L’activité reprend à peine en ville. Les circulations sont lentes, les voisinages bavardent, les enfants sont peu agités. Une matinée banale qui augure une bonne journée. Sam aime quand un jour est aussi similaire que la veille. Cela signifie que l’ordre et la prospérité sous l’aura de la Royauté tapissent encore sa belle civilisation. Un léger sourire apparait sous son casque. Pour la première fois, il se sent de bonne humeur. Son visage reprend rapidement sa raideur lorsqu’une vieille dame passe devant ses yeux. Rien de menaçant, mais dans sa méditation, il s’est laissé surprendre. Une erreur inadmissible. La vigilance est le mot d’ordre. C’est en se laissant adoucir par les bons temps que les forces nauséabondes agissent et ébranlent ce qui a mit tant de siècles à se construire. Soudain, son camarade interrompt sa concentration.
« Bon, le soleil se montre. Ma relève ne devrait pas tarder. Je te laisse.
-Quoi ?! Il est hors de question de déserter ton poste.
-Oh ! C’est une affaire de quelques minutes. On fait tous ça.
-Tu crois que tu travaille pour le bistrot du coin ! J’en referai au Major, si tu pars. »
Le bonhomme avance le torse droit vers le garde zélé. Il avance sa tête, les sourcils froncés. L’atmosphère devient de suite plus menaçante.
« Ecoute bien ! J’ai enchainé la veille de jour et de nuit. Je suis tellement pas frais que je vois double ! Tu vas me faire chier pour 10 minutes de patrouille avortée.
-Ceux qui n’ont pas les épaules sont libre de quitter la Garde Royale. Je t’en prie. »
La sentinelle épuisée effectue des gestes montrant son envie de frapper. Il se retient en le poussant simplement. Sam bouge à peine. Son camarade se replace avec une amertume qu’il n’oubliera surement pas.
« Tss ! »
Comme quoi, même les gardes royaux, il faut les recadrer de temps à autre car cette ère de paix érode la rigueur des plus droits et disciplinés des gardiens. Heureusement, certains comme Sam sont garants des bonnes conduites.
Aujourd'hui quoi... Assignation aux portes du palais ? Encore ? Encore oui. Quelle plaie. Pourquoi je suis encore sentinelle moi ? C'est quand que je deviens Prétorienne ? J'en ai tellement, tellement marre de tout ça.
Mais finalement, je me lève et me prépare en avance. Tâchant pour une nouvelle journée de montrer encore et toujours ma joie de faire partie de l'élite de la garde du royaume, et montrer quelle garde merveilleuse et méritante je suis.
Non mais quelle plaie. Tout ce que je veux moi, c'est faire des choses concrètent, sauver des vies, aider des gens... Pas garder un maudit palais dont quatre vint dix neuf pour cent du royaume se fout totalement !
"Tu es déjà énervée ?"
Je ne réponds pas à mon mist, ne voulant pas alerter mon colocataire de la présence d'un mist esprit que seul moi peux voir et entendre. Alors, ignorant la remarque, je termine de me préparer, empoigne ma hallebarde et sort de la caserne pour aller prendre mon poste.
Heureusement, ou malheureusement ça dépend des jours, le chemin n'est pas long pour rejoindre le palais et cet endroit où je vais devoir rester toute une longue journée. La première relève a déjà été faite bien sûr, et en général lorsque le second arrive, le deuxième a relevé est déjà parti, mais pas aujourd'hui.
"Il a l'air encore plus énervé que toi lui."
- Bonjour Messieurs... Il y a un soucis ?
Je ne suis pas du genre à m'intéresser à la vie des autres, mais je ne peux pas pour autant ignorer quelqu'un qui semble dans le besoin.
- NON c'est RIEN. Laisse tomber. C'est Zouch qui fait encore chier le monde, comme d'hab ! Allez, j'te laisse avec lui Lys. Salut.
Et il part sans un mot de plus d'un pas ferme et rapide qui transpire toute la colère qui bouillonne encore en lui. Puis, une fois qu'il s'est finalement éloigné de quelques mètres, je me tourne alors vers le fameux Sam Zouch qui semble être mon binôme de galère de la journée. Un binôme qui a déjà une petite réputation au sein de la garde royale de ce que j'en comprends du "comme d'hab" lancé par notre collègue...
