L'enchanteur était particulièrement occupé en cette matinée. Après avoir fait tant de ventes, il devait se fournir en matériaux pour fabriquer de nouveaux sortilèges, et c'était loin d'être gagné. Courir à droite, à gauche. Essayer de se trouver des fournisseurs fiables qui transportent aussi loin. Si certains ont des agents avec des pass de téléportation pour emporter aussi loin les marchandises dont Almassar a besoin, une bonne partie de ses contacts doivent être refaits localement pour s'assurer un ravitaillement constant à cette nouvelle petite boutique qu'il a acquis. Et il en est très fier de cette dernière, lui ayant même trouvé un petit nom : Aux portes du blizzard. Un rappel des aventures qu'il a vécu en arrivant dans le grand nord, et aussi de ce qu'il propose en matériel. Si les évènement climatiques régionaux sont létaux, l'homme se targue de pouvoir proposer divers enchantements et objets pour pouvoir lutter contre. Bien sur, certains travaux sont encore au stade théorique et il aura besoin de nouveaux tests dans ses recherches, mais il avance bien.

Mais si tout cela traverse les pensées d'Almassar tandis qu'il franchit les portes de son petit établissement pour ranger ses achats, remettre en place les étagères et les produits présents dessus, il est surtout occupé par une autre préoccupation. En effet, il a envoyé une missive à la forgeronne en lui demandant de venir, justement à propos de ce qui le tracasse. Le petit flocon qui a été béni par Lucy durant la nouvelle année et qui semble source de recherches encore inédites. L'homme a déjà des idées pour en faire quelque chose, mais pour cela il a besoin d'aide. D'une aide qu'il ne peut se fournir lui même. Un objet si précieux doit être protégé, tout en pouvant être porté. Et pour cela, il a besoin de l'aide de sa forgeronne d'amie. La lettre qu'il lui a envoyé était bien sur au mieux cryptique, cela va sans dire :

-"Bonjour Sia,

J'espère que cette lettre te trouvera en bonne forme. Toi qui souhaitait que l'on parle travail au Solstice, j'ai justement quelque chose à te demander vis à vis de cela. Oh, et aussi pour discuter de ton projet de forge, si jamais le cœur t'en dis.

Si tu peux passer le plus rapidement possible à la Forteresse pour que j'en discute avec toi, c'est assez important et urgent. Joint avec cette lettre est une adresse, celle de la petite boutique que j'ai décidé de louer dans la ville, vu le temps que j'y passe. Ce sera plus aisé que de toujours revenir à la Capitale, surtout si nous sommes amenés à collaborer bien plus activement.

A très bientôt je l'espère;

Almassar."

Aurait-il pu expliquer plus en détail de quoi il s'agissait ? Oui, mais en même temps il préfère éviter. Ce petit flocon enchanté représente bien des choses. Peut être un tout nouveau domaine magique à explorer cartographier. Et possède au minimum le potentiel pour devenir un objet puissant. Quelque chose capable d'infuser de deux magies différentes... Nombreux seraient ceux prêts à tuer pour un tel objet, ou pour la simple idée de pouvoir l'étudier. Et ça, Almassar en est très malheureusement au fait, ne connaissant que trop bien cet appétit de savoir qui les anime tous, dans cette branche de la magie. Déjà qu'il n'est pas sur de confier à la demoiselle l'étendue des possibles, même si il l'apprécie. Nul ne sait ce qu'il peut arriver et se passer après tout. Et tant qu'il n'a pas été enchanté, le cristal ne reste qu'un simple petit morceau magique vierge et sans défense.

Cela fait déjà quelques jours. La missive a eut le temps d'arriver, et l'enchanteur ne peut s'empêcher d'espérer qu'a chaque fois, la prochaine personne à passer la porte sera la fameuse demoiselle qu'il attend. Non pas qu'il refuse un client, mais il aimerait vraiment ranger cette inquiétude dans un coin de son esprit et savoir son nouveau trésor en sécurité... Et éviter qu'un potentiel acheteur le voie en train de ranger boite sur boite de fioles emplies de diverses poudres, liquides, fluides, cristaux, ainsi que divers réactifs nécessaires à l'élaboration des différents enchantements utilisés au quotidien.

Et quand le petit carillon de la porte d'entrée sonne, Almassar ne peut s'empêcher de se redresser et d'espérer que ce soit enfin la forgeronne qu'il souhaite voir qui se presse ainsi à l'entrée, et non un inconnu... Ce qui l'inquiète, en un sens. Avec la finesse de la jeune femme, elle serait capable d'attraper le premier objet magique pour l'essayer. Et en fonction de son choix, le résultat pourrait s'avérer très problématique.

Je ne reçois pas souvent du courrier à la forge, le plus souvent, les demandes affluent plutôt du côté de la guilde. Alors forcément quand j’ai vu cette lettre à mon attention, je n’ai pu m’empêcher d’être curieuse. En voyant qu’elle venait d’Almassar, ma curiosité a encore été bien plus piquée. Et vu ses mots, il faut que j’aille le rejoindre au plus vite. Prise d’un sentiment d’impatience mêlée à l’excitation de ce que l’enchanteur peut me présenter, j’ai prévu d’aller le retrouver dès le lendemain. Équipée de mon sac sans fond avec tout le matériel dont je peux avoir besoin aussi bien en tant qu’aventurière que forgeronne, des vêtements longs pour traverser la montagne et la neige, une bonne cape épaisse sur les épaules ainsi que sa capuche remontée pour me protéger le visage, je rejoins au plus vite la Forteresse. Je ne crois pas avoir déjà fait ce chemin aussi rapidement.

Une fois arrivée aux portes de la ville, je ressors le petit papier où est noté l’adresse de la boutique de l’enchanteur. Le froid est des plus mordants désormais, et ici il ne pardonne pas. Même moi qui m’y habitue porte aujourd’hui des mitaines pour ne pas geler mes doigts. Un petit nuage se forme devant ma bouche alors que je marche rapidement à travers la ville. J’ai une idée approximative de l’emplacement de la boutique, devenue habituée à explorer le quartier des Ingénieurs. Quand enfin il me semble être arrivée au bon endroit, je cherche autour de moi jusqu’à trouver l’enseigne de mon ami. Je souffle un rire en lisant le nom. Cela ne m’étonne pas vraiment de lui, trouver un nom pouvant être interprété de différentes manières.

Je pousse la porte de la petite échoppe où une pancarte « Ouvert » indique que l’enchanteur est présent. Le décor ne me surprend qu’à peine. Quand j’ai lu qu’il avait décidé de s’installer à la Forteresse, j’ai tout de suite imaginé à quoi pouvait ressembler la boutique d’Almassar. Et ce que j’ai imaginé ressemble fortement à ce que je vois. Je fais un pas, commençant à être intriguée par une étagère où différents objets sont disposés, mais je me fais intercepter rapidement.

« Alma ! »

Je suis réellement contente de voir l’enchanteur. Je lui affiche un large sourire, oubliant pendant un instant ce qui a attiré mon attention. Je le salue alors et tiens à le féliciter pour cette acquisition.

« Contente de te voir. Je suis venue aussi rapidement que j’ai pu après avoir reçu ta lettre. Bravo pour ta boutique ! Tu peux être sûr que je vais venir bien plus régulièrement maintenant. »

Je sors alors la lettre qu’il m’a envoyé de ma poche. La lui montrant avec un petit sourire.

« C’est quoi ce travail si important et urgent dont tu voulais me parler ? Explique-moi tout et satisfait la curiosité que tu as éveillé avec ce message très vague. »

Je bous déjà d’une certaine impatience. Je ne sais pas ce qu’il me veut, abaissant simplement ma capuche et attendant de voir ce qu’il me veut pour sortir le matériel dont je vais avoir besoin.

Un sourire étire les lèvres de l'homme quand il reconnait son amie. Et bien sur, sans surprise, il la voit déjà intéressée par certains des objets présents. A vrai dire, il n'aurait rien contre se faire dévaliser une seconde fois sa boutique, après tout, les cristaux sont toujours une denrée précieuse et vitale... Mais aujourd'hui, il a autre chose en tête. Quelque chose de bien plus important que l'argent, et c'est profiter de la présence de la demoiselle. Bon, ce n'est pas uniquement cela, le travail est important aussi, et il ne lui a pas envoyé une telle lettre simplement pour la voir. Mais impossible de nier que lui aussi, il est heureux de retrouver Sia et en bonne santé. Se rapprochant de la forgeronne, il l'écoute rapidement enchainer, l'air presque aussi excité qu'il peut l'être. Il aime cette énergie qui se dégage toujours d'elle, cet optimisme et cette volonté sans failles qui exsude de chaque pore de sa peau. Avec un léger rire, il vient lui répondre.

-"Bonjour aussi à toi Sia, ça fait plaisir de te voir ! Et merci pour la boutique, vu tout ce que j'ai à faire dans la région, je me suis dis que ce serait plus logique d'ouvrir directement une petite succursale ici. Je passe presque plus à la capitale et je songe même cesser mes activités la bas, une fois certaines affaires terminées, et si tout marche bien par ici."

Alors qu'elle agite la fameuse lettre, le sourire de l'homme vient s'élargir. Il était volontairement obscur dans sa demande pour titiller sa curiosité, et la pique semble avoir prise. Sans hésiter, il vient inviter la jeune femme dans l'arrière boutique, et la laisser s'installer dans l'un des fauteuils si elle le souhaite. Lui même s'occupe de préparer à faire chauffer un peu d'eau, venant demander.

-"Alors, avant que j'explique, tu souhaites boire quelque chose ? Café, thé, de l'alcool ? Tu te doutes bien que j'ai fais quelques réserves de ce coté, au besoin."

Le ton de voix amusé ne peut mentir sur l'utilité probable de ces réserves. Avec les journées de travail qu'il s'inflige en ce moment, un peu de réconfort liquide ne fait jamais de mal. Alors que l'eau bout, pivote vers la belle fleur pour la détailler de bas en haut. En effet, le pot de fleur s'épanouit sous le soleil de givre, impossible de dire le contraire. Croisant les bras sur sa chemise, l'enchanteur penche la tête, laissant échapper un léger craquement suivi d'un soupir d'aise. Définitivement, il est tendu en ce moment, un peu trop pour son bien. Et la présence de son amie risque d'aider à le détendre, au moins légèrement.

-"Alors, comment expliquer ça. Bon, commençons par la demande. Il me faudrait un bracelet fait sur mesure, à porter à l'avant bras. De quoi couvrir au moins la moitié de la zone, et particulièrement solide mais pas trop lourd. Et qui doit permettre de catalyser efficacement la magie."

Une bagatelle en somme, vraiment. Absolument rien qui puisse être particulièrement difficile à faire, juste de quoi se ruiner en cristaux et demander un bon moment de travail. Une demande aussi commune qu'un marteau de forgeron, quoi. Et encore, ce n'est que la partie simple des explications. Se mordillant la lèvre, il enchaine.

-"Je voulais donc savoir ce que tu pouvais me proposer ou me faire à ce sujet, sachant que cela risque de servir au combat. Je ne l'espère pas, mais c'est une éventualité que je préfère prendre en compte dès maintenant. Et pour les cristaux... Je suis prêt à mettre le prix, il me faut une pièce unique et la qualité qui va avec. Et je te fais confiance à ce sujet."

