'' Elle est quand même bizarre s't'histoire, non ? ''

Par bizarre, il n'entendait bien sur pas le trajet aller qu'ils avaient pu faire ensemble, où certains des enfants des rues courraient auprès de Ryf, accompagnés de diverses races de chiens, des plus solides aux plus petits qui donnent envie de shooter dedans. Le garde royal leur balançait à l'occasion qui veut une balle, une branche, que les canidés ramenaient inlassablement au grand, provoquant rires des petits et exaspération des autres piétons. Après tout, il avait été informé assez tard que la personne qui le rejoindrait pour cette demande de noble serait une jeune soigneuse en provenance du village perché. Il dut aller la chercher aux portes de la capitale, et faire le trajet avec. ''Elle peut pas se débrouiller toute seule ?'', avait-il demandé. Une réponse qui lui parut comme un ''Tais-toi et obéis'' plus tard, il était en route.

Au moins était-il heureux de revoir Xylia. Ça faisait longtemps. Tellement qu'outre par la taille, elle ne l'avait pas reconnu, vissé dans son armure de Garde Royal, si bien qu'il dut en enlever le heaume, plus pratique dans tous les cas. Visiblement, ses supérieurs n'avaient aucune idée qu'elle était une grande fille débrouillarde déjà bien accoutumée à la capitale, puisqu'ils avaient déjà servi ensemble ici. Il l'avait aussi bien vue arriver que partir, d'ailleurs, c'est la même année qu'ils prirent des chemins différents. Quand il avait entendu ''guérisseuse'' et ''village perché'', il avait été parcourut de frissons ; il savait que c'était un autre garde, adepte des arts curatifs, vu la mission. Ryf, lui, devait juste s'assurer que rien ne lui arrive pendant le temps que durerait la demande ; si on demandait son avis, ce serait une grosse purge qu'il faudrait effectuer dans ce village, pas essayer de les soigner de leur quelconque empoisonnement. L'idée de travailler avec des inconnus ne le débecte pas, mais c'est toujours plus simple avec les connaissances. Cette demande prenait immédiatement de meilleurs aspects.

'' Enfin jveux dire, tout un village infesté comme ça, qui viennent jusqu'à la capitale pour se faire soigner...Comment ils pourraient tous être sur l'point de caner, si ça se transmet pas si facilement ? ''

C'est au moins ce qu'avait directement dit la jeune noble qui avait demandé de l'aide, la pauvre avait l'air plus que débordée par l'afflux de patients constant qu'elle subissait. Après, c'est son travail, il va pas aller la pleurer hein. Pas particulièrement fan des nobles, au moins, leur demande paye bien, et quand il s'agit d'aider d'autres citoyens, il sera toujours partant. Certes, il pense que purifier la zone par le feu serait plus efficace, on pourrait penser à une contradiction, mais c'est juste le bien commun ; imaginez si tout le monde à la capitale commence à vomir du sang et tomber dans les rues ? Le foutoir que ce serait. Hryfin flattait l'encolure d'un des deux chevaux qui allaient tirer la calèche qui avait pour but de les amener au village ; gracieuseté de la garde de la capitale, qui elle même semble inquiétée par cette situation, pour les mêmes raisons que l'hippogriffe.

'' T'as vu la pauvre ? L'avait l'air complètement surbookée ! Ca a pas mal du t'affecter, tu sais, en tant que médecin ou quoi ? Jvois même pas pourquoi on m'a envoyé avec toi, comme si t'allais avoir besoin d'une escorte ou qu'ça allait mal se passer, là bas ! M'enfin, comme à la bonne époque, tu pourras compter sur moi ! ''

Sourire sincère, à vrai dire, depuis les événements du désert volant, il avait eut peu, même pas du tout, l'occasion de s'éloigner des murs de la capitale. Mis sur le banc ? Peut-être. Ses supérieurs ont bien d'autres choses à penser, et son capitaine est bien plus occupé par quelqu'un d'autre pour se soucier de tous ses soldats, aussi présents et fidèles soient-ils. De surcroît, le désert volant, ils avaient bien eu l'occasion d'en parler, pendant le trajet, bien que ce dernier ne fut pas si long. Hryfin en profitait pour fouiller dans son petit sac sans fond, où il avait déjà prévu quelques provisions, bienheureuses vu les conseils prodigués par la jeune noble ; ne rien manger et inhaler sur place.

