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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    Quelqu'un a commandé du faisan ? (Pv. Dreina)
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    Quelqu'un a commandé du faisan ? (Pv. Dreina)
    Lun 1 Avr 2019 - 19:03 #
    Aniel s'était fait un nom, au sein de la guilde. La demoiselle avait pris pour habitude de partir seule, tôt dès l'aube, pour effectuer ses missions. Certaines duraient plusieurs jours, tandis que d'autres concernaient des monstres qu'il eut été suicidaire pour un homme fait d'affronter seul. Du moins, sans un pouvoir digne de ce nom. Et ce pouvoir, Aniel l'avait. Missions de groupe, dites « dangereuses » ; missions de recherche ; missions de capture ; rien ne semblait lui résister, et pour cause : certains témoins racontaient que ses victimes finissaient littéralement désintégrées, réduites à l'état de pulpe sur le sol. Elle n'avait aucune pitié, et entendait bien que tout le monde le sache : c'était sa route, c'était son combat. Et personne n'était assez fou pour s'y opposer, - du moins, parmi ceux qui la connaissaient.

    Accrochées sur les murs du pavillon, diverses quêtes, toutes plus dangereuses les unes que les autres. Entre celle d'un chef étoilé, qui réclamait un oeuf d'Osarex encore chaud pour la bonne panse de ces messieurs de la noblesse, et une autre qui consistait à capturer un phacochère de trois mille livres pour des expériences mystérieuses, elle vit écrit : « Tribut généreux pour quiconque me ramènera la tête de la matrone Fière-Aigrette, dangereuse harpie qui sévit dans les montagnes du nord ! Méfiez-vous : son pouvoir élémentaire est terrifiant... » Aniel sourit. Un pouvoir élémentaire ? Ces dindons à tête de femme humaine avaient de la réserve... Elle prit l'affichette et se mit en route, sans plus de cérémonie.

    *
    *      *

    Une semaine était passée, depuis son départ. Elle avait coupé par la Grande Forêt, croisant quelques Grognours qui avaient eu le malheur de l'attaquer. Ces créatures étaient tout à fait savoureuses, en particulier quand leur viande était grillée à point. Protéinée comme il fallait.

    Elle avait croisé des aventuriers, aussi, quelques badauds sans intérêt, dont la curiosité maladive à son sujet l'avait amenée à fuir, loin d'eux... jusqu'à arriver aux montagnes, hautes, impérieuses, qui ceignaient tout le nord du continent. Derrière elles, elle le savait : c'était le territoire inconnu. Le repaire de monstres titanesques, capables d'abattre des cathédrales d'un coup de queue. De choses si hideuses qu'il n'y eut sur terre aucun langage pour les décrire totalement. Des entités que les Hommes avaient décidé de fuir, mais qu'Aniel comptait bien vaincre, un jour ou l'autre. Elle se l'était promis. Pour l'heure, elle devait s'occuper de cette harpie.

    Plus rusée qu'elle ne s'en donnait l'air, elle zieutait du coin de l'oeil, les traces que les créatures hybrides laissaient derrière elles. Des monceaux de paille, de chair humaine... Du sang séché, des excréments : tout ce qui pouvait l'aider à les retrouver. Parfois, elle s'égarait dans la brume. D'autres fois, c'était la pluie qui l'obligeait à battre en retraite, affaiblissant considérablement ses pouvoirs. Au bout de quelques jours, elle finit par perdre patience, et fit une percée au-travers des flancs de montagnes, ne laissant qu'un tunnel sombre et étroit derrière elle ; et des gouttes de magma visqueuses. La Fée Rouge était en marche.

    Quelques heures plus tard, elle vit ce qui la réjouit enfin : un attrape-rêve, suspendu à la branche d'un pin. Les harpies, créatures d'une étonnante intelligence, avaient l'habitude de marquer leur territoire de la sorte. D'autres artefacts étaient suspendus aux arbres alentours. Elle savait qu'elle mettait les pieds dans le terrier de la matrone, et ne comptait pas en sortir. Pas tant que sa tête ne ballottait pas à sa taille.

    Elle marcha jusqu'au crépuscule, atterrissant près d'un précipice, par lequel les harpies semblaient aller et venir, transportant au creux de leurs serres diverses venaisons, - parfois même des malheureux du Village Perché, que les monstres avaient cueillis directement dans la Grande Forêt. Aniel ne grimaça pas quand elle entendit les griffes des vilenies plumeuses s'enfoncer dans les chairs des victimes. Ni même quand la matrone se présenta, - bien au contraire. La créature n'avait pas volé son titre de « Fière-Aigrette » : divers joyaux resplendissaient dans ses plumes. Aniel s'approcha, sans crainte aucune. Mieux : elle hurla, à l'appel de toutes les harpies. Ses poings se mirent à bouillir ; des coulées de magma suintèrent de son front.

    « Approchez, bande de mauviettes... De l'air ou la lave, qui est le plus fort ? »

    *
    *      *

    Les bestioles attaquaient par à-coups, projetant des rafales meurtrières du bout de leurs ailes. Tout autour d'elle, les arbres chutaient en trombe, dans des fracas vertigineux d'écorce qui se rompt. L'affichette ne mentait pas : ces créatures étaient réellement dangereuses. Même la roche éclatait à l'impact des cisailles d'air, comme autant de lames jetées au vent. Si Aniel avait eu une armure, elle aurait probablement été détruite depuis longtemps.

    Les harpies n'arrêtaient pas, les assauts pleuvaient en furie. La matrone elle-même s'essayait à esquinter cette humaine intrépide, qui avait osé pénétrer son territoire. Mais rien n'y faisait... C'était comme si elle frappait dans l'eau. Dans un bruit sourd de rocaille, le corps de cette inconnue se reconstituait dès lors qu'on la touchait. C'était infernal ! Qui pouvait-elle bien être ?

    « Continuez, j'ai tout mon temps... », railla Aniel, ses bras rangés devant son visage. Tout ce qu'elle voulait éviter, c'était de perdre la vue. Impossible, pour elle, de s'avancer : les rafales étaient décidément trop puissantes, et elle aurait probablement eu droit à son baptême de l'air, si son corps ne s'était pas alourdi sous le magma.

    Mais les harpies, toutes nombreuses qu'elles étaient, finirent par s'épuiser. L'une d'elle battit en retraite. La matrone, cependant, folle de rage, - et peu encline à laisser cette peau-rose approcher sa progéniture - prit la situation en main.

    Elle crut bien faire, quand elle s'envola d'un coup d'ailes, pour plonger, en piquée, en direction de son adversaire. Elle crut bien faire quand elle tendit ses griffes serties d'acier pour les enfoncer dans sa chair. Elle crut bien faire... Mais son corps s'enfonça d'une traite dans celui d'Aniel, pour ne jamais en ressortir. La mort avait été brève : le magma l'avait tout bonnement fait éclater. L'aventurière, goguenarde, attrapa son crâne laissé à l'abandon et l'accrocha à son baudrier. Les harpies, terrifiées de voir leur mère et cheffe pendouiller comme un trophée de chasse, battirent en retraite près des flancs de montagne, en direction des nids.

    « Revenez-la, vous autres... »

    Ses poings fumèrent, avant d'éclater dans une jetée de scories noires. D'un geste vigoureux, elle jeta ses bras en avant... Cette mission n'était plus que du tir aux canards, désormais, et les projectiles magmatiques s'écrasaient furieusement contre les nids plus au-loin.

    « Ces bestioles, elles sont rapides... », pesta-t-elle.
    InvitéInvité
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    Re: Quelqu'un a commandé du faisan ? (Pv. Dreina)
    Lun 1 Avr 2019 - 20:42 #
    La récolte n'était vraiment pas le fort de Dreina. Loin de là, même. Ce qui lui plaisait et lui faisait ressentir cette boule au ventre d'excitation et de terreur, c'était le combat, pas la récupération d'une ressource quelconque dans un coin paumé du pays. Le peu de renommée qu'elle avait obtenu venait de succès au combat, pas de l'exploration, de la découverte scientifique ou quoi que ce soit d'autre.

    Et pourtant, elle avait accepté la mission proposée par l'alchimiste chez qui elle avait fait le plein de potions pour repartir en vadrouille. Lui, vieillard chétif et chevrotant, souhaitait acquérir un ou plusieurs œufs de harpies : chose rare et difficile d'accès pour quiconque n'est pas bien préparé. Elle, bagarreuse avide d'aventures, désirait se mesurer à plus fort qu'elle pour devenir encore meilleure, et surtout pour assouvir ses envies de castagne. Une poignée de main fut échangée en plus de la vente, et des sourires satisfaits étirèrent les bouches des deux protagonistes. Chacun aurait ce qu'il voulait.

    Était-ce la bêtise, la témérité ou la folie qui la poussait à partir seule, sans compagnons pour l'épauler dans cette chasse à l’œuf aux risques plus qu'élevés ? L'histoire ne le dit pas. Elle se mit pour autant en route immédiatement après avoir acheté quelques provisions pour le voyage, direction les montagnes, au Nord du pays. S'il fallait trouver des harpies, autant chercher dans leur habitat naturel.