Une confiance qui risque de lui couter cher en cristaux... Mais il évalue le prix des bonnes choses. Et au vu de l'artefact qu'il souhaite protéger, ainsi que de ce qu'il pourrait en faire, mieux vaut dépenser une seule fois une fortune que de risquer de perdre bien plus, et peut être sa seule piste sur ce nouveau champ magique qui pulse sous ses doigts.

« Du thé s'il te plait. »

Je m'installe alors que mon ami fait chauffer de l'eau. Je retire ma cape qui révèle des vêtements particulièrement longs pour mon habitude. Je n'aime pas devoir porter des vêtements si longs, mais avec ce froid et cette météo, je n'ai pas vraiment le choix. Si je dois me mettre à travailler rapidement, je dois être dans les meilleurs conditions possibles. Je ne vais pas risquer de geler mes membres par fierté, je dois y aller doucement encore sur cet entrainement, je n'ai pas la résistance de Lyle qui a grandi dans ce climat.

Je pose ma cape sur l'accoudoir d'un fauteuil et m'y installe confortablement en observant mon ami. Je profite qu'il parle pour sortir mon carnet et de quoi écrire de mon sac sans fond. J'aime pouvoir ainsi m'occuper les mains et noter tout ce qui me semble important pour éviter de faire répéter ou d'oublier des détails après coup. Je note tout de même la proposition d'un verre d'alcool en esquissant un sourire, mais nous sommes là pour travailler avant tout. Se détendre avec ce liquide désinhibant devra attendre.

J'affiche alors un air plus sérieux, commençant à noter les détails de sa demande. Un bracelet ? J'arque un sourcil sans pour autant relever la tête, continuant de prendre des notes sur ce qu'il dit. Je tique légèrement sur le fait de catalyser la magie. En soit la demande n'est pas compliquée, mais c'est trouver les matériaux qui permettent cela qui va être plus difficile. Il continue, étant ouvert à mes propositions. Je souffle doucement, réfléchissant déjà aux possibilités et coûts possibles. Je relève d'un coup la tête quand il parle du prix, prêt à mettre le nombre de cristaux qu'il faudra. J'étire un large sourire, voilà ce que je voulais entendre.

« J'espère que tu as pu faire de belles économies et que tes affaires fonctionnent vraiment, parce que là tu vas vraiment devoir y mettre le prix. La main d'œuvre risque d'être ce qui va te coûter le moins cher dans ta demande. »

Je croise les jambes et pose mon carnet dessus, je tends les mains et commence à compter sur mes doigts tout en parlant.

« Si tu as besoin d'un bon conducteur ou catalyseur magique, ce sont les matériaux qui vont te coûter le plus. Heureusement pour toi, j'ai quelques contacts ici à Forteresse qui devraient pouvoir nous conseiller et fournir ce qu'il faut. Après ça, il faut un fourneau capable de le faire fondre. On ne fait pas ça avec n'importe quel matériel, et même si j'aime beaucoup la forge de Lyle, je préfère faire cela avec une forge plus adaptée et qui peut monter à plus haute température comme on peut en trouver dans le quartier. Et là encore, mon contact doit pouvoir me faire louer ce qu'il faut. La technique n'est pas compliquée, mais elle doit être précise, pas sans risque, donc là aussi il y a un cout supplémentaire. Enfin, on va discuter des mesures et du style que tu veux, si tu veux un truc unique, autant en profiter pour faire un truc qui te convient parfaitement. Et c'est devenu ma spécialité de faire des armes et armures sur mesure, alors c'est une occasion parfaite pour moi. Pour le design, tout est possible tant que ça te plait. Et enfin le temps de travail. »

Je prends une petite pause, calculant mentalement le temps qu'il me faut pour une telle demande. Je me suis beaucoup améliorée dernièrement, les entrainements de Lyle me faisant gagner en précision et vitesse de travail. Le froid de la météo n'est pas idéal et a tendance à venir perturber les phases de refroidissement et de monter en chaleur, des petits détails qui peuvent ajouter du temps.

« Je dirais une grosse journée de travail, voire une journée et demi. Tout dépendra des finitions et détails que tu veux pour donner du style à ton bracelet. Le plus long, ça va être de trouver une forge disponible pour que je travaille, les matériaux et la négociation avec les fournisseurs. »

Je pense avoir fait le tour, je me détends un peu, m'enfonçant dans le fauteuil en regardant mon ami, un petit sourire sur les traits. Je reprends mon crayon, prête à ajouter des notes et surtout à commencer un croquis de ce qu'il veut.

« Alors maintenant, j'ai besoin de plus de détails. On choisira les matériaux ensemble en fonction des performances dont tu as besoin, mais j'ai besoin de savoir à quoi il va te servir pour te faire un objet adapté. Je commence à te connaître un peu Alma, tu n'as pas besoin de forcément tout me dire si tu veux garder tes petits secrets, mais plus j'aurais de détails, mieux ça sera. »

Je lui offre un sourire confiant, mais aussi, je l'espère, rassurant. L'enchanteur semble déterminé et motivé, alors je suis curieuse de ce qui le met ainsi.

Il a su capter la curiosité et l'attention de Sia avec sa demande. Bien sur, il commence à savoir comment parler à son amie, et l'évocation d'un projet demandant un très haut niveau, énormément de précision, des matériaux rares et précieux dont tout forgeron rêverait de travailler, le tout combiné avec un budget qui n'a pour ainsi dire aucune limite. Un cocktail explosif, et l'excitation de la forgeronne résonne en harmonie avec celle de l'enchanteur. Maintenant qu'il l'a accrochée à son projet, il la voit de plus en plus passionnée, et déjà les questions se pressent à ses lèvres. La théière siffle, et rapidement il vient servir deux tasses pour en poser une devant la demoiselle, la seconde de l'autre coté du bureau tandis qu'il s'installe face à elle. Sa première remarque le fait rire, et il hoche de la tête de façon vigoureuse tout en soufflant sur son thé pour le faire refroidir. Croisant les jambes il se penche en arrière dans son fauteuil, profitant d'un peu de confort. Il est avec une amie après tout, il n'a pas à être aussi formel qu'habituellement.

-"Oh oui, ne t'en fais pas. J'ai fais il y'a peu une vente qui se compte en milliers de cristaux. Je sais que je devrais pas le dire car tu vas me faire gonfler la facture, mais je profite justement de cette vente particulièrement soudaine et rentable pour réaliser un projet personnel qui me tient à cœur."

Il aurait bien continué, mais il voit que la forgeronne veut continuer, prise dans son élan. Sortant son propre carnet, Almassar la laisse s'exprimer librement et il profite de cela pour continuer à écrire. En effet, outre ce qu'il est en train de lui expliquer, il a déjà quelques croquis ou concepts théoriques. Les points qu'elle soulève sont particulièrement intéressants et souvent il hoche du chef pour signifier qu'il continue d'écouter. Beaucoup d'informations s'enchainent rapidement et il est obligé de toutes les noter pour pouvoir en faire sens. Il laisse Sia totalement dérouler sa pensée, et quand enfin elle lui parle du temps, l'enchanteur arque un sourcil et redresse la tête, surpris d'avoir une estimation aussi courte.

-"Je ne pensais pas que tu pouvais me faire cela aussi vite. Tu ne comptes pas te tuer à la tâche tout de même j'espère ? Autant j'apprécie vraiment que décides d'y mettre tout ton cœur, autant je vais quand même m'inquiéter pour ta santé si jamais tu ne fais que cela jour et nuit."

Une gorgée de thé, une seconde. Une grande inspiration tandis qu'il se prépare à enchainer les réponses qui ont leur importance, et surtout qui prouvent la confiance qu'il commence à porter en cette jeune femme au tempérament explosif mais particulièrement appréciable.

-"Pour les détails techniques, je dois dire que je n'y comprends pas grand chose. Juste que tu as besoin d'une forge particulièrement puissante dans les environs. Je n'ai pas tes contacts donc je te laisse choisir le cadre que tu préfères pour travailler. Tu me dis où tu veux travailler, combien ça te coute. Où tu veux dormir si tu restes ici et combien je dois payer. Pareil pour les matériaux, prends ceux que tu estimes les plus purs et de meilleure qualité, même si le tarif est élevé. Je ne compte pas te lier les mains ou regarder tout ce que tu vas faire et dépenser. Je te fais confiance pour me faire un prix et une facture juste, sans abuser de ma confiance. Donc considère que tu as les mains libre, dis moi juste combien je dois payer pour que tu puisses travailler dans les meilleures conditions possibles et avec les matériaux les plus purs que tu arrives à trouver."

Vient ensuite la partie bien plus technique qui le concerne. Ce qu'il souhaite réellement, et pour faire quoi. Elle respecte son envie de secrets, tout en assumant que moins il parlera, plus il sera compliqué de faire ce qu'il souhaite. Tournant quelques pages, il vient les arracher de son carnet avant de les glisser sur la table vers son amie. Dessus, des notes, principalement des relevés magiques et d'examens d'un petit flocon cristallisé. Le tout est un peu décousu et très orienté sur l'aspect ésotérique et théorique, mais c'est une base. Surtout qu'il enchaine rapidement de ses mots.

-"Ce que je vais te confier doit rester entre nous. Durant la nouvelle année, Lucy à répondu au vœu que je lui ai fais... Durant le solstice, j'ai trouvé un petit flocon de neige cristallisé. Sans aucune magie, juste un objet qui m'a attiré par sa pureté. Et après avoir prié la Déesse, j'ai senti quelque chose dedans. Elle l'a modifié, elle en a fait un objet capable d'être utilisé comme catalyseur magique."

Nouvelle gorgée, les traits à la fois passionnés et concernés. Il va lui confier quelque chose qui peut être particulièrement dangereux. Mais elle même avec sa fleur et ses dons convoités, plus que quiconque, peut comprendre le danger d'être au courant de telles puissances et de les avoir en sa possession.

-"Mais ce n'est pas tout. Le vrai cadeau de la déesse n'était pas un simple flocon de neige magique. C'est qu'après l'avoir examiné, l'avoir analysé avec mon pouvoir... Je me suis rendu compte qu'il était assez puissant pour posséder plusieurs magies. En même temps. Ce n'est pas un objet de pouvoir comme les autres. C'est un artefact capable de manipuler, maîtriser et stocker deux sources de magies totalement différentes. En même temps. Et arriver à les activer malgré tout. Si ce n'est pas clair, imagine un objet qui serait capable en même temps de cracher des flammes et en même temps du givre. Voir de produire des lances de givre brulant d'un feu magique, et tu auras une petite idée de ce que cet objet représente."

Un grand soupir, alors qu'il est à la fois bien plus tendu d'avoir craché le morceau, mais détendu d'avoir tout dit à la forgeronne. Les traits légèrement tirés, il vient se mordre la lèvre pour finir.

-"Je cherche donc un bracelet capable de le protéger de ce qui pourrait lui arriver, car j'ai peur de sa solidité, tout en étant capable de lui permettre de déchainer son plein potentiel sans retenue. Et j'ai envie de porter cela sur moi car il se peut que je m'en serve et l'enchante pour pouvoir me défendre, si besoin est."

