Marc-Antoine aurait tout à fait pu se fournir chez son armurier habituel. De même, la fortune des de l’Épée étant ce qu’elle était, le jeune homme avait tout à disposition dans la salle d’arme de sa famille. Néanmoins comme tout enfant gâté qui se respectait ; le garde souhaitait plus encore. Il voulait une arme d’exception réalisée sur mesure pour sa noble personne. Ainsi donc il partit se renseigner en ville. On lui avait autrefois conté l’histoire d’une dame capable de forger des armes d’exceptions. A l’époque, elle officiait au palais et confectionnait pour les plus grands nobles et membres de la royauté armes et armures. C’était elle qui allait forger LA POURFENDEUSE DE LUMIERE – nom stupide donné à la prochaine arme du grand dadais.
Iliet – puisque c’était ainsi qu’elle s’appelait – était prématurément partie en retraite. Ainsi, il y avait de cela bien belle lurette que la forgeronne n’avait pas réalisée de commande, du moins de façon officielle. Mais Marc-Antoine n’avait que faire de ce genre de détail. Le jeune homme avait une idée en tête et, à cet instant précis, personne n’aurait pu être en mesure de la lui retirer de son esprit. Il voulait de cette bonne femme qu’elle lui forge une épée sur mesure et c’est ce qu’elle allait faire !
Après avoir noté l’adresse de la jeune dame, Marc-Antoine se rendit audit lieu avant de toquer. Il prit ensuite son air le plus pédant possible et hurla tel un prince venu d’une planète lointaine :
▬ Hey ! Femme ! Tu m’entends ? Femme ! Viens ici ! Allez dépêche-toi. Viens ici femme !
Un vrai gentleman ce Marc-Antoine.
C'est donc difficilement que la jeune femme, dans son beau pyjama entreprit de se lever et d'aller jusqu'à la porte de sa petite maison, qui heureusement n'était pas loin. Encore une fois, elle se félicitait de ne pas avoir dépenser toutes ses économies dans une grande maison. Non, elles étaient bien à l'abri, dans une banque en cas de coup dur. Dans tous les cas, la jeune femme ouvrit difficilement la porte pour voir... un garde ? Ou un aventurier peut-être ? Oh bon sang, en plus il avait l'air pédant au possible, le gars. Il n'était quand même pas venu pour qu'elle lui forge une arme « selon ses critères de qualité ». Sinon... ça allait mal se passer, très mal.
« Vous pourriez éviter d'hurler, putain ? J'ai mal au crâne et on peut pas dire que vous incarniez la sympathie... »
Elle taillait sec, il fallait bien l'avouer mais elle n'était pas d'humeur à jouer les diplomates avec un mariole désireux d'avoir une puissante arme, aujourd’hui. Comment le lui faire comprendre subtilement afin qu'il ne l'importune pas, si c'était bien ce qu'il souhaitait.
« Et donc, vous me voulez quoi ? Je vous préviens, si c'est pour avoir une arme puissante, allez vous faire voir. Je suis pas d’humeur à jouer aujourd'hui. »
Hum. Subtilement hein ? Il allait falloir changer un peu sa définition du terme. Et quelque chose lui disait que l'homme en face d'elle n'allait pas abandonner pour si peu. Une belle journée en perspective. Courage, petite Iliet !
▬ Une arme puissante ? Moi ? MOI ? Mais non. Quelle méprise ! Loin de là voyons. Je viens sonner à ta porte afin que tu me fasses une tarte citron meringuée.
Son air faussement innocent trahissait ses véritables intentions. Sa voix était emprunte d’ironie et le de l’Épée ne tarda pas à adopter un ton plus directif, plus condescendant. En bref un ton plus Marc-Antoinien.
▬ BIEN SUR QUE JE VEUX UNE ARME GROGNASSE. Exécution ! De quoi as-tu besoin ? D’argent ? D’or ? D’écailles de dragon ? D’excrément de béhémoth ? Parle donc femme. Et utilise des termes plus adéquats quand tu t’adresses à moi. Ne sais-tu point à quel homme tu as affaire ?
Bien qu’apprenti garde, Marc-Antoine avait une haute opinion de sa personne. Il n’avait pas envie de négocier des heures durant et espérait que cette méthode d’intimidation suffirait à faire comprendre à la rousse quel était son rôle à jouer dans cette histoire. La Pourfendeuse de Lumière devait être créée par un forgeron émérite et elle disposait d’une bonne réputation. Il était donc logique d’après Marc-Antoine que cette bonne femme accepte de forger la lame d’un preux chevalier tel que lui.
« Alors, dans l'ordre. Quand on veut quelque chose, on le demande gentiment et on évite d'hurler. Surtout quand la personne en face est malade. »
Elle lui faisait vraiment la leçon, comme à un petit enfant qui venait de faire une bêtise. Ah bah, devant un tel mépris de sa part, elle jouait la même carte de lui, en le prenant pour un petit gamin capricieux...ce qu'il semblait être dans tous les cas. Sans compter qu’elle n’avait aucune espèce d'idée de qui était ce malotru qui l'importunait de la sorte dès le matin. Alors autant lui rappeler que le monde ne tournait pas autour de sa petite personne.
« Et non, je n'ai aucune idée de qui vous êtes, mon enfant. Et quant bien même vous seriez le fils du Roi, je m'en laverais les mains. »
Pendant son service à la royauté, elle en avait eu, des demandes de personnes influentes et puissantes. Elle avait appris à garder son calme et à ne pas être facilement intimidable. Alors ce n'était pas un misérable petit gamin comme lui qui pétait plus haut que son cul qui allait l'intimider. Mais bon, il en faudrait plus pour qu'il se démonte, vu l’ego démesuré qu'il semblait avoir. Hum...