    Cinq jours étaient passés depuis son départ de la capitale. En temps normal, elle aurait rejoint les montagnes en un jour de marche de moins, et ce malgré la pluie qui avait légèrement ralenti son allure. Pour compenser, elle avait continué de marcher même alors que la nuit tombait, et ne s'était arrêtée qu'une fois la noirceur bien installée tout autour d'elle. Son but n'était pas les montagnes, mais le village perché, par où elle avait préféré faire un détour, afin de recueillir quelques informations, si jamais les gens là-bas savaient quelque chose.

    Elle n'eut qu'à dépenser quelques sous pour acheter de quoi boire aux gars qui semblaient rester à longueur de journée dans la taverne pour recueillir les témoignages précieux à sa recherche : depuis peu, des harpies attaquaient dans la Grande Forêt et parfois même jusque dans le village, chose qui n'avait plus eu lieu depuis au moins deux générations, d'après l'un des soûlards. Cependant, personne ne savait où exactement nichaient les bestioles. Personne n'avait eu le cran d'aller tenter d'en savoir plus : après tout, ce n'était qu'un village sans personne qui puisse tenir tête à un groupe de harpies. De fait, ils avaient alors décidé de demander de l'aide à la Guilde, chose qu'elle ignorait mais qui serait d'autant plus agréable une fois la prime pour la tête de la cheffe des harpies empochée. Décidément, cette mission s'annonçait de mieux en mieux. Son excitation était à son comble. Cette nuit-là, elle rêva du combat épique qu'elle aurait à livrer contre ces monstres, et de sa victoire : évidente, selon elle ; mais peu probable, selon toute vraisemblance.

    Le lendemain, elle partit avant même que le jour ne soit levé afin de pouvoir commencer sa traque dès les premières lueurs du jour. Elle arriva à la frontière entre la frondaison des arbres et les monts une heure à peine après le lever du jour. D'office, elle se mit à chercher au sol : n'importe quel indice serait utile. Une plume détachée à cause d'une victime qui se débat trop, du sang tombé d'un cadavre transporté... N'importe quoi. Elle passa plusieurs heures à chercher et à fouiner, à scruter et supposer, à avancer difficilement et à escalader... Sans succès.

    Ce ne fut qu'une fois rassasiée d'un morceau de viande séchée et d'un bout de pain qu'elle vit, à quelques centaines de mètres de la corniche où elle s'était assise, une harpie en vol, qui se dirigeait plein Sud, vers la forêt. Sans attendre, elle rangea ses affaires et partit au pas de course, du moins, autant que le relief le lui permettait, dans la direction d'où venait ce démon ailé.

    Plus elle s'approchait, et plus elle réalisait qu'elle était sur la bonne route. Des cris stridents lui parvenaient d'au devant, les cris des harpies. Elle jubilait, elle bouillonnait même. Son arme prête à être dégainée, elle gravissait le relief pour atteindre la corniche d'où les cris retentissaient. C'était étrange, les cris n'étaient pas des cris normaux. Elle avait déjà entendu des harpies, et celles là avaient clairement l'air d'être paniquées.

    Ce ne fut qu'une fois arrivée tout en haut qu'elle réalisa pourquoi ces cris étaient si déchirants : quelqu'un était déjà là, en train de ravager les rangs des harpies dont elle avait tant rêvé. Ce quelqu'un décimait les rangs des monstres à grand renfort de ce qui ressemblait à des pierres luisantes, projetées à une vitesse fulgurante par ses poings serrés. Qui était-elle ? Que faisait cette personne là, sur le lieu de sa quête, de son combat épique, à lui voler son honneur et sa renommée ? Et surtout, pourquoi était-elle en train de réduire en cendres le pourquoi de sa venue ici : les nids des harpies, lieu de résidence des précieux œufs que l'alchimiste lui avait commandé ?!

    Prise de panique à l'idée que tous les œufs se voient réduit en omelette, elle dégaina sa lame, déclencha le mécanisme pour sortir sa faux, et fonça tête baissée en direction de la corniche où les nids étaient en train de se faire bombarder. L'heure n'était pas à la retenue, il fallait qu'elle sauve ne serait-ce qu'un œuf. Dans son élan, elle eut quand même la présence d'esprit de beugler vers la personne :

    « Calme toi, j'ai besoin d'un œuf !! »

    Est-ce qu'elle l'avait entendue par dessus tout ce vacarme tonitruant d'explosions ? Elle n'en savait rien. Mais peu importait, maintenant qu'elle était lancée.

    Une harpie lui barra la route, seulement l'espace d'un instant : la faux se leva et tournoya, découpant la bête en deux d'un coup bien net au travers du buste. Elle visait les nids les plus éloignés du bord, en hauteur, qui semblaient n'avoir pas encore été bombardés. Une taillade, une pirouette pour éviter un coup de serre tranchante, une autre taillade et un tourbillon, puis une esquive sur le fil d'un projectile qu'elle espérait malencontreusement dirigé vers là où elle aurait été une seconde plus tard si elle n'avait pas réagit à temps...

    Elle finit par atteindre un nid intact et dépourvu de protectrice. L’œuf unique qui s'y trouvait était lui aussi indemne. Dreina l'attrapa et se hâta de retourner en sécurité, c'était-à-dire ailleurs que sur cette corniche. Après plusieurs autres acrobaties, elle se trouva de nouveau en lieu sûr, à quelques pas de la femme – car c'était une femme – qui s'en était donné à cœur joie contre ces viles créatures ailées.

    La jeune aventurière blonde était à bout de souffle et en sueur. Était-ce l'effort fourni, ou bien quelque chose d'autre ? Elle avait l'impression que cette femme rayonnait d'une température inhabituelle.

    « Eh ben... T'y es... pas allée de main morte... Fiou... T'aurais pu... m'en laisser quelques-unes... De plus, nan ? » peina-t-elle à dire à celle qui venait de réduire à néant une colonie de harpies quasiment toute seule. « Et d'abord... Haa... t'es qui, toi ? »
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    Re: Quelqu'un a commandé du faisan ? (Pv. Dreina)
    Lun 1 Avr 2019 - 22:05 #
    Les harpies fuyaient à coups d'ailes désespérés, haletantes. Les plus chanceuses d'entre elles mouraient à l'impact des projectiles, le thorax pris de combustion, éclatant comme des pinatas ; les autres chutaient en contrebas, dans une atroce agonie. Elles poussaient des cris à vous fendre le coeur. Difficile d'éprouver une quelconque pitié, cependant, pour des créatures aussi belliqueuses que ces mangeuses d'hommes, le plumage ruisselant de sang et de bijoux volés. Difficile d'éprouver de la pitié tout court, quand on s'appelle Aniel Guradon.

    Le carnage ne semblait pas avoir de fin. Pas même lorsque les montagnes se mirent à flamber sous les assauts répétés de la demoiselle ; que les progénitures de harpie se jetèrent du haut de la falaise, dans l'espoir de survivre à la fumée qui les asphyxiaient ; que cette inconnue... s’élança ? en direction d'un des nids...

    Aniel marqua un temps, incrédule, rabattant ses poings fumants. Elle s'approcha, quand elle vit l'intruse fendre le buste d'une harpie dans une violence inouïe. Elle pencha sa tête sur le côté et croisa les bras. Était-elle en train de rêver, ou cette femme avait-elle risqué sa vie au-travers de son barrage de lave pour récupérer un de ces oeufs ? qui pouvait être une telle personne ? Quelqu'un de déraisonné, sans aucun doute.

    Elle ne geignit pas, cependant, plus intriguée qu'autre chose, et reconnut dans la posture de la demoiselle une certaine prestance martiale, - bien qu'elle trouvât l'arme qu'elle transportait tout à fait ringarde. Peu d'hommes, et encore moins de femmes, pouvaient se vanter d'escalader une façade aussi escarpée qu'une falaise de la sorte. Et moins d'entre eux, encore, de pouvoir éviscérer une harpie comme elle venait de le faire. Elle souffla du nez, deux fumerolles jaillissant de ses nasaux. Quel genre de spécimen Lucy nous a pondu, cette fois-ci ? songea-t-elle.

    « Eh ben... T'y es... pas allée de main morte... Fiou... T'aurais pu... m'en laisser quelques-unes... De plus, nan ? »

    Aniel tira un sourire. Il n'y avait aucune gentillesse, dans ce rictus.

    « Quel intérêt ? Tu avais besoin de combler ton ego ? Navrée, il doit encore rester quelques petits dans les nids, si tu cherches bien. »

    Ses mains avaient cessé de flamber, mais le constat était-là : toutes les harpies de la falaise avaient été réduites à néant. Tout au mieux avaient-elles réussi à fuir, en direction du continent perdu. Ca n'avait plus d'importance, de toute manière. Le magma avait fini par se rigidifier. Il ne restait, du génocide, que des carcasses noircies, des flammes balayées par l'embrun et des trous sur la falaise. Aniel passa sa langue sur la pointe de ses canines, un instant, jaugeant l'intruse comme un fauve sa proie.

    « Et d'abord... Haa... t'es qui, toi ? »

    Elle plissa l'arcade, interdite.

    « Aniel Guradon. Et toi, jeune fille ? »

    Elle garda son sourire, sur ses lèvres. Cet insupportable sourire, toutes dents blanches dehors. Toutefois, elle la regarda, et c'était déjà bien plus que ce qu'elle accordait aux petites frappes de la guilde. Elle n'avait pas en face d'elle un de ces toquards pleins d'ambitions mais vides de talent, mais bien un combattant digne de ce nom. Du moins, c'est ce qu'elle se laissait croire ; peut-être pour la rendre plus agréable à l'oeil ?