Maintenant qu'il a tout dit, il redresse le regard vers son amie, examinant ses réactions, son visage, ce que ses mots provoquent en elle. Après tout, outre un projet particulièrement complexe, c'est aussi quelque chose de potentiellement tout aussi dangereux qu'ils tiennent sous les doigts en cet instant.

Je souris aux réponses de mon ami. Il s’inquiète pour moi, et je trouve cela attendrissant. Je souffle même un petit rire. S’il savait le rythme que me force à avoir Lyle parfois, ce qu’il me demande est presque comme des vacances à côté. Je récupère ma tasse de thé pour en boire une gorgée après avoir légèrement soufflé dessus pour en refroidir la surface. Je repose la tasse après avoir pu y goûter et récupère ce que me tend l’enchanteur. Je le lis, même si je ne comprends pas tous les concepts abordés, je comprends le principal. Ce sont surtout ses paroles qui viennent éclaircir ma lanterne. Je n’ai clairement pas ses connaissances en la matière, mais il a quand même su éveiller ma curiosité.

« Tu es en train de me dire que la Déesse elle-même t’a permis d’obtenir un objet aussi fantastique ? »

J’avoue ne pas vraiment en revenir et cette question souligne plus ma surprise que le fait que je ne crois pas ses paroles. Je reste un petit moment sans rien dire, réfléchissant au poids de ses paroles. Ce qui est certain, c’est qu’un tel objet va avoir de réelles convoitises et qu’il est très important aux yeux de mon ami. Et je comprends bien pourquoi il est tendu. Je suis bien placée pour savoir qu’un pouvoir convoité peut vous mettre facilement en danger.

« D’accord, je comprends mieux ta demande et ton empressement. »

Je repose le papier et prends un moment pour réfléchir aux conséquences. Je dois créer un objet qui permettra à mon ami d’utiliser les capacités de ce cristal si particulier tout en le protégeant et en s’assurant qu’il ne gêne pas l’enchanteur.

« Le brassard en lui-même, une journée, pas plus. Et il y a un mais. »

Je prends un air très sérieux, perdue dans mes pensées. Je croise les mains et regarde légèrement dans le vide, réfléchissant en même temps que je parle.

« Faire un bon alliage ne sera pas difficile en soi, le seul problème restera toujours le poids et la solidité. Je peux te faire quelque chose de réellement résistant et léger pour protéger ton cristal sans problème. Le souci va être sur la capacité à catalyser la magie. »

Je reporte mon attention sur son regard. J’ai évidemment une solution en tête, mais je ne pourrais pas faire cela seule.

« J’imagine parfaitement que tu vas vouloir enchanter un tel objet pour renforcer les effets en plus de mieux diffuser la magie de ton cristal. Mais vraiment, avoir les trois critères sera compliqué. La solution que j’ai, c’est d’avoir un brassard assez basique rassemblant les deux premiers critères. Jusque-là, c'est la partie très facile du travail que je peux faire seule. »

J’ai beau retourner le problème dans tous les sens dans mon esprit, je ne vois que cela.

« Pour le dernier critère, on va devoir travailler conjointement. Je suppose que tu as pu étudier ou aborder les circuits magiques et leurs équivalents. Je suis sûre que tu as même des idées poussées sur le sujet. Je te propose donc d’engraver ton brassard avec un métal qui aura l’avantage d’être un excellent catalyseur, léger, mais qui a le défaut de ne pas être résistant. Une base solide et facile à manipuler et des filets de cette matière pour pouvoir diffuser la magie dans tout le brassard. Je m’occupe de la manipulation du métal et de l’incruster dans ton brassard, mais tu dois me dire comment tracer les circuits et surtout, il faut que l’on trouve un minerai qui te convienne. »

J’esquisse un petit sourire.

« Pour faire simple, outre la qualité et pureté, il arrive qu’un individu résonne mieux avec un minerai qu’un autre. L’idéal serait que tu m’accompagnes pour choisir celui qui t’irais le mieux. Et pour incruster ainsi un autre métal en faisant des circuits, il me faudra surement deux journées complètes de travail. En plus de la première. Sûrement trois pour m’appliquer le plus possible. »

Je récupère ma tasse de thé pour en prendre une gorgée avant de reprendre la parole sur un ton bien plus léger.

« Bien sûr, tant que tu me laisses apposer ma signature sur un tel objet, je suis prête à te donner un prix des plus raisonnables sur la main d’œuvre. Après tout, ce n’est pas tous les jours que l’on peut croiser un tel projet, et je ne tiens pas à le laisser m’échapper. Alors, tu en penses quoi ? Des réquisitions, cher client ? »

Bien sur ses explications passent un peu en travers de la gorge de la forgeronne. Lui même a du mal de s'expliquer le phénomène, comment, en priant Lucy durant cette nuit du nouvel an, ce qui était une simple petite babiole qui a attiré son oeil par sa pureté et sa beauté s'est transformé en un objet avec tant de possibles. Comment est apparu sur son sac sans fond un protège-arrière qui n'était pas la quelques instants auparavant. Il est obligé d'être sceptique, mais face à de telles preuves, difficile de nier les faits ou la réalité. Heureusement, elle semble le croire et prêter crédit à son histoire, aussi surprenante qu'elle puisse paraître. Mieux encore, elle se montre compréhensive de la situation. Un sourire plus doux nait sur les traits d'Almassar, soulagé, avant de s'élargir pour radier en regardant son amie.

-"Merci à toi de comprendre... Et de répondre à mon besoin de rapidité et de sécurité. Ça compte beaucoup pour moi."

Puis la conversation revient au temps. Vraiment, elle peut fournir cela dans un délai particulièrement rapide, et cela ne peut que rassurer l'homme. Mais bien sur, une proposition si parfaite ne pouvait pas être sans un "mais". Ce dernier résonne tel un couperet, sans pour autant être surprenant. Almassar s'y attendait, et même si son teint blanchit légèrement et que son visage se ferme, il continue d'écrire et de noter ce que lui explique de façon si patiente la forgeronne.

Elle promet pouvoir lui fournir solidité et légèreté, mais au cout de la magie. C'est très problématique, et déjà l'esprit de l'homme tourne l'équation dans tous les sens à rechercher la solution. Ils planchent à deux sur le même sujet, de deux angles différents. Les solutions ne sont pas très nombreuses, et finalement ils arrivent assez vite sur le même champ des possibilités.

Sia évoque les circuits magiques, et tandis qu'elle continue, l'enchanteur s'attaque déjà à tracer les lignes et les courbes dont il aurait besoin dans un tel objet. Bien sur, cela devra être calqué et adapté au croquis du bracelet, mais c'est déjà du temps de gagné. La pointe de son crayon gratte à un rythme frénétique sur le papier, entamant une forme indescriptible, aux angles et courbes multiples. Un moyen de faire parcourir l'intégralité de l'objet des flux magiques, au besoin. Vient ensuite la question des métaux et des minéraux, qui fait redresser la tête à Almassar. C'est elle l'experte et il vient hocher du chef en se mordillant la lippe, faisant rouler cette dernière entre ses dents pour réfléchir intensément. Quand enfin elle lui rend la parole, il la reprend avec une passion qui ne fait que toujours plus s'enflammer, ce défi titillant les parties les plus agréables de son intellect.

-"Je commençais à songer à la même chose. Vouloir rendre réactif l'intégralité du bracelet à la magie ne ferait que l'affaiblir, alors qu'il suffit de créer des canaux magiques dans laquelle la focaliser. En plus, on peut directement faire cela sur la surface interne et ainsi éviter de fragiliser la structure et les parties qui subiront les chocs. C'est la méthode la plus complexe, mais la plus efficace à laquelle je puisse songer. Une trame qui part du cocon protecteur que tu feras pour y déposer le flocon, et qui traverse tout le bracelet. Ça demandera un travail énorme pour en couvrir presque toute la surface interne, surtout de lignes si fines et si précises, mais le résultat peut en valoir la chandelle."

Il s'agite un peu et se secoue sur sa chaise, déjà pris de fourmis. Pas qu'il reste depuis trop longtemps immobile, non. C'est simplement l'excitation de pouvoir avancer sur un tel projet qui s'empare de ses membres et lui donne envie de bouger, mettre cela en action. Il voulait enchainer, mais c'est Sia qui termine en lui reprenant la parole. Lèvres entrouvertes, il reste silencieux le temps d'absorber les dernières informations, qui lui arrachent un sourire. Un prix, pour permettre à son amie de se faire connaître ? Il semble gagnant sur toute la ligne et hoche de la tête, d'une voix vibrante d'émotion.

-"Voyons Sia, si cela peut aider à te faire connaître, bien sur que je vais te laisser mettre ta griffe dessus. Que tous puissent découvrir ce dont tu es capable. Ce serait cruel de ma part de t'interdire une reconnaissance que tu mérites tant, surtout au vu de ce que tu souhaites me faire. Tu es en train de me préparer une véritable œuvre d'art."

Un rire, alors qu'il vient se redresser franchement en tapant dans ses mains. Attrapant son sac sans fond il le rapproche, gardant son carnet et son crayon posé sur la table, avant de venir se saisir de son manteau. Il fait froid mine de rien dehors. Et tout en s'agitant pour se préparer à sortir, il continue de parler.

-"Et chère artisane, la seule réquisition que j'ai à formuler est : Aux courses alors ? Si tu as besoin d'un à deux jours de travail pour le bracelet, comptons trois de plus pour les circuits et s'assurer qu'ils soient parfaits, autant se mettre tout de suite en route, non ? Surtout que tu dois me présenter ces fameux minerais pour trouver celui avec lequel mes talents réagiront le mieux, si j'ai bien compris. Et c'est toi qui connait les vendeurs locaux. Sauf si tu as envie d'emprunter des échantillons et de revenir avec eux pour faire nos tests tandis que je viendrais tranquillement savourer la quiétude et le calme de ma boutique en te pensant ainsi sous la neige et les négociations acharnées..."

Il termine sa réponse d'une voix très clairement amusée, offrant même un clin d’œil à la forgeronne de cette petite pique, l'air déjà prêt à partir si elle le souhaite, s'arrêtant soudainement en tiquant.

-"Sauf si tu préfères faire les mesures avant ? C'est toi l'experte, donc tu me dis comment tu veux faire ça."

Alors nous sommes arrivés à des conclusions similaires. Ça me rassure un peu et me conforte dans mon idée. Je hoche doucement de la tête en écoutant l'enchanteur. Je commence à parfaitement visualiser le travail à fournir et les méthodes à utiliser. Je commence à esquisser un croquis grossier de mon idée principale : un brassard -ressemblant plus à un gros bracelet, plus léger et plus facile à manipuler pour le gabarit de l'enchanteur- avec une ouverture côté peau pour y mettre le cristal et les circuits qui en partent pour traverser tout l'objet. L'idée n'est pas difficile à réaliser, elle demande juste beaucoup de minutie et de temps. Je peux même imaginer une sorte de médaillon où enchâsser le cristal et qui permettrait d'ainsi l'enlever et remettre à la guise de l'enchanteur selon les expérimentations qu'il souhaite faire avec. Il faudra que je lui propose cette idée, mais pour le moment, il semble vouloir foncer tête baissée, motivé et excité à l'idée d'avancer sur ce projet.

