Fête à la saucisse
Chasse aux fantômes
Connaissez vous la fête à la saucisse ? La fête annuelle d'un petit village de campagne réputé et bien... pour ses saucisses. Vous allez passer une soirée festive et chaleureuse jusqu'à ce que le doyen du village vous propose de loger à l'auberge "Cunaki" : un bâtiment à l'écart du village, assez délabré mais aucun autre logement n'est disponible sur place. Il va falloir faire avec...
L'aubergiste, une femme assez terne vous accueille sans un sourire et vous montre vos chambres. Vous vous couchez avec le sifflement du vent entre les fenêtres et les branches des arbres qui grattent aux volets.
Seulement... quelque chose va vous réveiller dans la nuit. Le sentiment d'être observé, l'insécurité...
En cherchant l'aubergiste : elle n'est pas là. En voulant sortir : tout est verrouillés... Vous êtes enfermés.
Informations
Participants :
- Fauve Milan
- Diane Avalon
Le leader va recevoir sous peu les informations concernant la "chose" à débusquer ainsi que quelques explications supplémentaires sur son rôle !
En dehors de cela, c'est un RP tout à fait classique que vous développerez en auto-modération...
Objectif
Une présence rode... Il va falloir la trouver, l'identifier et vous en débarrasser par tous les moyens possibles et inimaginables.
Il existe également trois défis cachés à réalisé pour gagner des points en plus. Bien sur, ces derniers ne seront pas dévoilés tant que vous n'aurez pas terminé le RP !
Loin, au-delà des plaines verdoyantes, au-delà des collines herbeuses qui longent la frontière du village perché, là où la grande forêt s’interrompt comme si subitement la nature avait compris d’elle-même qu’elle n’était pas bienvenue, se tenait une auberge. A l’orée du village de Sarton. A l’endroit où se mêlent nuages et brouillard. Si dense que l’on pense entrer dans une mer de coton qui vous ouvre grand les bras dotée de toute sa douceur, de tout son mystère, pour se refermer dans votre dos. A tout jamais. Certains disent que le temps se perd, qu’il se fige ou s’accélère. Pourtant c’est une agréable petite auberge bien qu’abîmé par le temps. Dominant de toute sa hauteur les voyageurs égarés qui viennent y trouver refuge, ses fenêtres de verres polis laissent filtrer la douceur lueur des chandelles et lorsque sa porte s’entrouvre c’est le délicat fumet d’un ragoût bien chaud qui s’en échappe. Mais lorsque la nuit vient, lorsque tout les cristaux sont éteint et que les voyageurs sont endormis, la maison se met à chanter. Le bois se tord, se noue et se dénoue tandis que la chose arpente ses murs. Une ombre parmi les ombres, une chose qu’aucun ne connaît sauf ceux qui l’ont vu. Mais qui sont-ils ? Personne. Maintenant, ils sont à elle et jamais plus, ils n’en reviendront.
Quelques part, au cœur de la mer brumeuse, une lueur de vie s’allume. Une aurore impromptue qui avance au rythme du pas des chevaux. Lentement. Ils approchent. La créature les voit, elle les observe et ses yeux oranges s’embrasent dans le reflet de la vitre de l’étage. Ils viennent pour elle ! Ils viennent à sa rencontre pour vivre à ses côtés, pour toujours ! Ses griffes crissent de plaisir contre le verre, le faisant gémir de dépit. Ils seront bientôt là ! Dans quelques instants ils entreront et...Une clameur retentit brusquement, la détournant de ses nouveaux amis. Elle doit attendre, ce n’est pas le moment. Il y a encore des troubles paix. Soudain la lumière s’allume ; la chose s’évanouit. Ne reste sur la vitre que la buée d’un souffle chaud que l’aubergiste ne remarquera pas.
***
- La fête à la saucisse ? Sérieusement ? Grommela Cécil, emmitouflé dans la trop large cape que Fauve avait déposé sur ses épaules. Voilà maintenant plusieurs heures qu’ils ont reprit la route, pour son plus grand bonheur. Le souvenir du dernier monstre qui avait croisé leur route ne cessait de revenir hanter son esprit, son corps décharné, la lueur fébrile qui perçait sa poitrine comme une lueur de répit. Ses doigts se ressérèrent sur les rênes de Baltus qui se raidit. Lui aussi se souvenait. Petit cheval courageux mais loin d’être fou, il avait vu suffisamment de créatures au cours de sa vie pour savoir quand la fuite devenait la seule option. Le duo avançait donc dans une étendue de nuage aussi trouble que de la vase, guidés seulement par le clip clop régulier de la mouture de l’aventurier. Ils avaient bien évidemment allumé des torches, des cristaux de lumière mais rien ne perçait réellement. Pas même la lune. Parfois Cécil perdait de vue son guide et il avait subitement l’impression que des milliers d’yeux s’agitaient autour de lui, pourtant invisible mais qui suivaient chacun de ses pas dans l’espoir qu’il s’égare. Par chance Baltus suivait son cap, pressait le pas et en un rien de temps il se retrouvait le nez contre la croupe de son congénère. - On ne pouvait pas tout simplement, je ne sais pas, s’arrêter dans un joli petit village de rase campagne ! Parler faisait du bien à Cécil, mais contrariait visiblement Fauve qui ne lui répondait pas beaucoup. Sans doute que leur dernière heure de marche avec le petit brun rouspétant pour tout et rien avait usé sa patience infinie ?
Toujours est-il qu’il les avait guidé sans rechigner à travers les bois sombres dont les troncs noueux s’élevaient par delà les étoiles, dont les enchevêtrement de branches tous plus tortueux les uns que les autres auraient fait cauchemarder plus d’un enfant. L’aura lourde et pesante ne l’avait pas fait cillé un instant. Même si Cécil n’était pas prêt de l’admettre, sa présence avait été un véritable réconfort. Au milieu de la nuit ils étaient arrivés à Sarton et malheureusement la raison évoquée par Fauve n’avait pas plut au danseur. La fête de la saucisse touchait à sa fin, les derniers stands rentraient leurs mets succulent et les quelques badauds qui tenaient encore debout ou ne dégobillaient pas dans le caniveaux -et dont le chef du village faisait parti – leur avait indiqué une auberge. Fort sympathique d’après eux, juste à la sortie nord du village. Malheureusement pour Cécil en rase campagne ; il avait fallut plus d’une trentaine de minute afin d’apercevoir la haute bâtisse, ce qui avait échauffé son esprit fatigué.
Comme promis l’auberge Cunaki les attendaient, fièrement dressée en bordure d’un rideau d’arbre tarabiscotés. Cécil s’imagina immédiatement la douceur du feu, la sauce de la viande glissant le long de sa gorge et le vin qui viendrait la sublimer. Sa mauvaise humeur s’envola. Il talonna doucement Baltus qui accéléra.
- Au moins on aura pas attendu pour rien !
Lorsqu’ils arrivèrent un silence de mort les attendaient. Dans la cour principale il n’y avait pas âme qui vive, même les oiseaux de nuit et les petits animaux se déplaçaient sans faire de bruit. Seul le grincement d'une balançoire suspendue dans un saule pleureur au loin, les salua. Les chevaux renâclèrent tandis que leurs cavaliers mettaient pied à terre. L’endroit était riche, ou du moins l’avait été. Des herbes folles avaient reprit leurs droits sur la propriété depuis longtemps, enlaçant avec tendresse les quelques restes de statues brisées qui jonchaient les quatre coins du jardin, au centre ce qui avait par le passé été une fontaine était envahit de lichens et quelques barreaux des herses entourant le domaine semblaient avoir été tordu pour d’obscures raisons.
