Le royaumed'AryonForum RPG light-fantasyPas de minimum de ligne
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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    Te donner l'océan en retour
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Te donner l'océan en retour
    Dim 10 Oct 2021 - 15:21 #

    Te donner l'océan en retour

    [PV : Warren Richter]



    Un fin soupir franchit ses lèvres tandis qu’elle pivotait sur le flanc dans un froissement de drap. Ses paupières se rouvrirent, une ligne acérée à la frontière de ses prunelles dont les ombres violettes marquaient ses traits d’un évident manque de sommeil. Enroulée contre elle, Nakai eut un vague jappement de protestation. Renkhi ouvrit un œil, et la faible lumière se réverbéra un court instant sur la cornée de cet infime liserai : elle vit sa silhouette se gondoler d’une ample respiration, immense reptile lové sur le tapis. Non, il n’y avait pas de danger. Rien qu’une subtile et pernicieuse insomnie. Elle posa le dos de sa main sur son front, savourant cette relative fraicheur, chassant les draps qui lui collaient au corps et matérialisaient bien trop les affres d’insondables incertitudes dans lesquelles elle s’était enferrée… Elle passa ses doigts dans ses cheveux, ôtant pensivement les longues mèches flammes de son visage fatigué, tâchant de ne pas lire quelque oracle malencontreux dans la blancheur silencieuse du plafond. Taraudée, encore et toujours, par les crocs qui ne cessaient de cisailler les cendres dans sa poitrine, nageuse qui refusait de rejoindre la terre ferme malgré l’hostilité évidente du roi des mers.

    Pas un mot, pas un signe de sa part. Avaient-ils atteint leurs limites, franchis cette frontière invisible qui les avait brutalement divisés, rendus à leur vie d’antan avec la promptitude d’une correction punitive ? Avait-elle imaginé ce qu’elle avait souhaité percevoir chez lui, si suspendue à ce fil entre eux, qu’elle en avait oublié d’accepter la réalité ? Était-elle folle, créative, intrusive ? Cherchait-elle encore à ce jour à lui imposer ce qu’il considérait de toute évidence comme des fers, lui qui ne pouvait se résoudre à un aquarium miniature lorsque l’océan était son milieu naturel ? Il y a d’autres poissons dans l’océan se remémora-t-elle ce vieux dicton avec un léger rire au goût d’amertume. Et elle, que voulait-elle ? Où se situait sa propre liberté, ses propres élancements et ses désirs premiers ? Non loin de lui. Elle avait brisé ses chaines, fendu la paroi vitrée qui les séparait, s’apprêtait à plonger pour un voyage sans retour s’il le fallait. C’était cela aussi la liberté, car elle n’hésitait jamais, toute entière saisie de ces convictions qui la saisissaient comme un véritable raz-de-marée. Oh, oui, elle savait ce qu’elle voulait. L’avait toujours su. Il n’y avait pas de monde qu’elle ne puisse franchir, pas de terrain, pas de biome qu’elle ne puisse engloutir, si intrinsèquement elle-même qu’elle ne considérait pas l’échec. L’existence était un feu vif, et elle le traverserait pieds nus pour tendre la main vers lui, effleurer ses nageoirs, se fondre à ses abysses. Elle bâtirait des chaines montagneuses sous-marines, asservirait ses innombrables populations écailleuses, tout cela, s’il le fallait, pour lui offrir un horizon sans délimitation.

    Elle lui donnerait l’océan en retour.

    Comment tracer dans l’air son souvenir ? Garder à elle ces émotions éparses, ces fragments de mémoire qui ne tarderaient guère à s’étioler, sitôt que la grisaille de la Capitale serait parvenue à empiéter sur cette lointaine vibrance des Archipels… ? Et si, malgré tout, cela ne pouvait être elle… S’il n’était pas traversé du même élan, si la savoir à ses côtés était un insurmontable effort -non même une simple indifférence n’irait pas-, fallait-il qu’il poursuive sa route à nouveau seul, heurté, fissuré de ce passé dont il ne parlait jamais ? Quelle souffrance s’infligeait-il derrière sa bulle de silence, un chemin de pénitence dont la finalité demeurait inconnue pour mieux combler cette absence dont elle ignorait l’origine ? Elle s’interrogeait sur le jeune Warren, à présent, cet adolescent qui avait un jour oscillé dangereusement entre l’enfance et la cruauté d’un monde bien trop adulte. Voilà, sans doute, la clé manquante, la naissance de cet instinct de survie si profondément ancré en lui qu’il n’envisageait pas d’autre manière de vivre qu’en mordant par réflexe. Entre grands reptiles au sang-froid, sous des kilomètres d’eau dont la pression vous tuait dès la première erreur, nul ne montrait ses blessures. Une défaillance transformée en un carcan d’acier, prêt à se rompre, et tant pis si cela blessait ses propres alliés…

    Hormis que Luz n’était pas aisée à tuer. Ni même à blesser. Et qu’elle refusait cette décision qu’il avait prise pour eux deux, sans lui en parler, sans s’enquérir de son avis. Il ne voulait pas la voir courir entre les mines sur le champ de bataille ? Très bien. Elle allait bondir directement sur un explosif, y mettre la main, le bras tout entier sans sourciller. Y retourner. Incessamment, éternellement, avec la volonté butée d’un satané animal, farouche et intraitable. Elle n’avait cure de ses crises de colère, cure de son indifférence, de ses demi-mots voilés, de ses tentatives de la maintenir éloignée. S’il voulait mettre un terme à cette étrange relation qui les liait, qu’il le lui dise sans plus fuir à l’avenir ! Le squale était agile et vif, mais elle disposait de la patience du pêcheur. Un maudit pêcheur retors, en colère et aimant. S’il fallait aller le chercher dans la nuit, fouiller les abysses de ses yeux aveugles, le trouver dans l’obscurité profonde de ce milieu hostile… Elle n’avait pas besoin de lumière. Etait sa propre lumière. Crue, dévorante, solaire. Sans concession possible.

    Tant qu’il était là avec elle.

    Et qu’il l’aimait.

    ►◄

    « Il est magnifique, merci. Vous remercierez Chrystielle de ma part. »

    Elle avait passé sa main dans le crin noir rugueux, éphémère caresse. Et toujours, ces yeux de canin aux aguets qui surveillaient ses moindres gestes avec la fixité caractéristique des prédateurs, froid et infiniment malin. Une intelligence supérieure qu’elle percevait sous la chaude fourrure, derrière ce museau attentif, la puissance de sa musculature. Un warg noir, à peine sorti de la candeur de l’enfance, familier oublié des siens et désormais bien loin de sa meute… Seul. Solitaire. Etrangement, ses prunelles acérées lui avaient immédiatement rappelé son squale. Un reflet de miroir qui avait étreint son cœur et qu’elle devinait dans le pelage ébouriffé, les griffes abimées et les flancs asséchés. Il fuyait sa réalité sous une couche d’agressivité. La jeune maitresse qui lui avait donné son nom et l’avait appelé à la vie, était morte peu de temps plus tard. Chrystielle n’avait pourtant pas lésiné sur les moyens dans l’espoir de lui redonner de l’épaisseur, mais les familiers étaient ainsi faits que la solitude n’était pas une amante appréciable pour eux…

    « Désolée, je ne suis pas celle qui te rendra ta joie de vivre petit père… lui avait-elle dit tendrement en s’éloignant de la caisse de transport. Mais je te promets que cela va s’arranger. »

    Une cage confortable et provisoire, aménagée spécifiquement pour lui. Le trajet s’était correctement déroulé et il n’avait pas fait montre d’inquiétude particulière ni d’hostilité poussée, lui avait précisé le coursier. Tout droit venu du refuge de Chrystielle, dernière âme en peine en quête d’une nouvelle meute à laquelle s’attacher. Cela tombait bien, Luz connaissait justement un chef de meute esseulé ! Peut-être pourraient-ils veiller l’un sur l’autre, de cette manière ? S’il n’acceptait pas sa lumière, sans doute tolérerait-il davantage la fraternité de semblables crocs, un compagnon à quatre pattes dont la loyauté serait absolue ? L’idée était attrayante, infiniment rassurante. Pourvu qu’il ne marche plus seul, mais secondé par une âme de confiance. Alors Luz serait en mesure de faire son deuil, d’accepter la décision que Warren prendrait probablement. Aimait-il les animaux ? Davantage que les Hommes, j’ai l’impression se fit-elle la réflexion avec l’once d’un doux sourire. Par Lucy, elle devait cesser de songer à lui à chaque souffle de temps. Comment parvenir à cette prouesse, voilà qui constituait une toute autre question !

    « Je vous enverrai demain l’adresse à laquelle vous rendre via mon messagerbou, prenez soin de lui cette nuit s’il-vous-plait. »

    « N’ayez aucune inquiétude
    , s’empressa de la rassurer son contact. J’ai reçu des directives extrêmement précises du Docteur Keyser, et nous connaissons bien nos patients. »

    Le dénommé patient se coucha dans sa cage, manifestant désormais une indifférence provocante à leur présence. Quel abandon poussait un animal aussi majestueux à pareilles extrémités ? Des abysses trop profonds, assurément…

    ►◄

    Le bruit de ses talons résonnait contre le carrelage, perceptible à des mètres à la ronde. Pourtant, la jolie rousse affairée derrière son bureau n’eut pas immédiatement le réflexe de relever les yeux vers le couloir, visiblement dépassée par sa charge de travail. Luz pouvait voir les piles de documents vacillant sur son plan de travail et la fébrilité de ses gestes. Warren ne devait-il pas recruter une deuxième secrétaire pour l’aider à traverser cette fusion prodigieusement bénéfique, mais intense en termes de charge de travail ? La praticienne n’avait jamais directement posé la question au squale. Il y avait un interdit mutuel à parler de leur carrière et de leurs deux situations professionnelles, des questions qu’ils ne posaient jamais pour s’enquérir des soucis rencontrés au travail par l’autre. De la même manière qu’elle ne lisait jamais ses documents par-dessus son épaule, et qu’elle regrettait désormais un tantinet de ne pas savoir dans quelles affres de désespoir étaient plongées Pam.

    « Bonjour, Pam, s’annonça-t-elle à la jeune femme déboussolée, agrémentant son propos d’un sourire qui se voulait compatissant. »

    « M-Madame Weiss !
    sursauta son interlocutrice, manquant dans le même temps de se gratifier d’une gerbe indélébile d’encre. »

    « Vous vous souvenez de moi ? »

    Difficile de vous oublier, put-elle lire dans son regard en contrepoint, une brève et infime étincelle fugace de… De quoi ? De désillusion ? D’agacement ? Cela n’avait duré que le temps d’un rêve éveillé, et sa mine naturellement naïve et délicate était instantanément revenue, conduisant Luz à douter de ses observations. Elle n’avait après tout pas beaucoup d’heures de sommeil dans les pattes non plus, ce qui la conduisit à penser avec une ironie mordante à l’image qu’elles devaient renvoyer, deux rousses tendues et accablées dans un silence inconfortable.

    « V-Vous… »

    « Monsieur Richter est-il disponible ?
    se reprit Luz juste à temps dans un certain ébrouement. »

    « Ah ! … Non, il n’est pas au bureau aujourd’hui… »

    « Vous sauriez où je peux le trouver ? »

    Alors, Luz put cette fois très clairement lire la totalité des dilemmes intérieurs qui traversèrent les pensées de Pam. Warren était son patron, Luz une cliente importante, certes, mais extérieure à la compagnie. Que dire des informations personnelles de son employeur, que trahir pour elle, si elle en valait seulement le coup et qu’elle n’était pas qu’une intruse ? Quoi, avait-il un rendez-vous important quelque part, était-il en charmante compagnie, situation qui risquait invariablement de dégénérer très vite ? Allait-elle perdre son travail, devoir trimer pour se faire pardonner, serait-ce une erreur de répondre à cette interrogation primaire ? On ne rigolait pas avec le planning. Encore moins avec les entretiens imprévus. Et, cependant…

    « O-Oui… Je crois. Je peux vous donner l’adresse. Vous le trouverez dans sa résidence à l’extérieur de la Capitale. »

    « Ce serait formidable de votre part, merci Pam. »

    Sincèrement touchée par cet acte de mansuétude qu’elle ne comprenait pas -comment pourrait-elle lorsqu’il lui manquait l’information principale, le vécu de Pam-, Luz récupéra le morceau de papier tendu avec reconnaissance et s’inclina d’une rapide courbe de la nuque. Et, tandis qu’elle tournait les talons, la jolie secrétaire se redressa brusquement de sa chaise, attirant à nouveau son attention.

    « M-Madame Weiss ! »

    « … Oui ? »

    La pauvre semblait en proie à la plus terrible des hésitations. Elle tordait ses doigts entremêlés, fouillait la pièce du regard à la recherche d’une aide salutaire qui ne viendrait pas. Et puis, finalement, un déclic parut se faire et Luz retint une fois encore ses velléités de départ après une longue minute de lourd silence.

    « Pourrais-je venir avec vous ? Vous… Vous accompagner ? »

    La praticienne haussa un fin sourcil circonspect. Que diable se passait-il ? Ses prunelles s’ancrèrent aux deux iris de son interlocutrice à la recherche d’une réponse claire qu’elle ne trouva pas. Bon. Foutu pour foutu… Quelle plus belle déclaration d’amour qu’en compagnie d’une secrétaire et d’un homme qui ne l’aimait pas en retour ? Elle faillit rire, retint juste à temps ce que Pam aurait vraisemblablement mal interprété, et lui fit signe de la suivre non sans un semi sourire creux :

    « Allons-y, ne perdons pas de temps. »

    Elle en était toujours là de ses tortueuses réflexions intérieures lorsqu’elles franchirent le portail de la résidence. Ce fut presque un soulagement, rétrospectivement, après cette drôle de marche muette et gênante, les deux femmes ne sachant aucunement par quel biais s’aborder. En avait résulté des tentatives de discussions vides de sens tant elles ne souhaitaient parler que d’une seule personne et l’éviter tout à la fois, Warren constituant leur premier point commun. Et le plus douloureux. Avec sa chance, ledit requin serait de toute façon accompagné d’une dizaine de splendides créatures ou d’un partenaire commercial essentiel, et toute cette journée tournerait davantage encore en fiasco… Au moins faisait-il un soleil éblouissant, de grands lacs de lumière coulant en grappes sur la végétation du jardin, réverbérés sur la façade de la demeure. Une immense maison dont l’intérieur demeurait mystérieux, qu’il ne devait pas utiliser souvent à en croire sa secrétaire… Un héritage familial ? Un achat soudain sous le coup d’une lubie, le choix de s’offrir une possibilité de retraite s’il le désirait, même s’il ne s’y rendait jamais ? Luz cessa de se dévisser le cou en détaillant chaque micro centimètres de la propriété et s’avança d’un pas ferme vers l’entrée. Pam était restée un mètre en retrait, interdite, pressentant peut-être l’esclandre qui couvait sous les cendres, perceptible dans la tension latente de sa partenaire.

    Luz avait vingt minutes. Vingt minutes avant que le coursier n’amène sa trouvaille toute de fourrure et de désespoir vêtue. Vingt minutes pour coincer le grand requin blanc et l’obliger à communiquer. Et s’il refermait aussitôt la porte ? S’il ne venait pas tout court ? Allons, cela ne devait pas être si terrible de se faire arrêter par la Garde pour effraction dans une propriété privée… Transportée par son aplomb vindicatif, Luz souleva le battant et toqua sourdement à la porte.

    Qu’il ouvre, s’il l’osait.
    Car elle avait un océan à lui offrir.
    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
    Informations
    Re: Te donner l'océan en retour
    Mar 12 Oct 2021 - 23:55 #
    Esseulé, abattu et reclus.

    Comme un animal blessé, Warren s'était réfugié dans sa tanière. Oh non, pas ce bureau au sein du complexe que représente la société Althair, mais bel et bien dans sa demeure personnelle. Elle n'est pas bien cachée, l'objectif premier de l'endroit n'est pas de devenir une énième bâtisse de retraite au fin fond des bois. Non, c'est le domicile familial. Bien retapé par le squale, il est vrai, le jardin n'était pas aussi bien entretenu, une arrière cour a été créée à partir de rien, le salon agrandit et l'étage en rénovation complète. Cela faisait plusieurs lunes qu'en dehors de Pam et des autres archontes, personne n'avait eu signe de vie. Pas même elle...Depuis leur retour non triomphal de l'archipel, il n'y eut que la réunion des archontes qui permit à son esprit de s'évader un peu, en ayant laissé une bien trop grande partie sur ces îles paradisiaques.

    De quoi se cachait-t-il exactement ?

    Wolfram?

    Inaros et Warren sont les deux seuls, parmi la compagnie, à encore connaître ce nom, suffisant pour déterrer une myriade de souvenirs que les deux blonds auraient volontiers préféré laisser six pieds sous terre, mourant lentement dans un coin de leur esprit jusqu'à finir oublié. Le retour du frère de Stentor n'allait pas se révéler être une partie de plaisir pour l'assemblée, non, pour tous ceux qui sont proches, de près ou de loin, des deux individus qu'il va finir par inlassablement traqué, si le directeur de la capitale était un requin ; Wolf est, comme son nom ne l'indique étrangement pas, un véritable crocodile, un putain de reptile à sang froid qui, comme le requin, a la mâchoire puissante et ferme, entre ces deux animaux, ce sera à celui qui déplace ses pions en premier, et sur ce grand échiquier à taille réelle, le propriétaire d'arènes joue les blancs ; le premier mouvement avait été sien, les noirs devront redoubler d'efforts et d'ingéniosité pour lire et contrer son ouverture, ce pourquoi l'orbe trouvé il y a des semaines avec la belle rousse chez Sokim se trouve ici ; tout le monde s'attendrait à ce qu'il soit en évidence, sur son bureau, trônant de toute sa gloire sur la plus haute étagère. Heureusement assez fourbe et intelligent, l'objet de convoitises futures se situait dans sa demeure, ici même, bien en sécurité. Dommage que le reste de la collection n'ait pas suivi...

    Son échec?

    Jamais, par Lucy, tout ce qui est sacré, sa propre personne incluse, jamais il n'oserait incomber l'échec de leur mission primaire à la Célonaute rousse. Ses propres informations étaient manifestement erronées, doublé par un local, il était celui qui avait fauté sur toute la ligne. Trop confiant ? Quelle satanée assurance qu'il avait eue là bas. Passer son temps libre à travailler sur des dossiers, batifoler, s'il avait eu les yeux en face des trous, peut-être alors seulement se serait-il rendu compte à temps du guêpier dans lequel le duo mettait les pieds. Fabrice ; la Ribec ; l'exotisme du lieu, tout était prétexte à perdre la tête, s'adonner à des plaisirs futiles et distrayants, un endroit magnifique qui aurait pu être le tombeau sinistre d'un des deux, si la chance ne leur avait pas sourit. Il s'en voulait énormément, d'avoir agit sur un coup de sang, suivit sa propre volonté, encore une fois, animal irréfléchi quand il s'agit de poursuivre ses intérêts, qui auraient dû se trouver en cet instant en la poursuite de son seul indice, la seule qui aurait pu lui apporter des informations pertinentes sur ce nouvel ennemi, qui observait dans les ombres depuis trop longtemps, maintenant prit d'une bougeotte qui, il l'espère, lui passera. Mais. Il ne pouvait décemment pas l'abandonner.

    Ses sentiments?

    Après tout, c'est car il craignait pour Luz, qu'il avait laissé tout filer, abandonné cette poursuite de la ribec et du reste de la collection de Ukiyo no Hansha. Cependant, il se rappelait encore parfois de comment son cœur s'était serré, en la retrouvant ainsi abîmée, pour une mission qui devait être de la simple routine. Des jours, semaines, qu'il se bat tambour battant contre toutes ces pensées qui déferlent, contradictoire et complexes, concernant la jeune noble. En tant qu'Archonte de l'Ordre, il demeurait secrètement son supérieur, pour tout ce qui touche aux Célantias. Est-ce ce qui l'a poussé à la retrouver, l'idée inadmissible qu'il pourrait laisser une de ses ''employée'' dans la galère ? Ou...Autre chose ? Toutes ces journées passées à enquêter, ces rapprochements si naturels, les prises de bec plus anecdotique, petit jeu d'enfant auquel les deux adultes s'abandonnaient avec joie et allégresse, rendant les problèmes que chacun rencontrait dans son domaine temporairement oubliés, mis derrière pour mieux profiter l'un de l'autre. Ces deux jours à l'Archipel avaient été une réelle bouffée d'air, et pas qu'au sens propre. Depuis, ce même constat, qui apparaît en sa vision comme un ensemble de lettres rouge vif : Warren ; que ressens-tu pour Luz?. La réponse arrive naturellement d'elle même, des mots qu'il n'a ni entendu, ni prononcé depuis des années ; Tu l'aimes?. Impensable pour le requin ! Tantôt solitaire, tantôt chef de meute, tout chez lui était un red flag de pourquoi il ne fallait pas l'approcher, une vie seule qu'il s'impose de par ses choix de carrière, les tournants qu'il a prit. Et puis, qui irait l'apprécier ? Sarah elle même le qualifie de bon gros lourd. Oui. Mais imagine, c'est réciproque? Bah ! Foutaises.

    Qu'importe la raison.

    Récemment, ses allers-retours à la capitale se faisaient dans la plus grande discrétion, Pam, seule confidente de son isolement encore sur place à Althair, Il arrivait de bon matin en ville, à l'abri des regards, alors que le monde s'éveille à peine. Croiser le moins d'employés possible. Éviter ce secteur, ou la praticienne exerçait son activité. Ne surtout pas se rendre à sa soirée. Pousser directement les portes de la société, emprunter sa porte presque dérobée et, tel un voleur, s'emparer de la pile de dossiers que sa douce secrétaire laissait chaque nuit pour son patron au petit matin.

    ~~~

    '' Pam. Je vais m'éloigner du bureau quelques temps. ''

    '' Vraiment ? Enfin, je veux dire...Bien sur, Monsieur. Rien de...Grave ? ''

    '' Toujours à t'inquiéter, hein ? Toi et tes questions. '' Rien de mauvais dans sa déclaration, ponctuée d'un sourire. '' Je reviendrais bien assez vite, ma chère. J'arrête pas le travail pour autant, je te fais confiance pour bloquer les rendez-vous. Pense à laisser les dossiers sur ton bureau ; je les récupérerais régulièrement. Bien ? Bien ! ''

    Tirade qui n'attendait pas de réponse, et alors que ses chaussures claquaient dans le couloir, petite illumination. Bien sur, qu'elle passerait le voir, ne serais-ce que pour les rencontres professionnelles, qu'il n'avait que peu honorées ces temps ci. Demi tour rapide.

    '' Tant que j'y penses. J'emmène Rivi et Nio avec moi. Tout ce qui est rapport aux collectes sera donc retardé jusqu'à leur retour. Et...Si Mademoiselle Weiss se présente, tu pourrais - '' La congédier ? Ne rien dire ? Assurer pour lui ? En vrai...Aucune option valable ne lui venait en tête à ce moment là. '' Tu sais quoi ? Oublie. '' La petite sortit un papier, gribouillant dessus de sa plumé. '' Pas de Rivi...Ni de Nio...Pas de collecte...Weiss on oublie...Bien noté ! ''

    N'ayant pas la force de la corriger, il tourna derechef les talons, pour une des dernières fois qu'il verrait sa secrétaire avant quelques jours.

    ~~~

    Il s'était réveillé tard, ce jour là. De toutes façons, qui dérangerait son sommeil, dans cette grande maison vide ? Certainement pas ses deux hommes, Rivi et Nio, qui avaient toute sa confiance, encore plus depuis l'affaire de Sokim, dans laquelle ils avaient agit avec brio, gagnant leur place dans beaucoup de déplacements professionnels de leur patron. Là, il s'agissait juste de veiller la demeure, au cas ou. Une hypothèse, un nom qu'il ne murmura pas, inutile de le propager, mais si il jouait son coup en pleine nuit...Ainsi, le nerveux Rivi était du jour, l'imposant Nio de nuit, garde alternée qui ne semble pas être étrangère aux deux hommes, anciens mercenaires repêchés. Vu la longueur du séjour, Warren s'était aussi octroyé les services d'un cuisinier, qui dormait dans une des seules chambres potable de l'étage.

    Assit sur son fauteuil, il se massa les tempes avec forces, ses lunettes manquant de tomber. De l'ancienne suite parentale, il en avait fait son bureau. Du bureau de son père, attenant, sa propre chambre ; il ne se sentait pas d'investir cette pièce pour y dormir, l'impression que le fantôme de sa mère pourrait toujours y rôder la nuit, et poser une main compatissante sur son épaule quand le Soleil brille. Ce matin, il n'avait pas récupéré de dossier ; les livres et papiers s'entassaient déjà sur son bureau. Ah, ce n'est pas par manque de bûchage, il en abat des kilos et des kilos de papiers depuis quelques jours. S'attaquer aux archives de l'année dernière ; avant sa mise en poste, quelle idée farfelue, il n'y avait bien qu'un maniaque un peu taré pour s'y atteler ! A peine debout déjà qu'il enchaînait corrections, changements, réécriture du passé couché sur papier par une personne qui n'est pas lui, et qui lui a laissé un sacré bordel ! Pas que le travail soit mal fait, mais il a un certain ordre, une certaine logique qui est propre qu'à son cerveau obsédé par la méticulosité. Une rature par ci, une faute de prix par là, un matériau maintenant illégal au transport qui se balade...Il fallait jouer des pieds et des mains, pour protéger ses arrières. Qui...Ne le sont potentiellement pas assez ?