    « Sache une chose : j'ai l'habitude de travailler en solitaire. Pour cette fois, ça ira, mais méfie-toi... Ma précision n'est pas parfaite, et il arrivé que mes tirs se perdent dans le dos de fouineurs un peu trop impudents... »

    Sa phrase n'avait pas le ton d'une menace mais d'une raillerie : elle mettait l'aventurière à l'épreuve. Histoire de voir si elle en valait à peine, ou si elle était tout aussi mémorable que les traces de mégot qu'elle avait laissées des harpies. En tout bien tout honneur, elle coinça un cheroot entre ses dents, l'allumant du bout d'une allumette.

    « Qu'est-ce que tu en penses ? », conclut-elle.
    InvitéInvité
    Anonymous
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    Re: Quelqu'un a commandé du faisan ? (Pv. Dreina)
    Mar 2 Avr 2019 - 20:33 #
    Dreina laissa la pique initiale de son interlocutrice partir en fumée, au même titre que les carcasses encore rougeoyantes des harpies qui jonchaient la falaise et ses contreforts. Non pas qu'elle était contre un peu de joute verbale, mais l'effort précipité qu'elle avait du fournir pour obtenir le précieux œuf qu'elle tenait encore dans ses bras l'avait considérablement essoufflée, ce qui ne la motivait absolument pas pour répondre, qui que soit cette bonne femme.

    D'ailleurs, cette bonne femme avait un nom, qu'elle lui confia en lui demandant à la suite quel était le sien :

    « Aniel Guradon. Et toi, jeune fille ? »

    Son sourcil gauche se hissa au plus haut qu'il pouvait. Premièrement, elle ne connaissait pas d'Aniel Guradon, et pourtant elle connaissait quelques aventuriers et aventurières notables, aussi bien par leur nom que leur surnom, grâce à leur réputation. Et, bien qu'elle fut une force de la nature aux vues de ses facilités au combat face une horde de harpies, cette femme et son nom n'éveillaient absolument aucun souvenir, même vague, dans la mémoire de la jeune faucheuse.

    Deuxièmement, elle l'avait appelée jeune fille. Alors que les traits de son visage dénotaient clairement qu'elles avaient à peu de choses près le même âge. Elle était gonflée, celle là !

    «  Dreina Nottsen. Quelques gens de la Guilde m'appellent la corbac, mais c'est pas un surnom officiel... » répondit-elle aussi neutralement que possible derrière son air bougon mal caché.

    Le sourire presque carnassier qu'affichait Aniel, couplé à son ton quasi moqueur alors même qu'elles venaient de se rencontrer, confortèrent la première impression de Dreina : aussi puissante fut-elle, c'était sûrement une casse-burnes à l'égo tellement tranchant qu'elle risquait d'y laisser, comme les harpies, quelques plumes. Elle n'avait aucune idée de qui elle était vraiment ni de ce qu'étaient ses intentions. Peut-être risquait-elle en ce moment même sa vie ? Aussi fière et brutale fut-elle, la blonde n'était pas stupide : elle était parfaitement consciente qu'en aucun cas, à aucun moment du jour ou de la nuit, dans aucun monde, elle n'aurait pu la battre en combat, qu'il fut loyal ou non...

    « Sache une chose : j'ai l'habitude de travailler en solitaire. Pour cette fois, ça ira, mais méfie-toi... Ma précision n'est pas parfaite, et il arrivé que mes tirs se perdent dans le dos de fouineurs un peu trop impudents... » lâcha la source de son anxiété, ce qui, étrangement, participa à la détendre, malgré la menace encore oppressante de cette force incommensurable qui pouvait la piétiner du bout de l'orteil à tout moment. « Qu'est-ce que tu en penses ? »

    « Ha ! » s’esclaffa en retour Dreina, aussi bruyamment que sa bouche le lui permettait, tout en levant les bras en l'air avant de les rabaisser et de poser ses mains sur ses hanches.

    Elle secoua légèrement la tête de droite à gauche, et prit quelques instants pour répondre. Décidément, elle ne manquait ni de puissance ni de toupet, celle là ! Elle lui piquait son moment de gloire certaine et, par dessus le marché, elle la menaçait à demi-mot !

    « Écoute bichette, travailler en solitaire c'est mon dada aussi. Alors ça tombe bien que tu préfère ça, parce que j'ai certainement pas envie de bosser avec une foldingue dans ton genre. Tu fais mumuse avec tes p'tits poings et t'explose tout sur ton passage, c'est très bien. Continue si ça t'chante, je m'en carre. Mais j'tiens à ma vie, alors va faire ça loin d'moi, tu s'ras gentille. »

    Elle avait réussi à surmonter la terreur qui lui enserrait le cou et lui broyait l'estomac, qui pesait sur sa poitrine et déclenchait des hurlements d'alerte silencieux dans sa caboche, pour lui balancer une réplique qu'elle n'aurait jamais eu l'idée de lancer à qui que ce soit d'elle-même dans une situation pareille.

    La peur éprouvée face à une force insurmontable est une chose qui glace les gens normaux, et motive les fous à lier à poursuivre leur lutte contre cette force.

    Dreina n'était pas des fous à lier. Non, elle était des gens normaux. Ce n'était pas vraiment elle qui avait parlé. C'était son égo. Ça avait été plus fort qu'elle. « Pour cette fois, ça ira ». Cette phrase avait réveillé en elle un sentiment de révolte face à une injustice qui, à tout bien réfléchir, n'en était pas une. Pour qui se prenait-elle à décider si les gens, et plus particulièrement la jeune blonde, avaient le droit de vivre leur vie ?! Quelle connasse.

    Alors qu'elle était sur le point de rassembler ses affaires, de ranger l’œuf et de mettre les voiles aussi loin que possible de ce cataclysme ambulant, elle s'arrêta net en plein mouvement, et reprit :

    « Tu sais, t'as beau être très forte, ton 'pour cette fois ça ira', tu peux te l'mettre où j'pense, là, tout de suite. J'ai une quête à remplir, et j'ai pas besoin de l'autorisation d'une artillerie sur pattes pour mener à bien ce qu'on m'a confié comme tâche, aussi banale soit cette tâche aux yeux de Madame la grande mage, » arriva-t-elle à balancer d'une traite, sans reprendre son souffle, et en accentuant évidemment aussi fort qu'elle le put sur la première syllabe de « Madame ».

    Non mais vraiment, les gens surpuissants se croyaient vraiment tout permis !

    Elle rassembla ses affaires, et s'arrêta alors qu'elle enveloppait l’œuf dans un tissu pour le protéger des chocs aussi bien qu'elle pouvait durant le voyage de retour. Son ventre gargouillait, signe évident que la faim la tenaillait de nouveau. Elle s'assit au sol, sortit de son sac un bout de viande séchée, et entama son repas de fortune, le regard toujours fixé sur cette Aniel dont elle ne savait rien, excepté qu'elle était terriblement puissante, et qu'elle n'avait probablement vu qu'une petite partie de ce qu'elle avait à fournir.

    « Et puis merde c'est quoi ton pouvoir ?! T'es là à déglinguer un groupe de harpies complet comme si c'était des gobelins ! T'es une fille de Lucy ou quoi ?! » balanca-t-elle à son interlocutrice, avec autant de hargne dans sa voix qu'elle en avait lorsqu'elle arrachait des bouts à son morceau de viande séchée.
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    Re: Quelqu'un a commandé du faisan ? (Pv. Dreina)
    Mar 2 Avr 2019 - 22:57 #
    Aniel fit rouler son cigare entre ses dents, incrédule. Elle croisa les bras, relevant le chef, comme un chevalier le ferait devant son écuyer. Ici, l'écuyer répondait au nom de Dreina, manifestement. Le « Corbac ». La guerrière était à l'affût des jeunes pousses de la guilde, - et l'âge n'avait aucun lien avec ce qualificatif. Tout ce qui avait à apprendre était, à ses yeux, jeune. Méritait de grandir, perpétuellement. La paresse, l’oisiveté étaient, à ses yeux, les pires des crimes. Or donc, le « Corbac » faisait partie de ces perles dont elle avait entendu parler, dans l'espoir d'une rivale, d'un adversaire digne de ce nom.

    Grand mal lui en prit : cette Dreina ne répondait à aucune de ses attentes. Elle continua de l'observer, cependant. Elle devait bien avoir du potentiel, pour être arrivé jusqu'ici. Les Montagnes sont la sépulture de nombreux aventuriers, - et les harpies encore plus. Elle l'avait vue fendre la bête ailée comme une bûche, alors où, par tous les diables, était ce foutu potentiel ? Ce talent inné, qui l'avait amenée face à elle ? - car comme de nombreux hommes, Aniel ne croyait pas au hasard. Horriblement superstitieuse, elle avait fini par croire que tout ce qu'on racontait sur elle était vrai. Qu'elle était la fille du volcan. Qu'elle était sous la lueur d'une bonne étoile, comme tous les héros qui avaient marqué l'histoire du continent. Si cette demi-portion était face à elle, - qu'est-ce qui n'était pas demi-portion, dans son esprit de dominance mégalomaniaque ? - c'était pour une bonne raison.

    Et elle eut sa réponse.

    L'aventurière se mit à s'esclaffer. Aniel perdit son sourire. Une provocation ?