Et même si j'ai tendance à rester vraiment loin de ce qui ne me regarde pas, je suis tout de même grandement intriguée par ce qui a bien pu se passer...
- Qu'est ce qui s'est passé ?
La question sort presque malgré moi de ma bouche alors que je suis déjà dans ma position de sentinelle, regardant les alentours du palais royale plutôt que mon interlocuteur...
« Il semble que des fillettes ont infiltré nos rangs pour se plaindre des protocoles ancestraux de la Royale. »
Il daigne observer un instant, celle qui l’interpelle. Détournant de manière condescendante le regard, il reprend sa surveillance. Comme il ne remarque rien de suspect, il lance une séries de remarques et critiques sans lui offrir un nouveau contact visuel.
« Tu peux m’expliquer ce port d’arme ? Vous croyez que l’on est en glande, ici ? Tiens la bien droite, qu’elle pointe vers le ciel pour montrer ce qu’il faut viser. On pourrait te confondre avec un orphelin avec son baluchon. D’ailleurs, l’état de ton armure s’en approche. Le nettoyage est approximatif. J’ose espérer que ce n’est qu’un écart de conduite. »
Il s’arrête un instant pour observer une petite agitation dans le fond du paysage. Une simple altercation entre groupe d’enfants. Rien à signaler, on les voit souvent traverser cette allée. Il finit le compte rendu de son jugement envers cette nouvelle binôme.
« Non, des bottes comme ça. J’en ai honte pour toi, à default que cet aspect ne t’en touche une sans faire bouger l’autre. Je ne te connais pas, mais ce que tu me montre fait déjà de toi une sentinelle du fond du panier. »
La posture droite, le menton relevé et le torse en avant sont les bases pour les détenteurs de la sécurité royale. La hallebarde vers le ciel pour impressionner les passant et pour symboliquement pointer le ciel ; la Garde Royale doit constamment viser l’excellence, elle doit beaucoup à cet adage. L’amure, bien sûr, reflet porter de la qualité et du prestige des royaux sur le reste. En prendre soin permet de mesurer son dévouement pour le métier, la cause et, par conséquent, la royauté, dont on a tous jurer de mourir pour sa prospérité.
Mais c'est quoi son putain de problème à ce type ?!
"Franchement, défonce le. Tu prends de la boue là, et tu lui balances dans la tronche direct et on verra lequel de vous deux est le plus crade."
C'est pas l'envie qui m'en manque que d'écouter le petit démon Haku. Oh oui, j'y prendrai un malin plaisir mais... Ne serait-ce pas alors m'abaisser à des enfantillages qu'il me reprocherait par derrière ? Alors je serre les dents, détournant le regard de sa personne pour plutôt tuer du regard tout ce qui se trouve devant moi avant d'enfin souffler discrètement pour me calmer et retrouver un semblant de sang froid.
Et cela prend bien de longues minutes de silence. Un silence pesant. Lui, je suppose qu'il a déjà oublié ma présence, moi, je suis bien trop énervée pour ne pas faire envenimer les choses. Et finalement, quand je sens la tension suffisamment redescendue en moi, je me permets enfin un nouveau coup d'œil à la statue rutilante à quelques pas de moi qui me sert de binôme.
- Peut être que si, comme moi, tu passais un peu plus de temps à t'entrainer plutôt qu'à lustrer ton armure, alors tu t'apercevrais de la stupidité de tes propos, mais aussi que ces fameux "écart de conduite" que tu sembles citer ne sont que le reflet d'un travail acharné que tu ne sembles pas connaitre. Après tout, qui à ton avis protège mieux notre bien aimée royauté ? Celui qui passe son temps à faire briller son armure et à s'entrainer à tenir bien droite son arme, ou celui qui apprends plutôt à s'en servir en situation réel ? A moins peut être que toute ta stratégie repose sur le fait que tu éblouisses tes adversaires avec ce métal impeccable qui semble n'avoir jamais servi ?
D'ailleurs, est-ce vraiment digne d'une bonne sentinelle que de d'émettre de tels propos imagés ? " Cet aspect ne t'en touche une sans faire bouger l'autre"... Ce sont tes mots, non ? Tenus devant une femme noble faisant parti de tes collègues. Mais tu as raison sur un point, tu ne me connais pas. Et tu ne connais pas non plus mes relations, alors peut être devrais-tu faire un peu plus attention ?
