Certains rentrent en héros. Acclamés, remerciés, sous une foule des plus reconnaissante du sacrifice qu'ils viennent d'effectuer, bien consciente des difficultés de cette expédition et des stigmates qu'elle laisserait sur tout le monde, qu'elles soient mentales ou physique. Des choses qui ont été vues, des personnes qui sont tombées, des actions qui ont du être entreprises. Ce désert n'avait pas été de la tarte, Ô que non. Encore moins quand on vous souhaite d'y mourir. Et que même ce simple ordre, prononcé sous l'impact de la colère, de la jalousie et de la frustration d'une femme, il n'avait pas été capable de le suivre. Oui, désolé, Tara, mais Hryfin est bien revenu en vie. Pas intact. Il respire et marche toujours cependant. C'était pas gagné, à la base. Bien que parti avec une équipe de base solide, rien n'empêche le destin du désert de se dérouler.

Enfin. N'essayons pas de se remémorer cette épopée.

Faudrait-il encore en être capable. Il n'a pas grand monde à qui en parler. Quelques mots. Des remerciements. Avec un peu de chance, des tapes amicales dans le dos. Pour dire vrai, il se souvient pas de manière précise les onces de gratitudes ou congratulations qu'il a pu recevoir une fois revenu sur les terres paisibles d'Aryon -ah ça, il n'aurait plus à se plaindre des petits criminels et des course-poursuites dans les rues après ces événements !

Néanmoins, il lui avait fallut pas mal de temps durant lequel ni son capitaine et coéquipier d'infortune, Arthorias, ni Lyriss, sa colocataire, ne lui cherchait quoi que ce soit, le premier comprenant la volonté de se retirer quelques jours de la routine entre entraînements et rondes, la deuxième...Sans doutes encore en vadrouille quelque part. Dès son emménagement, elle avait prévenu ; c'est pas comme s'il allait la voir si souvent que ça. La force de l'habitude avait fait qu'elle avait totalement raison. Au moins avait-elle eu la délicatesse de laisser un petit mot de bon retour à côté d'une bouteille de liqueur. Et la demeure propre. Aucune idée de laquelle de ces deux attentions l'avait le plus touché, mais définitivement la liqueur. Rassurant de savoir qu'au moins, une personne souhaitait le revoir en vie, et possédait une confiance aveugle, si ce n'est candide, au fait qu'il rentrerait sain et sauf à la maison.

L'hippogriffe alternait entre reprise tranquille du sport et de l'entraînement dans l'intimité de sa demeure, et les phases plus convalescentes ou il se reposait et se soignait, aussi bien physiquement que mentalement. Ah, la magie et les divers moyens de se soigner disponibles en Aryon, couplé aux meilleurs soigneurs de la garde, aidaient beaucoup, bien qu'il conservait ces grandes balafres encore un peu rouges bien que cicatrisées sur le flanc. Non, c'était bel et bien là haut, dans la tête, que tout se passait moins bien. Les restes de vaillants soldats, aventuriers ou même simples habitants qui avaient été retrouvés la haut. La perte de deux jeunes recrues aussi, vraisemblablement perdues dans le désert dès le début des événements -comment est-ce possible que deux gardes se fassent happer comme cela par les éléments ? Même lui a pu revenir. Ça le dépasse complètement.

Il sortait rarement, faire des courses, s'aérer, tout au plus. Plus de soirées après service en taverne, plus de jeux du chat et des souris avec les gosses du quartier. La plupart du temps, juste lui, son canapé, et son petit bureau où certaines lettres avaient été ouvertes et lues, fait si rare qu'il fallut ces temps difficiles pour enfin le décider à répondre à sa famille, quelle ironie sachant qu'ils n'avaient aucune idée de ce que leur garde royal de fils venait de traverser, d'où il venait de sortir.

