horizon est jonché de dents gigantesques et escarpées semblant tombées du ciel. Une beauté froide et mortelle levée vers les astres, mais une beauté à l'allure d'une leçon de vie cruciale, celle de la survie. Vivant au rythme des saisons, allant et venant entre les forêts giboyeuse de l'ouest et les montagnes dangereuses du nord, très vite ce fut l'ivresse, la folle course du vent qui aujourd'hui encore grise les sens et inhibe la raison de Frey. Des fois, il reste plusieurs minutes déconnecté du monde. Il se remémore le plaisir maintenant interdit de glisser sans un bruit au-dessus de l'eau, de se faire brume, presque nuage, et de descendre sur la surface froide et immobile d'un lac, serpentant entre les pins et les rocs à la manière de langues de ciel venu visiter la terre. Quel plus grand plaisir que de recouvrir une clairière, un bois, un hameau dans l'opacité dense d'une masse informe et multiple ? C'est toute une meute qui se déplace alors, sous l'illusion d'un banc de brume, et cause à la fois peur et curiosité dans le regard des bipèdes glabres qui l'observent. Un mince sourire se dessine au coin des lèvres de Frey, tandis qu'il se souvient de cette remarque entendue un jour au gré du hasard :

« Quand les mists meurent, les nuages naissent »

Étrange conception des choses, et pourtant même lui ne saurait dire ce qu'il en est. Après tout, qui aurait pu lui infirmer cette vérité, un dragon ? Non, il préfère, naïvement, croire à cette vue de l'esprit qui le séduit par sa poésie : il deviendra un nuage quand son heure viendra. Quand il y repense, parfois, le recul lui fait observer ces éléments avec une distance particulièrement déstabilisante : en ayant conscience d'un niveau d'éveil mental qu'il n'avait alors plus. L'époque est incertaine : il y a dix, quinze, vingt ans ? La durée durant laquelle il n'a plus vu la lumière lui est inconnue, et pourtant, étrangement, ce n'est pas ce qui l'inquiète le plus. Une ombre passe dans ses yeux l'espace d'une seconde et il ne peut empêcher cette interrogation muette de refaire surface une énième fois de plus. Ce qui existait avant, ce qui subsiste dans sa mémoire au-delà de cette frontière invisible où il suppose avoir perdu son état civilisé, n'est plus que peau de chagrin dérivant vaguement dans la brise. Parfois, il fuit ces réminiscences mais, souvent, cette ignorance le frustre et l'enrage. Ne pas savoir, avoir là hors d'atteinte le secret d'une identité qui se dérobe au point de mettre en doute la réalité même de la chose. C'est à en devenir fou, et ne serait-ce ces liens forgés ici et là avec d'autres qu'il se serait déjà laissé aller aux affres de l'animalité. Car il trouve son salut chez les autres, Frey. Son salut mais aussi ses peurs. On pourrait facilement croire qu'il est un animal, par ces sursauts et ces instincts qui le trahissent parfois même sous forme humaine, mais il n'en est rien et c'est bel et bien un homme. Un homme avec une psyché qui s'est à demie effondrée vers le sauvage mais un homme quand même et ce paradoxe le tire dans deux sens opposés.

Il a longtemps erré. Dans les forêts, sur le flanc des montagnes vers les vallées ou suivant le cours des ruisseaux. Des cycles entiers, lune après lune, même au-delà de cette frontière gardée où rôdent d'innombrables dangers. Avec les siens ou en solitaire, au gré des rencontres de bipèdes et des excursions dans les zones en partage avec les humains. Et puis ce jour. Un jour inoubliable. Perdue au milieu des bois était une sorcière, d'un âge déjà mûr lorsqu'ils se rencontrèrent pour la première fois. Une rencontre furtive, à peine un éclair, et déjà le voilà qui repartait sinuer entre les troncs, lambeau de brouillard farouche et insaisissable, fier et insolent. Son chalet à elle, isolé et modeste, était perdu dans le fond d'un chemin de terre oublié de tous et elle vivait là avec toute l'humilité d'une vieille enchanteresse qui ramassait des plantes pour soulager les autres. Elle s'appelait Henya.

Le temps passa et, au fil des rencontres et des interactions, ils devinrent l'un pour l'autre plus qu'un élément dans le décor. Frey avait vu beaucoup d'humain à ce moment-là et il était capable de dire ceux qui étaient dangereux de ceux qui étaient faibles. Et de toutes façons, qui aurait pu l'attraper alors, lui si satisfait de sa liberté ? Ils finirent par se fréquenter, chaque semaine puis chaque jour. Ils s'apprivoisèrent l'un chacun pour l'autre au point de devenir compagnons inséparables. « Je vais te nommer... Vif ». Et Vif il fut. Ça dura un moment. Combien de temps exactement, il ne saurait le dire, probablement des années. Des années durant lesquelles la fréquenter le changea, petit à petit, tandis qu'il faisait office de familier improvisé. À son contact il découvrit - retrouva ? - la pensée construite et des notions qu'on aurait pu croire définitivement perdues. Une étincelle d'intelligence se ranima alors dans son regard, plus encore que l'astuce capricieuse propre aux mists, et très probablement qu'elle commença à soupçonner ce qu'elle devait comprendre plus tard.

