Force était de constater que Sakuna croisait du monde. Des hommes et des femmes d’univers et d’horizons différents. Chacun d’eux apportaient une pierre à l’édifice de son réseau, aux ragots ainsi qu’aux nouvelles qu’elle parvenait à leur soustraire -en plus d’une bourse débordante de cristaux. Souvent il ne s’agissait de rien qui ne vaille la peine et dans ces cas là, la jeune femme se gardait bien de s’attarder après les passes. Néanmoins il arrivait parfois, que certaines informations valent leur pesant d’or. Celle qu’elle détenait aujourd’hui et qui l’avait poussé à rencontrer Viviane c’était présenté sous la forme d’un homme dans la cinquantaine. Le visage marbré par les années et perclus de cicatrices. Pas bavard pour un sous et loin d’être avenant, il avait expressément réclamé Sakuna sous conseil de l’un de ses amis. Il était des clients qu’elle abhorrait. Cependant avec le temps elle avait apprit à faire fit et était presque capable d’apprécier une telle compagnie. Si elle n’avait pas pensé tirer grand-chose de cet échange, il en avait été tout autre une fois la vérité toute nue. Aventurier de son état, venant tout droit des îles au-delà du Grand-Port, l’homme ramenait avec lui un petit quelque chose d’exotique. Une poudre aux reflets noirs irisés. Diane avait évidemment refusé de prendre la substance, au-delà des effets qu’elle pourrait avoir, elle ne pouvait se permettre d’offrir la moitié de ses talents ; elle voulait cette poudre.
Quoi que l’on puisse dire sur Diane, il était difficile de lui enlever certains talents. Aussi elle obtint ce qu’elle souhaitait sans difficulté. « Juste une petite dose pour que tu puisses t’amuser ma beauté... » Avait susurré l’homme à son oreille en jouant avec les mèches qui dévalaient ses reins. Ce à quoi elle avait répondu par un rire tout à fait niais mais qui ravissait la majorité de la gent masculine.
- Madame m’a fait demander ? Minauda Sakuna en s’approchant à pas de velours. Avec légèreté elle s’installa à la table de Viviane, un sourire enjôleur au creux des lèvres. - Si vous voulez bien, j’aurais un endroit plus confortable où vous inviter. Elle effleura sa main pour l’inviter à la suivre et toutes deux se dirigèrent vers les escaliers. La danseuse s’arrêta à hauteur d’un des gorilles qui en gardait l’entrée. - Laisse nous passer, tout est en règle. L’homme expira d’un air bourru et s’écarta du passage. Les deux femmes gravirent les marches, tournèrent à l’angle du couloir puis se trouvèrent face à une porte que Diane ouvrit et referma derrière elles. Elle fit tourner le loquet et se tourna enfin vers son interlocutrice, son air aguicheur envolé.
- Veuillez excuser toute cette mise en scène, mais je ne peux vous emmener dans mes appartements personnels en plein service et encore moins monter à vos côtés avec un air à parler affaire. D’un geste las elle défit le ruban dans ses cheveux et son masque glissa, révélant ce visage qu’elle cachait aux clients. - J’imagine que vous avez eut l’occasion de lire ma missive. Un voyageur du sud m’a rapporté quelque chose… Attendez… Fouillant dans la doublure de son soutiens gorge elle en extirpa un pliage en papier kraft qu’elle tendit à son invitée puis elle alla s’asseoir sur le lit à baldaquin. La chambre, impersonnelle, était doté de murs recouverts de satin rouge et noir. Le lit, pièce centrale de l’alcôve avait revêtue des draps aussi doux qu’un pimplume et sur ce qui ressemblait à un présentoirs s’étendaient une myriade d’outils qui ne laissaient aucun doute quant à l’utilité de l’endroit. Confortablement installée, Diane attendit patiemment la réaction de Viviane. Elle ne put cependant s’empêcher d’ajouter : - J’ai vu ses effets… Ils sont… Particulièrement puissant. Peut-être trop en l’état.
Diane s’approcha de moi, gracieuse, enjôleuse. Elle avait un certain talent je dois bien l’admettre. Un sourire à se damner, une peau brune laissant sur sa faim d’en dévoiler un peu plus … Oui, je comprenais le choix de son affectation à ce poste. Pourtant, je voyais chez elle bien plus de qualité que le manuscrit pouvait exploiter. Je rentrais dans son jeu, me faisant passer pour une cliente un peu gênée.
« Euh … oui …je … comment devons-nous procéder ? bégayais-je avec un sourire forcé. »
Elle m’entraîna à sa suite jusqu’à l’étage. Tout ici n’était qu’un endroit de perdition, de plaisir, tel que j’en avais vu des dizaines dans ma vie. Rien ne pouvait rester secret en ces lieux. Du moindre soupire à la moindre parole, tout était entendu par quelqu’un et serait répété. Nous arrivâmes enfin à sa chambre, un petit nid douillet dans lequel ses clients devaient sûrement trouver leur compte. J’aurais pu moi aussi, si je n’étais pas si pressée de voir ce quelle découverte elle avait faite.