- On devrait peut-être aller toquer… ? Demanda le brun tout en se rapprochant de Fauve. Mais avant qu’il ne puisse lui répondre la porte principale s’ouvrit en fracas, laissant apparaître la silhouette charpenté d’un homme dans la fleur de l’âge.
- Qui va là ? Gronda-t-il de sa voix de ténor. Ses épaules, plus larges encore que celles de l’aventurier, passaient à peine l’encadrure de la porte. Une longue barbe décorait une mâchoire sans doute carrée et ses petits yeux porcins fusillaient les deux invités du regard. Cécil fit un pas en arrière, collant son épaule à celle de Fauve. L’homme fit un pas de plus sur le perron avant d’essuyer son large couteau couvert de sang sur un tablier où de trop nombreux liserés rouge s’étendaient déjà.
- Nou-…Baltus frappa le sol du pied avant d’amorcer un mouvement de recul, tendu comme un arc.
- Allons, papa ! Ce n’est pas comme ça qu’on accueil les invités ! S’écria une voix fluette dans son dos. - Et tu oses te demander pourquoi personne ne vient plus ici ?! Dans une nuée de jupon, la silhouette d’une jeune femme se détacha de la lumière. A l’inverse de son géniteur, ses épaules étaient menues, fines et délicates, si bien que même Cécil aurait aimé embrasser leur creux. De longs cheveux noirs aux boucles parfaitement dessinées retombaient comme des ressorts sur sa poitrine à chacun de ses mouvements. Quant à ses yeux, grands et d’un marron automnale chaleureux, ils pétillaient de curiosité. - Billy va s’occuper de vos chevaux ! Vous désirez une chambre, c’est ça ?
- Deux pour être exact… Marmonna Cécil.
- Ça tombe bien nous avons fait un ragoût de saucisse succulent ! Entrez, entrez ! Venez donc vous réchauffer au coin du feu ! S’écria avec enthousiasme la jeune aubergiste en s’accrochant au bras de Cécil qui se raidit comme un bout de bois. - C’que vous avez des traits fins ! Poursuivit-elle avec le même entrain en lorgnant son visage. - Je vous envierais presque !
- Mh oui… Répondit le jeune homme en se laissant entraîné, ses yeux suppliant Fauve de les suivre alors qu’un jeune garçon, visiblement las, sortait lui aussi de la maisonnée. Il dépassa le quatuor pour attraper la bride des deux chevaux. Les animaux reculèrent brusquement, comme sortie de la torpeur, un hennissement craintif retentit et Billy les guida tant bien que mal vers l’écurie.
- Sal’té de canasson. Maugréa l’aubergiste en prenant la tête de leur petit groupe.
- Les chevaux ont toujours eut peur de lui… Souffla la demoiselle à l’attention des deux hommes.
Cécil hocha la tête par politesse. Et se demanda si il n’était pas un cheval.
Les deux voyageurs pénétrèrent enfin dans le cœur de la maison. Comme l’on pouvait s’y attendre dans toute bonne auberge, un feu vif brûlait dans la cheminée, le bois explosant par petite pétarade de temps à autres. Au dessus des flammes dansantes, un gigantesque chaudron d’où émanait une alléchante odeur de viande et de sauce au vin, de thym et de romarin. Des tables occupaient la majorité de l’espace. Au fond de la pièce derrière le bar, une porte donnant sur les cuisines et au centre un escalier montant à l’étage.
- Installez vous donc ! Claironna l’aubergiste aux cheveux de jais, asseyant presque de force le pauvre Cécil. - Il n’y a pas grand monde ce soir, mais que des habitués ! Vous pourrez dormir sur vos deux oreilles ! Un soupire de soulagement échappa au brun. Le remarquant, la demoiselle se pencha inquiète. - Vous semblez épuisé mon pauvre garçon ! Vous aussi d’ailleurs… Dit-elle en s’approchant de l’aventurier, posant une main réconfortante sur son avant bras musculeux.
- Nous avons fait quelques… Mauvaise rencontre dans la forêt…
- Oh… Les bois la nuit… Sont redoutables… Ses yeux mordorés se tournèrent vers l’escalier dont les hauteurs disparaissaient dans la pénombre. - Et terrifiants… Son souffle sembla se couper, son sourire perdit de son éclat. - Mais ici… Vous n’aurez rien à craindre ! Son visage se sabra de nouveau et toute son attention leur fut à nouveau offerte. - Pas d’ça chez nous ! Même le vieux Rob est inoffensif ! Son doigt se pointa vers l’entrée, presque derrière la porte, là où personne ne pouvait le remarquer se tenait un homme aux cheveux grisonnant et aux bajoues qui pendaient comme deux chaussettes. Son regard bleu acier les parcourus quelques instants, il émit un grondement et s’en retourna à sa choppe de bière.
- Charmant…
- Allons allons, c’est un vieux monsieur… En tout cas, vous n’avez rien à craindre. Prenez vos aises, je vous apporte de quoi manger ! Et sans crier gare, elle disparut derrière la porte menant aux cuisines.
- Aaaaah… Soupira Cécil en étirant ses jambes sous la table. - Je suis content d’être tombé sur cette auberge. Un vrai pain béni. En plus les gens ont l’air tout à fait correct ! Ses yeux ambre se posèrent autour d’eux. Partiellement vide de vie en dehors d’eux et du vieux Rob, se tenait néanmoins trois autres personnes dans la pièce. Un couple de jeune gens légèrement sur leur droite et qui ne leur prêtait absolument aucune attention, trop occupés a se chuchoter des mots doux et à l’autre bout, à l’endroit le plus proche des cuisines, une silhouette féminine encapuchonnée. Rien qui ne vaille la peine de s’alarmer. - Ce soir, sera enfin une nuit parfaite ! Dit-il en tapotant ses mains.
Dayän quant à elle, tremblait de toute son âme dans la sacoche de Cécil. Tapie au plus profond du cuir, souhaitant disparaître et que jamais on ne la découvrit.
— Les saucisses c’est bon. On aurait pu avoir la fête aux panais ou encore aux topinambours et on aurait été bien dans la merde. Ou même la fête de la bouse de vache. Franchement, les saucisses, ça passe bien. Puis, si celle de la fête ne te plaît pas, je te ferai gouter la mienne.
Rien de mieux qu'une remarque dans ce genre pour voir son visage plisser un peu face à cela, c’est hilarant. Un peu moins que quand j’étais Kitty par contre. Enfin, selon ses propres dires j’aurais plus de chance avec mon corps actuel. Peut-être que c’est un timide qui veut se faire croire important et qui a besoin d’un peu de mes douces paroles pour se décoincer le fondement en paix.
C’est ce que je pense en tout cas, alors qu’on approche de l’auberge qui nous accueillera pour la nuit, là au moins nous aurons une nuit tranquille, sans créature pour troubler notre sommeil. En tout cas, cela me plait beaucoup de savoir combien il continue à être proche de moi sans fuir parce que je suis son escorte. Il y en a beaucoup qui malgré ma fonction prennent le plus de distance possible, quelque part il me donne un peu envie de le couver. Un peu seulement. Je vois Soly qui baisse les oreilles au fur et à mesure qu’on approche, c’est encore pire quand on rencontre l’aubergiste et sa fille, mais aucun son ne sort de sa bouche. Même quand je passe une main dans sa fourrure, elle semble être sur ses gardes.