    « Écoute bichette, travailler en solitaire c'est mon dada aussi. Alors ça tombe bien que tu préfère ça, parce que j'ai certainement pas envie de bosser avec une foldingue dans ton genre. Tu fais mumuse avec tes p'tits poings et t'exploses tout sur ton passage, c'est très bien. Continue si ça t'chante, je m'en carre. Mais j'tiens à ma vie, alors va faire ça loin d'moi, tu s'ras gentille. »

    Elle ne répondit rien, la mirant toujours de ses yeux flamboyants, mais ne peut s'empêcher de sourire. Elle cracha son cigarillo au sol, l'écrasant du talon, quand Dreina fit volte-face.

    « Tu sais, t'as beau être très forte, ton 'pour cette fois ça ira', tu peux te l'mettre où j'pense, là, tout de suite. J'ai une quête à remplir, et j'ai pas besoin de l'autorisation d'une artillerie sur pattes pour mener à bien ce qu'on m'a confié comme tâche, aussi banale soit cette tâche aux yeux de Madame la grande mage. »

    Elle plissa l'arcade, agacée. Son numéro commençait à lui courir sur le système. Quel besoin avait-elle d'en rajouter de la sorte ? Elle essayait de dissimuler quelque chose. De la peur, peut-être ? Probablement. Les gens ont bien des manières de préserver leur ego. Des railleries, des inversions accusatoires, des chansonnettes pleines de bravoure qui ne valaient pas un clou... Tout un cinéma pour ne pas paraître blessé. Aniel en savait quelque chose : elle aussi connaissait ça. Quand vous êtes acculé et que l'ennemi prend l'avantage sur vous, il est une chose qui prime sur toutes les autres : lui montrer que vous êtes entier. Seuls les faibles cèdent et se couchent devant l'adversité. Les forts, eux, résistent et ripostent, coûte que coûte. Cette femme avait de la niaque à revendre.

    « Et puis merde c'est quoi ton pouvoir ?! T'es là à déglinguer un groupe de harpies complet comme si c'était des gobelins ! T'es une fille de Lucy ou quoi ?! »

    « Assez, siffla-t-elle, sèchement, avant de soupirer. Je n'ai aucun compte à te rendre. »

    Elle s'approcha toutefois, s'accroupissant près d'elle. Ce n'était pas une illusion : même si les flammes avaient cessé, il y avait réellement quelque chose d'ardent, en elle, plus fort que mille brasiers, comme un soleil qui exultait en permanence de sa poitrine. Ses yeux vous dévisageaient comme deux rayons : ils semblaient vous lire, d'une intelligence nette, scrutatrice. Il y avait de la dureté, dans ce regard, mais aussi de la justesse. Aniel n'était pas diabolique : elle était ce que le monde avait fait d'elle ; monde qu'elle souhaitait, plus que tout, changer, dominer jusqu'à ses racines pour Lucy savait quelle raison.

    « La Fée Rouge, tu en as entendu parler, n'est-ce pas ? Cela fait quelques temps que j'arpente le continent. Je cherche à perfectionner mon art, pour venir à bout de toutes les choses qui pourraient se dresser face à moi. »

    Elle l'avait dit tout en expertisant son propre poing ganté, fumant, peu à peu, comme du charbon de bois, avant d'en revenir à Dreina.

    « Et tu n'en fais pas partie. »

    Elle avisa le morceau de lard, qu'elle bâfrait à pleines dents.

    « Prête-moi ta nourriture, je n'ai pas mangé depuis des jours. »

    Un tel organisme pouvait-il seulement ingérer quoi que ce soit ? Quelle importance...
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    Re: Quelqu'un a commandé du faisan ? (Pv. Dreina)
    Mer 3 Avr 2019 - 15:22 #
    Toute la hargne qu’elle ne pouvait rediriger vers l’autre était transposée sur le bout de viande qu’elle mastiquait comme si c’était la pire semelle de tous les temps, aussi dure et infecte qu’un bout de cuir usé. Aucun compte à lui rendre, hein ? C’est bien normal, quand on est si puissant, de n’avoir de compte à rendre à personne, pensa la jeune femme.

    Le regard transperçant qui la détaillait la mettait plus que mal à l’aise. Ces yeux là ne lui plaisaient pas. Ils étaient glaçants, nourris d’un feu de joie comme on fait pas, même pour les plus grandes festivités, et pourtant tellement distants. Elle n’était pas ailleurs, mais elle était distante. Il y avait une distance métaphysique énorme entre leurs deux corps, entre leurs deux consciences et leurs deux esprits. L’une vivait l’instant et fulminait ouvertement ; l’autre, en revanche, semblait à la première être détachée du moment. Je suis un animal qu’on observe. Voilà ce que ressentait Dreina. Comme si Aniel essayait de comprendre comment elle fonctionnait… Elle était l’objet d’étude de cette femme.

    De la sueur perlait sur sa peau tant cette situation la gênait. Ou était-ce la chaleur ambiante ? Comment se faisait-il qu’il faisait si chaud, d’abord ? En pleine montagne, à cette altitude, il aurait du faire frais, une température douce que les habits de Dreina l’auraient aidé à supporter. Au lieu de ça, elle suait vraiment, et avait l’impression d’être en plein soleil un jour de saison chaude… Elle comprit à la mention du surnom de l’importune : la Fée Rouge.

    Oh, ça, oui, elle en avait entendu parler. Comme tout le monde à la Guilde. Une telle puissance, ça ne pouvait rester secret, et il fallait bien dire que celle là ne faisait pas grand-chose pour essayer de garder ça caché des yeux du monde. Elle était la source de nombreuses discussions dans les tavernes, aux comptoirs de la Guilde, dans les marchés… Quiconque ne la connaissait pas était soit un paysan trop absorbé par son travail pour faire attention à autre chose, soit un ermite.

    Dreina en avait entendu des vertes et des pas mûres à son propos. Comme quoi elle aurait terrassé un béhémot d’un coup de pied ; qu’elle se serait débarrassée d’une famille de dragons en les terrifiant grâce à une démonstration de sa puissance ; qu’elle aurait créé une île de l’archipel à l’aide de son pouvoir… Bref, toutes sortes d’histoires et de fables mélangées, dans lesquelles on ne savait plus démêler le vrai du faux, à tel point qu’elle était devenue une véritable légende aux yeux du peuple, et une source d’inspiration inépuisable pour quiconque était aventurier ou souhaitait le devenir.

    La chaleur qui l’enserrait et la mettait si mal à l’aise s’expliquait tout de suite beaucoup mieux : tout le monde savait que la Fée Rouge maîtrisait quelque chose en rapport avec la chaleur. Le feu, le soleil, le magma, la lave, la force volcanique… Personne n’arrivait à s’accorder sur ce qu’elle maîtrisait vraiment, mais tout le monde savait qu’il valait mieux éviter de lui chercher des noises, puisqu’elle était tout à fait à même de réduire à néant quiconque se dresserait face à elle.

    « Pour sûr que j’en ai entendu parler… Tout le monde te connaît... » grommela le Corbac dans sa barbe inexistante, de manière si peu audible qu’elle-même n’était pas sûre d’avoir prononcé ces paroles.

    Et, en un sens, c’était peut-être tant mieux, vu l’apparente menace qui suivit…

    C’était à n’en pas croire ses yeux. La Fée Rouge avait son poing enveloppé dans un gant, qui fumait littéralement ! Comme s’il s’était agi d’un feu de camp qui avait du mal à prendre… Non, plutôt comme un feu de camp qui prenait tout doucement. Les yeux bleus de Dreina s’écarquillèrent doucement à cette vision, et s’élargirent encore un peu plus lorsqu’elle réalisa, inconsciemment, que la menace était de plus en plus réelle et proche, et qu’en une seconde elle risquait de se faire arracher le visage d’un revers de la mage…

    « Et tu n’en fais pas partie. »

    À ces mots, la blonde crut sentir la pression s’échapper par tous les pores de sa peau. Elle poussa un soupir de soulagement à peine audible, et son corps, qui s’était raidit et redressé de lui-même pendant ce cours moment de stress, se relâcha. Elle reprit son repas, qu’elle avait arrêté machinalement, avec une hargne bien moins prononcée cette fois.

    « Prête-moi ta nourriture, je n’ai pas mangé depuis des jours, » demanda – ou ordonna ? – Aniel.

    Elle n’aimait pas trop qu’on lui donne des ordres, mais elle n’était clairement pas en position de force. Aussi, elle plongea la main dans son sac, en sortit un autre bout de viande séchée qu’elle tendit à la Fée Rouge.

    « Tiens. Bœuf séché. Bon app’. »

    Elle mastiqua le reste de son morceau de viande en silence, encore sous le choc de cette puissance si incommensurable qui avait été à deux doigts de lui faire dire adieu au monde des vivants. Elle était si absorbée dans ses pensées qu’elle en avala une portion de son repas de travers.

    Prise d’une forte quinte de toux pour essayer d’évacuer l’intrus de sa gorge, elle rougit fortement. Tandis que son poing gauche tapait fortement sur sa poitrine pour essayer de déloger l’importun, sa main droite alla se noyer dans le fouillis de ses affaires pour en tirer une gourde en peau de mouton, remplie de vin de mûre. Elle l’ouvrit et but au goulot avec une avidité toute similaire à ceux qui viennent de traverser un désert sans rien à boire. Ses longues gorgées finies et la viande évacuée jusque dans son ventre grâce au breuvage, elle écarta la gourde de sa bouche, secoua légèrement la tête, poussa un « pfiou » sonore et sourit à Aniel.

