Vide. Voilà comment Nevaeh se sentait. Lorsque les gardes l'ont raccompagnée chez elle, elle n'arrivait pas à croire ce qui s'était passé. Elle avait été attaquée. C'était absurde. Tellement bizarre qu'elle n'arrivait pas à dormir. Même complètement épuisée, ses yeux étaient grands ouverts, fixant le plafond, essayant de comprendre ce qui s'était passé.

Le matin venu, Nevaeh se réveilla en sursaut. Désespérément, elle souhaitait que ce soit un rêve. Mais elle leva la main et la plaça sur le bandage qui entourait sa tête. Ce n'était pas un rêve. Tout était réel. Elle a refusé de l'accepter. Elle a rejeté cette idée, cette réalité. Elle allait bien. Son cerveau n’arrivait pas à digérer les évènements. Il était inconcevable de penser qu’elle pouvait devenir une victime. C’est chose-là n’arrive qu’aux autres, non ? Ce sont des rumeurs que l’on entend, des grands titres dans les journaux. Son esprit refusait complètement d’y croire. Nevaeh était forte et fière. Aussi forte était-elle, son corps était endolori et sa gorge brûlait. Travaillant dans le domaine du service à la clientèle, elle avait besoin de sa voix. Sa supérieure allait comprendre si elle demandait une journée. De plus, il aurait été difficile de dire non en voyant son état. Elle se prépara donc à sortir, cette fois prenant son arc avec elle. On ne peut jamais être trop prudent.

Seule, elle marchait pour se rendre à la guilde. Le soleil brillait et elle pouvait parfaitement voir les rues et les gens qui s’y trouvaient. Il n’y avait personne de suspicieux aux alentours, mais elle sentait l'anxiété montée en flèche. Personne ne lui voulait du mal dans cette rue et elle pouvait repérer où étaient les gardes. Malgré tout, elle figea. Elle ne pouvait plus faire un pas de plus. Elle avait l’impression d’étouffer dans la foule de gens. Elle devait sortir de là avant de manquer d’air. Comme si quelque chose la poursuivait, elle s’enfuit de la rue menant vers la guilde. Dans sa course, elle ne réalisa pas que ses pieds l’avaient emmenée à la caserne royale. Tiens donc, n’est-ce pas où elle voulait se rendre avec Lunarya… Lunarya !  Elle n’avait pas eu la chance de la revoir en sortant de l’hôpital. Prenant son courage à deux mains, Nevaeh s’avança vers le bâtiment

« Eh, pardonnez-moi. Je voulais savoir si Lunarya allait bien… Eum, je crois que je devais aussi parler avec… eh… Arthorias ? »

L’officier lui sourit et lui demanda de lui donner un moment pour aller chercher celui qu’elle avait mentionné. Puis, elle fut escortée dans un salon. La jeune femme entendait le garde qui l’avait aidé devant la fenêtre, à la fois pour admirer le paysage, mais effacer ce sentiment de paranoïa qui se formait dans le fond de son esprit. Elle était dans la caserne royale, il était impossible d’être en danger. Elle faillit sauter hors de sa peau lorsqu’elle entendit quelqu’un entrer. Elle se garda une note mentale de ne plus tourner le dos aux portes.

« Ah ! Bonjour. »

Elle accepta l’invitation de prendre place et prit le fauteuil en face d’Arthorias. Elle avait compris que celui-ci travaillait avec Lunarya, mais elle fut surprise lorsqu’elle entendit son titre. Comment avait-elle pu oser faire déplacer le capitaine. De toutes les personnes, il fallait que ce soit le capitaine. Elle avait mis en danger l’une de ses subalternes et elle avait donné du travail supplémentaire à Arthorias.

« Enchanté, je suis Nevaeh Farley. Je suis hôtesse à la guilde des aventuriers. »

À la mention de Lunarya, Nevaeh oublia la question une seconde, inquiète de l’état de celle qui l’avait aidée.

« Comment va-t-elle ? Sa vie n’est pas en danger ? Les docteurs se sont bien occupés d’elle ? Bien, je vais bien. Et vous ? »

Elle aurait dû cacher ses cernes avant de mentir de façon si flagrante. Mais, devoir avouer qu’elle n’allait pas serait d’avouer qu’il y avait un problème. Elle ne pouvait pas. Son esprit rejetait encore l’idée qu’elle avait été trop faible pour pouvoir se défendre seule.