    La seule chose qui le fit lever son nez de la paperasse fut un bruit qu'il ne désirait absolument pas entendre, une main frappant chez lui. A la porte de son domicile. Prestement, des questions : Qui, pourquoi, comment ? Les doigts de sa senestre partirent s'enrouler vivement autour d'une dague qu'il garde dorénavant encore plus à portée qu'usuellement. Sans prévenir, la porte de son bureau s'ouvrit, ce qui provoqua chez lui un pic d'adrénaline, jusqu'à voir la tête de Rivi se présenter.

    '' Hm, chef ? Euh, ça a toqué ? ''

    '' Et ? ''

    '' Et jfais quoi ? Je vais voir ? ''

    '' Non, rentre chez toi, prends ces cristaux, et dépense tout comme s'il n'y avait pas de lendemain. ''

    '' Oh vraiment enfin je peux- ''

    '' Bougre de con, tu vas aller me l'ouvrir cette porte ou c'est toi que je dois ouvrir ?! ''

    ***

    Eh, l'patron, l'est quand même vachement agressif en ce moment ! Jsais pas quelle mouche l'a piqué, mais une énervée visiblement ! Les insectes, à l'Archipel, 'doivent être super balèze ! Pour le rendre comme ça, depuis son retour...Pas besoin de s'moquer de moi en plus, eh, c'est Nio l'plus impressionnant ici, il ferait bien plus peur en ouvrant la porte ! Bon, jsuis ultra sec et jle détruit quand je veux, le grand, et j'ai pas une gueule à qui on veut dire bonjour quand la nuit couvre. L'a bien de la chance de bien payer et qu'd'habitude, j'aime mon boulot, car là, faire le chien de garde, c'est bien lourd ! Abattu, je referme la porte pour faire demi tour, et jme dirige vers la porte d'entrée, à ma gauche. Attention à pas me prendre les pieds dans l'tapis, encore...Je me bats quelques instants avec les verrous, pis j'ouvre. Pas en grand, comme on m'a si bien éduqué à l'faire ! Ouvrir une porte en grand, c'est baisser toutes les défenses qu'on peut avoir ! Jpasses ma tête, un bout d'mon corps. Deux belles rousses. Ah le chien, il s'est commandé deux jolis petits- Ah, jles reconnais ! Une sûre, l'autre...Moins. Mon silence va commencer à faire suspect, faut ptet que je l'ouvre moi.

    '' Euh, je crois que jvous connais vous. Je vous ai croisée, un soir ? Vers les dock ? Avec le patron et Nio ? '' Jporte plus mon attention sur celle de derrière. '' Oh merde, c'est toi Pam ? Tu ferais mieux de déguerpir fissa, tant qu'il t'a pas vue ! S'il sait que t'es pas au bureau- ''

    '' Rivi. J'accompagne juste une cliente importante qui requiert de voir Monsieur Richter. Il s'en prendrait bien plus à toi de nous refouler qu'à moi d'avoir accompagné Madame Weiss. ''

    Je grogne. Jsais jamais quand Pam se moque de moi, c'est une des plus intelligentes et réfléchie du boulot, si on met le chef de côté bien sur. Après, ouais, ça confirme ce que jpensais sur l'autre sublime créature, là. Je préfère prendre aucun risque pour ma pomme.

    '' Jreviens. ''

    Je referme la porte, oublie pas de mettre au moins un verrou, imagine les bougresses rentrent pendant que j'ai l'dos tourné ? Je me redirige vers le bureau, et cette fois, j'oublie pas de frapper. Tellement à cran, en ce moment, m'sieur Richter, que j'ai cru qu'il allait me balancer cette dague en plein visage !

    ***

    Ah, cette fois, ça tape. Comme de coutume, Warren ne répond pas. De toutes façons, pas besoin, Rivi finit toujours par rentrer où cela lui sied, au grand dam de l'entrepreneur, c'est souvent aux mauvais moments, aux mauvais endroits. Toutefois, vu la mine de son homme de main, il peut aisément desserrer son emprise sur son arme, car il ne transpire pas la peur, si ce n'est l'incertitude. Qu'est ce qu'il n'osait pas dire ? Juste les doigts pianotant sur le bureau seraient assez pour montrer l’impatience du blond.

    '' Euh, m'sieur Richter ? C'est Pam et une autre jolie rousse – Madame...Vase ? Un truc du genre. ''

    '' Pam ? Qu'est ce qu'elle fou la ? '' Il évita bien sur la présence de cette ''Madame Vase'', la prononciation, c'est pas son fort, à ce sbire. Et puis, ce n'est sans doutes pas la première déformation de nom que Luz dut subir. '' Allons leur ouvrir. Je passes devant. Reste derrière. ''

    Quittant le confort de son assise, ce luxueux fauteuil orné noir et rouge, il passa proche de la cheminée qui crachait encore ses braises presque assoupies de la veille au soir. Maintenant face à son entrée, il prit une grande inspiration. Si elles étaient un minimum observatrices, elles auraient pu déjà le voir arriver à travers la fenêtre, dans son costume intégralement noir. En expirant, il ouvrit en grand, sourire de façade, prêt à recevoir les deux tornades rousses. L'une allait reprocher son silence, l'autre son absence. Le principal pour le moment ? Ne pas les laisser en placer une.

    '' Mesdames ! Non, Mesdemoiselles. Je vous en prie, rentrez, rentrez ! '' Il s'écarta, de profil à l'encadrure, bras tendu en guise d'invitation. La première à passer fut celle qui hantait que trop ses pensées depuis toutes ces nuits où les draps à côté de lui sont affreusement froid, de plus après avoir senti les courbes de la renarde contre lui. '' Content de te revoir, Luz. J'ai été...Bien occupé, récemment. Rivi prendra vos manteaux et autres affaires ! '' Voyons, Warren. Il abuse complètement de son employé,  les porte manteaux sont littéralement juste à côté. Au tour de Pam de se présenter chez lui. Première fois que quelqu'un d'autre que lui, ses parents et ses hommes de main à présent, pénétraient dans l'ancienne demeure familiale des Richter. '' Pam, Pam, Pam...On parlera plus tard de ton absence à ton poste. J'espère au moins que tu auras bien fermé derrière toi. ''

    Il est dur. Mais juste. Non, pas juste, s'il savait que la pauvresse s'inquiète juste de son patron, elle qui lui apporte régulièrement de quoi se sustenter, alors qu'il travaille d'arrache-pied à en oublier de s'alimenter, ne pas savoir s'il se tient bien, c'est une horreur pour elle. Le blond attendit patiemment que les dames finirent de se débarrasser sur le pauvre Rivi, tout en continuant de les assommer de sujets inutiles comme ''Ça se rafraîchit hein ?'' et ''Ça se passe comment, à la capitale ?''.

    '' Bien à l'aise ? Je vous en prie, suivez moi dans le salon ! ''

    Prenant les devant, il se retourna pour passer dans cette grande ouverture arquée, donnant sur un spacieux salon, avec statues, grande table aux multiples chaises, et dans un petit renfoncement, une cheminée pour l'instant éteinte, encadrée de canapés rouges et blancs, peau d'animal bien stéréotype devant le foyer. Décidant, à contre cœur, de maintenir cet espace entre lui et la sulfureuse, radiante noble, il s'assit sur le fauteuil une place, faisant face à ses interlocutrices, peu-importe leur choix d'assise. Assuré, il repassa les doigts dans ses cheveux, ainsi que sur les plis de son costume. Rajusta ses lunettes. Croisa les bras, droit en avant.

    '' Bon ! Que me vaut la visite de ma secrétaire et de la fondatrice de l'Astre de l'Aube ? J'espère que c'est important, après tout, cette adresse devait rester secrète ''

    Lui qui ne put s'empêcher, il n'y a même pas cinq minutes, de l'appeler ''Luz'', moment de faiblesse lié à la surprise de les voir, c'est contre sa nature, sa volonté, ce que son corps lui dictait de réfréner ce rapprochement entre les deux amants, lui qui ne rêverait que de la coller contre lui et lui dire que tout se passera bien, humant son doux parfum tout en passant ses doigts affublés de cicatrices dans ses cheveux. Et puis, aussi maligne et perspicace qu'elle soit, cela l'étonnerait que Pam connaisse vraiment les tenants et aboutissants de leur relation, et ne souhaite pas mettre la beauté dans l'embarras.

    '' Oh, et un mot de vous, et mon cuisinier sera ravi de vous apporter ce que vous désirez ! Dans la limite des stocks disponibles, bien sur. '' Sa mine s'était renfermée, il aperçut au loin, depuis le couloir, Rivi sur le point d'entrer dans la cuisine par la porte latérale. '' Et Rivi ! Une de mes meilleures bouteille ! '' Léger signe de tête de l'homme de main avant qu'il disparaisse dans la pièce attenante. Au moins avait-il bien prit le message.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Te donner l'océan en retour
    Jeu 14 Oct 2021 - 20:45 #


    Et soudain, il fut là. Elle s’était figée, la gorge sèche, une fraction de seconde avant de recouvrer ses moyens, un instant désarçonnée par la réalité de cette silhouette qu’elle aurait tant aimée voir ces derniers jours. Se rappeler brusquement l’amplitude de sa paume sur le velours de sa cuisse, la ligne caressante de ses doigts contre ses hanches, peut-être le goût de ses lèvres sur les siennes, dans l’inclinaison traitre de son cou et… Elle s’ébroua mentalement, sentit poindre l’aiguillon d’une irritation croissante. Si d’ordinaire elle craignait ses propres colères, celle-ci avait la générosité de constituer une parfaite distraction. Ronronner contre lui et songer à son omniprésence physique n’aiderait en rien dans une conversation d’adultes. Non ? Penser à Pam. Elle devait penser à Pam, à cette secrétaire bien extérieure à leurs problèmes et à ce satané homme de main à la langue trop pendue. Heh quoi ? Annoncerait-il bientôt à la foule environnante les exactes circonstances dans lesquelles ils s’étaient croisés ? Quelque chose du type Ah Madame Vase, c’était vous la dernière fois quand on a massacré un honnête commerçant sur les quais ? J’ai l’adresse et l’heure exacte du méfait si vous voulez. Dieu, elle devrait trouver le temps d’en parler avec Warren. S’ils survivaient à cette journée. Inculquer une once d’intelligence dans le cerveau de son homme de main ne devrait pas représenter une montagne infranchissable !

    Ainsi concentrée sur l’infime plis d’agacement qui croissait à l’aune de ses sourcils, elle parvint à suivre l’hôte des lieux jusqu’au salon sans s’empêtrer dans le piège de son regard. Et puis… Et puis ses oreilles perçurent l’impossible dans le monologue éreintant qu’il avait érigé entre lui et elles. La fondatrice de l’Astre de l’Aube. Ses lèvres s’entrouvrirent sous le coup d’un choc indicible intérieur, heureusement soutenue par le matériau confortable du canapé sur lequel elle s’était installée. Oh, son cher requin, comme elle le connaissait bien trop à présent pour ignorer, ne pas déceler ce traquenard qu’il cherchait à tendre… Brusquement giflée par la réalité, une nuée d’hypothèses frémissantes que sa colère ne parvenait plus à restreindre ni à annihiler, persuadée désormais que leur visite n’était aucunement un plaisir pour lui. Il ne voulait pas d’elles ici. Que faire ? Où aller ? Que cacher et que dire ? Etait-ce à cause de ce qu’ils avaient vécu à l’Archipel ? La question était de savoir s’il s’agissait de leur rapprochement d’alors ou du fiasco de l’affaire… Lui en voulait-il d’avoir été l’origine de leur échec, car il n’avait eu d’autre choix que de la choisir lorsque tout cela aurait pu cesser en mettant directement la main sur Ribec ? Ou préférait-il se montrer distant avec elle pour ne pas nourrir ses espoirs, de la même manière que l’on repousserait une amante d’un soir un peu trop attachée, avec un mélange de pitié et de compassion complaisantes ? Elle ne savait plus très bien quelle option privilégier. Ni même celle qu’elle préférait.

    Et pourtant… Ses lèvres rouges comme un fruit se fendirent d’un fin trait de sang et ses prunelles vinrent se saisir du reflet fumé de ses lunettes. Elle avait sensiblement cambré le dos, ses longues jambes croisées, droite et fière, lui renvoyant un semblable reflet affirmé. Oh que non, elle ne fuirait pas, son ambition réaffirmée, davantage furieuse contre elle que contre son requin. Pourrait-elle jamais le détester ? Il n’était et ne serait jamais responsable de ses blessures, car elle était seule à se les infliger : il en allait ainsi lorsque l’on acceptait pleinement d’aimer les gens. Et elle chérissait profondément ces turpitudes dans lesquelles il ne cessait de la plonger, puisque cela signifiait toute l’importance qu’il avait pour elle. Que craignait-elle à nager dans ces eaux ? Son indifférence, en réalité… Ce qui ne signifiait pas qu’elle ne lui rendrait pas la monnaie de sa pièce, les crocs découverts.

    « Ravie de te revoir également, Warren, lui répondit-elle d’une voix déliée, un quelque chose d’électrisant et de languide dans ses tonalités. Pam n’est en rien responsable de la révélation de cette adresse, en cela que je ne lui ai pas laissé le choix. »

    Un demi-mensonge, mais elle refusait d’entrainer la charmante secrétaire dans les déboires de son cœur amoureux.

    « … Si tu fais confiance à la fondatrice de l’Astre de l’Aube, bien sûr, reprit-elle ses exacts termes, une once de piquant dans ses prunelles. Après tout, je ne suis qu’une lointaine partenaire commerciale. »

    Il n’avait pas pris le temps de se reposer convenablement, cela sautait aux yeux. Mangeait-il à sa faim ? Pensait-il seulement à prendre des pauses entre deux dossiers pour sortir, voir le soleil, respirer, oublier ou qu’en savait-elle d’autre… ? Elle le trouvait agité, se haïssait elle-même de ne pouvoir décrocher son regard de lui, de ce LUI en grandes lettres dont elle cherchait spontanément à détailler les fissures et les joies, tiraillée d’une inquiétude tendre qui l’empêchait tout bonnement de se concentrer. Elle voulait glisser ses doigts dans ses cheveux, rabattre ces quelques mèches blondes en arrière, laisser courir ses mains sur sa nuque pour en chasser la fatigue. Elle voulait se lever, d’un bond peut-être, traverser ce salon d’un pas et abolir cette stupide distance, s’endormir contre lui et bannir ce qui le hantait d’une seule étreinte. Elle lissa les plis de sa fine jupe noire, cintrée à la taille, n’ayant guère eu le temps de se changer dans cette carrière folle qu’elle s’acharnait à maintenir, trouvant dans ce geste machinal l’ombre d’un réconfort. Pourquoi souhaitait-elle le voir ? Elle coula un regard succinct à Pam, assise à une distance respectable d’elle et choisit le chemin qu’elle désirait suivre.

    « J’ai cru comprendre que tu étais très occupé, j’espère ne pas prendre beaucoup de ton temps… Mais il me paraissait important de te rendre personnellement visite, au nom de l’organisme que je représente, pour te faire part de mon sentiment. A propos de cette précédente affaire qui nous a occupés, ajouta-t-elle après un court silence. »

    Pam ne faisait probablement pas partie de l’Ordre des Célantia. Warren lui aurait-il dit, dans le cas contraire ? Ou cette information était-elle à placer avec les autres dans l’énorme panier de ce qu’il gardait secret, Fabrice et Ribec compris ? Cela importait peu à présent, et elle sentit les prémices de ce double discours vaciller dans son esprit, heurter sa voix :

    « Je… N’ai plus eu de nouvelles de toi après cela et j’ai craint pour la qualité de notre relation… Professionnelle. Nos échanges m’ont manqué. »

    Tu m’as manqué.

    « J’ai conscience d’avoir vraisemblablement fauté et de nous avoir fait perdre un important contrat. »

    Et d’avoir failli te perdre. De nous avoir perdus.

    « Je n'ai pas été prudente... Je souhaitais donc te transmettre mes excuses, poursuivit-elle sans faiblir, ignorant sciemment le regard de difficile incompréhension de Pam. Et te faire part de deux requêtes. »

    Elle leva un doigt entre eux, étincelle fugace et maligne, un franc sourire courbant la douce pointe de ses lèvres.

    « J’ai quelqu’un à te faire rencontrer. Je voudrais que tu l’acceptes à tes côtés, en cela qu’il a grand besoin d’un maître compétent pour se remplumer. »

    Si son timing était parfait… Ah voilà que l’on frappait à la porte, exactement comme prévu, et que le dénommé Rivi retournait un coup d’œil paresseux à son employeur.

    « Un simple coursier, je lui ai donné la consigne de repartir immédiatement, expliqua-t-elle derechef. Il l’aura laissé dans sa cage devant l’entrée. »

    Elle leva un deuxième doigt, poursuivant sa dernière attaque, son ultime tentative, regrettant de ne pouvoir étudier attentivement les réactions de son visage ou les émotions qui transparaitraient dans ses prunelles.

    « Et je demande un entretien privé. Aujourd’hui. Ta secrétaire est présente, c’est parfait, elle peut prendre en charge la situation ici pendant que nous discutons. C’est… Important. »

    Ne pas lui laisser le temps de réfléchir. D’absorber ces propos qu’elle lui débitait à la suite. Lui renvoyer, surtout, sa propre tactique, et le surprendre dans sa tanière jusqu’à ce qu’ils soient seuls dans un maudit bureau… Et quelle plus belle surprise pour le décontenancer qu’un jeune warg noir sur son pallier ?

    « Il s’appelle Croquette, précisa-t-elle enfin, cette fois-ci clairement amusée, un petit quelque chose de suprêmement tendre et taquin dans le flamboiement de ses iris. »

    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
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    Re: Te donner l'océan en retour
    Dim 17 Oct 2021 - 19:43 #
    Pourquoi fallait-il qu'elle soit belle, en plus?

    Pour le plus grand mal du blond, la renarde se trouvait être aussi fougueuse et maligne que prévu. Résultat logique et tragique de leurs nombreux rapprochements, oh non, il ne parle pas que des attraits charnels qu'avait eue leur relation, mais à tous ces moments ou intrinsèquement, elle en apprenait plus sur lui, l'homme tout aussi peu avare d'informations qu'il pourrait obtenir sur la jeune noble. Tout, de sa posture, à ses mimiques faciales, jusqu'à son accoutrement, respirait la confiance, l'aisance et l'honnêteté, deux opposés qui s'attirent, puisque jusque là, Warren remerciait Lucy que ses intentions ne puissent être facilement lues à travers ses verres, son regard dansant alternativement entre sa secrétaire et Luz. Visuellement, impossible de se dire que quoi que ce soit puisse sortir de ce trio, entre un homme qui demeure secret, une secrétaire visiblement mal à l'aise et une rousse impérieuse.

    Quelle pique, quel crève cœur que d'entendre celle qui obsédait ses pensées récentes rentrer volontiers dans son petit jeu d’éloignement, comment dit-on, déjà ? Suis moi je te suis, fuis moi je te fuis ? Non, ça fait aucun sens. Et pourtant, n'est pas à cette langoureuse danse que se prêtent ces deux personnes ? Warren s'ouvre, Luz s'engouffre, tout se passe bien, le duo s'épanouit et tout semble aussi naturel qu'il est possible avec quelqu'un comme lui. Sitôt que ses frontières se ferment, la belle ne s'en éloigne pas pour autant, gravitant gravement autour de ses murailles, à la recherche d'une quelconque fêlure à exploiter. En peu de temps, cette habile et intelligente Célonaute trouve juste ce qu'il faut pour le piquer, le forçant à continuer cette bataille perdue d'avance, choix peu judicieux, contre attaquer, quitte à s'exposer, la laissant l'attraper et le sortir de cette zone de confort, voire même abdiquer, mot peu usé dans son vocabulaire, si ce n'est jamais.

    Lointaine partenaire commerciale.

    Coquine. Si elle savait que ce n'est pas du tout comme cela qu'il la traiterait. Comme une reine, une princesse, du même calibre que si elle appartenait elle même à la famille royale, à défaut de n'en être que la praticienne attitrée. Une sale gosse pourrie gâtée, qui aurait tout ce qu'elle désire, sans même à avoir dire où, quand et ostensiblement. Oui, c'était ça ! Fuis moi je te suis, suis moi je te fuis. Fuyard à l'origine, le jeu de la noble atteignait le but secrètement escompté, une pointe d'indignité et d'ego entrant dans la partie, à base de ''Attends, c'est moi qui fuit, qu'est ce que tu fais là oh t'es pas sensée réagir comme ça''. Juste envie de renvoyer son employée rentrer au bercail, à pieds s'il le faut, dans une vitesse expéditive. Attirer sa proie dans son bureau. Et la dévorer toute entière. Encore faudrait-il que...

    Mais enfin, à quoi pensait-il ? Bougresse !

    Fortuitement, Rivi le libérateur débarque avec la bouteille demandée. Et trois verres. Alors déjà, Pam est techniquement en service, boire au boulot, c'est un privilège réservé au patron, celui qui dans son bureau fait tourner son liquide tourbé dans son verre bombé et d'en savourer toutes les fragrances, le goût puissant et boisé. Pendant ce temps, la plèbe ; les employés ; la piétaille s'occupe de faire tourner son empire pour lequel il a déjà suffisamment cravaché, en témoignent ses mains qui furent si souvent couvertes d'ecchymoses, abîmées, véritables témoins du calvaire qu'il dut subir pour en arriver jusque là, le luxe et le privilège de se prélasser de temps à autres, s'écarter un peu de la dureté du terrain qu'il a lui même tassé et formé à l'image qu'il désire.

    Donc, il servit deux verres, un pour lui, et un pour la fondatrice de l'Astre de l'Aube. Vous le sentez venir, le running gag, où Warren appelle constamment Luz comme ça à la place de son prénom ou tout autre titre, presque sur dorénavant de réussir à frapper pernicieusement là où c'est douloureux, si ce ne l'est, disons gênant ? Alors qu'il tapait déjà vigoureusement dans le sien, en prévision d'une journée qui semblait loin d'être de tout repos pour lui -s'il s'était isolé, c'était pour de bonnes raisons, qui menaient toutes à cette personne qu'il n'était pas encore prêt à revoir., mais bon, maintenant, elle était en face de lui. Ne négligeons pas les petites mains, Rivi se contentera d'un simple geste de la tête en guise de remerciement pour avoir été un bon toutou, et ne pas s'être permis de s'octroyer un verre, sauf si celui pour Pam était en fait le sien ? Peu de chances, puisqu'il repartit aux cuisines, sans doutes en train de piller comme depuis quelques jours dans ses réserves de fruits, fromages, viande séchée et autres délices.

    C'est le cœur serré qu'il écoutait attentivement tout ce qu'elle pouvait bien lui dire, tout ce qu'elle avait sur le cœur, tentant bon an mal an de capter de traîtresses expressions faciales ainsi que tout sous texte qu'elle voudrait laisser transparaître, pas grand chose ressortait, un monde ou il fait l'aveugle existe toujours, percevant néanmoins l'évidence, la rage qui bouillonnait dans son ventre, d'abord envers lui même, de barrer l'aura solaire de ce joli minois après avoir fait le mort depuis leur retour -merci à Pam qui s'occupait de la correspondance avec l'Astre-, et d'une autre part, l'apparente culpabilité qui la ronge à tort de leur expédition à moitié ratée aux archipels, ça, c'était vraiment intolérable, et si son verre n'était pas patiemment posé sur la petite table, les talents médicinaux de Luz seraient à mettre à contribution, puisqu'il aurait fallut retirer tous ces bouts de verres qui seraient venus se nicher dans sa main.

    Et ils n'avaient clairement pas tout perdu là bas.

    '' Un contrat ? Je l'ai pas vu, j'en ai pas entendu parler ! Je - ''

    Il ne manquerait plus que Pam et les autres soient au courant de sa troisième activité, bien sur, crions sur les toits d'Aryon que Warren fait partie de l'Ordre de Célantia – Non, qu'il en est Archonte ! Inaros en serait putain de ravi, et il aurait Sarah Jefferson au cul, eh, à défaut que ce soit lui au sien ! D'un geste assuré de la main, il avait fait taire la petite rousse -non, pas celle là, l'autre, ohlala ; c'est compliqué.

    '' J'ai pris ça en charge personnellement, Pam. Pas besoin d'en parler. ''

    Comme une petite chienne docile, elle reprit sa posture droite, jambes bien serrées, pliées comme il faut, mains sur les cuisses. Donc. Deux requêtes. Allez, envoie. Quelqu'un à rencontrer ? Comment ça ? Ah, si c'est un petit jeu ou elle essaye de le caser pour pousser le vice trop l- Un maître ? Une soumise, en plus ? Pas besoin de ça voyons, il peut briser à peu près tout ce qui est vaguement humain et est doté de vision. Il ne comprenait rien jusqu'à ce qu'on frappe de nouveau à sa porte -encore une fois de trop, si on veut son avis. Coursier ? Cage ? Rivi passa une tête timide hors de la cuisine, cette fois depuis la porte de la cuisine qui donnait sur le salon. Un geste de tête intima à ce dernier de se rendre à la porte, surtout qu'il avait également entendu les dires de la noble. Elle rempila immédiatement sur sa deuxième requête. Un entretien privé...Ouais, y'a qu'à voir ce qu'il a donné, leur dernier entretien privé. Existe-t-il ne serait-ce qu'une seule raison de lui refuser ? Il y a bien sur des choses à mettre au clair, et quand le blond se serais senti d'attaque, ses propres démons bannis temporairement, c'est la première personne qu'il serait parti voir.