    « Eh beh, c’est pas passé loin. Un peu plus et t’aurais eu à gérer mon cadavre. Pour un bout d’viande mal avalée ! Haha ! La mort nulle ! » Et elle partit d’un rire franc, qu’elle n’aurait pas imaginé être capable de sortir après un tel coup de pression de la part de sa comparse de repas.

    Une fois qu’elle eut fini de rire, elle essuya les quelques larmes qui avaient perlé aux coins de ses yeux, et reprit :

    « Tu m’as foutu une sacrée frousse. J’ai bien cru que t’allais me zigouiller, tout à l’heure. Non pas que ce serait une honte de mourir de la main de la Fée Rouge, mais j’aimerais bien encore profiter un poil de ce que les petits plaisirs de la vie peuvent m’apporter, » confia-t-elle à son interlocutrice.

    Elle lui tendit ensuite la gourde :

    « En parlant des p’tits plaisirs… Tiens ! Vin d’mûre, c’est du bon, profites-en ! »
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    Re: Quelqu'un a commandé du faisan ? (Pv. Dreina)
    Mer 3 Avr 2019 - 17:37 #
    La Fée Rouge mastiquait sa viande en silence. Il y avait une raison, à ce surnom plus qu'un autre. Au fil de ses péripéties, des combats qu'elle livrait à-travers le royaume, quelque chose, dans ses hauts-faits, ressortait plus que le reste. Elle n'était pas le seul monstre du continent. Certains, avait-elle entendu dû dire, étaient capables de contrôler l'eau à leur guise, de provoquer de véritables tsunamis à eux-seuls. Une seule goutte leur suffisait à noyer des phalanges entières sous les flots. Il y avait aussi ceux qui évoquaient la puissance des vents à leur avantage, - rien que ces harpies ne sauraient jamais imiter. D'autres qui filaient à l'horizon, à la vitesse du son. La combattante avait même eu affaire à un homme qui maîtrisait le pouvoir de la glace. Un combat éprouvant, qui avait duré plusieurs heures.

    Mais parmi eux tous, seule Aniel brûlait d'une telle ambition. Elle était née pour la rage, pour la victoire. Et pourtant, on ne put empêcher de lui trouver de la grâce, de la féminité. Au moins de corps. Les rares acolytes qui l'avaient accompagnée durant ses périples témoignaient d'une chose : elle était la fille du volcan, une créature extraordinaire ; une fée. D'autres la surnommaient la « Chienne », celle qui ne lâchait jamais un adversaire, pas tant qu'il était encore en vie. Ou l'« Éruption ». De toutes évidences, selon Aniel, ces gens-là n'avaient aucune fibre poétique.

    Elle engloutit le bacon avec dépit, avant que Dreina n'échoue à faire de même. La jeune femme s'étouffa ; la Fée la regarda, incrédule. A quoi jouait-elle ? Comment pouvait-on venir à bout de ces monstres, et buter sur un bout de sauciflard de la sorte ? Un geste trahit l'humanité d'Aniel : elle s'approcha, dans le but d'aider l'aventurière. Du moins, c'est ce que cette dernière aurait pu se dire. Peut-être s'était-elle approchée simplement pour récupérer un morceau de viande supplémentaire ? Ou bien pour lui voler sa gourde ? A moins qu'elle ne voulait réellement l'abattre... ? - Après tout, c'était de la Fée Rouge dont on parlait !

    Elle s'interrompt quand Dreina purgea sa gorge à grandes goulées de vin chaud.

    « Eh beh, c’est pas passé loin. Un peu plus et t’aurais eu à gérer mon cadavre. Pour un bout d’viande mal avalée ! Haha ! La mort nulle ! »

    Aniel cilla, secouant doucement la mâchoire. Ce genre d'incidents ne lui était jamais arrivé, à elle, évidemment. L'eau, l'alcool, les victuailles : tout était réduit à l'état de pulpe magmatique, dans les entrailles de son organisme extraordinaire. Elle se fit la réflexion que si une telle petite chose pouvait tuer Dreina... tout pouvait la tuer. Avaler de travers plusieurs fois d'affilées la tuerait, probablement. Tomber tête la première contre un rocher, aussi. Un carreau d'arbalète en plein coeur, encore. Aniel, non. On pouvait bien la bombarder de cisailles d'air, son corps se reconstituait. On pourrait la brûler sur un bûcher : les flammes mourraient avant de l'atteindre. Et les attaques au corps à corps étaient nulles, face à elle, - exception faite des armes magiques.

    Il y avait un écart, abyssal, entre elle et cette inconnue.

    « Tu m’as foutu une sacrée frousse. J’ai bien cru que t’allais me zigouiller, tout à l’heure. Non pas que ce serait une honte de mourir de la main de la Fée Rouge, mais j’aimerais bien encore profiter un poil de ce que les petits plaisirs de la vie peuvent m’apporter. »

    Un tel écart... Et cette Dreina s'en rendait bien compte. Comment pouvait-elle supporter cet état de fait ? Comment vivre, dans la peau d'une femme pouvant périr d'une simple tranche de lard ? Dans la possibilité qu'un instant à l'autre, son interlocutrice pouvait la désintégrer comme il lui plaisait ? Car c'était bien la première fois qu'elle avait affaire à un spécimen aussi incongru. Elle avait risqué sa vie sous ses tirs, lui avait tenu tête, l'avait même enjoint à se faire remplir la rondelle métaphoriquement... et pourtant, elle la craignait. Vivre dans la peur de l'autre, tout en lui renvoyant ses crottes de nez au visage. La niaque de cette femme s'était, peu à peu, transformée en courage. Ou en folie.

    C'était probablement l'alcool plus qu'autre chose qui l'avait faite agir de la sorte. Sa congénère s'était enfilée une rasade entière sans aucun mal. Les malabars de cent kilos qui remplissaient les bars de la Capitale n'en faisaient pas autant.

    « En parlant des p’tits plaisirs… Tiens ! Vin d’mûre, c’est du bon, profites-en ! »

    Elle s'en saisit, reniflant le goulot avant de boire à son tour. Quelques gorgées lui suffirent : sans son pouvoir d'actif, elle subissait les effets de l'alcool comme tout le monde.

    « Comment faites-vous, vous autres, pour vivre dans cette crainte permanente ? Il aurait suffi qu'un de mes projectiles te touche pour que tu exploses. Que ton pied ripe contre la falaise pour que tu chutes... Que ce vin soit empoisonné pour que tu meures. Alors, je te le demande : qu'est-ce qui t'a poussé à faire tout ça ? »

    Lui demandait-elle pourquoi était-elle en train de vivre ? En quelque sorte. Plus exactement : vivre dans sa peau. Quelque chose d'irréel pour Aniel, elle qui n'a jamais rien connu d'autre que le triomphe, le combat. Toute sa vie était fomentée pour qu'elle arrive à son but. Ses relations étaient calculées ; même ses mots étaient choisis précautionneusement, - quand sa colère ne dégénérait pas. Une phrase lui revint à l'esprit, celle d'un prêtre de Lucy, qui avait eu la mauvaise idée de la sermonner. « Les monstres ne sont pas courageux, Aniel, - tu n'es pas courageuse. Seuls les Hommes le sont. » Elle tiqua et redonna l'outre à vin à Dreina.

    Était-il possible que pendant tout ce temps, Aniel n'ait jamais été dans rien d'autre que l'imposture d'être une femme forte ? Qu'elle n'était, en vérité, qu'un démon ?

    « Penses-tu réellement qu'il vaille la peine de vivre, si notre force ne suffit pas à changer le monde ? »

    De nouveau ce regard, deux pépites de soufre, observant la soûlarde.
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    Re: Quelqu'un a commandé du faisan ? (Pv. Dreina)
    Mer 3 Avr 2019 - 20:26 #
    Depuis qu'elle s'était étouffée, Aniel semblait détailler avec une certaine incompréhension la personne qui lui faisait face. Malgré son rire, malgré son apparente détente et sa désinvolture après l'avoir insultée, Dreina se sentait plus que jamais comme une bête de foire. C'était un étrange sentiment. Être observée de la sorte n'était pas dans ses habitudes. Ce n'était même plus de l'observation à ce stade... Elle se faisait disséquer par le simple regard d'Aniel. Une vulgaire grenouille qu'un homme de science aurait décidé d'ouvrir pour regarder ce qui se cachait à l'intérieur.

    Que ne fut sa surprise lorsque sa comparse de repas lui demanda :

    « Comment faites-vous, vous autres, pour vivre dans cette crainte permanente ? Il aurait suffi qu'un de mes projectiles te touche pour que tu exploses. Que ton pied ripe contre la falaise pour que tu chutes... Que ce vin soit empoisonné pour que tu meures. Alors, je te le demande : qu'est-ce qui t'a poussé à faire tout ça ? »

    Un clignement d'yeux. Puis un deuxième.



    Quoi ?

    Qu'est-ce qu'elle venait de lui dire là ? Qu'est-ce qu'elle lui chantait, celle-là ?

