« Bienvenue, je vous remercie de vous être déplacés jusqu’ici. »
Un peu précipité, tu leur offris les sièges afin qu’ils s’installent avant de leur faire face, les bras se croisant sous ta poitrine. Un certain regret t’habitait maintenant que tu voyais tes deux invités prêts à partir en expédition alors que toi-même, tu te devais de rester cloîtré entre les quatre murs de ton dispensaire. Tu fis cliqueter machinalement le bout de tes ongles sur tes bras. Et s’ils arrivaient trop tard et que quelqu’un avait déjà pu mettre la main dessus.
Tu secouas vivement la tête pour faire sortir ces vilaines pensées, cette grotte était trop bien gardée pour que quiconque ne puisse y poser impunément les pieds. Et toi, bien évidemment, tu envoyais d’autres personnes au casse-pipe sans être capable d’agir pour eux si ce n’était croire en leurs compétences. Ton regard vogua de l’un jusqu’à l’autre. Tu t’enfonças alors dans ton fauteuil, c’était certes un avantage de pouvoir compter sur tes droits afin de compter sur les autres, mais tu ne pouvais t’empêcher une certaine pointe de culpabilité en les voyant refermer la porte de ton bureau sans savoir s’ils la rouvriront un jour.
« Enchantée, je m’appelle Maximilia, et à nouveau, je vous suis vraiment reconnaissante d’avoir répondu à mon appel. »
Tu poussas un profond soupir, avant de tendre vers eux la carte des montagnes, leur destination finale y étant marquée à l’encre rouge, ajoutées quelques notes griffonnées hâtivement.
« Comme le décrivait l’annonce, on suspecterait la présence d’un bonsaï diamantaire dans cette zone, enfouie dans une grotte gelée. Enfin, plusieurs témoignages l’en assurent même. »
Tu voulais réellement pouvoir travailler avec cette plante et découvrir ses bienfaits, c’était devenu une obsession, un besoin presque vital. Ton regard se plissa légèrement devant les deux voyageurs, tes doigts se croisant sous ton menton.
« Seulement cette grotte est presque impossible d’accès, il a été rapporté qu’une force mystérieuse repousse tous ceux qui essayent d’y entrer. Barrière, créatures, voire même certains ne se souviennent même pas d’être sortis de la grotte. »
Une légère frustration te pesait, tu aurais voulu être présent lorsque cette plante avait été découverte, l’observer dans son état naturel ainsi que de sa survie dans un tel milieu, sans lumière et dans un froid éternel. Allais-tu seulement être capable de la maintenir en vie à la Capitale. Tu ne pus t’empêcher une moue pensive à cette idée.
Enfin, tu offris un léger sourire à tes invités, la priorité restait tout de même leur sécurité.
« Je souhaite réellement pouvoir mettre la main dessus, mais ce ne sera pas au prix de votre vie. »
Tu baissas ton regard, en effet, tu n’étais pas assez cruel pour te permettre d’assassiner des gens juste parce que tu avais eu la chance dans la vie. Tu serais déçu, c’était une certitude, mais tu te sentirais encore plus coupable s’ils ne revenaient pas en vie pour un simple caprice. Un léger sourire triste se dessina sur ton visage, car tu n’avais en plus que peu d’informations à leur donner si ce n’étaient ces quelques témoignages, sans être sûr de la véracité de certains.
« Si la situation dégénère, je tiens réellement à ce que vous abandonniez, ce n’est pas une nécessité qui doit vous coûter la vie. »
Et en cette journée, c'est l'esprit empli de perspectives qu'il a décidé d'essayer de remplir le saladier lui servant de finances. Après tout, la demande corresponds sans sourciller à ses compétences, de plus il commence à connaître la montagne et moins s'y perdre. Sans être un natif des cimes aux neiges éternelles, il a déjà passé les premières erreurs de débutants et en a tiré les leçons nécessaires. Tout cela se sent dans sa tenue, composée d'un mélange de ses habits d'enchanteur habituelle, chemise aux teintes proches de celles de l'océan avec un pantalon bien plus sombre et celle rappelant celle d'un explorateur avec ses bottes, ses nombreuses sacoches et une dague accrochée à son flanc. Non pas qu'il souhaite se battre, mais il se souvient des conseils de Liory à ce sujet : avoir une bonne lame ne fait de mal à personne.
Le regard brillant d'une curiosité certaine, d'une hâte bien contenue de découvrir un nouveau moyen de faire son métier, l'enchanteur passe les portes du dispensaire et se fait rapidement guider au bon bureau. Avec lui seule une jeune femme semble attendre. Passant une main dans sa chevelure brune il incline la tête avec un léger sourire poli, détaillant rapidement sa tenue et son attitude.
-"Bonjour, je suis Almassar, enchanté. Il semblerait que nous soyons tous deux intéressés par la même proposition. Vous avez une idée de ce qui nous attends ... ?"
Impossible d'en rajouter plus car ils sont invités à pénétrer dans cette antre de la noblesse. L'homme passe les portes et laisse ses pupilles dévorer le décor avant de se focaliser sur la seconde femme qui semble les avoir ainsi fait mander via ses demandes. De nouveau, il vient s'incliner légèrement en signe de respect, reprenant une posture neutre, arquant légèrement le sourcil en voyant l'agitation de la demoiselle à leur offrir un siège. Peu commun de la noblesse de faire preuve de tant de manières, surtout d'une manière aussi... Gauche ne serait pas le mot, mais humaine. Comme si c'était la noble intimidée face à ses employés et non l'inverse. A l'invitation muette, Almassar n'hésite pas et vient se poser, croisant lentement les bras. Lui d'habitude si souriant laisse temporairement un masque bien plus sérieux prendre le pas sur ses traits, concentré sur le travail à venir sans pour autant ignorer les politesses avec un air presque enjoué.
-"Ravi de travailler avec vous et j'ai hâte de voir ce que vous nous réservez ! Je m'appelle Almassar, enchanteur et plus globalement chercheur magique. "
Se mordillant légèrement la lèvre ensuite, signe de sa concentration, le chercheur se penche pour observer la carte que la noble déploie face à eux tout en écoutant les instructions offertes par leur commanditaire. Le coin de ses lèvres se plisse, son front en fait de même, plongé dans ses réflexions en assimilant toutes les informations offertes par Maximilia. L'évocation du bonsaï diamantaire ne lui fait que vaguement hausser le sourcil. Pour nécessiter une telle demande, bien sur qu'il devait s'agir d'un objet rare ou précieux, et la plante corresponds totalement à ces caractéristiques. Puis vient la partie épineuse, qui rends un peu plus frileux l'homme. De nombreux phénomènes inexplicables et inexpliqués, certes non mortelle mais avec une aura et une efficacité certaine. Cela demandera des préparatifs et de se pencher sérieusement sur la question. Déjà l'enchanteur essaye de jauger ce qui pourrait bien être la cause de tels phénomènes, et surtout qui est le mystérieux protecteur de l'endroit. Car à n'en douter, il s'agit bel et bien de quelqu'un ou quelque chose protégeant un bien de valeur. Finalement, la commanditaire leur offre quelques mots d'encouragement et d'avertissement, bien plus rafraichissants cette fois. Almassar a vraiment l'impression qu'elle en a quelque chose à faire d'eux, de leur survie, ce qui est clairement agréable, et ça s'entend dans le ton de sa réponse, légèrement moins formelle et plus douce qu'il ne l'adresserait habituellement.
-"Je laisserais ma partenaire de mission s'exprimer d'elle même, mais pour ma part je ferais tout mon possible pour vous rapporter cette plante en bon état. Même si nous en savons bien peu sur ce qui nous attends, je suis sur que nous trouverons une solution tout en restant prudents."
Laissant la demoiselle désormais devenue sa nouvelle partenaire parler à son tour, il observe les alentours d'un œil plus tranquille, bras croisés sur son torse. Ses pensées dansent sous ses yeux, faisant luire ces derniers de leur éclat légèrement doré habituel. Finalement, profitant d'un moment de calme, il pivote vers la noble pour pencher la tête et s'incliner un peu plus qu'a l'arrivée, en signe de respect.
-"Je vous remercie en tout cas pour l'attention que vous portez à notre sécurité. Je pense que nous ferions mieux de prendre congé pour nous y mettre dès maintenant, finir nos préparatifs et surtout nous renseigner un peu. Si il s'agit d'un phénomène magique, il faudra être préparé à le désamorcer sur le terrain pour ne pas dire à l'aveugle."
Et cette idée est loin de l'enchanter, sans mauvais jeu de mots. Almassar attends patiemment que Maximilia lui donne congé pour la saluer et attendre dans la pièce adjacente la flamboyante avec laquelle il devra travailler. Quand enfin il l'aperçoit, il ne peut s'empêcher de lui offrir un petit sourire, engageant la conversation en se voulant le plus sincère et agréable possible. Après tout, il ne la connait pas encore et ils vont devoir travailler ensembles, autant partir sur de bonnes bases.
-"Que pensez-vous de cette mission ? A mes yeux cela semble corroborer soit une créature magique soit un enchantement, sans réellement que l'on puisse en deviner plus. Rien de très dangereux à première vue, mais qui pourrait être particulièrement gênant, en plus du trajet qui s'annonce peu aisé."
Terminant de parler, il pivote entièrement vers la femme, écoutant avec curiosité et une certaine expression studieuse sur le visage sa réponse...
D’expérience, ses interlocuteurs n’appréciaient guère d’apprendre qu’ils venaient de confier une importante mission à une sang bleu, se figurant qu’une Noble se devait nécessairement d’être gracile et peu habile dans les arts de l’exploration. Voilà une considération dont elle se passait bien, fatiguée par nombre d’aspects de ses choix d’existences. Il était également ardu de s’adonner à moult explications pour justifier ses compétences, revenue par deux fois en vie de la Citée enfouie et du Désert volant. Elle s’était toutefois très vite fendue d’un sourire plus chaleureux dans l’espoir de rassurer leur commanditaire inquiète pour leur sécurité :
Elle avait appuyé ses assertions d’une légère inclinaison de la nuque, révérence exécutée à la perfection pour seule preuve de son véritable statut. Le partenaire qui lui avait été alloué paraissait avoir la tête sur les épaules et ne manifestait pas pour l’heure le désir de s’élancer au-devant de tous les dangers. Luz était moins sûre, pour sa part, de parvenir à rester sage une fois au cœur des grottes dans un environnement inconnu… Sa propension à la témérité lorsqu’il s’agissait de creuser une connaissance mystérieuse, déterrer un sentier inexploré, était une bombe fragile qu’elle devait manipuler avec précaution : elle connaissait bien trop sa soif brûlante de savoir pour avoir la conscience tranquille. Elle était pour autant à ce jour toujours en vie et en bonne santé, aussi ne parvenait-elle pas tout à fait à se détester pour ce travers. Heh, son inaptitude à rester en place lui avait jusqu’alors même porté chance ! Comment pourrait-elle autrement faire la rencontre de nouvelles personnes passionnantes et découvrir des pans entiers du continent ?
Elle ignorait, bien sûr, qu’elle rendait actuellement service au fils de son ennemi. Aurait-elle su le nom du crocodile, qu’elle n’aurait tout de même pas pu faire le lien, Maximilia s’étant protégé derrière les couleurs d’une autre famille. Luz ne pouvait par conséquent ancrer son jugement que sur les prémices de tempérament perçus et sur le métier connu de la jeune femme, désireuse de rendre service à ce qu’elle considérait être une collègue dans le vaste monde médical. Quant au dénommé Almassar, sa profession seule suffisait à attirer son attention comme une phalène cloutée à la lumière flamboyante d’une lampe. Un chercheur en magie ?! Et bavard de surcroit, put-elle aussitôt constater au cours des quelques minutes écoulées. Elle fut inquiète, soudain, de parvenir à réduire la durée de leur voyage au strict minimum tout en restant concentrée sur leur but : s’ils étaient deux à se distraire et à se corrompre en débats chevronnés sur les sciences et la magie, sans doute Maximilia ne les reverrait-elle qu’en l’an 1010…
Elle s’étira lorsque les portes du bureau se refermèrent derrière eux, ses longs cheveux flammes glissant en souples torsades jusqu’à ses reins. Vêtue sans l’once d’un ornement, si ce n’était bien sûr ses divers objets de pouvoir, le cuir était masqué sous une couche de tissu anti-climat et de fourrures duveteuses aux jointures. Elle se rappelait à merveille des températures abyssales susceptibles de régner dans les montagnes et ne comptait pas se laisser abattre par une poignée de flocons ! Elle avait en outre passé ses chaussures de marche magiques, une ceinture d’équipement à ses hanches et l’éclat vibrant de l’arceau à sa cuisse pour unique signe de la présence de son armure vivante. Ses katars, quant à eux, dormaient pour l’heure sous la forme de bracelets d’or à ses poignets qui ne bougèrent pas d’un chouïa lorsqu’elle entreprit d’attacher sa crinière à la va-vite à l’aide d’un catogan. Par Lucy, qu’elle avait hâte d’avoir sous les yeux ces vastes étendues discrètement boisées, nappées d’un brouillard blanc sous la lueur des nuits étoilées ! C'en était assez des quatre murs de l’hôpital, assez de son bureau laqué qui prenait des airs de tombeau et du manque d’air pur dans la foule de la Capitale… C’était partir en mission ou prendre le risque de tuer accidentellement le premier qui aurait eu l’heur de l’irriter.