    '' Un entretien, bien sur, c'est tout à fait normal, j'ai moi-même manqué à mes obligations envers vous, toi et ton Ordre. Ce ne serais que malpoli de- ''

    '' Mais bordel patron, c'est...Un warg noir ?! ''

    Un animal ? Mais qu'avait-elle en tête ?

    '' - ...De COUPER LA PAROLE A SON PATRON! '' Il se masse les tempes. C'est inutile. Rivi n'apprendra jamais. '' De te refuser ça, Luz. Rivi, pose ça dans le bureau. '' Il s’exécuta bien vite, Lucy seule sait s'il est excité de la présence de la bête ou s'il en est apeuré. '' Pam, je te demanderais de rester ici. Eh, sert toi un verre, si tu le veux bien. Essaye de tenir Rivi hors du bureau ; tes oreilles aussi, au passage. '' Oreilles qui virèrent vite au pourpre ; oui, il a conscience de la fâcheuse tendance curieuse et envahissante de sa plus fidèle employée. '' Sur ce, Luz. Je t'invite à me suivre. ''

    Se levant comme pressé de ce tête à tête, d'un pas décidé, il s'élança vers la porte de son bureau que son homme de main venait de quitter, ne se préoccupant pas pour le moins du monde de la moue boudeuse de Pam, qui se demandait bien ce qu'elle avait fait pour mériter d'être la cinquième roue du carrosse. Allez, fait un effort, ça fait un moment que Rivi, et merde, même d'autres employés de Lagoon et Althair te tournent autour, fait un effort. Porte encore entrouverte, il n'eut qu'à la pousser, s'écarter légèrement dans un énième élan de galanterie.

    '' Je t'en prie, après toi. Pardonne le...Désordre. Ça me ressemble pas. ''

    Dans le bureau, des amoncellements de papiers et autres livres, d'histoires, de comptes, de lois. Plus de l'ordre du règlement de soucis que de réels nouveaux contrats et partenariats, tout ça ayant été mis presque temporairement en pause, moins on se rapproche de lui, sous n'importe quelle couture, mieux c'est. Aux abords de son bureau, des nouveaux tas de feuilles, d'autres choses, même sa dague était maintenant au sol. Quelle délicatesse de la part de Rivi, que d'avoir posé la cage à l'arrache dessus, sans prendre quoi que ce soit en considération. Dans la pièce, une seule assise, son propre fauteuil. Après tout, sa demeure personnelle n'est aucunement prévue pour des réunions privées entre collègues. Il murmura un ''Je vais le tuer'' à l'encontre de son petit personnel, on ne peut plus compter sur personne ! S'approchant de la bête enfermée, il la toisa quelques temps.

    '' Croquette, tu dis ? Oui...Ca fait sens. Il en manque sérieusement, en tout cas. Dommage qu'il ait pas un nom plus...Viril. '' Passant quelques doigts à travers les barreaux, l'animal était braqué. Un peu fatigué, un peu affaibli. Mais un énorme potentiel pour un animal qui n'a pas encore tout à fait atteint sa stature pleine, il serait totalement adulte dans quelques mois. Voulait-il connaître son histoire ? Pas vraiment. Pas besoin. '' Tu me diras combien je te dois pour l'anima- '' C'est un cadeau, connard. '' Je veux dire. Merci, Luz. Que me vaut ces honneurs ? Le warg noir – visiblement, j'y connais rien – et ta délicieuse présence ? ''

    En aucun cas il oserait se sentir supérieur à l'héritière Weiss. Il n'allait pas s'asseoir confortablement alors qu'elle était là, toute douce, ayant fermé bien consciencieusement la porte derrière elle. Lui se posta sur son bureau, plus supporté par le mobilier que véritablement assit dessus, la cage à présent tournée vers lui, la grille séparant l'animal du bureau, du vaste monde, large ouverte. Warren glissa une main, lente mais sure, vers l'animal, qui se recroquevillait moins, et s'était laissé caresser derrière les oreilles. Il sortirait quand l'envie lui en prendrait. Il avait pas du vivre que des choses faciles, ça lui rappelle quelqu'un. Toujours à apprécier et jauger le warg, il lança à l'intention de la belle, avant même que celle ci puisse rouvrir la bouche pour rétorquer.

    '' Donc. Nous sommes là, parlons. Puisqu'il fallait que tu en viennes jusqu'à embêter Pam pour arriver chez moi. '' Il sourit. De sa bêtise, ou de la bête immobile mais déjà plus calme qui acceptait au fur et à mesure la main du requin qui n'avait aucune crainte d'être mordu ? '' Heureusement que t'es discrète et maligne, aucun des deux n'est au courant du sujet de nos pérégrinations, encore moins de mon rattachement à l'Ordre, dont on ne parlera qu'à demi-mots ; je la connais, l'autre rouquine. Bientôt, elle aura le visage plaqué contre la porte, espérant capter Lucy sait quoi. Mais Luz. Je te préviens. Si tu me rejoues cette histoire que tu viens de faire... '' Il perdit son sourire. '' Dire que c'est ta faute. Te sentir coupable. De t'excuser pour rien. '' Sa main laissa tranquille l'occupant de la cage pour venir se poser sur ses lunettes, qu'il retira pour les poser sur la future ancienne antre du warg. De toutes façons, elle l'avait déjà vu plusieurs fois ainsi. Pas besoin d'artifices. '' Je te sors d'ici moi-même. Manu militari, s'il le faut. J'espère que t'as pas fait tout ce chemin pour faire la carpette. C'était MON choix ; Luz. Elle ou toi. C'est ce que je t'ai déjà dit. Je ne t'en tiendrais jamais rigueur, tu m'entends bien ? Bien ! Je n'ai aucun regret. Et ce n'est tristement que partie remise. ''

    Ne pas en dire trop. C'est des plus évident, il compromettrait à la fois son poste d'Archonte ainsi que la tranquillité de la vie à la capitale pour l'héritière Weiss. Et la présence de Wolfram...Tant de choses qu'elle ne doit pas savoir, alors qu'une seule chose lui brûle l'esprit, le bout des lèvres. Jamais une femme de son statut ne s'abaisserait à venir s'excuser auprès d'un certes riche mais simple roturier, encore moins devant ses salariés.

    Pourquoi es-tu vraiment là?

    '' De mon côté, je ne peux que...M'excuser de ne pas avoir donné de nouvelles. C'est vrai que je ne retrouverais pas d'échanges de cette qualité avec le premier commerçant venu -sans vouloir être réducteur, ma belle. J'avais des choses à régler, qui demandaient ma présence loin de la capitale. Mais tu m'as trouvé. Comme quoi c'est pas si difficile...C'est peu rassurant. Tu ne me déranges pas, ça a jamais été le cas. Je te l'ai dis dès le premier jour, que je trouverais toujours du temps pour [i]la gérante de l'Astre de l'Aube. ''

    Sourire. Bien léger, mais expression moins sombre tout de même. Il se détendait, il en avait bien besoin, ses derniers mots étaient volontairement imprégnés d'ironie et de provocation. ''Comme par le passé'', ne pouvait-il s'empêcher de se dire. Ose poser la question. Ne la laisse pas réaliser quoi que ce soit. Comprendre quoi que ce soit. Glisser sur une tournure de phrase, un mot sur lequel elle aurait buté. Une question simple, mais lourde de sens, si on en donne un peu.

    '' Du coup. Qu'est ce qui est si important que tu entraine ma secrétaire dans tes péripéties ? Elle est sensée travailler, tu sais ? T'inquiètes pas pour elle. Je n'en ferais rien. Me dit pas que c'était que pour le chien ? J'apprécie énormément l'attention, il aura bien de quoi se remettre, ne t'inquiètes pas. ''

    Essayons d'écarter toutes les hypothèses. Sa culpabilité, check. L'animal, check. L'absence de Warren, que ce soit de leurs entrevues, de la petite journée porte ouverte dont il avait entendu parler ? Englobons cela avec sa fuite de la capitale, donc check. Ah, bien sur, en parlant de porte ouverte !

    '' Me dit pas que c'est pour le business ? Merde, sans doutes...J'ai toujours tout donné à Pam en temps et en heure. Sauf...Ce matin, si je suis honnête. Si c'est de ça qu'il s'agit ; oublie ce que j'ai dis, et j'irais lui souffler dans les bronches en un rien de temps. ''
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Te donner l'océan en retour
    Mar 19 Oct 2021 - 23:48 #


    Quelle étrange dissonance, songeait-elle en contemplant la pièce, un semblable souvenir divergeant ancré dans sa mémoire. Lors de cette toute première fois, ce rendez-vous commercial initial qui avait tout déclenché. Le squale l’avait peut-être bien mordue en fin de compte, des crocs refermés sur sa chair dont elle n’avait perçu l’existence que tardivement. Trop tardivement. A présent, il n’était plus guère possible de desserrer la mâchoire qui étreignait ses sens, sous peine d’ouvrir la plaie béante sur un vide insatiable qu’elle ne pouvait plus remplacer. Et ce tableau qu’elle découvrait, eux deux dans un maudit bureau, avait ce petit goût traitre d’une nostalgie glorieusement ironique. A ceci près qu’il était désormais celui à avoir trouvé refuge sur le bois du meuble, et que la pièce était sensiblement moins bien rangée qu’autrefois. S’il lui était donné l’occasion de recommencer, ferait-elle différemment d’auparavant… ? Qu’avait-elle raté, quelle marche n’avait-elle pas vue, que leurs pas aient atteint la fin du chemin ? Inconsciente de la nature et de l’origine de ce gouffre qui ne cessait de s’aggraver entre eux, Luz demeurait interdite, ses prunelles balayant les diverses piles de documents qui s’amoncelaient sur le sol. Voilà qu’elle était entrée dans une caverne dont elle ignorait la teneur, témoignage de maux qu’elle était incapable d’appréhender si ce n’était qu’ils repoussaient Warren loin d’elle – ah, de nouveau ces provocations qui blessaient, teintées néanmoins d’une pointe d’humour à laquelle elle n’était pas insensible.

    Non, décidément, elle ne referait rien de différent.

    Rien au risque de le perdre, rien au risque de ne plus ressentir cette émotion ténue qui échauffait sa poitrine, électrisait sa peau lorsqu’elle le savait proche d’elle. Rien qui ne puisse altérer ce court instant où elle ramassait son souffle, saisie par sa présence, par une de ces frivolités taquines qu’ils se jetaient continuellement au visage. Avec facétie, mais bienveillance toujours. Les jours sans lui n’existaient plus, absorbés par un lointain passé dont elle avait oublié la fragrance, presque une image monochrome dont la matière était sans saveur et l’attente éternellement douloureuse. Lorsqu’elle y pensait, elle demeurait stupéfiée de la quantité innombrable de coïncidences, de virages et de détours qui les avaient conduits à se rencontrer. Presque trente ans d’existence, le doigté habile de Lucy et leurs fils s’en trouvaient définitivement emmêlés… Bien, elle y mettrait ses propres mains dans l’espoir d’entortiller un peu plus la pelote inextricable de leur relation et tant pis si cela devait donner naissance à un feu de forêt ! Tant pis s’il ne devait plus rien rester de ce qu’ils étaient, car c’était d’ores et déjà ce qu’elle était actuellement sans lui… A souffrance identique, elle préférait choisir celle qui lui offrait l’opportunité d’une fin heureuse.

    « Vraiment ? Ta première hypothèse porte sur le courrier ? »

    … Ou peut-être pas. Elle avait haussé un sourcil incrédule, volubile soudain, aiguisée comme une lame restée trop longtemps au fourreau. Ses mains jusqu’alors croisées sous sa poitrine s’animèrent d’une vie inattendue, adoptant malgré elles l’irritation rentrée de leur propriétaire. Cette histoire qu’elle venait de faire ? Faire la carpette ? Pour parler professionnel par la suite, exactement comme si dans la réalité présente, une dimension tierce de toute évidence, leur relation n’était qu’intérêts et commerce de première zone ? Elle s’en trouvait stupéfaite à présent, lancée dans une chute saisissante, une explosion magistrale en plein vol qu’elle se découvrait incapable d’arrêter. Son indifférence tout d’abord, sa persévérance à les réduire à de simples partenaires professionnels, maintenant ce chaud froid qu’il brossait sans cesse sur elle, car que lui importait après tout les élans chaotiques de la Gérante de l’Astre de l’Aube ?!

    « Oui, je réalise bien que tu ne me dois aucune justification, laissa-t-elle filer entre ses dents serrées, tu n’as pas à t’excuser non plus de ne pas m’avoir donné de nouvelles… Tes affaires sont tes affaires. Et… Pourtant… »

    Elle retint son souffle, parut hésiter à la crête de sa falaise. Trancha finalement, le vert de ses iris traversé d’un bref éclat d’or.

    « Pourquoi… Pourquoi m’avoir choisie plutôt qu’elle ? Que t’a-t-elle dit, que j’ignore, et qui te heurte encore aujourd’hui ? Que cache-t-elle qu’il t’est impossible de m’en parler ? … Qu’il faille que tu t’éloignes de moi ? »

    Ah que le goût de la souffrance était amer sur sa langue. Portant à s’y méprendre sur la nature du secret, lorsque seules les conséquences lui importaient en réalité. Non, elle ne voulait plus de cette incompréhension latente entre eux, plus de mots mâchés, plus de demi vérités. Elle perçut l’ambivalence de ses interrogations, chassa la douleur qui compromettait la véritable portée de ses propos pour mieux se poster face à lui, calmer l’amplitude de ce feu qui brûlait en elle à n’en plus s’arrêter. A Helmex leurs histoires de commerces, aux abysses et au néant ce pauvre Croquette, Pam, Rivi et Aryon tout entier s’il le fallait ! Elle en avait assez de contourner son véritable problème, assez de ne pas assumer ses propres élans, assez de ne pas le confronter sur ce qu’elle souhaitait réellement. Elle eut un mouvement du poignet entre eux, l’air d’effacer cet embryon absurde de conversation, planter là le premier jalon qui mettrait un terme à ce vaste jeu.

    « Non. En réalité, je m’en moque. Tout cela n’a pas d’importance. »

    Et elle s’était fendue, tout à coup, d’un éblouissant sourire canin, une absolue confiance dans l’aplomb de sa silhouette. Le port droit, altière présence, couronnée de sa crinière flammes dont les embruns coulaient en cascade sur ses épaules, ses prunelles ancrées aux siennes sans faillir ni faiblir.

    « Tu ne sais pas, n’est-ce pas… ? constata-t-elle, un fin filet de voix d’une douce et exquise quiétude. La raison pour laquelle je suis venue. »

    Heh, que pourrait-il comprendre à son discours décousu ? Que pourrait-il saisir de cette profonde sérénité qui s’était glissée sous sa peau, avait relâché ses épaules, arrimé son corps à la terre à cette très juste place, puisqu’être à ses côtés était -avait toujours été- d’une évidence transparente ?

    « Tu es mon évidence, Warren. Tu es mon évidence parce que je t’aime. »

    Sa voix avait porté, claire et limpide, l’assurance d’une reine, l’audace d’une amante, toutes les nuances du solaire dans ces simples mots prononcés. Eblouie par ce roulement de galets qu’il provoquait toujours dans le creux de son ventre, animée de ce quelque chose d’indéfinissable qui la dépassait, un sourire déposé sur ses lèvres comme l’aile diaprée d’un papillon. Elle s’était accroupie, ramassant de deux doigts précautionneux ce couteau qu’il chérissait tant, déjeté là parmi le parchemin et l’encre oubliée à l’image de son propriétaire.

    « Voilà pourquoi je ne cesse de revenir vers toi. Tes absences sont mes nuits d’insomnie et s’il faut parler commerce pour te saisir un instant alors… Ainsi soit-il. »

    Elle l’avait rejoint jusqu’au bureau, à présent, le pommeau de l’arme tourné vers lui tandis qu’elle déposait l’objet sur le bois du meuble avec la délicatesse que l’on porte aux souvenirs précieux.

    « Mais cela n’a plus d’importance désormais. »

    Elle eut un mouvement de dénégation de la tête et releva les yeux dans les siens, dangereusement proches, souple et aérienne présence.

    « Je sais qui tu es, je sais à quoi sert cette arme et je sais pourquoi ces secrets doivent rester les tiens. Et… Je m’en fiche. Il n’y aurait pas de toi sans tout cela, pas de ce courage, pas de ce mordant qui te caractérise, pas de cette manière absorbée que tu as de travailler, pas de cette intelligence qui te pousse vers l’avant. Je n’aime pas une partie vernie de toi, Warren, j’aime la véracité de ce que tu es, tes ombres, tes dangers, ton indulgence et ta perspicacité. Je prends l’entier. Et, ma foi, j’en ai assez de prétendre le contraire, assez d’essayer d’oublier. S’il te faut des armes, je te les apporterai, et s’il te faut du temps, je t’en trouverai. Même ces yeux qui sont les tiens, je crois bien être la seule de tes victimes susceptible d’apprécier l’expérience, rit-elle doucement, une once d’autodérision versatile dans son océan intérieur. »

    Qu’importait alors la suite de cette journée, qu’importait qu’il ne partage pas ses sentiments, que leur relation s’arrête ici et que plus rien ne naisse jamais de ces cendres. Elle voulait lui transmettre cette vision de lui qui avait étreint son cœur, lui partager ce qu’il rejetait avec tant d’ardeur chaque fois que son existence lui renvoyait ses blessures intérieures. Elle ramasserait autant de fois qu’il le faudrait les morceaux épars de sa vie, ces bouts précieux auxquels il tenait sans se l’avouer, à l’image de ce couteau abandonné sur le sol. Tout pourvu qu’il soit heureux, dénué de ces doutes qui l’enchainaient encore à ce passé masqué. Qu’il la rejette si cela lui chantait, tant qu’il acceptait de voir ce qu’elle percevait chez lui, ces failles aussi magnifiques que ces réussites, ses larges épaules d’homme dont elle devinait la force et les incertitudes. Elle avait enroulé ses doigts autour des siens, profitant peut-être de son effarement ou quelle que soit cette émotion qu’il ressentait actuellement, la pulpe de son pouce passée sur sa peau froide. Oh comme elle aimait ces cicatrices, ses mains qui avaient longuement travaillé, cherchant chaque soir un abri intérieur, une façon de survivre encore et toujours, car il n’y avait pas d’autres voies possibles. Ses mains qui avaient probablement frappé, aimé également, jusqu’à sa manière de se tenir droit vers elle, si sûr de lui. Ses doigts qui avaient un jour repoussé les mèches rebelles de ses cheveux, qu’il avait glissé sur son corps avec la patience et l’ardeur difficilement contenue d’un squale exalté, toutes ces facettes qu’elle voulait réunir dans l’étreinte de ses bras pour ne plus les laisser s’enfuir. Elle avait envie de lui et elle l’aimait tout autant, un méli-mélo d’émotions qui pulsaient dans ses veines avec l’absolue certitude de l’éternité.

    « Alors, je ne veux plus de ce statuquo. Je veux être égoïste, et te demander de choisir. »

    Elle avait porté sa main à sa joue dans un soupir, coulant son propre visage dans sa large paume, indifférente à ces cicatrices qu’il détestait tant. Ses lèvres s’entrouvrirent dans l’expectative, à peine un souffle qui courut contre la peau du squale, le vert embrasé de ses prunelles ambrée d’une conviction profonde tandis qu’elle l’observait de biais sous la tenture de ses longs cils sombres. Une interrogation visible néanmoins, car cette réponse-ci serait définitive…

    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
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    Re: Te donner l'océan en retour
    Dim 24 Oct 2021 - 20:24 #
    Les mots étaient sortis. Mais il ne pouvait pas y croire.

    Avait-il seulement bien entendu ?

    '' Tu es mon évidence, Warren. Tu es mon évidence parce que je t’aime.  ''



    Quelle audace.

    Avant cela, à de maintes reprises, il aurait voulut la couper afin de répondre à toutes ces interrogations qu'elle se pose, à demis-mots, hésitante, visiblement dévorée de curiosité, peut-importe à quel point elle pourrait dire qu'elle ''s'en moque'' et que c'est ''sans importance''. A partir du moment ou ces questions lui trottent dans la tête, c'est qu'elles sont importantes, à leur propre manière. Les ''oublie'' ou ''non, rien'' ne sont que rarement annonciateurs de candides sentiments, hypocrisie masquée derrière une apparente indifférence, si, vous voulez la réponse, mais avez trop peur pour l'entendre, préférant rester dans la rassurante incertitude plutôt que de vous retrouver plongés tête la première dans la dure réalité, parfois bien éloignée de vos visions fantasmées des choses. Si seulement tout ça était vrai dans le cas des deux Célonautes. Tout ce que Warren aurait à dire, voudrait rétorquer, n'aurait pas mené à ce moment. Qu'il souhaitait ? Qu'il attendait ? Qu'il apprécie ? Comment rétorquer ?

    Et puis, qu'aurait-il dit, dans tous les cas ?

    Oh, si elle savait, à quel point elle était dans le faux, et que son hypothèse première n'était absolument pas la correspondance entre les deux sociétés. Eh, au feu, les contrats, les exclusivités et les réunions. C'était de moins en moins par argent ou pour Althair, qu'ils se voyaient, de manière de moins en moins égoïste -enfin, si ? Un autre genre d'égoïsme du moins.
    Aucune explication n'était à donner qui plus est, en effet. Il est compréhensible qu'un homme de sa trempe, de sa position, soit atterré, ploie sous le travail, disparaisse des radars pendant juste assez longtemps, évitant de justesse l'inquiétude de ses proches et collaborateurs. A elle, cependant ? Il pourrait en devoir. Pas à l'Astre de l'Aube. Mais bien à Luz.
    Sa volonté de savoir pourquoi ''Elle ou moi'' était la plus révélatrice...Et une partie de ce qui mit définitivement le feu aux poudres, si vous voulez son avis. La question ne se pose même pas, on ne réfléchit pas à l'évidence. Depuis tout ce temps, elle devait cogiter sur les significations et ramifications profondes de ces mots prononcés avec un réflexe indigne de lui, calculant et sous-pesant usuellement chacun de ses mots.

    Pour ne pas te perdre. Ne pas te laisser derrière. N'avoir aucun regret, ton départ serait plus lourd à compenser que celui de quelques pièces d'un quelconque artiste qu'on ne retrouvera peut-être jamais. Si j'avais pris l'autre décision, plus jamais je ne pourrais me regarder dans un miroir.

    Peu ou prou les mots qui seraient sortis de sa bouche. Si elle n'avait pas feint l'indifférence, si elle n'était pas sur le point d'annoncer la raison de sa venue, enfin. Sa posture était aussi altière que son statut le trahissait. De toutes les raisons, il n'aurait jamais imaginé celle la. Et pourtant.

    Le coup de massue.

    Ah non, pas littéralement, elle n'a pas profité de son apparent froncement de sourcils, regard vague et épaules relâchées pour sortir un marteau et l’assommer. Cela aurait été plus rapide et plus indolore, par contre. Merde, ces mots, il ne les a pas entendus associés à son prénom depuis...Sa plus tendre enfance, à ce qu'il s'en souvient. La femme était clairement en position de force, courageuse, sure d'elle, courant allégrement sans peur dans un domaine solaire duquel Warren détourne toujours les yeux, traversant ce genre d'endroits avec la vigilance d'un cerf traqué entouré de pièges. Alors, il ne put que subir. Subir le fait qu'il avait fait indirectement souffrir la belle, de par son absence prolongée. Qu'elle se contenterait de l'intimité lugubre de son bureau et la froideur de la paperasse pour le voir. D'un regard distrait, il remarqua que la Célonaute avait ramassé son arme presque de fortune face à tout ce qui peut lui arriver, si seulement tous ces tourments et toutes ces hésitations qui l'accablent pouvaient être vaincues d'une simple passe d'épée, d'un moulinet du poignet, frappe précise et bien placée. Surtout l'impression de se retrouver nu face à un Serwang.

    Pouvait-il en dire autant de la rousse ? Tout ce qu'elle pensait de lui était...En partie vrai. Après tout, c'était son ouverture à cette femme -sa bêtise, son erreur!- qui les avait fait tant se rapprocher, qu'elle apprit si bien à le connaître que c'en était pétrifiant. Et encore une fois, cette abondance du mot en A...Qu'il n'est absolument pas prêt à prononcer en retour. Il entendait bien ces confidences, impassible mais fêlé, bras toujours croisés. Au moins respectait -et respecterait!- t-elle ses secrets, comme celui de l'existence de Wolfram. De son passé, comme toutes ces personnes qu'il a laissées agonisantes sur le sol, ou ceux qu'il a abandonnés sur la route de son destin qu'il se traçait. De ses activités, qui n'avaient pourtant rien de glamour. De son ''tout'', en somme.

    Ne t'inquiète pas, joli brin de femme. Il ne pourra te le dire clairement. Mais c'est tout pareil.