    Elles étaient là, à partager un repas et boire ensemble, et tout ce qu'elle trouvait comme sujet de conversation, c'était la raison de ses décisions ? Elle resta figée, telle quelle, pendant plusieurs longues secondes, tant la question lui semblait surréelle et aberrante. Mais quel genre de personne posait ce genre de question ? Son cerveau n'avait pas réussi à suivre, tant la conversation avait viré à la philosophie en un instant. Non pas qu'elle ne se posait jamais de questions sur la vie, la mort, elle-même et un peu les autres. Mais là, la transition... était inexistante, et la question très brute. Bien plus que ce qu'elle avait l'habitude de se demander.

    Seuls quelques bégaiements confus parvinrent à se frayer un chemin au travers de ses lèvres. Abasourdie, c'était tout à fait le mot qui décrivait l'état actuel de Dreina.

    Mais, évidemment, Aniel n'en avait pas fini ! Elle en rajouta une couche avec une autre question, tout aussi tordue que la précédente :

    « Penses-tu réellement qu'il vaille la peine de vivre, si notre force ne suffit pas à changer le monde ? »

    Quooooooooi ?!? Mais elle est maboule cette Fée Rouge, ma parole !

    La surprise que trahissait l'expression du visage de Dreina se teinta de gêne et de désarroi, avec une légère pointe d'anxiété mixée dans le tout. Elle ne se serait jamais doutée qu'au lieu des harpies, elle serait tombée sur un drôle d'oiseau pareil...

    « Je... »

    Le mot s'échappa tout seul de sa bouche. Elle tendit la main pour récupérer la gourde et en but une nouvelle gorgée, les yeux dans le vague, son cerveau toujours en plein processus de traitement des informations qui venaient de lui être balancées violemment.

    Est-ce qu'elle était sincère ? Est-ce qu'elle lui posait vraiment ces questions ? D'un coup d’œil en biais vers Aniel, elle conclut à l'expression de son visage que oui, elle l'était.

    Comment était-ce possible qu'une personne se pose ce genre de question ? On ne sait pas. On ne sait pas pourquoi on va de l'avant alors que littéralement toute chose en ce monde représente une potentielle menace mortelle pour quiconque. Personne ne sait. Et tout le monde avance malgré cette ignorance partagée et admise de tous. Personne ne se posait ce genre de questions là, puisque tout le monde savait que personne ne savait y répondre ! Alors pourquoi elle ?

    Était-ce le gouffre incommensurable qui les séparait irrémédiablement qui faisait qu'elle était dans l'incapacité de comprendre ce que c'était que vivre dans la peau d'une personne comme Dreina, d'une personne banale ?

    Elle pouffa doucement d'un petit rire nerveux.

    « Y'a vraiment qu'un gens au-dessus du lot pour me demander des trucs pareils... »

    Il y avait presque comme de l'accablement dans sa voix alors qu'elle prononçait ces paroles. Comme si elle ressentait cette différence de puissance de manière encore plus réelle à ce moment précis, comme si c'était devenu possible de la ressentir physiquement, et d'être pris de vertige à la seule pensée de cette interminable étendue de puissance qui manquait à Dreina pour pouvoir être considérée comme l'égale de cette femme.

    Elle se remémorait son père, autrefois, qui avait tout tenté pour qu'elle comprenne que sa raison de vivre et d'avancer c'était de vendre des tissus et des étoffes, afin de gagner de l'argent et encore plus d'argent, pour finalement s'élever dans la société. Un motif qui, déjà à l'époque, lui avait semblé futile, et qui aujourd'hui lui était insupportable à concevoir comme une réalité, même pire : comme une fatalité.

    Elle finit par se sortir du maelstrom de ses pensées, cligna plusieurs fois des yeux et regarda à nouveau la Fée.

    « J'imagine que c'est inconcevable pour quelqu'un d'aussi puissant qu'un être faible veuille vivre quand même, » commença-t-elle, sans la moindre once de reproche ou de méchanceté dans la voix, mais avec un petit sourire triste aux lèvres. « Nous aut', comme tu dis, on doit s'battre chaque jour pour survivre. Et c'est ça qui fait l'intérêt d'la chose, 'fin pour les aventuriers en tout cas. La mort, c'est notre lot quotidien. On sait bien que la plupart d'entre nous crèvent la bouche ouverte dans un bois, éventrés par un grognours ou j'sais pas quel autre merdier. »

    Elle marqua une pause, le temps d'avaler une nouvelle gorgée d'alcool et de tendre à nouveau la gourde à sa camarade.

    « Mais on l'fait quand même parce qu'on aime ça, j'pense. À quel moment tu t'sens la plus vivante, à ton avis ? Enfin, pas toi, mais un gens lambda, à ton avis, hein. À quel moment ce gens s'dit qu'il est bien en vie et qu'c'est merveilleux ? Exactement au moment où ce gens a réchappé à la mort. Y'a pas plus grisant que d'dire à la Grande Faucheuse d'aller s'faire mettre ailleurs. Toi, tu gagnes tout l'temps. À quel moment tu te sens vraiment en vie ? À quel moment tu t'amuse ? À quel moment tu t'améliore ? »

    Un sourire figé sur son visage, elle ne savait pour autant absolument pas ce qui avait aidé à peindre celui-ci. Joie, ivresse, bons souvenirs ? Qu'en savait-elle, et surtout, qu'en avait-elle à faire ?

    « Et pis, personnellement, j'ai pas l'intention d'changer le monde. J'veux juste vivre, avoir des p'tits plaisirs. Je sais très bien qu'ma force pourrait pas changer le monde. J'pourrais même pas changer la face d'un village. Mais j'vis quand même. Parce que l'but c'est pas d'changer le monde. J'suis même pas sûre que y'ait un but dans tout ça... »

    Elle s'allongea, les bras derrière la tête, son sourire béat toujours accroché à ses lèvres.

    « Si on pensait tous comme toi, y'aurait pas grand monde de vivant. Les gens comme toi, suffisamment fort pour changer la donne, ça court pas les rues. Si j'en suis ta logique, vous seriez les seuls à vivre... Mais à quoi bon remodeler le monde autour de toi s'il n'y a personne d'autre que toi pour vivre dedans, hein ? »
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    Re: Quelqu'un a commandé du faisan ? (Pv. Dreina)
    Mer 3 Avr 2019 - 21:31 #
    Le doyen du village natal d'Aniel, - un vieil hameau reclus dans l'Archipel et rayé des cartes peu après une terrible catastrophe naturelle ayant réduit ses habitants à l'état de composte pour planctons - parlait de l'allégorie de la caverne en ces termes suivants... et la Fée s'en souvint, tandis que Dreina bafouillait devant elle.

    « Peu de gens, sur cette terre, ont le désir de s'élever. Ils vivent dans le noir, tout au fond d'une caverne, avec pour seule lumière un feu, brûlant derrière eux. Ils ne peuvent jamais le voir, - car ils ne se retourne jamais. En revanche, ils aperçoivent, sur le mur qui leur font face, les silhouettes de ceux qui passent devant ce feu, comme un jeu d'ombres, et se réjouissent d'en voir une bouger plus qu'une autre. Une satisfaction insipide, sans morale... »

    A cette époque, déjà, Aniel n'avait eu aucun mal à faire corréler le monde réel avec cette allégorie : la caverne était le symbole de l’obscurité spirituel dans lequel se vautraient corps et âmes les Hommes. Le feu derrière eux, lui, le simulacre de leurs idées. Ils vivaient dans un microcosme, dans un monde à eux. Et les ombres qui se profilaient n'étaient rien d'autre que des banalités sans intérêt.

    « Cependant... parfois, un des hommes se retourne. Il voit alors le feu... et se rend compte du subterfuge. Pris de curiosité, il décide de franchir la caverne pour en sortir... C'est le chemin de croix de chaque héros : une route solitaire, ingrate, au-delà de toutes les conceptions que peuvent se faire ceux qui continuent de regarder les ombres passer. Ensuite...

    … Il finit par sortir de la caverne et est ébloui par le soleil, par les idées de bien. Les souvenirs de sa vie passée le débectent... Comment a-t-il pu, pendant tout ce temps, rester vautré devant cette parodie d'existence ? Comment pouvait-il ne pas vivre dignement, tel que ce devrait toujours être le cas ? Quand cet homme, peu de temps après, revient dans la caverne dans le but d'avertir ses congénères... il ne reçoit que moqueries de leur part. Souviens-toi, Aniel : tu peux conseiller un individu, l'avertir, parfois même le façonner... mais tu ne peux pas l'obliger à agir. »

    Retour à la réalité pour la Fée... Elle secoua la tête. Le massacre des harpies était loin, désormais. Elle n'avait en face d'elle que Dreina, incrédule, qui débitait.

    « J'imagine que c'est inconcevable pour quelqu'un d'aussi puissant qu'un être faible veuille vivre quand même. Nous aut', comme tu dis, on doit s'battre chaque jour pour survivre. Et c'est ça qui fait l'intérêt d'la chose, 'fin pour les aventuriers en tout cas. La mort, c'est notre lot quotidien. On sait bien que la plupart d'entre nous crèvent la bouche ouverte dans un bois, éventrés par un grognours ou j'sais pas quel autre merdier. »

    Elle but avant de tendre l'outre à Aniel. Cette dernière la regarda, dans un refus silencieux, léonin.

