Ahlala, si tu savais tout ce que j'ai vécu ces trois derniers jours ! C'est à la fois exaltant et très effrayant. Surtout maintenant en fait... Mais au début, c'était cool !
Enfin, j'étais libre ! Adieu les règles de courtoisies, adieux les servantes reloues qui me disaient comment m'habiller, et quand, et ce que je devais faire, apprendre à faire surtout... Et papa ? On en parle de Papa qui malgré le fait qu'il n'a plus son entreprise à gérer ne passe pas plus de temps avec moi ? Franchement, je ne suis même pas sûre qu'il aurait remarqué ma disparition si il n'avait pas une armée de servante pour me surveiller.
Il doit être triste... D'un côté ça me fait un peu de peine, je l'avoue. Mais d'un autre... D'un autre il l'a bien cherché ! Si il m'avait aimé un peu plus que cela, il aurait demandé un deuxième avis médical avant de me catégorisée comme une hybride bouflonnus et j'aurai eu une enfance bien plus sympa ! La dessus, je suis désolée mais tout est de sa faute à lui et au médecin. En plus, par sa faute, je ne vois quasiment plus Liory depuis qu'il lui a confié les rennes de son entreprise.
Bref, ma vie était vraiment trop nulle, c'est pour ça que je suis partie mon bon journal. Toi tu me comprends hein ? Tu sais que j'ai fais le bon choix, hein ?
T'façon, tu peux pas me répondre, tu n'es qu'un vulgaire entassement de bout de papier... Et je n'achèterais pas d'âme artificielle pour te faire pendre vie ! Je préfère dire que tu es d'accord avec moi, sinon je risque de ne plus t'aimer.
Bref.
Je te disais que ces derniers jours ont été vraiment très difficile. D'abord, parce que même si je suis une hybride Laïum et non Boufflonnus, et bah j'ai froid. Si si, je te jure journal, je me pèle toute seule dans la nature. Bon au moins j'ai pas de soucis pour faire refroidir ma nourriture avant de la manger mais... Mais toute cette neige là, jamais elle s'arrête ? Jamais elle fond ?
Et puis ces arbres ? C'est quand que je trouve la prochaine ville ?! Les premiers jours, j'ai eu de la chance, je me suis glissée dans une carriole qui s'apprétait à partir du Grand port et j'ai attendue, caché sous des couvertures entre des marchandises. Essentiellement de la nourriture, d'ailleurs, ce qui m'a permise de manger à ma faim pendant un moment. Jusqu'à... Jusqu'à ce que je sois découverte et que les marchants en vadrouille me menace de me couper la main pour vol ! Alors j'ai fuit, très très vite, et je me suis caché sous une motte de neige jusqu'à ce que je ne les entendes plus. Et depuis j'ai froid. Et le soir, toute seule, j'ai marché tout droit en regardant les étoiles ! Non parce que regarder les étoiles je sais bien faire ça ! Me diriger avec, beaucoup moins... Pourtant ça devrait pas être compliqué non ?! Elles sont là, je les repère, je fais en sorte qu'elles soient toujours au même endroit et... Et puis y'a eu ce gros nuage ! Et j'ai eu sommeil alors j'ai dormis dans une grotte, et au réveil y'a eu cette bestiole là, je sais même pas ce que c'est ! J'ai couru pour m'enfuir, j'ai même grimpé à un arbre et elle rode toujours dessous ! Elle m'attend, j'en suis sûre ! Comment je vais faire pour redescendre moi ?! Je sais même pas combien de temps ça fait que je suis là ! J'ai faim, j'ai soif, j'ai froid, je suis fatiguée et...
- Merde !
La plume que je tenais glisse de ma main et vient tomber au sol avant que l'espèce de chat géant saute dessus, regardant alors vers le haut de l'arbre tandis que je me recroqueville pour pas qu'il me voit. Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?! Pourquoi faut-il que ça se passe comme ça ?! Moi je voulais juste rencontrer des gens, me faire des amis, qu'ils m'aiment tous et veuillent vivre avec moi !
Mais au lieu de ça... Au lieu de ça je me retrouve au sommet d'un arbre à me faire agresser par un gros félin chelou qui veut très certainement me manger !
C'est tellement pas juste ! Je veux pas finir comme ça ! Je veux être libre ! Je veux... !