Je souris tout en prenant une gorgée de thé, écoutant cette fois l'histoire sur le fait d'ajouter ma griffe. Almassar ne le sais pas, mais je travaille depuis des lunes, voire des années, à trouver et concevoir une armure pouvant convenir au corps si particulier de Sio. Je n'ai toujours conçu que des prototypes jusqu'à maintenant, son corps trop changeant ne me permettant pas encore de lui faire une armure définitive. Un travail comme celui qu'il me demande, je m'y suis déjà essayée pour en développer les techniques. Certes, je n'avais pas un tracé de circuits magiques correct ni des matériaux aussi précieux, mais désormais que j'ai pu m'habituer à des travaux bien plus rigoureux et fins avec Lyle, je me sens parfaitement apte à créer cet objet. Oui, il va avoir une véritable œuvre d'art au bras, un objet inestimable, mais dont la réputation peut me rapporter bien plus que juste lui faire payer une somme exorbitante pour la main d'œuvre. Je ne compte pas non plus la lui offrir, après tout j'ai mes propres projets et je dois économiser pour cela.

Je commence à noter les différentes dépenses auxquelles penser et surtout ne pas oublier. Je pense partir sur un prix de main d'œuvre en fonction du temps que je vais passer à travailler sur son bracelet plutôt que les fourchettes habituelles que je donne. Comme ça, je pourrais prendre en compte les dépenses que je vais faire pour séjourner à la Forteresse et quand même me faire un joli bénéfice. Je peux aussi retourner à la forge Obsid quand le travail approche de la fin, ainsi économiser sur les dépenses et venir lui livrer l'objet final quand tout est bon. J'imagine déjà la grimace de mon maître en voyant un objet à destination purement magique, mais en même temps sa curiosité et son envie de m'aider vu la finesse de l'objet. Oh oui, il n'a pas fini de grimacer et faire la tronche en voyant que je me mets à concevoir des objets à destination purement magique.

Je n'ai même pas le temps de finir mes propositions que déjà l'enchanteur semble prêt à partir, visiblement enthousiaste. Je pense que les discussions sur le design patienteront un peu. Je ne tiens pas à freiner une telle envie d'avancer. Et puis, plus tôt je peux trouver les matériaux et la forge, plus tôt je pourrais me mettre au travail. On est encore qu'en matinée, mais déjà nous risquons d'avoir de la concurrence. Je ne peux m'empêcher de souffler un petit rire quand, déjà prêt à sortir et habillé, Almassar se rend compte qu'il faut peut-être que je fasse les mesures avant.

« Effectivement, c'est mieux pour que je puisse prévoir la bonne quantité de matériaux. »

Je finis ma tasse de thé et récupère mon carnet. Je m'avance vers le jeune homme et détaille un instant sa corpulence sous ses vêtements. Pas de regard lubrique, juste le temps d'observer son gabarit pour en déduire son ossature et sa musculature. Je viens glisser mon crayon à une oreille et mon carnet sous un bras et regard l'enchanteur de façon très sérieuse.

« Montre-moi le bras où tu comptes le porter et la taille que tu veux qu'il fasse. »

J'attends qu'il me tende son bras et m'indique jusqu'où il souhaite que son brassard aille. Je relève ensuite son vêtement sans attendre et viens palper son avant-bras tout en prenant des notes mentales. Je déplace mes doigts à plusieurs endroits et pince légèrement ses muscles avant de récupérer mon carnet pour y noter les mesures de l'enchanteur.

« Je prends en compte que tu risques de développer ta musculature en le portant. Vu les matériaux utilisés je pourrais faire que des ajustements minimes à l'avenir. Tu es sûr aussi pour la taille ? C'est surtout ça qui va influer la quantité de matières à acheter. Pour le reste, j'ai un contact qui doit pouvoir nous fournir tout ce qu'il faut. Il te présentera les pierres magiques et tu les essaieras pendant que je m'occupe de négocier le reste de mon côté. Si tout est bon pour toi, on peut y aller. »

Je finis mes notes et ferme mon carnet avant de récupérer mon sac sans fond et mon épaisse cape, cette fois prête suivre l'enchanteur à l'extérieur.

L'enthousiasme de l'enchanteur ne retombe qu'une seule seconde quand son amie lui signifie qu'il vaudrait mieux s'occuper tout de suite des mesures. Puis il remonte encore plus haut qu'avant. Il va enfin pouvoir préciser la taille qu'il souhaite, la forme, les dizaines de petits détails qui vont faire le charme de cet objet enchanté et enchanteur. Alors que Sia attrape son carnet, lui même retire son manteau qu'il vient remettre sur son support initial. Pivotant vers la forgeronne, Almassar voit qu'elle est déjà prête et en train de l'examiner de bas en haut. Il n'a absolument rien à faire de ce regard et se rapproche d'elle, avant de réfléchir. Mordillant sa lèvre de nouveau, il prends le moment de la réflexion. la taille est importante, et elle comptera pour beaucoup à l'avenir. Finalement, il pose le doigt au point de départ, un ou deux centimètres sous le poignet pour pouvoir garder toute la mobilité de sa main, et le point final, a environ un doigt de longueur au dessus du coude.

-"Je dirais cette taille, a peu près ? Laisser assez d'espace aux articulations pour pouvoir bouger sans être trop handicapé, mais que ce soit en même temps assez solide pour encaisser un coup. Et au pire, j'y intégrerais même mon Protège-Arrière pour m'en servir de bouclier magique improvisé, si besoin est."

A peine la phrase finie que l'enchanteur se sent tiré par la forgeronne. Il hausse un sourcil sans rien dire, habitué au tact tout particulier de son amie. Il sourit même de la voir si passionné à ainsi le palper et l'examiner, préparant ses prochaines notes. Satisfait de voir qu'elle a déjà tout préparé, il hoche de nouveau la tête en reprenant.

-"Je pense, oui. Tant que tu le prévois pour que je puisse le porter actuellement, et plus tard car j'aurais gagné du muscle. Car tu as raison, je compte prendre un peu en musculature. Je veux voyager, beaucoup. Voir même visiter le Grand Nord un jour. Je ne peux pas compter sur tout le monde pour me défendre, je dois avoir mes propres bases. Et si l'objet que l'on va fabriquer ensembles m'aidera à terme, je ne peux pas compter que sur la magie pour m'en sortir."

Voyant que Sia se prépare, Almassar récupère de nouveau son manteau pour se vêtir de nouveau. Récupérant son propre sac sans fond, il accompagne la demoiselle à l'extérieur, avant de tourner le panneau et de fermer pour de bon la porte. Laissant cette dernière guider la marche, il reprend avec un petit sourire en coin, d'un ton amusé et provocateur.

-"Je suis surpris de te voir aussi vêtue au fait. Tu nous couverais pas un petit quelque chose, que tu ressentes le besoin de t'habiller autant ?"

Un léger rire, tandis qu'ils traversent les rues de la grande ville. Il a beau être encore tôt, tout le monde s'agite dans ce froid permanent de l'hiver. Heureusement, la foule est loin d'être suffisante pour ralentir la marche, et bien rapidement ils approchent de leur destination, ce qui n'empêche clairement pas l'homme de continuer à faire la conversation, content de pouvoir converser avec Sia.

-"Au fait, vu qu'on en parlait tout a l'heure. Je pense que je vais commencer à m'entrainer au combat, quand j'aurais du temps. Mais je vais éviter le combat au corps à corps. Je n'aurais jamais assez de temps à consacrer à apprendre à me battre correctement. Par contre, je me disais qu'une arme à distance comme une arbalète ou quelque chose du même calibre serait parfait. Ce n'est pas trop long à apprendre, et même si ce n'est pas la meilleure arme existante, ça permet quand même de se défendre contre la plupart des créatures communes que l'on peut croiser. Tu en dis quoi ?"

Puis un rire lui échappe alors qu'ils approchent de leur destination. Almassar est toujours aussi excité, tandis qu'il vient même commencer à agiter les mains en parlant.

-"Ou alors, vu que j'ai déniché un pendentif de rappel, je me demandais si je pouvais pas viser un peu plus gros. Tu te souviens du Solstice ? Quand tu es parti avec Lyle et que ton ami, Adam, est rentré aussi je suis parti du coté des champs des ballistères. Et j'ai vu des armes qui seraient utilisables avec le pendentif et ensuite entreposables dans le sac... Un moyen d'apporter une puissance de feu ponctuelle, mais conséquente, sans nécessiter un entrainement physique trop intense dans l'immédiat."

Arrivant devant l'échoppe, l'enchanteur cligne des yeux, regardant à droite, à gauche. Pivotant vers Sia, il fait une petite courbette sarcastique en reprenant d'une voix presque suave, si elle n'était pas teinté de sarcasme.

-"Chère Sia, forgeronne de mon cœur, me feriez-vous l'insigne honneur de me présenter votre illustre fournisseur pour que nous puissions trouver l'excellence tant recherchée dans vos matériaux et ainsi laisser parler l'artiste qui est en vous ?"

Oui, il se fout très clairement de sa gueule, et il arrive à peine à finir sa phrase avant d'éclater de rire, se redressant en essuyant les larmes aux coins de ses yeux avant qu'elles ne gèlent.

Je note précieusement toutes les mesures de mon ami, notant aussi les indications qu’il me donne sur la taille. Il y aura encore la forme et pleins de petits détails à discuter, mais ils vont pouvoir attendre que je sache si je peux avoir une forge à disposition aujourd’hui. Je préfère me dépêcher d’en réserver une avant qu’il ne soit trop tard. Je l’écoute d’une oreille, soufflant même un petit rire à la mention du Grand Nord. Almassar a le mérite d’avoir des rêves et des ambitions que peu ont, même si je trouve qu’il est avant tout un grand rêveur. Il a encore l’insouciance des aventuriers débutants, celle que j’ai perdu rapidement en frôlant la mort et en la donnant malgré moi. J’aime voir cette partie de lui et il me donne l’envie de le suivre pour voir où l’aventure peut nous mener.

Nous quittons ensuite la petite boutique, remontant mon vêtement jusqu’à mon nez pour me réchauffer pendant que l’enchanteur s’occupe de fermer l’échoppe. Je relève la tête quand il me taquine ainsi, arquant un sourcil. J’esquisse un petit sourire, notant sa petite attention dissimulée derrière son humour.

« C’est gentil de t’inquiéter, mon ami. Saches que lorsque je ne travaille pas ou que je ne viens pas de finir de travailler, je m’habille normalement. Surtout par ce temps. Je ne suis pas née ici, je suis une citadine à l’origine, mon corps me le rappelle bien. »

Un petit courant d’air vient d’ailleurs me donne un frisson. J’ouvre alors la marche pour nous guider jusque chez mon contact. Un forgeron particulièrement amical qui a une fibre très commerciale. Il ne forge plus vraiment, une blessure au bras l’empêchant de trop forcer, mais il a le mérite de diriger un petit atelier avec une bonne réputation. Il sait toujours mettre la main sur de bonnes matières à des prix très honnêtes. Il a aussi laissé des ingénieurs de la Forteresse tester plusieurs de leurs mécanismes dans son atelier, en faisant une des forges les mieux équipées du quartier.

