The good guys

J’sais pas trop ce que j’fous là, mais c’est pas ouf, comme cadre. J’veux dire, des soirées dont j’me rappelle de rien en me réveillant, et suite auxquelles j’sais pas où j’suis ni ce que j’y fabrique, j’en ai fait un paquet, beaucoup trop même, diraient certains… s’ils se souvenaient de moi. Mais là, c’est pas pareil. Déjà, j’ai pas mal au bide ou à la tête. Est-ce que j’ai trouvé un nouveau truc ? Franchement, j’espère que l’ambiance hier soir était chiadée, pasque la sensation le lendemain est pas terrible.

L’ambiance forêt glauque, avec le vent, pas de bestioles, et trois connards à côté de moi… Tiens, ouais, j’pourrais me poser cette question. Après les bestioles, ou leur absence, plutôt : normalement, dans les bois, on entend toutes les saloperies qui s’excitent. Doit y avoir un truc qui fout le bordel, genre notre quatre sales gueules. D’un autre côté, on n’est pas particulièrement bruyant, à observer les petits camarades.

Y’a Jack, déjà, on reconnaît bien son profil.

« Salut, Jack. Ça bibiche ? C’qui, les deux autres ? »

J’mords la suite. C’est ptet nos coups d’hier soir. Vrai que y’avait de quoi faire, à les voir. Donc pourquoi pas, finalement. C’juste dommage de pas s’en souvenir. Ça devait pas être terrible, du coup. C’est salement ballot. Puis Jack a pas bonne mine. Moi, bizarrement, j’me sens pas mal. Il a p’tet la gastro, ou une connerie du genre.

« Vrenn, au fait. ‘Chanté. »

Mouais, se présenter, j’sais pas si c’est le bon plan, à bien y réfléchir, ça fait p’tet un peu cramé dans le genre ‘’J’ai aucune idée de qui vous êtes, vous habitez chez vos parents ?’’.

« La soirée d’hier a dû être rude mais… On fout quoi ici ? »

La première chose que je capte, c’est Valeera. On a beau dire ce qu’on veut, même si elle est pas très massive, elle occupe l’espace. On ne voit qu’elle. En même temps, quand on sait le passif que j’ai avec elle, on comprend que je la repère d’entrée. On est en affaire. Je dois lui récupérer des trucs et en échange, elle me dégomme pas avant de m’envoyer par le fond, les pieds accrochés à un sac de brique. Un bon deal, non ? Surtout que si je réussis, je rentre surement dans ces petits papiers et à moi une vie peinard à maltraiter des fauchés, humilier des débiles et tendre la main pour obtenir ce que je veux. Le plaisir d’être le dominant. Pas le plus alpha, car c’est Valeera, mais juste en dessous. Ça suffit. Du coup, la zieuter d’entrée devant moi avec l’air d’avoir passé une mauvaise nuit, il y a de quoi me faire disparaitre mon mal de crâne et mon envie de vomir parce que la première idée qui me vient en tête, c’est qu’elle est pas contente de moi et qu’elle a perdu patience. Merde. C’est ma faute si je contrôle ce corps de temps en temps quand ce balourd de Jack se décide à jouer aux cartes ? Faudra vraiment faire mieux sur ce coup-là.

Au fait, moi, c’est Blackjack. Mais vous l’avez compris, je pense. Aux dernières nouvelles, c’était la fin de la journée et probablement que l’autre gentillet allait finir par reprendre le contrôle, alors je me suis calé au calme pour pas qu’il apparaisse au milieu d’un truc sordide. Ça aurait fait du grabuge si vous voyez ce que je veux dire.

On m’appelle. Je me retourne.
Merde, c’est qui déjà.

