Je frappe à la porte, plutôt nerveuse. Cela fait quelques semaines depuis notre discussion avec Arthorias... Discussion où je lui ai confié toutes les choses qui me pourrissent la vie et où il a promis de m'aider, qu'importe le prix qu'il devrait alors payer.

Et ce soir, c'est le grand soir. Lui comme moi le savons mais... Je préfère le lui rappeler avant de quitter la caserne pour me rendre chez mes parents, histoire d'être sûre... Et surtout, de lui laisser le choix.

- Capita... Arthorias... Je... J'y vais. Et je voulais juste te dire : si tu veux laisser tomber, tu peux. Je ne t'en voudrais pas, je. C'est mon combat, je comprendrais tout à fait que tu n'ais pas l'envie ou le temps de t'y retrouver mêler... D'autant plus avec les risques qu'il peut engendrer...
Bref. J'y vais.

Je ne lui laisse pas tellement le temps de répondre. A tous les coups, il m'aurait assurer qu'il serait là et je sais que je l'aurais alors d'autant plus attendu ce soir... Mais... Je ne veux pas trop espérer.
Ce qui doit arriver arrivera. Et surtout, s'il ne veut pas venir, alors je n'ai pas le droit de lui en vouloir.



Cela fait combien de temps que je n'ai pas été chez eux ? Facile : depuis qu'ils m'ont annoncé vouloir me marier au plus vite, soit deux mois tout au plus. Mais cette fois, je vais rester chez eux quelques jours, voir peut être quelques semaines... Je... Ça ne me plait pas du tout, et au fond, j'espère vraiment qu'Arthorias va venir pour me soutenir dans cette épreuve et m'aider à me libérer de leur emprise.

Sinon, je ne sais vraiment pas comment je ferai pour supporter cette nouvelle vie qui semble m'attendre. Pour autant, je ne dis rien. Une des domestiques d'Iris Lys me prépare avec soin, lavant mes longs cheveux tout en les démêlants en douceurs avant de les sécher longuement et de me les coiffer. J'ai évidemment le droit à une de ces horribles robes qui vous empêche de bouger librement et dont on croirait qu'elles ont été conçu dans le seul but de vous apprendre à ne pas respirer. Alors oui, c'est la mode et la servante me trouve alors ravissante...

- Lunarya. Ton bras, qu'est ce que c'est que ça ?!
- Une cicatrice Madame.
- Je sais très bien que c'est une cicatrice, petite sotte ! Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi elle est aussi vilaine ! N'avez vous pas de médecin à la garde ?! Et ne me dis pas non, je sais très bien que vous en avez ! A partir de maintenant, tâche de faire un peu plus attention à ton corps, sinon tu n'attireras personne.

Je ne bouge pas, ne répond pas. De toute façon, ça ne servirait à rien.

- Rajoute lui un fichu pour cacher cette vilaine plaie.
- Bien Madame.
- Tu as intérêt a bien te tenir Lunarya, tu as compris ?
- Oui Madame, je ferai tout ce qu'il faudra.
- J'espère bien, sinon, tu auras affaire à nous...

Un frisson me parcoure alors la colonne vertébrale au simple souvenir de ce qui m'attend si jamais ça ne se passe pas comme Iris le souhaite. Alors il faut que tout se passe comme elle veut. Je n'ai tellement pas envie qu'elle... Que je...

Et comme à chaque fois, la peur prend le pas sur le reste. Au souvenir de ces souffrances, je m'écrase et je n'ai plus la force de lutter pour quoi que ce soit.
Sauf pour Kahlua. Elle est la seule pour qui j'ai résisté. Et c'est aussi un peu pour elle qu'aujourd'hui, nous allons entamer cette voie pour me libérer.

Espérons que tout se passera bien.

Le bureau était plus calme qu'à l'accoutumé, pas de missives urgentes ou d'évènement imprévu. Juste un calme presque glaçant. Seul le souffle du vent sur les pierres épaisses de la forteresse venait rythmer le passage du temps.
Assis sur son fauteuil, Arthorias attendait l'heure, un peu plus nerveux qu'il ne l'aurait voulu. Certains serment étaient plus facile à prêter qu'à accomplir.

Au bout d'un moment, l'officier se leva, quittant l'austère bureau pour passer dans ses appartement privés ou l'attendait sa tenue pour la soirée. Cette dernière n'était sortie qu'en de grandes occasions, son bleu roi étant bordés par des fils d'or pur.
Elle avait été tissée pour lui, sur la demande express de la reine suite à sa nomination. Un grande ceinture en argent venait ceintrer son buste alors qu'une cape brodée aux armoiries royale venait compléter la tenue.

Se regardant dans le miroir, l'officier eut un bref soupir, peu habitué à ce genre de comédie. Cela dit pour le bien Luna, il voulait bien passer par là.
Signe de son rang, Arthorias enfila un brassard métallique, fait d'argent, l'ensemble couvrant entièrement son bras. Distinction honorifique, ce dernier était le symbole des officiers du roi, sans doute la partie la plus tape à l'œil de cette tenue hors du commun.

Coiffant ses longs cheveux d'or, le capitaine eut un dernier regard pour son reflet, tachant de paraitre aussi confiant qu'il aurait du l'être, même si en son fort intérieur, il avait l'impression de s'effondrer doucement sur lui même.
L'épée au flanc, il prit l'air le plus décidé possible, descendant dans la cours pour enfourcher un des hauts destrier de la garde royale.