Heureusement, je crois que ce poste ne nous oblige pas à communiquer plus que nécessaire...
Une manière élégante de lui demander gentiment de fermer sa grande gueule pour le reste de la journée...
« La stupidité est plutôt de votre côté, Madame la Comtesse. Si vous êtes si noble, comment un gueux peut-il être plus propre que vous ? Même dans la noblesse vous échouez ? Quel comble !
Cessons les plaisanteries. Même si ton excuse du travail acharné me fait doucement sourire. S’il suffisait d’un travail acharné pour obtenir notre rang, nous aurions des bœufs et des ânes parmi nous. Protéger la royauté ne se résume pas à s’entrainer, idiote. Nous représentons ses valeurs, nous devons nous montrer droit et ne montrer aucun signe de faiblesse, de négligence ou d’indolence. L’entrainement comme son image astreint à un travail rigoureux. Dont je m’applique avec constance, contrairement à ce que tu oses dire avec ton constat foireux. Favoriser l’un pour l’autre ne témoigne que d’une médiocrité dont tu te vante orgueilleusement.
Heureusement que des personnes avec du mérite peuplent encore la Royale. Les nobles pudibonds choqués aux moindres brimades feraient de cette élite, une planque pour victimes et enfants gâtés. Si tu t’es senti bousculer par quelques mots, je m’étonne que tu puisses réellement supporter les coups. Au moins, ta réaction prouve que je touche assez ton égo pour garder mes réprimandes en mémoire. Ne me remercie pas d’essayer de te rendre meilleure dans ton travail. Mais de ce que je pressens, tu ne vas pas pouvoir t’empêcher d’agir comme une ingrate.
D’ailleurs si tu te sens plus ânesse que garde royale, la campagne te conviendrait surement mieux. Ou la Province comme vous dîtes. Ce n’est pas loin, je connais des gens pour t’y guider. Je précise car la qualité de tes propos me fait douter de ton intelligence. »
Parfois les hommes ont du mal à supporter la critique. Mais les femmes, c’est quasiment systématique. Un regard hautain et il reprend rapidement sa surveillance. Sam se permet d’être déconcentrer un instant car la qualité de la garde royale lui importe beaucoup. Il n’aurait jamais détourné le regard dans une discussion mondaine.
Rien, le mieux c'est encore d'ignorer.
Cela dit, ce n'est pas aussi facile qu'on le pense. Et surtout, le fait qu'il se définisse comme un "gueux" me surprend assez pour me faire lever un sourcil. Car "gueux" est clairement un terme péjoratif pour le décrire. Alors pourquoi se rabaisser ainsi ?
Finalement, il me fait presque de la peine. Le pauvre homme doit être bien seul, choisissant de critiquer tous ceux qui sont censés être ses frères d'armes pour se les mettre à dos de la pire des manières. Moi même je ne suis pas très sociable, mais ce n'est pas tant par choix que par crainte d'être trahie. Pour autant, ceux qui travaillent avec moi savent qu'ils peuvent compter sur moi... Alors qu'un type comme ce Sam, il y a de grande chance que si d'aventure les choses tournent mal, personne n'osent se tourner vers lui.
Voire pire, peut être que les plus rancuniers d'entre nous sauront lui planter une bonne lame entre les omoplates pour le faire taire à jamais.
Évidemment, je ne suis pas de ceux là. Mais je ne serais pas non plus de ceux qui dénoncerait un tel acte s'il se produisait devant mes yeux. Oh, j'essayerai surement de l'en empêcher, oui. Après tout, je ne me suis pas engagée dans la garde pour prendre des vies. Mais mes collègues étant aussi entrainé que moi, ils ont autant de chance de réussir que moi de les empêcher...
Enfin, ce ne sont que des spéculations, et voilà maintenant que Sam arrive à la fin de son monologue où il m'insulte sans même sans cacher. Oui clairement, le garçon doit avoir un sacré problème social.
- Je suppose que ta vie doit être bien triste pour que tu te sentes obliger de dénigrer ainsi ceux qui la partage et avec qui tu pourrais t'entendre.
"Si seulement il était un peu moins con !"
Je ne lui ai pas accordé un regard, ayant tout le long continué de fixer le paysage et les enfants au loin jouant et regardant de temps en temps vers le palais de manière émerveillé et à la fois apeurer. M'accordant seulement le droit de laisser un petit sourire poindre sur mon visage sous la remarque du mist bien plus rancunier que moi.