'' Donc, on doit pas respirer ? ''

Il avait un peu pensé trop haut, alors que le bruit des sabots des canassons frappaient la terre battue du chemin. Le luxe du trajet semblait démesuré, ils auraient simplement pu marcher où se retrouver là bas. Quoique, il fallait bien se rendre au cabinet de Maximilia, avant. Au bout de seulement une vingtaine de minutes, la carriole s'arrêta, laissant aux deux gardes l'occasion de descendre et de commencer à estimer la situation de loin, les coupant aussi dans leur grande discussion sur les événements récents du désert volant, de la garde, aussi bien civile que royale. Le cocher ne souhaitait pas s'approcher plus, les avait lâchés à la périphérie. Comment lui en vouloir ? Au loin, même les masures et les âmes qui y vivent inspirent la tristesse et l'épidémie.

'' Bon. T'imagines bien qu'j'ai pas changé, que jsuis toujours aussi doué en parlote et pour débusquer les trucs qu'avant. '' Il ricana. '' J'ouvre la marche, mais jte laisse causer ! ''

Sur ce, le garde royal remit son heaume ; car quoi de plus rassurant que de voir débarquer un garde royal pleinement équipé au milieu de son village en proie à la maladie ? Et se mit rapidement en marche vers le centre du village de pestiférés.

Ohlala, ça en faisait, des mots. Vrai que tout le monde n'est pas aussi bref et concis que Ryf dans ses paroles, mais y'a pas besoin de le prendre de haut comme ça là et utiliser des termes comme ''assaini'' ou ''légitimité''. Timidement et respectueusement, le garde royal hocha la tête en souriant. Oui, ne t'en fait pas Xylia, il avait bien tout compris non c'est absolument faux. On aurait presque tendance à oublier que le cerveau, c'est elle, les muscles, c'est lui ça aussi, c'est absolument faux, on le voit à des kilomètres, même Béryl doit le voir depuis le Grand Port. Sur ses frêles épaules, la soigneuse avait l'air de porter gros, à la fois en terme de regret et d'ambition. Vrai qu'être le médecin attitré d'un régiment, passer de ''soigneur'' à ''médecin militaire'' officiel, c'est dur.

Presque autant que d'entendre qu'actuellement, sa carrière connaît un certain sur place qui, sans être frustrant, puisque l'appât de la gloire n'est pas la priorité de l'hippogriffe, c'est toujours bien de savoir que son travail est apprécié, et que c'est par l'effort et ses preuves qu'on lui proposera des choses sans avoir à passer pour le lourd de service qui veut s'octroyer des responsabilités qu'il n'est point sûr d'assumer. Après tout, rien que maintenant, à part être l'armoire à glace de service, quelle était son utilité ? Si l'opération se révélait être un succès, le rapport serait sûrement d'un acabit tel que '' Et là Xylia a géré la situation d'une main de maître, elle a sauvé le village et mis un terme à la faim dans le monde. Hryfin ? Ah bah il était là hein, posé, tu connais ''. Pas déplaisant, de savoir qu'on fait tout de même partie de quelque chose de bien plus grand que soi. Être un acteur et non un figurant fait plus joli sur le CV. Et pour ça, il faut prendre des décisions.