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C’était un soulagement de savoir que Lunarya allait bien. Cette nuit n’avait donc pas terminé dans un désastre complet. Les blessures la forçaient à rester au lit, mais elle allait s’en remettre. C’était l’essentiel. Pour ce qui était du capitaine, il n’était victime que de manque de sommeil. Rien de bien grave. Heureusement. Il faut dire que trouver le sommeil n’avait pas été facile pour Nevaeh non plus. C’était bien la pire nuit de toute son existence.

« Je préfèrerais pouvoir mettre cette histoire derrière moi le plus rapidement possible. Nul besoin de décaler la discussion, vous êtes quelqu’un d’important, je ne voudrais pas vous faire perdre trop de temps. »

Le regard de Nevaeh se posa sur la bouilloire. Du thé pourrait faire du bien, mais elle hésita. C’était tout à fait stupide de croire qu’il pourrait essayer de la droguer. Il était un garde royal et le capitaine du régiment. Pourtant une petite voix au fond d’elle la harcelait de ne faire confiance en rien. Comme si à tout moment, une menace pouvait survenir alors qu’elle était en sécurité dans la caserne. Il n’y avait pas plus sécuritaire que là où elle était, non ? Un peu maladroitement, elle prit la tasse devant elle.

« L’enquête… Oui je vois… et serai-je informée lorsque celle-ci débutera ? »

Elle n’aimait pas l’idée que cela pourrait prendre du temps. Le plus rapidement elle pouvait oublier cette soirée, le plus rapidement elle allait pouvoir arrêter d’être anxieuse dans les foules. Elle l’observa prendre une gorgée de thé et se senti bien idiote. Il n’allait pas s’empoisonner lui-même. Elle leva alors le verre à ses lèvres, examinant le liquide avant de prendre une gorgée. La chaleur soulageait sa gorge un peu endolorie.  

« Êtes-vous sûre qu’ils ne puissent pas s’enfuir ? Je sais que c’est tout à fait stupide, mais… Mais... »

Mais quoi ? Elle n’allait pas l’importuner avec ses peurs. Elle faisait confiance au travail des gardes et ceux-ci allaient les garder en geôle pendant longtemps.

« Mais, eh, ce n’est pas important. Vous vouliez que je vous explique ce qui s'était passé. »

Elle avait été faible. Elle n’avait pas fait attention. Elle s’est fait attaquer. Par où commencer ? Par le début, ce serait le plus facile. Elle baissa les yeux, ne voulant pas le regarder pendant qu’elle se remémorait l'événement.

« J’avais entendu dire qu’il y avait un festival et après avoir terminé à la guilde, je m’y suis rendue. C’est là que j’ai rencontré… »

Malgré sa volonté de vouloir expliquer, sa bouche refusa de coopérer plus longtemps Son corps se crispa se remémorant Gus.

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L'événement avait en effet été traumatisant pour Nevaeh. Mais, elle n’était pas si faible qu’elle allait prendre une pause à chaque cinq minutes. Elle était forte et elle pouvait continuer. Du moins, c’est ce qu’elle se disait. Gus était un nom facile à dire. Il n’y avait que trois lettres. Alors pourquoi ne pouvait-elle pas le dire ?  À la question du capitaine, elle secoua la tête. Elle ne l’avait jamais vu auparavant. Elle l’avait simplement rencontré au festival. À ce moment, il avait été bien gentil et courtois. Elle avait pris un verre et même danser avec lui. Dans les ruelles, il était un autre homme complètement. Toute trace sympathique avait été remplacer par un masque bien froid et vicieux. Malgré sa frustration de ne pas pouvoir répondre aux questions, elle fut soulagée de changer de sujet. La guilde était un sujet facile à discuter.

« Oui, ça fait maintenant… 9 ans que je suis membre. »

Elle prit une petite pause. Neuf ans déjà ? Cela passait bien vite. Elle se souvenait de son inscription comme si c’était hier.