« Je dénigre ceux qui le mérite et m’entend avec ceux qui se respectent. Et selon toi, parce que je pointe tes erreurs, ma vie est triste ? Et bien, je vais t’imiter et supposer que tous ceux qui partagent ta vie sont médiocres et sans valeur, afin qu’ils puissent rassurer ton égo. Si cela te plait d’être ainsi, tu ne m’en voudras pas de te ranger dans la case des irrécupérables. »
Le garde regarde les enfants circulés. Son expression reste dure et froide. La matinée progresse et la Capitale s’agite. Il est au moment où il s’oblige à être le plus droit, fier et impressionnant devant les habitants. Il se permet de souffler pour se remettre de ce dialogue.
« La noblesse est tombé bien bas. »
Il avait une envi de rire de cet échange mais il se contient. Il se doit de rester le plus impassible dans son métier. Dire que ce genre de personnes est admis à la Royale. Sam sent que le filtre des admissions se relâche. La Garde Civile leur conviendrait bien mieux. La sentinelle veut absolument éviter que le prestige de son rang soit entaché par des nobles aussi nauséabonds ou d’autres individus sans mérite. Le jour où il sera en capacité de les éradiquer, la Royale tendra à nouveau vers la pureté.
Comme beaucoup d'autre finalement, comme moi...
On a tous nos raisons qui nous ont poussé à être là, et sans doute les miennes sont-elles les moins nobles de toutes. Après tout, moi, je n'ai jamais voulu faire partie de sa "prestigieuse royale". Et pourtant, je me donne à fond chaque jour pour faire de mon mieux, pour me dépasser, pour me surpasser...
Alors oui, ces critiques font bien plus mal qu'il ne pourrait l'imaginer. Et surtout, elles ne sont pas procuré de manière bienveillantes, entre personne souhaitant évoluer ensemble.
On ne choisit pas sa famille, ni ses collègues, et pourtant ce sont les personnes qu'on finit par côtoyer le plus.
- Si ça t'amuse.
Met moi donc dans la case que tu veux de ton petit cerveau étriqué, cela ne changera pas ma vie, ni ma façon d'être. Et je me contrefous éperdument de ce que tu peux bien pensé de la noblesse, ces gens là, je les déteste bien plus que tu ne pourrais l'imaginer. Après tout, c'est à cause d'eux que je suis ici, coincée dans un boulot qui ne correspond en rien à ce que j'avais imaginé, qui ne me permet en rien de servir le peuple qui mérite d'être aidé bien plus que la royauté a besoin d'être gardée.
- L'avenir finira bien part nous dire lequel de nous deux est le plus méritant. A moins bien sur que tu ne dénigres aussi l'avis et les choix de notre commandement ?
S'il veut à se point redresser les torts de ses collègues, il doit certainement visé une montée en grade. Et pour ma part, je ne compte clairement pas rester sentinelle toute ma vie. Alors je vais continuer de m'entrainer, de prouver ma valeur et de faire en sorte de me démarquer par mes prouesses combattives et par mon comportement exemplaire pour atteindre mon objectif.
Alors nous verrons qui de nous est vraiment "médiocre" comme il aime à le dire.
Il n’a rien à retenir des mots de cette garde négligée. Alors qu’il pensait l’échange terminé, voilà qu’elle relance la discussion. S’ennuie-t-elle à ce point ?
« Tu semble bien confiante. C’est assez suspect. J’espère que tu ne joueras pas de ta noblesse pour gagner des passe-droits. L’avenir ne nous dira rien, car ceux qui ont du mérite sont ceux qui travaille dans l’ombre de leurs principes. A quoi bon se démarquer ? Il n’y a rien de louable dans l’orgueil et la quête de reconnaissance. Honnêtement, je doute que l’on est les mêmes objectifs. Dans la Civile, tu n’as pas à faire attention à ton apparence et il y a bien moins de concurrence pour gravir les échelons. »
Sans se laisser distraire, Sam répond aussi sincèrement que possible à sa question. Dans la forme, celle-ci parait simplement provocante mais, selon le garde, la réponse ne va absolument pas de soi. Elle a raison de la poser. A qui doit on réellement notre loyauté aveugle ? Il est certain que tous n’auront pas la même réponse. Le garde a la sienne.