Elle avait alors derechef passé un bras sous sa poitrine, l’autre tapotant pensivement son menton, tic dont elle n’était jamais parvenue à se défaire face à un épineux problème. Les remarques d’Almassar étaient pertinentes. Ce n’était pas non plus la première fois que la praticienne se retrouvait confrontée à d’étranges phénomènes magiques, qu’ils aient été anciennement créés ou tout simplement la conséquence du champ magique particulier qui enserrait Aryon de ses nombreuses mailles.
Oh, le banzai diamantaire suffisait à justifier la présence de malfrats du fait de sa rareté exceptionnelle et des dons thérapeutiques qu’on lui prêtait. Cependant, Dame Flowen avait mentionné l’existence de plusieurs témoignages, sous-entendant par extension une temporalité étalée. Aucun bandit digne de ce nom n’aurait laissé tranquille ce banzai à sa place suffisamment longtemps pour permettre à plusieurs voyageurs égarés d’en repérer la position !
Un duo esseulé perdu dans la neige glacée, taches sombres visibles à des milles, voire transportant un banzai diamantaire sur le retour ? Une cible parfaite pour qui possédait un traineau, des armes pointues et une propension à cacher des cadavres sous la pellicule éternellement gelée qui enferrait les pics dans une gangue protectrice. Et, tandis qu’ils descendaient paisiblement les marches du perron, Luz se tourna tout à fait vers lui, un certain enthousiasme ravi gagnant progressivement ses traits.
Sa dextre placée en coupe devant elle, une fine orbe chatoyante vint y prendre racine et gondoler paresseusement sur sa paume à la manière d’un gros chat indolent. Puis l’électricité s’étiola dans un drôle de bruit soufflé, ne laissant que des langues de suie fumée qui vinrent lécher ses doigts un court instant.
Elle avait d’ores et déjà enfourné sa senestre dans sa besace pour en extraire sa carte holographique et sa gemme de position. Si elle ne fit que présenter cette dernière à Almassar, elle posa carrément la première à même le pavé juste avant de l’activer. Aussitôt, des lignes vinrent virevolter dans les airs, traçant autour d’eux la figure crevassée du continent dans toute son envergure saisissante, arrachant un sursaut surpris à un badaud qui s’empressa d’opter pour une autre rue à traverser.
Elle posait à présent un regard curieux sur la carte étendue autour d’eux, cherchant la localisation exacte de leur cible vis-à-vis des informations transmises par Maximilia. Allaient-ils louer les services d’une carriole ou Almassar était-il prêt à chevaucher hardiment à ses côtés ?
-"Vous avez r... Tu as raison." se reprend-il avec un léger sourire contrit. Les habitudes ont la vie dure, et il doit faire un effort certain pour arriver à tutoyer du premier coup, se permettant même une petite taquinerie amusée. "Et qui sait. Certains peuvent bien demander de continuer à se faire vouvoyer, même après de longues nuits étoilées passées sous le vent glacial des cimes."
Puis bien rapidement la conversation se détourne sur un sujet bien plus important, la mission à venir et les nombreuses questions sans réponses soulevées par ce briefing des plus expéditif. La situation n'est pas facile, et l'enchanteur se retrouve rapidement à remonter une main de son flanc à sa joue pour la frotter, pinçant les lèvres et le regard se perdant derrière Luz pour observer la ville à travers les fenêtres de ce bâtiment. Quel changement cela lui fait, après tant de mois passés à la Forteresse. Et au fond de lui, même si il avait à faire en ces lieux, son âme l'incite déjà à repartir à l'aventure. Maintenant que l'enchanteur à gouté aux joies de la liberté, il a beaucoup de mal de retourner à sa petite vie... Et à vrai dire, il ne souhaite nullement le faire. Profitant des hypothèses émises par la médecin avec qui il va partager de longues aventures il le devine, l'homme glisse une main dans sa bourse avant d'en sortir un cristal qu'il commence à faire glisser entre ses doigts pour les occuper, se doutant que la conversation à venir va être longue -même si passionnante-. Quand enfin elle termine sur la présence malveillante, c'est un hochement de tête qui vient répondre à la rousse, rapidement enchainé de sa pensée.
-"Je suis d'accord avec v... Toi. Je ne pense pas que cela soit l’œuvre de bandits, ce serait ridicule comme fonctionnement. Par contre, je pense bien plus crédible que des paires d'yeux doivent surveiller l'endroit. Après tout si les rumeurs sont remontées jusqu’à la capitale, il y'a fort à parier que certains observent les aventuriers et se tiennent prêts à sauter sur le premier groupe qui aurait la "chance" de réussir à percer les mystères de cette grotte."
L'idée de devoir affronter des bandits surement bien mieux préparés qu'eux aux conditions climatiques locales, surtout après avoir été exténué d'une telle mission n'est pas pour ravir l'enchanteur. Et il partage des pensées similaires à celle de Luz sans le savoir à propos de cette couche de glace pouvant rapidement recouvrir leurs cadavres, tempête de flocons balayant les terres et les souvenirs. Heureusement, la jeune femme lui offre une opportunité de sortir de ses noires pensées sous la forme de la présentation de son don. Comme toujours, l'homme a les yeux qui brillent face à une telle démonstration. La foudre, bien sur que ce genre de pouvoir l'intéresse et se montre toujours utile. Almassar tente de prendre la parole pour lui répondre, mais il se fait interrompre en plein vol, lèvres entrouvertes alors que la médecin passe déjà à autre chose et vient lui parler d'un objet palpitant. Resserrant l'étau de ses dents, il prends sur lui quelques secondes le temps de voir de quoi il en retourne.
Et heureusement pour lui, sa patience est récompensée. L'artefact se montre des plus intéressant, et sans même y songer il vient plier des genoux pour le surplomber, laissant ses doigts l'effleurer sans pour autant user de son don, le regard perdu dans les courbes représentant les différents lieux du royaume. Ses doigts effleurent les lignes, essayant d'en saisir les subtilités. Se mordant la lèvre, l'artisan a les yeux qui brillent, ne se relevant la tête qu'au bout d'un long moment pour enfin rattraper le retard accumulé dans la conversation.
-"Mon don est bien moins offensif que le tiens. Pour le résumer rapidement, je peux, au toucher, comprendre la magie d'un objet et comment elle fonctionne. En gros je connais son enchantement et ce qu'il fait. Ça risque d'être utile dans la grotte. Il marche pas encore sur les créatures ou les personnes hélas, même si je songe à essayer de tisser des enchantements ou des tatouages pour cela aussi."
A son plus grand regret, l'enchanteur comprends rapidement qu'il risque d'être le boulet du duo en terme de combat et de capacités physiques, au besoin. Certes, il s’endurcit rapidement mais est loin d'atteindre la forme des aventuriers, voir même de Luz il pense. Finalement, ses doigts viennent encercler au dessus de la carte magique une petite zone contenant un trio de grottes assez proches les unes des autres.
-"Autant dire que je ne serais pas des plus utiles au combat, loin de la. Je m'en sortirais bien mieux pour l'éviter, si possible. Et je crois que c'est à cet endroit, plus qu'a trouver laquelle est la notre précisément. Au moins, on perdra pas plusieurs jours à tenter de faire de la reconnaissance, vraiment, cette carte est des plus utiles."
Une fois que la rousse a terminée son observation, il viendra se saisir du socle posé par terre pour le désactiver et le rendre à la noble, reprenant son pas légèrement plus vivement, agité. Le coin de ses lèvres s'étire en une moue, son front plissé laissant les rides d'expression apparaître. Finalement, un soupir échappe des lèvres d'Almassar, qui pivote le regard vers la praticienne, dépité et presque gêné.
-"Je me débrouille en montagne mais on peut m'oublier pour le combat, je serais obligé de te laisser cette partie si nous en venons à cette extrémité. Pour le voyage, je ne suis pas contre user de montures pour nous rendre jusqu’à la Forteresse, nous ravitailler correctement la bas et ensuite reprendre le chemin à pied ou avec des animaux plus adaptés. Néanmoins je ne sais pas monter, donc il faudra me montrer. Au moins, avec les sacs sans fond, nous pourrons nous passer d'un traineau et de montures de bât en approchant de la grotte et de son terrain accidenté."
En effet, l'enchanteur voit cela presque en deux voyages séparés. Celui jusqu’à la Forteresse, puis le second pour faire le voyage final. Au vu des premiers aperçus de la carte, les montures pourraient être utilisables pour s'y rendre, mais aussi les rendre bien plus aisément repérables. La facilité contre la dangerosité. Outre cela il n'y a guère vraiment d'avantage, étant donné que les sacs sans fond permettent d'aisément compenser cette faiblesse.
-"C'est donc un choix à faire. Vitesse ou sureté. Les montures nous rendront plus aisément repérables dans les montagnes, mais pourraient nous aider à plus aisément fuir. Les deux choix me vont, à toi de voir ce que tu préfères ! Ou plutôt, si tu te sens d'une âme aventureuse, à parcourir les neiges éternelles sur le dos d'un animal, telle une héroïne de livre, chevelure au vent et parée à défier le monde et l'inconnu à toi seule !"
La taquinerie lui arrache un petit sourire, tandis qu'il essaye d'y mettre du sien pour trouver les solutions les plus aisées à leur périple en approche, et surtout adoucir leurs relations. La noble était totalement dans le vrai, ils risquent de passer plusieurs jours voir semaines en compagnie l'un de l'autre, il est important de partir sur de bonnes bases pour s'assurer des meilleures conditions possibles. Les autres aventuriers, les bandits, le temps et la grotte elle même risque déjà de leur causer assez de soucis pour en plus rajouter des conflits internes. Et malgré la curiosité dévorante de l'enchanteur pour ces mystères enfouis, les trésors cachés d'une grotte aux enchantements encore inviolés, ce dernier ne peut s'empêcher de se concentrer sur les problèmes plus immédiats, sachant pertinemment qu'a l'instant ou il arrêtera d'occuper son esprit avec les priorités matérielles de leur expédition, il n'arrivera plus à décrocher ses pensées des merveilles à venir...
Voilà que Luz comprenait mieux, tout à coup, l’essence de leur duo et les raisons pour lesquelles leur employeur avait porté son choix sur eux. Habituée au terrain et dotée d’une solide formation en herboristerie, la praticienne saurait déployer les qualités nécessaires au prélèvement du fameux banzai diamantaire. Elle ne raffolait certes pas de ce domaine de compétences, elle se souvenait toutefois suffisamment bien de ses études de médecine pour prélever des végétaux rares et composer des potions efficaces. Almassar, quant à lui, était le choix parfait lorsque l’objet de votre convoitise était environné de phénomènes mystérieux et singuliers, assurément d’origine magique. Son pouvoir était une plus-value considérable dans cette optique puisqu’il leur épargnerait ni plus ni moins que des mois de recherches. Certes, Luz était férue d’apprentissage et d’enquêtes scientifique. Elle n’avait cependant aucun diplôme particulier sur la question hormis celui de disposer d’un certain entêtement et d’une témérité proportionnelle. Sans la présence de son comparse, cette mission se serait vraisemblablement éternisée, aucune recherche magique ne brillant d’évidence avec une solution toute trouvée… Autrement Maximilia n’aurait entendu que des bribes de cette affaire et un voyageur plus intrépide aurait mis de longue date la main sur cette plante précieuse. Elle s’esclaffa donc lorsqu’Almassar souligna son utilité au combat, percevant la situation sous un angle aux antipodes du sien.
Ses élans rieurs se muèrent en un fin sourire malicieux.