« Vous auriez pu venir à ma boutique m’acheter un quelconque objet magique, cela vous aurait évité cette mise en scène. »
Vivianne lui adressa un sourire plein de sous-entendus avant de se pencher sur le flacon qu’elle venait de sortir. L’alchimiste étudia la poudre du regard. Difficile d’en identifier les composants d’un simple coup d’œil. Elle déboucha le flacon et le passa rapidement sous son nez pour essayer d’en identifier les composants.
« Particulièrement puissant hum … »
Elle retourna le flacon et déposa une petite quantité de poudre dans sa main.
« Sans mon laboratoire, je vous avoue qu’il sera compliqué d’en connaître la composition. Heureusement, je suis venu avec. »
Un fin sourire se dessina sur son visage alors qu’elle sortait une boîte de marbre de sa poche. Elle la déposa sur la commode près du lit et tendit la main vers Diane.
« Si vous voulez bien me prendre la main, je vais vous montrer ma dernière création … »
Son regard était devenu bien plus malicieux. Au moment lui donna sa main, au sens propre, Vivianne sortit une clé de sous sa robe et l’inséra dans la serrure. Un flash lumineux engloutit les deux criminelles.
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Je me penchais pour ramasser la petite écuelle que je laissais en permanence devant la porte du manoir. La téléportation pouvait avoir des effets cataclysmiques sur l’estomac des personnes non habituées. Nausée, vomissement … des symptômes normaux. Quand elle fut sûre que Diane s’était remise du transport, elle lui présenta ce lieu.
« Bienvenue dans mon monde de poche Diane. Vient ne reste pas là, je dois avoir de l’eau à l’intérieur pour te rincer la bouche. »
Vivianne ouvrit les portes du manoir dévoilant un hall d’entrée qui conduisait à plusieurs pièces. Un grand escalier leur faisait face, donnant accès à l’étage et ses nombreuses pièces. Vivianne se dirigea vers la droite et passa dans la salle à manger avant d’entrer dans la cuisine.
« Je suis en plein aménagement, mais je compte rendre ce lieu parfaitement habitable, se vanta Vivianne en faisant couler un verre d’eau. »
Elle tendit la boisson à la danseuse.
« Bien, maintenant dis-moi ce que tu as vu. Quels sont les effets de ce produit qui t’ont amenée à me contacter … »
- La téléportation ne me sied guère. Désolé. S'excusa-t-elle.
Elle reposa l’écuelle, absolument pas décidé à la promener dans toute la maison et emboita le pas à la maîtresse des lieux. La danseuse fut incapable de ne pas laisser ses yeux vagabonder à droite et à gauche. Loin d’être encore parfaitement aménagé, l’endroit était tout de même volumineux et riche d’histoire. Une décoration de goût ne faisait que sublimer cet endroit particulier. Diane s’imagina quelque instant, vivre dans un manoir pareil. Peut-être un jour le pourrait-elle. Une ombre peinée voila son regard une seconde. Elle ne vivrait jamais dans une maison comme celle-là. La voie qu’elle avait choisi d’emprunter ne menait pas à ce genre de résultat. Traversant les pièces en silence elle chassa ses pensées pour se concentrer sur les raisons de sa venue ; Vivianne et cette poudre noire. Volontiers, elle s’empara de la boisson qui lui était tendu, remerciant Lucy pour ce verre d’eau salvateur.
- C’est un bien beau domaine que tu possèdes. Ses pas la menèrent jusqu’à une fenêtre où elle resta un moment avant de poursuivre. - Je serais volontiers venu à ta boutique malheureusement le temps me manque et Ash ne me permet pas de m’échapper quand bon me semble. Tu ne dois pas être sans savoir que j’occupe également un poste au sein du palais en journée. Eux non plus ne sont pas enclins à me laisser vagabonder ci et là. Enfin passons. Elle agita sa main dans l’air et s’adossa à un meuble de cuisine qui se trouvait là.
- Les effets sont quelque peu compliqués à décrire, je pense que je n’en ai vu qu’une infime partie. Premièrement il créait un état d’euphorie d’une puissance inimaginable. Mon client n’avait… Plus les pieds sur terre. Comme s' il était subitement devenu invincible. Je doute cependant que ce fut le cas. Je dirais simplement que son instinct de survit à été inhibé. Conséquence logique il est devenu beaucoup plus… actif. Elle grimaça à ce souvenir. - C’était comme si il ne ressentait plus la fatigue. Pourtant l’ensemble de son corps en montrait les signes. Souffle court, tachycardie, transpiration… Je dirais même que tout était amplifié à ce niveau. J’ai cru qu’il allait me claquer entre les doigts. Par chance, ça n'a pas été le cas. Elle marqua un temps d’arrêt, s’arracha au mur et se mit à faire les cents pas. - Au cours de la nuit il n’a pas eu à reprendre de doses et après l’euphorie, il s’est mit à halluciner. De bonnes hallucinations, tout du moins dans son cas. Son corps était beaucoup moins enclin à suivre le mouvement il titubait même un peu et déblatérait au sujet de quelque chose que lui seul pouvait voir. Il est parti avant que je puisse voir la redescente.