    « Mais on l'fait quand même parce qu'on aime ça, j'pense. À quel moment tu t'sens la plus vivante, à ton avis ? Enfin, pas toi, mais un gens lambda, à ton avis, hein. À quel moment ce gens s'dit qu'il est bien en vie et qu'c'est merveilleux ? Exactement au moment où ce gens a réchappé à la mort. Y'a pas plus grisant que d'dire à la Grande Faucheuse d'aller s'faire mettre ailleurs. Toi, tu gagnes tout l'temps. À quel moment tu te sens vraiment en vie ? À quel moment tu t'amuses ? À quel moment tu t'améliores ? »

    Aniel tiqua. L'aventurière semblait avoir dit vrai. Si elle trouvait de l'exaltation dans ses premiers combats, force est de constater que la Fée était devenue ce qu'elle était : une créature implacable, increvable, que même les tirs et la plupart des pouvoirs n'arrivaient pas à éreinter. Elle qui rêvait d'ambitions, elle se rendait compte, peu à peu, que le monde n'était pas assez grand pour elle. C'était certainement pour cela qu'elle souhaitait le voir changer ; ça, ou tenter sa chance dans le territoire inconnu, par-delà le Gouffre.

    « Et pis, personnellement, j'ai pas l'intention d'changer le monde. J'veux juste vivre, avoir des p'tits plaisirs. Je sais très bien qu'ma force pourrait pas changer le monde. J'pourrais même pas changer la face d'un village. Mais j'vis quand même. Parce que l'but c'est pas d'changer le monde. J'suis même pas sûre que y'ait un but dans tout ça... »

    La jeune femme lui paraissait si grossière, si rachitique, désormais qu'elle s'allongeait sur le sol, en vague à ses courtes pensées. Toutefois, Aniel lui reconnut quelque chose : ce n'était pas une lâche, ni une fanfaronne. Elle parlait de ce qu'elle connaissait, c'est-à-dire la vie, dans sa forme la plus brute. Quelque chose d'empirique, - et d'authentique, donc. Elle avait le même cheminement intellectuel que la Fée elle-même. La seule chose qui les différenciait réellement est qu'Aniel, elle, avait les armes pour s'élever, tandis que Dreina s'était faite à l'idée de ne rien pouvoir faire. Alors elle vivait, ainsi, en bonne épicurienne. Qu'y avait-il de mal à ça ?

    Rien, conclut intérieurement Aniel. Il n'y a absolument rien d'amoral à ça...

    « Si on pensait tous comme toi, y'aurait pas grand monde de vivant. Les gens comme toi, suffisamment fort pour changer la donne, ça court pas les rues. Si j'en suis ta logique, vous seriez les seuls à vivre... Mais à quoi bon remodeler le monde autour de toi s'il n'y a personne d'autre que toi pour vivre dedans, hein ? »

    Elle rit... puis s'esclaffe, pour de bon, rejetant le buste en arrière. Ses appuis ne tanguaient pas d'un iota, même accroupie. « C'est bien parlé ! » Elle se releva, époussetant ses cuisses. « Tu m'apprends ce que je savais déjà... Ou plus exactement, tu me le confirmes : je ne suis pas comme les autres. Ce n'est pas que vous ne voulez pas quitter la caverne, c'est que vous en êtes incapables. Ce qui est bien logique, puisque si tout le monde la quittait, alors la caverne elle-même n'aurait plus lieu d'être... Or il doit y avoir une hiérarchie, dans l'ordre des choses... »

    Aux oreilles de Dreina, tout cela devait avoir autant de sens qu'un concerto de contrebasse en langage draconique : du charabia. Quelque chose de beau, mais d'incompréhensible. Ce n'était pas un problème, pour Aniel, puisqu'elle se comprenait. Le monde devenait plus clair, à ses yeux, et plus rassurant... Elle était du maillon supérieur, et il était évident qu'on ne la comprendrait pas, comme un chien ne comprendrait pas les intentions profondes de son maître. Il obéit, par instinct. L'idée d'une conscience propre lui échappe.

    Elle en vint donc à ce fait : le jour où elle se tiendrait sur le toit du monde, si elle ne pouvait pas élever les Hommes à son niveau, elle pourrait, au moins, les obliger à l'écouter, elle. A la suivre, coût que coûte, dans des ambitions qui germaient déjà dans sa tête. Elle s'approcha de Dreina et, en guise de bonne foi, lui tendit la main.

    « Tu es simple... mais je t'aime bien. Tu parles avec franchise. C'est quelque chose de trop rare pour que je l'ignore. Sache tu as tout mon respect pour ce que tu es. »

    Ces mots étaient sincères ; les deux femmes avaient quitté le sentier de la discussion bien-pensante depuis bien longtemps. Elles ne l'avaient d'ailleurs, sans doute, jamais atteint.

    « Cependant, nous devrions nous mettre en route. Cette région est hostile, la nuit, et je n'ai pas envie d'avoir à subir une averse, - je n'aime pas avoir les vêtements trempés. », ajouta-t-elle précipitamment. Il n'était pas question de révéler sa plus grande faiblesse à cette jeune femme qui, pour l'une des rares fois où elle rencontrait quelqu'un, lui était sympathique. Auquel cas, elle devrait l'abattre.
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    Re: Quelqu'un a commandé du faisan ? (Pv. Dreina)
    Jeu 4 Avr 2019 - 13:27 #
    Allongée là, à moitié sur l’herbe, à moitié sur la roche, Dreina repensait à sa jeunesse. Cette tirade grandiloquente avait éveillé en elle une mélancolie qu’elle aurait préféré garder enfouie bien au fond de son cœur. Ce n’était pas spécialement des moments tristes, mais le souvenir de ceux-ci lui rappelait que c’était une époque révolue, une époque d’innocence et de plénitude béate.

    Elle se revoyait, enfant, insouciante gamine qui courait dans les ruelles du Grand Port. Ses pieds nus, pour éviter de salir les souliers que ses parents lui avaient acheté ; sa robe en tissu de qualité, rangée dans une cachette secrète, pour éviter de l’abîmer. Et ses combats. Ses bagarres qui, à l’époque, lui semblaient plus épique que n’importe quel haut fait des héros d’antan dont elle avait étudié les noms avec son précepteur. Ses petits poings serrés avaient alors la force des dieux, quels qu’ils soient ; ses muscles étaient mus par la fureur de toutes les armées du monde ; et la vue de son opposant au sol déclarant forfait avait le goût du triomphe des anges sur les démons. Elle se voyait comme le sommet du monde, le maillon ultime de la chaîne alimentaire.

    Le monde lui semblait plus vaste, en ce temps. Elle n’en connaissait qu’une infime partie, et ne se serait jamais doutée qu’elle aurait pu un jour voir tout ce dont elle avait pu être témoin depuis ses débuts d’aventurière… Et pourtant, elle se sentait bien plus à l’étroit qu’enfant. Ses poings divins étaient devenus tout juste suffisant pour rosser les poivrots des tavernes ; sa fureur n’était plus qu’une routine de combats pour pouvoir se nourrir ; ses triomphes ne valaient plus rien tant elle réalisait n’être qu’une fourmi se battant vainement contre d’autres fourmis.

    Elle revint à la réalité lorsque la Fée rit, et se releva tout en époussetant ses cuisses :

    « C'est bien parlé ! Tu m'apprends ce que je savais déjà... Ou plus exactement, tu me le confirmes : je ne suis pas comme les autres. Ce n'est pas que vous ne voulez pas quitter la caverne, c'est que vous en êtes incapable. Ce qui est bien logique, puisque si tout le monde la quittait, alors la caverne elle-même n'aurait plus lieu d'être... Or il doit y avoir une hiérarchie, dans l'ordre des choses... »

    Dreina eut un sourire. Quitter la caverne ? Une hiérarchie ? Décidément, cette Fée Rouge dont tout le monde à la Guilde parlait était complètement barjo. Elle faisait références à des choses qui échappaient totalement à la blonde. Mais ça ne la gênait pas, pas tant que ça. Elle avait d’autres soucis que d’essayer de comprendre quelqu’un qui ne serait jamais capable de la comprendre, elle. Ce serait une perte de temps, elle le réalisait bien. Même si elle avait des désillusions, celles-ci ne pourraient jamais être de la même sorte que celle de Dreina. L’incompréhension resterait totale entre elles, probablement pour toujours.

    Alors qu’elle se relevait elle aussi, prête à partir, la Corbac fut étonnée de voir la main d’Aniel se tendre et d’entendre ses paroles :

    « Tu es simple... mais je t'aime bien. Tu parles avec franchise. C'est quelque chose de trop rare pour que je l'ignore. Sache tu as tout mon respect pour ce que tu es. »

    Elle n’était pas bien sûre de comprendre ce qu’elle avait derrière la tête en disant ça. Le respect de la Fée Rouge, pourquoi ? Pour avoir parlé franchement ? Pour avoir réfléchi sur sa vie le temps d’un instant, elle qui n’était d’habitude pas philosophe pour deux sous ? Tout ça lui paraissait bien étrange, mais comme elle venait de se le dire à elle-même : elles ne se comprendraient probablement jamais totalement. Alors autant faire avec ce qu’elles avaient au moment présent. Et, pour Dreina, ça représentait sa vie sauve et le respect d’une aventurière de grande renommée. C’était bien.

    Elle prit la main tendue et la serra fermement, un sourire en coin affiché sur sa bouche.