Ah oui.
Truelle Houdini. Un pote de la guilde. Un bon gars. Efficace. Et qu’à pas l’air d’être contre de faire les choses à sa manière, si j’interprète différemment les souvenirs difficile de Jack. Bizarre que ça soit si compliqué à se souvenir de lui, c’est quand même son meilleur pote à la guilde. Pour ça que je l’ai pas approché pour lui proposer des activités illégales. Trop proche de Jack, c’est forcément un mec bien, dans le fond. Par contre, ça m’inquiète un peu. Avec Valeera à côté, il y a moyen qu’il découvre que j’ai des accointances avec la pègre et ça fera surement jaser. Déjà que j’ai pas une foutre idée de ce qu’on fait là. Je tourne la tête vers la dernière et je reconnais une tête. Rebecca Hekmatyar. Ou peut-être ex Hekmatyar, j’en sais rien maintenant. Ancienne employé du noble Veriano qui a disparu depuis un moment de la circulation, faut noter, entrée dans la guilde. Jack a bossé un peu avec. Et depuis peu, je l’ai rencontré personnellement alors qu’elle est en affaire avec Valeera. Le monde est petit. Me voilà donc avec mon employeur, une de ces agents de confiance et un très bon pote à Jack.

Ça sent les problèmes que je vous dis.

-Elle, c’est Rebecca. De la guilde. Une aventurière. L’autre, je sais pas. C’est ta pote ?

Que je balance à Rebecca, histoire de rentrer dans un jeu et pas trop en dire sur l’identité de la patronne. J’essaie de paraitre le moins stressé possible, sentant venir le coup de surin aussi rapide que prévisible, histoire d’éliminer les témoins gênants d’une apparition qui ne s’explique pas.

-Vrai que je suis pas dans mon assiette et z’avez pas l’air fameux non plus. Heureusement, on a nos fringues.

Le contraire aurait posé des questions bien embarrassantes, parce que j’aimerais bien me souvenir, quand même, lorsque je fais des parties fines avec les copains et des filles plus dangereuses qu’une lame de rasoir.

-Qui a eu l’idée de la promenade champêtre ? Il y a de meilleurs endroits à de meilleurs moments pour se promener. Et qui a mis une saloperie dans nos verres, parce qu’il faudra pas recommencer la prochaine fois.

Ou alors m’en filer, histoire de m’en servir à des fins personnelles, du genre que ça peut servir à commettre quelques forfaits, hein.

A force d’avoir bossé avec des gens peu recommendables, j’finis par les piffer un peu. C’est quelque chose dans la manière d’être, de se tenir, d’agir, qui différencie totalement les gens louches des gens ordinaires, et encore davantage les petites frappes des clients plus sérieux. Le plus étonnant, quelque part, c’est la présence de Jack dans le lot. Il a dû se faire embarquer par accident : il est bien trop innocent parfois, quasiment naïf. A se demander comment il a survécu si longtemps.

Mais bon, il est sympa, alors j’suppose que personne lui veut du mal.

Puis il a été mon alibi pendant des années.

Y’a une voix grave qui s’élève au loin, et qui parle de nos péchés, machin tout ça. J’écoute que d’une oreille, en cherchant davantage à trouver sa source. Chou blanc. T’façon, je purge ma peine, j’suis clairement un des gens gentils, maintenant. Non ? Enfin, aux yeux de la justice des hommes, en tout cas. C’est déjà ça, faut pas non plus trop en demander.

« Un bonbon ou un sort ? »

J’sais pas pourquoi cette phrase m’est venue en tête, c’était les jeux des gamins pour se faire peur, ça, et j’trouve que la situation s’y prête pas si mal. Mais mon attention est ensuite monopolisée par une forme plus loin dans la forêt brumeuse, qui me rappelle salement quelqu’un. Genre, une personne que j’vois souvent, style à peu près tous les jours. Y’en a pas des masses, dans cette catégorie, a fortiori maintenant que la patronne est plus là.