Ses yeux brillèrent d’une étrange lueur et elle s’appuya sur le plan de travail pour mieux regarder son hôte.
- Il y a tellement de possibilités. Isoler les composants pour ne faire ressortir qu’un effet ou un autre. Les coupler… La puissance de cette substance est bien plus violente que ce que j’ai pu voir, il faudrait sans doute la distiller afin de ne pas tuer la moitié des consommateurs mais avec de tels effets je gage que la dépendance n’est pas moindre. Qu’en penses-tu ?
Ce n’était pas vraiment dans ma philosophie de laisser d’autres que moi choisir ma vie. Quelle liberté y avait-il dans la vie de Diane ? Pas beaucoup, j’en ai bien peur. Elle était un outil que l’on gardait en cage, un oiseau sans ailes. Voilà tout ce qu’on laissait aux membres du Verbe, voilà ce qu’était devenu la Cabale que nous avions créée lui et moi … Pendant un instant, j’eus un regard de pitié pour Diane qui n’y prêta aucune attention, trop occupée à engloutir les verres que je lui servais. Elle avait tant de potentiel gâché à jouer les femmes de petites vertus pour récolter des informations inutiles qui ne servaient qu’à asseoir le pouvoir de l’amarante. C’était tellement dommage de la laisser ainsi se faner dans l’oubli général.
« Tu sais si un jour tu voulais approfondir tes connaissances, je pourrais toucher un mot à Plume-de-soie. Tu aurais ainsi le temps de développer les talents que j’ai cru percevoir en toi et tu aurais pu savoir de toi-même ce que contient cette fiole. »
Vivianne sorti la fiole de sa poche et la fit rouler entre ses doigts. Après la description qu’en avait faite Diane, elle commençait à avoir une idée du produit qu’elle tenait dans la main. Ce n’était pas sans lui rappeler une certaine drogue de son invention :
« D’après ce que tu viens de me dire, je peux déjà faire une conclusion. Ce produit que tu t’es procuré est un produit d’essai. Une formule incomplète qui doit encore être dosée pour trouver l’équilibre. L’alchimiste ou l’herboriste qui l’a créé n’a pas encore fini la recette et c’est une très bonne nouvelle pour nous. Viens suis moi. »
Vivianne quitta l’immense cuisine pour se diriger vers le hall d’entrée. Là, elle passa devant les escaliers et ouvrit une porte menant à une grande bibliothèque. Les étagères étaient encore peu remplies et des livres et grimoires s’agglutinaient autour en attendant que quelqu’un trouve la force de les ranger. Vivianne ne leur accorda aucune attention et alla directement vers une porte au fond de la pièce qui menait à son laboratoire. Cette fois la pièce était parfaitement rangée, bocaux et cristaux magiques étaient parfaitement alignés sur les étagères. Elle posa la fiole sur le plan de travail et l’ouvrit pour en déverser le contenu dans une petite coupelle.
« Il y a quelque chose qui me chiffonne dans ce que tu m’as décrit … dit Vivianne en prélevant le contenu d’un flacon à l’aide d’une pipette. La crise euphorique dont tu m’as parlé me rappelle une drogue que j’ai déjà diffusée par le passé. Elle est principalement faite à base de Fortuna Lucis un champignon assez rare qui vous donne l’impression d’avoir des ailes … »
Elle touilla la poudre et le liquide qu’elle venait d’y ajouter jusqu’à obtenir une petite flaque de couleur blanche.
« C’est bien ce qui me semblait. Ce que tu me ramènes est une version améliorée et expérimentale de ma propre drogue. Nous avons affaire à un sale petit copieur … »
Mon visage se tordit de rage. Il était hors de question que je laisse un alchimiste de pacotille s’amuser avec mes créations. Elles n’avaient qu’un objectif : servir à la reconstruction de la cabale, pas à servir de profit à un pathétique criminel.
« Quant aux autres symptômes, je me demande s’ils sont le fait d’un ingrédient supplémentaire ou simplement d’un surdosage … Le Lucis est fait à base du champignon de départ, il n’y a peu de chimie dedans, car je n’avais pas besoin de le produire en masse pour l’instant. Peut-être un ajout de Moricia pour créer une dépendance tout en fixant l’esprit et lors de la redescente … Mais oui ! »
Vivianne se précipita sur une étagère pour récupérer un livre et parcourut ses pages à toute vitesse avant de s’arrêter sur l’image d’une petite fougère.
« Ça y est je pense avoir trouvé. Avec sa nouvelle méthode, notre chimiste en herbe a réussi à amplifier les propriétés du Lucis, mais pour réussir à en équilibrera les effets, il a rajouté de la Moricia pour équilibrer l’esprit du consommateur et l’empêcher de partir dans un délire psychotique, mais on dirait que ça n’a pas marché assez longtemps puisqu’il a fini par délirer. »
Elle ferma le livre d’un coup sec.