Comme souvent en ce moment donc, il était allongé sur son canapé, habillé simplement d'un pantalon gris et fin pour le bas, un léger débardeur blanc pour le haut. Le soleil allait bientôt se coucher, le feu crépitait dans l'âtre de la cheminée. ''Les plus petites blessures se résorbent facilement, les balafres par contre...Il aurait fallut mieux traiter hein''. Lui même, son capitaine et le reste des soins avaient fait au mieux, mais cela avait un peu trop traîné pour ne pas laisser de marque. Aucune rancœur envers qui que ce soit, il n'en aurait pas la force.

Trop concentré à fixer le blanc du plafond, le vacarme à sa porte le fit sursauter. Qui, comment, pourquoi, où ? On sait pas ; sans doutes avec sa main ; on sait pas ; devant chez lui de toute évidence. Qui pourrait tambouriner comme ça ? Oh. Un énième marchand, encore une sorte de colporteur qui passe de maison en maison vendre sa camelote. Un monde existe où c'est Lyriss qui essaye de rentrer. Pure coïncidence, elle ne doit même pas savoir qu'il est rentré. Attendez...Qui pourrait savoir qu'il est rentré ? C'était louche. Autant tenter un coup d'épée dans l'eau.

'' Fait pas l'enfant, Lyriss. Jsais très bien que t'as les clés. T'amuses pas à frapper pour rien. ''

Sa voix portait assez pour qu'on puisse l'entendre depuis l'extérieur, phrase négligemment balancée à l'encontre de la personne qui tapait chez lui. Quelques instants, le silence reprit le dessus dans le salon, mais ne dura qu'un temps puisque d'autres coups, plus timides mais tout aussi déterminés, résonnèrent de nouveau de sa droite. Dans un lourd soupir, il bougea tant bien que mal son grand corps pour se diriger vers son entrée, commençant à ouvrir la porte tout en rétorquant vocalement à la personne devant son domicile.

'' Franchement tu fais chier, si t'as paumé les clés ce serait vraiment casse coui- ''

Porte ouverte. Oh, par Lucy, s'il s'y était attendu. La petite Tara, dressée devant lui, enfin, autant qu'un petit bout de femme comme elle puisse l'être. Ils s'étaient quittés sur ce quiproquo incroyable, suivit d'une déclaration aussi inattendue que dure à digérer et comprendre pour lui, et enfin, un souhait de mort, en somme, une après midi classique quand on interroge un témoin clé dans une affaire. Le témoin a peu tendance à avouer ses sentiments envers Ryf cependant, à part la haine et la colère en vrai. Ne mentons pas, il n'eut ni la tête, ni le temps de réfléchir à tout ça. S'en suivit donc de longues secondes de blanc, ou ni l'un ni l'autre ne parlait, effectuait le moindre pas en avant. Quelle attitude prendre ? Tenter de redevenir le bon vieux Ryf, comme depuis tout ce temps, comme si cette aventure n'eut été que dérisoire ? Passer outre leur dernière rencontre ? Déjà, tâter le terrain. Ça semble le plus intelligent.

'' Oh. Tara. Je...M'attendais pas à t'voir. '' Il enchaîna rapidement sur un demi sourire, entre le moqueur et le triste, les yeux dans le vague. '' Tu viens vérifier si ton souhait a été respecté ? Désolé. Toujours debout. Toujours la banane. Pas de quoi te rassurer. '' Il s'écarta sur le côté, invita la brune aux yeux vairons à rentrer d'un geste de main, laissant la porte grande ouverte. '' Rentre. Il va commencer à faire froid. ''

'' Enfin, Tara, mais, je, ah- ''

Le grand n'avait pas vraiment eu l'occasion d'en placer une, la brune l'accablant directement de paroles qui se veulent plus ou moins rassurante, peut-être réconfortantes ? Il a largement en lui de quoi être debout et même commencer à reprendre un semblant de traitement physique normal. Quoi, qu'est ce qui a pu lui faire penser qu'il serait si mal ? Elle aurait croisé un des soigneurs de la caserne ? Et qu'est ce qu'il aurait pu dire, dans tous les cas, ce mec ? '' Oh, Ryf ? Ouais, franchement il se tient, il est un peu fermé et fait le mec antipathique, mais physiquement, suffit de le laisser dormir un peu '' ? En tout cas, assez ''faible'' pour la laisser passer prestement par la porte, elle avait été invitée à l'intérieur en soi, pas la peine de se précipiter. Elle pouvait observer autant qu'elle voulait, Ryf avait fait part à sa coloc de, disons, la ''jalousie'' de la prétorienne, ainsi que de cette déclaration aussi inattendue que bizarre. Au moins ne l'avait-elle pas remis sur le tapis, si bien que l'hippogriffe pu continuer à ne pas en parler, ni y penser.