C’est ma gueule, celle du miroir, p’tet en plus jeune, dur à dire vu que le rasage est différent. J’ai un peu cette impression de pas vraiment vieillir, physiquement, ou en tout cas de pas changer en terme d’apparence. J’suppose que ça va me rattraper un de ces quatre, et je ressemblerai à ces pauvres vieux qui prennent dix ou vingt piges en l’espace de quelques mois.

J’irai consulter un toubib, si ça arrive.

J’vérifie mes objets de pouvoir, mais y’a pas à tortiller du fion pour chier droit, c’est pas mon clonage qui s’est activé avec une des incarnations qui s’est fait la malle. Du coup, ça doit être autre chose, un genre de pouvoir négatif ou une malédiction, bref, une saloperie de l’arrière-pays d’Aryon. A croire que le pays a été construit sur le cimetière d’une civilisation perdue et oubliée. Et y’a des paquets de ruines sous nous, si j’en crois la Cité Enfouie, la Citadelle des Tréfonds, la Tour Sombre et toutes les autres conneries qui traînent. Donc ça paraît même pas si déconnant.

De toute façon, la compulsion est trop forte à savoir ce que c’est, ce qu’il fout là, si c’est mon passé, mon avenir, ou juste un autre moi qui aurait vécu différemment ou fait d’autres choix. J’essaie toujours d’éviter de réfléchir en ce sens, pasque c’est vain, et malsain, j’trouve. Donc on va y aller.

« Hé, vous voyez ce beau gosse ? »

Ça se trouve, les autres voient la même chose que moi, après tout.

-Tu t’es vu dans un miroir, Truelle ?

Une petite boutade pour tenter de dédramatiser la situation. j’ai eu une soudaine suée dans l’arrière du cou. Clairement, il y a quelque chose de pas net qui se trame ici. De la magie qui pue. Le genre de truc qui va vous rentrer dans la cervelle et vous faire voir des choses qui ne sont pas ou qui vont vous faire faire des choses que vous ne faites pas d’habitude. Un peu comme moi, Blackjack, avec Jack. Autant vous dire que ça me fout grave les boules si un truc magique vachement plus puissant que moi me prenne la place. Après tout le mal que je me suis donné pour parvenir à la situation actuelle, ça serait risible de rendre les clés de la boîte crânienne à la première entité maléfique locale. Vraiment, je me maudis de me retrouver là.

Je tourne la tête à nouveau vers le fond de la forêt obscure et sombre. Essayant de comprendre ce que je vois, parce que ce n’est pas très simple. La lumière a été assez diffuse un instant avant de faire apparaître soudainement les solides murs et la devanture plutôt reconnaissable du bâtiment principal de la Guilde des Aventuriers. Pour quelle raison elle se trouve en plein milieu des bois ? Que veut me dire ce petit esprit facétieux qui croit en savoir plus sur Jack que moi j’en sais sur lui alors que je suis dans sa tête ? Aucune idée. Mais je vous le dis très net, je ne lui laisserais pas la place. Je sais pas trop comment, mais voilà. J’ai eu la présence d’esprit de partir avec de l’équipement, mais Jack n’a jamais été très attiré par les matériels utiles pour casser la gueule à un esprit maléfique ; heureusement, ça m’évite de m’inquiéter, d’une certaine façon. Même pour casser la gueule à un gars, il n'est pas trop occupé. Heureusement, on peut compter sur Truelle. C’est un peu l’objet de pouvoir de Jack, non ? Validé scandaleusement vu toutes ces qualités et son absence de défauts. on ne va pas s’en plaindre.

Mais je m’avance. Attiré par cette Guilde plus belle que je ne pourrais croire. Peut-être qu’il n’y a pas Lou ? ça serait vraiment le paradis. Enfin, je sais pas. Mais j’imagine que ça devrait l’être, non ? Même si je sais pas qui saurait me trouver les bons dossiers aux archives sans lui. Mais j’avance. Et ça me tue. Putain, pourquoi j’avance ? Je me fais déjà rouler dessous. Je dérive un peu la progression pour m’approcher de Valeera, histoire de lui chuchoter quelques informations.