- AU S'COUUUUUUUURS ! AIDEEEEEZZZZ MOOIIIIIIII !
Je suis quand même pas toute seule dans ces montagnes non ? Y'a bien quelqu'un qui va venir me sauver ! Papa peut être ? Ou les servantes ?
Ou mieux, Liory ?
- A L'AIIIIIDEEEE !!!
Accroupi immobile à côté d'un rocher, Frey soupira, abandonnant l'idée de poursuivre quoi que ce soit. Il portait une cape de laine blanche, capuche dévoilée pour mieux laisser ses oreilles entendre, une écharpe de la même couleur montait jusqu'au dessous de ses yeux et un bonnet également blanc couvrait son crâne jusqu'aux sourcils. Ses yeux, quant à eux, étaient protégés par une large paire de lunettes de neige en os qui lui donnait une allure presque inquiétante mais qui lui permettait d'observer sans gène ni douleur liée à la réverbération du soleil. Au final, presque aucun bout de peau n'était directement exposé au froid.
Armé d'un arc tenu de la main droite, Frey progressa doucement, précautionneusement. À l'affût de bruits et de mouvements, il guettait tout autour, instincts en alerte, le moindre signe de danger. Il n'avait pas besoin de se concentrer sur la source de la voix, qui donnait bien assez de coffre pour se faire repérer, mais à moins d'une mauvaise blague il y avait un danger dans le coin et il ne tenait pas à tomber sur une meute de wargs affamés comme une fleur. Il était prêt à faire demi tour si jamais, peu importe quoi. La voix, elle, était féminine, très probablement assez jeune.
Parvenant à une distance respectable des lieux du crime, il pu s'arrêter en profitant du couvert d'un tronc pour prendre le temps d'observer la scène et aviser, relevant ses lunettes de neige pour les mettre sur son front et profiter de tout son champ de vision. Il eut un peu de mal à la trouver au début mais il compris bien vite que la personne en détresse était au sommet d'un arbre, fuyant ce qui s'avérait être... Un catosorus juvénile. Il fronça les sourcils, ses yeux rivés sur le prédateur avec un air de méfiance. Y avait-il sa mère non loin ou était-il déjà indépendant ? Inspectant les environs et la neige, d'où il était il ne percevait ni traînée rouge, ni corps, ni autre spécimen. Celui-ci essayait de grimper à l'arbre et, s'il avait du mal, aurait tout à fait pu finir par y arriver.
C'était là un dilemme car même ainsi juvénile, à mi hauteur d'adulte la bestiole faisait déjà presque un mètre au garrot, ce qui était assez pour tuer un humain. Frey fronça les sourcils, dérangé par les cris stridents de la demoiselle perchée, alors qu'il essayait de réfléchir à comment intervenir sans se mettre en danger - car il n'était pas question de tuer cette pauvre bête.
Il se concentra alors, la fixant intensément, et son esprit entra en communication avec le félin via son anneau magique. Mais ce ne furent pas des paroles qu'il lui envoya, plutôt sa plus belle imitation mentale d'un grognement enragé de warg, mélangeant bruits de course effrénée dans la neige, hurlements proches et autres grondements affamés. L'effet fut immédiat et le jeune catosorus passa d'une posture de jeu prédatrice à une peur terrible, sursautant comme pris par surprise, avant de s'enfuir à une vitesse rarement vue chez un animal, tout poil hérissé et feulant face à un ennemi invisible qu'il ne prit même pas le temps de chercher. Frey se sentait presque mal pour l'animal, qui devait être passé au bord de l'attaque panique.C'était la première fois qu'il essayait ça et il ne s'était pas attendu à un résultat si "positif".
Il perdit rapidement le contact visuel avec le félin, ce qui rompit le lien mental, mais le rôdeur attendit une bonne minute, attentif aux bruits de la nature et aux mouvements. Finalement, son arc s'évanouit avant de prendre la décision de sortir de son couvert, sur ses gardes toutefois.