« J’ai emménagé dans la capitale et commencé à m’aventurer dès mes 18 ans. Puis, j’ai décidé de travailler comme hôtesse il y a environ deux ans. C’est plutôt simple comme travail et on peut y rencontrer toutes sortes de personnes. »

Il y a tellement de personnes qui viennent dans la guilde, il était difficile de retenir tous les visages. Et il était encore plus compliqué de se souvenir des noms de chacun. Entre les aventuriers souhaitant renouveler leurs plaques, les clients souhaitant que leur mission soit complétée rapidement et de simples passant demandant de l’aide, les journées de Nevaeh étaient bien remplies.

« C’est toujours occupé, jour et nuit. J’aime bien commencer tôt le matin. Ça me permet de pouvoir me promener dans les bois à la frontière de la capitale. »

Peut-être que cette soirée-là, elle aurait dû y aller. Se promener dans les bois ne lui aurait pas causé autant d’ennuis. Elle aurait pu passer une bien meilleure soirée à s’entraîner ou jouer avec les animaux. Sa présence ne semblait pas déranger les créatures qui s’y cachaient.

« Les animaux semblent apprécier ma présence. J’ai été capable de dessiner un Chantelune dernièrement avant de partir en vacances pour aller voir ma famille. »

Depuis sa tendre jeunesse, Nevaeh n’a jamais eu de problème à apprivoiser les animaux. Elle n’avait aucune idée pourquoi. Peut-être avait-elle un air qui rappelait la nature ? Parfois, tout ce qu’elle avait à faire était de prendre une sieste dans les bois et elle pouvait se réveiller avec un petit écureuil endormi à ses côtés. Se souvenir dessina un faible sourire dans le visage de la jeune femme. Elle avait presque oublié la raison de sa présence dans la caserne et rougit.

« Je suis désolé, je me suis éloignée du sujet. »

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Une fois que Nevaeh commençait quelque chose, elle avait parfois de la difficulté à arrêter. Elle hésita un peu avant de continuer puisqu’elle ne voulait pas prendre plus de temps que nécessaire. Mais, parler de quelque chose d’autre que l’attaque lui faisait du bien. Elle fouilla un instant dans son sac sans fond pour retrouver son carnet de dessins. Puis, elle le tendit au capitaine. La majorité de ses dessins étaient des paysages ou des créatures. Bien qu’elle aimait écouter les autres parler de leur vie, les animaux étaient toujours plus simples à comprendre.

« Je suis sûre que les animaux vous aimeraient bien. Peut-être sans armure ils vous trouveront moins intimidant et ils viendraient à vous. »

Elle ricana un peu avant de continuer avec un petit sourire.

« Je suis certaine que vous devez avoir des affinités avec les humains. Du moins, vous sembliez avoir une bonne affinité avec Lunarya. »

Elle pouvait encore se souvenir de la façon que les deux semblaient interagir. Il tenait à ses subordonnées et n’avait pas perdu une seconde pour aller la sauver. Enfin, après qu’il ait enfin compris ce qu’elle essayait de lui dire. Mais, Nevaeh n’était pas là pour discuter des animaux et de la forêt. Il avait des questions à propos de la nuit dernière et elle se sentait plus prête à y répondre.

« J’ai toujours fait attention… Mais… comme vous avez dit, j’ai manqué de chance. »

Nevaeh aurait pu jurer qu’elle n’avait jamais rencontré Gus auparavant. Il était bien trop ignoble pour être un aventurier ou même un client. Et puisqu’elle passait la plupart de son temps à la guilde, elle était certaine de pas l’avoir vu. Même si elle ne pouvait pas ce souvenir de tous les visages qui passaient, elle était plus que sûre qu’elle ne l’avait pas vu là. À part de la guilde, elle passait son temps dans la forêt. Cependant, il n’était pas commun qu’elle rencontre des gens dans les bois. Les seuls endroits où elle faisait des rencontres étaient dans des tavernes.

« Non… Il n’est pas de la guilde, j’en suis certaine. »

La jeune femme avait rarement des problèmes. Elle avait une vie tranquille. Ou presque. Elle préférait être amicale et polie envers les autres, cela évitait justement les complications.

« Je reviens de chez mes parents… je n’ai pas eu de problème… »

En répondant à sa question, elle se souvint d’un incident. Elle l’avait complètement oublié. Après tout, ce n’était qu’un autre saoul qui ne comprenait pas le mot ‘non’. Cela ne pouvait pas être lié. Elle réfléchit un peu plus à cette soirée où elle avait pris refuge dans une taverne. Un orage avait soudainement explosé alors qu’elle était en route vers chez elle. Son regard tomba sur la tasse, fixant le liquide pour essayer de se souvenir de l’incident.