*********************************

L'endroit indiqué par Lunarya était une luxueuse demeure comme l'affectionnait la noblesse, de grandes grilles de fer forgé en protégeant l'accès. Même si cela était plus esthétique que défensif.
L'entrée lui fut plutôt facile et le regard effaré du valet qui lui ouvrit la porte fut plus qu'éloquent.
Même pour une visite impromptue, le capitaine de la garde royale impressionnait.

-Bien le bonsoir, Capitaine Hekmatyar de la garde royale, serait il possible d'annoncer ma venue ?

Son sourire affable était couplé à une voix habitué à donner des ordres. Et alors que le jeune homme tressaillait, courant prévenir les nobles de la visite impromptue du Prétorien royal, ce dernier confia les reines de son cheval à un garçon d'écurie avant d'ajuster la lame de cérémonie à sa ceinture.

Il était habitué à se donner en spectacle, mais présentement, la représentation allait être légèrement différente. Ses propres sentiments étant un chaos total, feindre l'amour risquait d'être plus que dangereux.
Frappant trois fois à la porte comme l'exigeait le protocole, l'officier attendit patiemment à l'entrée qu'on vienne lui ouvrir.

Un visage inquiet ouvrit les lourd battant de bois, laissant apercevoir un maitre et une maitresse de maison au visage tendu.
Offrant un large sourire à ses hôtes l'officier se fendit d'une révérence élaborée, faisant ostensiblement ressortir son brassard argenté et ses armoiries personnelles

-Madame, Monsieur, c'est un honneur d'enfin vous rencontrer

Une vague de surprise sembla saisir les deux nobles alors que l'officier se relevait, ses yeux vairons les fixant tour à tour.

-Je suis le capitaine Hekmatyar, Premier officier du roi. Mais j'ose espéré que vous avez été prévenu, à moins qu'elle ai voulu garder la surprise ?

Ai-je pensé à prévenir les Lys de l'ajout du capitaine à la liste d'invité de ce soir ? Oui, évidemment que j'y ai pensé, de nombreuses fois même.
L'ai-je fais ? Non. Je n'ai jamais réussi à trouver le bon moment, la bonne formulation et, alors que les autres invités arrivaient, je suis restée bien trop concentrée sur mon rôle de fille de noble modèle pour oser ouvrir la bouche afin de donner cette information.

- Et bien ma foi, non.

Pour autant, l'arrivée du capitaine est un peu comme une réelle bouffée d'air frais dans ce hall d'accueil si prompt au luxe et aux fourberies de noble. Et même si je n'éprouve aucune attirance particulière pour lui, le voir ainsi vêtu me coupe autant le souffle que ce corset qui refuse de se desserrer ne serait-ce qu'un petit peu, créant un véritable paradoxe qui a le mérite de me faire monter légèrement le rouge aux joues, aussi bien de soulagement, de honte et de surprise que l'amour pourrait le faire bien plus naturellement.

Et voyant les regards de Joshua et Iris Lys se tourner vers moi, en quête d'explication, je reprends rapidement mes esprits de peur des répercussions que cela pourrait avoir.

- P...Pardonnez moi. Je... Je souhaitais vous le dire mais je n'ai pas réussi à vous en faire part... Je... Vous... Vous savez que mon coeur est pris et... J'espérais juste que... Que ce choix vous conviendrai. C'est... C'est pourquoi j'ai invité le capitaine. Ce soir. Avec tous les autres. Je sais que la décision finale vous revient mais... Permettez moi juste de proposer cet homme dans les choix possible. S'il vous plait... Je... Je ne vous demande que de lui laisser une chance. Une chance de vous prouver qu'il est le meilleur parti, pour vous comme pour moi.

Mes yeux vont alors rejoindre ceux de celui qui est là pour me sauver de l'enfer de cette vie qui est la mienne. Alors même si ce n'est pas de l'amour que je ressens, mes yeux sont tout de même chargés d'émotions : de la peur, mais aussi de l'espoir. Car pour la première fois depuis plus de dix ans, j'ose me reposer sur quelqu'un. J'ose faire à nouveau confiance et je ne désire qu'une chose : que cela marche.

- Capitaine Hekmatyar, êtes vous noble ?
- Iris, enfin. Il est le premier officier du roi...
- Et alors ? Il pourrait ne plus l'être. Un grade, ça se perd aussi vite que ça se gagne et tu es bien placé pour le savoir, Joshua.
- Pour autant personne n'oublie les capitaines qui lui ont précédé. Alors noble ou pas, il pourrait effectivement correspondre à nos critères.
- Et marié ? Vous n'êtes pas sans savoir que si vous êtes ici c'est pour prétendre à la main de notre très chère fille, capitaine. Pourtant, au dernière nouvelle, vous étiez déjà marié, non ? Ou aurais-je loupé l'annonce de votre divorce dans la presse ? A moins que vous ayez un jumeau du même nom que vous...

Cette fois tous les regards se tournent vers Arthorias. Et bien que je sois prête à intervenir pour le défendre, je me dis que si lui le faisait, ce serait plus crédible... Alors je lui laisse une chance de s'exprimer, où je le ferai pour lui.

Voir Lunarya ainsi vêtu tira un léger sourire embarrassé. Ravissante dans cette tenue plus féminine que ce qu'elle portait d'habitude, il en eut les joue légèrement rosée, rendant le subterfuge d'autant plus convaincant.
Mais il ne lui fut guère laissé le temps de s'approcher de la belle, les nobles c'étant décidé de le bombarder de questions avec un aplomb que peut se permettaient. Cela dit, en qualité de prétendant à la main de Lunarya, c'était une épreuve à laquelle il devait se soumettre.

-Il semble qu'effectivement, vous n'ayez pas pu suivre ma vie privée très chère, et pour une raison simple, je fais attention à la protéger aussi surement que mon travail l'éxige.
La preuve en est que ma venue ici vous est restée insoupçonnable, a moins que je me fourvoie à mon tour ?