Mon ami me sort alors de mes pensées en me parlant de ses dernières idées. Il continue d’envisager de s’entrainer au combat comme il m’en a déjà parlé, mais il pense se mettre à utiliser une arme à distance. Je l’écoute sans rien dire, le laissant parler sans répondre pour avoir son idée jusqu’au bout. Une sorte de baliste rétractable à utiliser avec un pendentif de rappel ? J’imagine Almassar ainsi utiliser ce genre d’engin. Cela me fait sourire tellement l’idée lui correspond et que j’arrive à l’imaginer.

« Je pense que ça te conviendrait parfaitement. »

À peine ai-je le temps de lui répondre que nous voilà déjà devant l’atelier. Je m’apprête alors à entrer sans attendre avant qu’Almassar vienne m’interrompre pour me faire une petite courbette et m’appeler de manière si polie. Si je ne connaissais pas l’enchanteur, je pourrais dire qu’il ferait un très bon noble. Je souffle un petit rire avant de me racler la gorge et essayer de reprendre une contenance. Toute l’éducation que j’ai reçu ressort alors, prenant une conduite particulièrement raffinée que je n’ai pas eu depuis très longtemps.

« Mon cher Almassar, mon ami, je vais vous présenter le fabuleux Nerau. Cet homme, bien que pouvant se montrer un peu bourru saura attirer votre attention, j’en suis certaine. Voyez-vous, très cher client, l’homme que je m’apprête à vous présenter pourra vous paraitre particulièrement dédaigneux, voire désagréable, mais il possède l’un des forges à la pointe de la technologie. Je pense qu’un homme de sa carrure ne pourra que piquer votre curiosité. »

Tout en parlant, j’ouvre la porte et laisse mon ami entrer avec une petite courbette. Je le suis avec un petit rire, ma bonne humeur venant être rapidement arrêtée par le mur de mauvaise humeur de Nerau. Le grand blond me regarde de haut en bas avant de jauger mon ami du regard et reporter son attention vers moi. Je me racle la gorge en reprenant mon sérieux. Visiblement, Nerau n’est pas dans un bon jour.

« Qu’est-ce que tu me veux, la campagnarde ? Tu t’es enfin décidée à quitter cet imbécile qui vit dans les montagnes pour devenir une personne respectable ? »

Oui, il est dans un mauvais jour.

« Bonjour Nerau, moi aussi je suis contente de te revoir. Je suis venue parler affaires. Je te présente Almassar, un ami à moi et un client. Il aimerait beaucoup voir les minerais magiques que tu as en stock pour en choisir. Et ne commence pas à me dire que tu n’as rien en stock, on te paiera le prix qu’il faut. »

Le blond fait claquer sa langue, marmonnant dans son absence de barbe. Son attention se reporte sur son atelier où plusieurs employés sont en plein travail. l’un d’eux me reconnait en relevant la tête, me saluant amicalement au loin. Voyant cela, le maître forgeron l’intercepte au passage sans perdre de sa véhémence.

« Bigz ! Puisque tu n’as rien de mieux à faire, viens ici. »

Le jeune homme se relève, un peu penaud. Il s’approche en baissant la tête, me saluant en chuchotant quand il est à portée de voix.

« Emmène ce gringalet voir notre stock de minerais magiques. Il vous en faut combien ?
- Deux suffiront. Et uniquement la qualité la plus haute et le plus pur possible. Et après j’irais sélectionner d’autres minerais pour en faire un alliage.
- Tu l’as entendu ? Dépêches toi. Et que ça ne te fasse pas prendre de retard sur tes autres commandes. Elles doivent être finies ce soir.
- Oui Monsieur ! »

Je souffle un rire en faisant un effort pour paraitre particulièrement poli devant l’enchanteur. Je fais un petit signe à l’enchanteur pour qu’il accompagne l’apprenti forgeron pendant que je m’occupe des négociations avec son maître.

« Mon cher Nerau, tu te doutes que si je suis ici et commence à te demander des minerais magiques, c’est que je vais aussi avoir besoin d’un de tes fourneaux. »

Je lui offre mon plus beau sourire. Le blond pousse un long soupir exaspéré. Je sais bien qu’il a envie de me mettre à la porte, mais qu’en même temps j’ai su piquer son intérêt en sentant que je suis prête à mettre les prix sur sa matière première.

« Fais ça vite alors. »

Un large sourire étire alors mes traits. Les négociations peuvent commencer.

L'enchanteur ne peut s'empêcher de sourire et même de rire en voyant Sia s'adresser à lui d'une telle manière, d'un langage si soutenu. Définitivement, elle est quelque chose, quelqu'un à part, et il est heureux de la connaître et de partager son amitié. Il a beau oublier parfois qu'elle ne vient pas des montagnes malgré ses tenues souvent particulièrement légères attirant l’œil des personnes passant à sa portée, comme lui, elle vient d'ailleurs. Mais elle s'est pourtant particulièrement bien adaptée à cet environnement particulièrement hostile, malgré tout. Mais ces pensées parasites lui sortent de l'esprit tandis qu'ils franchissent les portes de cette étrange forge qui tient clairement de l'atelier. Mais plus que cet intérieur particulièrement intriguant, c'est le mur qui heurte l'enchanteur et sa comparse. Il fait une chaleur digne d'une fournaise, avec tout ce qui est en train d'être fondu et martelé, et pourtant l'ambiance est glaciale. Almassar glisse son regard à droite et à gauche, avant de localiser la source du problème. Et dès que cette dernière ouvre les lèvres pour lâcher une première bordée moqueuse et sarcastique, l'homme ne peut s'empêcher de rouler des yeux. Heureusement que c'est Sia qui fait affaire avec ce Nerau, car lui même ne le pourrait surement pas, pas en gardant son calme.

La forgeronne prends néanmoins rapidement les choses en main. Sans même attendre qu'il ne puisse tirer sa seconde bordée, elle vient l’appâter avec une promesse de gain monétaire que même une forte tête comme lui ne semble pas pouvoir refuser. Pendant un instant, le chercheur hésite à se présenter, et finalement il se contente du strict minimum, la voix bien plus froide qu'habituellement. Sa bonne humeur mouchée telle une bougie dans le blizzard, du moins en surface.

-"Enchanté Nerau. J'ose espérer que vous saurez traiter avec le respect nécéssaire la femme avec qui je travaille. Si ce n'est par décence humaine, que ce soit au moins par interêt d'une vente qui vous serait profitable."

Et si l'ambiance était déjà froide, elle devient glaciale. Le vent soufflerait presque pour leur arracher la chaleur de leurs os, avant que finalement l'attention ne soit détournée sur ce jeune apprenti qui fait les frais de la colère de son maître et se retrouve assigné. Le forgeron en devenir arrive prestement, et après des salutations des plus brèves à voix basse, le voici assigné à l'enchanteur qui adresse un regard en coin à Sia... Et hoche du chef en suivant ses consignes. Autant ne pas risquer que ce fameux Bigz se fasse disputer plus que de raisons sans aucune justification valide. La femme semble prendre sur elle, et Almassar en a clairement marre de faire de même. L'idée de donner de l'argent à cet être ne lui plait pas particulièrement, mais il se doute bien que si elle fait appel à lui, c'est qu'elle en a besoin, malgré son caractère. Ou que les choses sont plus compliquées qu'elles ne paraissent en surface. Ravalant la bile qu'il aurait bien envie de cracher sur cet homme qui ne dégage pas réellement la sympathie.

Les nerfs de l'enchanteur seront toutefois apaisés alors qu'une poignée de pas pressés suffiront au duo de traverser l'espace et rejoindre une autre partie de ce petit atelier, ressemblant à une grande réserve. Des caisses et des caisses de matériaux bruts s'entassent, véritable magasin qui ferait rêver tout spécialiste en métaux. une fois sa curiosité assouvie par ce premier passage rapide sur les noms des différents métaux présents, Almassar prends enfin la parole.

-"Détends toi, tu ne crains rien. Je ne vais pas te hurler dessus ni te faire perdre ta  journée. Donc je t'en prie, montre moi donc ce que vous avez comme minerais pouvant servir à conduire de la magie."

Le fameux Bigz cligne des yeux, sanas trop savoir quoi répondre. Par réflexe, il se rapproche d'une poignée de caisses qu'il commence à ouvrir, révélant des minerais entassés, en des tailles éparses. Puis, se souvenant des consignes de son maître, il vient les refermer pour en chercher d'autres un peu en arrière, mieux cachées et rangées. Elles sont plus petites, et clairement le contenu est plus précieux. Tout en s'agitant, il finit enfin par parler.

-"Ne vous en faites pas pour moi... Alors nous avons plusieurs types de minerais magiques. Pour savoir le quel vous convient, il faut les essayer jusqu’à trouver celui qui vous "parle". Vous verrez, vous le ressentirez de vous même."

L'apprenti forgeron finit néanmoins par offrir un sourire à Almassar. Il ne va pas se plaindre de son maître devant un client, c'est sur, mais il semble apprécier ce relâchement de la tension, même temporaire. L'enchanteur s'approche, et Bigz commence à lui tendre différentes roches encore brutes. Il y'a de plusieurs couleurs, et toutes semblent émaner quelque chose de différent. Des sombres comme l'obsidienne, des carmins, des ocres, même des verdâtres et des bleutées. L'enchanteur ne savait même pas qu'il existait tant de matières premières différentes. En effet, si il connait la finalité de la gravure magique et de ses détails, il n'a jamais mis le nez dans l'aspect plus terre à terre concernant les alliages utilisés pour produire de tels résultats.

-"Dommage que l'ambiance soit si tendue, ton maître semble savoir de quoi il parle. J'aurais bien aimé en apprendre un peu plus sur tous ces minerais et comment ils fonctionnent, sont extraits..."

L'enchanteur se parle presque à lui même, et l'apprenti ne fait que lui offrir un léger hochement de tête  sans rien rajouter. Au début, rien ne se produit, et les rochers changent de couleur comme de mains. Puis finalement, une roche d'un bleu légèrement foncé, n'étant pas sans rappeler celui d'une fin d'après midi termine entre les doigts d'Almassar. Et, sans même pouvoir se l'expliquer, il comprends les mots de Bigz plus tôt. Quelque chose se passe avec ce caillou, il a l'impression de le sentir légèrement vibrer et pulser entre ses doigts, ce qu'aucun des autres n'avait fait. Le déposant sur le coté, il continue de tous les essayer pour être sur, mais aucun ne produit l'effet qu'avait ce minerai bleuté. Une fois la séance terminée, l'enchanteur ne perd pas de temps en pointant du doigt ladite pièce.

-"Celui la. Tu avais raison, ça ne s'explique pas, ça se ressent. Mais c'est avec celui la que j'ai la meilleure affinité."

Hochant la tête, Bigz récupère le spécimen d'essai avant de le ranger et d'en sortir deux pièces bien plus volumineuses de la caisse.