Ici, au centre du village, il n'y avait strictement personne, ce qui contredisait tout ce qu'il connaissait de ces petits villages de provinciaux, où les vieux aimaient discutailler du bon ou mauvais temps tout en pestant sur la jeunesse actuelle, beaucoup trop à l'aise et représentée par justement tous les gamins en train de jouer et chahuter dans une joyeuse cacophonie autour d'eux. Là, un rien pesant, un vide significatif. Debout à côté de Xylia, lui aussi lisait les divers panneaux et leaflets présents sur le tableau des annonces, avec quelques mots aussi gravés au couteau dessus, tels que ''Nous sachons'' et ''Nous sommes des aigles'', franchement rien compris. Des précautions, ils en ont bien prises visiblement, l'épidémie devait être très sérieuse pour qu'ils soient aussi respectueux. De suite, la jeune femme lui proposa de l'équiper adéquatement, ce qu'il ne refuse nullement, retirant son heaume, et pour ne pas le paumer comme les cinq dernière fois, l'attacha à son ceinturon, ajustant maladroitement sa protection antivirale de fortune sur sa bouche et sur son nez sans manquer de la remercier.

'' Ouais, t'as raison, faudrait déjà trouver l'point d'eau, si y'a personne ici car z'en en rien a carrer des ordres qu'y connaissent d'jà bien, tout l'monde a besoin de boire et d'un minimum d'interactions. ''

S'il savait, à quel point les humains peuvent s'en passer quand une crise le nécessite, bien qu'il y ait toujours certains réfractaires pour brandir le drapeau de la révolution. Il observa les alentours, et d'un signe de tête, pointa une direction totalement aléatoire, après tout, il était pas du coin, elle encore moins, fallait bien commencer par quelque part, et cette grosse maison semblait prometteuse. Tout ce qu'on pouvait entendre, c'était les cliquetis de son armure, les familiers de la soigneuse vivre leur vie, leurs pas écraser les feuilles mortes au sol et le bruit du vent entre les arbres, s'engouffrant entre les maisons ostensiblement toutes occupées et bien fermées, même s'il pourrait jurer voir des rideaux bouger lors de leurs passages. Il était temps de répondre à toutes les interrogations qu'elle se faisait sur sa vie actuelle de garde royal.

'' En vrai ? La royale, c'est surcôté. 'fin on reste des gardes avant tout. Y'a des bons gars, d'autres moins. Jsais pas si tu t'rappelle de Trent ? Ce connard toujours bourré avec qui j'm'engueulais tout l'temps ? Bah y'a quand même les mêmes profils. Moins, mais y'a. Y ont souvent un plus gros vécu aussi. J'ai eu l'droit au désert volant, eux, d'autres trucs biens chiantax aussi j'imagine. Le taff est similaire, un peu plus pro, ça va péter un peu plus haut quoi. Pour l'évolution...Bordel, jsais plus quoi faire, tu l'sais, jsuis pas du genre à faire des pieds et des mains pour qu'on r'marque que moi ou vendre mon cul pour monter, mais ça semble si difficile. La concurrence est rude, et les prétoriens, qui s'rait presque une suite logique, bah ça a l'air bien lourd à s'péter les épaules. J'en connais une, l'est un peu pète sec, mais une bonne fille. '' Autant rester vague sur les détails, après tous, même certains de ses collègues ne savent pas qu'il la fréquente plus qu'en tant d'amie, cette prétorienne. Petit silence gêné néanmoins. Elle semblait connaître Tara au moins de réputation, puisqu'à sa connaissance, c'est la seule à manipuler le sang. '' En tout cas, merci pour tous ces beaux compliments ! '' Il rit. '' Jsuis désolé pour ton collègue qui s'est fait r'fouler, j'pourrais ptet en toucher un mot au capitaine, pousser un peu les choses ? A ma petite échelle s'entends. En tout cas, moi aussi ça m'fait plaisir de te revoir ma p'tite ! C'est vrai qu'on bosse bien ensemble, s't'un plaisir de faire les gros bras pour toi ! Tiens, rien que la dernière fois, tu t'rappelles, quand y'avait un groupe de mecs qui foutaient le boxon dans les rues complètement bourrés, l'a suffit que tu leur parles, les convaincre que le gorille à côté de toi allait leur botter le cu- ''