Jouer aux vipères l'agaçait au plus haut point, et il aurait préféré combattre un basilic plutôt que de converser avec cette espèce venimeuse de bas étage.
Néanmoins son sourire resta affable, ne trahissant en rien ses pensées.

-Cela dit pour répondre à votre question, non je ne suis pas encore noble, bien que ma charge me prédestine à le devenir.
Voyez vous, le couple royal semble plutôt enclin à m'accorder cette récompense, je conviens que ne pas être des votre puisse être un frein, et si tel n'est pas le cas, j'imagine que la présence de la famille royale à nos noces ne serait pas non plus un argument suffisant...

Il prit un air réellement contrit, s'approchant de Lunarya à laquelle il offrit un air gêné.
Les hautes bottes de cavaliers claquèrent quelques fois sur le sol, marquant ses arguments avec rythme alors que l'officier faisait mine de paraitre désolé.

-Je ne peux proposer pour le moment, que mon titre, mes appuis et ma fortune, nul noblesse n'étant pour le moment accolée à mon nom

Jamais il n'aurait réellement proposé cela, considérant sa charge trop précieuse pour pouvoir la proposer comme une vulgaire marchandise. Aussi séduisante Luna était, la confiance de la reine était précieuse, et bien trop rare.
Mais de cela, ils n'auraient pas à le savoir.

-J'espère néanmoins que cela pourra suffire à vous convaincre de me laisser l'opportunité de vous prouver mon sérieux

Sa main caressa le dos de celle de la jeune femme, le capitaine coulant un regard amoureux à la demoiselle avant d'interroger le couple de noble du regard

Mes yeux se relevèrent vers ceux de mon supérieur. Si je n'avais pas su que tout était montée de toute pièce juste pour me libérer des Lys, alors je me serais surement faites autant leurrée que les deux nobles qui m'ont adoptée. Et sans doute que cette spontanéité sortie d'un autre contexte rend notre jeu encore meilleure.

Pour autant, Dame Lys n'est pas du genre à se laisser dicter ce qu'elle a prévu. C'est pourquoi elle sort immédiatement un éventail de sa manche et donne tout de même un petit coup sec sur la main du Premier Soldat Royal qui touche la mienne. Le bruit me fait sursauté, aussi bien moi que lui tandis que nous regardons tous trois, mon père nous ayant rejoins dans ce mouvement, l'initiatrice de cette violence.

- Soit, je vous laisse une chance. Mais vous ne serez pas traité avec plus d'égard que les autres. Aussi, qu'importe ce qu'elle pense, gardez en tête que Lunarya n'est pas encore votre.

Iris dévisage sévèrement le blond de longue secondes que personne n'ose briser avant l'intervention de Joshua.

- Bon... Et bien, puisque nous sommes tous d'accord, Capitaine je vous prie d'accepter de nous suivre rejoindre les autres convives.

Les autres convives... Ces jeunes nobles qui ne savent pas faire grand choses de leur dix doigts. Pour l'heure, ils sont au nombre de quatre et je crois que nous en attendons encore un. Une chance, je n'en connais aucun. En même temps, vu ma sociabilité, il aurait fallu que ce soit des gardes pour que j'ai une chance de leur avoir déjà adressé la parole.

Mais ils sont tous rassemblé dans ce grand salon richement décoré, attendant noblement autour d'une grande table richement garnis pouvant permettre à au moins vingt-cinq personnes de manger alors que nous seront maximum huit, dix si les serviteurs se débrouillent assez bien pour piquer dans les assiettes sans se faire prendre. Un gaspillage qui me rend malade... D'autant plus alors même qu'ils m'obligent à me marier parce qu'ils voient leur cristaux diminuer à vu d'œil.

Et tandis que je marche juste derrière Arthorias pour entrer dans la pièce avec lui, un bras me retient soudainement en arrière.

- Tu m'expliques pourquoi tu ne nous as rien dit par rapport à lui ? S'il t'aime tant et qu'il est prêt à t'épouser, alors pourquoi avoir rouspété lorsque nous t'avons dit vouloir te marier ?

Du calme Luna, du calme, tu as réfléchis à ça déjà, tu as trouvé une excuse, souviens toi.

- Parce que j'avais peur qu'il ne soit pas prêt. Je... Vous savez comme moi qu'il a déjà été marié... Je... Je l'aime assez pour ne pas avoir envie de le forcer à m'épouser s'il ne le souhaite pas. Et puis, je savais que le fait qu'il ne soit pas noble risquerait de vous décevoir, alors...

Elle me lâche, jetant plus mon bras qu'autre chose.

- J'espère pour toi qu'il dit vrai concernant le roi et la reine. Si jamais ils ne sont pas présent à votre mariage, soit sur que nous nous opposerons à votre union.
- Cela veut-il dire que... ?
- Cela ne veut rien dire du tout, petite sotte. Contente toi d'être prude et de sourire pour ce soir.

J'incline alors silencieusement la tête en guise d'acquiescement avant de me tourner et de rentrer dans la salle. Au fond, je me demande, est-ce que ce serait déjà gagné ? Arthorias a fait très fort en parlant des majestés mais... Mais je ne dois pas sous-estimer l'aptitude naturelle de ma soit disante mère à me pourrir la vie.

- Ah Lunarya, tu es là, petite cachotière va... Bien, Messieurs, vous savez tous pourquoi vous êtes là : pour obtenir la main de cette ravissante jeune femme. Alors je vous en pris, prenez place et commençons ce repas !
- Mais enfin, très cher, il manque encore...
- Il avait qu'à être à l'heure ! Oh, Capitaine ! Venez donc vous installer prêt de moi ! Ma fille vous a-t-elle dit que j'ai moi même été dans la garde ? Pas la royale bien sûr mais...

