Je laisse mon souffle revenir, me déchargeant de mon sac sans-fond que je pose à côté de moi, ainsi que mes armes. Rapidement, mon corps me rappelle l'épreuve que je viens de passer. J'ai traversé la forêt sans vraiment regarder devant moi sur plusieurs centaines de mètres. Je ne suis même pas certaine de la distance que j'ai parcouru, mais une chose est sûre : j'ai chargé sans réfléchir en traversant buissons, ronces et autres plantes cherchant à s'agripper à mes vêtements. Ma peau me brûle à plusieurs endroits, sur les avants-bras, les mollets, le visage. Ma jupe et mon haut sont légèrement déchirés, mais mon armure de cuir protège toujours mon torse. Je viens en défaire les lanières et ainsi laisser ma poitrine se soulever plus librement au rythme de ma respiration encore rapide.
Je prends le temps d'inspecter mes blessures une à une, n'ayant pas de miroir sous la main ou de plan d'eau pour vérifier l'état de mon visage, je fais confiance aux sensations que je ressens. Je sors ma gourde fontaine et la vide sur mon visage pour le nettoyer, grimaçant en sentant les griffures sur mes joues me piquer. Je laisse l'objet magique se recharger tout en continuant d'observer mon corps. Les griffures sur mes bras sont superficielles, dès que ma gourde est à nouveau pleine je prends le temps de la vider lentement sur chaque trait zébrant ma peau claire, nettoyant les plaies pour éviter une infection. Je prendrais le temps de bien désinfecter tout cela plus tard. Je continue ensuite en constatant les dégâts sur ma tenue, mais une brûlure au mollet droit attire plutôt mon attention.
Avec une grimace de douleur, je bouge la jambe pour constater la blessure qui couvre de sang tout le côté de mon mollet. Je serre les dents en me tordant, regardant la large griffure ayant entamée ma peau au point de l'ouvrir et la faire saigner. Plusieurs échardes enfoncées dans la peau, de la poussière et terre se collant au sang perlant doucement. Je me suis certainement accrochée à une branche ou une souche en courant, l'adrénaline me faisant ignorer la douleur du coup.
Je prends une grande inspiration, ouvrant ma gourde et la vidant sur ma blessure en serrant les dents, retenant les gémissements de douleur que me provoquent les nombreux picotements et brûlures que je ressens en sentant l'eau couler sur cette plaie. Je prends sur moi, ayant déjà subi bien pire que cela. Cette douleur n'est rien. Une fois la plaie plus ou moins propre, je me lave les mains en finissant de vider ma gourde. Je secoue mes doigts pour en retirer l'excès d'eau et entreprenant d'enlever délicatement chacune des échardes, faisant à nouveau perler de petites goutes de sang à chaque fois que je retire des morceaux trop épais ou trop enfoncés dans ma peau.
Je prends mon temps et me concentre sur cette tâche fastidieuse pendant un long moment. Ce sont mes sens et mon instinct de survie qui me réveille. Un bruit dans mon dos et la sensation d'une présence derrière moi me font presque sursauter. Je récupère mon épée à mes côtés et la dégaine aussi vite que possible. Je me retourne tout en me relevant, faisant face à l'homme m'ayant surprise, le regard mauvais et méfiant, essayant de paraitre forte et prête à en découdre.
En tant que Bûcheron, son travail consistait ensuite à abattre l'arbre de telle sorte que sa chute ne génère que peu de blessures à ceux adjacents, et qu'il soit facile à élaguer et débarder ensuite. La forêt le faisait vivre, et ses formateurs lui avaient appris à travailler dans le respect de cette dernière, le respect et aussi l'entretien, permettre aux jeunes pousses de croitre sans trop de contraintes et de concurrence, permettant ainsi à une nouvelle génération de pouvoir à son tour utiliser ce bois et de contribuer à l'entretien de la forêt.
- Y a du bruit par là...
- Du gibier ?
- Ça dit "aïe" le gibier ?
- Je sais pas, je parle pas le gibier...
- Non, c'était humain...