Oui, elle n’appréciait pas énormément les chevaux. Elle ne pouvait nier leur indéniable praticité, mais regrettait leur intelligence souvent hasardeuse et leurs instincts d’herbivores qui conduisait bien trop régulièrement au danger. Elle aimait davantage la course chaotique de son rarwük malgré l’inconfort de sa selle, ses aboiements enthousiastes et sa férocité de prédateur. Alraqs n’était pour autant pas du tout taillé pour une monte d’endurance et des chevaux seraient plus appropriés pour le voyage qui les attendait.
Elle coula un regard équivoque à Almassar. S’il n’avait pas l’habitude de monter à cheval, du galop et du trot risquaient d’être particulièrement douloureux pour lui ! Oh, elle pensait bien pouvoir le pousser à de pareilles extrémités une poignée de minutes par jour afin d’avaler une once de terrain supplémentaire sur leur programme. Ils se contenteraient d’une allure paisible le reste du temps, finalement pas particulièrement pressés dans leur mission. Luz se figurait que le banzai avait tenu sa position suffisamment de temps durant pour ne pas disparaitre sous leur nez maintenant… Derrière ses hautes murailles magiques, seul un enchanteur entrainé pourrait l’atteindre. Et il se trouvait justement que cet enchanteur voyageait en compagnie de la rouge ! Elle récupéra sa carte holographique, non sans un chaleureux remerciement, et lui fit signe de la suivre :
La boutique s’appelait très justement Au relai galop, et avait pris racine à un carrefour seulement des portes nord de la Capital, dans le voisinage direct d'un étal de confiseries qui vantait les bienfaits du pain d'épice. L’écurie était à moitié vide à cette heure, placardée de beau bois beige, uniquement arpentée par un palefrenier soucieux. De toute évidence, des clients avaient récemment rendu leurs montures et l’apprenti devait s’assurer de rétablir les fers abîmés – l’un des étalons présentaient également des égratignures sur le flanc. Il releva à peine les yeux sur eux, habitué à flairer l’affaire, et désigna immédiatement l’autre bout du bâtiment :
« Merci ! lui répondit Luz, penchée par-dessus le muret de bois pour mieux fouiller des yeux le fond ombragé de l’écurie. »
Ne percevant pas l’homme désigné, elle rétablit son équilibre et tourna cette fois-ci un regard interrogatif vers Almassar.
Elle désigna le bel espace qui s’ouvrait à quelques empans de là, environné de porte lumières éteintes à cette heure et d’une importante foule de voyageurs mêlés de commerçants. La Garde passait parfois en revue certains d’entre eux, davantage dans le sens de l’entrée que de la sortie de Capitale.
Ils n’allaient de toute façon pas arpenter de terrains escarpés sur cette première phase du voyage. La route qui reliait Capitale à Forteresse était suffisamment pavée et entretenue pour le transport régulier de caravanes de marchandises. Non, Almassar risquait bien plus de s’ennuyer ferme et de se faire aborder par les donzelles qu’ils croiseraient sur le chemin, plutôt que de peiner à contrôler son cheval. Comme en attestait justement la jeune femme inconnue qui les suivait depuis cinq bonnes minutes, arrêtée à trois mètres d’eux avec un air fort embarrassé.
Difficile de la rater et de ne pas comprendre qu’Almassar lui avait tapé dans l’œil, fermement décidée à l’aborder dès que Luz s’écarterait…
-"J'apprécie que tu penses ainsi à mon fessier et sa survie alors que presque deux semaines de voyage nous attendent ! Je t'en serais presque reconnaissant, et j'essayerais de moins râler après chaque arrêt quand j'aurais les muscles encore plus tendus qu'un comptable devant un livre de compte trafiqué."
Un sourire suit sa légère blague. Sans pouvoir s'expliquer le pourquoi, il apprécie bien la rousse et a l'intuition que le voyage ne va pas être désagréable, malgré la destination incertaine. Et vu le temps qu'ils vont passer ensembles, il vaut mieux qu'ils arrivent à s'entendre durant le long trajet qui leur fait fasse. Surtout qu'il n'a déjà aucune peine à imaginer son état après chaque longue journée de chevauchée, surtout sans avoir été habitué à une telle pratique. Son esprit saute du coq à l'âne, repensant au voyage entre les deux villes qu'il commence à connaître vu qu'il y'a emprunté il y'a peu. Tout sera tranquille sur le chemin, c'est déjà une bénédiction. Il n'imagine pas devoir fuir à quelconque créature alors que la moitié de ses muscles crieront à l'agonie. Tout en hochant du chef, il accompagne la jeune femme à sa nouvelle destination. Définitivement, elle est bien plus au courant de lui de ce qui les attend, ce qui est en un sens rassurant. Au moins elle saura prévoir des aléas que lui même ne peut imaginer.
-"Cela fait longtemps que tu voyages ainsi ? Tu sembles fort bien renseignée sur les bonnes adresses de la ville, tu as déjà eut l'occasion de toutes les essayer ou tu as fais bonne chasse du premier coup ?"
Si la question est sortie de sa curiosité, elle sert aussi à l'homme pour connaître sa comparse. Lui après tout ne voyage que depuis peu, mais cela ne semble pas du tout être le cas de Luz. Et ce petit échange permet de tuer le temps jusqu’à leur arrivée à cette fameuse enseigne réputée. Laissant à la demoiselle les politesse avec le garçon d'écurie, l'enchanteur en profite pour observer les quelques bêtes présentes. Elles lui semblent assez belles et robustes, mais comment pourrait-il différencier un cheval qui tient la route d'un autre a deux doigts des portes de la mort ? Il ne le peut pas, et c'est avec un soulagement certain qu'il accueille la proposition de sa comparse de voyage.
-"Bien volontiers, je ne saurais pas du tout comment choisir une monture ni le matériel adapté, donc je te laisse cette partie ! Le reste je dois pouvoir gérer, après tout, le fourrage, c'est déjà plus compréhensible à un néophyte. Si jamais je pense à autre chose, j'en profiterais pour le récupérer aussi avant de partir."
Un sourire répond à ce clin d’œil provocateur. Il sent qu'elle s'amuse déjà bien de ses malheurs à venir, et se rend compte qu'il va devoir imaginer de nouveaux moyens de se venger d'elle plus tard. Une fois la mission terminée. Et qu'un ou deux jours de repos une fois arrivés à la Forteresse sera surement nécéssaire pour s'en remettre une fois sur place, tant il sera dans un état digne à provoquer le rire. Son esprit se perd à nouveau, avant de soudainement se concentrer quand il voit la demoiselle saluer quelqu'un... Qu'il n'avait même pas remarqué, arquant un sourcil dubitatif.
-"Je sais que je ne connais pas les écuries, mais me perdre en une heure ? Comment je pourrais bien faire ?"
L'homme a totalement raté le propos, regardant cette chevelure de feu s'éloigner dans le rire et une certaine agitation. Profitant de cette ouverture, la demoiselle en fond ne se fait pas prier et se rapproche, entrant enfin dans le champ de vision de l'enchanteur qui possède à ce stade des œillères plus développées que celles des chevaux dans l'enclos. Difficile de discerner sa tenue sous le manteau épais qui la recouvre pour la saison, surmonté d'un léger col, mais difficile de rater son regard d'émeraude alors qu'un sourire timide étire ses lèvres.
-"Bonjour, excusez moi de vous déranger ainsi mais... J'ai capté des bribes de votre conversation et... si vous avez besoin, je m'y connais un peu en chevaux si jamais vous avez besoin..."
Bien sur, Almassar rate absolument tous les signes que la demoiselle laisse paraître. De son regard qui l'observe en détail, sa voix légèrement tremblotante, de sa façon de se mettre en valeur. Si concentré sur la tâche qui l'incombe et l'aventure à venir qu'il rate celle qu'il pourrait avoir dans l'instant avec cette charmante passante. Pire encore, son sourcil se fronce, ne comprenant pas réellement pourquoi une inconnue cherche à l'aider. Réprimant un grognement il finit par hausser les épaules avant de reprendre, gardant un sourire poli de façade.
-"Je ne sais absolument pas pourquoi vous cherchez à m'aider, mais écoutez, pourquoi pas. Au fait, je m'appelle Almassar, et vous ?"
-"Isabella... Et je fais simplement ça car j'ai envie de vous aider, et de peut être pouvoir apprendre à vous connaître un peu... Après tout vous semblez partir pour un long périple, autant mettre toutes les chances de votre coté, non ?"
L'homme n'arrive pas à comprendre pourquoi cette femme fait soudainement preuve de tant de gentillesse à son égard, hochant simplement du chef en se retrouvant ainsi accompagné pour entrer dans le cœur du bâtiment, qui ressemble définitivement à un relais de poste, comme son nom l'indique. Pas très grand, mais particulièrement bien optimisé en terme de place, avec de nombreuses offres pour du matériel supplémentaire, et diverses options tant pour les chevaux que pour leurs cavaliers. Et heureusement qu'Isabella se trouve à ses cotés, car avec sa maigre expérience il a du mal de savoir comment se guider, et surtout éviter les traquenards tendus par le vendeur qui profite de cette naïveté pour lui refourguer plus que nécéssaire. Après d'âpres négociations, l'enchanteur finit par obtenir pour a peu près deux semaines de fourrages pour les bêtes, payant pour ce dernier avant de s'occuper de le ranger dans le sac sans fond. Une heure durant laquelle la pauvre passante tente diverses approches, de gratter quelques informations au sujet de cet homme qui part bientôt pour une longue et difficile aventure. Et si réponse elle obtient, elles sont souvent dérivées, répondant au sujet sans forcément aller plus loin. Une timide et un mur de brique concentré sur son travail à venir, une histoire tragique qui s'écrit sous les yeux amusés du personnel. Et cette heure se termine bien trop rapidement aux yeux d'Isabella, qui espérait en tirer un peu plus, et qui, dans un élan du dernier espoir finit par souffler alors qu'ils commencent à se diriger vers la place du rendez-vous.
-"Je sais que vous partez pour un long moment, du moins de ce que j'ai compris, mais quand vous reviendrez, vous voudrez que l'on aille boire un verre quelque part ? Je connais de très bons salons de thé dans les environs..."
Almassar cligne des yeux, dubitatif. Ne comprenant clairement pas ce qu'elle lui veut ou pourquoi elle lui propose cela. Il reste ainsi, durant un instant, totalement figé, avant d'arriver à se reprendre. Il entrouvre les lèvres avant de répondre, se reprenant enfin.
-"C'est... Surprenant comme proposition, mais pourquoi pas ? Si jamais nous avons l'occasion de nous recroiser en ces murs ou ailleurs, ce serait avec plaisir !"
Puis sans plus de formes il vient la saluer en pressant le pas, se dirigeant vers le lieu de rendez-vous... Oubliant totalement de lui demander une adresse ou un moyen de la joindre. Blessée par cet affront indigne d'elle, la jeune brune redresse le menton en laissant échapper un "pfeuh" mi blessé mi vexé, quel l'homme n'entendra jamais, bien trop occupé à attendre l'arrivée de la flamboyante avec leurs montures, voyant l'heure de partir à l'aventure arriver à grand pas...
Tenant entremêlées entre ses doigts les rênes de deux beaux spécimens d’équidés, la praticienne franchissait aisément la foule, le claquement métallique des sabots avertissant les badauds de son approche progressive. Les bêtes n’étaient effectivement pas des parangons de course et de majesté, mais leur large poitrail, la bonne tenue de leurs jambes et l’allure paisible de leurs yeux ronds comme des billes attestaient d’un pied sûr et d’un tempérament docile. Seule la dernière partie de leur trajet s’avérerait escarpée, encore que Forteresse avait considérablement veillé à la bonne tenue de leurs routes principales ce dernier siècle. Les chevaux se devaient donc de pouvoir tenir un rythme récurrent et faire preuve d’une belle endurance sur du pavé rendu dangereux par les ornières et roues quotidiennes des caravanes. Glissant de droite et de gauche son regard curieux, Luz ne perçut aucune trace de la jeune femme découverte un peu plus tôt. Soit Almassar s’en était proprement débarrassée, soit elle n’avait pas jugé légitime de rester jusqu’à l’heure du départ de son futur amant. Une question qui mériterait sans doute d’être posée plus tard lorsqu’ils n’auraient plus que la lenteur du paysage défilant pour se distraire !
Habillées de pieds en cap d’un équipement équestre certes marqué par les nombreuses utilisations, mais toujours correctement entretenu, leurs montures étaient parfaitement fraiches à cette heure et disposées à se plier à ces petites présentations théâtrales.