— Du pain bénit… Hum… Tu en penses quoi ma belle ?
Aucune réponse verbale, mais elle vient frotter son museau sur mes jambes et semble vouloir s’y cacher comme quand elle était un jeune chiot que je venais tout juste de sauver de la noyade.
— Cacher. Faut se cacher.
— De quoi ?
— Cacher, important.
— Se cacher de quoi Soly ?
— Rester cacher.
Puis en disant cela, elle partit se cacher dans un coin visiblement tout sauf à l’aise face à mon regard des plus incompris de la situation. Est-ce qu’elle a encore peur des marchombres d’un peu plus tôt ? C’est possible, même si elle paraît forte, elle a des peurs qui ressortent parfois sans demander leur reste.
— Visiblement une nuit calme fera du bien à tout le monde, même ma chienne souhaite se cacher, enfin, une cachette avec un lit douillet il n’y a pas mieux. Enfin, si, il y a comment on utilisera ce lit pour autre chose que dormir. Enfin, commençons par manger, le ventre rempli est toujours ce qu’il y a de mieux pour être en sécurité.
Tout alors que je disais cela on nous apporta deux belles assiettes bien garnies d’un sauté de pomme de terre au lardon, châtaigne et oignon avec des saucisses de bœuf braisé au miel, le tout avec un accompagnement de haricot au beurre légèrement persillé. Il y avait même un hydromel maison bien frais pour accompagner le tout. Rien que l’odeur donnait faim, mais contrairement à ce que j’aurais pensé à aucun moment Sol s'approcha pour même sentir de plus près la nourriture, préférant sentir en boucle la sacoche de Cécil, comme si quelque chose d’important était dedans.
— Mange, il nous faudra des forces pour faire plusieurs tours de piste.
Le tout est dit avec une rapide caresse sur la main de mon tendre client et un clin d’œil alors que je souris en m’amusant de cette situation et attaque le repas. Le repas en tout cas est bien mieux que les chambres. Le bruit du vent se fait entendre de là où l’on se trouve et je pense, sincèrement, que le repas est là pour faire oublier plus ou moins cela. Enfin, c’est moins pire qu’une tente dehors sans défense. Ça reste pas de plus chaud et je tends les bras vers Cécil une fois mis un peu plus à l’aise sans mes bottes et arme sur moi.
— Si tu as peur ou froid mes bras sont là pour toi mon beau.
La nuit va être délicieuse, je pense.
Au fond de la pièce, derrière un paravent en tissus se dessinait les volutes de vapeur provenant d’une baignoire tout juste remplit. Une cachette idéale pour échapper au regard qui, il en avait en tout cas l’impression, ne cessait de le décortiquer.
- Je vais me laver. Je ferais vite pour que tu aies de l’eau chaude. Il dégrafa son boléro, le laissa choir sur le sol puis traversa la pièce tout en défaisant avec langueur sa chemise jusqu’à disparaître derrière la frontière d’ombre chinoise. Là il se défit de ses chausses, de ses bottes et se glissa dans l’eau chaude en frissonnant. Il n’y avait pas à dire, l’auberge était définitivement leur meilleur choix. Rien ni personne ne le ferait dormir dans une tente en pleine forêt, parole d’Avalon, cela n’arriverait jamais plus ! Ses doigts glissèrent sur un pain de savon un peu plus loin et il entreprit de sortir une jambe de l’eau afin de la frotter, puis la seconde, enfin il passa aux bras et marqua un temps d’arrêt, fébrile à l’idée de devoir sortir le reste de son corps. Il le fit néanmoins, se débarrassant de la boue qui avait collée à son torse, à son nombril ou bien à l’angle de ses cuisses. A vrai dire il en était recouvert et même si il souhaitait faire vite et laisser à son guide un semblant d’eau chaude et propre cette dernière avait déjà viré à un marron gadoue peu ragoutant. Cécil soupira et se replongea toute fois dans l’eau pour aller appuyer sa nuque le long du de la paroi en bois de la baignoire et ses paupières se fermèrent.
Le bois craqua une fois. Sans doute devait-il travailler, ce ne serait pas une surprise dans une bicoque comme celle-ci. Le bois craqua deux fois. Le vent sans nul doute, ne devait pas aider les lieux à rester silencieux. Cécil plongea la tête sous l’eau et n’entendit pas le troisième craquement à l’étage.
D’en haut, l’œil orange de la créature observait. L’eau trouble ne gâchait rien de la vue prenante qu’elle avait sur le jeune voyageur. Elle pouvait voir les muscles de son ventre saillir, ses cheveux bruns onduler légèrement vers l’arrière alors que des gouttes d’eau perlaient sur le sol. Son orbite pivota et elle pu apercevoir à peine son compagnon. Lui aussi était beau. Plus dangereux aussi. Elle pouvait le sentir juste à son odeur. Lorsque son iris revint sur le brun, ce dernier avait les yeux rivés sur elle. Immobile, le teint pâle. De là où elle était elle ne percevait même plus son souffle et sa poitrine ne se soulevait plus. Il l’avait vu. Longuement elle soutint son regard avant de cligner de l’œil. Le voyageur reprit enfin une respiration. Un hoquet pour être plus exact. Comme si son corps, soudainement, comprenait l’étendu de ce qu’il voyait. Il se mit à trembler, ses lèvres frémirent et sa nudité ne le dérangea plus lorsqu’il s’extirpa de la baignoire pour reculer au-delà du paravent. Heureusement pour lui, il ne vit pas à travers le bois, le sourire morbide et dégoulinant qu’affichait la créature. Pour ce soir, elle avait trouvé ses nouvelles proies. Mais l’heure n’était pas venue, pas encore. Ils la rejoindraient tôt ou tard.
Un dernier craquement, court et unique, échappa à l'étage puis le calme plat.
- Fa-Fau-v…e. Il y a… Cécil pointa du doigt, fébrile, un cercle dans le bois du plafond. - J’ai vu… Une lueur orange. Comme… Je… Un œil. Ça a cligné. Ça a bougé. Il continua de reculer jusqu’à heurter la chambranle du lit de l’aventurier. - Impossible… Nous sommes dans une auberge… Il n’y a… Au même moment deux petits coups furent portée sur la porte. Cécil sursauta avec toute la violence que ses muscles perclus de fatigue lui permettait.
- Distribution de tisane de tilleul et camomille. Claironna la voix enjouée d'Emilia, l'aubergiste.
- Je... Oui... J'en prendrais bien. Ses yeux se portèrent à nouveau sur le cercle au plafond, vide, seuls les ténèbres l’occupaient maintenant. Avait-il rêvé ?
— Mon prince, tant de froideur alors que je souhaite simplement vous réchauffer est bien triste.
Mon ton n’est même pas faussement triste, mais clairement moqueur. Il n’y a pas besoin de ce genre de supercherie avec lui, il a assez de neurones pour comprendre que c’est une plaisanterie sans avoir besoin d’en faire des caisses.
— Profite de ton bain pour penser en profondeur à moi.