« Dis-moi Diane, tu ne saurais pas retrouver ton client par hasard ? Je pense qu’on va être obligée de remonter la piste pour savoir quel procédé a été employé pour créer un Lucis aussi puissant. Et j’ai bien envie de dire deux mots à ce sal copieur. »
- Bien sûr que je le saurais. Annonça-t-elle non sans fierté, même si elle n’était pas suffisamment sotte pour imaginer que Vivianne ne connaissait pas la nature de son don.
Ses yeux se voilèrent tandis que son pouvoir se mit à serpenter tout autour d’elles. Invisible aux yeux de tous mais parfaitement tangible pour la danseuse. Les fils de sa toile filèrent de part et d'autre sur des lieues à la ronde, grésillant au contact de la boîte magique qui perturba une grande partie de ses sens. Elle fronça les sourcils.
- Cet endroit ne me facilite pas la tâche. Ronchonna-t-elle alors que ses prunelles pâlissaient à mesure que son pouvoir s’étendait par delà leur cachette et des murs de l’insomnie.
Quand sa toile fut intégralement tendue, elle se mit à chercher la présence. Unique, elle pouvait la sentir au loin. Sa conscience effleura les fils de sa psyché et lorsqu’elle saisit le bon, elle se rua dessus. Elle remonta sur sa longueur, bifurqua à un croisement ou une dizaine d’autres chemins se présentaient. Aucune hésitation ne se traça au milieu de sa détermination, elle l’avait ferré et ne comptait pas s’en défaire.
- Une auberge au nord de la ville. Sur la quatrième rue après la luisante, derrière la guilde. Tout en parlant, elle retira son pouvoir et ses yeux retrouvèrent leur teinte ambrée. Peu de temps après, les deux femmes quittèrent l’insomnie, se fondant dans les rues sombres de la Capitale. Diane avait troqué ses robes somptueuses pour celles qu’elle arborait lors de ses services au palais et s’était également équipée d’une large cape grise aux longueurs émaillées. Personne, en cet instant, ne pouvait supposer qu’il s’agissait de Sakuna.
Les deux femmes débouchèrent dans une ruelle adjacente, à l’arrière du cabaret. La nuit était tombée depuis longtemps et un vent frais arrivait à se faufiler dans le dédale de la ville, faisant frissonner fréquemment la danseuse. Lorsqu’elle s’éloignèrent suffisamment tout devint subitement calme, seule le son de l’eau venait troubler la tranquillité, parfois martelé par le bruit de leurs chaussures.
- Je n’ai aucune notion de combat. Se sentit obligé de préciser Diane alors qu’il ne leur restait plus que quelques mètres à parcourir. - Et je ne peux pas me permettre de lui révéler mon identité alors si vous voulez bien… Passant une main chaste sur sa poitrine, elle activa le gonadier. La jeune femme s’effaça pour laisser place à Cécil, son équivalent masculin. Légèrement plus grand et plus large, son corps d’homme n’avait rien à envier à l’autre. Cependant, lorsqu’elle parla sa voix raisonna bien plus grave. - Ne vous attendez pas à plus de force sous cette forme. Ironisa-t-il. - Peut-être devrions nous établir un plan. Ses yeux s'opacifièrent à nouveau, l’espace d’une poignée de seconde avant de redevenir limpide. - Il est toujours au même endroit. Premier étage, troisième porte à droite.
« Hum, je comptais simplement lui demander gentiment de nous informer sur son fournisseur … pensa Vivianne à voix haute. »
Elle écarta un pan de sa cape, révélant une série de petites fioles glissées dans la couture. Un arsenal de poisons et de drogues qui auraient tôt fait de lui délier la langue. Elle jeta un regard amusé à Diane avant d’entrer dans l’auberge. L’endroit était assez riche, rien qu’au son du parquet Vivianne savait qu’elle entrait dans un endroit qui n’était pas ouvert à toutes les bourses. Cela ne les aidait pas vraiment, le personnel de ce genre d’établissement était souvent plus regardant que la moyenne. Cela ne manqua pas et une hôtesse vint les accueillir. Vivianne s’accrocha au bras de Diane tout en lui jetant un regard amoureux.
« Nous voudrions une chambre s’il vous plaît, dit-elle en gloussant. »
Si son petit manège ne convainquait pas, le son de sa bourse de cristaux leur ouvrit les portes d’une suite nuptiale. Vivianne s’étala sur le lit en poussant un soupir d’aisance. Il était improbable que les deux femmes voient leur cible vagabonder dans les couloirs à cette heure. Leur cible resterait sûrement claquemurée chez elle ou alors il allait sortir et courir les bordels comme il avait l’habitude de le faire.