Si le langage lui était encore sorcellerie, elle s'échina à lui apprendre de plus en plus de mots et il put la comprendre de mieux en mieux. À mesure que le temps passait elle devina sa véritable nature et se mit en tête de lui rendre son apparence originelle. Après tout, il était devenu son ami et elle une présence centrale dans sa vie. Il ignore quel enchantement elle usa sur lui, mais elle lui appliqua ces lignes faites à base de poussière de cristaux et il put retrouver la forme de son humanité, dans la douleur d'un corps dont les nerfs semblaient faits de feu. Ce fut une expérience déroutante, terrifiante même, et difficile à traverser. Il y eut de nombreux essais et échecs, mais elle parvint, au fil des ans, à lui faire retrouver ses facultés de parole et de pensée. Ou, tout du moins, dans une certaine mesure. Ce fut presque comme une deuxième naissance et si certaines choses lui vinrent quasiment naturellement, s'extraire de cette régression animale fut une épreuve.

Bientôt, il put retrouver une conscience quasiment humaine, bien qu'elle eut oblitéré la très large majorité de ce qu'il avait été avant, et qu'il semblait presque redécouvrir le monde d'une façon un peu décalée. Il aidait toujours sa vieille sorcière, Henya, à aller chercher des plantes, à effrayer les bêtes sauvages pour la protéger ou simplement à lui tenir compagnie pendant qu'elle filait de la laine, que ce fut sous forme de dragon ou sous forme d'homme. Mais le temps passait et s'il avait recouvré sa lumière, la sienne à elle diminuait petit à petit, en vivacité et en force.

Un jour, elle ne fut plus et il connut le chagrin du deuil pour ce qui semblait être la première fois de sa vie. Longtemps il refusa de quitter son chalet, continuant d’œuvrer aux même tâches chaque jour comme si ça pouvait la faire revenir. Mais elle ne revint pas et son attachement fut probablement ce qui l'empêcha de laisser sa psyché sombrer de nouveau dans l'instinct malgré l'isolement difficile qu'il endura. Il finit par partir, au bout de deux années à vivre seul dans cet endroit, et à reprendre la route pour un monde qu'il lui semblait devoir redécouvrir.

Avec les années, le temps passé sous forme humaine et une curiosité certaine, il revint petit à petit au contact de la civilisation. Il évita longtemps les grande villes et leur agitation, trop bourdonnantes pour qu'il n'ose les approcher, et continua ici et là à parfaire ses connaissances sur les plantes héritées d'Henya et de ses propres pérégrinations, à mesure qu'il fut forcé de s'adapter à sa nouvelle condition. Il serait faux de dire que tout se passa bien et aujourd'hui encore il éprouve parfois un ressentiment puissant envers les autres d'une manière générale, sans autre raison que celle d'exister, comme celle qui l'avait et changé et abandonné ainsi bien malgré elle. Envers lui-même également, souvent.

Petit à petit il prit l'habitude d'aller et venir ici et là, de troquer aux autres ses plantes, racines, venins et autres ingrédients difficiles à trouver. Plus d'une fois il proposa ses services à des individus ou des petits groupes en nécessité de traverser des zones dangereuses qu'il connaissait bien et plus d'une fois il en perdit exprès qu'on ne revit jamais : des chasseurs ou des bûcherons un peu trop avides en majorité. Si Henya n'aurait pas approuvé, il ne regrettait rien, l'acte presque dénué de malveillance. Il suffisait de laisser la nature faire et ils finissaient par retourner au terreau. De l'autre côté, il aidait volontiers des gens perdus ou dans le besoin s'il voyait qu'ils étaient à même de ne pas tout saccager.

Il finit par acquérir une excellente connaissance de plusieurs régions, qu'il avait déjà beaucoup explorées auparavant, et à se faire plusieurs contacts récurrents dans des lieux comme le Village perché ou la Forteresse. Il apportait parfois des plantes médicinales d'autres régions, allait en éclaireur repérer l'activité des bêtes sauvages ou conduisait tout simplement quelques personnes en lieu sûr en tentant de leur éviter les écueils d'une randonnée sauvage. Durant ses voyages, il se fit connaître au début sous le nom du Vif, le nom qu'Henya lui avait donné, puis finit par prendre un prénom humain, par nécessité de combler un sentiment de manque insufflé par les questions des autres. Parfois, il croit revoir un visage qu'il connaissait, des lieux familiers, et il se laisse porter par des impressions qui naissent probablement en grande partie de ses attentes. Est-ce son esprit qui lui joue parfois ces tours, palliatif à ce déséquilibre qu'il éprouve ou est-ce réel ? Il y a là un gouffre, qu'il redoute de combler mais qu'il redoute aussi de laisser s'étendre. C'est une obsession qui va et vient, à mesure qu'il se fait une raison ou, au contraire, ne peut s'empêcher d'y penser. Il donnerait cher pour savoir qui il était auparavant mais il y a, quelque part, cette peur de ce qu'il pourrait vraiment trouver, fut-ce de la déception ou du déni. Et s'il parcourt les chemins, tout le temps, partout, il ne  s'est jamais réellement aventuré en dehors des limites des zones de bois ou de montagnes, ni jusque dans le cœur de la capitale.

Qui sait ce qu'il pourrait y trouver.