-Truelle est un pote. Il est bourré de talent, mais il est malin.

Histoire de dire qu’il ne faut pas faire d’erreur avec ce loustic. Je l’ai pas vu directement à l'œuvre, mais j’ai lu des rapports de lui quand il est parti en quête avec Carciphona et Nivix. S’il fait jeu égal avec eux, clairement qu’il a bien caché son jeu en étant si longtemps un examinateur. Donc qu’il est malin. Mais ça, Jack l’a suffisamment cotoyé pour en être persuadé. Tout aussi malin que Jack, mais différemment, si vous voyez ce que je veux dire. Bref, je m’éloigne de Valeera, continuant à marcher droit devant moi. Il est où le truc qui nous a parlé totalement ? ça ne veut pas se montrer. Le coup classique. ça nous menace des pires souffrances et puis après, ça reste planqué derrière son arbre en ricanant de sa bêtise. Il était arrivé à Jack la même mésaventure l’année dernière, presque jour pour jour, dans un manoir pourri avec un truc maléfique qui s’amusait à faire disparaître des aventuriers sous ses yeux, mais qui ne faisait pas plus. On va pas y passer cent sept ans, moi, je vous le dis, alors je me mets à gueuler.

-ET SINON, LA FUREUR DE L’IMMORTEL, ELLE VIENT MONTRER SA GUEULE OU FAUT LA TIRER PAR LE CUL DE SA CACHETTE DE PLEUTRE ?

Les esprits maléfiques ont une fierté, vous pouvez me faire confiance sur ce point.

-Truelle ! Truelle !

Quand je vois mon pote se faire chopper par les lianes, je me dis que ce n’est pas un problème. Il va s’en sortir. Il a de la ressource quand même, après toutes les animations auxquels il a participé. Quand on réchappe des ruines du désert volant, ce n’est pas une plante un peu trop agressive qui va vous avoir. Sauf que soudainement, t’as la voix qui cause, et c’est clairement pas nous inviter à boire le thé. Et ça concorde avec mon pote qui disparait à travers un mur de végétation qui semble soudainement se mouvoir pour nous interdire l’accès. J’arrive trop tard, évidemment, mais ça m’échaude un petit peu. Je suis pas là pour me faire martyriser par des plantes. On est où là ? Dans le jardin des expérimentations de l’eco-terroriste Brando ? Il a suffisamment investi en énergie et cristaux pour donner du pouvoir aux plantes pour qu’elles se vengent de ce qu’on leur ait fait ? J’ai rien contre la nature, tant qu’elle reste à sa place. Mais si elle veut jouer dans la cour des grands, on ne va pas faire de cadeau.

-Faut tout cramer. Pour niquer cette végétation avant qu’elle croit qu’elle peut nous avoir. On va lui faire suinter sa résine.

J’ai pas de trucs incendiaires sur moi. Sauf une rasade d’alcool, mais ça serait assez criminel de le cramer, c’est du bon. Par contre, j’ai un truc utile. Une dague sylvestre. Un truc qui coupe bien, même si c’est fait en bois. Je la plante dans le sol et normalement, ça grandit vite si le sol est bien riche. Avec des plantes aussi vivaces dans le coin, je peux vous dire qu’on n’est pas dans une zone aride, hein. Alors, ça pousse. Je n’attends pas qu’elle soit suffisamment longue, genre machette, ça suffit. Et même si c’est du bois, ça coupe comme du métal. Quel ironie, tout de même d’utiliser du bois pour couper la végétation aux alentours. Bien fait pour leur gueule. Un objet magique qui ne cherche pas à vous emmerder, c’est un bel objet magique. Faut rester à sa place, quoi. Surtout que j’ai toujours ma belle guilde dans le dos et ça me ferait mal que la végétation vienne tout casser. C’est une allégorie de l’avenir ? La nature va tous détruire, même les fondements de la société qui sont l’administration et la Guilde ? Ça me fait froid dans le dos. Alors je coupe. Dans le lard. J’essaie de faire un chemin pour retrouver Truelle. Normal que la forêt s’attaque à lui. Il est dangereux. Mais attendez un peu qu’il soit apte à sévir. Des rayons dans la gueule, elle va moins rigoler la conscience collective de la fureur éternelle végétal de mon cul.