« Je me suis arrêtée dans une taverne il y a quelques jours, quand il y a eu l’orage. »

Elle avait rencontré Elion, mais elle avait aussi rencontré par malheur Marcel. Dès qu’Elion avait quitté la table, il en avait profité pour venir s'asseoir à son tour.

« J’ai menacé quelqu'un de le castrer s'il ne me laissait pas tranquille. Il n'acceptait pas 'non' comme réponse... Il a prit la fuite ensuite. »

Tranquillement, sa mémoire retourna à cet incident, mais ce Marcel ne ressemblait en rien à Gus. Soudainement, elle se souvint que Marcel était accompagné de deux autres hommes. Elle n’avait pas porté attention à eux puisqu’ils étaient plus discrets et buvait leur bière dans leur coin. Mais, soudainement elle réalisa qu’elle avait en effet rencontré Gus. Et Marcel était parmi ses agresseurs. Elle ne l’avait pas reconnu puisqu’elle l’avait complètement oublié. Ses yeux s’agrandirent et elle leva sa main à son visage. Lentement, son regard accrocha celui d’Arthorias.

« Non. Je l’ai rencontrée. Mais il n’a rien fait. Quand son ami, Marcel, a pris la fuite, il m’a simplement jeté un regard avant de partir. »

Le garde avait peut-être raison. Ce n’était pas par hasard. Tout était donc relié à cette soirée. C’était réellement de sa faute.

« Donc tout ça…. C’est ma faute. »

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La culpabilité était un sentiment bien familier à Nevaeh. Chaque fois qu'elle faisait un faux pas, c’était les autres qui en payaient le prix. Encore une fois, ses actions avaient causé du mal. Toutefois, la personne se retrouvant avec le plus de blessure était Lunarya. La jeune femme aurait bien voulu lui énumérer toutes les raisons possibles pour expliquer en quoi c’était sa faute. Autre son talent avec l’arc, elle avait aussi le talent de toujours trouver une raison pour se blâmer. Même si elle n’avait aucun contrôle sur la situation. Toutefois, elle n’avait pas le courage de rouspéter. Elle avait l’impression que la voix du garde avait résonné dans toute la pièce.

Confuse, elle le regarda se lever. Avait-elle dit quelque chose ? Est-ce que l’affaire était conclue ? Il avait peut-être mieux à faire ? Ou pas. Elle s’empressa de se lever et de le suivre à l’extérieur. Il était rare pour elle d’aller à la caserne. Mais, en observant les gardes occupés, elle se dit que cela ressemblait un peu à la guilde. Toujours plein de vie et d’action. Il ne doit pas y avoir de journée calme très souvent. Sans poser de questions, Nevaeh suivit le capitaine. L’emmenait-il en quelque part en particulier ? Comme s’il lisait ses pensées, il lui suggéra une balade dans la capitale.

« … Pardon ? »

Elle avait bien entendu. Il voulait lui prouver que les rues étaient sans danger. Elle le fixa, les yeux ronds et grand ouvert. Elle n’était pas certaine si c’était une bonne idée. Après tout, elle avait eu une crise de panique un peu plus tôt. C’était la raison principale pour laquelle elle s’était retrouvée à la caserne. Elle avait voulu fuir les foules. Mais, cette fois elle ne serait pas seule. De plus, personne ne serait assez fou pour vouloir s’attaquer à elle pendant qu’elle est accompagnée par le capitaine de la garde royale. Enfin, elle l’espérait.

« J’ai beaucoup de doute au sujet de cette… stratégie. Mais je vais vous faire confiance. »

Il avait raison. Elle menait une vie simple et n’avait aucun ennemi. Du moins, à sa connaissance. Il n’y avait que la bande de mécréants qui avait soudainement apparu dans sa vie. Elle aurait pu s’en passer. Décidant de lui faire confiance, elle sortit à l’extérieur. L’air était frais et les rues étaient bien moins occupées que ce matin. Parfait. Tout allait bien.

