Andra avait donc écumée ces derniers jours les meilleures boutiques de la capitale pour se racheter robes, jupes, kimonos et autres tuniques en tout genre. L’opération fut loin d’être sans frais mais la blonde était satisfaite de voire ses armoires remplies de nouvelles tenues toutes aussi belles les unes que les autres. Il ne manquait à ce nouveau style que quelques bijoux pour sublimer l’ensemble. Et pour ça Andra avait trouvée l’artisane idéale : Ivara Streÿk, la sculptrice de verre. Elle ne connaissait la femme que de nom mais avait entendu beaucoup de bien au sujet de ses créations. La noble avait donc décidée de se rendre à son salon de thé pour y passer sa commande ; et prendre un bon thé au passage, la jeune femme en étant amatrice.
Par chance le salon de thé et atelier de la verrière n’était pas bien loin de l’appartement d’Andra et il ne lui fallut que quelques minutes pour s’y rendre. Elle rajusta les fines bretelles de son top blanc rentré dans sa mini-jupe noire serré juste au-dessus de la taille par une ceinture en cuir avant de se préparer à entrer. La météo se montrant plutôt clémente malgré la saison la blonde avait optée pour une tenue somme toute assez légère, laissant ses jambes fuselées à nue tandis qu’elle était chaussée d’une paire de talons. Seul élément apportant un peu de chaleur à sa tenue : sa longue veste rouge agrémentée de fourrure au niveau du col et des poignets.
Faisant glisser du bout des doigts une mèche rebelle de ses longs cheveux blonds derrière son oreille, Andra se décida enfin à pousser la porte en verre du bâtiment. Au moins, au vu que la quantité ahurissante de verre se trouvant dans la zone, elle était sûre de ne pas s’être trompée. Elle était bien au salon de thé-verrerie qu’on lui avait conseillée.
A peine entrée Andra fut accueillie par une certaine Nessa l’installant à voix basse à l’une des tables. La sculptrice était en pleine représentation, aussi son assistante ne voulait pas la déranger mais fit de son mieux pour accueillir la noble en toute discrétion. - Un thé à l’ambrosia s’il vous plait commanda finalement Andra à voix basse pour ne pas déranger la salle. - Pourrais-je parler à mademoiselle Streÿk à la fin de sa représentation ? J’aimerai passer commande pour un bijoux. Par chance la salle n’était pas pleine à craquer à cette heure de la journée, Andra devait donc avoir ses chances de parler directement avec la sculptrice. En attendant elle se contenterait de siroter tranquillement son thé le temps que la représentation arrive à son terme.
Malgré l’ambiance tranquille régnant dans le salon de thé quelque chose dérangeait Andra. Elle ne savait dire quoi précisément mais elle avait une impression bizarre vis-à-vis de l’artiste. Les places au premier rang ayant déjà été prises et la blonde ne voulant pas s’asseoir à une table avec des inconnus, elle était un peu trop loin pour mettre le doigt sur ce détail dérangeant qui perturbait son esprit.
- Ivara… ? souffla une petite voix qu’elle reconnut aisément. Une dame a demandé à te voir.
- J’arrive tout de suite, merci Nessa. Oh, dis-moi, est-ce que Monsieur Tapal est passé récupérer sa commande ? Je crois avoir oublié de la descendre ce matin. Tu pourras aller vérifier à l’étage quand tu auras deux minutes ? Une fois que j’en aurais fini avec cette dame, je viendrais te donner un coup de main dans la salle.
- Est-ce que… Est-ce qu’il a abîmé vos mains, la nuit dernière ?
- Un peu plus que d’habitude. Il a dû forcer sur l’utilisation. Mais c’est pas grave, d’ici une dizaine de minutes je devrais pouvoir refaire quelques petites créations.
Nessa était l’une des rares personnes au courant de toute l’histoire avec Inaros. Pour cause, Ivara n’avait pas trouvé cheminement plus facile pour se permettre d’embaucher quelqu’un en précisant « hé, tu travailleras toute seule un jour sur deux parce que je serais pas là », sans passer pour une patronne ingrate. Nessa avait été la candidate idéale. Gentille, avenante et particulièrement redoutable quand il s’agissait de négocier ou de faire le service à table. À peine âgée d’une vingtaine d'années, Ivara savait aussi qu’elle visait des sphères encore plus hautes et qu’elle rêvait, un jour, de pouvoir ouvrir sa propre taverne.
- Elle a parlé d’un bijou.
La remerciant une nouvelle fois, Ivara ajusta les plis de sa robe - près du corps -, replaça quelques mèches de cheveux dans sa tresse et se prépara à aller voir la cliente dont lui avait parlé Nessa.
Ce ne fut pas difficile pour elle de la trouver, Nessa lui ayant indiqué à quelle table elle s’était installée. Et, dans un premier temps, aucun souvenir ne revint à la mémoire de la sculptrice. C’était une jolie jeune femme, blonde également, et très propre sur elle. Toute son attitude - de sa façon de se tenir sur sa chaise à celle de se délecter de son thé - laissait supposer un certain standing. En jetant un coup d'œil dehors, Ivara se serait presque attendu à la voir avec un garde-du-corps. Ou bien était-ce simplement une sorte d’interprétation qu’elle se faisait de cette personne sans même lui avoir encore parlé ? Ce n’était pas vraiment dans ses habitudes, aussi se dicta-t-elle de mettre de côté ses appréhensions et d’arriver, toujours avec un large sourire sur le visage, devant la table de la demoiselle qu’elle apostropha d’une voix calme et douce.