Par contre, elle avait pas vraiment besoin de prendre soin de lui, bordel, par Lucy, il est même plus âgé qu'elle ! Si d'aventure, l'un devait s'occuper de l'autre, ce serait à lui d'être aux côtés de Tara en cas de soucis ou de coup dur, et d'encaisser aussi bien physiquement que mentalement pour elle et tous les autres auxquels il tient. Qu'elle pense ou non ses dires d'il y a quelques jours n'a aucune importance, puisque tout est déjà oublié en soit, il a beau ne pas être très malin, il le reste assez pour savoir qu'elle ne le pensait sans doutes pas, pas après toutes ces années, pas du fond de son cœur du moins. La raison qui l'aurait poussée à prononcer ces paroles lui était encore inconnue, par contre, surtout de par le côté deux poids, deux mesures de ce qu'elle avait sortit cette soirée là.

Donc, au final, aucune idée de ce qu'elle pouvait entendre par ''gravement blessé'' ou ''le laisser partir''. Il avait bénéficié de soins sur place déjà, ce n'était rien de plus qu'un suivi qu'il effectuait auprès des infirmiers pour s'assurer de sa bonne santé, et mis à part un petit coup au moral qui se justifiait par l'impression de petitesse qu'il subit pendant cette expédition, rien n'était à déplorer chez le garde royal, allez, quelques cicatrices d'ici, de là, de griffures ou de pointes de flèches, car l'ego fait qu'on préfère prendre une potion plutôt que de jouir des bénéfices de la magie de soin de la praticienne pour se retrouver plus indemne. Vrai que ces marques viennent ternir la réputation de colosse intouchable et imbattable du Danvil, mais faisaient preuve d'une certaine candeur, à ne s'être jamais vraiment aventuré hors de son cocon, frotté à plus fort que lui, avoir négligé tant d'aspect de la vie d'Aryon. Non, il accepterait pas de se faire infantiliser, d'aucun dirait qu'il suffit de ne pas se comporter comme tel pour l'éviter, mais un moment, on ne peut y échapper quand on fait penser à une petite chose fragile.

'' De quoi tu parles prendre soin de moi ? Eh, tu vois bien que je me porte bien, Tara. Et tu feras aucun rapport, que dalle. Il a honnêtement fait son taff, il m'a estimé apte à reprendre le service dans pas longtemps, et ça me fera clairement pas de mal ! ''

Coups d'épée dans l'eau, paroles vides, qui passeront par une oreille pour mieux ressortir par l'autre. On pourrait parler de stéréotype, mais ce n'était aucunement le cas, puisque tout le monde le sait, les préjugés viennent forcément d'un fond de vérité, et c'est en voyant la prétorienne au milieu du salon, toujours aussi imperturbable et immuable qu'à l'accoutumée. Comment lui faire comprendre que ça allait ? Comment avait-elle perdu une partie de ses moyens la dernière fois, déjà ? Oh. Oui. Non ? Jurez ? Non, quand même pas ? Après, ça irait avec le tout...Il s'approcha d'elle, la saisit par les deux épaules, la tourna vers lui. Il la dominait de plus d'une tête, il devait baisser les yeux pour que son regard puisse supporter le sien.