    C'est son petit rire qui le sortit à moitié de sa torpeur, puis la chaleur de sa main dans la sienne, suivit par la chaleur de sa joue contre sa paume, qui finit par le ramener à la réalité. Comment répondre ? Que dire, quand depuis tant d'années, on cherche du réconfort sale et temporaire auprès de filles de joie, dans les maisons de passe allant des plus huppées au plus glauques de la capitale ? Quand on cherche les réponses à ses questions, au fond de chaque verre de bon scotch, entouré de tous ces faux-semblant et visages fermés des autres businessmen que pouvaient compter les locaux d'Althair plus leurs voisins ? Quand on cherche à fuir ses démons et refaire le monde en tirant sur de coûteux cigares, autour d'une table de jeu et de cristaux vainement gâchés, autour de richissimes connards venus tenter leur chance ?

    Choisir.

    Ce qu'on ne dit pas avec des mots, on le comble avec des gestes. Posture plus sereine, regard plus affûté, menton plus haut. Oh que non, elle n'apprécierait pas l'expérience de se manger de plein fouet le pouvoir de Warren. Du moins, il en doute, à part si la curiosité de la noble la pousse à un certain côté masochiste, tout savoir de lui quitte à en souffrir atrocement. Un seul pas les séparait, qu'il franchit prestement, sans retirer sa main du visage de la rousse. Deux secondes de silence, d'hésitation de sa part. Aucun doutes sur les sentiments de la jeune femme, mais des siens ? Non plus. De la légitimité qu'il avait ? Un peu plus. Simple fils d'artisan, enfant de serveuse, qui se hissa si bien qu'il pouvait en haut d'une échelle sociale dont les barreaux n'étaient plaqués d'or. Ne pas la mettre en danger, dans l'embarras, la traîner avec lui dans les bassesses de ses exactions...

    Comme déjà dit. Au feu, tout ça.

    Allant chercher le creux des omoplates de Luz de sa main libre, il l'attira à lui, et l'embrassa de toute la passion des mots qu'il ne pouvait espérer ne serais-ce que chuchoter. Le message sera passé, c'est le plus important. Juste espérer que...Elle puisse s'en ''contenter'' ? C'était bien parti pour. Un passion dansante, mobile, ou chacun menait à tour de rôle, bougeant presque comme des déchaînés dans la pièce, la femme tantôt plaquée contre un mur, l'homme ensuite repoussé jusqu'à la bibliothèque attenante qu'il percutait de l'épaule ou du dos, les mains du blond partant jusqu'à la taille de la rousse qui elle apposait les siennes sur le torse du grand, froissant sa chemise, les deux manquant parfois de tituber ou tomber à cause des divers ouvrages et papiers disséminés au sol.

    ***

    '' T'entends ça ? ''

    '' … ''

    Ouais. Avec Pam, on avait peut-être tout entendu. Après m'être fait recaler une énième fois par la rousse, voici que cette dernière a préféré coller son oreille contre la porte du bureau. Ah, jlui avais dit, que c'était une mauvaise idée ! En vrai, on a jamais su si les rumeurs qui disent que la ptite secrétaire à une attirance pour son vilain et tyrannique patron étaient vraies ou non, mais j'ai vu son visage se décomposer lorsqu’on a clairement entendu une voix de femme dire ''je t'aime''. Depuis, il n'y avait eu que du silence, le patron n'a pas répondu. Le connaissant...Ça a pas du lui plaire. L'est pas du genre à s'attacher, surtout avec le taff qu'il fait ! Jpeux le dire, je l'accompagne bien plus souvent que d'autres. Bon, Nio aussi. Mais seulement car on fait un bon trio qui qu'y a toujours besoin d'un à la carrure de bœuf pour...Hm. Les transports délicats. Sokim, le dernier en date. Jme demande s'il a été retrouvé ? Le patron s'en serait tiré avec une pirouette dans tous les cas. Tout ce que moi j'entendais, c'était des bruits qui semblaient presque...Des bruits de lutte ? Murs tapés, objets qui tombent, respirations fortes...

    '' Rivi. Tu rentres. ''

    '' Houla, houla, certainement pas ! Encore un coup que le patron mfasses encore changer de sous-vêtements, avec ce satané pouvoir de mer- ''

    '' Rivi. Faut y aller, tu connais le patron ! Face à cette situation...Lucy sait comment il a réagit ! Il est peut-être déjà trop tard pour Madame Weiss ! Allez, vite ! ''

    Ah, la saleté. Parler en se susurrant à l'oreille comme ça, c'était déjà trop pour moi, elle me rends fou la petite ! Par contre, on repassera pour la discrétion, car si c'est bien moi qui franchit le seuil du bureau en premier, c'est certainement pas moi qui ait ouvert la porte, et qui m'est auto-poussé à l'intérieur ! 'chier, le boss a pas ses lunettes ! Et puis...C'est quoi, cette scène ?

    ***

    '' Rivi. Pam. Vous pouvez m'expliquer c'est quoi...C'est quoi...Ces conneries ?! ''

    A peine les deux furent-ils à deux pieds dans la pièce qu'ils baissèrent les yeux au sol. Ah, oui, ses lunettes. Ces vieilles rumeurs avec lesquelles il joue sciemment, tout ça, tout ça. Le hasard voulut que dans cette valse, qui avait laissé le blond à court de souffle, les deux encore collés-serrés se trouvaient proches du bureau. Il n'eut qu'à tendre le bras pour les récupérer sur la cage du warg noir qui commençait, interrogatif, à sortir sa truffe curieuse de sa cage, et semblait s'amuser de l'apparente crainte du mercenaire de Lagoon de son statut d'animal dangereux. Lunettes maintenant sur le nez, il reporta son attention sur son personnel qui n'avait pas encore osé relever les mirettes de leurs pompes.

    '' Allez, on se relève. '' Il portèrent de nouveau leur attention sur leur patron, à moitié caché par le corps de Luz. '' Mais vous êtes sérieux ? On en est là, ça écoute encore aux portes, ça rentre sans autorisation et...Ô, j'ai même pas les mots ; attendez que je viennes vous ! ''

    Problème ? Il avait bien voulut faire un pas en avant, sa raisonnable colère envers ses employés et la volonté de leur donner une remontrance bien mérité prêts à être déployés, mais son avancée fut bloquée par la dame encore contre lui. Y faudra vraiment travailler sur ses problèmes de colère à l'avenir, en arriver à obstruer la présence de la belle contre lui, c'est qu'il fallait y aller. Un regard vers son doux visage, ses prunelles vertes...Il soupira.

    '' Disparaissez de ma vue. Pour l'instant. On verra ça plus tard. Allez dans le salon ou je ne sais où, ça attendra qu'on retourne tous au bureau. Bien ? Bien. Plus vite que ça ! '' Il détalèrent assez vite, si bien que... '' Et la PORTE, putain ! ''

    C'est la calleuse main de Rivi qui revint pour la claquer une bonne fois pour toute. Sans quitter la porte des yeux, sa senestre était sur le bas des reins de la noble, et sa dextre se glissa jusqu'à l'arrière de sa tête, pour la plaquer contre son torse. C'était agréable. Merde. C'était agréable. Sandro le jugerait si fort, eux qui écumaient ensemble ces bas quartiers, lui qui lui apprit la dangerosité de ces attaches. Stentor lui même était tombé par amour et jalousie. Lentement, il baissa sa tête pour déposer un baiser sur le haut de son front.

    '' Désolé pour ça encore. Je penses qu'il va finir par être temps de changer de personnel. Pam tient plus de la concierge que de la secrétaire, parfois. Et Rivi...Aussi combatif qu'il est con. Et seule Lucy sait qu'il est combatif. ''

    Essaye de dire quelque chose. Un petit truc. Par pitié.

    '' Je. Hm. Tu...Es évidente aussi pour moi... ? C'est le choix que je fais en tout cas. ''

    Quelle ponctuation utiliser ? Plus gauche que ça, après la longue déclaration de sa belle...Comment rattraper tout ce retard que ces années de dure vie lui ont imposé ? Ne reste plus qu'à prier tout le panthéon, actuel comme ancien, qu'elle tienne le coup jusqu'à ce qu'il ait réussi à trouver, ramasser et coller tous les morceaux de cet aspect mental complètement brisé chez lui. Encore une fois. Les actes sont plus prévalents que les mots. Donc, possiblement, avec des explications à sa plus grande question... ?

    '' Viens. ''

    Plus indicatif qu'un ordre, puisqu'elle n'eut qu'à moitié le choix, lorsqu'il commença à s'éloigner, enserrant ses doigts autour de son poignet, pour l'attirer de l'autre côté du bureau, celui depuis lequel il travaille, au moins aurait-elle un sentiment de compréhension ? Bref, ce n'était pas le but recherché. Il la lâcha, devant lui, pour s'installer sur le fauteuil, et puisqu'il n'y a plus aucune assise de disponible, et qu'après tous, les frontières entre eux étaient grande ouvertes, les murs qu'il avait dressés accusant des fractures béantes, il la retourna, la choppa par la taille et la fit s'asseoir sur lui, main gauche sur la hanche, sur de bien l'assurer, alors que sa dextre bougea quelques papiers jusqu'à en trouver un relativement vierge, ou du moins, assez peu important pour gribouiller dessus. S'étirant pour attraper un crayon, s'assurant de ne pas faire basculer Luz, il s'apprêta à schématiser.

    '' Tiens, regarde – Non, pas toi voyons. '' Dans son champ de vision avait débarqué une truffe noire, Croquette -qu'il appellera sans doutes Kroko, car faut pas déconner- avait débuté à sortir sa large tête de sa cage, s'intéressant peu à peu à ce qu'il se passait dans ce monde extérieur à la lourde cage qu'il serait bientôt ravi de quitter. Toujours assuré, mais quand même plus méfiant, Warren vint flatter le chien au niveau de son cou. Aucun plainte, aucune morsure. Plutôt bon signe. '' Voilà, éloigne toi, bon warg. Donc. Ça... '' Deux cercles, reliés par un trait. Dans l'un, on lisait Ribec. Il pouvait presque sentir l’électricité émaner de la rousse. Dans l'autre, Fabrice. '' Tu auras reconnu les noms, pas besoin de détailler. J'ai pas encore assez...Poussé les recherches. Mais je sais que ces deux là... '' Deux autres traits, de part et d'autre, menant à deux autres bulles. '' Ont deux autres collègues similaires. Et qu'eux quatre... '' Chaque bulle étaient maintenant reliées à une autre plus grosse, au dessus, juste remplie de points d'interrogation. Wolfram. Il veut bien parler. Pas trop en dire cependant. '' Sont dirigés par cet homme. Dont je ne connais pas l'identité. C'est lui, qui a je reste des œuvres que nous recherchons. Et j'imagine qu'en dessous d'eux... '' Plusieurs traits, qui ne mènent à rien. '' Une pléthore de personne sous leurs services, j'imagine. Le pire, c'est que celui là... '' Il tapota du bout du crayon les points d'interrogation. '' ...Risque de vouloir me nuire, de ce que j'ai entendu de Ribec. Il serait au courant que je possède la dernière pièce, l'orbe trouvé chez Sokim. '' Allez, on tourne plus autour du pot, on essaye de venir droit au but. '' Ribec m'a dit que je pouvais soutirer des infos, suffisait de l'appréhender. Mais...Elle m'a aussi dit que tu risquais d'être en difficulté. Je préfère perdre la face auprès de l'Ordre, revenir les mains vides, rater cette opportunité, car... '' D'un vif coup de crayon, il entoura tout ce schéma sommaire. '' ...Tout ça a moins d'importance que toi à mes yeux. Tu sais, maintenant. ''

    Non. Elle ne sait pas. Pas tout. Pas qu'il est Archonte. Qu'il met aussi bien sa vie que celle de sa dame en danger, à faire preuve d'égoïsme et à leur ''laisser une chance''. Qu'il trempe dans des affaires sordides -oh, que l'histoire avec Sokim était en réalité gentillette!-, qu'il est loin d'être perméable à tout ce qui est sentiments et niaiseries. Encore est-il qu'actuellement et pour une des rares fois depuis longtemps, il se sentait bien, alors que la truffe noire revint renifler le bout du crayon.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Te donner l'océan en retour
    Mer 27 Oct 2021 - 23:46 #


    Le souffle entrecoupé par leur valse inattendue, Luz demeurait abasourdie dans l’étreinte de ses bras, prisonnière Ô mille fois volontaire. Peut-être… Peut-être n’avait-il pas entièrement saisi ce qu’elle cherchait à lui dire ? Le réaliserait-il ? S’était-elle embourbée dans un vaste quiproquo dont la fin ne serait autre qu’une brusque compréhension du squale, un « pardon ma belle, j’étais partant pour le plan cul, ton truc de couple là, j’avais pas saisi » ? Craignant presque de bouger contre lui, un mouvement qui le rendrait par trop alerte de sa présence, un indice susceptible de le conduire à cette réalisation aussi crainte qu’horrifique… Et pourtant ses bras avaient bougé d’eux-mêmes, rendant au requin son étreinte à l’unisson de ce foutu cœur qui ne cessait de cogner par amples rebonds euphoriques dans sa poitrine. Elle rit lorsqu’il se plaignit de son personnel, un rire de joie radieuse, un grelot candide qui s’évanouit dans un fin sourire quand il déposa un baiser sur son front. Oh par toutes les terres et les mers, il devenait difficile de faire perdurer sa méfiance. Sans doute pourrait-elle l’entendre se plaindre une éternité durant de Pam et de Rivi, agrémentant ici et là son discours d’une réplique taquine pour le simple plaisir d’entendre sa voix, le sentir s’agiter autour d’elle, frontal et toujours si plein de ce langage familier qu’elle avait appris à aimer. Le visage partiellement enfoui contre son torse, elle fut soulagée de pouvoir lui masquer la vague d’adoration qui scintilla sur ses traits, encore peu certaine des limites qui lui étaient accordées.

    Mais… Elle était évidente pour lui également. Était-ce vraiment ce qu’il lui avait dit ? Cela semblait… Trop incroyable pour ses plans initiaux. N’était-il pas supposé la repousser… ? Et puis, ils firent le tour du bureau, sa main refermée sur son poignet, et elle se laissa gaiement mener sur la solidité de ses genoux. Ses prunelles firent la navette entre le dessin brossé rapidement par Warren et le visage de ce dernier, une moue indéchiffrable sur les lèvres. … Oui, cela suffirait. Cela devrait bien suffire, puisque rebrousser chemin lui était parfaitement impossible. Que valait l’existence sans lui ? Il y avait quelque chose d’attendrissant dans ses explications, ce schéma marbré d’une kyrielle de traits, résultat d’un écho impulsif et profondément attachant. Le lointain souvenir de son explosion de colère dans les Archipels lui revint en mémoire, et elle vit au travers de cette image les efforts qu’il déployait pour parler son langage, sortir de son carcan et tendre vers elle une main offerte. Ce n’était certes pas un mot formé, ni même une déclaration prononcée, et cependant… Cependant son bras enroulé autour de sa taille la protégeait de la moindre chute avec une attention décuplée tandis qu’elle se tenait en équilibre contre lui, et sa main libre traçait des formes qu’il n’aurait montré à nul autre qu’elle sur le vélin du papier. Un profond désir de partage se lisait à présent sur ses traits, et elle se trouva éblouie de cette confiance qu’il lui prêtait. Qu’était-ce l’amour sinon cela ? Ces gestes épars, ce regard doux et vigilant lorsqu’il posait ses yeux sur elle, guettait ses réactions, cherchait à lui transmettre ses émotions ? Que valait ces trois mots insipides, lorsqu’on pouvait les lire et les effleurer dans la caresse d’une paume, la tendresse d’un secret confié ? Peu importait, réellement, les fleurs et ces parades de noble qu’elle n’avait jamais vraiment apprécié. Peu importait, tant qu’il était sincère et s’exprimait à sa manière.

    « Je sais, effectivement, lui répondit-elle dans un sourire flamboyant. Et cela me suffit. »

    Ses lèvres se courbèrent d’une étincelle plus taquine, un chatoiement chafouin dans les prunelles. Comment résister à son péché mignon, agacer ce squale qui donnait naissance à cette infernale chaleur sous sa peau… ?

    « J’ai néanmoins une première question essentielle. Dois-je désormais faire croire à ton personnel que je suis masochiste à l’extrême après t’avoir fréquenté plusieurs longues minutes sans tes lunettes ? s’enquit-elle avec une fausse mine horrifiée. »

    Elle entendait déjà d’ici les rumeurs ! La presse se régalerait probablement d’apprendre que la plus si jeune héritière Weiss adorait s’adonner à des séances entières de torture, et ce, en compagnie d’un parfait magnat d’une riche entreprise de transport. Le manège de Warren ne lui avait certainement pas échappé, ayant compris depuis peu qu’il avait le plein contrôle de son pouvoir même sans la fine paroi de verre pour contrer ses iris. Cela, ou elle avait une exceptionnelle résistance à la douleur, ce dont elle doutait fortement. Encore un peu, et on leur prêterait bientôt d’autres jeux… Plus électriques.

    « Et… Cela signifie-t-il que je suis libre de revenir ici sans que tu menaces de me mettre à la porte manu militari ? »

    Son sourire se fit éclatant, un rire dans les prunelles, reprenant ses exacts propos hors de leur contexte. Accepterait-il de l’avoir à ses côtés ? De partager ces moments de silence complice, ces fragments de quotidien confortables qui façonnaient l’essence même d’une relation profonde ? Elle le savait territorial, espérait toutefois qu’il ne la concevrait pas comme une ennemie, mais bien comme l’alliée non intrusive qu’elle souhaitait être pour lui. Prenant garde à ne pas blesser la truffe inquisitrice qui alternait entre le bois du bureau et leurs mains, Luz poussa gentiment le museau de Kroko, mue par la force de l’habitude. C’est qu’elle s’occupait tous les jours d’un foutu rarwük suractif et collant – à bien y réfléchir sa passion pour les êtres dangereux et les crocs ne remontaient certainement pas d’hier…

    Alors, elle prit brièvement appui d’une semelle pour se retourner face à son squale, à cheval sur ses genoux, aussi peu chaste qu’innocente. Sa jupe s’était suavement retroussée sur ses cuisses, dévoilant l’aune d’un bas crénelé de dentelles, le galbe d’une jambe mutine qu’il savait d’expérience suffisamment souple pour lui suggérer de multiples promesses. Elle laissa courir ses doigts sur son torse, effleura sa mâchoire d'une courbe volcanique, croisa ses bras derrière sa nuque en une étreinte légère comme un vent d’été. Son visage s’immobilisa pourtant à un souffle du sien, et ses prunelles se rouvrirent sur une insondable inquiétude.

    « Warren… Je sais que tu préférerais vraisemblablement mourir plutôt que de m’entrainer dans tes ennuis. Mais… S’il devait t’arriver quelque chose… Si ce type parvient à ses fins, trouve comment te nuire… Je peux t’épauler. T’être utile. Même donner mon avis, chaque fois que tu en auras besoin… Ce ne sont pas des ennuis, si ce sont les tiens. Je prendrais tous les problèmes du monde si cela peut t’éviter d’être blessé. »

    Elle savait, douloureusement, combien ce vœu pieux ne pourrait être respecté. La vie n’était jamais sans risque dans une profession douteuse, plus encore pour quelqu’un qui avait atteint un sommet, traversé la brume pour toucher le fond des abysses. Warren avait de nombreux ennemis, et cette simple pensée la plongeait dans une colère sombre et tempétueuse, l’envie de débusquer ces poissons indésirables pour mieux les briser dès à présent… La perspective d’un Fabrice et d’une Ribec Balec en liberté dans les parages n’arrangeait rien et étreignait sa conscience d’une sourde abrasion crissante. Elle posa son front contre le sien, savourant sa présence, enlacée contre lui, le contact de sa peau sur la sienne, les prunelles closes sur l’étendue de ces émotions qu’elle ne pouvait traduire au risque d’amonceler davantage de poids sur les épaules de son squale.

    « Je ne te demanderai pas davantage d’informations, mais mon statut me permettrait d’obtenir des réponses sans éveiller le doute, ou de creuser de potentielles pistes. J’ai… Un entourage plutôt performant en la matière. »

    Les espions ? Non, certainement pas. La possibilité que ce rapprochement se retourne contre Warren était trop importante, risque que Luz ne prendrait jamais. Sa voix resterait de toute façon murée de silence pour protéger ses secrets et son identité, d’autant qu’elle ne souhaitait pas entrainer ses chers espions dans son propre attrait pour les relations interdites… En revanche… Mysora comprendrait. La Famille peut-être ? L’homme inconnu qui en voulait à Warren paraissait appartenir à un groupe imposant. Avait-il des liens avec la Cabale ? Un ordre plus mystique, dissimulé jusqu’à présent ? Pouvait-elle trouver un moyen de lui attirer les foudres d’un plus grand poisson dans la marre, qui se chargerait pour elle de l’éliminer… ? Elle chassa momentanément ses élucubrations mentales, sentant poindre les prémices de son instinct beaucoup trop protecteur.

    « Mais… Si tu ne souhaites pas que je m’en mêle, je n’en ferai rien. Je voudrais juste que tu penses à moi si cela devait dégénérer, et me voir comme une possibilité de t’aider… Avant de me revenir en morceaux. Si tant est que tu me reviennes… »

    Elle se mordit la lèvre inférieure, un éclat irisé traversant ses prunelles, écho de cette souffrance inimaginable déjà éprouvée par le passé, peinant à appréhender la vision effroyable de son aimé squale marqué de coups de couteaux. Elle n’était pas certaine, alors, de réagir raisonnablement envers son adversaire.

    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
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    Re: Te donner l'océan en retour
    Dim 31 Oct 2021 - 1:49 #
    Évidence.

    Nom féminin.

    Caractère de ce qui s'impose à l'esprit avec une telle force qu'on n'a besoin d'aucune autre preuve pour en connaître la vérité, la réalité.


    Si l'on suit cette simple définition, le terme qu'avait utilisé Luz pour le décrire, mot sur lequel le squale avait habillement rebondi, faisait tout son sens. Après tout, pourquoi utiliser des mots ? Apposer les termes, tout se dire dans le blanc des yeux, alors que depuis des semaines, tout était fluide et limpide, du moins, jusqu'aux inattendues complications de l'Archipel ? Pourquoi avoir besoin de dire qu'il l'aime, alors que tout depuis le début transpire l'aisance entre les deux êtres qu'ils sont ? Naturellement, leur nouvelle histoire avait suivit son cours, et s'il devait être interrogé sur ''Et donc, avec Madame Weiss, comment tout a commencé ? Où se situe le tournant ?'', il citerait sans hésiter cette aventure au large des côtes ; oh, que cette première rencontre avait été aussi agréable qu'inattendue, leur deuxième, des plus électrique et tendue de par cette situation particulière avec Sokim. Mais dans la chaleur de ces îles, sous ces pluies torrentielles...Quelque chose était né, de la fougueuse vigueur de la noble aux défenses de Warren, subitement abaissée pour mieux se relever des heures plus tard.

    Elle avait eut l'occasion de le voir dans tous ses états, sous toutes ses coutures.

    Et pourtant, elle est encore là.

    Il avait rit aux deux remarques de la Célonaute. Un rire un peu différent de d'habitude. Pas aux éclats, ni très sonore. Moins faux par contre. Sortant plus du cœur, un ricanement honnête et franc diamétralement opposé aux sourire ironiques et persiflages narquois habituels. La belle avait l'honneur, non, le talent de réussir à le faire un peu sortir de cette attitude négative qui l'entoure continuellement, oh non, ce n'est pas qu'une façade, le Warren que le monde connaît, voit et côtoie est complètement son caractère de base. Disons que...Le côté grand blond détente est un pan qu'il n'a pas utilisé depuis longtemps, oublié dans les affres des souvenirs de son passé. Surtout que cette carapace créée de toute pièce pour se protéger de la dureté du monde telle qu'il a pu l'observer en tant que mercenaire est devenue partie intégrante de son être.

    '' Tu sais quoi ? Je penses que cela peut-être incroyablement drôle à jouer. J'arriverais presque à voir la scène d'ici, ''La jeune et pure héritière Weiss, attirée par la peur dans les bras du méchant magnat d'Althair''. Enfin une rumeur qui aurait du sens, car on ne peut pas dire qu'on se régale en ce moment. '' Le blond n'en est pas vraiment friand, mais les suivre était d'utilité publique pour ses affaires. Des ficelles à tirer, des faiblesses dont il pourrait tirer parti, des gens affaiblis qui ne demandent qu'a être cueillis. '' Ma porte t'a toujours été ouverte. Disons que maintenant, tu n'auras plus besoin d'une quelconque invitation ou rendez-vous officiel. Profite de cet honneur, tu es bien la seule à le posséder. Par contre..Je ne risque pas de m'éterniser ici. ''

    A la fin de sa phrase, sa tête se tourna de quelques degrés vers la gauche, observant à travers la fenêtre les quelques arbres denses qui trônait juste devant sa demeure familiale, devenue bien solitaire. Égarement qu'il regretta amèrement, n'ayant de fait que senti et non observé la rouge se déplacer sur lui d'une motion aussi gracile qu'élégante -à n'en point douter du moins, c'est devenu usuel. Les lunettes étaient pratiques pour deux choses ; exercer cette sorte de peur psychologique intenable sur quiconque le connaît un peu, et disons en toute transparence, poser le regard sur des endroits incongrus où le commun des gens n'oserait le porter. Cette position permettait de redécouvrir cette facette facétieuse et ''naturelle'' de Luz. Il avait l'air de la regarder dans les yeux ; c'est plus bas que sa vision se portait, se mordant discrètement l'intérieur de la joue pour ne pas tomber dans ce piège inconsciemment -sciemment?- tendu, refréner toute la volonté du monde de rejouer cette scène que fut celle de la fin de leur première rencontre. Malgré tout, il avait religieusement bu les paroles qui sortaient de cette fine et autrefois souriante bouche, qui prit des airs biens inquiets, à l'image de ce que reflétaient ses prunelles, qu'il prit soin de scruter quelques secondes quand même, voyons, ce n'est pas un sauvage.