« J’avais l’habitude de marcher dans la capitale le soir… Mais, ce ne sera plus comme avant maintenant. »

Nevaeh fut triste devant cette réalisation. Elle ne voulait pas admettre que la vie allait être différente, mais elle n’avait pas le choix. Elle ne savait pas si elle allait être capable de pouvoir se promener sans craindre que quelqu’un se cache dans les ombres. Elle avait l’habitude d’aller dans des tavernes et revenir tard le soir.

Le duo avait enfin abouti à une rue plus achalandée. Ne pas paniquer. Ne pas fuir. Elle répétait ces phrases à répétition dans sa tête pour garder son calme. Ses yeux se posaient sur chaque visage, essayant de se convaincre que la mort ne l’attendait pas à chaque coin de rue.

« Lucy aidez-moi, je vais devenir folle.  J’ai l’impression que tout le monde me regarde. »

Les rues n’étaient pas complètement pleines, mais la quantité de personnes était suffisante pour Nevaeh d’avoir l’impression d’être coincé. Lorsqu’elle se sentait enfermée, elle avait tendance à avoir du mal à respirer. Mais, elle devait se contrôler. Elle ne pouvait pas paniquer. Pour s’aider à garder son sang-froid, elle leva sa main à son cou pour jouer avec la chaîne de son collier. Malheureusement ce geste ne l’aida pas et elle pouvait sentir son anxiété se montrer le bout du nez.

« Si le ciel me tombe dessus, enterrez moi dans la forêt. Et n’oubliez pas d’apporter des fleurs. Des oiseaux du paradis pour être exact… »

Même devant Arthorias, elle n’avait pas pu retenir sa langue. Elle avait parfois bien du mal à contenir son humour parfois un peu sombre. Après tout, c’était son mécanisme de défense. C’était la façon dont elle cachait ses insécurités.

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Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer. Ce n’était que son imagination. Les gens avaient des choses bien mieux à faire que de la regarder. Alors qu’elle essayait de regagner son calme en se concentrant sur sa respiration, le commentaire d’Arthorias lui fit pouffer de rire. Ce n’était pas gentil de rire autant, mais elle ne pouvait pas s’en empêcher. Elle en avait les larmes aux yeux.

« Mais non ! Mais… c’est pas… C’est… »

Nevaeh aurait voulu corriger le garde, mais elle n’y arrivait pas. Entre deux souffles, elle put se calmer, puis lui lancer un sourire.

« Mais non, les oiseaux du paradis sont des fleurs. Elle représente la liberté. Elle représente aussi la joie et le paradis. La fleur ressemble à un oiseau avec des pétales orange et bleu. Elles sont un peu plus rares dans la capitale, mais vous pouvez en trouver dans les endroits plus chauds. Je suis désolée, je ne voulais pas rire de vous. »

Elle s’imaginait mal le jeune homme devoir chasser les animaux, puis les déplumer. C’était plutôt cruel de tuer ces pauvres petites choses pour leur plume. Elle ne pouvait pas le blâmer pour son ignorance. Elle avait étudié la nature avec sa mère et s’était très intéressée à la signification des plantes. En plus de s’intéresser à leur caractéristique médicinale très pratique.


Perdue dans ses explications sur cette plante, elle avait réussi à oublier les gens qui passaient dans la rue. Le stress s’était évaporé, comme s’il n’avait jamais existé. Comme si rien ne s’était produit. Si la vie pouvait rester ainsi, la jeune femme ne dirait pas non. Elle avait des doutes sur la stratégie d’Arthorias, mais elle devait avouer que cette petite marche n’était pas déplaisante.

Lorsqu’il mentionna sa collègue, elle hésita à répondre. Lunarya avait besoin de repos. Elle ne voudrait pas la déranger. Mais, en même temps, elle voulait pouvoir la remercier.

« Euh, d’accord. Mais avant, je crois que j’aimerais arrêter quelque part en premier. »

Il y avait un fleuriste non loin et Nevaeh se dit que faire un tour dans la boutique ne ferait pas de mal. Alors qu’elle prit les devants pour se rendre à l’endroit désigné, un frisson lui parcourut le dos. Elle avait encore cette impression d’être observée. Elle jeta un regard rapide autour d’elle, mais elle ne voyait personne. Elle essaya de pousser cette impression dans le fond de son esprit, se disant qu’il ne s’agissait que de son imagination. Mais, cette fois, c'était la même impression que lorsqu’elle avait été en mission dans les grottes. Quelque chose l’observait et cela lui donnait la chair de poule. Inspire. Expire. Peu de temps après avoir trouvé la boutique, elle sortit du fleuriste avec un bouquet de fleurs varié.