'' Eh. Ecoute. Jsais pas qui ou quoi tu as vu. Ou ce que tu crois. Mais jte jure, euh, redeviens genre, l'ancienne Tara ? Te prends pas la tête, redeviens...Naturelle ? Tu me connais, je sais pas trop comment je pourrais te dire ça. Ou me faire comprendre. Mais ouais, oublie le rapport, laisse les gens tranquilles. Je te jure, je vais bien, je suis pas sur le point de tomber. Tiens, regarde. ''

Ça y est, la pudeur tombe en même temps que son débardeur. Quel était le véritable objectif, derrière le fait d'enlever son haut face à une dame d'un certain standing, dans l'intimité de son salon, éclairés par un doux feu de cheminée ? Rien, vraiment dans un pur platonisme. Pas assez intéressé ou réactif pour penser à ça, donc, s'il exhibait ses blessures, visibles mais fermées et ne présentant aucun danger immédiat pour sa vie, un mode existerait où elle se calmerait ?

'' J'ai mes deux bras. Mes deux jambes. Presque toute ma tête. Bon, j'ai quelques marques, mais quel garde n'en a pas à vrai dire ? Je rattrape juste le retard que j'ai sur les autres ! Non, c'est...C'était plus difficile à supporter psychologiquement. Le sable, la chaleur... '' Les squelettes, les ponts qui s'effondrent, les gosses momies, les golems. '' Les trucs comme ça, quoi. Faut juste que j'encaisse le tout. Te voir t'inquiéter, ça aide pas. ''

En vrai, il détruisait tout ce qu'il avait bâti, le mec de plus de deux mètres, ultra balèze, qui se révèle au final intérieurement assez fragile. Ne serais-ce pas trop facile, après, s'il était invulnérable ? On ne peut dire qu'il ait été confronté mentalement à autre chose que les petits voleurs de la capitale, ou des menues blessures de certains camarades, bien vite prises en charge, sans danger donc. Il avait eu le temps de penser à plein de choses ; son passé, son présent, son futur. Sa famille, sa coloc, la prétorienne...Non, faut pas penser. Il va se nouer les deux neurones qu'il lui reste.

Ugh, c'était pas agréable, d'être parcouru comme ça du bout des doigts, par ce genre de main ; glacée jusqu'à la moelle. A dire vrai, Hryfin n'avait jamais vu Tara comme une fille froide, dans les deux sens du termes, après, il se prend lui-même pour référence, ce qui n'est pas une échelle de mesure digne de confiance, ni très stable. Si le stéréotype comme quoi nous avons la température corporelle de notre caractère, pas étonnant que l'hippogriffe serve de bouillotte humaine à quiconque se colle à lui ; bien que maladroit et difficile à percer, c'est un être chaleureux et communicatif -enfin, il essaye de communiquer.

Bon, son laïus n'avait qu'à demi-fonctionné, puisqu'elle avait apparemment cessé de se faire du mouron inutile quant à son état. Tant qu'il taira les difficultés qu'il a éprouvée, là haut, tout devrait bien se passer dans le meilleur des mondes, faire l'autruche, encaisser, emmagasiner, refouler, prier pour que rien n'explose. Une grosse philosophie de vie dans sa famille, les parents sont ainsi, les gosses tout autant, les pommes ne tombent jamais loin de l'arbre. C'était pas dans le naturel du jeune Ryf, mais à force d'obligations, il est devenu, bah ; ça, cette espèce de bordel émotionnel, qui fait que même avec la jolie prétorienne sur lui, il ne sait quoi penser. Encore plus de cette fameuse prise de conscience, aucune idée d'où ça peut bien venir.

C'est sa faute ?

C'est si handicapant ?

Ça se soigne ?

Comme toute personne normalement constituée, il a déjà eut quelques aventures, deux ou trois personnes, mais ça n'avait jamais été ''sérieux'', les mots aime et sentiments n'étaient pas prononcés, d'avantage un tacite accord entre deux personnes qui s'entendent bien, plus qu'à l'accoutumée, que des mots si liants, tels un contrat oral passé entre deux partis. Etait-il prêt à passer cet accord, signer cette proposition ? Encore plus, était-il prêt à le faire avec Tara ? On ne peut dire ''Elle ou un autre, après tout ?'', puisque même le garde royal réalise que ce n'est pas quelque chose qu'on voit à la légère, et son dernier souhait est de la blesser, d'une quelconque manière, bien qu'il n'en existe que deux, le refus, menant à une douleur instantanée, ou embrasser cette situation, devenir le miroir de ce qu'elle ressent pour lui, branche elle même à deux ramifications, le côté pessimiste de Hryfin n'en voyant qu'une ; qu'il la frustrerait, aussi bien à court qu'à long terme. L'autre, cependant, les menait vers une relation des plus agréables et tranquille.