    Commencer une phrase pas ''Je sais que tu préférerais X, MAIS...'' est d'un...Quel est le mot ? Loin de lui l'idée de paraître réducteur envers cette sublime créature, mais ça lui paraît d'une idiotie sans nom. Tout cela implique qu'elle sait déjà que tout ce qu'elle pourra dire, avancer, sera irrémédiablement jeté aux oubliettes, d'autant plus quand le terme ''mourir'' fait partie de l'équation. Warren était une personne dangereuse évoluant dans un milieu qui l'est tout autant, il laisserait tout Lagoon, Althair, merde, même tout le continent, Nord inclus, en proie aux flammes éternelles avant de se laisser mourir, si ça signifiait la laisser sur le côté. Si son cœur n'était pas en apparence entouré d'une épaisse chape de plomb, il pourrait être profondément et sensiblement touché par cette préoccupation, cette détresse anticipée de voir son squale abîmé. La réaction idéale serait de la rassurer, bien que non, il ne la traînerait pas dans ses histoires, il en a déjà trop fait avec son caprice de vouloir partir avec elle sur les îles. Non, il ne la laissera pas l'épauler, aussi utile qu'elle serait. Désolé qu'il ait envie de l'annoncer à Luz, mais il ne la considérerait pas comme une option, pas tant que le dernier recours n'ait été utilisé. Une personne saine dirait que non, ça va aller, qu'elle n'a point à s'en faire, que le danger qui plane au dessus de lui n'est qu'un mirage, et non une épée de Damoclès. Lui caresser délicatement la joue, et lui susurrant des mots doux à l'oreille.

    Le blond n'est pas de ceux là.

    Mains à l'origine posées sur les genoux de la rouge, elle remontèrent prestement le long de ses jambes, qu'il pourrait reproduire d'un coup de crayon tant elles vont finir par être ancrées dans sa mémoire, s'attarder au niveau de ses cuisses, à l'orée de la limite de sa jupe, pour enfin atterrir de nouveau sur cette place qui est sienne, les hanches de la demoiselle, dans un sourire aussi cryptique que peuvent l'être les lettres qu'ils s'envoient régulièrement en Archonte -et tous savent à quel point Oscar est incompréhensible. Donc non. Elle ne s'en mêlerait pas. Elle en a elle même déjà conscience dans le fond.

    '' Quel homme serais-je si je mettais en danger ma dame ? Tu te doutes bien que je refuse catégoriquement tout ce qui pourrait t'impliquer dans mes...manigances. Mais je ne veux pas voir l'inquiétude ronger tes jolis traits. Mes activités ne sont pas exemptes de risques, tu l'as bien vu avec Sokim. Jamais rien de grave, et je suis relativement bien entouré. Je te reviendrais toujours, et encore moins en morc- ''

    Comme une coïncidence malvenue, c'est à ce moment là qu'on tapa à la porte. Bon, au moins, Rivi a enfin compris les normes de bienséance quand son patron est dans les parages et que l'on souhaite communiquer avec lui. Sans prendre la peine de changer les positions de Luz ou de ses mains, il n'allait qu'encourager un tel comportement.

    '' C'est bien Rivi, allez rentre maintenant. ''

    La porte s'ouvrit, mais non sur la tête patibulaire de l'homme de main, mais la rousseur adorable de sa secrétaire.

    '' C'est moi Monsieur Richter, c'est juste que – Mais qu'est ce que c'est que ça ? ''

    Impossible pour les deux qui étaient déjà dans le bureau de deviner de quoi la rousse parlait. La position suggestive de la noble sur les genoux de son patron ? Celle qui ne l'est pas moins de ses mains sur ses hanches ? Ou tout simplement le warg noir qui demande qu'à être remplumé qui traînait sur le bureau ? Sans doutes un mix des trois, la connaissant bien.

    '' Juste que quoi, Pam ? ''

    '' Juste que...Il commence à se faire tard, et on voulait savoir si notre invitée resterait pour dîner ? Et plus si affinités visiblement. Rivi laissera la place à Nio, une fois le repas...Englouti. ''

    L'amertume de l'employée était plus que palpable, bon, espérons que Luz ne le sente pas passer -peu de chance. Warren lui même n'avait jamais su sur quel pied danser, avec elle, plutôt lunatique, tantôt, travailleuse, puis froide, étourdie le lendemain, ses humeurs jouant énormément sur son moral et sa capacité à abattre lettres et dossiers. De loin, il adorait observer le pauvre Rivi mener une danse solitaire pour séduire Pam, une roue de paon malheureusement bien trop terne est sans saveur aux goûts de la réceptionniste. Regard rapide vers sa dame, qui n'avait pas du tout l'air encline à refuser l'invitation, et au pire, si la parole de Warren faisait ordre auprès de son personnel, ce n'est en aucun cas le cas pour Luz, qui peut à tout moment décider de reprendre la route.

    '' Mademoiselle Weiss restera avec nous au moins pour le repas. Préviens en le cuisinier. '' Avec du recul, c'est bien cavalier de la part de Pam de s'inviter comme ça, mais voyons, elle était seule avec Rivi depuis tout ce temps, s'il a entreprit de lui proposer de rester, pourquoi s'opposer au bonheur de ses employés ? Sur le point de repartir après un mouvement affirmatif de la tête, il l'interpella une dernière fois. '' Oh, et Pam, très chère ? Précise au cuisinier de faire quelque chose pour Kroko. ''

    La femme toujours sur lui, il galéra un peu pour tendre la main et caresser son nouveau compagnon. Il profitera du repas pour demander à Luz ce qui a bien pu lui passer par la tête, pour se dire qu'offrir un animal à quelqu'un qui a déjà du mal à s'occuper de lui même au jour le jour. Rien ne l'empêchera de se donner à fond pour lui rendre honneur, en faire un animal fiable, solide et puissant, ce qui n'était pas au goût de tout le monde de toute évidence, vu comme les yeux de la personne sortante du bureau roulèrent vers le ciel avant de refermer la porte. Virilement mais respectueusement, il fit descendre sa tendre.

    '' Oui, oui, je sais. Moi aussi, ça me fait pas plus plaisir que ça de quitter cette position. Je me suis permis de parler en ton nom, toutefois, si tu désires repartir, c'est sans rancune. Surtout que j'ai pas vu la journée passer, à force de travailler, si tu veux rentrer avant que la nuit s'impose. '' Il se dirigea vers la porte de son bureau qu'il ouvrit, dans le couloir, les douces effluves de nourriture pouvaient déjà se faire sentir. '' Allez. Allons-y. ''

    Bien sur, il tint la porte en parfait gentleman, suivant la noble jusqu'au salon ou les attendait déjà Rivi, impatient de manger et se reposer après avoir tant veillé depuis tôt le matin, ainsi que Pam, presque innocente et impressionnée de la demeure de son supérieur, pour bien vite se refermer à l'arrivée de ce nouveau couple. Un mot qui arrache, non dans l’exécution, ni celui de son élue, mais juste dans le...Fond. Il aurait du mal à l'intégrer, le digérer. Bien sur, le warg noir avait encore du mal à suivre, et se dirigeait lui instinctivement vers la porte de la cuisine qui donnait directement sur le couloir, manifestement attiré par l'odeur de ce qui pouvait bien mijoter derrière. Ainsi donc. C'était les sentiments réprimés envers cette beauté solaire qui avait poussé Warren à l'isolement ? Un mix de tout, mais toutes les flèches reliaient à elle, son devoir et responsabilités d'Archonte, le danger de Wolfram, la non-volonté du blond de l'attirer dans les ennuis...En route pour s'asseoir à côté d'elle, il sourit timidement en se posant. Nul doute que le cuisinier aura de nouveau concocté beaucoup trop de nourriture, tout ça pour que les assiettes restent sur la table ou en cuisine pour finir dilapidés par Nio dans la nuit, grand gaillard ne laissant aucun restes.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Te donner l'océan en retour
    Mar 2 Nov 2021 - 18:13 #


    « Partir ? Non merci. J’escompte bien retenter ma chance sur cette chaise aussitôt que possible. »

    Le fragment de sourire qui sertissait ses lèvres ne laissait aucune place au doute, tout à fait étrangère à la pudeur. Les doigts habiles de sa dextre refermaient déjà le col froissé de son chemisier, masquant aux observateurs extérieurs la courbe généreuse de sa poitrine précédemment dévoilée par leurs jeux de jambes contre les innocentes bibliothèques du coin. Oh, cette courbe était entièrement offerte à l’appréciation de son squale - elle n’était pas dupe de sa façade stoïque et à vrai dire, mentirait en prétendant que sa gestuelle n’était pas entièrement destinée à lui paraitre désirable -, mais elle craignait d’apprécier beaucoup moins l’exercice s’il s’agissait d’agiter son décolleté sous les yeux de Pam ou de Rivi. Certains territoires se devaient d’aspirer à une intimité plus propice, et Luz craignait d’avoir perçu chez la jolie secrétaire une émotion fort indésirable. Son entrée fracassante avait du moins eu l’inattendu avantage de l’extraire de ses hypothèses éprouvantes. La ligne fragmentée de ses sourcils s’était assouplie aussitôt que Pam avait parlé, attirant son esprit loin des considérations pragmatiques et terrifiantes de la mort de Warren. Il avait après tout garanti son retour, et Luz n’était pas femme à enchainer sous les fers les splendides créatures qui lorgnaient sur les abysses. Elle l’aimait principalement parce qu’il jouissait de cette liberté explosive, vêtu d’une multitude de réalités sinueuses, toutes complexes et jamais dociles, qu’il lui permettait d’effleurer lors de ces courts moments de rapprochement. Elle le découvrait alors à ses côtés, frissonnante et émerveillée, humaine invitée (presque) par erreur au grand bal des requins. Elle se savait en revanche suffisamment obstinée et capable de s’adapter pour lui donner le change si le moindre drame devait survenir, confiante en leurs capacités respectives. Le but n’était ainsi nullement de le contraindre à davantage de conditions, mais uniquement de lui transmettre sa bienveillance attentive. Elle ne doutait pas un instant qu’un seul mot de sa part la conduirait à traverser à pieds la totalité d’Aryon si cela s’avérait nécessaire, plus encore s’il avait ne serait-ce que besoin d’une étreinte pour soulager ses épaules fatiguées.

    Elle le suivit à travers le hall d’entrée, chassant vivement du plat de la main les plis qui avaient colonisé sa jupe, indifférente ceci dit à l’image qu’elle pourrait bien renvoyer ce soir. Elle percevait chez Pam une attirance qu’elle ne pouvait ignorer, faute de lui ôter toute légitimité… Comment blâmer le gibier pris au piège lorsque sa propre fourrure était entachée de sang, par trop mordue de lui pour avoir dès l’origine rejeté l’idée de mener un assaut vindicatif jusque dans sa retraite personnelle ? Et peut-être était-ce cet instinct de carnivores tiers, posant la patte sur le territoire d’un autre, qui jetait à leurs yeux l’évidence : dans une réalité alternative, Pam aurait pu constituer le choix de Warren. Elle l’avait de toute évidence choisi. Oh, Luz n’était pas dénuée d’empathie, mais la timide secrétaire ne trouverait aucune trace de culpabilité chez elle. Ni même de regrets. Rien ne l’avait contrainte à l’accompagner jusque dans l’antre du squale, et ses récentes bravades témoignaient à présent d’un débordement – heh, le lapin blanc regimbait à présent devant les griffes du renard ? Sans doute était-ce mieux d’enterrer son deuil, car si rien ne s’était produit depuis qu’elle travaillait au sein de Lagoon malgré la proximité de l’employeur et de sa salariée, la praticienne lui donnait peu d’espoir de réussite… Et c’était tant mieux, Ô combien ce souhait pouvait paraitre d’un égoïsme sans borne. Elle demeurait d’ailleurs incapable d’expliquer les choix de Warren en la matière, lui qui était indubitablement un homme à femmes. Quelle sorcellerie divine pouvait bien pousser un homme de sa trempe dans les rets d’une jeune femme certes solaire, mais dont les exigences le poussaient à une relation loyale et mono partenaire ?

    Elle éloigna un temps ses pensées tumultueuses, tiraillée par trop d’égarements et d’émotions contraires, immanquablement attirée par le décor qui s’offrait à ses yeux. Si l’on disait qu’un regard trahissait l’âme de son propriétaire, Luz misait bien davantage sur les lieux de vie, ces cavernes savamment travaillées ou au contraire laissées à vau-l'eau par leur résident. Une pièce était la construction fine et méticuleuse de plusieurs années d’existence, bâtie couche après couche, un panel de subtilités tracées en superpositions. Et ces bourgeons bruissant de souvenirs n’avaient parfois qu’à être décortiqués par une curiosité insistante pour révéler leur cœur d’habitudes et leur réseau de déplacements réguliers. Pour Warren dont l’apparence était toujours travaillée selon l’image qu’il désirait renvoyer à ses subalternes, cette demeure ne faisait pas sens. Il y avait quelque chose d’autre que lui, une couleur qu’elle ne reconnaissait pas, ayant appris à guetter les pas et les goûts du squale comme une seconde partie d’elle-même. Un étrange jeu d’ombres, un infime décalage dont elle ne décelait pas les clés essentielles mais qui déposaient devant ses prunelles la sensation de fouler aux pieds l’écrin d’une profonde histoire ancienne. Là un meuble légèrement décalé par le passage du temps, peut-être un jour lointain poussé hors du chemin par une main irritée, ici un livre entrouvert sur une étagère, la rumeur d’un espace constellé de pleins et pourtant hurlant de vides. Peut-être était-ce également une sensation qu’il lui renvoyait directement, un porte-à-faux indécelable à l’œil nu et qu’elle devinait toutefois dans sa façon de se déplacer. Il lui rappelait l’un de ces grands fauves des plaines qui contournaient d’un pas souple et feutré un obstacle inconnu, carnassier et cependant prêt à se tapir brusquement en retrait. Solitaire et esseulé dans l’étendue vaste de la forêt. Avait-il fait lui-même l’achat de cette demeure considérablement trop grande pour un seul habitant ? Qu’entendait-il par « Je ne risque pas de m'éterniser ici » ? D’aussi longtemps qu’elle se souvienne, elle l’avait toujours vu vivre principalement au-dessus de ses propres locaux plutôt qu’entre ces murs. Le choix de l’évidence vis-à-vis d’un trajet ardu chaque semaine ou une raison originelle et tue par le squale ? Elle nota, récupérant distraitement l’un des plats tendus par Pam, qu’elle ne connaissait rien de sa configuration familiale. Un mystère entier qui pourrait tout aussi bien révéler une sœur cachée travaillant actuellement à l’étage !

    « Croquette, répondit-elle spontanément au demi juron lâché par Rivi, soucieuse de rétablir l’identité première du warg. Il s’appelle Croquette. »

    Reconnectée au temps présent, elle ne parvint pas tout à fait à masquer l’amusement certain qui la gagnait chaque fois que le délicieux prénom du familier franchissait ses lèvres. Elle avait hâte de voir comment son squale allait contourner le problème, persuadée qu’il détesterait héler son énorme warg noir « Croquette » devant une nuée de clients médusés.

    « Vous avez choisi son nom… ? ne put s’empêcher d’intervenir Pam, un rapide coup d’œil jeté à son patron, trop indescriptible pour être interprété. Le mot suivant, ensemble resta figé contre son palais et ne fut jamais prononcé. »

    Luz reposa son verre de vin sur la table et parcourut un instant l’étonnante assemblée qu’ils constituaient ce soir. A moitié masqués par la pénombre de la nuit, leurs visages étaient uniquement illuminés des lueurs dansantes de l’éclairage intérieur, repoussant la froideur de la nuit derrière le vitrage opaque des fenêtres. Rivi rêvait sans doute de la fin prochaine de son service, un petit goût de liberté jusqu’au matin, lorsque Pam arborait une moue plus divisée. Heh, on ne peut pas s’empêcher d’être curieuse ma chère ? Malgré ses difficultés à s’adresser directement à Luz, épreuve visible lorsqu'elle se tenait si effrontément proche de Warren ? Parfaitement consciente du tissu froissé qui enserrait sa poitrine dans un carcan aussi flatteur qu’équivoque – une main d’homme était passée par là, le contact rapproché d’un corps contre le sien et les traces d’une lutte amoureuse qui hanterait quelques temps les rêves de Pam -, Luz s’accorda le luxe d’un sourire franc et sincère, taquine cependant, provocante assurément. La pauvre secrétaire n’avait pas mérité la moindre hostilité de sa part quand elle œuvrait aussi péniblement à faire fi de ses tortures internes dans le but de rester cordiale et à peu près chaleureuse face à la praticienne. Pour cette raison, Luz fournirait l’effort de prétendre n’avoir rien remarqué.

    « Du tout, le nom lui a été donné par son ancienne maitresse. Une petite fille, de ce qu’a pu me rapporter sa soigneuse. Croquette lui a été offert pour ses sept ou huit ans par ses parents, mais j’ai cru comprendre que la maladie l’avait emportée et que ses géniteurs ne supportaient pas l’idée de conserver l’animal. »

    Elle eut un haussement d’épaules, un geste qui pouvait passer pour de l’indifférence et qui n’était en réalité que la juste acceptation d’une mortalité omniprésente. Les décès n’étaient pas rares en milieu hospitalier et Luz avait appris à n’y prêter qu’une oreille mesurée. Pam, en revanche, paraissait un tantinet plus remuée par cette histoire, l’empreinte d’un bouleversement sur ses traits.

    « J’ai pensé qu’un jeune compagnon pourrait t’être utile, ajouta-t-elle à l’intention de Warren, une nuance d’or en fusion dans les prunelles, un attachement évident, absolu et imperturbable se lisant en filigrane de son port affirmé. »

    Parce qu’elle souffrait de le voir aller seul sur sa route tracée de violences, parce qu’elle voulait pour lui la confiance aveugle d’un partenaire, l’appui de crocs et de griffes qui ne faibliraient jamais pour le défendre. Parce que ce warg, c’était un peu d’elle également, un peu de cette douce présence, de cette compréhension mutuelle et silencieuse qu’elle lui offrirait chaque jour sans retour s’il le fallait.

    « Vous avez en plus la même passion pour la viande, souligna-t-elle avec une pointe d’humour, une fausse grimace résignée sur les traits au souvenir des plats commandés chaque fois par le squale dans les restaurants qu’ils avaient écumés. »

    Une moue qui échouait bien évidement à cacher la tendresse qu’elle ressentait en réalité, une nostalgie matinée d’amusement au contour de ses lèvres. Et puisqu’il fallait bien entretenir la conversation et que les deux autres hurluberlus l’empêchaient de s’enquérir de ses véritables interrogations, Luz cessa de repousser sa curiosité et avisa le trio qui lui faisait face :

    « Depuis combien de temps travaillez-vous pour Warren ? »

    Elle réalisa qu’elle ignorait totalement quelle serait la réaction du squale envers ses tentatives d’incursion en terrain protégé. Hélas, elle ne pouvait faire taire entièrement cette envie prégnante de glaner des éléments de son passé, cette histoire qu’il avait vécu jusqu’à présent sans elle. Qui était le Warren d’il y a un an ? Dix ans auparavant ? Cet adolescent qu’elle entrapercevait parfois entre les rainures de l’adulte, et qu’il s’empressait de cacher chaque fois qu’il en avait l’occasion ? Qui était le patron lorsqu’elle n’était pas là, l’homme à la tête d’Althair, le carriériste, l’ami peut-être de salariés proches tels que son garde du corps… ? Péchant par trop souvent par curiosité, Luz dévalait soudainement une pente susceptible à tout moment de s’achever sur un gouffre, trop assoiffée de ces facettes de lui qu’elle ne connaissait guère et qu’elle aimait déjà tout autant.

    « Tu prévois de déménager ? s’enquit-elle cette fois auprès de Warren, sa mémoire encore vive de sa déclaration sibylline, à la recherche d’un signe évocateur de ce que cette maison représentait pour lui. Tu n’avais pas récemment acheté l’endroit ? »

    Elle était circonspecte, échouant à se rappeler de leurs précédents conversations sur le sujet. Warren devait de toute façon les avoir brillamment éludées, satané commercial qu’il était ardu de ferrer à son propre jeu.

    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
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    Re: Te donner l'océan en retour
    Mer 10 Nov 2021 - 0:42 #
    '' Rivi. Tiens toi bien au moins une fois dans ta vie, pour l'amour de Lucy. ''

    Pam n'était peut-être qu'une secrétaire, n'empêche qu'elle avait la droiture et l'éducation d'une petite fille bien élevée et polie, ce qui est la première chose qui avait plu à Warren. Une personne forte mais malléable, fidèle bien que curieuse, peu réticente et soumise, intelligente mais manipulable. Le fait qu'elle se soit entichée de lui, sans que la réciproque s'applique, n'était qu'un petit plus agréable mais aussi anecdotique que les vieilles histoires de vos aïeux. Cela n'empêchait pas cette rousse d'être involontairement caustique envers celle qui, malgré les similitudes, lui était tant différente, déjà car elle, a ferré le requin de Lagoon. Oh, elle avait essayé. Sans succès. Mélanger pro et perso ne fait pas peur au blond, mais Pam...Il s'en ennuierait vite. La remarque sur le nom de l'animal était si caustique qu'elle aurait pu ronger une grande partie des murs si tant est qu'elle fut physiquement réelle. Warren avait décidé de ne pas en tenir compte, continuant d'abattre son assiette.

    Luz, quant à elle, malgré tout ce qu'elle avait décemment -et surtout, indécemment- lui montrer dans l'intimité, avait toujours ce statut altier et une certaine radiance typique de tous ces nobles qu'il ne porte pas forcément dans son cœur, sans bien forcément les haïr, ils sont tous utiles au monde, après tout. Le destin l'a amené a finir avec l'une d'entre elles, plus une bénédiction qu'une malédiction, un sort qui lui serait tombé dessus, on ne peut dire qu'il ne l'a pas non plus cherché, de son côté. La rouge diffère, et c'est bien ce qui l'a attiré aux premiers abords ; c'est plus la fondatrice de l'Astre, une femme solaire, une grande personne qu'une Weiss. Sa définition est aussi fumeuse que brumeuse, mais elle devra faire l'affaire. Warren se contenta d'un haussement d'épaule à l'évocation de l'histoire passablement triste du passé de Kroko, plutôt de sa précédente propriétaire. La noble avait lancé ça d'un stoïcisme étonnant, et le blond n'avait fait qu'inconsciemment mimer la gestuelle de la femme, Pam avait l'air choquée et attristée, pas étonnant de cet être guidé par ses émotions. Rivi...Mangeait.

    D'ailleurs, il est de ceux dont il redoute la réponse à cette bombe de question larguée par Luz : Oui, depuis combien de temps le duo travaillait-il pour Warren ? Elle ne pouvait le voir, mais elle dut sentir le regard lourd de sens du squale sur la renarde ; Ô Luz, à quoi joue tu ? Qu'espères tu obtenir ? Et l'appeler simplement ''Warren'' face à ses employés, bougresse, n'abuse pas de ce privilège que tout le monde ne possède pas. Les réponses peuvent être aussi courtes que trop révélatrice. L'une des personnes avait toute sa confiance en ce domaine...

    '' Depuis bien longtemps. Les débuts de Lagoon, alors que Monsieur Richter était tout seul et venait de fonder sa société. Il avait besoin d'une personne, je suis juste tombée au bon endroit, au bon moment. En bref, je suis à ses côtés depuis des années. ''

    Un peu forcé, il voyait parfaitement où elle voulait en venir, l'arrêter serait porter un énorme coup au goût sordide qu'il vient de se découvrir, à voir la rancunière lancer une joute verbale indicible à l'élue. Pour ce qui est du deuxième homme à la table, cependant...