Il fut coupé par ce qui semblaient être des cris au loin, l'agitation du laïum de Xylia renforçait son doute, il se passait bien un truc étrange derrière ce grand bâtiment. D'un mouvement de tête entendu, Ryf détala le premier vers les lieux, on penserait pas qu'il pourrait courir avec cette armure, et pourtant, c'est pas ce qui lui faisait peur. Sans doutes par pure sympathie, la jeune garde devait sans doutes lui laisser de l'avance aussi, après tout, si y a bagarre, c'est pour sa pomme. Une fois la bâtisse contournée, il assista à un piètre spectacle, y avait un large puits, bon, le point d'eau principal devait être là. Autour, six personnes, quatre étaient éloignées de deux bons mètres, et gueulaient sur les deux autres, à moitié en train d'en venir aux mains en plus de s'insulter copieusement. C'était étonnamment le plus vieux qui s'en prenait au plus jeune, le premier ne portant pas de foulard comme les autres, s'époumonant en beuglant ''VOUS ÊTES MANIPULES'' et ''VOUS ÊTES TOUS DES BOUCTONS, DE BÊTES SUIVEURS !'' alors que le jeune agressé n'osait riposter face au représentant du troisième âge. Aussitôt, l'hippogriffe intervint, choppa le vieux d'un bras, le jeune de l'autre, aucune discrimination, et encore une fois, le silence, la surprise l'emporta. Jusqu'à ce que les quatre à l'écart se mettent à parler.

'' Non mais les distances, il respecte pas les distances! ''

'' Ah oui faut respecter les distances ! Les distances, c'est un des gestes à respecter ! ''

'' Au moins lui il a son foulard. ''

Des deux à moitié captifs, seul le vieux se débattait en continuant de crier, alors que le jeune posait beaucoup moins de problèmes, si bien que Ryf finit par lâcher ce deuxième, pour prendre à deux mains par le col le vieux, qui continuait à être impertinent envers celui qui portait quand même un ensemble de la garde royale, et qui le dominait largement.

'' T'es comme tous les autres ! Un suiveur ! Un ver de terre ! ''

Et là, il fit mine de lui tousser dessus. Plus rien de comptait, aucune idée de si Xylia était là, de ce que les autres disaient, de ce qu'il passait, une seule pensée clignotait en rouge dans son esprit.

'' Toi, jvais t'éclater la gueule contre les pierres du puits. ''

Se retenir.

Se calmer.

Penser à ce qu'avait dit Xylia il y a quelques minutes, qu'au moins, son salaire est plus intéressant, que les missions sont plus sympas, qu'il a presque de la chance d'être à la capitale qu'au village perché, il ne se voit pas vivre dans un endroit ainsi peint, avec animaux braconnés et enfants victimes d'accidents, eh, lequel des deux est le pire ? Ryf est, après tout, un ardent défenseur des deux, et ne le lancez même pas sur les bébés animaux, ça pourrait durer longtemps. C'est une infime partie de son côté ''Chevalier blanc'', et pourquoi il est à la garde royale. Ouais, il est grade royal. Et si il tenait un minimum à ce titre, ou en tout cas, à ce qu'il est promptement censé représenter, c'est pas en laissant une bande de villageois plein d'ecchymoses et tâchés de sang que la réputation de son écurie remonterait.

Malgré les cris et l'agitation, lentement, il baissa les bras afin que le vieil homme puisse de nouveau toucher terre avec ses semelles. Fort heureusement, il portait son armure, cela empêchait qu'on puisse voir l'envers du décor, à quel point tous ses muscles étaient tendus, sa mâchoire crispée, sa respiration presque bloquée. Il s'est toujours connu cet aspect de chienchien irritable, pas haut du front, capable de violence quand il n'arrive pas à jouer de la rhétorique -donc du coup, souvent capable de violence en fait. D'une oreille faussement distraite, le grand écoutait la conversation entre sa comparse et les autres habitants, alors que l'hippogriffe faisait comme d'habitude, acte de présence, rien de plus. Une présence redoutable et dissuasive, si les mots peuvent voler, les coups ne devraient normalement pas partir.

