Un vent frais et agréable soufflait sur les courbes d'une petite vallée encaissée, sinuant ici et là comme un serpent invisible jouant entre les branches des arbres avec une agilité insolente. Le bruissement des cimes s'ajoutait aux chants des oiseaux et l'effluve caractéristique des feuilles mortes en décomposition se mêlait à l'odeur de résine des sapins qui poussaient ici et là, détonnant de verts au milieu d'une multitude d'oranges, de jaunes et de rouges. Là-haut, des nuages lointains s’effilochaient paresseusement, passant sans empressement sous le regard d'un soleil radieux qui réchauffait la peau et la terre. C'était une belle journée pour aller se balader et marcher, pour laisser les à-coups du vent vous pousser dans le dos au gré d'une direction qui en valait bien une autre. La région n'était encore que modérément vallonnée, tout juste ce qu'il fallait pour ajouter ce charme propre aux montagnes que Frey aimait tant sans pour autant en faire un obstacle infranchissable ni réellement dangereux. Abondamment boisés, les alentours étaient un petit havre de nature où il était rare de croiser des voyageurs, préférant le confort de la grande route qui passait plus au sud à quelques kilomètres de là. Pourtant, les chemins ne manquaient pas et un petit sentier de chèvre se laissait deviner entre deux buissons, majoritairement tracé par la faune locale et les quelques rares chasseurs qui parcouraient de temps en temps les lieux.
Ouvrant la marche à une allure tranquille, Frey était accompagné d'Emerald, un alchimiste en quête d'ingrédients divers qu'il guidait à travers la nature pour le conduire jusque dans les zones où ils auraient le plus de chance de trouver les herbes convoitées. Ce n'était pas la première fois que Frey traitait avec des gens de ce métier mais ils avaient en général plutôt tendance à lui demander une liste d'éléments à rapporter plutôt que de vouloir partir eux-mêmes en expédition dans la nature. Mais pourquoi pas, Frey appréciait la compagnie d'un compagnon occasionnel de route et trouvait une certaine satisfaction à partager la beauté de ces moments ou quelques connaissances sur la région et ses beautés cachées. Ils étaient partis depuis peu, tôt le matin pour pouvoir parcourir une grande distance, et le ranger avait eu le temps de s'assurer que son associé était paré à affronter une rude randonnée : des vêtements chauds et pratiques, des chaussures solides et le minimum pour la survie comme un couteau, un peu de nourriture, de l'eau, une couverture et un allume-feu. Ils n'étaient pas censés partir des jours et Frey connaissait quelques relais de chasse où s'abriter durant la nuit, mais il fallait toujours prévoir le pire et savoir ne pas mourir de froid, de faim ou de soif était le minimum. Lui-même était vêtu de ses protections légères en cuir, d'un petit arc de chasse accroché dans le dos et d'un carquois refermable avec quelques flèches dedans. Une épée courte qu'il n'utilisait presque jamais pendait également à sa ceinture. Enfin, s'il avait une boussole, il ne possédait pas de carte de cette vallée en particulier mais son sens de l'orientation et ses explorations précédentes de la région lui donnaient les armes nécessaires pour se repérer. Dans son sac traînaient encore quelques outils et fioles, de quoi écraser des plantes et quelques bandages propres.
Perdu un instant dans la contemplation du paysage d'une manière presque mélancolique, Frey s'absorbait souvent dans le spectacle de toutes ces couleurs et du sentiment de tranquillité qui l'accompagnait. L'air pur le vivifiait et c'était comme si le vent lui lançait des appels par intermittence. Quelques lambeaux de brumes rendues dorées par le soleil scintillaient encore ici et là, mais ne tarderaient pas à disparaître. Les mains accrochées aux bandoulières de son sac à dos tel un écolier déterminé, Frey fit quelques pas depuis le petit surplomb rocheux où il s'était brièvement arrêté pour retourner vers Emerald.
Levant la tête vers Emerald, Frey passa une main en visière sur son front en plissant des yeux pour se protéger du soleil. C'est que l'homme était grand, le dépassant facilement d'une tête. Il ne devrait pas avoir trop de mal à survivre à une journée de randonnée au vu de son physique assez costaud.
Sa voix était calme et posée, tranquille comme le vent patient, et contrastait avec les moments de silence qui s'installaient de temps en temps durant la marche. Cependant l’œil de Frey fut de nouveau attiré par quelque chose, brièvement, et raviva cet intérêt insolite et curieux propre à l'attention volage des mists et qui s'en irait aussi vite qu'il était venu.