« La Royauté est notre priorité. Le Commandant est bien loin de nos intérêts. Il est difficile de porter à la fois la sécurité du royaume et la protection de ses symboles. Notre compagnie est à ce titre salvatrice et nous devons veiller à ce qu’elle ne se corrompe pas. J’espère que ce n’est pas déjà trop tard… »
Et lorsqu'il me parle une nouvelle fois de la civile, je ne peux m'empêcher de souffler de lassitude. S'il savait le pauvre... Si j'avais eu le choix, jamais je n'aurai atterri dans la garde royale. J'aurai été dans la civile, bien loin, très loin de la capitale, et j'aurai vécu ma meilleure vie là bas, loin de toute noblesse et des complots de bonnes gens.
Mais je suis là, réalisant une surveillance avec ce binôme à la fois exécrable et qui arrive tout de même à me faire de la peine.
- Je crois que le capitaine Steelhearth est à même de justement gérer le recrutement de notre compagnie. Et de s'assurer que nous soyons tous digne de la confiance de notre royauté. Après tous, nous avons tous leurs vies entre nos mains et c'est pour cela que le recrutement de la garde royal demande une exigence particulière.
Mais si toi tu ne leur fait pas confiance et que tu penses être plus apte à maintenir l'ordre et la discipline dans nos rangs, alors il ne tient qu'à toi de gravir les échelons de la hiérarchie pour obtenir ce pouvoir décisionnel qui te fait aujourd'hui défaut.
Et sans ce pouvoir, si tu veux être écouté dans tes remarques que tu fais pour maintenir une splendeur que tu as peur de perdre, alors je ne peux que te conseiller de changer de méthode. Nous sommes tes frères d'armes Zouch, que tu le veuilles ou pas, aussi nous sommes sur un pied d'égalité et nous méritons tous un minimum de respect quand tu t'adresses à nous.
Il n'y a pas de reproche dans le ton de ma voix. Une simple constatation, et un conseil délivré d'un garde royale à un autre. A lui maintenant d'en faire ce qu'il veut.
« Le recrutement n'a rien à voir avec les problèmes que je pointe. Il faut dire si tu as du mal à suivre et cessez de faire semblant, c’est très irritant. La plupart d'entre les gardes royaux croient avoir atteint le sommet de leur carrière. La tendance humaine de se reposer sur ses lauriers nous prend sans prévenir au cours de patrouilles routinières, avec de petites entorses aux règles nous paraissant anodines et en profitant bien trop des luxes de la Capitale. Cette tendance tout le monde peut y faiblir, et le pire c’est quand le groupe te pousse à y tomber. Face à ce processus, nous oublierons nos responsabilités, notre image, nos valeurs et, même pire, nous serions les agents de la déchéance royale.
Si c’est ce que tu veux, soit, continue à négliger le Chaos attendant notre relâchement pour frapper là où on s’y attend le moins. Je me refuse d’être l’allié ou l’idiot utile de la déliquescence. Et je ne pourvoie pas au pouvoir. Je tiens à ce que l’on n’oublie pas ce qu’est un garde royal modèle. Les intrigues de cour, je laisse ça aux nobles déchues et aux ambitieux sans valeur. Mon devoir, je le remplirais plus prestement chaque jour ! »
Sam frappe le manche de sa lance sur le sol. Il reprend avec plus de virulence.
« Un pied d’égalité ? Un minimum de respect ? Nous ? Pour qui te prends tu ? Ne fais pas de ton cas une généralité. Et où tu vois l’égalité ? Une noble qui me parle d’égalité. Fait attention, les mots peuvent être dangereux utiliser aussi mal. Ériger l’égalité dans cette garde n’a aucun sens. Il y a des plus forts, des plus endurants, des plus disciplinés. Parle moi de camaraderie, si tu veux mais l’égalité, tu te ridiculise. Nous avons suivis une formation militaire qui nous inculque que le respect se mérite. Arrête de te plaindre et de te placer en victime. Mérite mon respect, et tu n’auras aucun soucis avec moi. »
Cette conversation le dressé les poils. Elle est tellement dans l’erreur et susceptible au moindre critique que le garde à honte d’être associé à elle. Espérons qu’elle n’œuvre pas la bouche trop souvent en public. Ou que le discours de son camarade lui remette les bonnes idées en place. Il en doute fort. Ce qui n’ont pas grand-chose dans la cervelle finisse rarement par développer les bonnes vertus.