- Bonjour, je suis Ivara Streÿk. Nessa, mon assistante, m’a dit que vous seriez intéressée par un bijou. Est-ce bien le cas ?
À sa robe était fixée son petit sac sans fond, qui contenait un petit carnet contenant ses créations. Ivara était prête à le dégainer selon la réponse de la demoiselle, mais, avant cela, elle ajouta, parce qu’elle avait l’expérience de ce que les clients pouvaient lui demander :
- Si vous avez des questions, n’hésitez pas à me les poser !
Toujours était-il que ce n’était pas la raison de sa venue cette fois et que, maintenant la démonstration de ses talents achevée, elle attendait l’arrivée de la sculptrice pour lui parler de sa commande. La principale concernée ne tarda d’ailleurs pas à arriver à la table d’une Andra sirotant son thé à l’ambrosia avec le calme et la posture d’une noble dignement éduquée. Jambes croisées sous la table, dos parfaitement droit, la blonde déposa sa tasse sur la petite soucoupe restée sur la table et porta son regard vers la sculptrice. Maintenant qu’elle la voyait de plus près, les deux femmes n’étant s’éparée que de quelques petits mètres, Andra comprenait un peu mieux ce qui la dérangeait plus tôt : la dénommée Ivara lui rappelait quelqu’un sans qu’elle ne sache dire qui. Elle se demanda même un bref instant si elles ne se connaissaient pas déjà sans s’en rappeler avant de mettre cette étrange impression de déjà vu de côté. Après tout si elle ne faisait que lui rappeler quelqu’un ce n’était pas bien important si elle la connaissait d’avant il y avait fort à parier que l’artisane rappelle d’elle-même à Andra ce qui ne lui revenait pas en mémoire pour l’instant.
- Bonjour, Andra Milan, enchantée. Votre assistante vous à bien renseignée ; plus précisément ce serait pour une paire de boucle d’oreilles.
La jeune noble plongea sa main dans l’une des poches de sa veste pour en tirer un bout tissu sur lequel était brodé les armoiries Milan. Elle déposa la broderie sur la table et le fit glisser en direction de la sculptrice pour qu’elle puisse y jeter un œil de plus près.
- Je n’ai pas vraiment de question particulière mais si possible j’aimerai quelque chose dans ce genre-là. Je ne vous demande pas de suivre à la lettre le motif évidemment, vous pouvez dériver un peu si le cœur vous en dit, vous êtes l’artiste après tout. En revanche je tiens à quelque chose de discret, pas questions de boucles d’oreilles gigantesques. Mais je n’ai entendu que du bien de votre travail, j’imagine aisément que travailler petit et minutieusement ne vous sera d’aucun problème.
Andra offrit un souffrir franc à Ivara. Elle était de bonne humeur et pensait sincèrement ce qu’elle venait de dire. Les rumeurs concernant la sculptrice étaient bonnes et la noble ne doutait pas une seconde de ses capacités du peu qu’elle avait pu en voir. Elle se content donc d’attendre une réponse de l’artisane ; prête à donner d’éventuelle précisions supplémentaires si ça s’avérait nécessaire. Il restait bien sûr également les questions du prix et du délai à éclaircir avec elle.
Mais lorsque la voix d’Ivara retentit à nouveau la jeune Milan eut l’impression d’enfin connecter les points ensembles. En plus de la silhouette de la jeune femme, sa voix lui disait quelque chose. Si jusque-là Andra avait mentalement passée en revue les jeunes femmes blondes qu’elle connaissait -notamment parmi la noblesse, Ivara semblant dégager une certaine prestance propre à cette caste malgré son statut d’artisan- une toute autre personne lui était venu en tête. Ni noble ni même femme, il s’agissait d’un mercenaire à l’air efféminé qui avait su laisser une impression suffisamment forte à Andra pour qu’elle ne l’oublie pas. Maintenant qu’elle cherchait de ce côté-là le lien entre les deux lui semblaient probable. Voix similaire, même silhouette, attrait commun pour le thé… pourtant entre un mercenaire et une sculptrice de verre il y avait un mode d’écart. Dur d’imaginer ces deux entités êtres liées d’une quelconque façon. Elle hésitait à poser la question tant les chances qu'elle ait raison lui paraissaient faibles, mais elle voulait en avoir le coeur net.
- E… Excusez-moi mais j’ai bien une question finalement. Je ne peux m’empêcher de penser depuis tout à l’heure qu’on s’est déjà vu. Auriez-vous par hasard un lien avec un certain Inaros ? J’ai l’impression que vous vous ressemblez. Votre frère peut-être ?
Sans qu’elle se rende compte, Andra avait adopté un ton, bien que toujours respectueux et calme, plus froid et inquisiteur qu’au début de la conversation. Si la réponse à sa question se révélait être positive elle ne savait ni comment elle allait réagir, ni comment elle le devrait. Bien qu’il ait remplit sa mission le mercenaire n’avait pas laissé particulièrement bon souvenir à la blonde qui préférait autant ne plus avoir affaire à lui. Mais en même temps, à première vue en tout cas, la sculptrice ne semblait aucunement liée au fameux Inaros. Ça aurait été dommage de se priver de ses talents si elle n’avait effectivement rien avoir avec lui.