Donc, une histoire de femme de maire manipulatrice, sorcière ou on n'sait quoi, hein ? Super, au moins, y a ptet pas grand chose de magique ou de bien compliqué. Ce serait bien si toutes les affaires étaient simples. ''Bonjour, c'est toi qui empoisonne les gens ?'' ''Vous êtes bien informé hein ?'' ''On va à la caserne ?'' ''Allez jvous suit !'', clap, fin, au revoir, merci. Pour que ça se déroule au mieux, dans tous les cas, mieux valait laisser Xylia parler, et elle avait un calme olympien qu'il ne possède pas, par chance à la fois pour le duo de gardes et les personnes autour d'eux, la soigneuse rappelait indirectement à Ryf, à l'aide de sa main sur son bras, qu'un dérapage était la dernière des choses souhaitées. C'est pas plus mal. A la place, mieux vaut s'imaginer dans son petit palais mental, où il peut librement laisser vaquer son imagination, et se faire des petits scénarios, genre, prendre celle là par les chevilles et la faire tourbillonner pour latter les autres avec. Ce serait si incroyable.

Jusqu'à un moment où il sentit que c'était trop, et que même sa collègue, aussi choupie soit-elle, allait finir par en avoir assez. Que ce soit par une peur évident des ''étrangers'' à leur bled, leur manière de gesticuler, de tousser, de s'énerver, de ne rien respecter, elle est garde aussi, après tout, l'irrespect, que ce soit des gens ou de la loi, doit également lui racler la gorge. Si bien que c'est au final la dextre gantée de Hryfin qui vint saisir l'avant bras de Xylia, avec peut-être un peu plus de force qu'il n'oserait l'admettre.

'' Bon écoutez les pégus, z'allez rester bien sages, sinon z'aurez plus assez de dents pour pouvoir causer. Comme la dame qu'elle dit, n'est pas là pour empirer l'truc, de base on veut aider, mais si vous êtes aussi dociles qu'une bande de harpies, vous s'srez traités comme une bande de harpies. Votre délire de la femme du maire là, on va aller voir, mais jvous jure devant Lucy, que si c'était une bonne raison de merde, la maladie s'ra le dernier de vos soucis, et vous préférerez être des vers. Pigés ? Maintenant rentrez bien chez vous. ''

En fait, ça avait été qu'à moitié utile, puisque s'ils avaient l'air d'avoir compris que la garde allait s'embêter à s'occuper de leurs petites affaires, ça ne les empêchait pas de continuer à s'engueuler et jouer à celui qui criera le plus fort. Tenant toujours son amie, il fit volte face et commença à marcher d'un pas décidé vers le grand bâtiment qu'ils avaient vu tantôt, ce qui ressemblait le plus à ce que pourrait être une sorte de mairie, ou du moins, où logerait le dirigeant de ce merdier. Traînant Xylia derrière lui, elle pouvait entendre toutes les petites phrases qu'il laissait glisser entre ses lèvres, les ''jvais les buter'' et autres ''jvais tous les buter''. En quelques minutes, ils étaient devant les grandes portes, et il fallut encore quelques bonnes secondes pour qu'il s'aperçoive qu'il broyait toujours à moitié le bras de Xylia.

'' Oh, s'cuze. '' Il la lâche instantanément. '' Franchement, j'ai préféré m'barrer, sinon...Hm, disons que tu m'connais hein. Jsuis encore super tendu, donc même là d'dans, ça risque de mal s'passer. ''

Et pourtant, il frappa tout de même à la porte. Plusieurs fois. Longtemps. Et fort. Faisant trembler le bois, l'écho de ses coups devait se faire entendre dans toute la maisonnée. Ça finit par s’ouvrir, lentement, et qu'à moitié. Une tête blonde en dépassait, le teint hâlé ; ouais, pas d'ici on dit, c'est ça ? La plupart des habitants de la capitale ont le teint aussi blanc que s'ils avaient vu les fantômes de leurs ancêtres. D'un coup, la porte s'ouvrit en plus grand, dévoilant un petit bout de femme, dans la quarantaine, plutôt jolie. Robe rouge, bien coiffée, apprêtée. Suspicieuse, même.