C'était dit de la plus naturelle des manières et s'il n'avait pas fait la remarque jusque présent, il ne pouvait s'empêcher de ressentir lui-même un chatouillement fantomatique sur sa lèvre supérieure, qui pourtant ne portait pas la trace de ses propres moustaches sous cette forme.
Frey invita Emerald à se remettre en marche d'un geste de la main, le précédant par la même occasion.
Collecte tranquille dans la nature.
Frey, des aquapies et des soots & Emerald
Les yeux levés vers la cime des arbres, tu observais avec attention un couple de pinplumes qui s’amusait à tournoyer autours d’un immense sapin. Ils avaient un instant arrêté leurs petits jeux quand vous vous étiez approchés avant de reprendre de plus belle, maintenant que vous étiez un peu plus loin. Enfant, tu avais longtemps envié l’un de tes amis qui en avait un chez lui, tu te souvenais même avoir supplié ta mère d’en adopter un comme familier... ce qui était au final jamais arrivé.
_ À partir de cette crête on devrait commencer à trouver des rurd qui poussent sur le versant le moins exposé. Ils meurent facilement durant la saison chaude et la neige recouvre pas encore la zone, c'est une bonne période pour ça. »
La voix du ranger détourna ton attention des adorables créatures pour t’intéresser au paysage qui se trouvait en face de vous. D’ici, tu avais l’impression d’être seul au monde, loin des grandes villes du royaume alors que tu avais quitté la civilisation depuis peu. Même si tu préférais la côte, tu devais bien avouer que la vue était magnifique et tu regrettais presque de ne pas avoir pris de cadre magique avec toi. Tu repéras la crète qu’il avait mentionné et hochas doucement la tête. C’était parfait, tu avais besoin des rurds et des phumes en dentelles pour plusieurs de tes préparations. L'arnica et la gentiane seraient un petit bonus.
Ton regard se posa sur Frey. Le jeune homme semblait des plus compétents et surtout bien plus professionnel que ton précédent guide. Tu retins difficilement une grimace en te remémorant les quelques jours que tu avais passé en compagnie de ce rustre, ce voyage te donnait encore des cauchemars. Puis, tu devais bien avouer que Frey était bien plus … agréable à regarder. Bon, ce n’était pas vraiment ce que tu avais recherché comme qualité chez ton guide, mais ça ne faisait pas de mal de le remarquer, non ?
Celui-ci te regarda soudainement avec curiosité - et tu te demandas même si tu n’avais pas quelque chose sur ton nez- mais avant que tu ne puisses dire le moindre mot, il complimenta ta moustache. Il l’avait sorti si spontanément que tu restas sans voix une seconde. Quand tu te repris une fraction de seconde plus tard, un grand sourire se forma sur tes lèvres.
”Merci !” Souffles-tu, le regard pétillant. ”J’aime beaucoup votre couleur de cheveux !” Ajoutes-tu, un rire léger dans la voix.
” _ Vous étiez déjà venu dans la région ? »”
En deux pas tu rejoignis Frey, te mettant à son niveau tant que le sentier le permettait. Ça serait bien plus convivial pour discuter.
”Oui, je suis déjà venu plusieurs fois à la forteresse.” Tu souris en te remémorant tes aventures dans les montagnes et ses environs. ” Je dois dire que mes séjours ici ont toujours été assez mouvementés.” Laurence pensait que tu avais un don pour te mettre dans des situations périlleuses ou rocambolesques. Il avait d’ailleurs été extrêmement inquiet quand tu étais devenu aventurier. Tu te souvenais encore de son visage mortifié à la vue des quelques blessures que tu avais pu te faire durant une de tes quêtes. Tu t’arrêtas une seconde pour écarter une branche de ronce de ton chemin. ”Ma dernière visite remonte à cet été, la guilde m’avait envoyé faire ma toute première quête dans un château hanté. Les villageois n’osaient plus s’en approcher, jurant qu’ils avaient vu des fantômes.” Tu jetas un regard à ton guide. ”Finalement, ce n’était que des souvenirs qui prenaient vie grâce à un artefact. Un léger soupir t’échappa, alors que tu te rappelais des larmes de Vivianne, la jeune enchanteresse qui t’accompagnait. La détresse de la jeune femme t’avait brisé le cœur... et il restait encore tant de mystères au sujet de l’artefact.