Bordel, mais qu’est-ce qui se passe ? Je pensais qu’on faisait juste une balade champêtre en charmante compagnie, très charmante, même, et v’là que des voix bizarres nous tapent la discute, nous menacent de mort, que j’me vois plus loin comme si mon incarnation mémorielle faisait des siennes, puis que du lierre se jette sauvagement sur moi. J’aurais préféré que ce soit une des nanas.

Pas le temps de jurer à voix haute que j’suis traîné quelques pas plus loin. D’un mouvement du poignet, j’dégaine ma dague wardän, une de mes meilleures amies, j’commence à mettre du cœur à l’ouvrage. Mais le bois vert, c’est une vraie saloperie à couper, et j’me demande si j’ai pas meilleur temps de sortir mon épée de cristal. D’un autre côté, une épée pour se dégager au corps à corps, ça pue sec, et j’suis déjà fermement occupé.

Heureusement, Jack arrive, bien plus agressif que j’aurais cru. Il a toujours voulu aider les potes, mais en général, il essaie de causer à la source du problème.

D’un autre côté, on aurait l’air bien con à le regarder parler à un d’humus pour le convaincre d’être plus sympa avec nous, et qu’on fait que passer.

Comme j’commence à m’enfoncer dans le sol, j’me décide enfin à me téléporter à côté de mon petit camarade, et j’sors l’épée pour empêcher le lierre de se rapprocher davantage.

« Bordel, c’est quoi, ces merdes ? On est obligé de rester dans le coin ? Hé, les filles, vous branlez quoi ? »

Ça fait toujours un petit effet de surprise quand Truelle apparait soudainement à côté de soi. Il a un truc pour se téléporter, on le sait, mais on ne s’y attend pas. Alors, quand il arrive juste à côté de soi après avoir failli se faire enterrer vivants par des lianes, il en a un peu sur lui durant le voyage et ça fait comme une apparition de monstre plantes qui vous donnent l’instinct de lui planter votre arme dans la carotide, avant de vous souvenir que c’est un pote avec beaucoup plus d’équipements que vous. Ça serait con. Dos à dos, comme des frères, on se bat contre les saloperies qui cherchent à nous transformer en compost. Le mur de végétation s’est clairement reformé derrière nous, nous isolant des deux femmes. Je sais pas si c’est une bonne chose. Comme je l’ai déjà dit, il y a toujours moyen pour que l’une de des deux aient l’envie soudaine de me planter alors plus je me tiens éloigner d’eux, mieux je me porte, dans le principe. Même si c’est pour affronter une forêt vivante. Ou l’éco-terroriste. Plus j’y pense, plus ça me semble logique. Je sais pas trop ce pourquoi il se bat, mais surement pour l’anarchie et clairement pas pour des valeurs humanistes tels que le racket, l’intimidation et les trafics en tout genre. Ce que fait Valeera et ses sbires, mais je suis peut-être un peu partial dans ce jugement de valeur.

-Je crois que c’est entre tous les deux, potos. On a qu’à se dire qu’il y aura de la demoiselle à sauver après ça.

Et ivre de bonheur, elles se livreront à nous au milieu des morceaux suintant de sèves d’une faune maté par le pouvoir de l’intelligence humaine. Quelle belle conclusion. Peut-être un peu trop belle, mais faut parfois ça pour motiver son gaillard. Et la franche camaraderie ne fait pas tout dans l’histoire.