- Je ne remets pas en cause tes intentions et tes valeurs, Zouch. Simplement tes méthodes qui se rapprochent plus du connard imbu de sa personne qui donne envie à tout le monde de l'envoyer paitre au fond d'un trou plutôt que de l'écouter que d'un type sympa dont les idées pourraient être reçu et permettre de faire avancer les pensées de ses collègues.
Typiquement, tu dis que je dois mériter ton respect ? Mais t'es tu simplement demandé si j'avais ne serait-ce qu'envie de l'avoir ? Je suis garde royale au même titre que toi, mes supérieurs n'ont absolument rien à dire de mes manières et de mon comportement et ce n'est pas trois grains de poussières que tu vois sur mon armure alors qu'ils sont sans doute plutôt dans tes yeux qui me rende soudainement indigne de respect.
Mais soit, reste sur tes positions si tu le veux. Je ne tiens pas plus que ça à faire de toi un type sympa. Si tu préfères être seul et détestable, à ta guise Zouch. De toute façon, comme je te l'ai dit plus tôt, on est pas obligé de parler pour accomplir notre mission. D'ailleurs, quelqu'un approche.
C'est quelque chose qui arrive fréquemment, que quelqu'un approche du palais. Notamment les nobles ou les serviteurs qui y habitent. Et un des premiers boulots d'une sentinelle est d'apprendre tous les visages importants qui possèdent de base un laisser-passer royale pour entrer et sortir à leur guise du palais sans être appréhender.
Et ce type, là, il ne fait clairement pas parti de cette liste. Et dans ces cas là, il faut évidemment un papier signé avec le sceau royale qui mentionne la raison de la visite.
Alors quand le type arrive tout hésitant, j'abaisse ma hallebarde devant lui pour lui couper la route.
- Bonjour, veuillez décliner votre identité et la raison de votre présence, et j'ai besoin de votre laisser passer s'il vous plait.
- Bon... Bonjour... Je suis Sahari Ejaiss, je... Je suis barde et le roi m'a demandé de venir alors... Me voilà ?
- Vous avez votre laisser passer ?
- Un laisser passer ? Je... Non mais... Je... Il faut vraiment que...
- Désolé mais sans laisser passer, ça ne va pas être possible.
- S'il vous plait... Il faut vraiment que j'aille à l'intérieur !
- Malheureusement, nous ne pouvons pas accéder à votre requête. Si vous n'avez pas de laisser passer, veuillez disposer s'il vous plait.
- Non mais vous ne comprenez pas ! Ma... Ma petite amie est à l'intérieur ! Je dois absolument la voir !
Il y a des jours comme ça où on a des gens désespérés qui ne savent plus quoi inventer pour pouvoir entrer dans le palais... Souvent ils recherchent juste une opportunité pour se faire embaucher, ou alors comme lui, c'est peut être juste un stalkeur, ou un rêveur... Un romantique qui a choisi de se réconcilier avec sa douce juste maintenant ? Possible aussi, mais en soit on s'en moque. La procédure est ce qu'elle est et quoi qu'il dise, il ne passera pas, voilà tout.
« Vous n'avez pas entendu. Allez faire votre crise d'adolescent attardé ailleurs ou je vous broie ce qui fais de vous un homme. »
Cet acte est sans doute influencé par sa frustration de l’instant. Habituellement, il aurait été plus patient avant la prestation physique. Les personnes comme lui sont facile à dompter. Une simple démonstration de force et ils se dégonflent plus vite qu'un ballon crevé. Les musiciens, des vrais fiottes. Pendant que la victime se relève avec maladresse, visiblement un peu sonné par la secousse, pour reculer comme un lâche. De quoi revenir à la charge sur la petite impertinente qui se croit sans défaut et exemplaire.
« Si, pour toi, te pointer des faits sous le nez font de moi un connard inbu de sa personne, eh bien, le mec sympa est celui qui te ment. Devenir un menteur pour préserver ton ego fragile ne m’intéresse absolument pas.
Et je m'en fout de tes envies ou de ta considération qui ne vaut rien. Je te dis comment éviter mes remarques pour lesquelles tu pleurniche depuis tout à l’heure. Que tu m’écoute ou pas, j'en ai rien à battre. Prend donc en compte les avis des supérieurs dont tu fais les yeux doux. Tu ne seras qu'une traîné de plus à la Capitale.