« Bon je vois plusieurs solutions, soit on va directement lui rendre une petite visite soit on attend qu’il parte et on fouille sa chambre. Dans les deux cas, nous allons devoir être discrètes et pour cela il nous faut accéder à sa chambre sans qu’on s’en rende compte. Tu vois où je veux en venir ? »
Elles allaient avoir besoin de la clé de sa chambre. Le plus simple serait de lui voler ou de la voler à l’accueil, mais Vivianne connaissait un moyen bien plus discret. Elle plongea la main dans sa poche et en sortit une pierre.
« Je te présente le polymorphe, une texture magique absolument unique au monde qui se transformer en n’importe quoi. Avec ça, nous serons capables de faire un double de la clé en un rien de temps. Il nous faut juste trouver son modèle. »
Vivianne donna l’objet à sa comparse, elle était probablement bien plus douée qu’elle pour se genre de mission. Elle glissa également son anneau de pensée à son doigt.
« Avec ça, je pourrais te transmettre quelques infos par la pensée pendant que je ferais le guet. La cible est toujours dans sa chambre ? »
Il n’y avait plus qu’à attendre qu’il sorte pour aller boire et elles lui subtiliseraient la clé dans le couloir, en ferait une copie, puis la lui rendrait l’air de rien.
Les deux tourtereaux n’urent aucun mal à obtenir ce qu’ils souhaitaient et bientôt ils se trouvèrent en possession de la clé d’une chambre. Comme l’auraient voulu les diktats d’un homme amoureux, il escorta son épouse factice jusqu’à la chambre, la laissa pénétrer la première puis referma doucement la porte. Cécil ne revêtit pas l’apparence de Diane, il était trop tôt. A la place il vint lui aussi prendre place sur le lit, s’asseyant sur le bord avant de poser son menton dans ses mains et de croiser les jambes d’une manière tout à fait féminine.
- Comment pourrait-on accéder à sa chambre sans qu’il… Oh Souffla-t-il lorsque Vivianne lui expliqua la teneure de la pierre magique. - La magie m’étonnera toujours ! s'exclama Cécil en fermant les yeux pour se concentrer sur la présence de l’homme. Sans crier gare, il se leva et se rua à l’extérieur, bousculant une silhouette. Un tintement retentit sur le sol.
- Je suis désolé… Balbutia le brun en se baissant pour ramasser une petite clé par terre.
- Tch, s’agirait d’faire attention à c’que vous faites p’tain ! Grogna l’aventurier en retour.
- Pardonnez-moi, tenez ! Il déposa doucement la petite clé dans sa main et fit mine de s’en retourner vers sa chambre.
- V’vouliez pas sortir ?
Cécil marqua un temps d’arrêt avant de se retourner en souriant poliment.
- Vu mon état, je crois qu’il serait bon que je reste au lit encore quelques heures. Veuillez m’excuser monsieur.
- Votre visage me dit qu’ques choses.
- Vraiment ? Je dois avoir un visage commun alors… Je vous souhaite une bonne soirée.
- Mh… Ouais… Surement…
Cécil referma la porte de la chambre avant de se tourner vers Vivianne. Il franchit la distance les séparant en quelques enjambées et s’empara du polymorphe.
- Je suis désolé, je l’ai senti bouger. J’avais peur de le rater. Comment fonctionne le… Le polymorphe s’agita immédiatement, se distendit puis se mit à rapetisser jusqu’à devenir la réplique exacte de la clé qu’avait récupéré Cécil un peu plus tôt. - Eh bien… C’est efficace… On y va ? Il est sur le point de sortir.
Si seulement le jeune danseur avait pu se douter que dans le sillage de son visage, un doute subsisterait dans l'esprit de celui qu'ils s'apprêtaient a cambrioler.
« C’est le quotidien d’une enchanteresse, tu devrais passer à la boutique un de ces jours, j’ai bien d’autres objets dans le genre dans mes tiroirs. »
Et d’autres, moins avouables. Vivianne inspecta la clé pour vérifier qu’elle était parfaitement solide, puis elle ouvrit la porte pour jeter un œil au couloir. Personne. Elle regarda Diane pour qu’elle lui confirme que la cible était belle et bien partie de l’auberge. Lorsqu’elle le lui confirma, Vivianne sortit dans le couloir avec sa comparse et s’approcha de la chambre de leur cible. Elle glissa la clé qui tourna toute seule dans la serrure en émettant un clic sonore.
Les deux cabaleuses s’engouffrèrent dans la chambre. La pièce était grande, un peu comme la suite qu’elles avaient louée pour la nuit. Cependant, il y avait plus de traces de son propriétaire. Quelques vêtements laissés à l’abandon dans un coin, un repas à peine terminé dans un autre. Bref, cette chambre avait tout l’air d’être habitée depuis un petit moment.
« Bon, fouille le placard, je vais fouiller sous le lit. »
Vivianne se dirigea vers le lit et commença à tout retourner avec une grande délicatesse pour ne laisser aucune trace de son passage. Elle retourna les draps, regardant même sous le matelas, jusqu’à inspecter le fin espace entre les lattes et le sommier. C’est alors qu’elle vit une boîte, une sorte de petit coffret en bois, elle le glissa hors du lit et le déposa sur la table pour l’inspecter. Il était fermé à clé comme elle s‘en doutait et bien sûr la clé n’était pas juste à côté. Elle se tourna vers Diane au moment même où celle-ci ouvrait un tiroir de la commode.