-"De la runite. C'est un minerai assez rare et précieux, mais un des plus convoité magiquement. Vous en aurez pour votre argent avec celui la !"

Un nouveau sourire éclaircit les traits du jeune homme. Peut être car il vient ainsi de faire une belle vente en un minimum de temps, ou alors est-ce simplement que sans Nerau dans les pattes, il se détend enfin. Ou un mélange des deux. Néanmoins, c'est à peine après un petit quart d'heure que le duo ressort du magasin. L'apprenti dépose les minerais sur une table tout en se signalant à son chef.

-"C'est trouvé, ça sera deux unités de runite pour votre client, monsieur."

Et sans rien demander de plus, il retourne à son travail qui n'a pas pris tant de retard que cela, finalement. Almassar, lui, par contre, observe d'un œil intrigué ce qu'il se passe face à lui. En effet, il se doute bien que la conversation -et les potentielles négociations- n'ont pas été faciles, et il ne sait réellement dans quel état il va retrouver les deux experts...

« J’ai besoin d’un de tes fourneaux pour deux journées. Et aussi des minerais pour faire un bon alliage.
- Et quoi encore ? Les clés de mon atelier ?
- Tu sais que je ne dirais pas non. »

J’affiche un large sourire au forgeron. Il pousse un long soupir en se grattant la tête, il doit évaluer les pour et contre de ma demande.

« D’accord, mais je me fais une marge de cinquante pourcents sur les minerais que tu choisis et sur ceux que le gringalet prend.
- Dix pourcents.
- Quarante-cinq.
- Vingt.
- Quarante.
- Vingt, je n’irais pas plus haut. En échange, je te donne le bénéfice que je me ferais pour deux journées de travail. »

Il grince des dents. Je vais devoir rogner sur mon bénéfice, mais je ne tiens pas à ce qu’il ne fasse payer les minerais bien trop cher.

« Tu as besoin de quelle quantité de minerais ?
- De quoi faire un brassard pour l’avant-bras.
- Avec des minerais magiques ?
- Je ne peux rien dire de plus. »

Je ne tiens pas à révéler les projets de mon ami s’il ne veut pas en parler au forgeron. Il est celui qui m’a donné le plus d’astuces et de choses à savoir sur ce type de minerais après mon arrivée dans la région. Je suis sûre que j’ai piqué son intérêt et qu’il va vouloir regarder ce que je fais, mais il considère sérieusement l’offre. Je suis sûre d’arriver à le faire céder.

« Très bien, je te laisse un de mes fourneaux jusqu’à demain soir à la fermeture de l’atelier.
- C’est parfait ! Merci Nerau ! »

Je fais claquer une bise non loin de sa joue sans pour autant y déposer les lèvres, ce qui a le don de le faire ronchonner un peu plus. Sans attendre, je passe dans une petite pièce de l’arrière-boutique qui sert de vestiaire et vais m’y changer. J’enfile des vêtements bien plus légers et courts ainsi que ma fidèle ceinture avec mes outils. Je récupère mon carnet avec mes notes et range ensuite mon sac sans fond et mes affaires dans un des casiers disponibles. Je réapparais pour me rendre vers un coin de l’atelier où des minerais sont entassés, les inspectant tout en prenant des notes supplémentaires. Je réfléchis déjà à l’alliage idéal à faire même si je vais devoir attendre de voir les pierres que l’enchanteur aura choisies.

Alors que je réfléchis déjà à tout ceci, je vois Bigz revenir, suivi par Almassar qui tient deux magnifiques pierres bleues. Mon regard pétille en voyant la runite, déjà excitée à l’idée de la travailler. Je m’approche de l’enchanteur en sifflant légèrement, un air satisfait sur les traits.

« C’est que monsieur ne s’harmonise pas avec n’importe quoi ! Tu vas en vraiment en avoir pour tes cristaux. Suis-moi, on va discuter des derniers détails de ton brassard et je pourrais me mettre directement au travail. Je n’ai accès à cet atelier que jusqu’à demain en fin de journée, alors je dois faire le plus gros aussi vite que possible, c'est-à-dire purifier déjà ces pierres que tu tiens pour n’avoir qu’à les incruster ensuite. Et je veux aussi faire le plus gros de ton bracelet aujourd’hui. »

Je me dirige vers une partie bien plus calme de l’atelier, une petite pièce insonorisée avec des prototypes des ingénieurs du quartier pour pouvoir discuter affaires. Au mur, une énorme horloge aux engrenages apparents indique l’heure de la journée. Une conception plus artistique qu’utile au vu de la popularité des Tempus et de leur plus grande précision. Je m’assieds sur une chaise tout en invitant mon ami à prendre la place en face de moi, une petite table nous séparant. On pourrait presque croire que je suis comme chez moi ici.

« Alors, c’est maintenant que tu me donnes tous les détails esthétiques que tu souhaites. »

J’ouvre mon carnet entre nous, le tournant vers l’enchanteur avec un crayon. Il y a déjà les quelques croquis que j’ai imaginé, mais je le laisse me dessiner aussi ce qu’il souhaite pour m’expliquer ses désirs et attentes.

En voyant Sia habillée d'une manière bien plus légère -et pourtant professionnelle-, l'enchanteur comprends vite que les négociations ont du bien se passer. Ce qui est bon signe, et vient lui arracher un léger sourire. Et ce dernier reste, vu que le fameux Nerau semble retourner à ses occupations habituelles. La phase d'échange est terminé, maintenant il reste juste à sortir les cristaux et discuter des derniers détails. La petite pique de son amie tandis qu'elle vient le rejoindre arrache un rire à Almassar, qui hoche du chef tandis qu'il reprend la parole, emboitant le pas à la jeune femme qui semble fort pressée, et a raison au vu de l'évocation de temps qu'elle vient lui fournir.

-"Est-ce que cela te surprends ? Dois-je réellement te rappeler mon don ? J'ai toujours été attiré par ce qui brillait, surtout quand c'est particulièrement actif magiquement. Je me doute bien que je vais payer ça cher, juste l'apprenti avait les yeux qui brillait en voyant ça, ce qui veut dire qu'il est content de mon choix, car son maître va aussi l'être. Je ne me fais donc aucune idée sur l'état de ma bourse après ta création. Mais j'assume, ça en vaut la peine."

Jetant à peine un regard à cette œuvre d'ingénierie mécanique qu'est l'horloge, preuve parlante de la passion brulante qu'il porte à cette fabrication dans laquelle il s'est jeté avec la forgeronne, l'enchanteur tire la chaise pour venir s'y installer, coudes posés sur la table et mains liées. Baissant la tête sur le carnet glissé vers lui, il vient s'en saisir et commencer à observer les différents croquis présents. Les idées fusent, et pourtant, ne sont pas si nombreuses que cela. Venant se mordiller la lippe, il réfléchit tout en parlant.

-"A vrai dire, je n'ai pas tant d'idées esthétiques que cela. Autant je commence à voir la forme dont l'intérieur aura besoin, et le maillage que tu devras forger pour permettre d'infuser les conduits magiques avec la runite, autant en terme d'esthétique..."

Des filigranes incrustés au métal ? Ce pourrait être une idée, si jamais il trouve la forme. A vrai dire, si il souhaite quelque chose que l'on pourrait considérer beau, il ne souhaite pas non plus que cela influe sur les performances finales de l'objet, ou sa solidité. C'en est presque plus compliqué que de parler magie et comment entrelacer correctement les flux enchantés. Tapotant le papier du bout des doigts, il se mord la lèvre avec plus de force, au point de commencer à faire blanchir la peau.

-"Je n'ai pas envie que cela influe sur la solidité de la pièce, et sur le poids si possible. Je serais presque tenté de dire de rajouter des filigranes d'argent sur la partie extérieure. Pour la faire ressortir un peu du métal sans partir dans quelque chose de délirant. Et vu la provenance de l'objet que ce brassard va protéger, pourquoi pas une représentation en filigrane de la carte astronomique de la Forteresse ? Tu penses cela possible ? J'y trouve un certain coté symbolique qui me plait."

Et surtout, cela n'est pas trop visible. Pas de quoi attirer du premier coup d’œil dessus. De l'or ou quelque chose de plus raffiné donnerait forcément envie d'être volé, en plus de ne pas être au gout d'Almassar. L'argent, c'est une couleur et un métal noble. Simple, mais raffiné. Moins visible et extravagant que le doré des palais et de la noblesse, mais se démarquant tout de même. Pile ce qu'il pense pour un tel artefact. Il a envie de pouvoir le regarder avec fierté, sans devoir le cacher aux yeux du monde de peur d'attirer les mauvaises convoitises. Puis, son esprit saute sur autre chose. Un élément bien plus important. Le réseau magique qu'elle devra tisser. Fouillant dans son sac sans fond, il en extirpe ce qui ressemble à une jarre, vide. Sauf qu'elle est faite de métal, et non de verre. Viendra rapidement suivre une bande de tissu blanche, et enfin une plume et de l'encre le tout finissant sur la table.

-"Pour en revenir à un sujet important, le maillage magique. Je présume que le brassard se portera avec une protection en tissu ou en cuir en dessous ? Je te laisse récupérer la bande et me montrer l'épaisseur que tu souhaites. Comme ça, je peux directement te faire un modèle taille réelle du maillage qui sera nécéssaire. Ça risque de prendre un peu de temps par contre... Ça dérange si je reste ici le temps que je fasse cela ? Tu veux surement te mettre rapidement au travail."

La suite... Eh bien, elle dépendra de sa réponse. Si il peut travailler ici, dans sa théière que la demoiselle emporte pour commencer sa propre partie, ou si il doit retourner dans son atelier. Idéalement, il aimerait pouvoir rester dans cette forge, mais bon... Ce ne sont pas ses règles. Il se pliera donc à ce qu'on lui dira de faire.

Je souris à la réflexion de mon ami. On pourrait presque l’identifier à une pie, sauf que ce dernier préfère les objets hautement magiques plutôt que ceux qui brillent. Je souffle un petit rire discret tout en l’imaginant à l’effigie d’un tel oiseau. Ou d’un petit kapitaliste qui aime les pierres magiques. Ces images sont bien trop drôles et bien trop adorables pour l’enchanteur. Je suis toutefois rapidement ramenée à la réalité par la tâche et la quantité de travail qui m’attend encore. Vient alors les questions sur ce que souhaite l’enchanteur. Il dit ne pas avoir vraiment d’idées pour l’esthétique. Lui vient alors une idée que je trouve très originale. J’y réfléchis un moment avant qu’il ne vienne me demander la taille que je compte donner à son brassard.

« Oui, j’aimerais que tu puisses le porter par-dessus un vêtement tout en ayant la possibilité de le cacher si tu le veux. Par exemple, le porter par-dessus un pull, mais caché par ton manteau. Tu vois l’idée ? Ça te laissera aussi une marge pour gagner du muscle. Et en été, tu n’auras qu’à mettre un brassard en tissu ou cuir dessous pour éviter que le métal ne vienne irriter ta peau. »

Tout en parlant, j’enroule le tissu autour de son bras pour lui montrer la marge que je prévois entre l’objet et sa peau. Quand la taille me semble bien, je reprends la parole.

