Cet endroit était vraiment un paradis du péché, mais je ne pouvais m’empêcher de le détester de tout mon être. Le regard vitreux de ces pathétiques soiffards, l’odeur de leur vomie et de leur sueur … tout cela me donnait la nausée. Je marchais lentement dans la rue, longeant les murs des établissements pour esquiver la populace au bord de la folie. Je n’étais pas là pour m’occuper de purger ses rues ni pour les rejoindre dans leur débauche. Mon objectif était tout autre. Mon regard se leva vers une devanture lumineuse. Les cristaux de lumière avaient été placés afin de dessiner des lettres. « Le paris de Lucy » pouvait on lire en majuscule. Je contournai l’établissement et allai frapper à la porte arrière. Un cuistot au tablier taché de graisse vint m’ouvrir et eu un mouvement de recul en voyant mon visage brumeux dissimuler derrière un écran blanc.
« Dîtes à Albert que John est ici, murmurai-je en me retournant pour vérifier que personne ne m’avait suivi. »
Mon message fut porté à la bonne personne et on vint rapidement m’ouvrir pour m’inviter à entrer. Je parcourus les cuisines sans un homme, jetant un œil à la salle de jeu qu’on parvenait à peine à distinguer derrière les vitres. La soirée commençait bien, les tables étaient noires de monde et l’argent coulait à flot. Albert ferait sûrement de bonnes recettes ce soir, mais je n’aurais pas le plaisir de le lui dire. En effet, on me conduit à l’arrière du casino, au niveau de la réserve. Là on ferma la porte derrière moi, m’enfermant dans le noir total. Ma main s’avança mécaniquement dans le noir et actionna le levier caché derrière les saucissons. Une étagère pivota légèrement, révélant une lumière lointaine. Je descendis les marches, m’enfonçant sous terre. Je finis par déboucher dans une immense salle souterraine. Devant moi s’étalait une ribambelle de tables de jeu où des personnes peu recommandables s’acharnaient sur leur main de poker. Quelques regards curieux se tournèrent vers moi, mais personne ne posa la moindre question. La discrétion était une règle d’or ici.
J’entrai dans un bureau, faiblement éclairé et jetai ma veste sur un siège. Bien, j’étais enfin arrivé à destination. Il allait être temps de préparer ma prochaine action, mais d’abord je devais vérifier quelque chose. Sur ma droite, trois toiles étaient couvertes par un drap blanc. D’un geste précis je dévoilai les trois tableaux, ou devrais-je dire, les trois copies. La légende d’Ovide se trouvait devant moi, parfaitement imitée. Le travail était précis et de qualité, comme je pouvais l’attendre de mon faussaire. Bien, la première pièce du plan était prête, il était temps de m’occuper de la deuxième.
J’avais recruté un mercenaire, ou plutôt un voleur, pour agir durant les prochains jours afin de dérober les trois toiles originales et les remplacer par leur copie. L’objectif était d’évacuer l’intégralité de la suite de tableau avant qu’on se rende compte qu’ils avaient été volés, mais pour cela il fallait agir vite, car ils allaient être sorti de leur coffre que pour une période très limitée. Quelqu’un vint frapper à la porte.
« Entrez, dis-je en m’asseyant dans mon fauteuil. »
Mon voleur entra, mais je ne me levais pas pour le saluer, me contentant de prendre une feuille posée devant moi.
« Asseyez-vous. »
Je parcourus le rapport d’un regard vif tandis qu’il s’exécutait (ou pas les mercenaires pouvaient parfois être de vraies princesses).
« Hum, vous avez déjà travaillé pour nous pour de manu larcin. Mais est-ce que vous êtes bien sûr d’être de taille pour une opération de cette ampleur ? Le moindre échec fera tout capoter vous en avez bien conscience ? »
Mes yeux se plissèrent, mais il ne pouvait le voir derrière le voile blanc qui recouvrait mon corps.
« Les trois tableaux seront exposés l’un après l’autre dans trois casinos différents. J’aimerais bien savoir comment vous comptez vous y prendre pour les dérober et les remplacer. Allez-y, impressionnez-moi. »
Je croisai les mains devant moi, attendant sa réponse. J’avais déjà un plan tout trouvé, mais la vivacité de son esprit m’intéressait au plus haut point. Je lui proposais donc ce test avant de passer aux choses sérieuses.
« Voici quelques informations qui pourront éclairer vos choix, prenez votre temps. »
Je poussai dans sa direction un tas de feuilles disparates sur lesquelles étaient griffonnées une ribambelle d’information diverse sur les casinos, leur organisation, ainsi que leur personnel.