    « Cependant, nous devrions nous mettre en route. Cette région est hostile, la nuit, et je n'ai pas envie d'avoir à subir une averse, - je n'aime pas avoir les vêtements trempés, » enchaîna Aniel.

    Dreina leva le nez vers les cieux et leurs nuages chargés de pluie et peints de nuances de gris. Ils étaient menaçants, mais elle pensait plutôt que l’averse viendrait durant la deuxième partie de la nuit. Elle haussa les épaules et redirigea son attention vers la mage.

    « Boarf, moi ça m’gêne pas, et pis ça risque pas de pleuvoir avant un bout… M’enfin, t’as raison, on a fait ce qu’on avait à faire, alors autant se rentrer. »

    Elle ramassa son sac et le passa en bandoulière, puis replia son arme sous sa forme d’épée et la rangea dans son fourreau spécial, sur son flanc gauche. D’un coup d’œil alentour, elle vérifia qu’elle n’avait rien oublié, et hésita un instant, lorsque son regard se posa sur les nids carbonisés qui se trouvaient sur la falaise en face, à retourner voir dedans s’il ne restait pas un œuf éventuellement intact… Elle se ravisa, se convaincant elle-même que c’était plus qu’improbable étant donnée la puissance de feu de l’artillerie d’Aniel.

    Elle se tourna d’ailleurs vers elle, et déclara « En route ! » d’une voix enjouée, comme si elle était de nouveau l’enfant qu’elle avait été et qu’elle rentrait chez elle après avoir gagné une de ses bagarres. Mais la goût qu’elle avait en bouche n’était plus le même.

    Après seulement quelques pas, sans même la regarder, elle lâcha à sa comparse :

    « Moi j’m’en vais vers le village perché. J’vais y crécher pour la nuit j’pense. Plus près, pas trop cher. Et pis j’me suis déjà fait quelques potes là-bas, avant de venir. Des poivrots, mais sont sympaAAAH ! »

    Son pied venait de ripper sur une pierre un peu trop lisse. Heureusement, elle avait réussi à se rattraper à une autre pierre qui était là et sur laquelle elle avait déjà préalablement pris en partie appui. Plus de peurs que de mal. Elle souffla, se redressa et se tourna vers la Fée Rouge. Elle était encore plus pâle que d’habitude. Dans ce genre d’endroits, une mauvaise chute, même banale, pouvait finir en mort violente au bas d’une falaise après avoir dévalé une pente abrupte pendant de longues minutes… Un crâne fracassé, voilà ce qu’elle aurait pu avoir en guise de récompense pour son empressement.

    « Pfiou… » dit-elle. « C’est pas ma journée dis donc… Vivement qu’on soit en bas, dans la forêt, on y sera mieux... »

    Elle se remémora son discours d’un peu plus tôt sur la vie et l’imminence de la mort, et se maudit : là, de suite, elle ne se sentait pas plus vivante, mais bien terrifiée. Elle allait redoubler d’attention pour chacun de ses pas désormais.

    « Et du coup, toi, tu vas vers où ? Village, ou tu fonce direct sur la capitale ? »
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    Re: Quelqu'un a commandé du faisan ? (Pv. Dreina)
    Jeu 4 Avr 2019 - 17:11 #
    Au fil de ses périples, Aniel avait développé comme un sixième sens, lui permettant de sentir l'approche d'une averse ou d'une tempête, - la première pouvant rendre la seconde mortelle. En cas de contact avec l'eau, son pouvoir s'annulerait, et il lui serait alors impossible d'encaisser les vents violents, ou même la chute d'un arbre. Si les attaques des harpies ne l'avaient pas égratignée d'un chouïa, c'était uniquement dû à la régénération délirante que lui procuraient ses capacités. Instinctivement, donc, elle s'était méfiée des changements météos un peu trop abrupts, qui pouvaient avoir lieu sur Aryon. Tandis que le ciel se grisait, elle pressentait le danger arriver.

    « En route ! »

    La Fée fronça du nez. Elle avait décidément lu en Dreina comme dans un livre ouvert : malgré les enjeux auxquels elle l'avait confrontée, l'imminence de la morte, certes, mais aussi de la condition de l'humanité toute entière, la soûlarde avait retrouvé son panache sans mal aucun, comme si jamais leur discussion n'avait eu lieu. Du moins, c'est ce qu'elle estimait d'un regard. Comme elle aurait aimé pouvoir être aussi insouciante qu'elle... ! C'était le bagage de tous les grands héros, lui semblait-il : assumer les responsabilités de leurs grands pouvoirs. Dreina, elle, n'avait de compte à rendre à personne, pas même à Lucy. Elle pouvait bien mourir en paix.

    « Moi j’m’en vais vers le village perché. J’vais y crécher pour la nuit j’pense. Plus près, pas trop cher. Et pis j’me suis déjà fait quelques potes là-bas, avant de venir. Des poivrots, mais sont sympaAAAH ! »

    Aniel leva un élégant sourcil. A quoi diable jouait-elle ? A croire que du bacon et des pentes escarpées étaient plus dangereuses pour cette femme qu'une horde de harpies. Elle y songeait, maintenant : si elle devait couper par la Grande Forêt, la canopée ne les protégerait pas de la pluie. Pas totalement. En temps normal, cela ne lui aurait pas posé de problème : il y avait toujours un lieu où s'abriter, une grotte, - avec un Grognours faisandé en prime - une feuille de séquoia, une vieille bicoque... Mais ici, elle était accompagnée. Aniel était formelle : personne ne devait connaître sa faiblesse.

    Sa congénère se releva, hasardeusement, le visage pâle comme une pleine lune.

    « Pfiou… qu'elle fit. C’est pas ma journée dis donc… Vivement qu’on soit en bas, dans la forêt, on y sera mieux... »

    Pour éviter la pluie, - la Fée poursuivait dans son monologue de pensée, tandis que l'aventurière qui l'accompagnait essayait tant bien que mal de survivre à leur chemin retour - elle avait pris l'habitude de plonger sous le sol. Il lui suffisait de produire une chaleur suffisante pour que le sol fonde sous ses pieds, et d'emprunter les tunnels que laissaient les vers foreurs derrière eux, - ou de créer son propre tunnel, peu importait.

    Elle n'avait pas besoin d'oxygène pour vivre. Du moins, pas tant que son pouvoir était actif, et pour cause : elle serait morte d'asphyxie depuis bien longtemps, le cas contraire. Les rejets de gaz toxiques étaient ce qui vous tuaient le premier, dans un incendie, plus que le feu lui-même. Comme ce le fut cas pour les pauvres bébés harpies, qui s'étaient jetées du promontoire tout à l'heure. Elle ne connaissait, à ce titre, pas la famine non plus. Après tout, on n'avait jamais entendu parler d'un volcan qu'il fallait nourrir. Elle pouvait rester en état de stase pendant des semaines, peut-être même des mois. Elle n'avait jamais essayé.

    « Et du coup, toi, tu vas vers où ? Village, ou tu fonces direct sur la capitale ? »

    Aniel saisit la tête de la matrone qui pendouillait à ses hanches et l'enferma dans un sac.

    « Je n'ai pas de temps à perdre. Les autochtones du Village Perché ont tendance à m'ennuyer, avec leur relativisme. »

    Il n'était, ici, pas question d'accompagner Dreina pour assurer son retour, ou même la protéger de ce qui pourrait advenir d'elle dans la Grande Forêt. Quand-bien même Aniel avait eu la confirmation qu'elle n'était pas comme les autres, qui ? grands cieux QUI ? pouvait perdre la vie dans des endroits peuplés de monstres aussi lamentables ? Elle la laissait d'elle-même rentrer à la capitale, comme on laisserait son enfant traverser la rue pour rentrer chez soi. Il n'y avait, à ses yeux, aucun danger. Ce qui était ultimement faux, mais qui ne rentrait pas dans l'algorithme mégalomaniaque de la Fée Rouge.

    « Fais attention à toi, dit-elle pour la forme. Nous nous retrouverons probablement au QG de la guilde. D'ici-là... »

    Dreina n'entendrait jamais ce qu'elle avait à dire. Au même moment, une explosion fracassante retentit juste à côté d'elle, comme de la roche qu'on aurait brisé d'un coup sec. L'improbable se produisit sous ses yeux...

    Le thorax d'Aniel avait, pour ainsi dire, détonné de toutes ses forces, projetant des nuées de scories incandescents aux alentours. La femme brûlait comme un gros cigare ; les débris qui touchaient le sol fumaient comme un feu de bois récemment éteint. Bientôt, tout son corps doubla de volume, recouvert d'une épaisse nappe de magma, telle une armure qu'aucune arme au monde ne pouvait franchir. En même temps qu'elle se métamorphosait, elle avançait, et ses pas la guidaient peu à peu sous terre, au-travers d'un tunnel que sa propre chaleur creusait dans la sol. Si Dreina, - comme bon nombre d'aventuriers de la guilde, à vrai dire - souhaitait voir le pouvoir de la Fée en action, elle était désormais servie. Aniel avait laissé place à un véritable monstre qui, bientôt, disparut en-travers même du paysage.

    Elle n'avait laissé, derrière elle, qu'un corridor bouillant de lave. Lave qui finirait irrémédiablement par fondre. Etait-il réellement possible, pour un être normalement constitué, de l'emprunter ? Il n'y avait qu'à essayer... !
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    Re: Quelqu'un a commandé du faisan ? (Pv. Dreina)
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