« C’est tout ce que je voulais. Nous pouvons aller visiter Lunarya. »

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Sans dire un mot, Nevaeh suivit le jeune homme. Elle fut bien reconnaissante lorsqu’elle réalisa que le chemin était différent. Il y avait moins de gens et il était plus facile pour elle de rester calme. Ne voulant pas perdre de vue le garde, elle accéléra le pas, mais ne manqua pas d’observer l’eau en passant sur le pont.

Il était plutôt étrange pour la jeune femme de se retrouver dans les couloirs où résident les gardes. C’était un lieu privé, un endroit pour eux. Elle était une intruse. Elle n’était pas à sa place. Mais, elle ne pouvait pas rebrousser chemin. Devant elle se trouvait une porte avec le nom bien lisible de Lunarya. Soudainement, revoir la rousse était plus stressant que de prendre une marche dans les rues de la capitale. Lorsque la garde fut prête à les recevoir dans sa chambre, Nevaeh n’était pas certaine à quoi s’attendre. Lorsque Lunarya s’exclama en la voyant, elle figea. Comme si elle avait été prise en train de faire quelque chose qu'elle ne devait pas faire. Son étreinte surprit la jeune femme, mais elle se laissa faire. Cela faisait du bien.

« Non, non, non. Ne vous excusez pas. Vous n’avez rien fait de mal. C’est ma faut en réalité. »

Elle n’osa toutefois pas dire la dernière phrase trop fort. Peu importe ce qu'Arthorias disait, elle avait déclenché toute cette situation. Rapidement, elle reprit la parole en tendant les fleurs vers la rousse. Le bouquet était coloré contenant diverses fleurs comme des jacinthes, des fleurs de lys et des pensées. Elle avait choisi les fleurs avec attention, tout en gardant leur signification en tête. Elle avait aussi choisi des fleurs aux couleurs éclatantes, mais faciles d’entretien. Il aurait été triste que les fleurs fanent dès le troisième jour.

« C’est pour vous. Pour un bon rétablissement. J’espère qu’il vous plaira. »

Sentant ses joues rougirent, elle baissa le regard vers le sol. Tiens donc. Comme c’est étrange. Pourquoi le plancher est-il rouge ? Du sang ?

« Je crois que vous allez avoir besoin d'un nouveau bandage… »

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Tout c’était passé si rapidement, Nevaeh avait du mal à comprendre la situation. Tout allait si bien et soudainement, il était parti avec une humeur très différente de ce matin. Si elle avait pu devenir invisible ou fondre sur le plancher, elle n’aurait pas hésité. Après l’écho de la porte, elle sursauta une seconde fois au bruit du poing de Lunarya frappant le mur. Une chance que la chambre fût faite solide. Ne sachant pas quoi faire, elle continua de regarder le sol tentant de se faire aussi petite que possible.

La jeune femme pouvait comprendre un peu la cuirassière. Elle détestait être enfermée. Autant car elle aimait pouvoir s’occuper et aussi parce qu’être prise entre quatre murs sans pouvoir sortir l’étouffait. Malheureusement, Nevaeh n’avait aucun mot à offrir pour la rousse. Elle aurait bien voulu lui remonter le moral, la faire sourire, mais elle était encore perturbée par ce qui venait tout juste de se passer. Cependant, elle ne put s’empêcher de corriger Lunarya. Elle ne pouvait la laisser croire qu’elle n’avait pas été à la hauteur.

« Là-dessus, vous avez complètement tort. Vous avez été parfaite. C’est ma faute. Vous avez été une victime alors que j’étais leur seule et unique cible. Je n’aurais jamais dû vous entraîner dans cette situation. Ensuite, j’aurais dû être plus forte moi-même. Je ne suis pas devenu aventurière pour me faire battre par ces types. Je n’ai aucune excuse pour ma faiblesse. Pour ce qui est de votre capitaine… Je ne le connais pas et je ne connais pas non plus votre situation. Mais, nous sommes que de simple humain. Nous avons tous nos forces et nos faiblesses et je suis certaine qu’il a dû travailler fort pour obtenir son rang. »

Elle termina sa tirade avec un sourire et tout en lui prenant la main. Elle ne voulait pas paraître bête, mais il était temps de mettre les choses au clair. Elle ne pouvait pas la laisser croire qu’elle n’avait pas été assez forte.