« Non Diane, il y a un sceau ! hurla Vivianne, mais trop tard. »
Un petit son retentit, comme si un objet en verre venait de se briser. Une poudre blanche tomba sur les pieds de Diane qui venait de regarder Vivianne totalement affolée.
« Il est où ? Regarde tout de suite où il est ! »
Mais c’était trop tard. La magie de l’alarme se déclencha et si Diane essayait de voir où se trouvait le propriétaire, elle découvrirait qu’il était juste derrière elle. L’aventurier s’était téléporté dans la pièce et un carreau d’arbalète fusa et Vivianne regarda sa compagne tomber d’un carreau dans l’épaule.
L’homme se tourna vers Vivianne et la mit en joug avec son arme.
« Pas un geste gamine … j’me disais bien qu’il y avait un truc pas net avec celui-là. »
Vivianne commença lentement à lever les mains au ciel tout en jetant des regards furtifs vers Diane qui allaient se vider de son sang sur le plancher si elle ne faisait rien. Puis elle accorda toute son attention à leur agresseur.
« Z’êtes venu me la voler hein, z’êtes venu pour ça ? »
Vivianne lui accorda un regard inquisiteur. Il semblerait qu’il avait pris de son produit miracle avant de débarquer. Elle reconnaissait ses pupilles dilatés et le tremblement de ses mains, les principaux symptômes de sa drogue, mais avec lui c’était différent. Elle pouvait voir pulser les veines sur son front, comme si son cœur s’était emballé. Elle aurait parié que sa pression artérielle devait atteindre des sommets en cet instant. C’était dangereux, très dangereux. Vivianne fit un pas de côté et l’homme la menaça un peu plus avec son arbalète.
« ALORS ? POURQUOI VOUS Z’ÊTES ENTRES DANS MA CHAMBRE PÉTASSES ? »
Vivianne fit mine d’avoir peur et de se recroqueviller sur elle-même. Elle sortit discrètement une petite boîte de sa poche.
« On vient faire votre livraison, mais on n’avait pas prévu que vous rentriez aussi vite. »
Elle montra la boîte doucement à son interlocuteur qui lui répondit en tirant un carreau juste à côté de son visage.
« Bouge pas salope. »
Vivianne plissa les yeux et ouvrit la boîte profitant du fait qu’il rechargeait son arme.
« Sero réveille-toi. »
La boîte s’anima entre ses mains.
« Que se passe-t-il lorsque la force inarrêtable rencontre l’objet inamovible ? »
Elle avait à peine fini ces mots que l’aventurier disparut, aspiré par la petite boîte. Vivianne la rangea dans sa poche et se précipita sur Diane pour inspecter la blessure.
« Aller gamine reste avec moi. »
Je compressais la blessure, regardant du coin de l’œil l’état de Diane qui dépérissait à vue d’œil.
« Fais chier. »
Je sortis ma boîte magique et tournais la clé dans la serrure. Nous fûmes immédiatement transportées dans mon laboratoire. Je hissais le corps de Diane sur la table et découpait ses vêtements. Il fallait que je fasse vite avant que l’autre crétin ne trouve la solution de l’énigme ou qu’il se fasse éjecter de la boîte au bout d’une heure. Diane avait perdu beaucoup de sang, mais je pus extraire le carreau et couper le saignement. Il me fallut l’anesthésier un peu pour que la pauvre arrête de gémir. Il est hors de question que je la perde à cause d’une erreur aussi stupide.
- Il… Les yeux dorés de Cécil s’ouvrirent, rond comme des soucoupes, transpirant de la peur qui venait de l’assaillir. Il avait parfaitement senti les fils se détendre à l’endroit où il aurait dû se trouver, mais il n’avait pas sentit le cheminement retour jusqu'à la chambre. “Il s’est téléporté” voulu-t-il hurler mais déjà sa capacité le retrouvait, juste derrière lui. - Vivia… Ses mots lui furent arrachés par la douleur lancinante qui lui transperça l’épaule. De mémoire d’Homme, il n’avait jamais rien ressenti de tel. Le projectile le heurta de plein fouet à l’épaule gauche, le faisant vaciller dangereusement avant de tomber à la renverse, rendu hagard par la souffrance. Le reste lui échappa quasi complètement. Il entendit l’homme crier et la jeune cabaleuse répondre avec un calme qu’il aurait pu lui envier dans une autre situation. Ensuite il y eut un nouveau tir, que Cécil perçut au-delà du voile qui s'installa sur son esprit. Il avait mal, tellement mal. Sa main passa fébrilement sur le morceau de bois qui ressortait de son articulation ; des larmes de douleurs lui échappèrent mais plus encore que les cris alarmés que son corps lui envoyait, c’était son esprit qui gémissait sa peur de ne plus pouvoir danser.