Je préfère tirer les choses au clair avant que tu te ferme au dialogue pour éviter de te ridiculiser toujours plus avec des arguments sans substances. Tu ne m’entrainera pas dans les tréfonds de la stupidité passive que tu défini de "sympa". »
En lâchant ses mots, Sam se sent soulager. Il ne pouvait laisser cette soi-disante collègue s’en tirer avec des paroles aussi abjectes.
- NON ! NON ÇA NE VA PAS !
Je crois que j'ai choisi d'ignorer totalement le pauvre Sam à partir du mot "pleurniche". Là, je me suis dit que de toute façon, son discours n'avait toujours aucune valeur et donc il valait sans doute mieux pour moi me préoccuper de ce pauvre homme qui s'est fait odieusement brutaliser par un abruti de garde royale.
Alors tandis que Sam continuait son discours dénué de sens, je me suis avancée vers le barde et l'ai aidé à se relever.
- VOTRE COLLEGUE EST UN CONNARD FINI MA PAROLE ?!
- Oui, je sais, je suis vraiment désolée pour vous.
- Non mais regardez ! Je saigne par sa faute !
- Heureusement ce n'est qu'une égratignure.
- Maintenant laissez moi rentrer !
- Ça ne va pas être possible et je doute qu'il soit une bonne idée de tester une nouvelle fois sa patiente. Vous savez, je l'apprécie autant que vous mon collègue mais si jamais je venais à le mettre à terre pour lui apprendre à ne pas cracher à la gueule de ses collègues et à ne pas brutaliser honteusement les civils, je devrais après en faire un rapport. Et je vous avoue que j'ai bien d'autres choses à faire que de perdre du temps à cause de lui. Donc s'il vous plait, monsieur, veuillez passer votre chemin.
Je termine d'épousseter la veste du brave homme tout en jetant des regards rapides dans son dos pour m'assurer que personne d'autres ne requiert mon attention bien l'homme fait un mouvement d'épaule pour me signifier que c'est assez d'une manière assez énerver et fini par se détourner.
- Soit, je pars, mais vous pouvez être sûre que ça ne s'arrêtera pas là ! D'ailleurs, quelle est son nom ?
La délation... Même si je meurs d'envie de le lui dire, de toute façon, je doute qu'il puisse vraiment quoi que ce soit contre un membre de la garde Royale mais... sait-on jamais ? Je me refuse de le faire.
- S'il refuse de vous le donnez alors il faudra vous contenter de sa description physique. Allez monsieur, partez maintenant.
Et sur ces mots, je le laisse et me replace droite comme un i de l'autre côté du chemin part rapport à Zouch, en continuant de l'ignorer ostensiblement.
Sam la regarde piteusement venir en aide au paumé s'étant frotté au mauvais garde au mauvais moment. Cette image d'une armure royale se plaît face à la quintessence de l’inutilité et de lâcheté lui donne de véritables nausées. A quoi joue-t-elle ? Tout en elle résonne dans son armure souillé. Cette garde témoigne d'une réelle envie de se rapprocher du minable. Ce geste mêlait à ces mots et son comportement d'enfant… Quelle image de la Royale donnera-t-elle ! Il faut se détester pour en arriver là.
Sam souffre déjà d’être associé à ce genre d’individu. Elle a peut-être des compétences, mais, même le plus beau des plats, sans goût il n’attirera qu’une bouché des gourmands et l’engloutissant des mendiants. Cette femme manque tellement de valeurs que le garde se demande vraiment si sa noblesse n’est pas que mensonge. Ou alors, sa famille a tout raté.
Il ne veut plus avoir à faire avec elle à présent. Sam aurait préféré ne pas en savoir plus sur sa collègue qui a gâché sa bonne humeur. Elle a représenté le bouleversement de son quotidien, lui mettant en pleine tronche ce qui a de plus détestable et de médiocre. Aucune volonté d’exceller, que des mots sans âme, ni conviction. Est-ce cela la destinée de la Royale ? Dans sa stature exemplaire de patrouille et de son regard vif sur les moindres mouvements, Sam espère qu’elle n’est, comme il le dit au début, que le fond du panier et non la moyenne. De sa position, il ne peut malheureusement en faire le diagnostic.