Tu t’étais perdu dans tes pensées, et tu ne revins à la réalité qu’avec une odeur bien familière qui vint agresser ton pauvre nez. Le fumet putride des rurds porté par la brise te fit grimacer. ”Je crois bien que nous sommes sur la bonne piste.” Et vu le parfum, elles étaient bien fraîches ! Tu accéléras le pas à la suite de Frey, il devait encore y avoir un peu de route avant de les atteindre. ”J’espère que nous n’allons pas tomber sur une lamia.” Souffles-tu plus pour toi-même que pour ton guide. Cette fois-ci Fauve –et son don particulièrement utile- ne serait pas là pour te tirer d’affaire.
Frey murmura plus pour lui-même que comme un réel commentaire, néanmoins il fut un instant plongé dans ses pensées. La chose lui semblait à la fois si incongrue et à la fois si incroyable. Qui pouvait bien avoir créé un artefact pareil ? Et dans quel but ? Il revint toutefois bien vite à lui tandis qu'il écoutait Emerald laisser échapper des bribes d'aventures. Le ranger était curieux par nature mais sans s'en rendre compte lui-même le sujet l'attirait plus ce que qu'il n'aurait imaginé. Il fut toutefois distrait par la remarque de son employeur et un fumet putride lui parvint en effet par intermittence dans les narines. Un instant concentré il releva le nez et renifla la brise capricieuse qui passait par là. À n'en pas douter ils étaient sur la bonne piste. Il fut cependant tiré de ses réflexions par un mot qui lui tira un coup d’œil rapide et presque méfiant envers l'aventurier, comme si son instinct du danger avait été titillé une seconde.
La chose lui paraissait incongrue.
Comme réalisant qu'il donnait trop de détails, le rôdeur suspendit un instant son flot de paroles, son esprit changeant de rythme aussi sûrement que le vent qui tourne, calme et tranquille.
Il jeta un coup d’œil à son interlocuteur, presque comme pour s'assurer qu'il était toujours là. On ne pouvait nier qu'il dégageait un certain charisme, peut-être dans sa façon de se tenir, de parler, ou simplement parce que contrairement à Frey il ne passait pas de longues périodes de voyage sans prendre de bains. Avec les dernières températures, aller se tremper dans les ruisseaux commençait à devenir compliqué.
Laissant Emerald méditer sur ces paroles rassurantes, Frey se mit à chercher plus activement dans les fourrés présents sur le côté descendant de la pente. Si ça puait autant, c'est qu'ils devaient être à portée de quelque chose et avec un peu de chance...
Retroussant le nez et secouant presque la tête en expirant fortement, Frey se redressa pour tenter d'échapper à la forte odeur animale qui prenait aux narines. Non, il était plus que clair que ce n'était pas des rurds, cette fois-ci.
Les mots crus étaient prononcés avec une délicatesse qui tranchait, mais qui avait le mérite d'aller droit au but. Restant planté là une seconde, comme pour laisser Emerald constater de la chose par lui-même - ce qui semblait le plus naturel pour le rôdeur - il se désintéressa ensuite rapidement de cette découverte pour continuer à suivre le sentier.
Collecte tranquille dans la nature.
Frey, des aquapies et des soots & Emerald
Et bien des sangliers de la taille d’un grand cheval ? C’était loin d’être rassurant ! Déjà que tu n’avais aucune envie de te retrouver face aux défenses d'un sanglier commun qui pouvaient déjà faire bien des dégâts sur de malheureux randonneurs. ”Et bien, ça fait bien longtemps que je n’ai pas grimpé aux arbres, mais je suis persuadé que la peur me donnera des ailes et que j’arriverai aux branches les plus hautes en moins de temps qu’il faut pour dire sauve-qui-peut.” Gloussas-tu doucement, tu n’avais pas été gêné par les détails fournis par ton guide. Tu avais déjà fait face à des situations peu ragoutantes comme la fois où tu avais “étudié” les cadavres de pauvres innocents lors de ta quête avec Oscar et Sarah. Le souvenir des corps si abîmés qu’ils en étaient méconnaissables t’avait hanté pendant plusieurs jours. Tu retins un petit soupir alors que tu chassais tes sombres pensées, tu n’avais aucune envie de te déprimer alors que tu passais un bon moment. Surprenant le regard du ranger sur toi, tu affichas un petit sourire. Pour l’instant, tu suivais plutôt bien son rythme et tu en tirais une certaine fierté. Ces derniers mois, tu avais bien amélioré ton endurance entre tes aventures et tes entraînements, même si tu étais encore loin du niveau d’un garde ou d’aventuriers plus expérimentés. Tu rejoignis Frey au niveau des buissons, et affichas une petite grimace à la vue des déjections. ”Dommage.” Soufflas-tu avant de te redresser, un sourire à nouveau aux lèvres. Tu étais loin d’être découragé, vous finiriez bien par trouver les diverses plantes que tu cherchais. ”Ne désespérons pas, ce n’est que le début du voyage !” Ajoutas-tu avec enthousiasme avant de reprendre la route aux côtés du ranger. Pressant le pas pour rester à son niveau, c’est que le bougre ne perdait pas de temps ! Du coin de l’œil, tu le détaillas du regard, retraçant la ligne de sa mâchoire, t’arrêtant une seconde sur les marques discrètes qui ornaient sa peau. Tu te demandas pendant une seconde si elles étaient en lien avec son don. Curieux, tu continuas à le contempler plus ou moins discrètement avant de te reprendre. Ce n’était pas le moment de le mettre mal à l’aise en le fixant de la sorte. Sur cette réflexion, tu retournas ton attention vers la route. Devant vous, le sentier s’élargissait, rendant la randonnée plus agréable.