« Là, c’est bon. Tu as de quoi mettre tes vêtements dessous un brassard de cuir en été. Et j’ai bon espoir que tu gagnes du muscle ! »

J’affiche un petit sourire taquin avant de retourner à ma place. Je récupère mon carnet alors que l’enchanteur commence à préparer ce qu’il lui faut pour tracer son réseau magique.

« Tu peux rester ici, j’ai encore des croquis à te proposer. »

Le silence s’installe alors entre nous. Je me plonge sur mon carnet où je trace des petits dessins du brassard, mais surtout de son esthétique. Je dessine un modèle assez simple et même commun qui ne risque pas de gêner ses mouvements tout en gardant un aspect assez élégant. Enfin, pour le moment, il ne ressemble qu’à une pièce d’armure banale. Alors je dessine par-dessus la fameuse carte astronomique. Le dessin est approximatif puisque je ne connais pas cette fameuse carte, mais l’idée est compréhensible. Je lui dessine ainsi trois modèles similaires avec chacun de légères variations de formes et de styles, notamment au niveau du dessin.

Je finis par relever le nez, l’enchanteur toujours concentré sur son traçage. Je lui tourne alors le carnet pour qu’il puisse observer les croquis. Je me relève et m’assied légèrement sur la table. Dès que j’ai son attention, je prends la parole.

« Je pense avoir une bonne idée de l’esthétique à donner. Choisis ce qui te semble le plus joli ou naturel pour toi. La carte astronomique est une bonne idée, je pourrais la dessiner à la fin par-dessus le brassard. Un travail proche de celui d’un orfèvre... »

Je réfléchis un instant à cette réflexion avant de souffler un petit rire.

« Tu vas définitivement me faire faire une œuvre d’art. Je devrais augmenter mes tarifs pour la peine. »

Je me relève après cette petite blague. Je commence à me diriger vers la sortie.

« Tu peux rester ici et réfléchir à ton réseau magique et à l’esthétique. Je vais commencer à travailler et créer l’alliage. Je dois encore négocier les minerais que je vais utiliser. Garde bien ta runite vers toi pour le moment. Évites de te promener dans l’atelier sans être accompagné. Je reviens un peu plus tard si tu n’as pas fini d’ici là ! »

Les idées s'enchainent de plus en plus rapidement avec la forgeronne. Normal il faut dire, chacun stimulant l'autre et le poussant en une direction dans laquelle il ne penserait pas forcément initialement. La marge qu'elle est évoque est plutôt censée, en effet, il compte définitivement prendre un peu de muscle. Pas de quoi faire de lui un aventurier ou un professionnel du bras de fer, mais clairement, l'enchanteur a envie de pouvoir se défendre en cas de problème. Et qu'il puisse être caché est clairement une bonne idée, vu qu'il a souvent un manteau sur lui. Et au pire, une veste légère pour la capitale ou les climats plus agréables n'est pas à oublier non plus. De quoi toujours l'avoir sur soi sans trop attirer le regard si ce n'est pas nécéssaire. Il souffle ensuite un rire, plissant le regard vers Sia.

-"Mais je compte bien gagner un peu de muscles ! Comment plaire aux charmantes demoiselles quand j'irais prendre des vacances sur les plages ou les Iles proches du Grand-Port autrement ? Quelle tristesse pour moi, si je ne peux accomplir une telle quête."

Il rit ensuite franchement de sa blague plutôt mauvaise, pour ne pas dire de mauvais gout. C'est un moyen efficace de tromper la tension et détendre un peu l'atmosphère alors que la montagne de travail se rapproche à grand pas. Et tandis que la forgeronne reprends ses croquis, Almassar attaque son traçage. Il récupère une feuille de papier, bien plus fine que le tissu et clairement bien plus adaptée à du dessin, avant de l'enrouler autour de la bande pour avoir la mesure précise de la surface qu'il aura à travailler. Une fois cela fait, il coupe la taille précise dont il aura besoin et attrape sa plume qu'il trempe dans l'encre. Vient maintenant la partie complexe, sourcils froncés tandis qu'il entame le complexe dessin qui formera le maillage magique. Et il est loin d'avoir terminé quand la demoiselle face à lui attire son attention. L'enchanteur cligne des yeux, termine sa ligne avant de tout déposer sur le coté, attrapant le carnet pour l'examiner. Les propositions sont intéressantes, et il sourit aux paroles de Sia en hochant la tête.

-"J'aime bien l'idée que la carte soit en relief comparé au reste. Juste un ou deux millimètres d'épaisseur pour ne pas être handicapant, mais qui ressort tout de même. Une légère patine d'une teinte plus sombre que celle du métal initial sur la surface extérieure, autour des filigranes d'argent, pour mieux faire ressortir le tout et ça sera parfait je pense ! Assez élégant sans être trop tape à l’œil et ostentatoire. Tu en dis quoi ? Très beaux dessins en tout cas, j'aime beaucoup."

Il rit ensuite, amusé à cette provocation qu'elle lui fait. Mais qui soulève un point intéressant, mine de rien.

-"Trop tard, j'ai déjà tes tarifs ! Et si tu veux, je peux te trouver une carte astronomique précise pour que tu gagnes du temps. Au fait, tu veux que je te donne les cristaux tout de suite ou tu préfères me faire une facture finale une fois le tout terminé ?"

Puis l'enchanteur hoche du chef à ces recommandations des plus justes, rangeant les minerais dans son sac. Même si il est à l'intérieur d'un atelier, il ne sait jamais ce qu'il peut s'y trouver et qui pourrait lui vouloir des noises à propos de ses métaux rares. Surtout que l'apprenti a surement déjà fait passer le mot partout, lui traçant une jolie cible dans le dos. Quand enfin Sia part, il récupère sa place face à la porte pour s'assurer d'être prévenu de toute mauvaise surprise et reprends sa tâche. Un long moment est nécéssaire pour lui permettre de tout finir, laissant clairement le temps à la forgeronne de négocier ses prix, même de manière acharnée et de commencer la préparation de ses alliages. Mais enfin, il se retrouve avec sous les yeux un dessin encore plus complexe que la carte astronomique évoquée plus tôt. Soupirant, il vient attraper le fameux bocal métallique qui commence à fondre sous ses doigts, tandis que le polymorphe change une nouvelle fois d'apparence. Almassar s'occupe de guider l'étrange objet pour prendre la forme précise qu'aura le maillage de runite, avant de le fixer sous cette apparence, en une fine toile métallique, froide mais assez résistante et malléable. De quoi permettre à Sia de simplement l'apposer sur le brassard une fois cela terminé, et lui permettant d'aisément marquer l'endroit où elle devra engraver le minerai magique.

Ne voyant pas la forgeronne revenir, l'enchanteur range tout dans son sac sauf le polymorphe muté qui ressemble plus à un bout de grillage inutilement complexe et circonvolué. Ouvrant la porte de la petite salle, il observe autour de lui, repérant bien rapidement la jeune femme déjà fort occupée. Sans attendre un instant, il s'occupe de la rejoindre, sentant bien quelques regards sur sa nuque. Oh oui, le mot est déjà passé, et sans la présence du maître des lieux, nul doute que les choses pourraient bien rapidement mal tourner. Une fois au niveau de Sia, il attend qu'elle le remarque pour lui présenter le polymorphe.

-"Tiens, c'est le maillage qu'il faudra que tu incrustes à l'intérieur du brassard avec la runite. L'emplacement en forme de losange creux sera la où le flocon devra s'insérer, comme ça tu peux aisément le placer sans trop avoir à réfléchir. Cela te convient ?"

Au fond de lui, il l'espère, que la demoiselle puisse rapidement attaquer son travail. Pas qu'il n'apprécie sa compagnie, bien au contraire... Mais leur temps est limité, et il préfère permettre à son amie de travailler dans les meilleures conditions possible sur cette œuvre d'art qu'il lui a commandée. Il en vient même presque à regretter qu'il devra surement si souvent le cacher, car clairement, au vu de ce qu'ils prévoient, cela aurait surement fait une excellente publicité pour la forgeronne.

Je note les demandes de mon client tout en hochant la tête, souriant de façon positive à sa question. L’idée est très bonne et je visualise déjà le résultat. Des petites touches finales qui donneront un bel aspect à l’objet. Ainsi, même s’il a besoin de le montrer, il passera pour un simple bijou, gardant sa fonction principale cachée. Je me relève et m’apprête à partir quand l’enchanteur me pose une nouvelle question pertinente. Je m’arrête et réfléchi un instant.

« Tu vas déjà me payer une première partie pour la matière première et l’emprunt du fourneau. Comme ça je peux payer cette tête de mule de Nerau sans problème. Pour le reste, à la livraison. Je te ferais une facture claire et détaillée. Les bons comptes font les bons amis ! »

Je lui affiche un nouveau sourire en me dirigeant vers la sortie pour de bon.

« Oh ! Pour la carte, ça peut attendre demain. Concentre-toi sur le traçage, l’esthétique ne sera faite qu’à la fin. Sur ce... »

Je le salue en me retournant, rejoignant l’atelier. Sans attendre, j’atteins le stock des minerais à fondre. Je prends un moment pour choisir les meilleures pierres tout en réfléchissant à l’alliage nécessaire. Je commence aussi à sélectionner des minerais d’argent pour la partie esthétique. Une fois ma sélection faite, je mets le tout dans une caisse que je porte vers le petit comptoir où Nerau est en train de faire ses comptes et vérifier son carnet de commande. Il me jauge avant de regarder le contenu de ma caisse. Il me regarde à nouveau.

« Tu es sûre ? Ce ne sont pas les morceaux les moins chers...
- Mon client est prêt à y mettre le prix. Prépare-moi une jolie facture, on s’occupera de te payer quand il sort de ton atelier. »

D’un petit geste de la main, je désigne la pièce où Almassar travaille. Le blond hoche d’un air satisfait et de bien meilleure humeur. Il retourne à ses factures pendant que je rejoins mon fourneau avec ma caisse de minerais. Je commence alors le travaille de faire purifier et fondre les minerais pour en faire l’alliage nécessaire. Un travail long et minutieux, mais qui demande beaucoup d’attention. Je me plonge complètement dans mon travail, m’enfermant dans une bulle presque impénétrable. C’est la voix de l’enchanteur qui vient me tirer de mon monde. Je lui fais un petit signe pour qu’il patiente le temps que je termine ma manœuvre. Quand je la termine enfin, je pousse un long soupir satisfait, rangeant le tout pour ne pas risquer de gestes malencontreux qui viendraient tout ruiner. Je m’éloigne un peu de la chaleur et guide Almassar un peu plus loin.

« Si je te demandais de m’attendre, c’est aussi que c’est dangereux ici. Ici personne ne s’en prendra à toi, mais le travail dans une forge est dangereux. »

Je soupire à nouveau, essuyant mon front couvert de sueur avant de regarder le polymorphe que me tend l’enchanteur. Je le regarde puis observe le maillage. Je réfléchis un moment avant de reprendre la parole.

« Ça me semble parfait. Est-ce que je peux le garder jusqu’à demain soir ? Je te le rendrais à ce moment-là. Donne-moi aussi la runite. »

Je laisse l’enchanteur me confier le tout. Je passe le maillage autour de mon bras et récupère les minerais de runite que je vais poser avec les autres. Je garde le maillage avec moi, faisant attention qu’il ne me quitte pas tant que je ne travaille pas. J’affiche ensuite un nouveau sourire à mon ami.