'' Ah bah vous v'là enfin, l'était temps ! V'nez pour mater cette bande de fumistes là ? Hey par contre doucement avec la porte hein ! S'pas car vous êtes un beau mâle super baraqué qu'c'est que vous d'vez défoncer mon mobilier ! ''

Le ton de sa voix...Ressemblait au sien. Donc, une femme des villages en périphérie du Grand Port ? Oh, attention, tous ne parlent pas comme ça, au contraire, mais il reste quelques inéluctables qui ont gardés les expressions et le rythme effréné de parole de cet endroit. Il mit des petits coups de coude à Xylia, qui l'atteignaient plus au niveau de l'épaule qu'ailleurs. Il avait pas trop envie de parler, et ça peut se comprendre. Il allait falloir démêler le vrai du faux, et ça le fatiguait déjà. Pourquoi les bonnes vieilles méthodes de ''tabasser jusqu'à avouer'' n'existent plus ?

'' En vrai, tsais quoi ? Jpenses que ça pourrais s'négocier hein. La forêt, s'pas le Grand Port, mais s'toujours mieux que la capitale ! ''

Et que la garde royale. Surtout ça. Pourquoi Xylia tient-elle autant à sa satanée recommandation ? Pourquoi tient-elle autant à rejoindre les rangs de cet ordre ? Elle y avait déjà plus ou moins répondu, oui. Rien pourtant ne l'explique à l'hippogriffe, qui lui aussi, pensait qu'il s'y sentirait bien et qu'il ferait plein de trucs. Autres que rester à la caserne ou devant les portes du palais royal. Ouais, bon, il en fait, des trucs. Il a chassé une moloch, il a voyagé un peu, il a arrêté un satané voleur de marché, il a croisé le grand criminel Klarion Brando, et là, il est bien en train ''''d'enquêter'''' sur une mystérieuse maladie. A laquelle il captait pas grand chose, et visiblement, Xylia pas trop non plus.

Finalement, ils allaient enfin arriver sur un début de conclusion de leur affaire.

Hryfin se racla la gorge, puis tapa répétitivement sur l'insigne de garde royal sur son armure.

'' Eh bah ouais, c'est bon, vous avez été entendu, l'est là, la royale. '' Bon, c'était vrai et faux, l'hippogriffe se tenait bel et bien au seuil de la porte, mais il n'a pas vraiment été envoyé en qualité de garde royal ; juste de garde tout simple, en fait, à se demander vraiment quelle était la différence, à part l'armure et le solde. '' Donc, déjà, ça va commencer par s'calmer, et arrêter d'chier sur la garde royale, y'a qu'nous qu'on a l'droit. ''

En vrai, tout le monde se plaint de la garde royale, personne n'ose contester son autorité, alors on se rabat sur autre chose ; sa légitimité. En vrai, ils ont quoi de plus ? Pour Ryf, la réponse est claire ; une quasi immunité au fait qu'il peut librement se montrer menaçant et intimidant pour protéger le peuple et la couronne, que la hiérarchie de ce groupe, est en général plus coulante que les lieutenants de la garde régulière, allez savoir pourquoi. Dans un sens, ça l'arrange, donc pourquoi oser s'en plaindre ?

Bref.