Moi assise à la gauche du chef de famille, Arthorias a sa droite, nous avons la chance de nous retrouver finalement face à face dans ce grand repas. Autant dire que les choses semblent plutôt bien parti...

Et même si ma mère à l'autre bout de la table semble plus que contrarié de cet état de fait.

Ainsi le repas commença, laissant l'officier dans une position plus que privilégiée. Ses yeux vairons plongé dans les emeraude de Lunarya, Arthorias eut un petit sourire quand il fut question du passé de ce cher noble.
Prenant un air attentif, le lion de la royale répéta une gestuelle mainte fois travaillée, avec des gens bien plus puissant. Sauf qu'au lieu d'afficher une mine indifférente, il dut se forcer à s'intéresser à la conversation.
Fort heureusement le terrain de discussion qui lui était offert se révélait plus que connu.

-Elle m'en as parlé oui, de longues et glorieuses années au sein du Myrmidon du Solstice. Je ne peux que louer leur efficacité.
J'ai eu l'honneur de travailler avec eu avant leur dissolution, et le Capitaine Dorago était un officier des plus exemplaire.
Savez vous que c'est elle qui m'à remis ma nomination ?

Lança l'officier avec le plus grand sérieux.
Lire le dossier de ses soldats avait du bon, et se pencher sur les renseignement noté avec soin dans celui de Luna avait occupé une bonne partie de ses soirées.
Si l'on ajoutait à tout cela une réelle connaissance de cet ancien régiment...

-J'imagine que vous devez conserver avec fierté le plastron orné de leur emblème, tout comme le souvenir des longues nages de l'île forteresse.

Laissant son interlocuteur le loisir de lui répondre, ses mains se portèrent à la horde de couvert disposé de chaque côté de l'assiette, louant ses cours d'étiquette.
Il aurait été éliminatoire de se saisir du mauvais ensemble, et avec une infinie patience, il décortiqua le premier plats, mangeant de rares bouchées comme il en était coutume.

Le gaspillage monumental était agaçant. Mais au vu de la posture de son amie en face de lui, il voulait bien se retenir de faire la moindre remarque cinglante.
L'envie lui brulait de mettre fin à cette farce, quitte à appeler sa propre compagnie pour fouiller chaque coin et recoin de cette demeure.

L'argenterie se voulait somptueuse, même si les yeux de l'officier remarquèrent les poinçons vieillissant qui étaient apposés sur les couvert.
Les autres nobles affichaient une certaine maladresse, par manque d'habitude plutôt que de bonne volonté, loin d'être gauches, les jeunes hommes affichaient un manque d'expérience et une certaine nervosité, là où le prétorien pouvait se targuer d'un calme olympien.

Découpant un morceau de cuisse de canard avec une habitude consommée, il sépara les parties nobles et le reste, tachant d'oublier que tout ce qu'il ne mangerai pas serait jeté.

-Lunarya ? Peut être devriez vous manger avant que cela ne refroidisse trop ?

Une petite pique envoyée avec une voie légèrement autoritaire, que contredit un regard navré dissimulé aux autres.
Si, comme elle lui avait dit, ses parents la voulait soumise à son futur mari, peut être fallait il montrer à ces derniers que le capitaine avait la poigne nécessaire pour cela.
Son gantelet se serra légèrement sur le manche de la fourchette en entendant un murmure d'approbation à côté de lui

*J'espère que tu me pardonneras pour cela*

Sois prude et souris, sois prude et souris...

- Hein ?
- Il a raison Lunarya, ce canard ne va pas disparaitre tout seul de ton assiette ! Et puis, froid c'est nettement moins bon ! Ahaha !

Qu'est ce que... ? Mon regard se plante dans celui d'Arthorias qui me fait face mais il semble déjà avoir lui même replongé dans son assiette. Alors quoi ?

- Oui, bien sûr, excusez moi.

Même manger. Même manger je ne le peux pas comme je veux. Alors, toute en délicatesse, je découpe un morceau de ce fameux canard que je porte à ma bouche, mâchant longuement par de petit mouvement de mâchoire pour paraitre le plus délicat possible tandis que mes pensées partent dans tous les sens.

Combien de temps encore ? Combien de temps vais-je devoir rester assise là ? A priori, au vu de la conversation entre mon père et le capitaine de la garde royale, je dirai que notre plan fonctionne parfaitement. D'autant plus que ma mère en bout de table est obligée de ronger son frein seule, écoutant les histoires de ces petits nobles qui même s'ils ont sa préférence, n'ont maintenant plus aucune chance face au parti que j'ai moi même ramené à cette table.

Alors je devrais être heureuse et soulager, peut être même profiter de la soirée, pour une fois ? Mais comment faire ? Comment alors que c'est à cause de cette soirée que mon destin vacille... Et Arthorias, j'ai beau le regarder, je ne le reconnais tellement pas dans cet homme en face de moi. Oui, c'est bien son visage, ses traits, ses yeux mais... Tout le reste, jusqu'au ton de sa voix, est différent.

Alors est ce que... Est ce que j'ai bien fait de lui faire confiance ? Et si... Et si lui même souhaiter se retourner contre moi ?
Non, non. Impossible. Il est le capitaine de la Garde Royale, il... Il vaut mieux que ça ! S'il y a bien un homme intègre sur cette terre, ce doit être lui, non ?
Au final, je ne sais même pas.