Luz ne précisa pas qu’elle ruait en revanche devant chaque représentation illustrée de ce célèbre ourson rondouillard, prise d’absurde furie. Le reste du temps la jument pommelée ne s’effarouchait pas facilement et tolérait la plupart des cavaliers débutants. La praticienne n’escomptait pas de toute façon croiser sa némésis sur le chemin…
Confiant les rênes de Xijinpin à l’enchanteur, Luz se hissa souplement sur sa propre selle, son grand sac sans fond d’ores et déjà sanglé sur la croupe de l’équidé.
Agrémentant ses consignes de quelques conseils approfondis d’une prompte démonstration, ils ne rencontrèrent pas grande difficulté à s’avancer jusqu’à l’imposante porte de la Capitale pour débuter les prémices de leur voyage. En cette journée le temps était particulièrement clément : le soleil ondoyait sur une dentelle de nuages épars, une brise fraiche caressant par instant le pelage ras des chevaux. Alentours, la campagne s’égayait d’une activité diurne intense pour cette période de l’année, marchands et cultivateurs s’échangeant des nouvelles par-delà le clapotis des sabots et le grincement des charrettes. Sans doute la récolte des poireaux, choux et carottes avait-elle débuté pour battre son fort, mais Luz se désintéressa bien vite des cargaisons colorées, davantage passionnée par leur version comestible.
Almassar se révéla être pour sa part un compagnon de route aussi bavard que riche d’enseignements. Oh, elle n’en doutait pas, bien sûr, mais se découvrir un peu plus chaque jour prise dans les rets de conversations trépidantes avait quelque chose de tout à fait enchanteur et bienvenu. Il ne lui était jamais nécessaire de le chercher ni de fournir le moindre effort pour le sortir de sa torpeur : l’enchanteur lui répondait derechef avec un enthousiasme réciproque et ne tarissait pas non plus de questions, fertiles terreaux pour de nouveaux débats. Ce contact amical était Ô combien nécessaire, tant les sept premières journées furent semblables aux précédentes, fondues dans la mélasse d’un paysage paisible. Magnifique - monotone cependant ! Et ce n’était guère les rares occasions de s’élancer sur le dos de leur monture dans un trot cadencé, lorsqu’il ne s’agissait pas d’un plein galop pour délier les muscles des chevaux, qui contribuaient à raccourcir les temps de trajet. Ces moments étaient pour autant toujours source de gaieté, Luz appréciant grandement la possibilité de pouvoir taquiner son compagnon d’aventure, consciente que cette épreuve lui permettrait rapidement d’acquérir ses compétences manquantes en équitation.
Au huitième jour, la brusque traversée d’un couple de coeurls au milieu du chemin brisa la routine. Si Xijinpin et Vladipotine reculèrent d’une nervosité compréhensible, les juments demeurèrent sous un relatif contrôle et n’entreprirent pas la moindre ruade. Un commerçant qui longeait la route en même temps qu’eux n’eut pas une chance identique… Les deux Tsi'ly qui tiraient sa cariole s’emballèrent prestement, délogeant le loquet qui maintenait son chargement en place, une pluie de pommes mûres se déversant sur les pavés. La main roide d’avoir fermement maintenue en place Vladipotine, Luz put voir la queue des coeurls disparaitre dans les fourrées de l’autre côté de la route. L’espèce était réputée timide et peu désireuse de mener des combats insipides contre des êtres humains qu’ils ne pouvaient pas dévorer… Peut-être avaient-ils été aussi surpris qu’eux de les découvrir là au détour de ce coude que formait le chemin ? Il fallut du moins aider le voyageur effrayé à récupérer l’ensemble de ses fruits ainsi que s’assurer que ses bêtes ne s’étaient pas blessées dans leur affolement. Une courte péripétie qui leur valut de pouvoir déguster un savoureux hydromel le soir-même, cadeau du marchand reconnaissant.
Le dixième jour, une pluie fine commença à tomber autour d’eux, bientôt si glaçante qu’elle paraissait percer les os et franchir la barrière de leurs vêtements trempés d’eau. Signe qu’ils approchaient inévitablement du but de cette traversée équestre, les gouttes se changèrent progressivement en flocons cotonneux. Fort heureusement, Lucy restait de leur côté car aucune tempête ne fit mine de se déclencher – ils n’eurent pour unique compagnon durant les dernières vingt-quatre heures de leur trajet que le silence apaisé de cette douce chute de neige. Et malgré une inattendue glissade de Vladipotine au premier relais rencontré, ils purent amorcer sans incident leur ascension jusqu’à Forteresse dont les remparts étaient visibles à des milles à la ronde, magistrale et imposante construction au cœur de l’immensité montagneuse.
Elle hocha du chef à l’intention d’Almassar, un énigmatique sourire sur les lèvres. Le mouvement eut pour conséquence de faire chuter une constellation de neige de sa chevelure, lui arrachant une douloureuse grimace.
Le prix serait sans aucun doute plus onéreux, mais il valait cent fois ce simple confort. Le métier d’enchanteur devait rapporter son pesant de cristaux de toute manière, non ? Les Aventuriers, Gardes, citoyens de tout bord, ne devaient pas rechigner à verser le contenu de leurs bourses pour se payer des objets magiques de qualité… C’est du moins la réflexion qu’elle se fit lorsqu’ils s’immobilisèrent enfin devant la façade d’un établissement joyeusement nommé le Tourt’Yirmak, du nom de sa célèbre tourte au lard. Positionné en périphérie des places principales de Forteresse, pas exactement central ni tapageur, le bâtiment paraissait idéal pour l’utilité qu’en aurait nos deux voyageurs.
La discrétion restait, effectivement, leur fer de lance. Et que penseraient les locaux d’un duo saugrenu de touristes, sans cargaison apparente ni autre motif que la visite des lieux en pleine saison fraiche ?
Et puis, une pointe d’espièglerie mutine.
Même si il ne l'exprime pas avec des mots, un certain soulagement est visible quand l'homme apprends que sa comparse a été assez gentille à son égard pour lui prendre une monture plutôt douce et docile. Lui présentant la main pour qu'elle le renifle, il vient ensuite commencer à lui grattouiller le museau, chose que la bête semble apprécier. Les explications prennent fin, et enfin l'enchanteur se permet de reprendre la parole.
-"On fera attention à nos rations si elles sont gourmandes ! Je ne tiens pas à les voir aller se servir dans les provisions d'un marchand car il aura eut le malheur de laisser son sac trainer deux minutes. J'apprécie que tu m'aies pris une monture relativement tranquille, j'ai regagné espoir d'arriver à destination en ne suppliant pas Lucy de m'accorder des pièces de rechanges à cause des crampes grâce à toi."
Suivant ensuite les conseils de l'experte en la matière, Almassar arrive finalement à monter sur son propre destrier. Ce sera surement son meilleur ami pour les jours et même les semaines à venir, autant le chouchouter. Il essaye de faire de son mieux, et déjà il se sent un peu idiot d'être aussi gauche avec la pratique, rougissant légèrement de sa bêtise, gêné. Il a beau être agile, l'équitation est une discipline qu'il découvre tout juste, et il est bien loin des prouesses que la médecin semble accomplir. Heureusement, cette sensation de stupidité s'éloigne vite tandis qu'il découvre le monde sous un nouvel horizon. Être ainsi à dos de monture offre une vue et une perspective sur le monde qu'il n'avait jamais savouré auparavant. Et si bien assez rapidement, le frottement provoqué par la selle à chaque pas de l'animal sera gênant, il offre un certain réconfort tandis qu'ils franchissent les portes de la ville pour entamer leur long périple.
L'enchanteur commence à connaître un peu trop bien cette route qu'il emprunte pour la troisième fois en quelques mois à peine, et les décors deviennent rapidement lassants. Rien ne ressemble plus à un arbre que son voisin, et au bout du sixième champ, on pourrait croire que le monde agricole aime encore plus la standardisation qu'un expert comptable un peu pointilleux. Heureusement, la jeune femme fait une particulièrement agréable compagnie avec qui passer les journées. Elle irradie d'une joie de vivre et d'une curiosité qui résonnent avec Almassar, transformant leurs journées en débats sans fin. Et ces derniers sont bien utiles pour lui permettre d'oublier la douleur qu'il ressent chaque soir. Luz a beau être une tutrice patiente ne forçant par sur ses limites, se restreignant à quelques accélérations temporaires pour dépenser les montures et profiter de la sensation grisante de rapidité, le corps de l'homme doit rattraper ce flagrant manque de fessier et de cuisses pour tenir la route. Heureusement, jour après jour, si la douleur augmente, ses compétences en font de même. Il ne sera clairement pas un cavalier vétéran à la fin du trajet, mais au moins il ne sera plus le novice absolu qu'il était auparavant. Peut être même que le chemin de retour pourrait se montrer agréable, et moins frustrant pour la noble qui pourra oser pousser un peu plus les montures et son partenaire dans ses retraitements avec des galops plus réguliers.
Si ce n'est la rencontre de ce marchand malchanceux aux montures inquiétées par ce couple de Coeurls sauvage qui ne sont pas sans rappeler à l'enchanteur qu'une fois habitué, il lui faudrait lui même une monture, la seconde partie du voyage se révèle plus froide mais toute aussi vide d'activités palpitantes. La routine du soleil fait place à celle de la pluie, puis de la neige. Les montagnes commencent à apparaître au loin, majestueuses, inébranlables. Même la grisaille du ciel neigeux ne peut entacher la beauté de cette vision dont Almassar se passe de moins en moins. Peut être que s'installer au moins temporairement dans les environs pourrait être une bonne idée. Enfin, cela dépendra déjà du déroulement de cette quête, de son résultat et surtout d'un accès aux portails de téléportation. Si il supporte de moins en moins la Capitale, il ne peut nier qu'elle est pratique pour bien des affaires et des ventes, et qu'il doit y rester connecté d'une façon ou l'autre.
-"Hélas, c'est déjà la troisième fois que je fais le chemin de la saison pratiquement, je commence à savoir évaluer les distances ! Et surtout, j'ai hâte d'arriver. A ce stade il va me falloir un bassin de rechange, je sais pas si tu peux me fournir ça ?"
Le ton est amusé et taquin, clairement il s'est accoutumé à la compagnie de cette flamboyante demoiselle qui sait le distraire, et mieux encore, stimuler son esprit durant ces moments ennuyeux. Et lui même a beaucoup appris, profitant du temps qu'ils possèdent pour lui poser de nombreuses questions sur son métier, ses complexités, ses détails. Il apprécie la voir ainsi rayonner en parlant de ce qui la passionne et l'anime, et définitivement il se dit qu'il n'aurait pu faire cette mission en meilleure compagnie.
Et si le froid a bien moins d'effet sur Almassar, ce dernier ayant justement passé ses derniers mois en ces terres, il ne peut qu'être de l'avis de Luz à propos de l'auberge, et il vient le signaler d'un hochement de tête vigoureux, de la buée s'échappant de ses lèvres alors qu'il lui répond.
-"J'ai absolument rien à redire à cela ! J'ai bien besoin de bains pour me détendre les muscles et espérer retrouver un peu de motricité avant le départ pour les grottes ! Et au moins, on sera motivés à rapidement en finir, pour retrouver de confortables chambre pour nous reposer avant de rentrer !"
L'établissement rêvé est rapidement déniché. Confortable et clairement de bonne qualité, assez proche de leurs points d’intérêts sans être sous l'attention du centre ville. Écoutant la rousse proposer sa couverture, l'enchanteur cherche du regard le relais où laisser leurs montures. Ne le voyant pas, il revient à cette dernière avec un sourire, venant lui répondre d'une voix taquine et joueuse.
-"Oh oui je ne rêvais que de cela. Deviens mon impertinente apprentie, j'aurais ainsi une bonne raison de te bâillonner pour te faire taire en toute légitimité ensuite !"
Un rire échappe de ses lèvres, son sourire s'élargissant avant de reprendre d'une voix un peu plus sérieuse tout en descendant de sa monture, avec bien plus d'aisance qu'il y'a encore deux semaines.
-"Ça me parait bon, l'histoire des cartographes. C'est crédible avec peu de matériel, et personne ne posera trop de questions vu que c'est chiant. Mais on peut rester plus proche de la vérité en disant que c'est pour une enquête géologique mandée par un noble de la Capitale. Personne pourra vérifier ainsi, et on risque pas de l'oublier. Comme tu le préfères !"
Se rapprochant de Luz, il vient lui donner les rênes de sa monture après l'avoir débarrassée de ses quelques affaires, frottant ensuite ses mains gantées tout en jetant un regard à l'établissement.