Tu te mis doucement à fredonner alors que tu observais les alentours, la zone semblait particulièrement paisible et tu te sentais finalement assez en sécurité avec l’expert à tes côtés. Il en restait plus qu’à prier pour que le reste du voyage soit tout aussi calme contrairement à tes précédentes expériences. Tu levas les yeux vers le ciel pour repérer la position du soleil, celui-ci avait bien progressé depuis votre départ dans la matinée. Bon, il n’était pas si tard que ça, mais tu commençais à avoir un petit creux. Tu allais demander à ton compagnon de route s’il était possible de faire une pause pour se restaurer quand ton estomac te prit de vitesse en se mettant à gronder.
”Ah... je crois que je commence à avoir faim.” Lâchas-tu dans un petit rire gêné alors que tu posais une main sur ton ventre pour tenter de le calmer. ”Pourrions-nous faire une pause pour nous restaurer ?” Demandas-tu en jetant un nouveau regard vers ton guide. ”Enfin si c’est possible, je peux encore marcher un peu si besoin.” Après tout, si l’homme connaissait un endroit où vous pourriez vous posez plutôt que de le faire au milieu du chemin, tu n’allais pas protester.
Certains auraient pu trouver cette expédition ennuyeuse - après tout, ils chassaient des fleurs qui puaient la merde, rappelons-le - mais c'était ne pas voir la richesse de ce qui les entourait que de s'arrêter à ce niveau de détails. Frey passait sa vie dans les fourrés, sur les sentiers et autres chemins à passer à travers forêts embrumées et bords de petits lacs, alors il avait l'habitude, mais pour qui prenait un peu le temps de regarder, la nature était toujours un trésor de contemplation et on y trouvait toujours une curiosité devant laquelle s'émerveiller. Il y avait cette anecdote qu'il aimait beaucoup raconter à qui voulait l'écouter, sur la fois où il avait observé des catosorus s'amuser avec une colonie de gloots en panique. S'amuser était un mot bien cruel pour désigner la façon avec laquelle les félins avaient joué de leurs victimes mais, de loin, on eut surtout dit un grand terrain de jeu parsemé de boules gonflables et rebondissantes.
Mais il n'était pas là pour rêvasser et il marchait déjà d'un bon pas, entraînant avec lui l'individu nommé Emerald et doté d'une moustache qui n'avait clairement pas sa place dans la forêt ou la montagne. L'homme intriguait quelque peu Frey, curieux, qui avait l'impression que son compagnon de marche était un sacré personnage. S'arrêtant, il répondit à la remarque d'Emerald en haussant les épaules.
Avisant la configuration du terrain quelques instants, Frey repéra un petit espace le long de la route, dans l'herbe, où de gros rochers affleuraient. Il les pointa du doigt.
Rien de bien sorcier ni d'exceptionnel. C'était juste des rochers sur lesquels s'asseoir en étant à l'abri de l'humidité de l'herbe, des crottes de bouctons ou des petits insectes.
Allant s'installer en tailleur sur le sommet arrondi d'une roche pleine de lichens, Frey commença à déballer une ration et sa gourde pour profiter de ce repos momentané. Ce n'était pas parce que les températures s'étaient bien rafraîchies que la marche ne donnait pas chaud et cette petit pause était la bienvenue.
Mâchouillant tranquillement sa part de pain doublé au lard fumé et au fromage sec, Frey laissait vagabonder ses pensées d'un air tranquille en étant vaguement attentif au souffle du vent, à l'odeur des résineux et des fleurs, écoutant les oiseaux chanter de ci, de là.
Il avait posé la question de but en blanc, comme s'il s'était soudain souvenu qu'il n'était pas seul.
Il avait un ton mêlé de curiosité et d'une certaine forme d'incompréhension. Il continua de parler la bouche pleine.