Il s'avança, traçant un sillon dans la neige jusqu'à parvenir à cinq ou six mètres de l'arbre, et leva la tête vers la source de la panique. Il n'y avait guère qu'une bande de peau avec les yeux verts de Frey qui étaient visibles et, ainsi immobile avec cette tenue, il pouvait facilement disparaître dans le paysage s'il faisait un petit effort pour ça. D'ici, il ne voyait pas très bien qui était caché dans l'arbre, à cause des branches, mais il attendait que la personne comprenne qu'elle pouvait descendre.
Je pleure. J'en ai marre ! Je veux... Je veux être au chaud, et avoir à manger, et me blottir contre quelqu'un qui prendra soin de moi, et...
Et je veux plus être là ! C'est trop nul ! Papa avait surement raison, le monde est trop dangereux pour moi. Cela ne fait que quelques jours que je suis partie et déjà je vais mourir.
Mais personne me répond. J'ai beau pleurer, j'ai beau hurler, je suis toute seule. C'est ce que je voulais ? NON ! Non je voulais être indépendante mais avec des gens pour m'aider ! Et là... Là... Là y'a juste un gros chat qui veut ma mort ! Qui veut me manger. Et tandis que je renifle et hoquète de désespoir, je me penche un peu sur ma branche pour voir le montre qui attente à ma vie.
Sauf qu'il y a plus personne.
Alors aussi vite qu'ils ont commencé, mes pleures s'arrêtent tandis que je me penche plus, détaillant le paysage, recherchant toute trace de danger.
Jusqu'à ce que mon regard tombe sur deux billes vertes à peine perceptibles au milieu de blanc. C'est quoi ? Un nouveau monstre ? La surprise me fait avoir un mouvement de recul, juste assez pour me faire perdre l'équilibre et glisser.
- AAAH !
Je tombe. Sans rien pouvoir faire, me faisant fouetter par les branches au passage. Jusqu'à ce que finalement mon manteau se coince dans l'une d'elle et me retienne suspendu au dessus du sol à un mètre de celui, mon pauvre petit sac tombant lui jusqu'à la neige.
Et forcément, la panique me reprend. Qu'est ce qu'il se passe encore ? Je suis vivante ? Oui ! Mais pourquoi j'arrive pas à avancer plus ? Et pourquoi je touche pas le sol ? ET QU'EST CE QUI SE PASSE BORDEL ?!
Un instant, dans ma panique, je prends le temps de regarder autour de moi pour tenter de trouver une solution ! Et je les revois ! C'est yeux ! Et maintenant que je suis plus proche du sol, j'arrive à distinguer une forme blanche au milieu du paysage blanc !
- Au'scours ! S'il vous plait ! Aidez moi !
Cette position est vraiment inconfortable. Pire que ça, elle me fait mal ! Alors s'il vous plait ! A l'aide !
Ce n'était pas un monstre toutefois et il finit par s'approcher de ce qui s'avérait être une... Presque une enfant ? Une adolescente, tout du moins, peut-être seize ans à première vue. Portant la main gauche à sa ceinture sous sa cape, il dégaina alors ce qui était très clairement un couteau de chasse, d'une bonne dizaine de centimètre, dont l'éclat luit à la lumière un instant avant qu'il ne s'arrête brusquement à un mètre de la personne, arrêtant le geste qu'il s'apprêtait à faire, l'arme toujours en main. Il était difficile de le remarquer mais l'expression de son visage venait de changer, soudainement méfiante, sourcils froncés. Son instinct lui disait brusquement que quelque chose clochait, flairant un piège mortel alors que son regard restait intensément fixé sur les deux cornes de la jeune fille. Deux cornes ??
Modifiant subtilement sa prise sur le manche de son couteau, quelque chose changea dans sa posture. S'il n'était déjà pas très loquace, de subtils indices dans son langage corporels pouvaient mener à l'inquiétude.
Le ton sec entendait bien avoir une réponse. Il y avait quelque chose qu'il n'appréciait pas du tout dans cette sorte de blague que lui faisait la montagne.
Voilà déjà deux fois qu'on lui parlait de ces créatures, et deux fois qu'il tombait sur une jeune fille en pleurs, isolée et vulnérable à un endroit improbable de la montagne, possédant des cornes et n'attendant que le voyageur imprudent. Et à en juger par ses habits pas vraiment adaptés à la survie au froid de ce qu'il en percevait, il y avait clairement quelque chose de pas normal. Pas normal et qui réveillait ses instincts animaux.
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