-"Vu que tu sembles connaître l'enseigne ou tu as louée les chevaux, je te laisse les rendre ? Je m'occupe pendant de ce temps de nous prendre deux chambres confortables et un repas à faire livrer dans ces dernières. On pourra discuter tranquillement et confortablement de tout cela une fois bien installés."
Une fois l'assentiment de la jeune femme fournie, l'enchanteur entre dans le bâtiment. Dès que les portes s'ouvrent, elles révèlent un intérieur certes restreint en taille, mais particulièrement bien entretenu et soigné. Les poutres apparentes et les candélabres pendus au plafond donnent une petite atmosphère chaleureuse à l'endroit, tout comme la bonne odeur de viande qui se dégage de la cuisine à l'arrière de la bâtisse. Quelques clients sont présents, et tous semblent relativement aisés au vu des prix de l'établissement. Une poignée de regards sont adressés à l'enchanteur, mais ils sont rapidement détournés. Chacun semble faire faire sa petite vie, et l'aubergiste, une matrone dans sa quarantaine, à la chevelure de jais longue et soigneusement entretenue, se fait un plaisir de prendre les cristaux de l'enchanteur en échange de deux clés et d'un repas pour deux livré dans leur chambre.
Profitant de ces quelques minutes de répit, Almassar vérifie le contenu de son sac et de ses premières provisions. Il est loin d'avoir tout pris à la Capitale, comptant bien sur les boutiques locales pour compléter son inventaire. Et c'est le nez dans un carnet que la noble viendra le trouver en entrant dans l'établissement. En l’apercevant, il s'approche d'elle pour lui tendre sa clé avec un grand sourire.
-"La suite de Mademoiselle est avancée. Je vous prie de me suivre pour prendre connaissance de vos quartiers."
Le ton est taquin, le sourire large. L'homme s'amuse à taquiner ainsi sa compagne d'expédition tandis qu'ils montent bien rapidement au premier, puis au second étage. La haut, deux chambres sont à leurs numéros. Chacune est relativement spacieuse, fournie en bien de première nécessité et tout le confort que la médecin pouvait espérer. Un lit confortable et de quoi prendre de longs et bons bains chauds. Et mieux encore, le repas commandé est rapidement servi dans les quartiers de la demoiselle, leur permettant ainsi de discuter posément de la suite des évènements, une fois l'aubergiste repartie. Installé confortablement à l'une des chaises ceignant la table de la pièce, Almassar redresse le regard.
-"Vu l'heure, je te propose de profiter de cette fin de journée pour discuter et nous reposer un peu ? Je ne sais pas trop ce que tu prévois pour demain. J'aurais bien été pour commencer à acheter le matériel dont on aura besoin pour la montagne, et laisser trainer nos oreilles. Tu en penses quoi toi, des idées précises sur la marche à suivre ?"
Almassar n’avait pas tort, il n’y avait pas de meilleurs mensonges que ceux qui lorgnaient la vérité sans jamais s’y fondre. Les paysages montagneux étaient naturellement escarpés et de réguliers glissements de terrain se produisaient. Cela modifiait parfois drastiquement les cartes déjà tracées, au point qu’un habitant local n’était pas étonné plus que de mesure de découvrir les nouvelles facettes d’un décor pourtant familier. Par moment, un effondrement dévoilait la racine d’une rivière souterraine dont les embruns s’empressaient d’éclabousser l’air libre, jusqu’à façonner une route aquatique qui n'existait pas auparavant. A d’autres, les tempêtes se chargeaient du boulot ingrat de modifier les cimes de cet environnement, la météo aryonnaise trouvant sa quintessence dans ces hauteurs splendides, mais fortement hostiles pour l’Homme. Pour l’ensemble de ces raisons, il n’était pas incongru d’envisager des recherches géologiques. De semblables expéditions avaient souvent révélé l’existence d’une nouvelle mine de minerais rares ou la découverte d’un métal précieux. Ce qui justifiait par extension l’intérêt d’un Noble de la Capitale, désireux de mettre la main sur quelques investissements inédits.
Un « Aaaaah, la connaissance aura ma mort » aux lèvres tout à fait théâtral, Luz enroula les rênes des deux chevaux autour de ses doigts et prit le chemin inverse de celui d’Almassar. Les rues principales étaient heureusement entièrement dégagées à cette heure de la soirée, ce qui lui épargnait une malencontreuse glissade. Le givre n’avait pas eu le temps de se former et les badauds encore assez présents dans le froid mordant de l’extérieur suffisaient à empêcher une couche sournoise de se reformer. Ici et là l’odeur des tavernes et restaurants s’étiolaient par les volets savamment refermés, et elle pouvait entendre le cliquetis des verres et des bouteilles que l’on sortait des placards. A Forteresse et passée une certaine heure, peu de fêtards tentaient leur veine en dehors de quatre murs chauds sans avoir un minimum de grammes de feu liquide dans le sang. Les conditions de vie étaient rudes, mais les locaux avaient su travailler d’arrache-pied pour faire de cette immense cité un cadre plutôt accueillant, quoique militarisé.
Le Relai galop ne se situait pas excessivement loin de leur auberge. Elle était malgré tout pressée de retrouver son compagnon de route et d’ôter les vêtements imbibés d’eau qui lui collait à la peau.
« Oui ! Attendez, je vous sors les documents. »
Quelques détails administratifs plus tard et une négociation ardue en cristaux – satané marchand qui trouva le moyen de lui extorquer 20 cristaux noirs de plus que le prix initialement prévu-, et Luz se vit offrir un rapide verre d’alcool d’Ambriosa. Heh, ce n’était pas sa faute ! La bouteille déjà ouverte était disposée sur le comptoir à son arrivée, et l’homme lui avait gracieusement proposé un fond à boire d’une traite avec le coude levé. Qui était-elle pour refuser la générosité d’autrui… ?
Son interlocuteur gratta son imposante barbe d’un air concerné, pas surpris qu’une bonne femme daigne s’inquiéter de sa sécurité.
Un mouvement de population signifiait toujours une transmission de rumeurs et d’informations. Ils savaient que leur banzai diamantaire avait été vu de plusieurs observateurs et sans doute devaient-ils partir du principe que l’information avait désormais fuitée. Bien sûr, rien ne garantissait que ce précédent regain de banditisme était dû à leur affaire : il y avait probablement bien d’autres trésors plus faciles à récupérer qu’un satané végétal pris dans les rets d’une magie obscure. Elle songeait donc à tout cela quand elle rejoignit Almassar dans la grande salle du Tourt’Yirmak, le palais brûlant d’Ambriosa et l’esprit en ébullition. Elle s’accorda néanmoins le luxe de changer rapidement de tenue lorsqu’ils accédèrent à leur quartier, pestant contre la neige fondue qui avait roulé entre les replis de ses vêtements. Enfin revêtue d’une tunique certes fine mais entièrement sèche, elle s’installa aux côtés de l’enchanteur pour déguster les plats qu’ils avaient commandés, en tailleur sur son propre lit.
Elle grimaça, posant les yeux sur son grand sac sans fond qui ne contenait plus qu’une poignée de victuailles séchées et désœuvrées. Rien à voir avec la viande délicieusement fondante qu’elle sentait présentement sur sa langue !
Ah, léger dérapage. Et c’est armée d’un semi sourire renard qu’elle l’observait désormais, vile roublarde taquine.
Elle secoua la tête avec appréciation, une longue mèche de cheveux flamme glissant d’une épaule. Elle avait paru retrouver son sérieux – en apparence du moins.
Elle avait glissé une main dans sa besace tout en parlant, parvenant finalement à en extraire une bouteille d’un joli liquide ambré. Cette fois, son sourire s’élargit en un savant mélange d’amusement et de ravissement :
Elle agita devant lui les deux verres qu’elle tenait entre ses doigts habiles, présentant de sa main libre la ravissante bouteille à la manière d’un tonnelier. Oh oui, elle appréciait déjà son rôle d’impertinente apprentie !
Il faut dire que Luz est une compagnie particulièrement agréable, et une fois lui même changé pour remplacer ses vêtements épais de voyage par une chemise et un pantalon en tissu plus léger, il ne peut s'empêcher de savourer cette sensation de liberté qu'il peut ressentir. Après un long voyage a presque toujours être habillé de couches multiples, pouvoir enfin s'en débarrasser, même si ce n'est que temporaire, s'approche d'une forme très particulière de libération, mais tout aussi agréable. En voyant les denrées humides, le chercheur étire un sourire en coin amusé tandis qu'un souffle de rire s'échappe de ses lèvres.
-"Oui, c'est exactement ce à quoi je pensais. Une journée pour profiter un peu de ces magnifiques et chaudes chambres, recueillir quelques informations et surtout faire le plein de denrées. L'avantage c'est qu'ils sont habitués aux climats rudes, donc leurs rations sont adaptées à un besoin calorique bien plus important. J'espère juste que tu n'as rien contre beaucoup de viande séchée et accordée de légumes dans le même état. Allez, je vais être généreux, on peut rajouter quelques saucisses pour rendre le repas plus savoureux."
C'est une petite taquinerie sans mauvais fond, après tout ils viennent de faire un voyage entier en consommant ce genre de rations, l'enchanteur a bien pu voir que la demoiselle tenait les rigueurs d'un voyage aussi bien qu'un autre. La question suivante toutefois lui fait arquer un sourcil et manquer de s'étouffer avec son propre repas, portant une main fermée en poing devant sa bouche pour l'aider à éviter d'avaler de travers et garder contenance le temps d'absorber la surprise. Puis, une fois tout risque d'imposer à Luz d'exercer ses fonctions d'une manière bien inconvenante écarté, le regard marron pailleté de violet pétille d'amusement alors que son rire sonne quelques instants dans la pièce, détaillant sa partenaire.
-"J'aurais adoré venir à la Forteresse pour retrouver une amante, après tout, vu la fraicheur des nuits il faut bien se réchauffer dans une paire de bras accueillants et une présence chaleureuse, tu ne trouves pas ?"
Un clin d’œil taquin suivi d'un dernier éclat de rire avant que l'homme ne reprenne son sérieux, au moins temporairement pour finir de répondre à la question. Car si il était totalement honnête dans sa première partie de réponse et qu'une amante aurait été une fort bonne raison, elle n'est hélas pas la justification à sa présence passée entre les murs de la cité de givre et de pierre.
-"Mais j'y suis venu pour le travail et une envie de changer d'air. J'ai passé trop de temps à la Capitale et j'avais envie de voyager. La Forteresse est passionnante tant d'un point de vue ressources qu'enchantements, comme le montre notre expédition."
Une nouvelle bouchée de cette délicieuse viande vient fondre sous son palais avant que sa propre curiosité ne vienne reprendre le pas. Hélas pour Almassar, son attente est ainsi prise par Luz qui en profite pour enchainer sur un sujet bien plus important. A ses paroles, l'enchanteur fronce légèrement les sourcils en réfléchissant. Les festivités de fin d'année approchent, et cela peut être une raison suffisante pour justifier un tel afflux. Mais ce dernier veut aussi dire que nombreux seront ceux prompts à vouloir en profiter, et le duo pourrait bien aisément devenir une victime collatérale de cette soudaine hausse potentielle du banditisme. Si plongé dans ses réflexions qu'il ne voit pas le geste de sa partenaire, il dépose ses couverts pour reprendre la parole.
-"Je pense que c'est majoritairement à cause de la saison, mais restons tout de même sur nos gardes. Car autant de monde et de richesses en un seul endroit va forcément attirer les convoitises, et même si nous ne sommes pas la cible initiale, nous pouvons vite devenir une cible. Une fois hors des routes principales nous devrons être tranquilles néanmoins... Et pour mes contacts, ils ne sont pas encore très nombreux, mais je sais déjà chez qui me fournir en vivres et en matériel sans que cela ne paraisse étrange ou ne soulève de questions."
Les pensées du brun plongent plus profondément dans les remous de son esprit, à la recherche d'informations qui pourraient leur être utile ou leur faciliter la vie. Et tandis que la barque de ses réflexions vogue sur la mer calme de ses souvenirs, il est arraché à ses contemplations par la bouteille attirant son regard par ses reflets ambrés invitant à se laisser tenter par ce feu liquide.
Sa main s'agite d'un mouvement rapide et presque félin pour attraper les deux verres et les maintenir en place tandis qu'ils se font remplir de cette douce cascade pleine de promesses comme en atteste déjà les senteurs délicieusement agressives de l'alcool montant à leurs narines. Son sourire devient plus joueur, presque provocateur.