Dieter, comme d'habitude, était accompagné de Asheara, qui adorait gambader en forêt pendant que le jeune homme sélectionnait ses arbres. Parfois elle en profitait pour chasser, mais n'ayant pas besoin de manger, et Dieter ayant pour habitude de se fournir chez le boucher, elle ne tuait jamais ses proies, les laissant filer une fois l'excitation de la chasse passée. Le fait que son familier magique aie entendu quelqu'un ne le surprenait pas, mais qu'elle le dise en revanche l'inquiétait d'avantage, d'autant qu'il avait laissé sa grande hache chez le forgeron, une épée dans un tronc d'arbre l'avait sérieusement abîmée et elle nécessitait une grosse réparation. D'un autre côté, une personne avait peut-être besoin de soins, et son intervention pourrait être opportune. Il pris rapidement une décision.
- C'est par où ?
- Suis moi !
Suivant son fauve à travers bois, il en aperçu bientôt l'orée. S'attendant d'avantage à voir la personne blessée en pleine forêt, la perspective de porter secours à quelqu'un en dehors d'une zone potentiellement dangereuse l'intrigua quelque peu, mais il continua à suivre Asheara.
Arrivé à l'orée, il contourna un gros arbre pour se retrouver face à une demoiselle, les vêtements déchirés sous un plastron de cuir de bonne qualité, couverte de griffures et de sang, semblant épuisée mais malgré tout l'épée sortie du fourreau, un œil laissant transparaître un regard revêche, l'autre étant l'écrin d'une superbe fleur. Dieter tiqua, plus à la vue de la fleur dans l’œil de la jeune femme qu'à l'hostilité qu'elle semblait manifester à son endroit. Asheara, se tenant à côté du jeune homme, feula, les poils du dos et de la queue hérissés.
- Paix, Ash... On ne veut pas vous faire de mal... Asheara vous a entendu avoir mal, nous sommes venu vous aider...
Dieter leva les mains en signe d’apaisement. Il dominait largement la demoiselle, tant par sa taille que sa carrure, et en cas d'affrontement, il avait confiance en sa capacité à mettre la jeune femme hors d'état de lui nuire, bien qu'il ne connaisse pas les compétence à l'épée de l'hostile personne en face de lui. Il était calme, malgré l'insécurité qu'il ressentait en l'absence de sa fidèle hache.
- Il y a un village pas loin, avec un médecin et un herboriste, et si vous avez besoin de vous reposer, nous disposons aussi d'une bonne auberge... Je peux vous y mener, si vous consentez à remettre votre épée au fourreau.
Je pousse un long soupir en me détendant, abaissant mon arme lentement pour rassurer le félin avant de ranger la lame dans son fourreau. Je montre alors aussi mes mains en signe d’apaisement et pour prouver que je ne veux faire de mal à personne. Avant de prendre la parole, je sors le médaillon avec mon insigne qui prouve mon affiliation à la guilde de sous mon vêtement, le rendant en direction de l’homme pour qu’il voie que je ne suis pas non plus une simple mercenaire prête à m’en prendre au premier passant ou qu’il ne risque pas d’être pris au piège.
« Désolée... Je suis aventurière. J’ai été mandaté par la guilde pour chasser du porc-becue... mais ces bêtes sont plutôt coriaces et je me suis fait surprendre. »
Je lâche le médaillon pour qu’il pende à mon cou, me redressant et essayant d’afficher un petit sourire plus poli et amical, même si ce n’est pas mon fort.
« Je m’appelle Sia. Je... Désolée. C’est juste qu’en pleine nature on ne sait jamais quand une créature ou un brigand va nous tendre un piège. Et vu ma position actuelle... »
Je ne termine pas ma phrase, me raclant la gorge. Il m’a proposé son aide, je ne suis pas en position de la refuser. Je peux me soigner avec ma magie, mais l’utiliser pour des blessures si superficielles ne me convient pas. Surtout qu’elles sont nombreuses. Et un bon bain ne me ferait pas de mal je pense.
« Je vous remercie. Je ne pense pas avoir besoin d’un médecin, mais je dis pas non à un bon herboriste. Ni à une bonne auberge... Je pense que je peux abandonner ma chasse pour aujourd’hui de toute façon. »
Avec le remue-ménage que j’ai fait, il va falloir que je laisse les bêtes se calmer avant de les traquer à nouveau demain. Il va falloir que je prenne le temps de me soigner et de réfléchir à la meilleure manière de m’occuper de ce gibier. Finir la journée pour panser mes plaies, prendre un bain de soleil, me nettoyer et une bonne nuit de sommeil devrait m’aider. Et je pourrais peut-être me renseigner au village pour voir si certains peuvent me conseiller pour attraper ces porcs.
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