"Luna... Respire. Tu paniques pour rien là."

Haku. Tu as été discret jusque là mais au moins toi, tu es toujours là quand il faut, hein, même si je suis la seule à pouvoir te voir flottant juste derrière l'épaule d'Arthorias. Tu sens mes émotions autant que je sens les tiennes et ton inquiétude est palpable autant que ma peur doit te prendre les trippes. Oui, tu as raison, respirons un grand coup. Ou un petit à cause de ce corset insupportable. Respirons et mangeons calmement.

Après deux inspirations aussi grandes que possible, j'arrive à relever la tête et sourire. Après tout, je dois être prude et ne faire que cela, non ?

- Dites moi Monsieur Hekmetiar... Si j'ai bien tout compris, vous êtes le supérieur de la douce Lunarya ici présente... J'espère que vous ne nous en voudrez pas de vous la ravir de votre compagnie. Après tout, sans vouloir vous offenser très chère Lunarya, la place d'une femme de votre rang n'est certainement pas dans la garde.
- Monsieur Oslan c'est ça ?
- Très exactement, Monsieur Lys.
- J'ai peur que nous n'avons pas été bien clair mais, ma fille envisage de devenir Prétorienne et elle a tout notre soutien dans cette entreprise. Aussi, messieurs, j'invite tous ceux croyant qu'une Dame n'a pas sa place dans la garde royale à quitter les lieux sur le champs.
- Mais enfin... Monsieur... Soyez raisonnable ! Si elle travaille, dans la garde qui plus est, qui s'occupera d'élever les enfants ?!

Je me fige soudainement. Sois prude et souris. Ne dit rien, ravale ta colère, termine simplement ta bouchée... Oui, voilà, ignore. Ignore simplement alors qu'en vérité je n'ai qu'une envie : hurler. Hurler que ce n'est pas un travail qui m'empêcherait d'élever ma fille...
Non, les coupables sont tout autre : et ils sont autour de cette putain de table.

La conversation prenait une tournure inattendu, voilà que les nobles de bas étages tentaient maintenant d'intervenir, jaugeant surement que l'officier gagnait trop d'avance. Ce fut une manœuvre maladroite que le père adoptif retourna contre eux sans même l'intervention de personne.
En terme militaire, Arthorias aurait pu considérer cela comme une ruse poussant l'ennemi à se retourner contre lui même.

Laissant la petite scène se dérouler sans insister, il observa tout cela, se mettant à rire froidement au moment qu'il jaugea le plus opportun.
Cristallin au début, l'officier laissa l'éclat de sa voix faire taire les jeunes lionceaux.

-Allons, allons...

Dit il d'une voix amusée, ses yeux affichant un dédains propre à la haute noblesse de court, dans un jeu d'acteur consommé

-Pensez vous vraiment qu'une femme se doive d'abandonner sa vie pour ses enfants, ils seront élevés par un précepteur, comme cela se fait dans les hautes maisons.
Un noble n'a pas à élever lui même sa progéniture, l'argent nous dispense de ce genre de bassesses

Devenu plus froid, son ton se fit presque railleur envers les prétendant.
S'époussetant le coin de la bouche il déclara :

-Chaque personne à son rôle à remplir, placer ses gens aux bons endroit, tel devrait être votre objectif, et Lunarya fera une excellente prétorienne, une fois devenue ma femme

Sa langue le brûlait presque. Dire des horreurs pareille jurant totalement avec ce qu'on lui avait inculqué. Même s'il n'en pensait pas un mot, l'officier avait honte, de lui.

-A moins que vous me pensiez assez stupide pour mésestimer dame Lunarya et par la même occasion insulter mon intelligence

La question vint jeter un froid glacé sur le reste de la scène. Le lion ayant eut la délicatesse de ne pas poser la main sur la poignée de son épée de cérémonie.
Ses yeux devenus froid changèrent du tout au tout quand ils passèrent sur le père adoptif de la demoiselle.

-Mais oublions ces paroles regrettables, je suis persuadé que l'intention n'était pas de déclencher une polémique. Tout les gens suffisamment fortunés font élever leur progéniture par les percepteurs les plus compétents

Haussant les épaules, il fit un petit geste de la main en guise d'apaisement. Dardant ses prunelles bicolores sur la belle rousse

-Ton talent innée pour les armes serait gâché loin des prétoriens

Il se faisait la promesse de revenir brûler cet endroit une fois tout cela terminé, cela et de présenter ses excuses les plus sincères à Luna....

- Je...

Non mais il est sérieux ?!
Non. Non... Bien sûr que non Luna, il n'est pas sérieux. Tu as discuté avec lui, souviens toi. Vous avez discuté ensemble et il t'a lui même dit que si ça ne tenait qu'à lui, tu serais déjà Prétorienne... Alors... Mais... Qu'est ce qui lui prend ? Si jamais... Si jamais ça devait mal tourner, si jamais nous étions contraint d'aller au bout de cette pièce, comment se sortirai-t-il de là ?
Pourquoi promettre des choses qu'il ne pourra pas réaliser ?!

Alors de la colère du à ces dernières paroles, mon regard change subitement, se remplissant de crainte. Et un instant, mes yeux plongent dans ceux vairons de mon ami avant de retomber vers mon assiette.

- Mon talent ne saurait être plus épanouit qu'auprès de vous, Arthorias, vous le savez bien.
- Voilà qui est bien parlé ma fille !