-"Vous possédez peut être l'impétuosité de la jeunesse et l'irrespect qui l'accompagne, mais ne m'enterrez pas trop vite, vous pourriez encore avoir de nombreuses surprises. Néanmoins, je ne me vois pas refuser un verre offert en toute sincérité, surtout si cela sert à honorer l'héritage de votre éducation."
Il évite soigneusement de soulever le point mis en avant par Luz en usant ces mots précis au lieu de parler de son père directement. A la place, Almassar préfère s'amuser de ce jeu fort distrayant auquel ils se livrent tous deux et qui risque de ponctuer leurs relations publiques des prochains jours. Et, lui même pris dans les filets déployés par la demoiselle à la chevelure de feu, il se sent obligé de lui rendre la pareille, même si il entame les jeux sur une note sérieuse.
-"Et je ne refuse jamais la chaleur d'un verre partagé en agréable compagnie, surtout en plein milieu des montagnes. La météo ne me surprends guère, mais on ferait bien de vérifier à deux fois notre équipement avant de partir, pour ne pas être surpris en pleine tempête de neige sans avoir de quoi s'en sortir."
Finalement il tend son verre pour trinquer avant de prendre une gorgée de ce breuvage qui vient lui bruler la bouche et la gorge, le faisant légèrement frisonner puis pousser un soupir d'aise tandis que l'agréable brulure se répand à travers son organisme entier. Il pourrait rapidement s'habituer à cela, mais avant de se laisser aller aux bienfaits d'une soirée bercée par l'alcool -avec modération, peut être-, l'enchanteur préfère continuer de taquiner cette médecin particulièrement surprenante.
-"Heureusement que je sais que tu parles d'alcool néanmoins, car généralement parler de partager toute chaleur bonne a prendre n'a pas tout a fait le même sens. A moins que, comme a l'aube de notre départ tu te décides à essayer de me trouver une prétendante d'un soir pour réchauffer ma nuit ?"
Le sourire particulièrement amusé et l'éclat pétillant de son regard parle pour Almassar, qui s'amuse bien trop de ce petit jeu. Il a toujours été faible face à de telles taquineries, et il s'y prête volontiers, presque un peu trop. Il sera difficile de ne pas faire glisser le masque quand il sera nécessaire de le faire, et l'homme essaye de garder cela en tête pour ne pas aller trop loin.
-"Mais dis moi, pour quelle raison as-tu acceptée cette demande ? Je me doute que l'argent peut être un moteur puissant, mais quelque chose me dit que ce n'est pas le seul qui t'anime. Et je suis tout de même curieux de ce qui t'intéresses dans toute cette histoire, a moins que ce ne soit qu'une bonne excuse pour sortir de la Capitale et profiter des somptueux décors aux frais de notre employeur ?"
Luz fut prise d’un rire, un éclat de dents blanches allègre et tout à fait spontané. Son rire se mua très vite en un fin sourire renard tandis qu’elle se penchait à demi vers Almassar, adoptant un ton humoristique de confidence :
Elle eut un mouvement de dénégation de la tête, l’air de s’apitoyer sur la triste ingratitude de son Maître.
Elle leva ce faisant théâtralement son verre puis s’accorda une délicieuse rasade. Après l’Ambriosa et la nourriture, l’alcool lui brûlait agréablement la langue de notes suaves et épicées. Peu importait, elle tenait parfaitement ses verres. Il lui fallait davantage qu’un ou deux moments conviviaux pour perdre sa superbe habituelle ! Affairée à servir leurs verres, elle l’avait précédemment écouté d’une oreille distraite. Les détails des prochains jours étaient donc quasiment réglés et le fait qu’il dispose d’une adresse familière en ces murs était une nouvelle très agréable à entendre. Elle avait semble-t-il pour une fois l’heur de partir en expédition avec un comparse débrouillard et doté de ses propres astuces. Il faudrait bien cela pour affronter les rigueurs de la saison froide de même que les aléas d’une montagne indifférente à leur survie… Elle espérait principalement que l’objet de leur convoitise serait toujours à sa place au fond de cette grotte, patientant entre ces mailles entremêlées de magie. Son verre dans une main posé contre sa cuisse, elle se laissa aller en arrière, appuyée sur le moelleux du matelas à l’aide de sa senestre, ses longs cheveux flammes tombant en spirale jusqu’aux draps. Elle prit un air songeur à la dernière question d’Almassar, son regard s’égarant quelques instants sur les zébrures du plafond.
Elle reposa ses prunelles dans les iris violines de son vis-à-vis, un fragment de sourire étirant le rouge de ses lèvres :
Elle but une nouvelle gorgée, son ton étrangement sérieux quoique pensif dénotant avec leurs précédentes taquineries. A question honnête, réponse honnête !
Elle s’était redressée dans l’énergie de son propos, ouvrant grand l’étendue de ses bras pour mieux marquer ces horizons sibyllins dont ils ignoraient tout, ces abysses masqués sous des apparences trompeuses. Heureusement son verre n’était plus si plein ce qui lui épargna la déconfiture de renverser quelques gouttes sur la couverture.
Le vert irisé de ses prunelles était parcouru d’étincelles passionnées et son souffle s’agitait d’une excitation scientifique inépuisable. Elle parut alors réaliser ce court dévoilement, et son visage se mua d’une lueur penchant davantage vers l’auto-dérision. Pointant son verre pratiquement vide vers Almassar, elle jugea pertinent de l’interroger en retour sur les questions qui la taraudaient un peu plus tôt au cours de leur voyage :
Almassar n’y couperait pas. Car presque aussitôt, Luz se fendit d’une moue taquine.
Elle se saisit de la bouteille et d’un geste du poignet, proposa à son compagnon du soir de le resservir s’il le souhaitait. Elle pencha par la suite le contenant au-dessus de son propre verre vide.
Il aurait toutefois fallu qu’il intègre la Garde à ce titre, et plus particulièrement le Régiment du Blizzard logé à Forteresse. Ce n’était pour autant qu’un exemple du quartier des ingénieurs et des créations novatrices susceptibles d’être produites en ces murs – les ballons volants utilisés pour accéder au Désert volant en étaient un parfait exemple. Ceci dit, songea-t-elle avec amusement, Almassar avait probablement la langue trop pendue et l’entêtement trop dissident pour répondre à l’autorité d’un Capitaine !
-"Eh bien en ce cas je remercie mon impétueuse apprentie pour déposer sur mon chemin les prétendantes comme des petits cailloux pour m'assurer que jamais ma couche ne soit froide. Vraiment, je ne sais comment je pourrais vivre sans ses bons conseils. Tant d'opportunités que je n'aurais jamais su saisir, tant de nuits qui n'ont pas été solitaires de par ta présence. Tu es une artiste de l'amour, si je dois donc t'écouter ?"
Les pérégrinations sentimentales mises de coté, le sujet devient autrement plus intéressant. La rousse n'est guère bavarde sur ses jeunes et folles années, et la voir ainsi se confier sur une partie bien plus aventureuse de sa vie ne peut qu'éveiller la curiosité et aiguiser l'appétit d'informations de l'enchanteur. Il lui est aisé d'imaginer Luz passant la journée à dos de monture pour traverser le monde et en découvrir tous les mystères, le tout avec le verbe acéré et le rire provocateur. Et c'est justement cette aisance à voir en la demoiselle une aventurière invétérée qui l'interroge sur son métier actuel. Et cette passion ressort en une gestuelle aussi enflammée que ses mots, manquant de troubler tant son équilibre que celui de son verre au contenu si précieux -et tachant-. Une telle fougue ne peut que faire vibrer les cordes sensibles d'Almassar qui sourit en se redressant en une position plus droite, les iris violets dévorant les gestes de sa compagne d'aventure. Définitivement, ils se sont bien trouvés alors qu'il finit par profiter d'une petite pause dans la danse des mots et des émotions.
-"Je ne vais clairement pas te contredire, nous ne connaissons qu'une parcelle des vrais savoirs enfouis en ce monde, j'en suis assuré. Il est même possible que le voyage nous en apprenne plus que la réussite en elle même ! Après tout, nous avons avoir la chance de braver des lieux que peu de monde osent explorer, en des temps particulièrement hostiles. Nos âmes seront peut être marquées comme nos pupilles par des phénomènes que nul n'a encore su coucher sur le papier. Si ça se trouve, d'ici notre retour, nous donnerons notre nom à la prochaine découverte !"
Laissant le liquide de son verre rouler sous son poignet qui agite ces vagues artificielles, l'enchanteur termine sa boisson en laissant échapper un petit grognement. Si il commence à être habitué à l'alcool, il est surement bien loin de le tenir aussi aisément que son vis-à-vis. Ce qui est une erreur fatale, surtout quand ce dernier décide de repasser à l'assaut. Sa présence, la chambre chaude après un tel voyage, l'alcool qui embrume doucement son esprit. Tout cela est un piège dans lequel Almassar tombe tête la première.
-"Ce voyage est une combinaison de trois éléments. Tu en as déjà cité deux, d'une manière détournée. L'amour de ma profession et l'envie d'en découvrir plus sur cette fameuse barrière magique et qui a bien pu la créer en fait partie, car je n'ai que rarement entendu parler de tels phénomènes. Je ne pouvais donc pas manquer l'occasion d'en palper un sous mes doigts, surtout quand, comme tu le dis si bien, nous sommes rémunérés pour le faire !"
Un instant de pause, un sourire en coin. Un regard sur sa comparse qui semble attendre la suite avec impatience, ou juste curiosité.
-"Ensuite il y'a ma propre curiosité. Comme tu l'as si bien dit, cette plante est particulièrement rare. Bien sur que je souhaite pouvoir mettre la main dessus, et qui sait, négocier avec notre commanditaire un accès à cette dernière si certains de mes travaux portent. Mais non, tu n'en sauras pas plus à ce sujet, pas la peine de me faire des yeux de chaton !"
Un petit rire s'échappe des lèvres de l'enchanteur qui essaye de prédire les réactions de la médecin a l'esprit encore plus vif que les doigts. A cet effet, il laisse volontairement quelques secondes passer avant de fermer les yeux et de pousser un léger soupir pour finir son explication.
-"Et enfin, l'envie de voyager. Cela rejoint un peu la question que tu as posée ensuite, sur comment devenir enchanteur. J'ai passé de longues années à la Capitale sans avoir trop l'occasion de voyager. Maintenant que mes affaires sont florissantes, je prends gout à explorer le monde. Déjà car cela me permet de mieux choisir les produits et ingrédients que je vais utiliser pour les enchantements et les tatouages de pouvoir, mais aussi simplement pour le plaisir de découvrir le monde et ses mystères."
Puis, son sourire s'élargit, devient joueur. Ses pupilles se déplacent et glissent sur la demoiselle quelques secondes alors qu'il se penche vers elle, avec un ton de confidence sur les lèvres et le regard pétillant d'amusement tandis qu'il reprend d'une voix un peu plus basse, presque soufflée.
-"Maintenant, oh maintenant j'ai encore bien des choses à te dire sur pourquoi l'enchantement, le comment et tout ses mystères. Et je suis prêt à répondre à toutes tes questions sans aucun filtre ni tabou. Mais pour cela, il va falloir m'expliquer comment une jeune femme aussi aventureuse et flamboyante que toi a fini par devenir médecin, alors que tout la destinait à une sublime carrière d'aventurière, d'archéologue ou de scientifique de terrain..."
Car cette question lui taraude l'esprit depuis les tirades enflammées de Luz sur les voyages et la passion qu'elle semble leur porter. Bien sur, il s'imagine nombre d'histoires, familiales, amoureuses. Des dizaines de raisons pouvant ainsi changer l'objectif d'une vie ou forcer à taire des passions. Mais si il doit ainsi se révéler sans aucune gêne ni hésitation sur ses plus jeunes années, pourquoi ne pas en demander autant à celle qui se fera la confidente de son passé ?
Elle leva haut son verre avant de s’accorder une rasade festive, consciente du jeune âge de son interlocuteur. Il avait quoi ? Dans les prémices de la vingtaine ? Cette pensée saugrenue manqua lui arracher un rire. Elle n’avait après tout que vingt-huit ans et sa perception d’elle-même penchait de jour en jour davantage vers la vieille dame. Si l’enchantement était populaire et les services rendus coûteux, maintenir à flot un commerce n’était pas inné. Cela restait donc suffisamment remarquable pour qu’elle prenne la peine de le souligner. Elle glissa un doigt contre le col de sa tunique, percevant, enfin, la chaleur de l’ivresse rôder autour de sa peau. Oh, elle n’avait pas l’alcool mauvais et se trouvait encore capable d’aligner ses neurones, mais cette morsure était juste assez prégnante pour être agréable.