« Je peux comprendre que vous voulez vous entraîner, mais je crois que vous n’aiderez personne de cette façon. Vous serez simplement plus épuisé et blessé et le temps de convalescence sera plus long. Si vous avez des bandages propres, je vais vous aider à bander la blessure. »

La voix de Nevaeh se fit plus douce cette fois et elle tira doucement Lunarya vers son lit pour s’asseoir.  Elle avait trop souvent vu des aventuriers se pousser jusqu’à leur limite, cela n’emmenait jamais rien de bon.

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Nevaeh n’était pas sûre d’aimer l’idée de ne plus vouvoyer Lunarya. En la vouvoyant, elle gardait une distance. Bien que parfois invisible, la jeune femme avait bâti des murs autour d’elle. Une forteresse pour se protéger du monde et son âme se perdait dans un château vide. Arrêter de la vouvoyer serait de se rapprocher de la rousse, laisser une porte ouverte dans sa forteresse. Mais, elle avait un peu raison. Elles étaient passées le stade de ces politesses.

L’hôtesse eut un rire jaune en l’entendant dire qu’elle n’avait pas provoqué la situation. Elle n’avait peut-être pas tabassé ses agresseurs, mais elle avait définitivement menacé Marcel… À sa défense, il l’avait cherché. Si elle avait su que ce qui s’était passé dans la taverne aurait de telle conséquence, elle l’aurait envoyé voir ailleurs de façon plus courtoise. Quoi que… Il avait tout de même insulté le serveur, Elion. Elle ne pouvait pas rester assise les bras croisés à ne rien faire.

« Ils n’étaient pas dans une ruelle la première fois. Ils étaient dans une taverne. Le Chantelune Rieur.  »

Lorsque la jeune femme revint s’asseoir Nevaeh prit le linge, essuyant le sang doucement pour être sûre de ne pas lui faire mal. Les docteurs à l’astre avaient fait un travail remarquable. La plaie allait bien cicatriser. Enfin, si elle arrête de bouger autant. Elle pouvait voir que certains points étaient plus fragiles, menaçant de briser au moindre mouvement.

« Oui… il était plutôt effrayant. Mais, je crois qu’il serait encore plus en colère s’il entend que votre… que ta plaie est ouverte. »

Elle ne voulait pas être présente s’il décide de s’en prendre à la porte une seconde fois. Sinon, elle allait prendre refuge sous le lit. Une fois le sang essuyé, elle prit les bandages pour entourer la blessure. Cela lui rappelait son cher ami.

« Durant mes aventures j’ai appris que même la plus petite des blessures peut être mortelle si on ne s’en occupe pas correctement. Peu importe nos habiletés à manier une arme, une infection ne se combat pas à l’épée. »

Grâce à sa mère, elle connaissait les plantes pouvant aider dans le besoin, mais elle avait aussi appris les premiers soins. Comment désinfecter et bien couvrir les blessures. Elle n’avait pas l’habitude de traîner l’équipement nécessaire pour soigner quelqu’un hors de ses aventures. Ce serait quelque chose qu’elle devrait faire. Si elle ne l’oubliait pas. Une fois le tout terminé, elle se leva.

« Je vais aller disposer des bandages usés et chercher un vase. »

Elle se rendit à la porte et l'ouvrit, seulement pour tomber face à face avec quelqu’un gardant la porte. Ne s’attendant pas à ce que quelqu’un soit derrière la porte, elle sursauta et par peur, elle referma la porte violemment. Elle posa une main sur sa poitrine, pour calmer son cœur qui battait la chamade. Réalisant ce qu’elle venait de faire, Nevaeh ouvrit la porte une seconde fois.

« Je suis désolée. Vous m’avez fait peur. »

Aucune réponse. Quel impoli.

« J’aurais besoin de sortir un instant. »

Encore une fois. Rien. Non mais. Elle pouvait comprendre qu”Arthorias aurait pu demander à quelqu’un de s’assurer que la rousse ne sorte pas de sa chambre, mais ne pouvait-il pas la laisser sortir ?

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