    '' Hm ? Oh, moi ? Eh, depuis longtemps aussi en vrai ! Je suis arrivé après Pam, mais de pas longtemps jpenses ? '' L'homme de main se gratta le menton. '' Ouais, Nio et moi, on a rejoint Lagoon en même temps. '' Bien. Il peut s'arrêter là. '' En fait à la base, on était embauchés par une agence, un ptit truc sympa en plein milieu de la capitale. '' A ce stade, Warren avait lâché ses couverts, et avait commencé à s'essuyer timidement la bouche. '' Pis un jour, y'a Warren qu'a débarqué. On l'avait trouvé louche à la base, mais le patron l'a bien accueillit. Y on trouvé une sorte d'accord, les mêmes qu'actuellement jdirais. '' Les doigts du blond pianotaient dorénavant sur la table. '' Et pis un jour, l'entreprise a coulé. De l'accord, Warren a tout récupéré, locaux, actifs, tout ça. La gueule qu'il tirait le patron, le premier hein, quand il a apprit la nouvelle, malgré les fonds de Lagoon ! En fait, trop d'argent avait coulé, il pouvait payer ni dettes ni impôts ni rien - '' '' Rivi. '' Inutile, cet idiot était lancé, un bête reste un bête, aucune notion d'informations sensibles. '' Du coup, bah pour pas nous laisser à la rue, il nous a offert un taff. Et un toit. On se plaint pas, bien traités, bien payés. '' Bon, tout ça finissait bien, pas que quoi s'en- '' Après on a jamais su ce qu'il était advenu du premier patron. Des rumeurs disent qu'il est parti loin, genre les archipels. D'autre qu'il a été buté par - ''

    Trop. Le poing de Warren s'abattit sur la table dans un bang sourd et retentissant, une réaction à chaud ayant eut l'ironie de jeter un silence froid. Arguons sur le fait le Luz sait déjà sur le bout des doigts dans quel genre de sombres exactions trempe Warren ; pas besoin d'en rajouter. Surtout que ouais, laisser planer le doute sur la disparition de cet homme l'arrangeait bien, puisqu'en vrai, il ne l'a jamais choppé, il est vraiment parti seul, la queue entre les jambes, émasculé et honteux. Aucune idée de ce qu'il est devenu, ça peut être drôle de le découvrir. Enfin, repartons comme si de rien était sur la deuxième question de l'invitée, surtout avant que l'autre secrétaire fasse encore étalage de sa culture ''Je connais mieux Monsieur Richter que toi''.

    '' Impossible de déménager quand l'endroit nous appartient déjà. C'est...Là ou j'ai grandit. Avec quelques améliorations et différences, toutefois. Je fais retaper l'étage, bougé des trucs, changé des pièces, agrandit un peu le lieu. Rien de bien particulier en soi - ''

    Son passé, ses parents, sa vie de famille d'antan, la relation étroite qu'il entretient avec ce lieu, qu'il aurait pu maintes fois abandonner aux affres du temps ou aux mains d'un noble ambitieux, petit coin tranquille à quelques pas de la capitale qu'il souhaitait à tout prix conserver pour ses paisibles et rares retraites au vert, isolé, avec que peu de gens connaissant l'adresse, Pam en faisant bien sur partie, même au courant de l'histoire du lieu, à une époque où Warren était moins brisé et un peu plus loquace, c'est bien pour lui couper la chique qu'il avait tout lâché à Luz. Oui ; un endroit sympathique et reclus.

    Alors, pourquoi avait-il été coupé quelqu'un qui frappait à la porte ?

    Un rapide tour de table du regard lui permit rapidement de déduire si quelqu'un s'y attendait ; avait quelque chose à se reprocher. Le duo ayant maintenant à peine besoin de communiquer pour se comprendre, le léger mouvement négatif de Luz lui suffit plus que tout au monde à être sur qu'elle n'avait pas prévu de deuxième chien surprise, le premier étant sous la table en train de continuer à dévorer son steak. Pam sursauta, elle a beau ne pas être cruche, ses talents d'actrice sont pitoyables, pour ça qu'elle n'est dans aucun confidence concernant l'Ordre ou son statut d'Archonte. Elle est donc a écarté. Rivi mange. Il s'en fou. Seule inconnue à l'équation donc, il fallait quand même prendre les choses en mains. D'un mouvement lent et assuré, il se redressa et rajusta ses lunettes.

    '' Pam. Monte, prend la chambre du fonds ; restes-y et ne bouge pas. Rivi, va chercher Nio et redescendez immédiatement. Luz...S'il te plaît, passe par le bureau, prends l'autre porte ; c'est mes quartiers. J'arrive tout de suite. ''

    Sans même attendre que tout le monde ait bien assimilé les ordres, la noble ayant la seule sur laquelle il émettait des doutes quant à son obéissance, l'homme traversa le salon, depuis l'entrée, il pouvait voir une silhouette par la fenêtre ; juste une seule. Rassurant, un seul adversaire potentiel, non ? On la lui fait pas, lui aussi a déjà frappé à moult porte, voyageur seul et itinérant, gamin qui a juste envie d'un petit cristal ou un morceau de pain, voyez vous, papa parti maman malade, à manger pour bébé et – ah non ça c'est un autre script. Tout ça pour qu'une fois que les charnières eurent grincé, Stentor et Sandro se fasse une joie de faire irruption dans la bâtisse pour faire...Ce qu'ils avaient à y faire. Il préfère taire ce dont ces deux animaux étaient capables, parfois. Mais cette fois, c'était différent...Ça sentait le danger. Pas de ce genre, cependant.

    C'était une femme, seule, qu'il avait l'impression de reconnaître.

    Derrière lui, Pam et Rivi montaient les escaliers -il était de dos, c'est donc de la pure déduction-, mais n'avait pas encore entendu Luz bouger. Pas étonnant, pas trop du genre à faire ce qu'on lui dit. N'importe. Il regretterait sans doutes ses prochaines actions...

    Il ouvrit la porte en grand.

    Et devant lui se tenait celle qu'il ne voulait pas trop revoir, surtout depuis les derniers événements. Même dans le masque, il reconnaît les formes malgré la légère pénombre, l'odeur malgré les émanations de bouffe de la maison, la voix malgré les clapotis de la fontaine extérieure.

    C'était Ribec. Ribec Balec. Aucune idée de son vrai nom, cependant.

    '' Warren... ''

    Oh, en tout cas, ce qui est sur, c'est qu'elle connaissait le sien. Et où il habite. Impossible pour lui de rétorquer de rétorquer de suite. Elle avait tout sur lui ; Wolfram savait tout sur lui. Sa petite retraite. Sa volonté de protéger Luz, qui se trouvait maintenant ici aussi. De protéger cette dernière pièce d'art. Donc tout ça était inutile, hein ? Au pire. Elle était là, en face de lui. Rivi et Nio allaient finir par débarquer. La rousse...Par Lucy, qu'elle soit têtue et reste bien à sa place, au moins dans le salon à côté de la cheminée avec un livre, à défaut de la cuisine.

    '' Warren, j'ai besoin de toi. A cause de...Ce qu'il s'est passé à l'archipel. '' Elle s'approcha de lui, jusqu'à être presque collée. '' Wolfram me cherche. Il me veut morte, Warren. Je- J'ai peur. Il me fait peur. Et je sais qu'il te fait peur aussi. ''

    Jamais elle n'aurait du dire ça. Il aurait pu considérer l'aider ; l'accueillir parmi ses propres troupes, lui proposer sécurité, survie et coopération. Piqué à l'ego, un électrochoc qui le réveilla. Non. Il n'a pas peur de Wolfram. C'est à lui d'avoir peur. Qu'il vienne le chercher ! Il sera prêt à le recevoir. Devant lui se présentait celle qui a toutes les informations sur le blond, mais aussi sur Wolfram.

    '' T'aider ? Et pour quoi faire ? Tu es juste là, tu te jettes dans la gueule du squale, je n'ai plus qu'à refermer ma mâchoire et - '' Il avait commencé à tendre son bras vers ses lunettes qu'elle posa sa dextre sur le poignet du blond ; rien d'agressif, juste...Préventif ? '' C'est inutile. Mon pouvoir neutralise le tien, Warren Richter. C'est comme ça qu'on s'est débarrassés de – Marrei ?! ''

    Interloqué, il fit volte face pour voir une Luz commencer à débarquer, visiblement furieuse, la dernière fois qu'il l'a vue comme ça...Presque jamais. Chez Sokim, à la limite, quand les deux manquèrent de se faire empoisonner ? Cette lueur dans ses prunelles d'émeraude, ce frétillement électrique dans l'air. D'abord la gérer. Non, pas dans ce sens là. Pas maintenant. Après ? Ouais. Sans doutes après. Y a un petit côté excitant, à la voir toute feu tout flamme comme ça – Non. La gérer. Au moins, son identité avait miraculeusement été préservée ? Ni une, ni deux, il se projeta sur Lurrei, chacune de ses main s'étant arrêtée sur une épaule, pour lentement descendre le long de ses bras.

    '' Marrei, ma belle, ma chérie, calme toi. Aussi fou que ça paraisse, elle n'est plus une menace. '' Si bien qu'alors que Nio et Rivi étaient en train de descendre, le premier en tête, d'un geste de main, Warren les somma de remonter, ce qu'ils firent bien volontiers. Tournant les talons, gardant Luz bien serrée contre lui, le nouveau couple était face à cette ancienne adversaire. '' Tu ne trouvera aucune aide ici, Ribec. Tu l'as vu ; je suis loin d'être seul. Encore moins mal accompagné. Je ne peux -non, je ne veux rien faire pour toi. '' Si c'était encore possible, il serra un peu plus sa petite rousse. '' On pourrait en finir ici. Mais ce serait tellement plus drôle qu'il s'en occupe. ''

    '' Je- … Je vois. Bien. Très bien. Je ne voyais pas trop à quoi m'attendre d'autre, hein ? J'ai juste choisit le mauvais camp...J'aurais du rester dans le votre ; dans le tien. '' Connasse. Par Lucy, n'en dit pas plus, le corps raidit près à bondir du blond est déjà un indice bien trop évident. Mais non. C'est avec une fausse larme théâtrale coulant sur sa joue qu'elle s'en retourna dans la nuit, non sans avoir lâché ses derniers mots. '' Eve. Je m'appelais Eve. ''

    '' Oui, oui, très bien, ça nous intéresse, on le notera sur ta tombe hein. A la prochai- ah bah non du coup. ''

    Toujours debout devant son entrée, il arborait un sourire carnassier, ponctué d'un léger ricanement. Ah, savoir que cette personne n'allait pas faire long feu...Elle ne pouvait se battre. Pas face à quatre personnes, avec tant d'équations inconnues. Juste fuir un crocodile lent, patient, mais implacable. Lui prends le temps de jouer, alors que le requin préfère traquer, et si, je vous assure, c'est différent ; Warren est le gentil, Wolf, le méchant.

    '' Que c'est grisant, d'envoyer quelqu'un à sa mort inexorable, n'est ce pas ? Tu trouves pas ça délicieux, de la savoir condamnée ? Je me demande quand même où est son amoureux transit... '' Il eut juste à tourner un peu le buste pour se retrouver face à sa belle. '' Bon. Je vais chercher Nio pour qu'il prenne sa garde, la moindre des choses. Pam est un petit soldat, elle bougera pas de sa chambre et risque de s'y endormir. Après, je te reviens tout de suite. ''
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Te donner l'océan en retour
    Ven 12 Nov 2021 - 22:58 #


    Où était l'amoureux transi de Ribec ? Où était Fabrice… ?

    « … Mort, j’espère, marmonna-t-elle en retour, un écho de mauvaise humeur chassé par l’amplitude d’un soupir réparateur. Faites donc, Monsieur Richter, vos employés vous attendent. »

    Elle se fendit d’un sourire tout de dents blanches, un pétillement taquin dans les prunelles tandis qu’elle déposait sur ses lèvres un rapide baiser qui trahissait la fausse distance de son vouvoiement. Vas-y, ne t’inquiète pas pour moi. Et couvait encore en contrepoint sous les cendres une irritation contenue qui regagna ses veines sitôt qu’elle le vit disparaitre dans les escaliers… Elle se souvenait. Ô combien elle se souvenait ! Et les images se superposaient dans sa mémoire, l’ici et l’avant, ses sens mélangés dans une cacophonie criante de familiarité.

    Sa voix féminine, tout d’abord, avait éveillé une méfiance animale dans ses entrailles, un malaise diffus, acquis bien avant d’être compris. Et puis, les pas précipités pour rebrousser chemin, débouler dans l’entrée, découvrir cette vérité crainte. Ses prunelles s’étaient arrondies comme des perles, l’éclat de la sidération, torpillé en un éclair fulgurant par une rage dévorante. Une rage qui masquait la peur, terrifiante et glaçante, dont les anneaux s’étaient immédiatement refermés sur sa chair. Oh Ribec, sa magnifique silhouette légèrement de profil, les mots précipités, les yeux papillonnants… Ses mains qui s’agitent, la tension dans son corps, le peu de distance qui la sépare de Warren… La porte à peine entrouverte, et la conviction givrante qu’elle savait, savait où vivait le squale. Que faisait-elle ici ? Elle leur voulait du mal, bien évidemment. Qu’espérait-elle ? Que visait-elle à accomplir ? Les intonations tranquilles et autoritaires de Warren… Son sourire carnassier… De quoi parlaient-ils… ? Il était en maitrise – bien sûr, c’était Warren, rien n’était laissé au hasard, même la surprise, même l’inattendu de cette visite au fond si banale dans les profondeurs des abysses -, et ce fut probablement cet unique élément qui maintint Luz ancrée au sol, ces intonations graves et acérées glissant sur ses plumes hérissées, apaisant malgré elle ses velléités d’orage. Il n’empêche, lâcher sa poigne mentale sur la magie de Rebonds, renoncer à l’idée de bondir au visage de cette galinette indésirable, lui coûta une énergie colossale, et c’est en chat feulant qu’elle perçut alors le geste de Ribec envers son cher requin. Ses doigts qui enserrent son poignet, son orgueilleuse bravade… L'Archipel, la sensation crue d’une lame qui fouraille la chair, le goût du sang sur sa langue et l’obscurité pour seule réponse visuelle. Pas de son, pas d’image, rien que la conviction de ce piège sournois ficelé en duo... Son regard qui dévie, se heurte au sien, soudainement prise de court… Le souffle haché, fuir, fuir dans ce jardin qu’elle ne pouvait pas voir, ne pas savoir, est-ce qu’il est en vie, a-t-il été blessé, qu’a fait de lui leur ennemie et…

    Elle sursauta, un brusque retour à la réalité une fraction de seconde avant qu’il ne la touche, n’enserre ses épaules. Son électricité s’éteignit avec la promptitude d’une âme soudainement affolée à l’idée que son énergie ne se retourne contre l’être aimé, ne laissant sur sa peau qu’une inoffensive langue de fumée chaude. Elle s’imprégna de la douceur de ses paumes, leur assurance ferme également, cette manière sans détour qu’il eut de la rattacher à elle-même, nous sommes ici, là, maintenant. Chez lui. Maître en sa demeure. Sa fureur s’étiola comme neige sur un sommet d’été tandis qu’il la rabattait contre lui, arrimée à cette ancre solide, défiante à présent, uniquement courroucée et non plus définitivement hostile. Ses prunelles fixées sans détour aux misérables iris de son ennemie ne permettaient nullement de douter de la quantité d’injures qui lui traversaient l’esprit en cet instant. Comment osait-elle se pointer sur le palier de Warren et chercher à l’amadouer ?! Avait-elle définitivement perdu l’esprit, à moins que ces origines consanguines ne la taraudent ?! Si ce n’était ses proches liens familiers avec les globack et les squiperl, ressemblance aussi évidente que troublante ? Peut-être qu’un poing délicat sur la fine arrête de son nez permettrait d’espacer davantage ses yeux fourbes, car alors, elle serait au moins en mesure d’intéresser les cartographes par la distance parcourue entre chaque globe oculaire, faute de plaire au reste du monde… ?!

    Oui, Luz fulminait encore lorsqu’elle entra dans l’espace reculé du bureau, Croquette sur les talons. La pauvre bête avait de prime abord posé une patte hésitante sur la première marche des escaliers, le museau tourné vers la silhouette du squale qui disparaissait à l’étage. Peu désireux de se faire remarquer toutefois – la conséquence indirecte d’un air chargé d’adrénaline et de folles envies meurtrières -, le warg avait finalement vaguement fait demi-tour pour se fondre dans les pas de celle qui ne manquait jamais de lui glisser quelques honteuses friandises. Rien cependant cette fois-ci, hormis la gratouille songeuse de doigts préoccupés lorsqu’il glissa son museau dans la paume de sa main.

    « Vivement que tu apprennes à dévorer les gens, lui confia-t-elle dans un haussement de sourcil, à moitié amusée par sa propre irritation. »

    Qui était ce il dont ils avaient parlé plus tôt ? De leurs premiers échanges, elle n’avait entendu que des bribes brumeuses, inconsciente d’avoir raté le nom fatidique. Assurément, Warren le connaissait. Son attitude, le manque d’interrogation flagrante, lui qui n’avait pas même cherché à capturer leur adversaire pour lui poser de plus amples questions sur l’identité de son grand patron… Sokim était encore trop présent dans sa mémoire pour nier l’écrasant professionnalisme du squale. Ce n’était pas une erreur qu’il faisait, mais un flagrant désir d’omission. Etrangement, formuler cette réalité dans son esprit ne fit pas naitre en écho la moindre émotion négative. Elle réalisa qu’elle avait depuis peu accepté qu’une part d’ombres subsiste, qu’il conserve sous silence un nuancier de son quotidien et ne lui prête en partage que les reflets souhaités. Elle n’était pas là pour violer son intimité et son passé, malgré sa curiosité débordante et les difficultés qu’elle rencontrait parfois à ne pas l’assommer de questions… Restait que si cet inconnu enténébré de mystère pouvait faire souffrir un tantinet Ribec Balec avant de l’achever, de préférence dans la cellule la plus éloignée du continent, elle n’était pas femme à lui refuser cette politesse ! Et quant à Fabrice, cet élément imprévisible sur lequel ils n’avaient aucune information…

    « Oh, ça va, ne me juge pas comme ça ! s’indigna-t-elle en levant les yeux au ciel, tâchant d’ignorer le regard fixe du warg noir à travers la pièce. »

    Elle s’était dirigée à grands pas jusqu’à la fenêtre, ignorant pour l’heure les draps soyeux et la proximité de cet environnement qui n’était qu’à Warren et qu’il avait accepté de partager avec elle pour l’occasion. Elle dut batailler un tantinet pour comprendre le mécanisme d’ouverture de la fenêtre, rouspéta lorsqu’un recoin malencontreux vint lui mordre le doigt et parvint enfin à faire pivoter les deux cadrans sur la fraicheur du jardin. Quelques pépiements tardifs de grenouilles persistaient à cette saison et elle perçut le vol surpris d’un oiseau nocturne devant cette outrecuidante intrusion. La boucle de rappel ne produisit aucun son en s’effritant dans sa senestre. Il y eut un infime éclat d’écailles sous la pâleur de la lune, peut-être le scintillement d’une magie sibylline à l’œuvre et le reflet d’un croc retroussé sur une babine…

    « Renkhi ! »

    Bienheureuse maitresse, elle accueillit le large museau du mist dans ses bras, ayant préalablement traversé l’ouverture d’une adroite enjambée. Elle put sentir les flancs de l’animal vrombir d’un léger ronronnement dans son étreinte, et dut repousser du plat de la main le bout de truffe qui menaçait d’emmêler définitivement ses cheveux.

    ¤ J’ai besoin de toi, reprit-elle par télépathie, effleurant d’une caresse muette l’esprit de son familier. Surveille les alentours cette nuit. Pas trop près. Le vigile pourrait être nerveux s’il te voit. Appelle si quelqu’un approche. ¤

    Comment dormir paisiblement en sachant Ribec dans les parages ? Comment ne pas songer à l’apparente facilité d’un assassinat, eux qui avaient été entièrement pris de court par sa venue ? L’aurait-elle voulue, entrer dans la demeure et attendre l’instant propice n’aurait sans doute pas été difficile… Avait-elle des renforts ? Jouait-elle la comédie pour les distraire, les pousser à fauter par ego, assurés de leur dominance ? Où se trouvait Fabrice ? Devait-elle s’attendre à le trouver derrière elle, un couteau à la main… ? Au-dessus d’eux, dans la chambre, dans la nuit… ? Elle réprima un frisson et pivota, s’appuya sur le rebord de la fenêtre et réalisa seulement alors que Warren se trouvait présentement dans la pièce, l’air de quelqu’un se demandant bien ce que foutait sa godiche d’amante, la jupe retroussée sur les cuisses et le visage échevelé de mèches flammes indociles.

    « Je… J’ai une explication logique et parfaitement raisonnable. »

    Elle se mordit la lèvre inférieure pour ne pas rire et se tracta d’un bond souple à l’intérieur de la pièce, non sans achever définitivement la bonne tenue de sa jupe. Elle coula un regard suspicieux à Croquette – ce traitre qui ne prévenait même pas les copains du retour du juge suprême, et referma sagement la fenêtre et l’air glacé qui s’en dégageait. Une idée terrible avec un simple chemisier blanc pour protection contre les températures, se fit-elle la désagréable réflexion.

    « J’ai envoyé l’un de mes familiers surveiller les environs, reprit-elle ses explications. Au moins… Pour cette nuit. Tu l’as très justement souligné tout à l’heure, nous ne savons pas ce qu’est devenu Fabrice ni si cette garce compte changer d’avis et revenir tenter quelque chose… »

    Elle s’était approchée, tout au long de sa tirade, et les mains de Warren vinrent naturellement trouver ses hanches tandis qu’elle se glissait contre lui en quête d’une étreinte, enfouissant son visage dans son épaule.

    « As-tu confiance en Rivi et Nio ? »

    Etaient-ils corruptibles ? Elle se rappelait parfaitement de la totale inaction du dénommé Rivi face à l’apparition de Ribec. Etait-ce habituel ? Avait-il été grassement payé pour fermer les yeux aux moments opportuns ? Elle fronça les sourcils, tâchant de réunir les pièces de puzzle dans son esprit, échouant face à l’étendue des possibles.

    « Comment ont-ils pu obtenir cette adresse… ? Tu m’as dit la conserver secrète… »

    Elle le sentit se tendre contre elle. Aïe, le glissement de terrain vers la demeure familiale et ce que cela sous-entendait sur ses parents dont il ne parlait jamais ? Ou réfléchissait-il également à tout cela ?

    « J’imagine que je n’ai pas ton expérience en matière d’ennemis, rit-elle doucement, un son feutré qui s’évanouit lorsqu’elle releva le visage vers lui. »

    Un subtil changement traversa son visage, désireuse de ne pas le plomber tout à fait ni enferrer leurs rapports dans une inquiétude permanente. Du moins était-ce l’excuse officielle, lorsqu’elle sentait sa peau s’embraser d’un frisson chaud là où erraient les mains du squale, conséquence des précédentes nuits passées à se torturer dans une effervescence latente depuis l’Archipel… Et de lui, bien évidemment, ce « Lui » à côté duquel elle ne parvenait pas à garder prise sur elle-même. Non pas qu’elle ait été une seule fois dans sa vie une élève obéissante, ceci dit.

    « Monsieur Richter, reprit-elle en s’arrachant à son étreinte, pivotant pour s’asseoir gracieusement sur le lit. J’espère que vous saurez me faire part de votre expertise en matière de gestion d’entreprise, je crains de manquer de patience à l’égard des clients qui payent mal. Ou de tes anciennes conquêtes aviaires. Je ne te savais pas si doué avec les gallinettes ! »

    Heh, le retour de l’esquisse renarde, le semi sourire en coin canaille, sa voix adoptant le ton suave du grain sucré, droite et assise face à lui avec tout l’éclat d’un radieux soleil.

    « Hélas je ne peux t’offrir ce soir que mon humble personne, ayant manqué d’être à tes côtés toutes ces années durant. »

    Oh la gredine, elle n’avait pas oublié d’un chouïa la tentative d’escroquerie verbale de Pam !

    « Si, bien sûr, cela te suffit ? »


    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
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    Re: Te donner l'océan en retour
    Jeu 25 Nov 2021 - 15:55 #
    Bien sur qu'elle avait ''une explication logique et parfaitement raisonnable'' à sa présence sur le rebord de la fenêtre de sa chambre. Voyons, belle rousse, tu peux le dire, si tu as juste essayé de t'enfuir, la fenêtre n'aurait pas été le premier choix de Warren, après tout, l'hôte était dans une autre pièce, un autre étage même, le rez de chaussée était pour l'instant dénué de toute âme qui vive, la porte principale était toute indiquée, aucun risque, possibilité de la refermer derrière, disparition rondement menée. Le blond avait plus l'habitude de se réveiller le premier de ses, disons, petites sauteries avec compensation financière, rares sont les moments où il dut se glisser discrètement par la fenêtre après avoir laissé les quelques cristaux sur la table de chevet. Une fois, il a fait ça hors de ses propres bureaux, quelle ironie. Après, ce fût une sacrée soirée, de quoi en perdre son aisance et se retrouver dans un épais brouillard au levé.

    Rien de tout ça puisque implacable, elle se rapprochait de lui en annonçant qu'elle avait juste envoyé un familier surveiller. Pas de quoi déclencher l'ire du squale, mieux vaut être trop préparé que pris au dépourvu. Au vu de ses activités, de la grandeur de l'Astre, couplé à la facilité avec laquelle elle lui avait offert son warg, la noble devait posséder une sacrée ménagerie sur laquelle il serait bon de l'interroger un jour ; qui sait ce qui vole au dessus de chez lui ou rôde dans ses jardins en ce moment même ? A contre courant de toutes relations ou personne qu'il put croiser dans son existence, elle se plaqua contre lui, en quête de ce on-ne-sait-quoi sur lequel il hésitait encore par rapport à ses propres capacités à le combler, étancher cette soif de rapprochement, la seule corde à son arc pour l'instant étant de lui abandonner son épaule, et la garder contre lui dans une étreinte maladroite, appréciant son contact contre son torse.

    S'il faisait confiance en Rivi et Nio ? Qui serait-il, s'il ne faisait pas confiance en ses hommes ?