Son sourire taquin s’évasa toutefois lorsqu’elle réfléchit pleinement à la dernière question posée. Elle eut finalement un haussement d’épaules à la lisière de l’ironie et se redressa en tailleur sur le matelas.
Elle retint une grimace tandis que ses pensées effleuraient l’existence de Mysora. Certes, elle partageait le même sang, mais sa sœur cachée arpentait une voie qui la privait définitivement de tout éclairage public, plus encore de la noblesse. Elle avait de longue date brisé tous ses liens avec sa famille.
Ses lèvres s’ourlèrent d’un fin sourire. Qui d’autre qu’elle pour accueillir le Maitre espion couturé de plaies, perclus d’épuisement ? Qui d’autre qu’elle pour soigner les âmes tour à tour brisées des espions revenus de mission, éloigner l’obscurité de leurs esprits pour quelques instants ? Ainsi que ceux qui gravitaient dans d’autres milieux plus ombragés, plus silencieux ? Zahria, Calixte, Naëry, Ivara, Lilith… Warren, bien sûr, toujours. Non, elle ne pouvait se permettre de laisser trop souvent ses propres envies percer au grand jour. Elle se devait de tenir entre ses mains le poids tant aimé de cette communauté.
Dans la douceur de cette nuit bien avancée, ils continuèrent à s’engourdir ainsi un temps encore avant que leurs éclats de voix ne déclinent enfin à la faveur d’un repos bien mérité.
A flanc de montagne, Luz chassa distraitement la neige qui s’était amoncelée sur l’un de ses genoux, récupérée un peu plus tôt sur un arbuste. Ils avaient passé la veille à écumer Forteresse afin de remplumer leurs réserves de nourriture et récupérer un équipement essentiel à la pratique de cette randonnée. Officieusement, ces visites impromptues avaient également pour but d’écouter le bruissement de la ville et de saisir toute potentielle bribe d’agitation… Les recherches de Luz s’étaient révélées peu fructueuses. Elle pouvait citer le nombre de ménages en difficulté, la boulangère Matilda ayant récemment trompé son mari, lui-même en proie à quelque sombre maladie, ou encore le fait qu’Eric avait perdu au jeu l’entièreté de la fortune précédemment prêtée par son meilleur ami, mais rien ne lui était venu sur la présence d’un arbre rare au cœur des grottes. Peut-être s’étaient-ils montrés trop gourmands pour un jour de temps seulement, eux qui avaient l’allure d’étrangers et qui attiraient immanquablement l’attention dans les auberges et autres taudis du même acabit. Les truands réellement au courant de l’affaire devaient inévitablement s’être esquivés. A moins que leurs craintes ne soient finalement pas avérées… ? Qu’importe, ils avaient décidé de rester sur leurs gardes et avaient entamé le chemin vers les à-pics profonds de Montagne le matin même.
La nature était splendide, bien qu’ourlée d’airs menaçants. La neige s’était recouverte d’une couche de gel craquante durant la nuit et ce crissement résonnait agréablement à l’oreille sous leurs semelles. La poudreuse était profonde par endroits et il leur fallait contourner des crevasses masquées par les intempéries. De temps à autre Luz ouvrait sa carte holographique, guettant leur direction et le premier signe de la grotte tant attendue. Le boyau devait être à demi masqué par la neige, la végétation parcellaire et les propres mouvements de la montagne… Il s’agissait peut-être même d’un tunnel à peine perceptible, doté de différents embranchements. Un froid inégalé piquait sa peau d’éclats fugaces, son visage majoritairement enfoui sous un imposant bonnet et plusieurs centimètres de tissu : pas une seule mèche de cheveux flammes ne transparaissait de ses vêtements épais.
Le ciel tournait progressivement d’un bleu cristallin vers une blancheur grisâtre éblouissante pour les prunelles.
Elle tourna un regard équivoque vers leurs traces de pas gravées sur le sol. Quelque part, un duo de géologues mandatés par la couronne n’aurait guère pris la peine d’effacer leur piste. Ils étaient en expédition officielle, et non en proie à de sombres desseins. Néanmoins, si la nature pouvait d’elle-même brouiller leur chemin… Voilà qui éloignerait sans doute un ou deux curieux mal intentionnés.
Un ancien mouvement tellurique devait avoir troué cette face de la montagne de nombreuses grottes. Trouver la bonne ne serait pas chose aisée, en percer les défenses encore moins !
-"Vous avez beau avoir un caractère parfois insupportable chère apprentie, je ne refuse jamais un travail ou un défi, surtout pour une personne d'agréable compagnie. Donc n'hésitez pas à me demander quand vous avez un enchantement à créer."
Réelle proposition ou simple taquinerie ? Eh bien, le chercheur ne perdra rien à le découvrir plus tard. Au pire il aura passé une bonne soirée, au mieux il aura gagné ce qui s'avèrera surement être une précieuse cliente. Et cette dernière justement s'épanche un peu plus sur ses jeunes années. Et si elle dit n'avoir rien d'exotique à fournir, parfois, un parcours plus simple est aussi une grande qualité. Le brun écoute sans rien dire, se contentant de tirer un peu sur son col et le haut de sa chemise pour se soulager de cette brulure alcoolisée. Sa descendre est moins assurée que celle de la médecin, et cet abus nocturne sera surement regretté le lendemain. Mais rien n'est gratuit, et ce modeste prix est celui à payer pour en apprendre un peu plus sur celle avec qui il va partager de nombreuses journées.
-"Alors oui, je ne sens que trop bien l'âge et les responsabilités me tomber dessus, je suis d'accord. Mais j'ai peut être la chance, ou la malchance selon le point de vue, de n'être encore ancré à aucun lieu ni aucune vie précise par quelqu'un pour l'instant. Peut être que cela changera, mais j'apprécie cette liberté tant qu'elle dure. Même si je dois reconnaître l'abnégation dont tu as pu faire preuve à ainsi laisser ce que tu pouvais aimer pour une vie plus tranquille mais aussi plus propice à aider ceux qui te sont chers."
Peut être une conclusion adaptée pour une soirée qui finit lentement par mourir au profit d'un repos bien mérité après un tel voyage. Non pas que l'enchanteur n'apprécie la présence de cette demoiselle a l'humeur aussi joueuse que taquine, simplement, ils ont de longues journées qui les attendent ensuite, et le repos est nécessaire pour mener à bien leur mission.
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Le départ aura finalement été accueilli avec une certaine joie par le brun. En effet, la veille n'aura été guère rentable en informations. En cristaux dépensés et en objets gagnés, oui. Mais en mots utiles, bien moins. Certes, quelques expéditions continuent comme toujours d'explorer les montagnes à la recherche d'animaux à chasser, de nouvelles plantes à examiner ou de phénomènes étranges à inscrire dans leurs ouvrages, mais rien sur de petites bandes d'aventuriers ou de bandits qui traineraient sur les routes, du moins plus qu'habituellement. De quoi rassurer, et en même temps inquiéter. Soit personne n'est réellement au courant de ce qu'il se passe et ils seront tranquilles, soit les dangers sont tels que tout le monde a abandonné cette quête folle... Ou encore, ceux en quête de cette plante légendaire cachent particulièrement bien leurs traces.
Et en parlant de les camoufler, les mots sur le temps annoncé par l'enflammée tombent à point nommé. Le regard aux reflets violets et dorés de l'enchanteur pivote derrière lui tandis qu'il secoue vigoureusement du chef, tant pour signifier son accord que pour réchauffer la pointe de ses oreilles gelées. Même ainsi vêtu d'épaisses fourrures, de manteau, de cape et d'écharpes remontées de bonnet, lui donnant une apparence plus proche d'un guide de grande montagne que d'un homme prêt à affronter les pires difficultés magiques, l'homme se gèle franchement les extrémités. Heureusement qu'il est avec une médecin, car autrement il pourrait craindre pour l'avenir de ses orteils avant la fin de leur quête.
-"Hélas vu la vitesse à laquelle le temps se corse, je pense que la gentille chute de neige va durer dix minutes, puis ça sera la tempête. On ferait bien de presser le pas pour au moins trouver une grotte dans laquelle passer le temps si jamais ça dure."
Heureusement comme le souligne si bien Luz, ils approchent de leur but. Ou du moins, de la zone la plus probable où ce dernier risque de se trouver. Le temps au dessus d'eux continue à se gâter, et c'est une course contre la montre muette qui s'engage. Les nuages s'accumulent, au rythme de leurs pas. Les formations rocheuses se rapprochent, tout comme le vent qui commence à souffler.
-"Bon, il va falloir faire attention, pas mal de créatures doivent hiberner actuellement. Pour trouver la bonne grotte, je ne saurais pas t'expliquer mais je pense que je saurais quand on y arrivera, surtout si elle est protégée magiquement. Fait attention à des évènements particuliers, comme tes cheveux qui deviennent soudainement bien plus tendus ou agités, une impression étrange au bout des doigts..."
Difficile d'expliquer comment le corps peut réagir une fois à proximité d'une telle barrière magique. Ce qui est sur, c'est qu'ils montreront probablement une réaction, même mineure à cela. Almassar sent sa curiosité monter en même temps que son inquiétude, car avec son affinité magique il se peut que cela soit bien moins agréable qu'un peu d'électricité au bout des doigts. Fort heureusement pour lui, leur intérêt immédiat est concentré sur trouver la bonne crevasse dans la montagne au lieu de tergiverser sur comment la pénétrer. Naturellement et sans énormément de conversation, chacun trouve sa place. Luz examine les grottes et leur évite plus d'une fois d'entrer dans ce qui est le territoire d'une créature en pleine hibernation alors que le brun se concentre sur les flux magiques qu'il ressent. Nulle trace autre que les leurs ne souille ce blanc manteau, et même les traces d'animaux sont peu nombreuses. Quelque chose éloigne définitivement les petites créatures locales, signe qu'ils ne doivent pas être encore très loin.
La neige vient ensuite s'en mêler. Le vent souffle de plus en plus intensément, soulevant des drapés blanchâtres et givrés. Le même genre de givre que celui qui vient attaquer les sourcils alors que la température fait un plongeon. Le soleil a disparu, remplacé par de nombreux nuages tempétueux. La douce brise fait désormais place à un souffle mordant. La progression ralentit et la visibilité devient exécrable. L'enchanteur serait tenté de s'arrêter, de profiter du premier trou vers les entrailles de la terre pour s'y enfouir, tant chaque instant devient une lutte contre la nature pour persévérer et avancer. La volonté d'Almassar s'érodait alors qu'au bout des doigts, une étrange sensation se fait jour et fait pulser ses iris d'un éclat violacé durant quelques secondes alors que deux entrées presque jumelles entrent lentement dans leur champ de vision. Sans même attendre la médecin, l'enchanteur s'y dirige alors qu'il est forcé de hausser la voix pour se faire entendre alors qu'il observe l'entrée double de la grotte qui semble avoir été visitée bien plus récemment que les autres passages qu'ils ont pu examiner.
-"Ici, je sens quelque chose ! Je pense que l'un de ces deux boyau mène au bon endroit... Si ce n'est les deux. Chère apprentie, êtes-vous prête à découvrir ce qui sera peut être notre fin, mais obligatoirement notre ravissement ?"
La clameur du vent grondant lui étourdissait l’ouïe et la morsure du froid n’ignorait plus aucune parcelle de son corps. Elle grelottait sous les épaisses couches de ses vêtements malgré l’apport magique de certains de ses ustensiles. Une plutôt bonne nouvelle au demeurant : tant que sa chair réagissait par un réflexe de lutte, c’est qu’elle n’était pas morte. Une pensée positive au cœur de ce blizzard en devenir, les prunelles plissées suspendues à la silhouette soudain mouvante et décidée d’Almassar. Sur quoi avait-il mis la main ? Pesamment, Luz lui emboita le pas, contrainte de lever haut ses semelles pour franchir la barrière solide de la poudreuse accumulée. Son visage finirait-il par se décrocher de lui-même, recouvert d’un manteau de givre ? Elle ne sentait plus ni ses joues si ses sourcils et peinait à déglutir sous la protection qui masquait ses lèvres. Aussi, lorsque le vent se tut brutalement à proximité directe de la falaise, happée par l’immensité écrasante des montagnes et par l’orée de la grotte, la praticienne en fut davantage reconnaissante que méfiante. Ce silence était vraisemblablement anormal, provoqué par quelque chose de supérieur aux simples éléments naturels. A peine située dans l’ouverture minérale, Luz pivota pour hausser un sourcil perplexe à l’égard de la tempête de neige qui faisait toujours rage à deux centimètres de son visage.