Je me sens mal. Tellement mal. Ce canard à un gout amer, comme tout le reste de la nourriture sur cette table. Et chaque fois que je l'entends m'appeler "ma fille" comme si de rien n'était, comme si il m'avait un jour aimé et choyé plutôt que de m'esclavager, je sens toute la tristesse me tordre les trippes.
Et pourtant, je porte tout de même ce morceau de viande jusqu'à mes lèvres, tenant tant bien que mal de cacher mon mal-être, d'enfermer mes sentiments tout au fond de moi malgré le fait qu'ils bouillonnent et ne demandent qu'à sortir.
Qu'à rouler sur ma joue. Comme cette unique larme qui m'échappe.

Mais j'attends qu'elle glisse jusqu'au bas de mon visage pour pouvoir l'essuyer avec ma serviette, comme si de rien était. Avant de me forcer une nouvelle fois à sourire. Après tout, il y a de quoi se réjouir non ? Le choix de mon père semble clairement arrêté sur Arthorias, même les autres nobles l'ont compris et n'ose même pu espérer quoi que ce soit.

Sauf peut être lui, en bout de table avec Iris : Monsieur Claymenceau Frederic. Loin du passif de garde que Joshua apprécie tant, il est l'héritier d'une grande marque de vêtement du royaume, et à parfaitement compris que dans la majorité des cas, ce n'est pas l'homme qui décide mais bien sa femme.
Et actuellement, la femme a clairement choisi de pourrir la vie de celle qui lui sert de fille.

Aussi, lorsque le repas se termine enfin, mon père se lève pour annoncer son choix.

- Messieurs, ce fut un plaisir d'apprendre à tous vous connaitre. Une pure formule de politesse au vu du fait qu'il n'a parlé qu'avec le capitaine. Aussi, je vous laisse disposer, sauf vous mon cher Arthorias... Je peux vous appeler Arthorias, n'est ce pas ?

Mais se fait couper l'herbe sous le pieds par sa femme.

- Je crois que ce cher Frédéric devrait aussi rester avec nous, très cher.

Son regard est autoritaire et ne laisse aucune place à une réponse négative. Et sous celui ci, Joshua me regarde un instant, puis regarde le jeune homme désigné par Iris, puis se résigne.

- Si vous pensez cela nécessaire alors soit, qu'il reste...
- Je le pense oui, et je suis certaine que vous le penserez aussi une fois que vous aurez un peu discuté avec lui.
- Bien... Bien. Dans ce cas, veuillez me suivre dans le petit salon. J'ai un excellent whiskey qui sera parfait pour cette occasion.

Le regard que lance le maître de maison au Capitaine de la Garde Royale est sans équivoque... Il est clairement désolé de devoir le délaisser, mais ce que femme veut, femme obtient. Enfin, la sienne. Moi je ne pense pas qu'ils me considèrent vraiment comme une femme. Ni même un être humain en fait.

Mais du coup, les choses se gâtent. Car si convaincre l'ancien garde fut chose plutôt aisé, maintenant, il va falloir persuader sa dame que, malgré que ce soit mon choix, c'est aussi le meilleur pour les Lys.

-Bien entendu

Mentit il avec un large sourire, révolté par la familiarité que ce permettait ce noble désargenté. S'il n'avait été question de Luna, l'officier l'aurait remit à sa place avec la froideur qu'on lui connaissait. Mais voilà, sa fierté devait être mise de côté pour le moment.

La partie facile était derrière. Il fallait dire que le patriarche des Lys n'avait pas cherché longtemps avant de porter son choix sur Arthorias.

Mais la difficulté n'était pas là et l'officier fixa la pièce maitresse du jeu, qui attendait au bout de la table comme une araignée au centre de sa toile.
La comparaison était plus qu'éloquente, et il fallut au Prétorien réunir toute la patience qui lui restait pour aller affronter cette nouvelle épreuve.

-Alors "Capitaine", parlons franchement, vous n'êtes pas noble, loin de là, et je ne vois pas en quoi associer votre nom à la grande famille Lys nous serait profitable, surtout si nous perdons notre petite protégée à votre patronyme.

Comme il s'y attendait, ce bras de fer allait se faire avec des concessions. Bien que purement orales, elles n'en restaient pas moins des taches cruelles sur l'intégrité de l'officier.
Et ce fut un regard vers Lunarya qui l'incita à abandonner le peu réserve qu'il avait.

-Vous vous méprenez madame, je ne suis qu'un roturier élevé à son rang par son travail, il n'a jamais été question de recouvrir votre prestigieuse maison par mon nom.
J'imaginais au contraire adopter votre héritage, et ajouter à la longue liste des capitaines de la garde royale le nom des Lys

*Même si je préférerais mourir plutôt que d'entacher mes pairs avec votre héritage*

Cela sembla faire son effet. Si le blond n'avait pas la fortune immense d'un noble de haut rang, il devait jouer sur sa charge et ses appuis.
L'argent venait bien plus rapidement quand le reste de la noblesse vous respectait.

-Et si l'argent que je compte vous apporter n'est pas assez, je pense pouvoir payer la dote de mariage d'une autre façon, plus durable qu'une offrande, aussi conséquente soit elle.

La flamme de l'avarice ravivée par ses dires sembla intéresser la matriarche qui agita son éventail pour cacher un sourire

-Dites moi donc, je suis curieuse de savoir ce qui peut rapporter plus qu'un don des Claymenceau...

Souriant à son tour, Arthorias montra le gantelet de sa charge, une superbe pièce qui valait à elle seule son pesant de cristaux.

-La Garde Royale s'approvisionne selon ses propres besoins, et seul le capitaine à son mot à dire sur les artisans qu'elle emploie.
J'imagine qu'il serait plus pratique pour la famille Lys d'avoir un partenariat particulier avec le régiment le plus fortuné du royaume.