Même si je trouve l’idée des plus excitante, je me doute aussi que rien que l’avoir évoqué lui donnera envie de faire complètement l’inverse. Vraiment des plus amusantes. Je m’allonge sur le lit après avoir retiré mes chaussures pour me reposer un peu en attendant que Cecil termine alors que Soly semble être toujours aussi peu rassuré. Le shupon qu’a pris Cecil aussi. Est-ce qu’il y a une odeur que je ne comprends pas ? Quelque chose qu’il faut fuir ? Cela me laisse perplexe et me donne encore moins envie de quitter la chambre pour une autre.
Je vois le pelage de Soly gonfler et ses crocs se découvrir quand un craquement se fait entendre. L’habitation est un peu ancienne et les passages des clients donnent cet effet certainement, mais vu son état cela ne l’aide absolument pas à être plus confortable. Je tends ma main pour la rassurer, mais cela semble encore plus la paniquer qu’autre chose et elle semble refuser de me parler. Est-ce qu’elle s’est blessée quelque part ? De plus en plus inquiét des réactions de ma chienne je ne fais pas attention au craquement suivant alors que je me suis mis à son niveau pour lui murmurer des mots rassurant à elle et au shupon avec elle. Doucement, très doucement, je me mets à chantonner pour eux deux, c’est seulement le cri de Cecil qui me stop dans mon action.
Ma main sur ma garde prêt-à-aller occire ce qui vient de le faire hurler, même si c’est une misérable araignée je m’approche du point d’eau et au final je suis sans voix par l’agitation étrange de l’homme. J’en aurais bien profité pour reluquer son beau corps, mais je suis occupé à chercher ce qu’il vient de voir, mais il n’y a rien. Rien de visible en tout cas et pourtant Soly grogne. Cela me perturbe de plus en plus et mon seul réflexe après avoir vérifié les lieux est de prendre une serviette chaude pour sécher Cecil au mieux avant de le mettre sous une couverture pour lui offrir un peu d’intimité.
— N’offre pas la vue de ton corps à tout le monde alors que je n’ai pas encore pu goûter. Je vais te chercher ta tisane.
Sur ce dire je vais ouvrir la porte à Emilia qui semble assez surprise de mon empressement à ouvrir la porte.
— Il y a un souci ?
— Oui. Il y avait un œil qui fixait mon compagnon pendant son bain, le tout avec une lueur orange, vous vous doutez bien qu’on ne l’a pas vraiment bien pris.
— Oh… Vraiment ?
Elle a l’air sincèrement étonnée, mais en même temps elle fixe le plafond de manière pensive, mais rien de plus ne vient de sa part. Je serre un peu des dents parce que cela me rassure de moins en moins.
— Oui, vraiment. Vous ne voyez pas d’où cela vient.
— Cela ne me dit rien du tout, mais en parler à la garde demain serait certainement mieux, là ceux qui sont présents sont pas mal occupé avec la fête à la saucisse.
— On fera certainement cela. Merci pour les infusions.
— Mais de rien, passez une bonne soirée.
— Hum… De même.
J’ai une forte envie de lui claquer la porte au nez, mais je ne fais que prendre le plateau avant de fermer la porte avec mon pied. Je pose mon chargement sur la table et sens l’infusion comme à la recherche de quelque chose d’étrange. Franchement, j’aurais eu un nutritif ça aurait été plus pratique pour être certain qu’on ne nous drogue pas. Je soupire et au final attrape un peu de miel présent dans mon sac et l’ajoute à la tisane avant de la donner à Cecil.
— Il y a un truc qui cloche ici, mais c’est plus sûr que la tente dehors… Ton shupon, en temps normal, il ne réagit pas comme ce qu’il fait, n’est-ce pas ? Enfin, ne t’inquiète pas petit prince, je te garde en sécurité. Tout va bien.
Je lui embrasse doucement le front comme on le ferait pour réconforter un enfant tout en lui donnant des linges propres pour se changer et être plus confortable pour la nuit.
— Pas que je sois contre de dormir à même ta peau dans un lit qui serait des plus agréable à faire chanter par nos prouesses nocturnes, tu seras plus à l’aise avec autre chose que des draps sur toi. Je vais monter la garde cette nuit pour nous deux.
Une nuit blanche n’est pas idéale, mais c’est toujours mieux que de mourir parce qu’on n’a pas été assez prudent.
— Il va juste falloir avoir confiance en moi.
- Non, Dayän n’agit jamais comme ça. Voilà ce qu’avait répondu Cécil alors que la peur lui tordait encore les entrailles. Après le passage de la jeune aubergiste, il sauta volontiers dans un pyjama en soie et à la coupe mixte - Diane n’avait pas encore songé à acheter des vêtements qui siéraient à Cécil - avant de déguster, non sans continuer de trembloter, la tisane. Le miel lui mit du baume au cœur et il ne tarda pas à piquer du nez. Il aurait été mentir que de dire qu’il avait une confiance aveugle en l’aventurier, toutefois il n’avait pas le choix et il était si las. Sans quitter la place forte qu’il avait établie dans le lit de Fauve, celui le plus proche de lui par la même occasion, il se glissa sous les draps, le pria de l’excuser et s'endormit sans avoir le temps de terminer sa phrase. Les minutes s'égrainèrent lentement, devenant bientôt des heures et rien ne bougea dans la petite auberge. Le vent continua de cingler les fenêtres, le bois de craquer et quelques voix parvenaient au-delà de la porte de temps à autre. Emilia et son père passèrent en chuchotant devant les chambres sans s’y arrêter. Ils se séparèrent et chacun regagna ses quartiers. Rien qui ne vaille la peine de s'alarmer. Même Dayän, toute craintive qu’elle soit termina par s’échapper de sa sacoche dorée pour aller se reposer sur l’un des genoux de Fauve avant d’aller se glisser contre l’estomac de son propriétaire, ne laissant voir d’elle qu’une petite bosse à la respiration calme.
Soly est la première à sentir que quelque chose ne va pas. Si elle a relâché son attention à force de tranquillité, Fauve peut voir son poil se hérisser et un grondement échapper à son large poitrail cependant alors qu’on la sait courageuse elle recule brusquement en cherchant à se cacher. Elle intime à Fauve de la suivre, elle le supplie même. Si l’aventurier hésite à obtempérer il sent néanmoins lui aussi que quelque chose à changer dans l’atmosphère. De calme elle est devenue oppressante, comme des mains qui se lieraient autour de son cou pour l’étouffer. A chaque seconde qui s’écoule cette terreur grandit, encore, encore, jusqu’à lui tordre l’estomac. Malgré ses expériences il n’a probablement jamais ressenti quelque chose d’aussi présent. Il doit suivre le conseil de son familier, son instinct le lui hurle.
La créature, drapée de sa folie, arpente les étagères de la pièce où elle se trouve. Elle hume l’air avant que ses épaules ne s’agitent. Elle rit. Elle rit en imaginant les deux voyageurs. Elle se souvient du brun et de l’horreur qu’elle a lu dans ses yeux, elle aurait aimé sortir ses yeux de leurs orbites pour conserver cette flamme. Mais à chaque fois que ça arrive, la flamme s’éteint. Cela l’agace. Alors elle se contente de choisir les plus beaux. Par la force du destin, ils ont tous deux de beaux yeux. De beaux visages. Elle les veut pour elle. Ses pas s’arrêtent devant une tête de mannequin sur laquelle est installé un visage qu’elle à déjà ôté à sa propriétaire.
- Bien…tôt… Sa voix est rappeuse, déshumanisée, pourtant elle caresse avec affection les traits fins de jadis une jolie jeune femme. - Bien…tôt… Susurre-t-elle à nouveau ou peut-être n’est-ce pas à la peau qu’elle parle…
De nouveau elle lève la tête pour renifler l’air. Sa bouche fend son visage du nez au menton, de la commissure aux pommettes et laisse apparaître des dents. Nombreuses et accompagnées de quatre crochets aiguisés. Un sourire morbide. Il est temps. Elle traîne sa maigre carcasse jusqu’à la porte qu’elle ouvre en silence avant de se plonger dans les ténèbres de l’auberge sans un bruit.
Dans la chambre, Fauve peut sentir l’atmosphère s'appesantir comme si l’imminence était à son apogée. Quelque chose arrive, mais quoi ? Dayän gémit, terrifiée, elle tremble tellement que personne ne pourra lui reprocher la petite flaque humide que l’on retrouvera sous ses pattes. Soudain la poignée tourne, lentement, horriblement lentement. Si bien que même la maison semble aux aguets. Le shuppon en oublie de respirer. Un cliquetis retentit et une ombre noire se glisse dans la chambre des deux voyageurs. Tout aussi lentement, elle referme la porte. L’ombre porte une cape et une capuche, son visage bien dissimulé semble chercher quelque chose. Une cachette peut-être ? Une chose est sûre, ce n’est pas d’elle qu’émane l’aura d’immondice qui entoure l’endroit.
C’est viscéral. La peur qui prend mon ventre est simplement viscérale. Comme si l’attitude de Soly ne suffisait pas, il fallait que tout s'enchaîne comme dans un cauchemar qui commence à prendre forme. Un qui ne se défait pas quand on a mal à l’intérieur. Quelque chose arrive. Soly le sait. Daÿan aussi visiblement. J’en suis aussi parfaitement conscient alors que je tiens Cecil contre moi sans un bruit. Ma respiration a tout de même un raté quand j’entends la poignée bouger et la porte s’ouvre.
L’air a cette odeur immonde et tout en moi semble me hurler de fuir le plus loin possible. On aurait été plus en sécurité dehors visiblement. Je ne prends même pas une grande inspiration, l’air est trop vicié pour le faire pour se rassurer, cela n’aurait que l’effet de faire grandir l’inquiétude et dans ce genre de situation on n’a pas besoin de cela. Il faut réfléchir et rapidement. Instinctivement je serre un peu plus Cecil contre moi et écrit doucement sur le bras le mot confiance.
Il serait certainement plus simple de communiquer de manière orale, mais on serait aussi plus facilement remarqué. Je fais en même temps le tour des options à faire, j’ai une boite pour enfermer cette chose pendant au maximum une heure si elle ne trouve pas la solution à une énigme, mais ça veut dire la ravoir proche de nous dans une heure. Le jade de téléportation est une solution aussi, mais ça ne fonctionne que pour une personne. Enfin, c’est une solution si je suis seul et donc il faut que mon beau prince prenne la fuite avant.
Je trace le mot diversion sur son bras avant de me désigner en prenant sa main pour la mettre sur moi, puis le mot fuite et cheval en prenant cette même main pour la poser sur lui, puis Soly. Il y a un geignement pathétique de Soly à ce geste et malheureusement la chose dehors semble l’avoir parfaitement entendue parce que les bruits s’approchent de nous.
C’est tout sauf une bonne situation. Je sors de notre cachette sous le jappement pathétique de Soly qui se terre encore plus au fond. Moi-même la chose face à moi me donne envie de fuir. Je n’arrive même pas à me dire qu’elle s’amuse ou non de cette situation, ce n’est même plus le souci. Cecil doit être protégé, Soly et Daÿan aussi. Je sors mon épée et même si le stress et l’angoisse montent là l’objectif n’est pas de battre cette chose, mais de faire gagner du temps à Cécil pour fuir avant de moi-même fuir. Je ne sais même pas s’il a compris ce que j’ai tenté de lui expliquer avec mes mots sur lui.
Pour le moment ce qui importe c’est moi qui regarde cette chose avec mon sang qui semble se glacer de plus en plus.
Bouge maintenant Cecil.
Vraiment.
A l’intérieur de la pièce, l’intrus, lui, est parfaitement réactif. Alors qu’il vient de refermer sans bruit la porte, il se retrouve nez à nez avec l’aventurier. Machinalement son corps recule et il porte la main à la garde de son épée. Aucun son n’échappe à ses lèvres fendues par une cicatrice large comme un pouce qui les défigurent et qui monte se perdre sous l’ombre de sa capuche. Étrangement lorsqu’il aperçoit le visage de son adversaire, il lève les mains et dévoile son visage.
- On est dans le même camp.
Celle qui lui fait face n’a rien d’autre de monstrueux que la balafre qui à emporté son œil gauche et une partie de son nez ainsi que ses lèvres. Son iris valide, d’un noir profond scrute la pièce avant de se reposer sur Fauve. D’un signe d'apaisement, elle le prévient qu’elle s’apprête à effectuer un mouvement et de concert sa dextre se glisse sous ses vêtements dont elle ressort une plaque d’argent où est gravé son identité. “Tasha Belaire”. Le jeune Milan n’aura besoin que d’un bref coup d'œil pour comprendre de quoi il s’agit, il connaît bien ces plaques. Il en porte une lui-même. L’insigne de la guilde. Il fait face à l’une de ses camarades. De quelques années son aîné, elle semble porter les stigmates d’expériences douloureuses mais dans son regard brille une flamme rassurante ; ses erreurs passées ont forgées son expérience. Si elle ne peut résister elle non plus à la peur qui lui tord l’estomac et qui l’assaille, lui comprimant la poitrine comme si il s’était agit d’une feuille de papier, elle sait ce qu’elle fait. Posant un doigt sur ses lèvres, elle laisse retomber la plaque en silence dans son décolleté puis avance de quelques pas sans faire un bruit.
- J’ai été envoyée par la guilde. Murmura-t-elle pour confirmer une fois de plus son identité. - Cette créature nous à déjà coûté deux aventuriers. J’ai été envoyé pour les retrouver. Un claquement retentit dans le couloir et son souffle se suspend tandis que ses yeux se tournent vers la porte. Un silence de mort tombe où même les souffles semblent faire un bruit monstrueux mais rien ne vient, alors Tasha poursuit toujours aussi bas. - Nous n’avons aucune information qui la concerne. Elle n’est pas non plus répertoriée dans les anales. Je vous ai entendu parler avec votre ami, j’ai vu vos armes et votre chien. Vous êtes aussi aventurier, je me trompe ? Elle n’attend pas la réponse de l’intéressé et se penche aux côtés de Cécil. Elle soulève ses paupières sur ses yeux révulsés et se penche pour écouter son souffle. Sa lourde tresse brune glisse de son épaule lorsqu’elle se relève l’air contrarié. Ses doigts s’enroulent autour de la tasse qu’elle porte à son nez avant de la reposer.
- Lait de pavot. Elle ne va pas tarder… Et comme pour confirmer ses dires, le son traînant de griffes raisonne dans les lieux silencieux. - On doit se cacher, tout de suite ! Tasha saisit sans hésiter le bras de l’aventurier, bien mal lui prendrait de vouloir récupérer le corps étendu de Cécil parce que déjà la femme lui assène un crochet du droit dans l’estomac afin de lui couper le souffle pour le trainer plus aisément derrière le paravent où Cécil prenait son bain un peu plus tôt. Sa poigne est étrangement ferme alors qu’elle serre avec force l’aventurier contre elle. Son dos épouse la forme du mur et sa main vient recouvrir la bouche de son frère d’arme. - Tu ne l’auras pas à toi tout seul et tu n’aideras pas ton ami quand tu seras mort. On ne va pas l’laisser claquer. Si Fauve tente de se dégager, il ne fait aucun doute quant au fait que la poigne de l’aventurière se fera plus forte encore quitte à l’étouffer pour de bon, mais si il se laisse faire il pourra entendre la poignée tourner à nouveau et la porte grincer.
Lorsque la porte s’ouvre c’est une déferlante d’horreur qui se glisse dans les veines de ce qui ont pu se cacher, même Tasha qui retient l’aventurier prisonnier tremble de tout son être et pourtant il est certain que ce n’est pas une femme impressionnable. Soly, qui a machinalement suivi le mouvement semble complètement prostrée. L’air dans la pièce se tend, comme si le moindre son pouvait chambouler leur cachette précaire.
Cela fait si longtemps qu’elle attend ça. La créature se glisse dans la pièce et laisse un râle de contentement échapper à ses cordes vocales. Plus qu’un râle, il semble s’agir d’un rire gras, étouffé, comme un dégueulis. Elle observe le corps inerte du brun puis l’autre lit, vide. Ses crochets s’agitent et cliquettent de façon frénétique. “Tac tac tac tac tac tac tac tac…” Il manque l’autre. Elle les veut tous les deux. Pas juste celui-là. Elle traverse la pièce, se penche pour observer sous le premier lit. Rien. Elle gronde. Un grognement guttural, malsain. Alors elle se redresse et va voir sous l’autre lit, elle ouvre les malles où elle ne trouve rien d'autre que des vêtements. Son agacement est à son paroxysme mais alors qu’elle arrache un hurlement de colère à sa bouche fendue, une voix retentit au rez-de-chaussée.
- Ferme la porte ! S’écrit quelqu’un.
Vive comme l’éclair, elle pivote sur ses talons et empoigne le danseur. Ses longs doigts crochus et sertie de griffe bien trop longues percent sans problème le pyjama en soie. On peut entendre le bruit d’un corps tomber au sol, puis se faire traîner. Mieux vaut un qu’aucun, le tour de l’autre viendra bien assez tôt. Chaque chose en son temps, mais avant toutes choses, elle doit mettre le premier à l'abri. La créature se retire de la chambre, emportant avec elle les effluves de terreur. Plus elle s’éloigne et plus l’air semble respirable. Lorsqu’enfin le bruit de ses pas disparaît, Tasha relâche sa prise sur Fauve et se laisse tomber contre le mur. Le souffle court, la larme à l'œil.
- Il y a quelques mois on a commencé à nous signaler des disparitions récurrentes dans la région. Un premier aventurier a été envoyé. Il n’est jamais rentré alors un second à été envoyé. La même chose s’est produite. Mais Edlane - le second - avait laissé quelque chose à l’attention du prochain. Elle sortit de sous sa cape un carnet à la couverture en cuire, fermé par un lien du même matériau. Si Fauve décide de l’ouvrir, il découvrira à l’intérieur des annotations.
“ Je sens la peur s’infiltrer dans chacun des pores de ma peau. L’auberge semblait si agréable un peu plus tôt.
Elle est vive, rapide, redoutable.
Ne vous fiez à personne.
Ils mentent, elle ment.
Elle aime les belles choses.
Légende
Histoire pour enfant
Le village”
Raturées, difficilement lisible, elles semblent avoir été écrites à la va-vite. Peut-être lors des derniers instants du pauvre homme. Sur la page précédente, le début d’un croquis. Surement celui de la créature, dont le visage est fendu par une bouche gigantesque . Ses bras sont longs et décharnés, ses doigts ressemblent à ses racines qui fondent vers le sol, dardant leurs griffes sur ses proies. Mais le dessin n’est pas terminé, le reste du corps n’est pas représenté.
Je prends les notes laissées par l’autre aventurier. Une personne est morte pour donner ce genre d’indice je ne peux me permettre de ne rien faire. Il faut être rationnel. Comme ce que mère nous a appris. La tête avant le cœur. Les émotions ne servent à rien en situation de crise, juste à être un handicapé. Je suis un bout de mère et là je dois rester calme.
— Est-ce que tu as un plan ?
Simple. Efficace.
— Pas pour le moment. Tout ce que je sais sur cette chose c’est qu’elle est véloce et dégage une aura particulièrement menaçante.
— Oui, ça on l'avait remarqué aussi. Soly, est-ce que tu peux suivre l’odeur de Cécil ?
— Sens-lui, oui, pas de sang, pas de douleur. Pas envie de suivre la chose. Dangereux. Très dangereux.
— OK, on ne va pas suivre cette chose sans plan pour survivre de toute manière.
— Ton pouvoir c’est de parler avec les animaux ?
— Non, ça, c’est un objet.
— Donc ?
— Pas important pour le moment.
Il y a un renfrognement de nez à cette réponse, mais elle ne m’a pas renseigné non plus sur son propre pouvoir ce n’est pas pour lui donner cela comme ça. Je n’ai pas spécialement confiance en elle. Le mot lui-même dit de ne faire confiance à personne, que tout le monde ment et « elle ment ». J’ai comme un fort doute sur le fait que le « elle » en question n’est pas forcément la créature.
— On pourrait fouiller la chambre des aubergistes pour avoir des indices.
— Je ne préférerais pas. Se mettre à dos les seuls Alliés que je me suis faits sur place n’est pas vraiment l’idée du siècle.
— Un de tes soi-disant alliés à droguer mon ami.
— Cela a pu être fait sans qu’elle le sache, mais effectivement c’est assez douteux. Cependant, je suis là pour tenter de sauver le plus de gens possible et il y avait du bruit en bas, donc j’aimerais aller voir.
Je hoche la tête et suis le mouvement en caressant doucement la tête de ma chienne qui est clairement sur ses gardes et beaucoup trop sensible à tout ce qui se passe autour d’elle. Je comprends l’aventurière qui souhaite qu’on reste à deux plutôt que seul dans cette histoire, en plus je n’ai toujours pas une confiance totale et l’avoir à l’œil est toujours mieux que de ne pas savoir ce qu’elle fait de son côté. On descend et je suis tout sauf confiant sur ce qu’on va trouver en bas.
Putain, la prochaine halte on dort dehors. Au moins les créatures sauvages je sais les gérer.
La carcasse de Cécil ne pèse pas très lourd entre ses griffes. Elle le traîne comme une poupée de chiffon derrière elle et bientôt la porte se clos sur eux dans un grincement désagréable. Quand elle ressort, c’est les mains vides.
Ailleurs dans l’auberge, deux aventuriers se fraient un chemin dans les ombres de la maisonnée. Malgré leur discrétion, leurs pas font craquer le bois. La peur qui les entouraient quelques minutes auparavant n’est presque plus qu’un souvenir. Un souvenir au gout de cendre qui rend leurs bouches pâteuses pourtant ils avancent et rien ne vient les en empêcher. Bientôt ils gagnent les escaliers. En bas, la faible lueur des braises dessine des ombres sur les marches. Tasha se tourne vers Fauve en plaquant un doigt sur ses lèvres, soulevant sa cape elle sort une dague de son fourreau puis entame la descente.
En bas, les aventuriers découvrent le jeune couple. Recroquevillés près de la porte menant à l’extérieur, ils se serrent l’un contre l’autre comme si cela pouvait empêcher la mort de venir les prendre. Leurs visages sont baignés de larmes et lorsque les aventuriers arrivent, ils sursautent en tentant de reculer. En vain, un mur leur barre le passage. Alors ils reposent le regard sur eux comme s' ils étaient la créature. Tasha s’accroupit et approche doucement.
- Nous sommes aventuriers, nous sommes là pour la créature. Vous pouvez me faire confiance et à mon ami aussi. Elle avance doucement, la main tendue vers eux comme si il s’agissait de petits animaux sans défense.
Se dégageant de l’étreinte féroce de sa compagne, l’homme tente de se redresser avec l’once de fierté qu’il possède encore.
- Prenez là. Prenez ma femme et emmenez là loin d’ici avant qu’elle ne la trouve. Je vous en supplie.
- On va tous vous emmener. On va tous sortir d’ici. Venez. L’aventurière avance un peu plus et prend doucement la main de la jeune femme qu’elle invite à se relever. La pauvre femme hoche docilement la tête. - Fauve tu… Les yeux de Tasha s’agrandissent.
- Sacrément belle prise, f’sait longtemps qu’on en avait pas eu d’pareil. Pour sur qu’elle t’aimera pas toi, t’pas jolie. Mais lui… Une lame vient chatouiller les reins de Fauve car dans son dos se tient le vieux Rob. Si sa prime jeunesse l'a quitté depuis de longues années, que ses mains tremblent, il a su tenir une lame par le passé.
- Rob, lâchez ça… Murmure Tasha, les mains tendues en signe de paix. - Nous allons nous en aller…
- Vous n’irez nul part… Sur le cou de l’aventurière se glisse une seconde lame. La petite jeune femme éplorée ne l’était pas tant et son compagnon non plus. L’un et l’autre tiennent fermement Tasha en joue. - Vous allez sagement attendre qu’elle arrive. EMILIA !
Soudain, à l’étage tout s’agite. Des pas rapides se font entendre, le bois craque au même rythme, comme si l’étage était près à s’effondrer. Et la peur. Une peur pure explose dans l’auberge comme l’aurait fait un ouragan. Même ceux de son camp tremble alors que le vice s'engouffre dans l’escalier. L’air devient soudain irrespirable et les deux aventuriers peuvent entendre le rire guttural et lugubre de celle qui compte bien mettre fin à leurs jours.
- A… moi… Deux yeux oranges brûlent dans les ténèbres de l’escalier, dissimulant le reste de son horrible corps.
- O-oui Emi… On les a gardés… Pour toi… Juste toi. Murmure le vieux Rob.
- Parfait… Souffle la créature en sortant de l’ombre, laissant se déverser toute son aura d’horreur.
Le cœur au bord des lèvres, Tasha retient le vomit qui remonte dans sa gorge mais alors qu’elle est sur le point de céder à sa pulsion, leurs assaillants retirent leurs armes. Ce n’est plus à eux d’intervenir, les deux aventuriers sont maintenant à la merci d’Emilia, aussi terrifiante que redoutable. Il ne tient qu’à eux de survivre. Si ils y parviennent…
La chose qui arrive ressemble, de loin, avec un œil masqué, à une humaine. La lueur orangée de ses yeux. Les rangées de dents ou encore ses sortes de filaments branchés qui poussent ses bras, son dos et autour de sa bouche. Son corps mince est couvert d’une guenille de robe noire. Même ses cheveux gras, noir et tombant. Rien ne va avec cette chose. Il y a toujours cette aura de peur qui semble prendre au tripes directement et le combat n’est clairement pas à notre avantage. Le trois contre deux c’est pas forcément une bonne idée avec ce genre de chose.
Je ne compte pas Soly dans l’histoire, elle est ventre à terre là tout de suite, le poil hérissé autant que possible et est plus paniquée à chercher une sortie que chercher à nous aider à sortir de cette histoire. Je pourrais utiliser mon pouvoir sur elle, mais ça ne serait que temporaire. Ce qui est face à nous je ne cherche même pas à utiliser mon pouvoir dessus, ça ne ressemble a rien de connu et je n’ai aucune idée de sa dangerosité, mais cela semble trop humain pour être une créature contrôlable.
Vraiment, du deux contre trois alors qu’on est déjà acculé par des armes c’est tout sauf une situation plaisante. Je proposerais bien de discuter, mais est-ce qu’on discute vraiment avec une chose qui ment comme elle respire et souhaite nous tuer pour une raison inconnue ? La réponse est non. Je prends une forte inspiration et je vois Tasha en faire de même avant de tenter un coup vers l’arrière chacun à notre sauce pour se libérer de la part humaine qui nous retient. Manque de chance pour moi je sens la lame de mon ravisseur riper son mon flanc droit et une entaille assez moche être faite.
Je grimace et les sons autour sont comme mis en sourdine. J’entends, mais mon cerveau ne souhaite pas traiter. Même l’aboiement plaintif et apeuré de Soly ne ressemble pas à la voix que m’offre ma bague de communication avec elle en temps normal. Je ne veux pas mourir et là tout ce qui compte est la survie. Tuer cette chose, assommer les deux humains. Le plan est simple, mais l'exécution est plus compliquée. Encore plus quand le cri de cette chose percute mes oreilles. Cela parle, mais tout ce que je peux faire là tout de suite est de fuir.
Littéralement, je passe bien dix minutes à courir pour ma vie en esquivant cette chose. Dans le feu de l’action avec Tasha nous arrivons à assommer les deux aides de la créature en récoltant pas mal d’entailles, laissant du sang un peu partout sur notre passage alors que notre souffle est le même que celui de bœuf sous le soleil. Pas très glorieux ce genre de moment, on ne va pas pouvoir continuer ainsi, surtout que cette chose semble s’énerver de plus en plus. On est arrivé à lui mettre quelques coups de lame, mais cela ne semble jamais assez.
La peur toujours au ventre c’est au final une attaque conjointe qui permet d’abattre cette chose, une lame lui coupant la tête. Mon corps entier tremble de l’effort et celui de Tasha et Soly n’est pas mieux. On est dans un sale état et vraiment heureusement qu’on était deux. Soly se blottit contre moi en geignant et peu à peu le son semble revenir.
— Cecil… On doit le trouver…
Soly glapit, mais après quelques minutes consent à montrer une piste, pendant ce temps là Tasha a saucissonné les deux autres fauteurs de trouble et je ne sais pas quoi penser du cadavre de cette chose-là, ni toute la douleur que cela m’a fait ressentir. Tasha me suis dans ma progression pour récupérer mon compagnon de route, resté seul, même avec cette chose visiblement morte, est une mauvaise idée.
L’affrontement est inévitable et la créature est loin de s’en réjouir. Ses pulsions sanguinaires n’ont rien à voir avec l’adrénaline que lui procurent les combats. Pire encore elle craint d'abîmer le beau visage du voyageur, mais elle est en colère. Une colère noire qui pulse dans chacune de ses veines flétries. Il ose la défier, elle qui, pourtant, souhaite juste lui offrir une vie éternelle, l'embellir pour rendre sa beauté intemporelle. Son outrecuidance la rend folle de rage et lorsqu’ils dégainent leurs armes, elle se rue sur eux sans leur laisser le temps de rétorquer quoi que ce soit. Déferlement de la puanteur qui la suit depuis toujours, mêlée à l’odeur du sang. La créature souris. Elle sait qu’elle est plus rapide, plus endurante, elle les poursuit sans relâche. Ils n’ont nul part où se cacher, elle sent leur odeur, elle les voit malgré la pénombre. Elle les tuera, elle les tuera, elle les tuera, hurle son esprit vicieux jusqu’à ce que soudainement, le reflet gris d’une lame brille à la lueur des braises et ne s’abatte sur l’angle de sa nuque. Sa tête roule sur le sol dans un bruit spongieux de sang et de glaire. Ses pupilles orange suivent le mouvement de l’arme pour apercevoir une dernière fois le visage de son assassin. Un ultime grognement lui échappe. Elle est libre.
Sous leurs yeux, Fauve et Tasha peuvent voir la créature reprendre son apparence originelle. Celle d’Emilia, une jeune femme au visage doux et joli. Mais pas assez jolie à son goût car quand ils montent à l’étage et se dirigent vers sa chambre, ils découvrent l'étendue des horreurs qu’elle a commises. Des visages, par dizaines, s’étendent au-delà de l’imaginable. Tous arrachés à leur propriétaire par la force. Leur faute ? Être doté d’une beauté qu’elle voulait posséder. Combien de vies ont été prises de manière atroce ? Il y en a trop pour les comptes mais en un instant Tasha pousse un cri douloureux devant l’une des peaux, posée sur un socle.
- C’était mon ami… Murmure-t-elle, les doigts tremblants en découvrant le masque de chair d’Eldane, l’aventurier précédent. Son visage se fend de tristesse et elle ne peut empêcher ses épaules d’être prises par de violentes secousses. - Depuis l’enfance. Ajoute-t-elle plus pour elle que pour Fauve. Peut-être que l'aventurier ne s’en émouvra pas, toujours est-il que ça ne laisse rien présager de bon pour la vie de Cécil car si la créature est féroce, ce n’est pas elle qui défait les peaux de leurs visages.
Alerté par le bruit, la porte arrière de la chambre s’ouvre en fracas pour laisser apparaitre le père d’Emilia. Bâti comme un bœuf, il tient dans sa main un ustensile dont personne ne veut connaître l’utilité. Le silence se fait soudainement dans la pièce ; une chape de plomb silencieuse. Seul le “ploc” caractéristique du sang qui goutte de la lame se fait entendre. L’homme les regarde tour à tour juste assez longtemps pour que son cerveau comprenne. Si ils sont là, c’est que sa fille chérie n’est plus. Un cri de rage s’échappe de sa gorge alors qu’il se lance à l’assaut des deux intrus. Tasha, dévorée par la haine, est la plus réactive. Elle s’élance à corps perdu sur son adversaire. Il l’a domine de deux têtes sans problème et ses bras sont aussi large que les cuisses de la jeune femme. Mais dans ses yeux à elle, brûle une flamme que Fauve peut reconnaître entre mille. Le fer de leurs armes crissent dans un bruit qui fait vriller les tympans mais Tasha tient tête, sa lame gémit à nouveau et malgré les deux bras de l’homme qui appuient férocement en sens inverse, elle tient bon.
- Va chercher ton ami. Siffle-t-elle à Fauve sans quitter des yeux celui qui lui fait face. Lui a peut-être une chance de le sauver, il doit la saisir.
Quand il entend ça, le tavernier tente de barrer la route à l’aventurier. Qu’à cela ne tienne, Tasha joue de sa souplesse pour s’interposer une fois de plus. Elle le défit du regard et cette fois, c’est elle qui lance l’assaut, permettant à Fauve d’entrer dans la pièce adjacente.
L'espoir. C'est tout ce qu'il leur reste.
On arrive enfin à destination, j'ouvre la pièce et l’odeur du sang me prend à la gorge. Il y a une odeur de sang pourri et de sang frais, les deux se mélangent de manière juste abjecte. Si je n’avais pas l’estomac bien accroché, j’aurais certainement vomi mes entrailles. Que cela soit à l’odeur ou à la vision face à moi.
C’est ignoble.
Il n’y a pas vraiment de meilleur terme là tout de suite pour ce qu’il se passe. Il y a un bac avec un ensemble de choses dedans où je peux, sans grande difficulté, imaginer que c’est des bouts de corps. Je n’ai pas envie de vraiment savoir exactement quoi. Bordel, je déteste cela, mais définitivement il faudra faire un rapport pour la garde en plus de la guilde sur cette horreur. Combien de personnes ont pu perdre la vie ou dans d’autres pièces semblables ?
Trop dans tous les cas.
Je tourne la tête et je vois un corps. Complètement mutilé. Mon souffle s'arrête. J’ai comme l’impression de voir de la neige de partout. Beaucoup plus de corps. L’odeur de sang se mélange à celle de cendre et du fer. Le froid rentre sous ma peau et le vent souffle dans mes oreilles. Ce n’est plus la même scène sous mes yeux. C’est une putain de souvenir. De cauchemar.
— Fauve ?
L’interpellation de Soly me fait sursauter. Sa truffe se colle à ma cuisse et je reprends pied dans cette réalité tout aussi moche que mon souvenir. Ce n’est pas le moment de penser au passé. Vraiment pas. Instinctivement, j'approche du corps pour vérifier si la personne est bien morte. C’est le cas. Le seul bout de réconfort que j’ai c’est que ce n’est pas le corps de Cécil. Non, ce dernier et un peu plus loin, pas en bon état, mais pas mutilé et surtout en vie. À moitié nu et attaché comme un saucisson qu’on souhaite commencer à faire sécher au coin de sa cheminée.
Avec ma lame je détache ses liens et masse ses muscles pour faire circuler correctement le sang suite à cela. Je prends le temps de vérifier qu’il soit dans le meilleur état possible avant de le prendre sur mon dos pour le transporter. Cela ne sert à rien d’aggraver ses blessures possibles en se précipitant. Le poids chaud de son corps contre mon dos est rassurant.
En rebroussant chemin, je retrouve Tasha qui a su gagner contre son adversaire. Vivant ou mort là tout de suite ce n’est pas mon problème. Je la regarde un moment et j’ai l’impression qu’elle aurait voulu que je lui dise qu’il y avait plus d’un corps en vie là-bas. Je secoue la tête et elle jure dans sa barbe.
— Il y aura un corps pour une cérémonie. Et un rapport merdique pour la guilde et la garde.
Un rire jaune sort de sa bouche et je la rejoins sans aucun effort.
— Vie de merde.
Je suis totalement d’accord avec elle. Dire qu’on voulait une nuit tranquille. Perdu. La prochaine fois on dort dehors. Les animaux je sais mieux gérer que cette chose-là. On se dirige vers les écuries pour récupérer nos montures. La fin de nos affaires, ça sera avec la guilde et/ou la garde qu’on reviendra. Il y a eu assez de morts ici pour le moment. Je n’ai même pas envie de savoir s’il y a plusieurs de ses immondices qu’était cette chose qui nous a attaqués ou pourquoi cela existait même de base.
Pas pour le moment en tout cas.