Sa voix sonna enrouée à ses oreilles, presque couverte des cristaux de glaces agglutinés partout sur ses vêtements. Sans dire qu’il faisait chaud, le changement inattendu de violence venteuse lui donna la singulière sensation d’avoir changé de dimension. Elle n’ôta pour autant aucune des couches de vêtements qui la protégeaient, consciente qu’il s’agirait d’une erreur de débutant : le froid restait comme ailleurs en montagne profondément mortel en ces lieux. Se désintéressant de l’intempérie voisine, elle se tourna à nouveau vers le boyau sélectionné dans la précipitation. Celui de gauche. A côté d’elle débutait le tunnel de droite, en tout point identique à son jumeau, tel deux étranges narines produisant un souffle tiède. C’était imperceptible – elle devait se concentrer pour saisir cette bribe d’air timide sur les rares millimètres de son visage nu. La grotte possédait-elle une autre ouverture ? Ou le vent piégé dans l’embouchure se retrouvait chauffé par quelque système magique avant d’être renvoyé vers l’extérieur en vagues infimes ? Elle coula un regard interrogatif à son compagnon, peut-être aussi perplexe qu’elle l’était en cet instant.
Ce qui en soi était une bizarrerie certaine. La lumière crue renvoyée par la neige omniprésente à l’extérieur, presque blessante, aurait dû percer les détails de cette obscurité sépulcrale. Il n’en était rien cependant, ou très peu, la grotte ne dévoilant qu’avec parcimonie un ou deux frêles stalagmites sur les premiers mètres. Elle posa la paume de sa main sur la surface rocheuse, enferrée dans une incrédulité croissante.
La pierre présentait des à-coups suspects, des lignes certes recouvertes de moisissure au fil du temps mais qu’un œil attentif ne pouvait ignorer. Ce boyau avait été progressivement élargi et aménagé par des outils assurément humains. Malheureusement, ce maigre indice n’apportait rien à leur affaire… Il pouvait tout autant s’agir de taillades causées par les différents voyageurs qui avaient fréquenté ces lieux par le passé. Leur commanditaire avait après tout été très claire sur ce point : plusieurs personnes avaient tenté d’accéder au banzai diamantaire. Alors, persuadée d’avoir achevé ce tour d’exploration, Luz s’avança spontanément de trois grands pas fort téméraires.
Plusieurs choses se produisirent à cet instant. Cela débuta par un fin tiraillement sur sa peau, l’once d’une grimace sur ses lèvres et puis…
Elle s’immobilisa. … Que faisait-elle ici déjà… ? Abasourdie tout d’abord, l’inquiétude fut avalée sous une sensation vertigineuse. Son regard louvoya à ses pieds, se heurta aux contreforts du tunnel sans trouver la moindre réponse. Les souvenirs lui échappaient comme autant de passereaux effrayés, sinuant entre ses doigts invisibles en une chute qui ne paraissait plus vouloir s’arrêter. Avec horreur, elle réalisa soudain qu’elle ne trouvait plus non plus son nom. Et puis, tout devint soudain plus confortable, une torpeur qui aurait dû lui paraitre saugrenue mais qui sur le moment fut imposée presque avec bienveillance à elle. Amorphe, quoique sensiblement confuse, la jeune femme pivota à plusieurs reprises sur elle-même à la recherche d’un indice expliquant ce qu’elle foutait ici au juste.
Il lui semblait qu’elle… Accompagnait quelqu’un ? Ou était-ce un objet ? Pourquoi n’était-elle pas en ville dans ce cas ? Qui l’avait habillée de ces vêtements étroits et Ô combien désagréablement trempés ? En plein désarroi, le souffle rentré dans sa gorge, elle perçut la pâle lumière diffusée à l’embout du sombre tunnel dans lequel elle se tenait. Il y avait une silhouette là-bas, une voix qu’elle ne parvenait pas à identifier. Peut-être saurait-il qui elle était… ? Elle s’avança d’un pas hésitant, manqua trébucher.
L’instant d’après, elle clignait benoitement des yeux à l’extérieur dans la tempête. Derrière elle, Almassar pourrait apercevoir au fond du tunnel emprunté d’étranges inscriptions dans la roche s’éteindre progressivement, leur halo mauve ayant achevé leur malveillance. La rouge eut quant à elle un léger vertige, à nouveau consciente d’être elle-même mais ayant tout oublié des dernières secondes. A son oreille, son talisman d’indépendance brûlait avec la ferveur du métal quasiment chauffé à blanc.
Elle fit volte-face, découvrant l’enchanteur dans un soupir de soulagement.
Elle grimaça, un mal de tête rôdant à la frontière de ses tempes.
-"Si il y'a une bulle magique, c'est que nous sommes dans la bonne grotte. Personne ne s'amuserait à tisser un enchantement aussi discret sans une bonne raison..."
Pendant un instant, l'excitation fait briller le regard violacé de l'homme, qui voit leur but s'être rapproché d'un pas de géant. Ils sont passés d'errer sans but dans la neige à se retrouver à l'entrée de ce qui recèle peut être un trésor particulièrement juteux. Et outre cette simple récompense monétaire, qui sait quels ouvrages et grimoires peuvent se trouver dans un endroit teinté de mystères et encore vierge des doigts envieux des pillards ? La seconde s'étire dans le temps, assez pour qu'il accompagne la flamboyante jusqu'aux parois taillées, laissant ses doigts gantés courir dessus. Les murs ont été taillés, élargis d'une main humaine, et pourtant, sous le cuir de ses protections, Almassar est pris d'un frisson instinctif. Quelque chose dans ces lignes dessinées par le burin et les efforts ne lui est pas inconnu. Son esprit batifole dans les contrées de ses souvenirs à la recherche d'une réponse à cette démangeaison mentale qui titille son esprit dans l'espoir de lui faire rappeler un détail important, un paragraphe lu dans un livre depuis longtemps oublié mais pas totalement effacé.
A force de laisser ses mains parcourir les entailles, l'enchanteur comprend à quoi cela lui fait penser. Hélas, il n'a pas le temps de prévenir sa comparse des dangers à venir, n'ayant pas vu que cette dernière s'était déjà élancée vers l'avant, surement portée par un optimisme né de l'amélioration de leurs conditions de survie. Ses lèvres s'entrouvrent et ses yeux se redressent, pile pour apercevoir la fin de l'éclat lumineux, signe particulièrement visible que l'enchantement enchâssé en ces murs a effectué son funeste destin. Le regard virevoltant entre les dernières lueurs magiques et le couloir désormais vide, Almassar se demande où peut bien être sa comparse, commençant déjà à imaginer le pire. Sans lâcher la paroi de la main, l'homme se redresse et observe en direction de l'entrée, avant de pousser un long soupir de soulagement en apercevant la médecin avec qui il fait équipe. La peur qui avait soudainement étreint ses entrailles s'apaisant au moins partiellement. Luz est vivante, et elle a juste fait demi tour. Du moins, c'est ce qu'il pense avant de la rejoindre et l'attirer de nouveau sous la bulle les isolant des éléments.
-"Je pensais que tu pourrais me le dire. Le couloir est enchanté, et avant que je ne puisse te prévenir, tu t'étais déjà aventurée dedans. Tu ne te souviens pas d'avoir fait demi-tour de toi même ? Tu vas bien ?"
L'enchanteur est bien sur inquiet. Un phénomène magique peut se révéler sous de multiples formes, et cet amnésie très localisée combinée à un mal de crâne pourrait bien sur cacher beaucoup plus. Pourtant, quand il laisse ses mains se saisir de celles de la demoiselle pour infuser son don, il ne sent plus de traces résiduelles. L'enchantement a fait son œuvre et c'est tout, nulle magie maligne n'est encore active, du moins qu'il ne puisse détecter.
-"On va devoir être bien plus prudents. Celui qui a construit cette cave a entrelacé des enchantements aux simples coups des outils ayant servis à agrandir le tunnel. C'est particulièrement fourbe... Et efficace, comme tu viens de le voir. Si tu veux, tu peux te reposer un peu le temps que je commence à marquer les différents lieux piégés."
Avec un dernier regard de sollicitude et d'inquiétude pour la rousse pour qui il commence à développer une certaine affection et amitié après avoir ainsi voyagé à ses cotés, l'enchanteur fouille dans son sac avant d'en sortir un petit pot de poudre. Rien de flamboyant, juste quelque chose qu'il utilise normalement pour préparer ses tatouages et ses mixtures, mais qui en cet instant peut être particulièrement utile pour tracer son chemin. Retrouvant la ligne qui l'avait ainsi tant agité quelques minutes plus tôt, cette fois, Almassar laisse son don se déployer pleinement. Bien rapidement il comprend que ce piège est destiné à effacer la mémoire de celui l'ayant activé et de le faire ressortir. L'objectif étant simplement de le décourager d'entrer dans la grotte, sans lui laisser comprendre pourquoi, et espérer que le voyageur mal-avisé écouterait son instinct sans plus de questions.
Suivant cette rigole de magie encore active après les ans, l'homme trace peu à peu par terre un chemin sur pour la première section du tunnel en un processus particulièrement lent et fastidieux, faisant presque perdre au scientifique la notion du temps et du jour. Le centre du piège est trouvé, une rune soigneusement enchâssée au sol et quasiment invisible sous la poussière et les autres travaux réalisés à cet endroit, guère plus qu'une poignée d'entailles a même la roche montagneuse. Mais par réflexe, l'enchanteur lève la main pour arrêter sa comparse si jamais elle souhaite s'avancer.
-"La première partie du couloir avait pour but de faire rebrousser chemin aux innocentes âmes perdues. J'ai peur que la suite se révèle moins... Amicale."
Toujours avec la même prudence, l'homme cherche dans le mur une nouvelle ligne, de nouvelles marques pouvant prétendre d'un second enchantement. Rien à portée de sa main, su même sur le sol. Agacé, il effectue un premier pas, puis un second, avant de soudainement s'arrêter alors que ses poils s'hérissent, sur ses bras, sa nuque. L'air apparait soudainement plus lourd, plein d'une tension insaisissable mais présente, comme si Almassar venait de pénétrer dans un sas, et ce n'est pas uniquement dû à l'air épais et stagnant de la grotte. Ou plus précisément, comme si l'air était chargé d'électricité, en une impression qui n'est pas sans rappeler les journées étouffantes d'été, juste avant que l'orage ne tonne. Quelque chose est présent ici, l'instinct de l'homme peut le jurer. Mais ce n'est pas magique. Ou du moins, c'est bien mieux camouflé que le précédent. Ou peut être hors de contrôle. Son instinct lui hurle de reculer, comme un animal effrayé par quelque chose qu'il ne comprend pas, et ses pas le portent pour suivre cette recommandation instinctive. Et grand bien lui fait, car une poignée d'instant à peine après le mouvement, comme si le déplacement d'air et le changement de pression soudain l'avait éveillé, un arc électrique jaillit d'un mur pour aller heurter celui face à lui, traversant l'emplacement pile occupé par le brun peu auparavant, qui ouvre les yeux en sautant presque en arrière, faisant attention au dernier moment de ne pas activer le piège précédent par accident. Le palpitant battant à une vitesse folle et une sueur froide lui traversant le cou à l'idée de ce qui aurait pu lui arriver si il n'avait pas reculé, Almassar siffle entre ses dents, comme si il y'en avait besoin, le phénomène ayant été particulièrement visible et accompagné d'un claquement d'électricité vif et sourd.
-"Il y'a un second piège... J'ai eut l'impression qu'en avançant d'un pas, l'air devenait soudainement bien plus lourd, chargé d'énergie statique..."
Lui même ne sait pas réellement ce qu'il s'est passé. Simple dispositif qui mélange ingénierie et enchantement qui, avec l'âge, s'est abimé et a perdu son utilité première pour devenir un engin dangereux ? Bulle magique formant un sas servant à prévenir des intrusions voir de les repousser ? Ou bien encore un piège d'un autre type, justement fait pour prendre par surprise quiconque serait empli de mauvaises intentions ? Almassar n'en sait rien, et alors que peu à peu la panique reflue, ses sens retrouvant toute leur acuité, il finit par déclarer.
-"C'est particulièrement désagréable... Tu as une idée sur comment arrêter le phénomène ou l'attirer ailleurs pendant que l'on passe ?"
Après tout, la spécialiste en électricité et en éclairs, c'est elle. Et surement la plus débrouillarde du duo, aussi.
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