    ***

    Les pas du patron résonnaient dans les escaliers, bientôt suivit par le cuisinier, qu'il laissa humblement passer une fois arrivés en haut. Ses services ne seront plus requis de la soirée, et pendant plusieurs temps, même. Tout ça sera à annoncer demain plutôt, laissons le brave homme se reposer, profiter du sommeil du juste. Lui n'avait qu'une hâte, aspect de lui même qu'il se découvrit, était d'aller chercher son golgoth insomniaque, pour redescendre au plus vite, sa sécurité étant maintenant toute assurée, ses démons chassés, repoussés jusque les profondeurs de ces eaux troubles où lui même n'ose tremper un seul orteil de peur de finir happé dans les abysses.

    Sous les portes, on pouvait voir que les lumières étaient allumés, synonymes de plusieurs choses, d'abord, que Rivi et Pam étaient bien chacun dans une chambre différente, et non dans la même. L'idée de voir ses deux employés se rapprocher ne le débectait pas plus que ça, l'un empiéterait juste irrémédiablement sur le travail de l'autre, et ça, par contre, c'était un énorme NON. Fort heureusement, Nio ne semblait pas dormir non plus, les deux premiers soirs, il avait eut affaire à une espèce d'ours mal léché, tant par le physique que le comportement, le gaillard refusant de se soustraire de la chaleur de sa couche. Toquant à de maintes reprises à la porte, le blond finit par rentrer pour tomber sur un homme encore occupé à finir de se préparer.

    '' Nio, en vitesse. C'est à toi. ''

    Un grognement et un bâillement plus tard, son homme de main finit de serrer sa ceinture pour marcher aux talons de son patron. Si Pam et Rivi semblaient hors de cause, ainsi que Luz, ça ne fait que sens -quoique ? Serais-ce un petit manège dans lequel il a sauté à pieds joints, les deux chevilles prisent dans un immense piège à ours?-, il ne restait que Nio. Pour ? Avoir divulgué son adresse personnelle, bien sur.

    '' Nio ? ''

    '' Hm ? ''

    '' Tu n'aurais pas dit à quelqu'un d'où tu allais travailler les derniers et prochains jours, par hasard ? ''

    '' Hm...Si ? A Pam et Rivi. ''

    Qu'il est compliqué, parfois, de se faire comprendre même en étant clair et direct par les plus simples d'esprits ! Dire que des deux, le cerveau du duo, c'est Rivi. Bordel, ils se seraient retrouvés sous un pont à bouffer de la terre en se persuadant que c'est un bon plan, s'il n'avait pas eut la main sur le cœur, et besoin de personnel, les deux abrutis ayant plus gagné sa confiance de par la longévité de leur contrat que leurs réelles intentions. Aussi diminués soient-ils, leur tirer les vers du nez se révèle aussi ardu que futile.

    '' Oublie, grand benet. Cette nuit, c'est comme les autres ; la bouffe est sur la table, la porte est déjà fermée. Tu as encore moins autorisation de me déranger ce soir. T'es mieux élevé que Rivi de ce côté là -ou plus ignorant, je ne saurais dire-, je préfère...Préciser. ''

    Il est de notoriété, dorénavant presque publique, de par ces maudites rumeurs propagées par des glandus ennuyés vivant leur vie à travers le prisme de celle des autres, que les rencontres entre la rousse et le blond étaient pour le moins électriques, si vous acceptez le terme, et n'ayant virtuellement aucune idée de comment se passerait le reste de la soirée, autant prendre les mesures. Éviter de voir Nio débarquer ; ''Chef, j'ai entendu du bruit ! Vous allez bien ?'', pour tomber sur les deux Célonautes en plein ébats, le blond rouge d'efforts et de colère envers son personnel. Surtout qu'il ne sait rien de la présence de Luz. Bah. Laissons ça sur le pas de la porte, les deux hommes se séparèrent à hauteur du couloir, alors que Warren passa successivement les portes menant jusqu'à sa chambre.

    ***

    '' En toute franchise, je n'en ai aucune idée. Seul le temps pourra le dire, j'imagine. Je doutes cependant qu'un de ces deux là ait osé s'en prendre à moi, même indirectement. Et Pam...C'est Pam. ''

    Nul besoin d'en dire plus, mieux vaut ne pas être explicite et s'attarder sur la jeune secrétaire, tant dans les temps à venir, les deux rousses risquent de ne pas se supporter. Luz n'a pas l'air du genre jalouse, bien plus joueuse à son propre niveau, du niveau de l'ultime pique qu'elle envoya sur les paroles prononcées tantôt, à quand le combat de tigresses dans la boue ? Ne digressons pas. Faudrait pas qu'elle pense qu'il est l'ultime tombeur de ces dames, alors qu'il se demande encore ce qu'il a bien pu faire dans ces dernières années de sa vie pour mériter autant d'attention de la part de l'héritière Weiss. Le mieux est de prendre tout au pied de la lettre, ne pas se compliquer plus que ça, elle offre donc son humble personne ? Soit, prenons la aux mots, d'un sourire en biais, il commença à glisser les doigts sous le nœud de sa fine cravate pour la défaire.

    '' Oh, ce n'est pas une question d'année, de fidélité ou quoi que ce soit, ma chère. Ce sont aux bonnes rencontres et à leur...Timing opportun. '' Sourire en biais. '' Je n'imagine pas un monde où je t'aurais rencontrée avant ; quand je n'étais rien, ou plus tard ; quand j'aurais pu être - '' Entre quatre planches ? Six pieds sous terres ? Déménager au boulevard des allongés ? En vrai, choses qui peuvent encore arriver, sauf qu'à présent, il a quelqu'un à toujours retrouver, il fera un peu plus gaffe. Ouais bien sûr, on va continuer pareil et prier Lucy un peu plus fort pour que tout tourne bien. '' Bref. Jamais tu ne me suffira pas. ''

    Seule sa cravate eut le temps de toucher le sol ; la chemise qu'entrouverte, il fondit sur la noble, au dessus d'elle sur la lit, lèvres contre les siennes, mains agrippées autour de ses poignets. Se déshabiller soi-même, c'est surfait, nul doutes que chacun sait ce qu'il a à faire, ce n'est pas la première fois entre les deux -eh, on peut dire que si, rien n'était officiel avant, c'était de ''l'amusement''-, malgré l'espacement qu'avait crée le blond, c'était avec la même fougue que sur l'archipel qu'ils faisaient grincer le lit. Oui, ces autres fois. Vous savez, où rien n'était prévu, où ils n'étaient pas liés, où après tout, si quoi que ce soit en découlait, il y avait toujours moyen de jouer le mort, partir loin. C'est pas un moment bizarre, quand même, pour penser à Sarah Jefferson, et les paroles étranges qu'elle eut par rapport à Luz ? ''Sa...'' Non, ça, c'était de la médisance de la part de l'Archonte du Grand Port. Ah oui, ''la rumeur'' quant à sa ''condition''. Ne pas se ''dédoubler en plus petit''. Il ne s'était aucunement renseigné là dessus en profondeur, déjà, chacun à sa vie privée, si elle n'a rien dit, c'est que cela n'en vaut pas la peine ? Tout comme lui enfoui sous le tapis toutes ces affaires claires obscures dans lesquelles il a trempé, trempe, trempera ? Néanmoins...Cette idée lui souleva le cœur. Les ''petits''. Ugh. Lui, n'avait pas ce qu'il faut ; après tout, pourquoi s'en préoccuper quand la plupart des catins de la capitale sont si larges et ravagées que si un jour, quelque chose sort de là dedans, le pauvre être sera immédiatement foudroyé par Lucy ? Elle ; avait ce qu'il faut ? Vu ses mains, pas sur. Elle put ressentir une petite réticence, et il se sentit bien obligé de faire part de tout ça, scruté par ces yeux interrogatifs et impatients.

    '' Hm...Ma belle ? Rassure moi, tu as bien ce qu'il faut pour éviter que tu finisses avec le ventre arrondi ? Car honnêtement... '' Une sensation familière de perte de contrôle. '' Honnêtement... ''

    Ces putains de crises qui arrivent vraiment aux meilleurs moments, eh ? C'est en prenant appui sur elle, enfonçant encore plus ses bras dans le matelas, qu'il se redressa d'un seul homme, dans un accoutrement des plus ridicules ; chemise ballante et froissée, ceinture pendante, chevelure approximative, lunettes de travers, de toutes manières condamnées à finir au sol, tignasse malmenée par les mains qu'il passait furieusement à l'intérieur.

    '' Oh, honnêtement, qu'est ce que ça me ferait CHIER de me retrouver avec un putain de marmot ! Ces petits trucs fragiles ; qui ne servent à RIEN à part brailler et quémander, ''Gnagnagna'' par ci, ''Agaga'' par là ! ET ATTENDS, CAR APRES CA GRANDIT ! Et ça prend encore plus de place, c'est encore plus LOURD! ''

    Non, tout ne se finit pas sur cette simple phrase, toujours désarmée face à ces accès de colère presque inexpliqués, la rousse ne pouvait que se redresser sur le lit et observer la scène déplorable d'un œil inquisiteur, alors que le blond lâchait des phrases tout ce qu'il a de plus péjoratives sur la maternité, la paternité, les enfants, la vie ; est-ce qu'elle est revenue comme ça vers lui car elle à déjà un certain retard dans son cycle ? Car rester avec lui, c'est pas mal, après on demande la pension pour élever le chiard ? Il doit réfléchir à un autre plan, y paraît qu'au niveau de la Forteresse, au Nord, on peut se planquer tranquille, élever des animaux et se rendre comme invisible au monde, car c'est toujours mieux que tout ce que ce manque de précautions pourrait amener ? Dire que se retrouver empêtrer jusqu'au cou est aussi aléatoire qu'un jet de dés. Après quelques temps, il reprit ses esprit, inspira et expira un bon coup, toute cette pièce de théâtre avait été ponctuées de mots plus hauts que l'autre, et d'une gestuelle aléatoire mais étrangement cohérente bien qu'erratique, que Kroko, bien que non éduqué, esquiva gracieusement, ponctuant même certains moments par un aboiement aussi grave que terrorisant. On finit tranquillement d'enlever la chemise, on pose les lunettes sur une étagère attenante, et ensuite ? Reprendre tranquillement après ces phases était difficile, bien qu'elle en ait souvent fait abnégation, c'est pas pareil quand on en est une cible, directe, indirecte, n'importe.

    '' Donc. T'auras compris ; j'aime pas foncièrement les gosses. Je m'attends pas à en avoir un, si c'est à prendre en compte ; je ferais pas de toi une poule pondeuse à lâcher des petits héritiers Weiss. Pour l'amour de Lucy, confirme le fait que je me fourvoie totalement. ''

    Autant reprendre le truc plus paisiblement, ignorer la tempête qui vient de déferler tout comme ils avaient ignoré la pluie diluvienne dans l'Archipel, comme ils avaient ignoré les dernière suppliques de Sokim, comme ils avaient ignoré la conventionnalité d'un premier entretien entre deux gérants d'entreprises. Visuellement, mentalement, il n'était pas différent de d'habitude, comme si après toutes ces années, au final, ça semblait lui glisser dessus, usuellement, il ne s'acquitte pas de l'effet que tout cela peut avoir sur les autres. Pas Luz.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Te donner l'océan en retour
    Mar 7 Déc 2021 - 12:30 #


    - An 983


    « Ovöoni, relève-toi… »

    Elle regarde l’homme, les bouteilles à ses pieds. Son regard s’éparpille sur les vêtements froissés, accroche les particules dans l’air, chatoyantes lucioles mouchetées d’ombres par la nuit approchant. Puisqu’il grommelle, elle s’accroupit et ses mains menues se placent avec douceur sur l’épaule de son proche parent. Elle connait tout de ce visage. Les pattes d’oie au coin des yeux, les striures sur sa peau et les lignes poivres et sel qui diluent sa chevelure – peut-être emportent-elles sa tête ailleurs à force d’être mangée de ces nuages cotonneux, cette perte de vitesse qui gagne également ses mains d’un léger tremblement.

    « Ovöoni, répète-t-elle. »

    Une voix friable, une voix d’enfant.

    « Il faut se lever. »

    L’ordre d’une adulte, pourtant, l’ambition d’une mère. Elle perçoit ses iris dans la pénombre, l’égarement sur ses traits tandis qu’il tâche de se repérer dans la pièce. De se repérer dans sa détresse noyée de liquide ambrée et des saveurs épicées de l’alcool fermenté. Elle sait. Elle sait qu’il s’apprête à se lever, qu’il titubera, légèrement de côté depuis l’accident qui a pétri sa cheville gauche, qu’il prendra appui sur son épaule, sans doute en débroussaillant sa chevelure rousse indisciplinée.

    « Elle aurait eu 29 ans, déblatère-t-il, presque comme l’on crache à ses pieds. Un fragment de souffrance dans sa gorge et… Je ne l’ai pas assez aimée. »

    « Je sais. »

    Elle sait. Neuf ans, ce n’est pas aisé pour soutenir le poids d’un homme adulte, mais l’on s’en accommode, on place un pied après l’autre, un pas devant, on serre les dents, on maintient ce visage imperturbable. Elle sait qu’il n’y avait pas assez d’amour, pas assez de tendresse pour contraindre ses parents à rester. Elle sait que lorsque l’on n’aime pas suffisamment les gens, ceux-ci disparaissent dévorés par l’horizon, à la poursuite de meilleurs intérêts, de plus belles aventures que ceux qu’ils laissent derrière eux. Elle comprend alors à son silence et son immobilisme que son grand-père la regarde, et elle lève vers lui des yeux emplis d’un calme tranquille, une conviction arrimée à l’aune de la future jeune femme qu’elle serait. Elle voit la teinte humide, perçoit la tristesse derrière le voile de l’ivresse. Ne comprend pas.

    « Je suis désolé… Désolé. »

    Il se voûte.

    « Il faut croire que les absents importent toujours plus que les présents… »

    Quelque chose la traverse, un éclat de compréhension ouaté, cette sibylline intelligence des jeunes enfants. Elle se détache de lui, l’observe de ses grands yeux sans détour.

    « C’est pas grave. Je serai ta famille Ovöoni. Je forcerai les autres à rester. »

    Elle allait grandir. S’il y avait assez de place entre ses bras, pourrait-elle contraindre le reste du monde à rester ? Peupler la grande maison des rires de ces gens qui manquaient tant à son grand-père, remplacer l’absence, la combler par du bruit ? Je ne l’ai pas assez aimée a-t-il dit. Peut-être le remède se trouve-t-il alors dans une obsession sans concession, peut-être suffit-il de se sacrifier pour mieux protéger… S’oublier, ne plus exister, s’écorcher. Remplir son être des autres jusqu’à éliminer les bordures de son identité. L’appellerait-il à nouveau « Mysora », ce nom incompréhensible qui franchissait parfois ses lèvres, juste avant qu’il ne réalise la méprise, ce court moment d’espoir douloureux car elle ne pouvait être celle qu’il attendait vraiment... ?

    Il émet un grognement proche du rire, change d’appui pour libérer l’une de ses mains – cette maudite cheville gauche qui lui fait souffrir le martyr.

    « Contente-toi d’étudier et de faire un jour de beaux enfants. »

    Il ignorait, bien sûr, qu’elle les trahirait tous les deux.

    ►◄

    Elle massait son poignet par automatisme, absente à ses propres sens, là où les doigts glacés de Warren avaient rencontré le feu de sa peau. Elle s’était redressée, un geste de couleuvre rentrée sur elle-même, le vert doré de ses prunelles suivant attentivement les mouvements lestes de son vis-à-vis. Elle l’avait observé exploser en plein vol, une nouvelle fois, de la même manière que l’on contemple un drame survenir, un accident se produire dans une lenteur saccadée aux couleurs bien trop criardes et douloureuses. Et partout des lames aiguisées, des brisures tranchantes, à tel point qu’il devenait ardu de se mouvoir sans enfoncer plus profondément ces échardes barbelées dans sa poitrine… Qu’advenait-il d’eux ? Elle dut s’ébrouer, papillonner un instant des cils, et son champ de vision accrocha ses vêtements défaits et les plis entrouverts de son chemisier. Soudain, un observateur extérieur n’aurait plus su dire s’ils venaient de se battre ou de s’étreindre : Warren en requin aux abois, elle dont le corps avait spontanément adopté une semblable structure défensive. Elle se surprit à encercler son col de ses doigts gourds, resserrer les pans de sa tenue comme s’il se fut agi d’y retracer un pilier d’appui. Se reconstituer. Ramasser ses bris d’âmes démantelés.

    « J’ai… Compris. »

    Elle savait. Lui dire ? … Comment ? Elle sentit l’amertume se fendre dans sa gorge, un goût acide sur sa langue. Sa voix lui parut étrangère, marbrée d’intonations grondantes identiques à l’éclat dur qui avait rogné ses prunelles.

    « J’ai compris, répéta-t-elle. Mais, rassure-toi, tu n’auras pas de petits héritiers Weiss détestables à rémunérer. Tu n’auras pas à te faire violence pour éviter la moindre poule pondeuse. »

    Elle se fendit d’un sourire, presque une façon de lui montrer les crocs, ses lèvres réduites à un fin trait de sang. Sinueux. Versatile.

    « Rien ne pousse plus chez moi. Depuis des années. Je me suis grillée moi-même dès que j’en ai eu la possibilité. Alors, oui, rassure-toi, personne n’ira te mettre entre les bras le moindre gamin hurlant – tout ce qui est en moi est de toute manière plus mort qu’une forêt brûlée. Tu sais quoi, d’ailleurs ? Même un homme avec l’équivalent d’une potion change genre est plus fertile que moi, c’est dire ! Et le voilà enceinte de jumeaux de surcroit, dont la royale paternité revient à mon ex ! Je remporte la palme, tu ne trouves pas ? »

    Elle rit. Une pulsation sardonique, bien trop ombrageuse pour être trompeuse. Non, bien sûr, Calixte n’était pour rien dans l’incident qui l’avait conduite à cette situation physique, et ce n’était pas son désamour pour les enfants qui creusait un tel trou dans sa poitrine. L’absence de choix était pour autant déjà des fers qu’il fallait porter, secondé par le martellement incessant de sa propre caste pour laquelle elle n’était autre qu’un rebus de femme. Tronquée de la seule faculté naturelle de l’humaine, plus guère capable de donner le moindre héritier. Que valait une femme noble si elle ne pouvait transmettre le nom familial ? Et néanmoins Luz avait su chasser l’inimitié de ses pairs d’un vague haussement d’épaule. Un désaveu pulvérisé dans l’instant par l’unique regard que son grand-père lui avait porté, ce regard qu’elle n’avait pas pu soutenir et qui avait planté les serres de la culpabilité dans sa chair.

    J’ai échoué.

    Elle avait échoué, également, lorsque le ventre de Calixte s’était arrondi à la place du sien, lorsque Naëry s’était perdu dans la nuit et que le chemin s’était fait trop long, trop périlleux à atteindre. Elle n’avait plus eu la force de tenir l’extrémité de ces cordes tendues, et ses doigts avaient progressivement lâché prise – peut-être avait-elle trouvé quelques instants de réconfort momentanés dans les feux nocturnes de la ville et dans le sable brûlant du Désert volant. S’abimer dans la torpeur du bruit et du sang pour ne pas songer aux absents omniprésents.

    Tout cela, l’entièreté de ces meurtrissures, faisaient toutefois valeur de vent d’été face aux sous-propos voilés du grand requin blanc. Elle réalisa qu’elle absorbait sa colère avec la même violence que la honte de l’homme qui l’avait élevée, qu’elle percevait dans sa voix la peur d’une confiance trahie. Oui, le trahirait-elle à son tour… ? N’était-elle bonne qu’à cela, servir de réservoir à suspects, être considérée comme une âme sournoise prête à resserrer les cuisses sur ses victimes pour mieux se les accaparer ? Paraissait-elle si désespérée, griffant le vide à la recherche de ce quelque chose, ces chaines dont il ne pourrait se défaire ? Oh, si c’était là la vision qu’il avait d’elle, la quintessence de son évidence… Comment pourrait-elle contraindre le reste du monde à rester… ?

    Elle passa une main dans ses cheveux, une lenteur cautérisée, ignorant les boucles prises dans un bouton de son chemisier. Elle se leva une première fois, amorçant quelques pas parallèles dans la pièce à la recherche d’un air inexistant, une contenance égarée. Bien. Très bien. Sans doute prêtait-il davantage de confiance à ses hommes de main, puisque ce n’était pas auprès d’eux qu’il explosait ainsi, ce n’était pas pour eux, que ses mots se voyaient dérobés par la colère. Et maintenant… ?

    « Je crois… »

    Que je n’aurais pas dû rester pour la nuit ?

    « Qu’il vaudrait mieux dormir bientôt. »

    Non. Rien ne l’aurait empêchée d’être ici ce soir, à cette heure où ils venaient de découvrir qu’un ennemi connaissait parfaitement l’adresse de Warren. Lui aurait-il refusé sa chambre, qu’elle se serait probablement postée sur un toit avoisinant avec l’obstination aveugle d’un chien de meute. Afin de lui octroyer le temps de sécuriser sa demeure, de retomber sur ses pieds face à un adversaire Ô combien invisible… Qu’importait s’il ne l’avait pas aimée en retour. Alors quoi ? Prétendre que rien ne s’était produit ? Machinalement, ses pas l’avaient ramenée à la table de nuit, et ses prunelles se posèrent sur le reflet de verre de ses lunettes. Précautionneusement, elle en saisit les jointures du bout des doigts, seule et étrangère dans son chemisier trop long dont les pans glissaient jusqu’à ses cuisses précédemment dénudées, les cheveux en bataille à la manière d’un brasier cendré. Une fine ligne avait surligné son regard de pattes d’oie, une incompréhension désireuse d’apprendre sur ses traits. Elle avait alors dressé la paire de lunettes dans l’espace entre eux deux, cherchant à fixer le visage de Warren au travers de ces verres familiers. Comment percevoir le monde à sa manière… ? Identifier ces fêlures dans l’étreinte desquelles il se débattait tant, ces gouffres qui le faisaient chuter si violemment par moment ?

    « Pourquoi ? murmura-t-elle d’un seul souffle, l’empire d’une tristesse abattue dans la voix. Qui t’a heurté si profondément que tu préfères mordre à chaque preuve d’amour ? Ne pas croire qu’un geste, qu’une attention puisse être sans arrière-pensée parce qu'il t'est plus facile de te persuader que tu ne mérites rien de tout ça ? »

    S’il pouvait voir, une fraction de seconde seulement, ce qu’elle percevait de son reflet dans le verre sculpté… Cet individu qui lui coupait le souffle, dessinait de l’appréhension enflammée chez elle, l’envie permanente et absolue d’attendre ses sourires et sa voix. Ses attitudes confiantes, maladroites, et toutes ces facettes multiples dont il se drapait tour à tour, jamais amoindri car ses faiblesses ne le rendaient que plus beau. Sans doute était-ce sa faute, à trop capturer l’espace environnant lorsque que tout ceci était entièrement nouveau pour lui. Elle s’était montrée impatiente. Savait-il même d’où lui venait ces crises de colère ? Les identifiait-il en tant que telles ? Elle demeurait incapable de le dire. Mais sentait poindre l’irrésistible désir de s’en prendre à la personne qui avait créé cette discordance auto destructrice chez lui, consciente qu’elle était impuissante lorsqu’il s’agissait de le protéger de lui-même…

    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
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    Re: Te donner l'océan en retour
    Ven 10 Déc 2021 - 17:14 #
    Jamais, Ô grand jamais, par Lucy, il ne souhaitait la blesser, bien au contraire, c'est voué d'une impulsion totalement inverse qu'il ne s’épanchait pas plus que ça sur ses divagations subites, aussi foudroyantes et puissantes qu'elles sont éphémères et volubiles. Le blond qui se targuait d'un cœur de pierre -eh, kidnapper des gens, casser des bras, tirer à bout portant à l'arbalète, ça change un homme- ne put que constater, intégralement démuni, aux multiples fêlures qui le scarifiait, ne faisant que proliférer depuis son rapprochement avec la belle rousse. Maintenant qu'ils sont, disons, officiels, où se situera son nouveau point de rupture ? De la même manière qu'un forgeron motivé se retrouve déstabilisé par l'arrivée d'une dulcinée inopportune, seule Luz avait réussit l'exploit jusque là impossible de baisser les défenses de Warren, il a bien, à des moments, réussit à de nouveau ériger ces barricades, comme lors du dernier incident commun qu'ils eurent, ou de manière encore plus simple, cacher sa profonde implication avec les Archontes, au moins aussi profonde que la blessure qu'il dut faire soigner aussi bien qu'il pouvait, à des kilomètres de là de sa doctoresse attitrée, bien par défaut dorénavant.

    La tristesse mêlée de défiance du visage de la noble avait définitivement créé une autre fêlure en lui, qu'elle ait prit tout ça au pied de la lettre, c'était presque aussi douloureux qu'un carreau transperçant votre chair, alors que la douleur était encore vivace dans sa jambe, mise en opposition face à celle qu'il ressent émotionnellement. La pire ? Il ne saurait dire, en vrai. Bien habitué à savoir lire l'ambiance d'une pièce, l'évidence était qu'il n'était pas opportun de demander ce qu'elle voulait dire par ''grillée elle même'' ou que cette histoire d'homme qui devient femme et que la femme elle est enceinte mais que sous forme de femme car en vrai c'était un homme, elle lui parle que bien trop alors que l'image de cette personne vomissant dans sa corbeille à papier lui revint subitement en mémoire, brisant son masque de façade d'un rictus accompagné d'une expression de dégoût. Espérons que Sarah aura su apprécier le cadeau qu'il lui avait fait, en la/le/il-sait-plus lui envoyant. Plutôt passif qu'actif, ballant face à la détresse de sa dernière conquête, il adopta la même stratégie qu'il aimerait qu'on adopte avec lui face à ses doutes ; laisser passer l'orage et les éclairs jusqu'au retour du beau temps.