« Continuez de m'importuner de la sorte et je vous enfoncerais mon marteau tellement profondément votre misérable derrière que ce dernier ressortira par la bouche. »
Ouch, là, elle n'y allait pas avec des gants, c'était sûr. C'est que ça allait finir en octogone, à ce rythme...
▬ Mon nom est Marc-Antoine de l’Épée, dernier fils de Siméon de l’Épée, et descendant de Conrad de l’Épée, le légendaire guerrier. Je me demande ce qu’ont fait tes ancêtres, toi. A part vivre dans l’urine, s’abreuver de piquette sous quelques étales de poisson et copuler avec des filles de joies dans le but d’enfanter leur descendance ; Je ne vois pas. Aurais-tu l’amabilité de m’éclairer sur ce point ? Du reste, je doute au vu de ton hygiène que tu saches seulement ce que le verbe laver signifie.
Il n’y avait pas à dire, Marc-Antoine avait un certain don pour le verbiage. Si ses aptitudes au combat étaient aussi élevées que celles à discourir et moquer son opposant, il aurait été le plus grand chevalier de tout Aryon. Malheureusement ce n’était pas le cas. Et cela notre héros le savait. Il n’avait pas spécialement peur de cette jeune femme néanmoins il était possible qu’elle soit plus forte que lui – ce n’était pas dur dirons-nous pour être gentil. Ainsi, il jugea bon d’entreprendre une manœuvre visant à promouvoir la désescalade de la violence, en moins dans les propos :
▬ Enfin bref. Voici comment je vois les choses. D’une, vous avez menacé un homme représentant l’ordre en ces terres. Je peux donc légitimement vous envoyer séjourner quelques heures voire quelques jours en prison, chose que je ne ferai pas dans ma grande bonté.
Et aussi parce qu’il n’avait techniquement pas ce pouvoir au vu de son faible rang dans la hiérarchie mais cela, Iliet ne pouvait le deviner. Marc-Antoine possédait certes des traits juvéniles néanmoins sa taille laissait à penser qu’il avait dépassé un certain âge et donc un certain grade.
▬ De deux, vous êtes moins influente que moi. Sans offense, bien sûr. Je ne fais qu’énoncer des évidences. S’il est vrai qu’autrefois vous étiez honorable, aujourd’hui … Hein. Voilà quoi. On s’est compris. Vous auriez donc à gagner à vous associer à ma noble personne.
Le tact n’était pas son fort mais il fit tout son possible pour ne pas offenser la forgeronne.
▬ Si néanmoins vous souhaitez absolument vous battre, soit. Allons-y. Ce sera même une bonne façon de régler ce différend. Je propose que nous réglions ça à l’ancienne. En trois coups gagnants …
Sa mine se voulait sérieuse. Ses yeux bleus perçants entraient en contact avec ceux de son interlocutrice quand tout à coup il termina sa phrase :
▬ A pierre papier ciseau.
Le premier à effectuer la maudite technique du puits était évidemment disqualifié !
« Oui donc ce n'est pas vous qui avez accomplis tout ça. Vous voulez vraiment comparé ce que nous avons fait en tant que personne et et donc nos mérites personnels ? Car j'ai l'impression qu'à part votre famille, vous n'avez pas grand-chose pour vous... »
Elle taillait sévère à la jugulaire, mais elle commençait à en avoir assez de ce personnage et souhaitait juste avoir la paix. C'était trop ? Déjà qu'elle se contenait beaucoup pour ne pas lui mettre son poing dans la figure, alors elle espérait qu'il fasse des efforts de son côté. Mais bon, vu comment ilparlait, ça n'avait pas l'air d'être le cas. Il la ramenait encore.
« Je vous remercie de votre générosité, ô grand patron de la bonté, dépositaire de l'autorité qui harcèle une pauvre femme au pas de sa porte... »
Elle se moquait de lui ? Totalement. Il faut dire qu'elle décuvait encore difficilement et il avait un peu une tête à claque. Son mal de crâne devenait de plus en plus intense à mesure que son interlocuteur parlait, la provoquant même en duel. Sérieusement ? Il n'avait rien d'autre à faire ? À croire qu'il n'était même pas là pour une épée, mais simplement pour lui chercher querelle. Se massant douloureusement les tempes, Iliet tentait tant bien que mal de se contenir, en vain. La dernière phrase qu'il venait de prononcer, avec son air sérieux finissait de l'emmerder...
Un coup de pied partit directement à ce moment, frappant sans ménagement ce qui servait d'organe génital à l'homme qui lui faisait face. Autant dire qu'il était surpris et avait sans doute mal, vu sa réaction de douleur, à se tordre de partout en criant. Iliet elle, pouffait de rire, bien que ça n'arrangeait pas son état.Bon sang, qu'est-ce que ça faisait du bien, de se défouler de la sorte sur un merdeux.
« Tu commences à sérieusement me les briser gamin. Je suis pas d'humeur à jouer avec toi là ! »
Bon, elle était quelque peu énervée, il fallait bien l'admettre. En même temps, il le cherchait bien tout à l'heure et elle n'avait aucun regret pour son geste. Et c'est donc d'un ton accusateur qu'elle pointait son doigt sur lui, en ayant clairement assez de ses pitreries.
« Maintenant tu me laisses tranquilles ou je te casses en deux. Compris le merdeux ? »