L'homme avait l'impression de traiter Luna comme une vulgaire marchandise, ajoutant au malaise déjà existant qu'il mettait aussi en jeu tout son régiment.
Un risque calculé mais qui s'avérait plutôt énervant.

-Un flot de cristaux tel qu'il ne sera nullement plus question de privation pour la famille

Arthorias et Iris en arrière, Joshua et Frédéric devant, les deux duos échangent dans une même vaine tandis que nous nous engageons tous sur le chemin du petit salon où des canapés luxueux nous attendent autour d'une fameuse bouteille d'alcool et de cinq verres.
Et merde.

Pourquoi cinq ? Je n'ai pour l'heure jamais bu avec eux, ils devraient le savoir non ? Et bien non, même ça, ils s'en moquent. Et je me connais. Si je bois, je risque plus de tout faire foirer qu'autre chose... Non, clairement, il ne faut pas que je consomme la moindre goutte d'alcool.

Pendant que je m'inquiète de cela, je me détache légèrement de la conversation entre mon capitaine et la matriarche. Ne réécoutant que pour entendre une remarque acerbe de Dame Lys.

- C'est étrange Capitaine... Vous débarquez de nulle part à cette soirée organisée pour prendre la main de notre fille et seule héritière et vous semblez avoir réponse à tout. Comme si... Comme si vous cherchiez autre chose... Si tout ce que vous avez dit est bien vrai et si toutes vos promesses sont d'ors... Alors qu'attendez vous de ce mariage au juste ? Vous dites être prêt à aller jusqu'à endosser notre nom... Mais si comme vous le dites, nos majestés sont prêts à vous anoblir, alors pourquoi en changer ? Ne serez vous finalement pas bientôt notre égal ?

Au final, quelles sont vos véritables intentions quant à notre famille et m..ma fille ?

Finalement, même dans un moment pareil, m'appeler "sa fille" lui écorche encore la bouche hein. Et cette question... Elle est le reflet même de la perfidie de cette femme. "Qu'a-t-il a y gagner ?" Voilà le vrai sens de toutes ces fioritures.

Elle me dégoute tellement. Tellement que je me retourne vers elle alors que nous allions prendre place.

- Ça s'appelle l'amour, mère. Cela vous parait peut être impossible mais certaine personne en sont pourvu et veulent alors le bonheur de l'être aimé et ceux qu'importe les sacrifices.

A son regard, je sais très bien à quoi elle pense. La dernière fois que nous avons parler amour toutes les deux, j'étais enceinte de Kahlua et je refusais envers et contre tout d'avorter, qu'importe les souffrances, qu'importe les regrets... Et cet amour là, Iris en est totalement dépourvue et le jalouse amèrement.

- Lunarya.

Je m'incline immédiatement sous se timbre de voix, sentant une bouffée d'angoisse grandir en moi.

- Pardonnez moi, père. Je ne souhaitais que défendre l'homme que j'aime.
- Je pense qu'il est largement à même de se défendre seul, n'est ce pas Arthorias ?Bref, présente tes excuses à ta mère et viens t'assoir par ici.
- Bien. Je me redresse juste le temps de me tourner vers Iris et m'incline devant elle. Pardon mère, mon intervention était déplacée.

Puis je rejoins le sofa double où est déjà assis mon père, m'interdisant une nouvelle fois la proximité rassurante de mon complice dans cette affaire. Puis, tandis qu'un serviteur remplis les verres alors que tout le monde termine de s'installer, Joshua Lys se penche à mon oreille.

- Si tu tiens réellement à l'épouser lui, tâche de ne plus la provoquer... Ou sinon même moi je ne pourrais lui imposer mon choix, compris ?

J'hoche simplement la tête tandis que Joshua me tape dans le dos de manière paternelle.

- Bref, trinquons ! Au fiançailles de ma fille avec l'un de vous deux !

"Et c'est ainsi que la pièce tomba en pièce... Hm, pas terrible comme tournure de phrase."
Merci Haku... Et comment je me débrouille moi ? Le cristal des vers chante alors que nous trinquons et tous portent leurs verres à leurs lèvres.
Et je ne fais pas exception... Juste, je ne vais pas l'incliner assez. Voilà, sauvée.

"Je te mets un deux pour ton jeu d'acteur..."

Je repose le verre plein sur la table, et espère simplement qu'on ne me tiendra pas rigueur de ne pas finir...

Devant la réaction de la mère, Arthorias eut un hochement de tête compréhensible, bien qu'à l'inverse il eut envie de renverser son verre de dégout devant cette sinistre mascarade.
Il lui fallait jouer comme un noble, ou du moins un noble ayant les dents longues, bien trop pour quelqu'un de sa caste.

-Je conçois que la situation puisse surprendre néanmoins vous n'êtes pas sans savoir qu'un noble à peine nommé n'est rien.
Aussi fortuné soit il, aussi influent est il, il ne sera qu'un mouton noir vis à vis de l'ancienne aristocratie, à peine un arriviste digne d'être considéré.

Comme s'il avait quelque chose à faire de tout cela... Sa propre mère l'aurait sans doute répudiée pour avoir dit de telles choses.
Voir pire si elle avait entendu la suite.

-Jamais mon nom, même anoblis ne me donnera la moindre considération. Le votre cela dit est des plus honorable.
J'ai bon espoir qu'avec votre nom et mon influence, nous saurons à terme devenir un acteur majeur dans la politique du royaume

Jouant leur jeu, il évitait habillement le sujet de Lunarya, préférant dans la mesure du possible éviter de l'impliquer plus que de raison.
Au vu de la réaction de son père, il craignait le pire...

