La vie était belle pour Nevaeh. Elle avait 27 ans et travaillait comme hôtesse à la guilde des aventuriers. Elle aimait son travail et aimait encore plus les gens. Chaque jour était différent. Un jour, elle remplissait un abonnement pour un nouvel aventurier, le lendemain, elle recommandait une quête et parfois, elle partait elle-même à l'aventure. Quand elle n'était pas derrière son comptoir, elle passait du temps dans la forêt, puis mangeait et buvait dans diverses tavernes. Elle y rencontrait toujours les personnes les plus intéressantes. Il y avait aussi quelque chose de très intime à apprendre la vie des gens à 3 heures du matin après quelques verres. Et c'est toujours tard dans la nuit que les informations les plus intéressantes s'échappaient par hasard des lèvres des gens. Parfois, lorsque la conversation devenait trop longue, elle terminait la rencontre dans leur lit. Même si tout le monde ne dirait pas que c'est une vie idéale, elle l'aimait bien.
La vie était peut-être bonne, mais pas toujours facile. Elle se souviendra toujours de sa première mission. Ce fut un désastre. Elle savait comment se battre, mais elle manquait parfois de bon sens. Elle prenait des décisions sans réfléchir. Elle parcourait le monde et affrontait des monstres avec un plan à moitié pensé. Et peu importe à quel point elle essayait, cuisiner finissait toujours en catastrophe. L'argent n'était pas toujours facile à obtenir et avant de devenir hôtesse, elle n'avait pas d'endroit pour vivre. Ce n'était pas facile, mais c'était sa vie.
Mais maintenant, la vie était horrible.
Avec toutes ses peurs qui lui tourmentaient l'esprit, elle n'avait pas le temps de faire le deuil d'une vie qu'elle aimait. Le temps était précieux. Et elle ne le gaspillerait pas en pleurant et en se lamentant. Nevaeh était morte. Elle détestait cela. Mais c'était nécessaire. Le monde entier devait le croire. Ses amis, sa famille et elle. Ce n'était pas suffisant de simplement mettre en scène sa mort. Maintenant, elle devait tuer chaque petite chose qui faisait d'elle ce qu'elle était. En commençant par son apparence. Grâce au peigne magique, ses longs cheveux noirs changèrent lentement. Elle prenait tellement soin de ses cheveux que c'était triste de les voir se raccourcir. Ce qui lui arrivait sous la taille lui arrivait maintenant légèrement sous l'épaule et le noir se transformait en un rouge sombre. Pièce par pièce, elle étouffait ce qui faisait d'elle Nevaeh. Aucun bijou ne décorait un corps. Elle ne montrait plus sa peau comme elle le faisait auparavant. Elle jeta le bandeau autour de ses yeux et le remplaça par une longue cape avec une capuche. Au lieu d'être armée d'un arc, une épée pendait à sa taille. En passant devant une fenêtre, elle a vu son reflet. Ce n'était plus elle.
C'était Raelyn.
Personne ne penserait qu'elle était Nevaeh. Elle faillit ne pas se reconnaître. Pas seulement à cause des vêtements et des cheveux. Son visage était différent. Sa peau était pâle, et elle avait des poches sous les yeux. Les nuits blanches remplies de cauchemars, ses peurs et l'anxiété la rongeaient. Le pire, c’étaient ses yeux. Ils avaient perdu toute lumière. C'était donc sa nouvelle vie ? C'était la vie de Raelyn. Ça devait se faire. Ça devait être comme ça.
C'était la vie.
Avec son nouveau look, elle sortit de la ruelle où elle se trouvait. Elle avait essayé d'éviter les gens, mais c'était difficile. Il y avait tellement de gens que la seule façon de les éviter était de rester dans l'ombre des ruelles. C'est ce qu'elle fit. Les gardes patrouillaient dans les rues, mais leurs yeux regardaient rarement la ruelle. Loin des yeux, loin de l’esprit, se dit-elle. Avec précaution, elle naviguait dans les rues de la ville. Elle connaissait les rues par cœur, mais voir la capitale sans son bandeau était un peu déstabilisant. Au moins, la capuche était un bon remplacement pour le bandeau.
Finalement, elle parvint à se rendre là où elle voulait. Elle s'appuya sur un mur et observa les portes de la prison. Au-delà de ces murs, il y avait quatre hommes. Ils étaient ceux qui l'avaient agressée, et ils travaillaient pour le Non-mort. Le plan le plus simple aurait été d'en laisser un s'échapper et de le traquer. Si elle faisait ça, il finirait par retourner chez son patron. Mais à l'instant où elle commencerait à planifier leur fuite, elle deviendrait une criminelle. Elle n'était pas une criminelle... Elle était... Qu'était-elle ? Qui était Raelyn ? Soudainement, elle n'était plus sûre. Elle pouvait être n'importe quoi en ce moment. Une honnête citoyenne ou une criminelle. Et cette pensée l'effrayait. Parce que c'était tentant. Le moyen le plus rapide de retrouver sa vie serait de s'introduire dans leurs cellules et de les sortir de là. Et une pensée beaucoup plus sombre se glissa dans son esprit. Elle pourrait les punir elle-même. Elle avait toujours la dague incrustée d'émeraudes. Et plus elle y pensait, plus il était difficile de réprimer la tentation. Elle avait manqué la chance de couper la gorge de Gus. En pensant à lui, elle sortit de ses pensées. Elle n'était pas une criminelle ! Ils devaient faire face à la justice, mais pas de sa main.
Calmement, elle entra dans le bâtiment et retira la capuche. Inspire. Expire. Tout allait bien. Une fois à l'intérieur, elle fut accueillie par un garde. Il voulait connaître la raison de sa visite. Essayant de ne pas paniquer, elle expliqua qu'elle était une aventurière, et qu'elle avait une mission. Quelqu'un avait demandé que quelqu'un s'assure que le transfert de prisonniers se passe bien. