Cela faisait quelque jour que nous avions reçu de drôle de signalement près de l’un des villages dans les plaines. Des bandits auraient été aperçus rôdant sur la route ou ses environs et avant que cela ne dégénère un groupe avait été mobilisé. Si j’en parle aujourd’hui, ce n’est pas pour faire jolie, non, c’est parce qu’un imbécile a cru bon que je pouvais diriger l’opération. Oui, oui, l’imbécile c’est Valentino lui-même, mon lieutenant… Il croit que me donner des responsabilités pourrait m’aider à me sociabiliser et peut-être me rapprocher de la bande, mais je vous le dis moi, c’est plus facile à dire qu’à faire.
Enfin, avant de me mettre en route, je me prépare à la demeure que nous avions achetée il y a peu de temps. Vivre au bastion avec une enfant ça n’avait rien de facile et ce ne l’est pas plus lorsque les deux adultes sont gardes. Heureusement la gouvernante que nous avons choisie était bonne avec l’adolescente et bien que nous nous absentions par moment, elle ne nous en voulait pas. Après tout, nous l’avions tout de même sortie d’un enfer elle et ses copains de l’orphelinat.
Avant de quitter la demeure, je me retournai une dernière fois pour observer Mélusine d’un regard sérieux, puis je regarde son « père » en plissant les yeux.
« Je compte sur toi pour empêcher, Valentino de faire des conneries, Mélusine. Tu seras mes yeux et mes oreilles pendant mon absence.
- Promis!
- Arrête de chialer et bouge tes fesses, tu vas êtres en retard, dit-il en tirant sur sa clope qu’il tenait entre ses doigts. »
Je rigole un moment et me dirige alors vers l’écurie de la maison où je suis accueillie par nos quelques familiers. Arlequin, mon unicorne hennie doucement alors que Naamah, ma skur nocturne étire ses elles.
« Bonjour, tout le monde. Naamah, je vais avoir besoin de toi! »
Heureusement, je m’étais procuré des lunettes de soleil progressives pour cette dernière afin de pallier à sa sensibilité face à la lumière et sous lesquels elle portait tout de même un fin bandeau de linon pour réduire d'avantage l'impact de la lumière sur ses yeux. Bref, si j’avais choisi Naamah c’est qu’elle n’était pas seulement une excellente monture, mais bien parce que je comptais sur ses habiletés au combat. S’il fallait frapper, autant avoir le plus de cartes avec moi.
C’est ainsi que nous nous dirigeons finalement en direction du dit village mon groupe et moi. Nous étions cinq pour cette mission et j’espère que nous étions assez pour ce qui nous attendait.
Pendant que les zigotos rigolaient derrière moi, moi j’observais silencieusement notre environnement. Tout semblait calme mis à part l’herbe qui dansait au rythme des caresses du vent. Il y avait aussi de nombreux champs jonchés de récoltes certainement prêtes à être cueillies par les agriculteurs du coin. La vigilance était de mise puisqu’il y avait là aussi des champs remplis de maïs à certains endroits. Si vous ne vous êtes jamais aventuré dans une plantation de ce genre, cela peut être très effrayant, puisqu’on s’y perd rapidement et qu’on a toujours l’impression que quelque chose va en sortir de nuit. Enfin, jusque-là, tout va bien. Nous ne nous faisons pas attaquer, bien qu’il soit avisé d’interroger les gens du village.
Alors que nous poursuivions notre avancé, je vois plus loin une silhouette marchant seule. Je crois qu’il s’agissait d’une femme et pour m’en assurer j’accélérai le pas de ma monture pour m’en approcher. Assez prêt pour que ma voix lui parvienne, je ralentis doucement pour ne pas l’effrayer ou lui faire croire que nous sommes nous même des bandits ou que Naamah l’ait pris tout simplement en chasse. Après tout un cheval à moitié dragon possédant une tête squelettique avec de grandes ailes membraneuses n’avait rien d’un conte féérique. Je descends même de ma monture pour communiquer plus facilement avec cette dernière. Bon, je ne suis pas celle qu’on prend le plus au sérieux quand on me jette un premier coup d’œil. Après tout, ma tignasse est drôlement coiffée et possède aussi une coloration assez particulière bien que les cheveux bleus de la demoiselle ne passent pas inaperçus non plus.
« Bonjour, madame! Commençai-je. Nous sommes des gardes du régiment du sud, ajoutai-je en pointant le médaillon sur mon armure. Vous devriez faire attention en vous baladant seule. Nous avons eu vent qu’il y avait des brigands dans le coin. Avez-vous vu quelque chose de louche par hasard en venant jusqu’ici? »
- Cela faisait maintenant quelques mois que la jeune apothicaire était sur les routes à accumuler de l’expérience et à gagner sa vie en vendant ses services, il lui arrivait aussi de fournir des remèdes en tout genre à un prix très bas ou de les donner en échange d’autres produits par le biais du bon vieux troc. Elwing avait la tête sur les épaules et n’était pas sotte, tout le monde ne pouvait pas acheter des médicaments, le prix de certains étaient assez élevés, ou tout du moins c’était ce que lui avaient toujours dit ses parents.
La jeune femme ferma les yeux un instant, profitant de la brise qui soufflait sur les plaines pour emporter l’amertume qui la gagnait…ou pas finalement. En quoi vendre certains poisons à des nobles était un crime ? Il y avait bien des empoisonneurs de métier et on ne leur disait rien. Et puis mère nature avait créé ces plantes, il était donc normal de s’en servir, non ? De plus, ce n’était pas tous les jours que ce genre de choses arrivait, il était plus fréquent que des potions, des élixirs ou onguent soient vendus. Depuis peu, elle s’était lancé dans la confection de thés médicinaux pour les plus âgés et dans la création de bonbons aux plantes pour les petits qui n’aimaient pas la saveur amère de certains remèdes. Elle en avait d’ailleurs vendus dans le dernier village où elle était passée et les bambins avaient au début rechignés à les prendre avant de se rendre compte qu’ils avaient bon goût, bien évidemment, tout ne pourrait suivre ce même procédé, mais si elle pouvait élargir sa gamme de produits et de clients par la même occasion, Elwing en serait heureuse.
Penser cela, lui rappela une fois de plus sa dispute avec ses parents quand ils avaient découvert sa vente secrète de potions « douteuses » selon leurs termes… Rageant une nouvelle fois contre eux et leur esprit étriqué quand il s’agissait de plantes, l’apothicaire avança d’un pas décidé vers un nouveau village afin de s’y reposer. S’il y avait des malades, elle s’en occuperait, mais ce n’était pas le but premier de son déplacement. Elle voulait gagner la capitale afin de s’y installer, tout en récupérant des ingrédients en chemin. Après tout, autant faire un voyage utile, elle avait dans sa besace, tout le nécessaire minimum pour sa création avec quelques médicaments déjà prêts à l’emploi ainsi que de nombreuses plantes enfermées dans des bocaux.
Tandis qu’elle avançait d’un bon pas, le vent soufflant doucement, faisant voleter sa natte bleutée derrière elle, Elwing entendit des bruits de sabot se rapprocher d’elle. En se retournant, elle eut la peur de sa vie et faillit tomber en arrière, mais se rattrapa de justesse avec sa jambe droite. Voilà qu’un animal totalement inconnu pour elle arrivait en sa direction surmonté d’une cavalière. Cette dernière descendit et au déclinement de son identité, Elwing se permit de respirer : ce n’était qu’une patrouille de la garde, quoique au vu des informations données, les choses n’allaient pas être de tout repos dans le coin et aussitôt la santé des villageois l’emporta sur le reste.
— Bonjour. Je suis désolée, mais je n’ai rien vu depuis que j’ai pris la route ce matin. Mais si ce que vous dîtes est vrai, certains villageois risquent d’être blessés, ils ne laisseront jamais des brigands piller leurs demeures sans rien faire… Je crains qu’ils ne se fassent grièvement blesser.
Elwing posa son sac au sol tout en parlant et attrapa sa natte pour l’accrocher en un chignon plaqué sur son crâne avec des épingles. En se coiffant, elle visualisait la carte de leur région, si aucune troupe armée n’était passée devant elle cela ne pouvait dire que deux choses : soit les villages attaqués se trouvaient derrière elle, soit les brigands étaient venus en sens inverse et c’était devant elle que les choses se tramaient. Elle n’avait pas une minute à perdre, néanmoins, elle n’avait pas encore entendu le son d’une cloche indiquant une attaque, pourtant le son aurait dû être propulsé par le vent en sa direction. Cela ne lui disait rien qui vaille et elle se mordit les lèvres sans même s’en rendre compte. Et alors qu’elle allait reprendre la parole en même temps que son sac, le son familier de la cloche leur parvint du village droit devant eux ; Elwing se retourna vers la garde et lui parla.
— Emmenez-moi avec vous s’il vous plaît, je suis apothicaire et je sais me battre, je pourrais être utile sur place. Promis, je n’interviendrais pas dans votre mission, ma priorité est la sécurité et la santé des villageois.
Elwing fixa la cavalière dans les yeux, priant pour qu’elle accepte sa demande. Ne rien pouvoir faire alors qu’elle en avait les moyens était son pire cauchemar. En espérant qu’elle arrive à temps et non après la bataille.
Après une petite frayeur et surtout une question de ma part, la femme qui me fait face me répond finalement. Bon, ce n’est pas ce à quoi je m’attendais, mais en même temps je suis soulagée qu’elle n’aille pas vu quoi que ce soit d’étrange dans les parages. Je n’aurais pas aimé avoir à gérer le cas d’une personne en détresse. Je l’aurais fait puisqu’il s’agit avant tout de mon métier, mais il faut l’avouer, personne n’aime voir une personne innocente mal en point. Elle allait bien et c’est tout ce qui m’importait.
D’ailleurs, elle n’a pas spécialement tort lorsqu’elle émet quelques faits concernant la prise des armes des villageois, mais je ne comprends pas où elle veut en venir sur ce point. Je la regarde donc poser son sac afin de s’attacher les cheveux alors que mon faciès naturellement accueillant – ou pas – arque les sourcils.
« C’est pour ça que nous sommes ici, commençai-je en pointant les autres derrières moi de mon pouce au-dessus de mon épaule. On veut essayer d’étouffer les flemmes avant qu’elles ne s’aggravent. »
À peine ai-je terminé de parler que le vent souffla une nouvelle fois, mais cette fois-ci porteuse de mauvaises nouvelles. Le clocher d’un village voisin retentit signalant ainsi l’attaque de ce dernier. Jurant à voix basse, je me retourne alors vers mes compatriotes pour leur faire signe de reprendre la route. Monter sur leurs chevaux, ceux-ci ne tardèrent pas à talonner leur monture les poussant ainsi à partir soulevant la poussière à leur passage. Chassant le nuage qui s’était formé tout autour de nous, je me retourne pour rejoindre mon propre familier. Évidemment, la femme à la chevelure bleutée semble vouloir nous accompagner et bien que des liens se fassent maintenant entre ses paroles et ses gestes de quelques minutes plus tôt, ma conscience de garde me disait de refuser son aide. Elle disait savoir se battre, mais avais-je vraiment envie de tenter le coup? Sauf que d’une autre part, elle était apothicaire et saurait apporter les soins nécessaires à ceux qui en auraient besoin.
Je plonge mon regard dans le sien qui me suppliait silencieusement d’accepter de l’amener alors que mon esprit débattait du pour et du contre. Un soupir finit par s’échapper d’entre mes lèvres alors que je demandai mentalement à Naamah de s’avancer vers elle afin que je puisse lui tendre la main.
« Ne me faites pas regretter de vous prendre avec moi. Je ne voudrais pas avoir une mort sur la conscience, lui fis-je savoir alors que je l’aidai à s’installer. Tenez-vous fermement à moi, ça va aller vite. »
Claquant les rennes de ma monture, celle-ci se leva légèrement sur ses pattes arrière hennissant un peu mécontentes de devoir porter une autre personne que moi, mais au vu de l’urgence, elle se mit aussitôt à courir à toute vitesse laissant des traces de griffures sur son passage. Plus rapide qu’un simple cheval, ma skur ne tarda pas à rattraper les autres cavaliers afin de voyager tous ensemble vers le village en détresse.
Plus nous nous rapprochions et plus les cris se faisaient entendre. La détresse et la colère étaient bien au rendez-vous. Bien qu’il m’était possible de pousser un peu plus Naamah, je ne voulais pas l’épuiser dans ce sprint sachant qu’elle allait m’aider à combattre par la suite.
« Vous deux, vous partirez sur le flanc droit et vous sur le gauche!
- Et toi?
- Moi, je serai avec Naamah et cette apothicaire. Nous saurons nous débrouiller. Alors, montrons-leur ce que ça fait de se frotter à l’avant-garde! »
Un cri à l’unisson s’échappa alors de nos gorges avant de charger en direction du village en respectant bien évidemment les directives que je leur avais données. Portant une armure d’écaille naturelle, Naamah n’hésita pas une seule seconde à percuter un homme qui poursuivait une jeune femme qui pleurait à chaude l’arme. Ma monture ne s’arrêta qu’après, pour nous permettre à nous deux de sauter de son dos. L’homme resta à terre, certainement assommé par le choc, mais cela n’empêchait pas d’autres membres de la bande de tenter de lui porter secours.
« Vous! Vérifier les blessés, nous vous couvrons. »
Sortant mes chakram des mes étuis, je les garde en mains pour commencer, préférant garder mon pouvoir en élément de surprise.
Elwing resserra sa prise autour de la taille de la femme en entendant les cris, en arrivant près du village, le groupe se dispersa. Des combats avaient lieu dans tous les coins et Elwing posa sa main sur sa rapière, elle risquait d’en avoir besoin. Lorsque l’animal se stoppa enfin, l’apothicaire en descendit rapidement et se précipitait déjà vers la femme que la garde venait de sauver pour avoir de plus amples informations.
— Madame, comment allez-vous ? Êtes-vous blessée ?
La femme la regarda sans comprendre, comme perdue dans ses pensées. Elle était en état de choc, à n’en pas douter, mais voilà, ce n’était pas le moment, Elwing avait besoin d’elle pour savoir où se diriger. Poussant un soupir, elle agrippa les épaules de la victime et la secoua gentiment, lui disant de se réveiller, que des vies étaient en jeu et que l’avant-garde allait s’occuper des bandits, mais que si elle, elle ne s’occupait pas des blessés, ils mourraient à coup sûr. Soudainement, la femme sembla revenir à elle et la guida au travers du village vers ce qui leur servait de grande salle pour les cérémonies, c’est là qu’avaient été amenés les blessés.
Elwing avait couru tout du long, poussant sur le côté la femme lorsqu’un voyou leur fonçait droit dessus. Au lieu de rencontrer un corps avec son épée, ce fut la rapière d’Elwing qu’il croisa et grand mal lui eut prit de s’attaquer à elle. Les cheveux bleus le repoussèrent d’un coup de pied dans le genou et le transpercèrent au niveau de l’épaule de leur arme avant de l’assommer d’un coup de pommeau dans la nuque. Elle reprit ensuite sa course pour finalement arriver au bâtiment, elle rassura au passage la femme : le voyou n’était pas mortellement blessé, elle avait fait en sorte de ne pas viser une artère ; il ne serait simplement plus en mesure de tenir son épée de sa main habituelle, l’entaille profonde le ferait souffrir à chaque fois qu’il lèverait le bras tant qu’il ne serait pas soigné.
En arrivant dans la salle, le constat fut aussi lourd que ce qu’elle imaginait, déjà dix hommes se trouvaient assis ou allongés avec des bandages de fortune. De vives discussions commencèrent tandis qu’Elwing soufflait de soulagement, au moins ils avaient eu l’idée de rassembler tout le monde au même endroit. Tandis qu’elle ouvrait son sac pour préparer un onguent, les portes de la salle s’ouvrirent en grand.
— Maxime a été blessé ! Venez nous aider à le poser, il faut qu’on retourne combattre !
Des cris se firent entendre et une femme s’évanouit en voyant le corps d’un homme portés par deux autres hommes. Elwing les arrêta de suite.
— La garde se trouve ici, laissez-les faire. Vous ne ferez qu’accroître le nombre de blessés, au lieu de combattre, regrouper les villageois, vérifiez que toutes les personnes blessées se trouvent dans cette pièce. Je m’occupe de soigner tous ceux qui en auront besoin.
Elwing se releva et s’approcha de la femme qui venait de s’évanouir, elle passa une petite fiole sous son nez pour lui faire reprendre connaissance avant de lui assurer qu’elle ferait son possible pour le guérir.
Ça y est, c’est la débandade. Il y a des civils qui se battent un peu partout pour protéger leur bien, mais ils n’ont que fourche et faux pour se battre. Ce ne sont pas des combattants, mais ils sont valeureux et tentent de faire de leur mieux. Heureusement que nous sommes arrivés dans les temps sinon je n’aurais pas payé cher de leur peau.
Naamah se met non loin de moi menaçant de ses griffes acérées toute personne qu’elle jugeait agressive. Contenant sa force et surtout évitant de blessé mortellement qui que ce soit, il m’était facile de la dirigé mentalement vers qui elle devait se tourner. Notre but était simple, couvrir la demoiselle qui nous avait accompagnés afin d’aider le plus de civils possibles tout en mettant hors d’état de nuire les brigands.
Le village ne semblait pas bien grand, mais il y avait pas mal de petit chemin à emprunter avant de tomber sur la place centrale. Pourquoi s’en prendre à ce genre d’endroit? C’était pourtant simple qui dit petit village, dit très souvent peu de gens pour le surveiller ou le défendre et même s’ils ne roulent pas sur l’or, il y est toujours possible de faire un raid assez rapide pillant tout ce qu’ils pouvaient avant de partir aussi vite qu’ils étaient venus. La garde étant parfois assez éloignée, il arrivait parfois que nous arrivions trop tard. Heureusement qu’une bonne âme nous avait signalé la présence d’individus à risque.
Notre apparition semble créer un peu la discorde dans le groupe ennemi. Après tout, ils ne s’attendaient certainement pas à notre présence. Mes camarades étant parties de leur côté, je ne peux pas savoir si tout se passe bien de leur côté, mais pour ma part je suis de près la femme à la chevelure bleue. Guidé de la civile que nous avons aidée à notre arrivé, l’épéiste démontra de ses talents dont elle avait parlé. La blessure qu’elle venait d’infligé n’avait rien de fatal et heureusement. Je ne voudrais pas qu’elle subisse un procès pour avoir protégé et combattu avec vaillance.
Bref, une fois arrivée dans le bâtiment où tous les blessés étaient amenés, je fais rapidement un tour sur moi-même pour constater les dégâts. Plusieurs blessés, mais rien d’insurmontable et avec la présence de l’apothicaire, il y avait moyen que tout le monde puisse être remis sur pied. Par contre, je sais qu’elle voulait bien faire, mais dans ce genre de situation, il fallait bien prendre les choses en main.
« Je suis Khalie Drak’gnir, membre du Régiment Al’Rakija. Est-ce que quelqu’un pourrait me dire, combien sont-ils?
- J’crois qu’ils sont une quinzaine, madame… Ils sont arrivés si vite. Personne n’a eu le temps de compter.
- Cinq contre quinze, ça devrait être gérable. Bon, tous ceux qui ont la capacité et le pouvoir de se battre, accompagnez ceux qui ne le peuvent pas pour aider les blessés. Protégez-les… »
Évidemment, je fais un appel de renfort, pour nous aider à ramener ceux que nous aurons attrapés. Du coup suffit de tenir jusqu’à leur arrivé et surtout de les mettre hors d’état de nuire.
*Petite humaine, Naamah besoin d’aide…* me dit alors télépathiquement ma monture qui était restée à l’extérieur.
Pas besoin de me faire prier que je quitte aussitôt la place laissant entre bonnes mains tout ce monde. Plus loin, je vois ma pauvre amie entourée de trois hommes qu’elle tenait tout de même à distance, mais ils semblaient la menacé d’une lance et épée alors que l’autre cherchait à l’attraper d’une corde.
« OH! Faudra me passer sur le corps pour vous en prendre à Naamah! » criai-je mécontente.
Je sais que je ne voulais pas utilisé mon pouvoir dans l’immédiat, mais je n’hésite pas une seule seconde à séparer mes chakram en quatre parties distinctes et les envoyer aussitôt dans leur direction. Je ne prends mêmes pas le temps de viser et ne fais que les diriger en usant de mes bras comme s’il s’agissait de l’extension de ces derniers. Les demi-chakram, toujours aussi tranchants, fusèrent à toute vitesse sur les trois individus qui furent surpris et permis à ma monture de s’en éloigner.
Il était maintenant tant de ramener l’ordre!
— Il me faudrait des bandages ou de larges bandes de tissus afin de panser les blessures. Est-ce que vous en avez ?
— Des draps c’est bon ?
— C’est très bien. Pouvez-vous aller les chercher ?
Je continuais sur ma lancée par fournir un pot de crème cicatrisante à chacune des deux femmes à mes côtés, en leur expliquant comment elles devaient procéder et ce qu’il était mieux de faire. Rassembler les blessés légers dans un coin et leur appliquer la concoction lentement pour bien la faire pénétrer après avoir nettoyé la plaie à l’eau claire.
Les laissant s’occuper de ceux qui ne risquaient rien, Elwing se pencha sur le cas de l’homme qui était devant elle, il avait une entaille sur l’abdomen assez profonde. Heureusement, elle possédait de l’alcool, elle allait devoir le recoudre, elle n’avait pas le choix, en espérant que son peu de connaissances en ce domaine lui permettrait de le garder en vie. Doucement, elle lui releva la tête et lui fit boire un peu du breuvage ambré de la bouteille avant de le prévenir de la douleur qu’il allait ressentir.
Elle demanda aux personnes présentes si l’une d’elle possédait une source de feu afin de stériliser son aiguille et on lui apporta une lampe à huile. Elwing fournit une serviette au pauvre homme, lui demandant de la mordre le plus fort possible et versa un peu d’alcool sur la blessure. Un long hurlement se fit entendre et plusieurs personnes les fixait, lentement, l’aiguille passa d’un bout à l’autre de la plaie, ramenant la peau l’une sur l’autre. Des nœuds faits pour maintenir les extrémités, Elwing nettoya le corps avec du tissu et appliqua un onguent, bandant pour finir l’abdomen de l’homme. Il n’y avait plus de traces de sang, c’était déjà une bonne chose. Mais il était loin de s’en remettre, elle lui fit boire une potion régénérante, ainsi qu’un remède pour lutter contre la montée en fièvre.
Elwing surveilla une dernière fois sa vitesse de respiration, il n’y avait rien de bien alarmant, alors elle se releva doucement et regarda autour d’elle. Des femmes continuaient de découper des draps en bandes et les blessures sans gravités semblaient avoir été toutes traitées.
— Excusez-moi, madame, pouvez-vous rester près de cet homme, son état semble stable, mais on doit attendre qu’il se réveille pour être sûr que tout va bien.
L’apothicaire attendit la confirmation et passa à un autre cas, un jeune homme avait une fourche plantée dans le dos. Elwing n’osa pas y toucher de suite, estimant ce qui avait été touché, mais puisqu’il était en mesure de parler, peut-être avait-il eu beaucoup de chance et aucun organe blessé. Elle le fit s’allonger sur le ventre tout en lui demandant de continuer de parler. Elle fit retirer l’outil d’un coup sec et un nouveau cri s’éleva dans les airs avant d’entendre le patient hurler qu’ils étaient fous, qu’ils auraient dû le prévenir avant de faire quoi que ce soit.
Elle apposa un long cataplasme sur la blessure, serrant pour le maintenir en place. Après avoir vérifié qu’il pouvait respirer sans gêne et qu’il n’y avait pas de sang en abondance qui s’écoulait des plaies, elle se laissa retomber et respira à son tour.
Au final, ils avaient réussi à s’en sortir, il ne restait plus qu’à attendre une nouvelle vague de blessés ou le retour de l’avant-garde qui sécurisait les lieux.
Naamah, maintenant libérer de ce trio de malotrus s’était éloigné de ce dernier. Dans sa course, elle avait ouvert son aile droite pour faire chuter l’un de ses assaillants alors que les deux autres avaient eu le temps de s’en éloigner. Malheureusement, pour l’un des deux autres, elle fouetta l’air de sa queue écailleuse et vint heurter sa jambe lui arrangea un léger cri de douleur.
Pour ma part, j’en profitai alors pour envoyer mes chakram sur le troisième qui tenait son épée et qui réussit à parer habilement deux des demi-lames alors que les deux autres vinrent glisser sur ses avant-bras, mais il tint bon. Le premier à être tombé s’était relevé, mais il avait laissé sa corde au sol.
* Naamah couvre moi! *
Je me mis aussitôt à courir dans la direction de ce dernier et me laisser glisser au sol au dernier moment alors que mon familier vint s’imposer entre lui et moi me permettant ainsi de récupérer la corde. Cinquième objet que je touche – ce qui me permet de prendre le contrôle de cette dernière – je l’envoie aussi s’enrouler autour de l’épéiste qui dû lâcher son épée malgré lui. Saucissonné, il tomba au sol alors que Namah vint frapper d’un grand coup de patte l’homme qui ne se releva pas.
«Naamah! » dis-je alors surprise.
* Naamah pas utilisé toute sa force et fait attention. Humain vivant…* s’empressa-t-elle d’ajouter.
Je poussai un soupir et observai alors celui à lance qui ne semblait pas s’être relevé se plaignant toujours de la douleur.
« Oh, arrête de chouiner, tu vas survivre. » que je lui dis en le tirant pour l’approcher des autres.
Évidemment, Naamah reste à mes côtés, l’intimidant de sa présence et il n’a pas d’autres choix que de se laisser faire.
« Vous ne pouvez pas tous nous attraper! S’écria alors l’épéiste
- Peut-être, mais on n’abandonnera pas tant que vos petits copains feront du tort à ses villageois. Puis, on pourra toujours vous retrouver… Enfin, si tu pouvais te taire pour le moment ça m’irait! »
L’homme me regarda un moment avec un sourire puis inspira profondément avant de se mettre à hurler. Il hurla tellement fort que je dois me boucher les oreilles.
« FRÈRES ET SŒURS, PRENEZ LA FUITE! LA GARDE EST ICI! »
Naamah ne se fit pas prier et assomma l’homme pour le faire taire. Avec la puissance de sa voix, tout le village devait l’avoir entendu. Je m’assurai qu’il soit tous désarmé avant des les ligoter tous ensemble. Mes collègues revinrent peu de temps après traînant à leur tour deux individus chacun.
« Les autres se sont enfuies…
- C’est le pouvoir de celui-là… Bref, vous deux surveillez-les en attendant que les renforts arrivent et vous deux aider les villageois à ramener les blessés au centre du village. Je laisse Naamah avec vous pour qu’elle puisse me prévenir s’il se passe quoi que ce soit… »
Pour ma part, je vais retourner dans le bâtiment où j’avais laissé l’apothicaire ainsi que les blessés. Courant jusqu’à là-bas, je me dépêche pour les tenir à jour sur la situation.
« Vous allez toujours bien? dis-je en regardant de droite à gauche pour voir si le nombre de blessés n’avait pas augmenté. Nous avons réussi à arrêter quelques bandits, mais l’un d’eux, comme vous devez l’avoir entendu, a alerté les autres. Le reste de la bande a pris la fuite, mais nous attendons des renforts pour venir nous aider. Deux de mes compagnons vont vous aider à trouver les blessés. Alors si vous avez besoin d’aider pour quoi que ce soit ici, je suis là. »
On lui amena un enfant dont l’un des avant-bras avait été coupé net, la plaie avait été bandée rapidement, mais elle s’imprégnait de son sang continuellement. Et là, on lui demandait de faire un miracle : lui recoller son bras. Impossible, tout du moins pas avec ses connaissances. Son rayon à elle, c’était les plantes et leurs effets médicinales ou non d’ailleurs, mais là, on lui demandait d’utiliser de la magie ou d’autres compétences que les siennes.
Alors lorsque la porte s’ouvrit une nouvelle fois, Elwing regarda désespérée la nouvelle venue, la femme de la garde était de retour pour faire le bilan.
— J’aurais besoin de votre aide en effet, cet enfant vient de perdre la moitié de son bras, et bien que ce soit tragique, je suis dans l’incapacité d’y faire quelque chose. Pouvez-vous l’expliquer à ces gens ? Ils pensent que je peux faire des miracles…
Elwing se positionna face au petit garçon d’une dizaine d’années et lui parla doucement, attrapant son moignon bandé pour tout défaire. En regardant la plaie béante, elle se retint d’avoir un haut-le-cœur. Elle attrapa dans sa besace un onguent, du fil, une aiguille, des bandes de tissus et de l’eau. L’apothicaire nettoya la plaie doucement avant de ligaturer certaines veines ou de les assembler entre elles puis de déposer un onguent épais sur toute la surface et de mettre du tissu par-dessus. Une fois fait, elle fit boire une potion à l’enfant pour éviter qu’il ne contracte la moindre maladie ou le moindre effet secondaire.
Elwing le regarda un moment, cherchant à vérifier dans quel état il se trouvait que se soit mentalement ou physiquement. Après tout, il devait accepter rapidement l’idée qu’il lui manquerait une partie de son corps pour tout le reste de sa vie, en plus, cela risquait de compliquer son existence, vu que son futur était probablement de reprendre la ferme de son géniteur.
Un enfant qui a perdu la moitié de son bras?! Mon regard suit les mouvements de l’apothicaire alors qu’elle se positionne à côté du gamin. Un gamin qui devait être dans la même tranche d’âge que Mélusine si pas moins. Ses traits sont étirés par la douleur alors que des sillons de larmes s’étaient dessinés sur ses joues couvertes de saletés. Ma mâchoire se resserre fortement alors que mes poings font de même. C’est dans ce genre de moment que l’on a envie de se faire justice soi-même, mais je ne peux pas et il ne le faut pas! Nous avons des lois à respecter même s’ils ont osé toucher à un enfant.
Les parents du gamin sont en larme et implorent alors l’apothicaire de faire des miracles. Évidemment, quand on vit dans un monde où la magie coule de source, on pense que tout est possible, mais ce n’est pas le cas. Elle aide grandement, elle améliore notre quotidien, mais à moins d’en avoir les pouvoirs, nous ne pouvions rien y faire.
Je m’approche alors de ces derniers laissant Elwing s’occuper de l’enfant et fais en sorte de me mettre entre eux et ce dernier. La vision d’un bras ensanglanté n’était pas faite pour tous.
« Écoutez, nous n’avons pas les compétences pour faire apparaître par magie le membre manquant de votre enfant et vous nous en voyez navré. Cette jeune femme fait son possible pour le soigner et le garder en vie, mais il vous faudra le soutenir dès qu’il ira mieux. Ce ne sera pas facile, mais si vous lui montrez qu’il a tout votre soutien, il ne pourra qu’aller mieux rapidement. »
Évidemment, les parents sont plutôt inquiets et semblent dans tout leur état. Ce n’est pas moi qui suis à leur place. Je ne sais pas ce que ça implique pour cette famille, mais le savoir en vie est tout ce qu’il y a de plus important. Je me détourne finalement, pour regarder les autres blessés. Certains devraient être alités et surveiller si j’en crois certaines blessures.
« Vous devriez amener les blessés aux dispensaires le plus proche afin de recevoir des soins bien plus adapter qu’ici à la va-vite. » Suggérai-je alors. « Si vous avez des charrettes et des chevaux, vous pourriez être accompagné de deux de mes collègues et nous nous chargerons de prendre vos témoignages une fois que nous nous serons assurés que tous les blessés auront été pris en charge. »
Pour ma part, je dois rester ici et attendre que les renforts arrivent pour prendre la relève concernant les prisonniers que nous avons pu faire afin de les ramener à bon port dans une caserne la plus proche. Ils vont croupir derrière les verrous le temps d’enquêter et de retrouver les coupables derrière tout cela.
Je m’approchai alors de l’apothicaire et mis une main contre son épaule. Elle devait en avoir vu de toutes les couleurs.
« Vous allez bien? » après tout ça ne doit pas être facile. « Vous voulez accompagner les blessés aussi? Sinon, j’crois bien que mes camarades auraient besoin vite fait d’un petit coup de pouce… Enfin, rien de bien bien grave, mais quelques écorchures et coupures par-ci par-là. »
Je donne une petite tape amicale sur son épaule avant de m’éloigner pour lui donner de l’espace.
« Heureusement que vous étiez là. Je ne sais pas ce que seraient devenus tous ces gens sans votre aide. »
— Je suis désolée mon garçon, c’est tout ce que je peux faire pour toi. J’ai arrêté le sang de s’écouler, mais je ne peux pas te rendre ton bras. Je ne suis pas guérisseuse, je n’ai aucune compétence magique, tout ce que je peux faire en magie c’est un mur de défense. J’aimerais pouvoir faire plus, je suis désolée.
Le petit la regarda en reniflant tout en secouant la tête pour montrer qu’il comprenait et qu’il ne lui en voulait pas, elle avait envie de le serrer contre elle pour chasser cette tristesse de son visage. Un enfant n’avait pas à subir tout cela si jeune, pourtant elle aussi pouvait être qualifiée d’enfant. Lentement, Elwing se releva et fit signe aux parents de s’approcher afin de leur expliquer la même chose qu’à leur fils : au vu de ses connaissances en médecine, elle ne pouvait rien faire de plus. Une personne dotée du pouvoir de guérisseur aurait peut-être pu en faire apparaître un, mais tel n’était pas le cas. Elwing s’étira et répondit par un hochement de tête à la garde, elle allait bien, malgré tout ce qui venait de se passer elle allait bien. Elle n’était pas blessée et c’était tout ce qui comptait.
— Je vais voir si je peux soulager vos collègues, j’ai déjà fait le point avec plusieurs personnes sur l’état de certains d’entre eux, le pire a été évité, mais je n’y suis pour rien. J’ai simplement tenté de colmater une fuite dans un broc percé. Mes soins ne sont pas aussi pas efficaces que ceux de personnes dont la médecine est la spécialité ou encore de guérisseurs.
Elwing avança en direction de la garde vers la porte de sortie, ne cherchant pas à s’attarder plus longtemps dans cet endroit. Elle n’avait pas besoin de repos, ce n’était pas non plus un lieu morbide, mais elle avait un goût amer en bouche quand elle repensait à la réussite des soins sur le petit homme. Comme pour changer de sujet, elle demanda:
— Et vous alors ? Vous n’avez pas besoin de soins ? Vous n’avez reçu aucun coup pendant votre chasse aux méchants ?
Ah lala, pourquoi ne veut-elle pas comprendre qu’il y est pour quelque chose? Ça me peine de la voir ainsi et surtout que si elle n’avait pas été là, que serait devenu les blessés? Nous aurions fait notre possible, mais sans plus. Nous n’avions pas le nécessaire de soin pour gérer une telle situation et je ne m’attendais pas du tout à ce qu’un enfant soit touché ainsi. J’essaie de rester forte et de garder la tête haute, mais au plus profond de moi, je ne peux m’empêcher de penser à Mélusine. Si cela lui arrivait, comment allais-je réagir? Enfin, je fais partie de la garde et je ne peux pas montrer mes émotions. On comptait sur moi.
« Ne dit pas cela, Elwing. » commençai-je en prenant la direction de la sortie. « Tu nous as été d’une grande aide et si ça se trouve, ceux que tu as soigné n’auraient peut-être même pas survécu. Alors merci. » lui dis-je sérieusement. Je n’étais pas du genre à complimenter les autres, mais sa présence avait été nécessaire. Normalement je suis la pessimiste du lot et celle à qui on doit dire de se bouger les fesses, mais pour une fois je fais preuve du contraire.
« Je vais bien. Des vêtements sales, sans plus, mais j’avais mon familier pour m’aider…» dis-je en mettant mes mains dans mes poches. En même temps, mon style de combat me permet de rester loin. Une fois à l’extérieur, je guide la demoiselle jusqu’à mes camarades. Certain en avait profité pour faire un tour rapide du village pour s’assurer qu’il n’avait laissé aucun blessé derrière. La plupart des villageois avaient été ramenés au centre du village et même ceux qui avaient réussi à trouver une cachette sûre étaient finalement sortis lorsque la tension fut retombée.
Je laissai donc la demoiselle faire son travail alors que je m'efforce de mon côté de vérifier que tout le monde allait bien malgré tout en évaluant aussi l’intensité des dégâts. Après tout, j’ai un rapport à faire après cela et ils vont certainement avoir besoin d’une évaluation sommaire des pertes et dégâts pour pouvoir estimer l’aide dont ils auraient besoin. Malheureusement, ce n’est pas la garde qui prend la décision, mais je dois simplement m’assurer que tout se passe bien maintenant que les malfrats ont été en partie arrêtés.
Les citoyens commencèrent à se mobiliser amenant les charrettes qui se trouvaient à leur disposition pour y faire monter les blessés et peu de temps après, l’aide que nous attendions arriva enfin. Une part des renforts prirent en charge les malfrats, afin de les amener à bon port alors que l’autre partie à la recherche des fuyards et ceux qui m’avaient accompagné, décidèrent d’escorter les blessés.
Tout allait bien ou du moins, mieux, même si nous aurions préféré éviter les blessés, mais tout ne peut pas être parfait.
*Petite humaine…venir voir ici…* m’appela finalement ma monture qui semblait renifler le buisson près d’une demeure. *Quelque chose ici.* dit-elle à nouveau alors qu’elle cherche à gratter quelque chose à l’intérieur. M’approchant à ses côtés, je plongeai mes mains dans le buisson pour en sortir un objet de forme ovale ressemblant à un œuf.
« Un familier? » je regarde autour de moi et les villageois restant semblent tout aussi surpris que moi. « C’est à quelqu’un? » Demandai-je. Après tout peut-être qu’ils étaient au courant de quelque chose, mais la plupart haussèrent les épaules alors que les autres me firent signe que non.
Bon, je ne peux tout de même pas laisser l'œuf de familier ici sans maître, puis je ne sais pas s’ils auront les moyens de s’en occuper. Puis si ça se trouve, l’oeuf n’est appartient à personne, mais dans le doute, je vais quand même le conserver pendant un petit moment et si personne ne le déclare perdu je lui trouverai bien une petite place entre nos familiers.
Dans tous les cas, je retournai auprès de l’apothicaire. « Que comptes-tu faire maintenant?» Lui demandai-je simplement en tenant l’oeuf en main. Elle m’avait aidé et m’avait suivi jusqu’ici. Il était donc de mon devoir de l’aider en retour. Surtout que la situation avait été prise entre bonnes mains.
Alors pour se donner contenance elle acquiesça à la remarque de l’autre femme : pas de blessure, rien que des salissures. Voilà une bonne nouvelle. L’apothicaire s’approcha de ses collègues et regarda sa sacoche, il lui faudrait refaire le plein de plantes très rapidement si elle voulait pouvoir vendre ses produits et vivre un minimum.
Elwing banda plusieurs gardes au niveau des bras et de l’abdomen, mais rien de bien méchant, ils seraient tous sur pied dans deux jours ou le lendemain selon leur niveau de cicatrisation. Lorsqu’elle vit les citoyens arriver avec une charrette, elle en profita pour demander si des plantes rares poussaient autour de leur village ou du moins s’ils connaissaient les plantes qui les entouraient. On lui indiqua certaines plantes locales un peu plus loin dans les champs, ils avaient beau les couper, elles repoussaient inlassablement et à dire vrai, ils aimeraient bien s’en débarrasser pour élargir leurs cultures. Si la plante dont ils parlaient était celle qu’elle pensait, cela lui serait d’une grande aide d’en avoir au moins une racine, car elle servait à la guérison de plaies bien plus efficacement que celles dont elle se servait actuellement. Alors qu’elle allait demander plus d’informations, la voix de la garde s’éleva de nouveau pour parler aux villageois et lorsque cette dernière revient vers elle, l’apothicaire lui répondit sans hésiter.
— Pour tout vous dire, je vais aller chercher des plantes afin de me réapprovisionner, mais je dois absolument demander quelque chose au chef du village d’abord.
Elle le trouva rapidement avec son épouse près d’une charrette et lui montra une image, lui demandant si leur plante était la même, la lui décrivant au maximum. Quand elle en eut la confirmation, elle lui demanda la permission de prendre une bouture de cette herbe qui les embêtait, en lui exposant ses bien-faits et en leur indiquant à quel point elle pouvait se révéler rentable pour le village.
L’homme ne semblait pas vouloir lui en céder un petit bout en sachant la vérité sur ce qu’il prenait pour une mauvaise herbe, jusqu’à ce que sa femme ne lui donne un coup de coude dans les côtes et lui rappelle que sans la présence de la jeune femme, nombreux hommes seraient morts à l’heure actuelle et n’auraient eu aucune chance de survie. Un peu à contre-cœur, il accepta qu’elle prenne toutes les plantes dont elle aurait besoin en échange de ses services, une idée de son épouse qu’il trouvait ridicule, mais qui était plus que précieuse pour la jeune apothicaire.
Elwing les remercia chaleureusement et se pressa pour prendre la route conduisant aux champs, faisant signe aux citoyens tout en détachant les épingles qui retenaient sa natte, la laissant retrouver sa place sur son épaule.
Une fois dans les champs, elle avança doucement jusqu'à trouver une partie complètement verte et bleue, les fleurs prenaient une grande place et il ne lui fut pas si compliqué d'en récupérer plusieurs pans à l'aide de gants, car le principal obstacle que représentait cette herbe était son poison contenu sur les tiges. Les meilleurs poisons faisaient les meilleurs remèdes, c'était bien connu, et là, cela allait lui faire gagner un temps fou, si les fleurs prenaient dans un peu de terre, elle pourrait les garder vivantes jusqu'à les replanter une fois installée en ville, mais pour l'instant, elle devait à tout prix, faire en sorte que ces boutures ne fanent pas, c'est pourquoi elle plongea les racines dans plusieurs éprouvettes contenant de l'eau et des nutriments qu'elle avait pris avant de quitter ses parents.
Bon, les plantes c’est pas trop mon truc et je n’y connais pas grand chose. Mais j’imagine que si elle m’indique quoi faire je pourrais peut-être l’aider, mais même encore. J’ai pas trop les pouces verts et je suis plus du genre à les faire mourir que les garder en vie. C’était beaucoup trop d'efforts pour moi et ce l’est encore aujourd’hui.
« Euh, d’accord…» que je dis simplement alors que je l’observe s’éloigner pour rejoindre le chef du village. Je ne vois pas l’intérêt de les suivre, mais vu l’expression du monsieur, je me dis qu’il ne semble pas très joyeux. Même sa femme semble le raisonner à coup de coude, mais bon, ça ne me regarde pas même si je pense que de répondre à la demoiselle positivement vu l’aide qu’elle vient d’apporter ne devrait pas faire de mal à personne. En autant que cela reste légal.
Je suis quand même curieuse, alors que je la vois se diriger vers l’extérieur du village à toute vitesse, je la suis à mon aise. Après tout, je ne voudrais pas faire tomber l'œuf que je tiens contre moi et je demande à ma monture de me suivre.
*Petit familier… Khalie trouver nom?*
*Non… Je ne sais pas ce que sait de toute façon et il se peut que quelqu’un le réclame.*
*Moi avoir idée, Sekhmet…*
« Sekhmet? » que je dis à voix haute plutôt surprise sans savoir d’où elle tenait ce nom, mais je fus encore plus surprise lorsque je sentis l'œuf bouger dans mes bras. « Par Lucy! Il a compris que c’était son nom! » que je dis un peu avec panic. Comme si j’avais le temps de m’occuper d’un familier supplémentaire sur le chemin du retour sans savoir ce que j’allais y trouver. L’oeuf n’était pas trop gros, alors c’était un petit familier, mais tout de même! En tout cas, il semble se débattre doucement afin de sortir de sa coquille comme si je l’avais réveillé d’un profond sommeil. « Ça va être difficile de le remettre à son propriétaire s’il en avait un maintenant…» Si je me souviens bien, les familiers reconnaissent leur maître alors peut-être que ce dernier attendait simplement ma venue?
J’accélère finalement le pas pour rejoindre l’apothicaire que je vois au loin. Elle semble concentrer le nez dans sa verdure.
« Je voulais te remercier à nouveau pour ton aide. Je connais très peu de gens qui auraient risqué sa vie pour venir en aide à un village en danger comme celui-là.»
L’oeuf sursaute davantage entre mes bras m’obligeant à resserrer mon emprise alors que mes yeux s’agrandissent. Je passe à un cheveux de l’échapper par terre, mais je tiens bon.
« Est-ce que tu as besoin d’un transport d’ici jusqu’au grand-port? Je vais devoir y retourner pour remettre mon rapport le plus rapidement possible, mais je peux toujours faire un petit arrêt pour toi si besoin. Après tout, je te suis redevable. »
La demoiselle, bien occupée, semble vouloir rester sur place pour récolter le plus d'ingrédients possible. Je ne vais pas lui tordre un bras pour qu'elle me suive puis ce n'est pas tout le monde qui attend à ce qu'on les aide en retour une fois un service rendu. Enfin, je vérifie tout de même avec elle si elle va bien. Après tout, je ne voudrais pas qu'elle me cache une blessure et une fois fait. Je me mets en route vers le grand-port où m'attend une panoplie de paperasse à remplir et je sais que le boulot ne sera pas terminé. Après tout, nous n'avons pas pu arrêter l'ensemble de la bande.
D'ailleurs, l'oeuf n'avait pas entendu la fin de notre voyage pour éclore me laissant ainsi avec un bébé bastet entre les mains. Nous l'avions donc appelé Sekhmet, idée de Naamah, et elle était très fougueuse... J'vais pas vous mentir, le retour a été long.