Et puis, ça changerait quoi à leur relation, au final ?

Le regard du grand affronta celui de la femme. L'hétérochromie des yeux de Tara la rendait...Il ne saurait dire, ce côté unique, attirant, original ? C'est ce qui frappe en premier, avec la candeur de ses traits et son petit nez. Objectivement, si on devait classer les femmes dans des tiroirs, dans une liste, avec un système de notation, elle ferait partie de ces jolies et mignonnes demoiselles qu'on peut se demander ce qu'elles peuvent bien foutre pour être encore célibataire. Puis parfois, on parle à certaines d'entre elles, et on se rend vite compte que la taille du cerveau est inversement proportionnelle à celle du bonnet, ou que la conversation serait aussi passionnante que si l'on s'adressait directement à un mur de briques. En bref, toujours un petit détail qui fait que, qui intervient immédiatement ou des années après.

Des années qu'il la connaît ; et jusque là, aucun soucis. Ça semblait donc une conclusion tout à fait logique. Et puis, elle est assez présente dans sa vie pour que dans tous les cas, rien ne soit perturbé, le grand est déjà un vieux de vingt-sept ans qui n'aime pas qu'on bouleverse ses petites habitudes.

'' Hey. T'as à t'excuser de rien auprès d'moi. ''

Lentement, d'une manière non assurée, sa dextre partit se perdre dans la chevelure de la petite, geste qui se voulait affectueux, du moins, autant que possible, ce serait dommage qu'elle ait juste l'impression d'être un petit caniche à qui l'on flatte l'encolure. Lui ne soupira pas, ne rougit pas, resta parfaitement...Bah, Hryfin en fait, toujours un peu souriant, toujours un visage aimable envers ses proches.

'' Pour ce qui est de, hm, ''ce que tu ressens''. La vérité, c'est que moi, j'y ai jamais pensé. Tu sais très bien que tout ce qui est ces trucs la, les sentiments, les prises de conscience, tout ça, c'est, pas trop mon truc quoi. Après, ce s'rais mentir que j'dises aussi que, bah, 'fin '' De sa main libre, il se gratta l'arrière de la tête, faciès visiblement irrité par sa propre incapacité à s'exprimer et aller au delà de ça. '' S'que j'essaye de dire, c'est que...Y aurait pire que toi ? ''

Cette phrase, d'une qualité et d'un sincère inégalé, si on devait comparer ça à un plongeon, ce serait l'équivalent de faire un plat depuis un plongeoir situé plus de dix mètres au dessus du niveau de la mer, et finir avec cette impression presque littéralement gutturale de s'être fait picorer tout le torse par une flopée de Riboux.

'' Ah, ouais, en plus t'es pas noble ; j'connais une famille qui ferait la gueule de savoir que leur seul fils bon à quelque chose finit avec une roturière ! ''

La franchise de ce rire ne plaira pas à tout le monde, possiblement encore moins à Tara, l'hippogriffe encore une fois totalement à côté de la plaque en voulant détendre une atmosphère dans laquelle il est le seul à se retrouver gêné. Et aussi, il a pas tort, il ricana un peu plus fort en imaginant la gueule de sa sœur, s'il venait à ramener quelqu'un comme Tara à la maison, ''Oh elle est jolie !'' ''Oui en effet.'' ''Et noble en plus de ça !'' ''Par contre, non.'' ''Oh, zut, quel dommage, ça pourra pas être possible du coup.''. Et bien sur, personne ne s'opposera à la décision de la grande Béryl Danvil, qui doit sans doutes régner sur la forge d'une main de fer dans un gant de velours, à l'heure actuelle.