Il n'avait pas tout saisit, à l'échange entre Xylia et la dame, il jouait juste son rôle, les bras croisés, le regard méchant, le dos bien droit. Par contre, les aveux, à la fin, il les avait bien compris. Comme un chien de garde, le grand patientait gentiment jusqu'à un signe de sa collègue, pas de notion de hiérarchie entre les deux, il ne réponds pas à la brune autant qu'elle n'a pas à répondre à l'originaire du grand port. Juste, une bonne connaissance de l'un et de l'autre, une parfaite notion de qui doit faire quoi dans l'histoire. Croiser son regard et entendre son soupir étaient loin d'être le signal parfait, mais déjà sur les nerfs, tout contracté qu'il est, il n'en fallut pas plus à notre intimidateur pour saisir cette sale petite boudeuse par le col d'un seul bras, la soulever -en tout bien tout honneur- et ainsi, commencer à rentrer dans sa demeure, sans même daigner s'essuyer les pieds, comme s'il était chez sa mère.

'' MAIS QU'EST CE QUI VOUS PRENDS, AU NOM DE NOM, LÂCHEZ MOI ! VOUS EN ENTENDREZ PARLER - ''

'' Menffou. '' La portant toujours à bout de bras, alors que ses jambes se débattaient risiblement, il continua à avancer, admirant la déco, avant de reporter son attention sur l'infâme empoisonneuse, qui se mettait dorénavant à frapper le bras puissant qui la tenait avec ses propres spaghettis de bras. '' Débats toi tant qu'tu veux, jte lâche pas. S'toi qui t'dis la victime ? Avec les putains de gens qu't'as empoisonnés ? Tu t'foutrais pas un peu d'ma gueule par hasard ? HEIN ?! ''

'' C'ETAIT MERITE ! DES BOUSEUX D'LA VILLE, VOILA S'QUI SONT ! ALORS QUE J'SUIS VENUE POUR ÊTRE UNE FEMME DLA HAUTE AVEC MON HOMME ! ''

'' Loin d'être d'la haute, t'es plutôt une gigantesque pu - ''

'' Pure pierre précieuse ? Je suis d'accord, oui. ''

A l'autre bout du couloir, descendant des escaliers en bois lustrés, un homme, qui ne payait pas de mine, mais fort bien habillé, avec un certain charisme et une vraie prestance qui n'est pas sans rappeler certains nobles, si bien qu'à le voir et l'entendre, Ryf a envie de vomir. D'un coup, plus personne pour se débattre au bout de son bras, puisque la femme éclata en sanglots. Une bonne comédie ça, même les meilleurs amuseurs publics n'en sont pas capables. Ce qui devait être son mari tombe immédiatement dans le panneau.

'' Mon chériiii, le garde il me fait maaaaaaaal ''

'' Je vous prierais de bien vouloir lâcher ma femme. Vous ne voudriez pas qu'il vous arrive quoi que ce soit de fâcheux ? ''[/color]

L'étrange impression que ici, dans ce village, dans cette pièce, tout le monde se foutait de sa gueule à part Xylia ne faisait que faire bouillir de plus en plus la cocotte minute, sous tellement de pression qu'elle pourrait juste exploser. Si bien qu'il lâcha d'un seul geste la femme qui s'écrasa au sol, même pas capable de tomber convenablement, puis de se diriger d'un pas rageur vers le maire du bled.

'' C'est des menaces que j'entends hein ? C'est moi qu'tu menaces là hein ? EST-CE QUE TU SAIS AU MOINS S'QU'ELLE A FAIT TA GRELUCHE LA HEIN ? ''

'' Écoutez, c'est un malentendu, on peut tout régler et - ''

Incessamment sous peu, il serait devant le gars, et il ne pourrait plus répondre de rien. Il aurait mieux valut pour lui qu'il casse les dents d'un petit vieux sur les caillasses d'un puits plutôt que s'en prendre à ce qui ressemble à un minuscule nobliau, non ? Et puis, après avoir depuis le début suivit ce chemin de compréhension et de non violence, la garde qui l'accompagne se rendra peut-être à l'évidence et finira par baisser les bras ; finalement, laisser les grand leur rentrer du plomb dans la tête, à coups de latte, se trouverait potentiellement productif.