-T’as pas ton truc qui fait des lasers, là ? Fais-nous un passage, on va se faire submerger !

C’est que ça attaque de toute part. En haut. Devant. Derrière. Par le sol. Je n’ai pas envie de me faire attraper, mis la tête à l’envers et qu’on me réduise à l’impuissance d’être soumis au bon vouloir de tentacules végétales. Quelles tortures sadiques l’éco-terroriste peut-il avoir en tête ? Je veux pas le savoir. Ou alors, regarder de loin en curieux spectateur.

Plutôt que juste les plantes, on a maintenant le droit au golem constitué d’écorces, de sève et de lianes. J’suis avec Jack, mais il a l’air un peu différent. Plus agressif, moins de bonhomie, peut-être ? Après, il vit pas des moments faciles, faut bien l’admettre. Mais j’préfère le voir avec la rage au ventre plutôt qu’au fond du trou, comme quand on a dû lui annoncer qu’Elina était cannée. La dépression, ça lui allait pas bien, après tout.

Les deux nanas décident de foutre le feu, et, honnêtement, ça me semble être un bon plan. Après tout, dans une forêt, quoi faire d’autre pour rappeler à la nature que maintenant, c’est des champs et des villes ? Et qu’elle ferait mieux de bien se tenir.

« Ouais, j’peux balancer un laser, mais on sait pas trop ce que ça va faire. Les golems, c’est toujours bizarre, faut trouver le cœur, enfin, le noyau, quoi. Enfin, j’en ai huit, j’peux bien essayer, t’as raison. »

Pendant que j’discute, la magie commence à se concentrer dans ma bague en or de Focus, et au bout des cinq secondes réglementaires de charge, j’balance un laser droit entre les deux yeux du monstre. Franchement, ça serait un peu la justice que pour une fois, y’ait pas d’embrouille : pas de régénération fumée, pas de clonage, de multitude grouillante, juste, un tir d’énergie pure en pleine face et on passe à autre chose.

Vœu pieu, je sais bien, mais j’peux pas m’empêcher de vouloir y croire.

De la régénération fumée ? J’aimerais bien en avoir, là, présentement. ça me rendrait un service. Parce que j’ai posé le genou à terre et que je fouille dans mon grand sac sans fond à la recherche de quelque chose d’utile, mais Jack n’a jamais trouvé utile d’avoir des choses utiles. Drôle, non ? Il a récupéré des choses à droite à gauche, tout ce que Lucy a bien voulu lui filer dans ces animations. Et si la dague sylvestre est bien un truc un peu près utile dans la situation présente, le reste ne semble pas joyeux. Jusqu’à ce que je pose les yeux sur une bombe. En tout cas, ça a l’air d’une bombe. Pas le temps de réfléchir, je m’en saisis.

-Tous aux abris !

Et je balance ça devant moi avec vigueur, mais je manque un peu de force alors que pourtant, j’ai fait de la salle, mais peut-être pas assez pour venir défier en tête à tête l’un des trucs les plus dangereux du moment qui a clamé haut et fort qu’il voulait me tuer. ça ne serait pas logique. Et surtout con. Alors, la bombe atterrit un peu devant l’espèce de golem et je m’attends à voir une explosion, et il y’en a une. Un flash, puis soudain apparaît du sable sur vingt mètres de diamètre, un cocotier en son centre et un crabe qui se balade là sans trop savoir pourquoi, en même temps, les objets magiques, ça n’a pas parfois pas de sens. On entend les vagues et les mouettes, ça change un peu. Surement que le golem entend les mouettes, alors devant l'échec de mon entreprise, je tente un coup de bluff.

-A l’attaque, mouettes bombardiers !

J’attaque aussi, dague au dessus de la tête, pour y mettre un peu d’effets. Sur un coup critique, ça passe, non ?