Au moins avait-elle l'air rassurée, malgré le fait que les mots de l'hippogriffe ne semblaient pas être les mieux choisis au monde. Pas le temps d'y penser qu'il se prit un t-shirt volant en pleine figure. Mademoiselle, il faut arrêter de faire comme si ça vous dérangeait, cela commence à devenir ridicule. L'argument ''couvre tes cicatrices, elles me font mal au cœur'' aurait été plus que recevable dans cette situation. En dépit d'une capacité de réflexion limitée, il s'habilla un peu plus proprement, comme ce fût si bien implicitement demandé. Et maintenant quoi ? Elle partageait ostensiblement son malaise, sa déclaration et l'audace que ça lui a prit aurait presque tendance à avoir éclipsé le fait que de ce côté là, interactions sociales et capacités à bien s'exprimer s'entend, elle est aussi douée que lui, à savoir, pas du tout.

Bon, l'évocation du mot ''désert'' était pas cool. Il en fallait plus pour le déconcerter, tous ces événements seraient bientôt derrière lui, il pourrait enfin avancer et évoluer déjà psychologiquement, la rudesse du terrain ayant quelque peu changé son côte je m'en foutiste et immature. Rien pour l'intelligence, malheureusement.

Ouais, plus pour le déconcerter.

Genre, demander s'il voulait l'embrasser.

Mais personne ferait ça.

Si ?

Si.

Il avait beau essayer de rester stoïque -avec succès en vrai-, dans ses méninges, ça tournait au plus vite. Il pourrait le faire ? Assurément. Dire qu'elle n'est pas attirante serait mentir, avec ce petit nez, ces grand yeux vairons, ces traits fins, qu'il ne pouvait à présent que mieux observer depuis qu'elle s'était rapprochée de lui après l'avoir fait se rhabiller. Surtout que si on compare un simple baiser à la purge qu'elle lui avait proposé en contrepartie ; aller à un mariage. De sa jumelle ? Ou celle qui en a une sacrée paire, de jumeaux ? Il ne saurait dire et vaut mieux pas remettre ça sur le tapis, déjà, car ça peut mener à de bons quiproquos, ensuite, car il n'a nullement l'intention d'accepter cette deuxième proposition ; cette torture qu'elle lui infligerait. Un événement ; où il ne connaît personne ; présent que de par sa position de plus un dans la liste ; quel enfer. Il se releva lentement.

'' Bien sur qu'on essaye, qu'a-t-on à y perdre ? ''

Toujours plus à y gagner, en tout cas. Essayant de faire preuve du maximum de délicatesse et de grâce qu'un gugusse de plus de deux mètres bâtit comme lui peut s'accorder, il s'approcha de la prétorienne, jusqu'à lui faire face, donc à peine deux pas à faire. Allez, Ryf, tu peux le faire. Pas des encouragements pour passer à l'acte, hein, essayer d'être doux et sensible. Il leva de peu les bras, laissant ses mains se poser sur les hanches de la brune, l'attirant délicatement vers lui, tout en souplesse. Il la dominait, la regarda, puis lui sourit. Il dut se pencher un peu, et elle, se mettre sur la pointe des pieds, pour que leurs deux lèvres puissent se rencontrer. Maladroit mais plein de bonne volonté, c'était un baiser ni trop chaste du bout des lèvres, ni du genre à se retrouver à baver partout sur sa partenaire après avoir joué avec sa langue, puis sa glotte. Finalement, le contact se rompit, le garde royal affichant un demi sourire sur le visage.

'' Voilà ; c'est fait. Pas de mariage pour moi, maintenant ! '' Sa dextre se libéra du côté de la prétorienne pour se frotter l'arrière de la tête. '' Ça...Allait, je penses ? Ça se voit tant que ça que j'ai pas l'habitude ? T'embrasser est en tout cas la chose la plus agréable que j'ai eue à faire récemment. ''

En même temps, grand beta, c'est pas compliqué ; a choisir, qu'est ce qui est le mieux, se battre contre une archiliche sans faiblesses, voir l'escouade à bout, à sang, dans une chaleur insoutenable ; ou être en présence d'une jolie femme contre lui, dans le confort de son foyer, dont le seul caprice est de se faire un peu chouchouter ? La question elle est vite répondue.