- Une potion de soin. Il me faut une potion de soin. Tenta-t-il d’articuler sans que personne ne puisse l’entendre. Il fallait qu’il se soigne afin de ne pas entacher ses mouvements et sa dextérité mais déjà sa tête lui semblait plus lourde. Après quelques secondes de combat, il la laissa tomber lourdement sur le côté avant de s’endormir.
Cécil avait l’impression de hurler alors que les seuls sont qui parvenaient à franchir la barrière de ses lèvres n’étaient autre que de fébriles gémissements entrecoupés de gargouillis. Il brûlait d’étrangler cette chose ou cette personne qui s’aventurait dans la chaire de son épaule. Dans quel guet-apens était-il tombé ? L’aventurier avait-il réussi à se débarrasser de Vivianne et le conservait, lui, pour la fin ? Était-il en train de le torturer ? Etrangement la douleur commença a s’amenuir avant de devenir supportable, de la même façon, le carcan lancinant qui avait pris son esprit en étaux se desserra légèrement et il pu émerger. Sa vue, loin d’être nette, se balada d’abord sur la pièce avant d’accrocher le visage familier de la bleue.
- Je dois pouvoir danser… Gémit-il à nouveau. Il tenta de la faire bouger mais son épaule le lança affreusement. - L’aventurier ? Où ? La drogue ? Sa respiration se fit plus courte et ses yeux coururent sur la silhouette de Vivianne. Elle était indemne. Et avait indubitablement bien plus de ressources que Diane, Sakuna, Kala ou même Cécil n’en auraient jamais. - Tu l’as eu ? La poudre ? Il grimaça quand un pic douloureux le traversa. - Ash va me tuer…Mais si elle avait réussi à obtenir ce pour quoi, ils avaient prit se risque, alors cela en avait valu la peine.
De la même façon qu'elle l'avait la première fois Cécil laissa sa place à Diane, pas en meilleur état pour autant.
La voix de Vivianne était dure. Elle s’en voulait sûrement de ce qui était arrivé à la jeune fille qu’elle avait prise avec elle. Une simple erreur, une inattention passagère et une petite rune d’alarme et voilà le résultat. Vivianne avait fini de re fermer la plaie et nettoyer tout le sang qui avait dégouliné dans la pièce. Diane avait dormi 3 bonnes heures pendant lesquelles leur assaillant était sorti de la boîte. Sauf que cette fois, Vivianne était prête et elle l’avait sédaté aussi vite avant de l’attacher dans un coin de la pièce pour qu’il ne fasse plus de dégâts. L’enchanteresse soupira.
« Tiens bois ! ordonna-t-elle. »
Elle approcha une petite coupelle de sa bouche et l’aida à boire la mixture en lui soutenant la tête et en versant délicatement son contenu dans sa bouche dans un geste presque maternelle. Le mélange d’herbe avait un goût affreux et Diane eut plusieurs hoquets en l’avalant.
« Il y a tout ce que tu as besoin pour te remettre et pouvoir danser de nouveau dans ce breuvage alors boit tout. »
Elle ne laissa pas Diane s’en tirer sans qu’elle ait fini de boire. Puis, elle retourna à son établi en la laissant s’allonger de nouveau sur la table ou se relever délicatement.
« N’en fais pas trop Diane. La blessure devrait se refermer en deux semaines avec les bons soins. Un peu de rééducation et tu ne sentiras pas de séquelles pour tes danses, mais il te faudra absolument du repos. Je m’occuperais d’en parler à Ash … »
Elle attrapa un ballon dans lequel une mixture colorée était en train de se réchauffer sur un cristal de feu. Elle le secoua, délogeant la petite poudre noire qui était tombée au fond. Elle nota quelque chose dans un carnet avant de reposer le ballon sur le feu.
« Le fils de pute qui dort derrière toi avait une version différente de la drogue dans sa poche. Une forme encore plus concentrée. J’essaye d’en comprendre les effets, mais je peux d’or et déjà dire qu’on ne parle plus de stupéfiants, mais de poison. La concentration et les éléments sont tels qu’ils pourraient tuer un homme adulte en bonne santé en quelques heures, sans parler de la crise psychotique. »
Elle laissa à Diane le temps d’ingurgiter les informations.
« Ton client est un dealer et il sait ce qu’il vend, sinon il serait déjà mort dans un caniveau s’il avait pris de cette substance sans savoir sa dangerosité. Je vois donc deux hypothèses. Soit notre chimiste en herbe essaye une formule plus puissante sur des malheureux pour voir ses limites, soit nous avons réussi à trouver le produit avant qu’il soit transformé. Dans ce cas il ne nous manque plus que la recette pour arriver à celui que tu as déjà pu obtenir … »
Elle fut interrompue par le bouillonnement de la mixture derrière elle. Son aspect avait changé d’un coup quand la température avait atteint un niveau suffisant. La teinte noirâtre avait fait place à une teinte carmine. Vivianne s’approcha lentement et en plissant les yeux. Ses lèvres semblaient bougées, mais pourtant aucun son ne sortit de sa bouche.