Trinquant avec une joie feinte, l'officier prit une légère gorgée d'alcool, ne savourant même pas le couteau champagne qui lui avait été versé
Le liquide coula avec un gout amer au fond de sa gorge.

-Bien entendu, par amour pour votre fille également, c'est son éducation irréprochable qui à fait naitre chez moi de profond sentiments.
J'espère que vous comprendrez ma démarche qui bien qu'indélicate se voulait purement sans malice

*Et si par mégarde vous vous retrouviez en prison une fois toute cette affaire terminée, je ferais en sorte que vous soyez gardés dans l'endroit le plus reclus et sordide du royaume*

Les yeux du capitaine se plongèrent dans ceux de Lunarya, se fendant d'un sourire qui se voulait amoureux.
Il fallait espérer que cela suffirait et que nul duel d'honneur ne serait exigé par l'autre prétendant

Il y a un silence. Un long silence que personne n'ose rompre alors que je reste à fixer mon capitaine.

J'ai... J'ai tellement l'impression d'être en plein rêve. Dans un cauchemars en quelque sorte. Il est là, devant moi. Il a promis de m'aider, de jouer ce rôle avec moi mais... Tout cela à quelque chose de véritablement déroutant. Est-ce que je m'attendais à une telle performance de la part d'Arthorias ? Non, clairement pas.
Pour tout dire, je m'attendais à ce qu'il soit simplement refouler, à devoir moi faire des milles et des cents pour convaincre ce couple de noble de me laisser l'épouser. Que si tout ce qu'ils voulaient c'était de l'argent et du pouvoir, grâce à Arthorias et sa position de capitaine, je saurai leur en donner.

Mais finalement, je n'ai rien eu à faire. Est-ce un soulagement ? Ou bien cela annonce-t-il quelques mauvais augures ? Je l'ignore. Et cela me fait peur. A lui, j'ai choisi de faire confiance. Je lui ai révélé mes problèmes, ma vie, mes peines... Je n'avais pas fait cela depuis plus de dix ans. Et maintenant quoi, que va-t-il faire finalement ? Veut-il réellement ce titre de noble ? Y voit-il une véritable opportunité pour lui ?

Le capitaine est-il vraiment celui que je croyais ? Où se révèlera-t-il bien plus fourbe que je ne l'aurai jamais cru ?
Sans même m'en rendre compte, mes yeux finissent par trahir ce trop plein d'émotions qui me tourmentent, lâchant une paire de larmes qui viennent rouler sur mes joues.

- P... Pardon. Je. Je suis véritablement confuse, je.

Je détourne le regard, cherchant de quoi essuyer ses quelques marques de faiblesses.

- Je comprends, je suppose que cette attente à assez durée, qu'en dites vous ma Dame ?

Pendant que je me perdais dans mes réflexions les yeux plongés dans ceux vairons du lion, un autre duel de regard se jouaient... Un bien plus déterminant que le notre.

- Faites donc comme bon vous semble, pour ma part, je suis fatiguée, je vous laisse donc. Messieurs.

Convenance oblige, tout le monde se lève en même temps que la maîtresse de maison et n'ose se rassoir que lorsqu'elle a franchit le seuil de la porte de la pièce.

- Vous devriez y allez aussi Monsieur Claymenceau.
- Vous faîtes une énorme erreur, sachez le.
- Malheureusement, il en va du bonheur de notre fille, c'est à elle de choisir où le destin la conduira.

Quoi ?! Mon cœur loupe un battement. J'ai bien entendu là ? C'est juste une blague, hein ? Je m'étouffe, je tousse. Non, il est sérieux, il l'a vraiment dit.

S'il savait à quel point j'ai envie de le crever.

Voilà une soirée qui se terminait enfin. En voyant la matriarche, se lever Arthorias sut que la soirée touchait à sa fin. Et si les discussions tardèrent encore un peu, rien de notable ne se produisit réellement.
Un échange de mondanité et de vieux souvenir de la garde qui faisait la fierté du patriarche Lys.
Et au bout d'une éternité, et un dernier verre, l'officier prit congé de sa "nouvelle famille".

On le raccompagna sur le pas de la porte, ou il lui fut laissé avec la jeune femme. Ravissante dans sa tenue, le capitaine n'avait pas eut à cœur de la complimenter, tachant de montrer une certaine froideur envers sa "futur femme"
Et si plus aucuns des nobles n'étaient en vue, l'officier se doutait qu'ils étaient observés avec attention.

-Et bien ce fut une excellente soirée, merci de m'y avoir conviée, en espérant que vos parents voient en notre union un évènement plus que favorable.

Un des valets apportait déjà son cheval, l'étalon noir semblant piaffer d'impatience de reprendre la route. Lui qui était d'habitude totalement cuirassé devait se sentir léger comme une plume.
Chose qu'il ne connaitrait peut être plus jamais.

Les yeux vairons de l'officier passèrent sur la demoiselle en robe, lui trouvant malgré tout un certain charme. Sans doute aurait il pu la complimenter s'il n'avait su le poids psychologique que cette robe faisait peser sur ses épaules.

-Ce fut un réel plaisir de vous revoir en espérant que Lucy nous permette de nous revoir sous peu.

Le capitaine déposa un léger baiser sur les lèvres de la rousse, lui murmurant à l'oreille d'une voix plus familière

-Encore un peu de temps et on pourra te tirer de là

Alors qu'ils étaient encore collés l'un à l'autre, le lion vit du coin de l'œil un rideau se tirer. Le spectacle était désormais terminé.
D'un pas décidé il fit demi tour pour enfourcher sa monture, grimpant sans effort avant de saluer une dernière fois Lunarya et de filer à toute allure jusqu'à la caserne.