« Je pense que ce sera tout pour le moment. Je te laisse travailler le motif de ton côté, je ne pense pas le travailler avant demain de toute façon. Maintenant, le plus important... »

Je récupère le bras de mon ami et vient le tirer vers le comptoir où Nerau nous attend, un sourire satisfait et bien plus avenant qu’auparavant. Il jauge silencieusement le maillage à mon bras avant de tendre poliment une facture à mon ami.

« Le prix de la matière première et de la location du fourneau. Tu peux garder la facture, mais ça serait bien que tu payes déjà la majorité de cette facture maintenant. Si tu n’as pas ce qu’il faut, je m’en charge et ça sera sur la facture que je te fais. Au moins, tu vois le prix pour être sûr que je suis honnête avec toi là-dessus. »

J’espère que mon ami n’a pas l’idée de se trimballer avec une telle quantité de cristaux sur lui. Je pense que sinon il va falloir que je lui passe un petit sermon plus tard. Je m’attends déjà à devoir avancer la somme nécessaire et qu’il me la rende plus tard.

« Une fois ce détail réglé, tu pourras retourner à la boutique et je te retrouve ce soir. »

Le blond me regarde à ces mots en arquant les sourcils, visiblement légèrement surpris de ce que je viens de dire. Je ne me rends pas compte de comment cela peut être interprété, pensant seulement pouvoir profiter du repas promis par le jeune homme.

Payer en deux parties. Il note ça dans un coin de son esprit, puis ça lui ressort aussi sec tant il est concentré. Ca aura son importance sous peu, mais au moment ou il rejoint la forgeronne pour lui présenter son polymorphe, c'est déjà oublié, parti dans le flot de ses pensées comme un mauvais souvenir. Il sait très bien qu'il va payer cher, et à ce point, il ne fait plus vraiment attention aux petites lignes. Oh, bien sur qu'il va les lire quand même, mais à ce stade, est-ce qu'un zéro de plus ou de moins fait vraiment la différence ? Il va surement dépenser encore plus qu'il n'a gagné a peine deux jours avant, mais la marchandise en mérite le prix, il a totalement confiance en Sia pour lui fabriquer un objet digne des légendes.

Et effectivement, durant la courte attente que lui impose la demoiselle le temps de finir son propre travail, il a le temps de se rendre compte d'a quel point la température est élevée. Le temps qu'elle vienne à lui, il commencerait déjà à suer, alors qu'il a retiré ses vêtements d'hiver les plus chauds en entrant dans le bâtiment. C'est donc plutôt satisfait qu'il recule de quelques pas pour discuter avec elle et la laisser tester son maillage tout en hochant du chef.

-"Je te fais confiance pour que rien ne m'arrive voyons. Mais tu as raison, je devrais être plus précautionneux près d'une forge à l'avenir. Je n'ai jamais réellement eut l'occasion de m'en approcher tant, donc je ne connais pas ses dangers. Je me fie donc à ton avis. Et bien sur que tu peux le garder, je n'en ai pas l'utilité pour le moment, donc au moins il te servira à avancer quand tu le pourras."

Tout en finissant de parler, il récupère les différents minerais qu'il donne à son amie. C'est une fortune qui passe de main en main et finit sur un atelier, et même sans connaître la valeur précise de tout ce métal, il sait déjà que tout est particulièrement précieux. Du moins, il fait confiance à Sia pour que ce soit le cas. Elle sait ce qui est en jeu, il ne doute donc pas qu'elle a choisi les meilleurs morceaux. Et vu comme il se fait tirer vers le comptoir, il ne s'est pas trompé. La facture est un sujet plutôt sensible, et le sourire de requin de Nerau le prouve bien. Au moins, la promesse des cristaux l'a clairement adouci, vu qu'il semble désormais juste... Heureux, comme un tavernier qui vient de vendre ses tonneaux de sa pire bière à un aventurier un peu crédule. Almassar attrape la facture pour commencer à la lire, et à sa décharge, il ne sourcille qu'a peine en voyant le prix total. Il savait qu'il allait payer cher. Peut être pas autant, mais le bon artisanat mérite sa valeur.

-"Je vais garder la facture, ne t'en fais pas. Ça peut toujours servir un jour, au moins pour me souvenir de l'adresse si il me faut des minerais de qualité pour une expérience. Et de toute façon, je t'avais dis, je te fais confiance sur les dépenses. Je n'ai jamais douté de ton honnêteté à ce sujet. Quand aux cristaux, ça devrait aller, ne t'en fais pas."

Se concentrant, il ne voit même pas le sourcil arqué du maître des lieux, qui pense d'une manière assez similaire à Sia : comment le gringalet peut être assez con pour se trimbaler avec autant d'argent sur lui ? Et si son sourcil s'arque, le second vient vite le rejoindre alors que l'enchanteur souffle et en appelle à l'un des objets encore présents dans sa boutique. Un bruit de déplacement d'air qui claque dans la pièce, assez discret vu que le coffre n'est pas trop gros, mais présent tout de même. Et aux pieds de l'enchanteur, à la place du néant, se trouve désormais le coffre présent dans sa boutique. Nerau aimerait bien parler, mais à ce stade il est juste entre la stupéfaction et l'incrédulité, et préfère juste se taire et voir si il va obtenir ses cristaux dans l'instant.

Totalement imperméable aux regards qu'on lui jette, Almassar ouvre rapidement son coffre, révélant ... Des cristaux. Trop de cristaux en un seul endroit, pour le bien de l'homme. Heureusement, la facture seule lui en déleste d'une bonne partie alors qu'il pose pile après pile sur le comptoir, et qu'un Nerau toujours aussi stupéfait les encaisse. Le prix entier est payé au comptant, et l'enchanteur referme son coffre avant de le mettre dans son sac sans fond, récupérant son pendentif de rappel qu'il cale dans l'une de ses poches. Satisfait d'avoir réglé cette question, il se redresse en se frottant les mains, souriant aux deux forgerons, avant de revenir à Sia.

-"Maintenant que c'est réglé, je te laisse à ton travail. A ce soir alors, et bon courage ! J'ai hâte de voir ce que tu me prépares. Quand à vous Nerau, merci à vous. J'espère pouvoir faire affaire avec vous à l'avenir."

Inclinant la tête pour saluer l'un, puis l'autre, l'enchanteur repart. Toujours imperméable à tout regard, toute remarque que l'on pourrait lui faire. Oui il vient de téléporter un coffre avec toutes les ventes de sa boutique de la semaine, qu'il n'a pas encore transféré en cristaux de plus haute valeur ou mis en banque. Mais il a une bonne raison pour cela. Et maintenant que la facture est payée, le total est bien plus léger. Il ne craint donc plus rien, non ? Et c'est du pas léger d'un homme heureux de son devoir accompli qu'il retourne à cette fameuse boutique, après quelques emplettes pour refaire ses stocks de ressources et de composantes dont il a désespérément besoin en ce moment...

Je m’attends sincèrement à avancer les cristaux et à m’arranger avec Nerau, après tout ce genre de choses est courant dans le domaine. Almassar me certifie alors que cela devrait plutôt aller. Je le regarde sans vraiment comprendre. Il n’a quand même pas une telle somme dans son sac sans fond ? Non. Il sort plutôt un talisman. Le temps que j’identifie l’objet en question que je vois apparaitre un coffre devant lui. Je sens un étrange sentiment m’envahir, entre l’incrédulité, le désespoir, la honte ou juste de l’exaspération. Sans se démonter, l’enchanteur commence à aligner les cristaux que le forgeron compte. Évidemment, il fait cela avec un maximum de cristaux sombres, et je commence à soupirer en cachant mon visage dans une de mes mains. Au moins, l’innocence d’Almassar lui permet de ne pas se rendre compte de nos réactions et c’est ainsi qu’il règle complètement la facture qu’il doit à l’atelier de Nerau.

Il nous salue ensuite avant de partir, content que ce poids lui ai été retiré des épaules -sans oublier de remettre son coffre et le reste de ses cristaux dans son sac sans fond comme si de rien n’était. Le blond commence à ranger son salaire dans une bourse magique et sécurisée tout en soufflant un petit rire.

« Finalement, j’ai bien fait d’accepter ta demande. Un client comme ça, j’en veux bien tous les jours. »

Je pousse un nouveau soupir avant de me redresser et de fixer le blond avec un regard plus sévère.

« Il va falloir que j’ai une petite discussion avec lui... Et ne t’avise pas de jouer sur sa crédulité pour tout lui faire payer au prix fort à l’avenir ! »

Il souffle un nouveau rire, affichant un sourire sournois en me regardant.

« Ça, ma pauvre Sia, il va devoir se débrouiller seul s’il ne veut pas se faire avoir à l’avenir. Je ne peux rien te garantir avec un client comme lui où il y a écrit en gros sur son front “PIGEON” et sachant qu’il peut me payer aussi rapidement... »

Son attention se reporte alors sur mon avant-bras où le maillage est toujours attaché. Je compte bien garder précieusement ce polymorphe qui appartient à mon ami pour lui rendre dans l’état dans lequel il me l’a donné.

« Et c’est quoi ça ? Tu ne l’avais pas avant.
- Occupes toi de compter tes cristaux tel un petit kapitaliste. »

L’homme souffle à peine un rire à cette remarque alors que je m’éloigne du comptoir pour rejoindre mon poste de travail. Il va clairement falloir que j’ai une discussion avec Almassar pour lui apprendre à faire attention à lui et aux choses précieuses qu’il peut transporter -ou appeler à lui- et éviter que ce genre de choses ne se reproduisent.

En attendant, j’ai du travail. Je me remets à travailler, posant le polymorphe non loin tout en faisant attention à la chaleur. Le reste de ma journée est rythmé par la fonte et la purification des différents métaux pour terminer l’alliage qui va servir de base au brassard. Une fois l’alliage prêt, il me reste à lui donner la forme que je veux. Vient alors la partie la plus physique du travail : chauffer le métal, l’étirer, le marteler, le refroidir, le frapper à nouveau et recommencer jusqu’à obtenir la forme finale. Le temps passe rapidement et quand je relève enfin le nez, j’ai à peine terminé de donner sa forme au brassard et de marquer des points de repère pour aligner le modèle de maillage fourni par mon ami. Il ne me reste qu’à lui faire essayer l’objet, noter des ajustements et l’incrustation des circuits magiques pourra enfin commencer !

Ma journée de travail enfin terminée, je récupère tout mon matériel, mes affaires, les minerais restants et m’appartenant désormais -ou plutôt appartenant à l’enchanteur- pour ranger le tout dans mon sac sans fond. Il est temps de quitter cet atelier pour retrouver Almassar, le laisser m’offrir un bon repas et pouvoir discuter des derniers détails mineurs avec lui. En somme, j’ai eu droit à une très bonne journée de travail, et surtout, particulièrement rentable. C’est avec le cœur léger et un petit sourire aux lèvres que je quitte l’atelier pour rejoindre le froid mordant de l’extérieur.