« C’est impossible, il n’aurait pas osé … »
Elle attrapa le flacon et le regarda sous tous les angles avant de prélever une petite quantité et de la mélanger à une poudre inconnue. L’alchimiste ignorait complètement Diane maintenant et se mettait à enchaîner les tests chimiques comme un robot. Chacun de ses résultats lui faisait froncer un peu plus les sourcils. Elle fit un dernier test avant de jeter son résultat au sol dans un excès de rage.
« Tu croyais vraiment que je ne m’en rendrais pas compte Alford, grogna-t-elle à une personne qui n’était même pas là. »
Tu croyais pouvoir me copier vieux croulant, que je ne me rendrais pas compte de tes petites manipulations dans ma formule ? Cet enfoiré pensait qu’il allait me doubler sur mon propre terrain ! Je me tournai vers Diane qui arrivait enfin à mettre un pied devant l’autre. Mon visage déformé par la rage.
« Je sais qui nous cherchons. »
Vivianne activa sa clé et tout le monde fut projeté à l’extérieur de la boîte. Elles réapparurent dans la chambre de l’aventurier. Vivianne rattrapa Diane qui avait chancelée sous l’effet de la téléportation et elle l’aida à s’asseoir. Puis elle commença à éponger le sang de Diane qui tachait encore un peu le parquet. Enfin, elle souleva l’aventurier inconscient pour le déposer sur le lit.
« On va se débarrasser de lui, il en a trop vu … »
Elle sortit le petit flacon de drogue pure et en déposa délicatement près de son nez jusqu’à ce qu’il ait inspiré une quantité suffisante. La réaction fut assez fulgurante. L’homme convulsa sur le lit et Vivianne du reculer pour éviter de prendre un coup. La scène dura quelques minutes avant que le cœur du malheureux ne le lâche et qu’il s’effondre sans vie, l’écume au bord des lèvres, le visage bleui par l’asphyxie. Vivianne laissa délicatement tomber le flacon sur le sol, répandant son contenu un peu partout pour laisser croire qu’il l’avait pris lui-même. Elle se tourna ensuite vers Diane.
« Viens, je te ramène à l’insomnie et ensuite j’irais voir le véritable responsable de tout ça. C’est trop dangereux pour que tu m’accompagnes. »
- Un dealer ?
“Mais quel genre de dealer consomme ce qu’il vend…” Déesse que cet homme lui semblait sot soudainement. La tête de Diane lui tournait si fort qu’elle se rassit juste après s’être redressée. Quelques minutes de répit en plus ne pourrait pas lui faire de mal et au vue de l’énergie qui émanait de Vivianne, elle ne lui en tiendrait pas rigueur. Cependant, elle semblait se renfrogner minutes après minutes, son regard bleu se voilant d’une noirceur qui faisait frémir la danseuse malgré tout. Pendant quelques instants Diane songea à s’éclipser. La colère qui déferlait dans la pièce rendait l’air irrespirable malgré le visage à l’allure sereine qui fronçait les sourcils. Comme si la cabaleuse tenait fermement la bride à des émotions qui auraient pu exploser brusquement.
- Qui ? Osa demander Diane du bout des lèvres tout en serrant son bras contre sa poitrine en grimaçant. Mais la réponse ne lui parvint jamais, sans doute Vivianne n’avait-elle pas entendu sa voix ou ne souhaitait pas lui répondre, dans un cas comme dans l’autre elle se pencha vers l’homme et il ne fallait pas sortir de la cuisse de Lucy pour savoir ce qui attendait le malheureux. A son tour elle fronça les sourcils, serra la mâchoire et, incapable de regarder l’insoutenable, ferma les yeux. Elle aurait voulu se boucher les oreilles ou pouvoir se retirer dans une autre pièce mais son bras l’en empêchait. Elle pu parfaitement entendre le corps désarticulé se convulser, sa gorge se remplir d’écume dans un gargouillis écœurant. Diane avait toujours eu une sainte horreur des mises à mort. Lors des premières exécutions auxquelles elle avait assisté, elle avait rendu son repas quasi systématiquement, depuis elle évitait de rester dans les parages. La culpabilité d’être à l’origine de la fin d’une vie lui était suffisante.
Quand, dans la pièce, il n’y eut plus que du silence et que la voix claire et sereine de Vivianne lui parvint, elle s'obligea à sortir de sa torpeur. Plus que jamais elle avait envie de rejoindre sa chambre à l’insomnie, son chat et même son shuppon. Se cacher dans ses couvertures pour n’en ressortir que dans plusieurs lunes. Elle évita avec soin la vision du cadavre à leurs pieds.
- Oui, rentrons. Et elle laissa Vivanne l'entraîner ou bon lui semblait. Le temps des questions viendrait bien assez tôt car la jeune femme était sûre d'une chose ; sa route recroiserait celle de l'alchimiste.
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