    Ironiquement, il perdit une partie d'empathie quand, en tout cas, de son point de vue, elle se mit à vouloir soutirer des informations d'un passé qu'il comptait bien laisser reposer tranquillement six bons pieds sous terre, tombe abandonnée depuis bien trop longtemps pour que rien d'autre n'y pousse, si ce n'est des mauvaises herbes. L'observant ainsi circuler librement dans la chambre, les interrogations de Luz ayant atteint leur paroxysme, c'était à présent à lui d'agir, faire quelque chose.

    Rassure la.

    Mais ne lui réponds pas.

    Mais rassure la.

    Un peu.

    D'un pas habile, lent et mesuré, il s'approcha d'elle plus comme un animal curieux et volontaire, genre de félin venant poser sa tête dans le creux de votre main, plutôt qu'un requin avide prêt à s'abattre sur sa proie. D'abord ; une main leste sur son avant-bras, afin de capter de nouveau son attention, la détourner de tous ces objets de façade qui décoraient sa chambre. Sans fioriture, une fois tournée vers lui, les rediriger vers ses hanches. Puis l'approcher de lui. Non, elle n'aurait pas de fin mot ; arriverait-il même à y répondre, sans faire preuve de mauvaise foi, être délusionnel et aveuglé par sa vision étriquée et unilatérale des événements ? Par quoi on commence ? Quelle famille, la première, ou la deuxième ? Quelle perte ; celle de la femme, ou de l'homme ? La matriarche, ou le mentor ? Son front vint se poser sur le sien, suivit d'un léger soupir, puis un sourire franc. Franc, oui, son corps l'était, ses pensées, néanmoins, tourbillonnaient à plein régime, lançait des dizaines de simulations à la seconde, toute ayant pour but d'éloigner les tergiversations de la rouge.

    '' Voyons, Luz. Depuis le temps, t'as pas encore compris ? Que tout ça est incontrôlé, exacerbé ? Une explosion dont le fond n'est qu'une petite flammèche ? Ce n'est pas ma propre volonté de ne pas avoir de semi-hommes bruyants courant partout dans la maison jusqu'à trébucher et s'ouvrir le front sur un coin de table qui me dérange, plutôt cette volonté de ne pas te priver de quelque chose que toi, ta famille, quiconque voudrait pour ton bien. '' Une disquette classique, efficace, mais néanmoins sincère. '' Si y a bien une palme qu'on pourrait te décerner, c'est celle de la perfection je crois. '' Oof, trop gros ; trop tôt ? Tout ceci pourrait être mal interprété ; n'oublions pas que c'est toujours un coup du sort incroyable qui fait que Warren se retrouve avec une femme comme Luz ; habituellement, pour tout ça, il est bien bien nul. Aussi charmant qu'une droite de Sandro, subtil qu'un discours d'Oscar. Ou inversement ? Sa dextre remonta le long du corps de la célonaute, sans s'embêter à en faire quoi que ce soit, il la connaît déjà par cœur, pour finir sa course sous son menton. Éloignant de quelques centimètres leurs visage, il la releva, de sorte à ce qu'elle puisse planter son regard dans le sien et inversement. '' Ce que je veux dire, c'est que chaque nouvelle chose que j'apprends sur toi ne fait que m'attirer encore plus. ''

    Là, il était à son maximum.

    '' Toi, par contre, t'en apprendra toujours pas plus. ''

    A peine eut-elle le temps de réagir que ses lèvres rencontrèrent celles de Luz, qui ne mirent étonnement pas longtemps à rendre la pareille. Tout avait fonctionné comme sur des roulettes ? Ou est ce que, de toutes manières, la proposition de se ''coucher tôt'' n'avait été qu'une manière détournée et subtile de montrer sa contrariété d'avoir été une cible direct d'un événement aléatoire, la fourbe sachant pertinemment qu'une fois lancé, impossible pour le blond de lui résister ? Il ne saurait dire qui menait la danse, encore une fois, mais tout se passa comme précédemment, et pour dire vrai, comme toutes les fois précédentes, l'instantanéité du bureau aux locaux d'Althaïr, la douceur dont elle avait preuve envers lui chez Sokim, le chaud-froid de l'Archipel, retranchés dans ces vestiaires à l'abri de la pluie, l'effervescence et l'adrénaline de leurs rencontres disparates, cette nuit de veillée silencieuse, l'embrasement de ce qui deviendrait ces sentiments qu'il ne pensait pas ressentir de si tôt. Dans tous les cas, il y a une évidence qui se dessine ; malgré quelques difficultés techniques liées à sa jambe -la femme médecin ayant été assez urbaine pour ne pas le pointer du doigt dans l'immédiat, nul doute qu'il aurait tout de même droit à sa remontrance-, il n'aimerait pas être cette table de nuit. Ni ce mur. Ni ce lit. Ni le pauvre Kroko, qui se vit renvoyé prestement dans le bureau après s'être montré, hm, trop vocal. Outre mesure, il n'aurait pas aimé être les autres résidents de la maisonnée, entre un Nio qui doit rester impassible, Rivi sur sa quille et une Pam forcément mal à l'aise.

    Il s'en foutait ?

    Oui.

    ~~~

    La matinée était...Difficile. Normalement, il se lève au chant du coq, ou aux premiers rayons du Soleil traversant ses paupières closes. Ici, ce ne fut que par la force de l'habitude qu'il ne se leva que deux heures plus tard que d'habitude, youhou. Sa jambe le lança alors qu'il se leva, s'extirpant miraculeusement du lit encore emprunt des ébats de la veille, et encore plus miraculeusement, sans réveiller sa douce, lui encore trop involontairement indifférent à ces câlineries et exhibitionnismes primaires de sentiments, se tenait normalement pour dormir ; c'est elle qui, au courant de la nuit, avait dû se plaquer contre le corps du blond. Aussi discrètement que possible, il se rhabilla, retrouvant des témoins vestimentaires à chaque coins de la pièce, quitta paisiblement la pièce de suite. Dans le bureau, c'était aussi un peu...L'anarchie. Tant qu'il n'est pas bien dressé, visiblement, faire tomber des choses était dans les sales habitudes du warg noir quand il se retrouvait seul. Un premier point sur lequel travailler, donc. La bête était paisiblement assoupie sur son fauteuil ; et tout ça se paiera. Mais d'abord, continuons à faire hommage aux bonnes habitudes qu'il avait eues depuis lors. Se glissant discrètement hors du bureau, impensable toutefois de ne pas se faire remarquer par les trois prenant leur petit déjeuner ; Nio étant déjà reparti en haut, à cette heure, c'est bel et bien le cuisinier, Pam et Rivi qui étaient à table, premièrement en train de discuter, avant que l'apparition du maître de maison ne lance un silence glacial. S'épaulant au mur jouxtant la cuisine, porte menant à ce lieu juste derrière lui, il les fixa de sous ses lunettes.

    '' Eh bien, bonjour à vous aussi. Ça va, Pam, va pas me faire croire que t'es vierge et chaste, et Rivi, que tes parties sont constamment bleues et enflées. Vous, par contre... '' Son visage se raffermit en passant sur celui du cuisinier. '' ...Aucune foutue idée. J'imagine qu'il y a aussi tout ce qu'il fait en cuisine. Bien ? '' L'homme qui s'était, depuis quelques jours, acharné aux fourneaux pour nourrir les deux ogres d'homme de main opina du chef. '' Bien ! ''

    On fait ça rapidement, faudra pas tarder à décoller d'ici, de toutes manières. Reprendre la route de la capitale, calèche, Althaïr, dodo, tout ça. Sur un plateau qui traînait, il empila gâteaux, viennoiseries et autres victuailles, sans bien sur s'empêcher de caler un croc dans une des pâtisseries. Si on omet le cadre, tout était similaire et avait ce sentiment de déjà vu ; le blond qui galère à ouvrir la porte et maintenir la porte ouverte, avec le challenge en plus d'une grosse boule de poils noir lui passant entre les jambes, maintenant pleinement réveillée et montant sur le lit comme s'il était celui qui payait les putains d'impôts. Après, sa réaction est normale, puisque sa sauveuse était également debout, enfin, petits yeux quand même. Il aurait droit à quelques grattouilles ; gare à la rousse tout de même si quelques miettes devaient finir dans la gueule de l'animal, c'est pas en gourmandise qu'on nourrit un futur moyen de pression.

    '' Bien dormi ? Ca va finir par devenir une coutume, mais j'ai tout ce qu'il te faut ; café chaud, thé tout autant, même s'il le sont toujours moins que toi- hm. Et ce qu'il faut pour déjeuner, aussi. ''

    Attends un peu, avant de commencer à lâcher des énormités, t'es pas en train de descendre des bouteilles avec Fauve. Il déposa le plateau sur la table de nuit, a proximité de la dame, puis se servit lui même un café -noir, sans sucres, il n'y en a de toutes façons pas sur le plateau, puisque mademoiselle est également une femme de goût- et commença à le siroter, pensif, tout en s'asseyant au pied du lit, du côté où Luz s'était endormie.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Te donner l'océan en retour
    Dim 19 Déc 2021 - 12:43 #


    Comme il lui était ardu de s’arracher à l’étreinte des draps… Pelotonnée à la manière de quelque animal languide, renard heureux au cœur de sa tanière, le départ de Warren n’entraina pas une seule plainte de sa part. C’est qu’il lui laissait son lit en offrande, otage farouchement conquis la veille et empire jalonné de la présence de celui qu’elle aimait. Elle se sentait à l’image de ces poissons généreusement - ou accidentellement ? - oubliés dans l’antre du squale par ce dernier, seule survivante parmi les éclopés à obtenir le droit suprême de se prélasser dans un domaine qui n’était pas le sien. Et quel domaine ! Luz aurait pris plaisir à laisser courir ses doigts allègres sur les tranches des ouvrages environnants pour mieux fouiller les étagères, passer en revue la collection d’objets exotiques qui s’amoncelaient dans les coins, cela, si Warren ne l’avait pas distraite.

    Peut-être se laissait-elle un peu trop apprivoisée par le chant des sirènes, bien qu’il s’agisse davantage d’un prédateur à sang froid, attirée par le feu glacé des lanternes comme une phalène désœuvrée et un tantinet trop passionnelle. Restait qu’elle n’oubliait pas et qu’elle ne souffrait d’aucune mémoire courte. Il restait des combats qui se payeraient et un certain sujet de conversation qu’elle escomptait bien emprisonner dans la coupe de ses mains closes… Pour l’heure, elle arborait l’un de ses singuliers sourires de chat, s’étirant souplement sur le moelleux du matelas, ses longs cheveux flammes dégringolant en cascades fluides jusqu’au creux de ses reins. Bien entendu, la remarque de Warren lui tira immédiatement un rire, un son de grelot qui perdura tandis qu’elle déposait brièvement un prompt baiser sur le coin de ses lèvres :

    « Je vais commencer à m’inquiéter pour l’éducation de Croquette à voir combien tu me pourrie-gâtes. »

    Une fantastique ironie lorsqu’elle était présentement le maillon faible du couple, peinant à résister aux grands yeux de chiot battu du warg noir. Assurément, si un morceau de pâtisserie devait fuiter, cela ne serait nullement du fait du requin blanc… Et cet abominable Croquette le savait. Fourbe était Lucy d’avoir inventé une créature aussi pelucheuse et à la moue capable de déchirer la chair tout comme de vous inspirer les sept cercles infernaux de la mignonnerie ! Peu désireuse de s’attirer les foudres de son propriétaire, Luz tint pour autant ses velléités de trahison en place, optant davantage pour une fuite rapide vers la salle d’eau. La foulée légère et le regard alerte, Luz ne manqua pas de saisir les teintes opalines de la lumière du jour dont les embruns traversaient les carreaux. Il allait pleuvoir. Cet auspice ne tarderait guère à se vérifier en la forme de lourds nuages vaporeux dont les remous se zébraient d’ombres spectaculaires loin au-dessus des toits de la Capitale.

    Sous l’eau chaude qui lui délassait les muscles, Luz eut une grimace pour les remontrances que Salem n’allait pas manquer de déverser sur elle. N’avait-elle pas l’habitude, toutefois, de voir disparaitre son employeuse au détour d’un simple couloir, plus ingénieuse qu’un coeurl lorsqu’il s’agissait d’aller courir les rues ? Fort heureusement, la confiance perdurait, car la praticienne réapparaissait toujours à l’aune d’un rendez-vous vital. Et probablement sa comptable l’attendait-elle de pieds fermes pour accueillir dans l’après-midi la nouvelle compagnie en charge de l’entretien des cristaux magiques de l’hôpital… Un retour que Luz n’était pas spécialement pressée d’accomplir. Du moins, pas sans avoir mené un certain interrogatoire à son squale…

    Elle le trouva affairé à plusieurs allers retours entre sa chambre et son bureau, en préparation pour un départ vers les murs civilisés d’Althair. Boitant, mais pas tout à fait, une gêne passagère, masquée à tout le moins, qui bloquait son habituelle agilité. C’en était assez des patients indociles, des dissimulations d’une plaie qui le faisait souffrir et dont l’origine était passablement douteuse. Et si une trêve tacite avait été passée entre eux la veille jusqu’aux premières lueurs de l’aube – difficile de conserver une once d’autorité lorsque vous étiez trop occupée à gémir et frémir -, l’affront restait brûlant.

    Voilà qu’elle s’était donc coulée sur son chemin, bloquant sa voie de sortie près du lit, posant de prime abord une main innocente à plat sur son torse. A peine revêtue d’une longue tunique en lin, le regard aguicheur, peut-être la courbe d’un semi sourire craquant sur les lèvres, elle n’eut qu’une subtile impulsion à lui imprimer pour l’asseoir sur le rebord du matelas. Profitant, sans doute, de cette jambe qu’il ne pouvait utiliser pleinement pour lui faire barrage. Elle s’était accroupie, alors, d’un même mouvement souple, repoussant d’un geste délié du poignet sa chevelure encore constellée d’eau sur une épaule, indifférente aux gouttelettes nacrées qui s’étiolaient sur ses cuisses et sur le plancher. Impossible de rater sa moue mutine, ses lèvres rouges étirées d’un sourire soyeux, le feu de ses doigts d’hirondelle glissant jusqu’aux jambes du squale entre lesquelles elle se tenait, aussi sensuelle que charnelle dans cette posture explicite…

    « Allons, si tu me sers comme excuse que tu as glissé dans les escaliers… »

    … Et pourtant formidablement courroucée. Car sa paume s’était stoppée, à présent, sur la blessure coupable à travers la toile de ses vêtements, traçant de l’index avec légèreté le tour de la plaie. Un pli ombrageux s’était dessiné au coin de ses sourcils et le vert d’or de ses prunelles fut longé d’un éclat métallique glacial.

    « C’est une lame, c’est ça ? … Non, mieux, une flèche. »

    Elle s’était relevée d’un bond presque animal, ignorant royalement le chemin humide que ses mains avaient laissé sur les vêtements du squale, songeant que cela constituerait une bien faible punition au regard de la colère qui montait en elle.

    « Le type qui t’a recousu ça mérite la peste, c’est un miracle que tu ne sois pas encore mort d’infection ! Qui recoud encore de cette foutue manière ? »

    Aucune blessure malencontreuse ne pouvait tromper la vigilance d’une dizaine d’années de dur labeur. Luz avait vu défiler dans ses locaux son content d’agriculteurs, de fermiers, de petites frappes des villes et de malfrats plus ou moins engagés… Tous comportaient la particularité de se chercher des excuses lorsqu’un outil un peu trop tranchant glissait par erreur dans la mauvaise direction. Impossible de confondre la plaie chirurgienne d’une lame ou les dégâts dévastateurs d’une flèche avec la coupure d’un accident de cuisine. D’ordinaire, Luz ne cherchait pas à savoir dans quelles circonstances ces blessures se produisaient. Cela, hormis quand ladite blessure concernait le seul homme au monde qu’elle souhaitait ardemment conserver intouchable. Droite et impérieuse face à lui, elle avait subtilement penché la tête de côté à la manière d’un grand chat, l’air de se demander où sa délicieuse proie avait disparu.

    « Qui ? gronda-t-elle d’une voix doucereuse, dangereuse. Qui est l’idiot qui a tiré sur toi ? »

    Aucun mystère sur ce qu’elle lui ferait. Le pourquoi du comment ? Elle s’en foutait. Warren avait été limpide sur les risques de son métier, et il ne fallait pas être un intellectuel de renom pour comprendre que ce joyeux coup de lame ne lui avait pas été gracieusement donné au cours d’une réunion. … Au cours d’une réunion ? D’accord, peut-être ignorait-elle totalement que son compagnon n’était autre qu’un sacré cachottier de patron et que les Archontes avaient le chic pour s’entretuer lors de leurs entretiens professionnels. De toute façon, la promotion canapé lui était inaccessible...

    « S’il-te-plait, reprit-elle d’une voix plus calme, les bras croisés sous sa poitrine. Ne vas plus voir ton médecin habituel, c’est un abruti incompétent. Je peux te soigner sans la moindre séquelle… Et en moins de temps qu’il n’en faut pour Pam d'éconduire Rivi. »

    Elle avait, ce faisant, effleuré l’arrête de sa mâchoire et la ligne de son épaule, sa paume un court instant mouchetée d’étincelles d’ambre bénéfiques. Sa brève démonstration n’avait pour but que d’appuyer ses propos, la chaleur caractéristique de son énergie traversant avec douceur leurs deux peaux mêlées. Elle ne pouvait néanmoins faire disparaitre la vilaine plaie qui lui abimait la jambe sans avoir au préalable ôté les fils ancrés dans sa chair.

    « Au point où nous en sommes, je vais considérer que ces soins ont miraculeusement fait leur travail, soupira-t-elle. Et comme je te connais, je sens que tu ne vas pas tarder à utiliser ton voyage de retour à la Capitale pour prétexte afin d'esquiver davantage de mes questions. »

    Elle eut un prompt sourire d’acceptation, aussitôt effacé par une moue plus dure.

    « Il me faut juste un nom. Qui est le propriétaire de cette flèche ? répéta-t-elle avec l’obstination farouche d’une louve. »

    Warren RichterCitoyen
    Warren Richter
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    Re: Te donner l'océan en retour
    Mar 22 Fév 2022 - 12:05 #
    Ah oui, oui, oui eeeet...Non.

    Tout partait si bien. Alors que la dame faisait ses petites affaires de magnifique créature cherchant qu'à se sublimer, le blond s'affairait à préparer son retour. Dans la demeure, tout était tranquille, si on met à l'écart Warren qui peste en cherchant certaines affaires, ou Kroko qui se prend aussi quelques remontrances car trop souvent dans ses pattes, alors que c'est bien l'homme qui, dans l'histoire, errait comme un damné pour être sur de rien oublier et de bien avoir tout fait. C'est lors de son retour, renarde encore humide de sa douche, de quoi faire de magnifiques étincelles, qu'il avait innocement pensé qu'il allait encore se passer quelque chose. Pour quelles raisons ? Oh, aucune idée, la main sur le torse, l'accoutrement bien léger de la femme, la légère poussette qui fit entreprendre à Warren un mouvement de motion certain vers le lit, la posture suggestive de cette filoute ? Pour rire, il comptait jouer la carte du ''Ohlala, non, j'ai pas le temps, regarde tout ce qu'il me reste à préparer''.

    Il n'en eut pas l'occasion.

    Qui était-il, après tout, pour penser que la célonaute serait incapable de discerner qu'il boite, se plaint parfois, peste souvent, râle fréquemment, que dans la finalité, quelque chose clochait avec lui ? Ah, qu'elle lui avait bien laisser le temps d'être tranquille avant de lui retomber dessus, comme une araignée un peu sadique qui regarderait au loin sa proie prisonnière avant de lui fondre dessus ! Le contact de sa main sur son vêtement, dont le tissu vint un peu plus râper la plaie, lui procura des frissons et une certaine chaleur tout entremêlés. Garce. Intelligente, en plus. Le pire combo chez une femme. Mais aussi le plus intéressant. Aussi religieusement qu'un prêtre de Lucy respecterait une prière ; ou que Warren conduirait un entretien commercial ; il avait écouté toutes les suppliques, toutes les interrogations de la rousse. Et c'est après un soupir qu'il comptait bien y répondre.

    '' Alors, déjà, ça fait l'experte, mais c'était un carreau et non une flèche. ''

    Même pas besoin de la regarder directement dans les yeux pour sentir son regard inquisiteur et inquiet le parcourir de la tête à la blessure. Il ne serait plus lui s'il ne se permettait pas de se moquer un peu d'elle, gentiment, comme toujours avec Luz, s'il pouvait cependant ne pas subir les foudres littérales de sa chère dans le procédé, ce serait des plus appréciables. Elle ne le blesserait pas autant que lui désire ardemment ne pas lui faire de mal, c'était déjà ça de prit. Refusant de se laisser prendre de haut, même par une demoiselle inquiète, il se leva également, avec certes plus de mal et moins d'agilité qu'elle, mais tout de même, pour finir par la toiser de quelques centimètres.

    '' Bien sur que j'aurais fait appel à toi si j'en avais l'occasion ; à qui d'autre ? '' Oh, on sait pas, n'importe qui qui ne tremperait pas un orteil dans l'Ordre des Célantia, sans pour autant qu'il en possède toutes les informations? '' J'étais en déplacement, rendez vous professionnel, vois-tu ? Ça se passait pas super bien, l'homme de main du vendeur était un peu sur les nerfs, son doigt a, de ses dires, ''malencontreusement dérapé sur la détente''. Ça a suffit pour atterrir dans ma jambe. ''

    Le mensonge était si bien exécuté que même lui, aimerait y croire. Mais c'était beaucoup plus sordide. Et il n'avait pas été le seul blessé. Loin de là. En vrai, quels derniers mois de merde, hein ? Si on omet la présence de Luz dans sa vie, bien sur. Fallait-il continuer sur cette voie, ou distiller savamment un fond de vérité dans ce tissu d'inepties ?

    '' Pour ce qui est du nom... '' Ricanement, il redresse ses lunettes. '' Aucune idée, j'ai pas eu le temps de lui demander avant de moi même m'emparer son arme et - '' Il tapota au niveau de son os occipital de son majeur droit, en imitant à la bouche le bruit d'une corde d'arbalète qui se relâche. '' – de lui en caler un dans l'arrière du crâne. ''

    Une nouvelle qui n'avait pas l'air d'avoir été bien accueillie par la noble, surtout qu'il venait de prononcer ces mots avec un grand sourire carnassier. Ça va, c'est qu'un petit mort, certains ont fait beaucoup plus de dégâts ; en plus d'être chiant comme la pluie qui s'apprête à s'abattre sur la maison d'ici quelques instants, il attire les problèmes comme le vinaigre attire les mouches. Délicatement, il attrapa les mains de l'héritière Weiss, fit glisser les siennes le long de ses bras, jusqu'à arriver à ses épaules.

    '' Je t'assure que tout va bien. Je suis encore loin de finir entre quatre planches de bois. Evite de te faire trop de soucis, ça va prématurément rider ton joli visage. '' Tout en lâchant cette tirade, sa dextre s'était dirigée vers la joue de Luz, la caressant de son pouce. '' Et aucun de nous deux ne veut te voir vieillir trop vite, n'est ce pas ? '' Il posa un délicat baiser sur son front. Et comme un dernier pied de nez, il allait reprendre ses propres termes pour sortir de la situation. '' Allez, il reste encore des choses à faire avant de rentrer. On reprendra plus tard, bien ? Bien ! ''

    Ou jamais, c'est pas mal, jamais.

    Encore quelques heures à rassembler ses documents, ses hommes, sa secrétaire, écouter Pam se plaindre de Rivi, Rivi se plaindre de Pam, et Nio se plaindre de Pam ET Rivi. Ces deux là normalement s'entendent comme cul et chemise, et pourtant, jeter une femme dans l'équation, tout de suite, les problèmes s'accumulent et les tares ressurgissent. Warren n'avait pas le temps pour leurs chamailleries, concentrés sur quelques documents, sur ce qu'il mettait dans sa valise, sur ses conversations avec Luz, c'est bien cette dernière qui réussissait à apaiser les esprits, et s'occuper de Kroko tout en même temps. Si vous avez jamais vu un petit bout de femme mettre en cage un warg noir, bah vous ratez quelque chose, ça vaut le détour. S'il savait comme il allait tant lui devoir.

    La vue finale de son domaine s'éloignant, alors qu'à bord de la calèche, la bande hétéroclite s'approchait indéniablement de la capitale. Warren s'était excusé d'avoir potentiellement fait perdre du temps à Luz, assertion qu'elle balaya d'un vif revers de main avant de se coller contre lui. Un peu gênant, quand on a à subir les aléas de la route et le regard d'une Pam un peu morte à l'intérieur, d'un Rivi envieux et d'un Nio qui dévorait sa pomme comme si c'était la dernière. Enfin. Pendant quelques temps, tout ces soucis seraient derrière lui, et il serait confortablement épaulé par une femme incroyable.
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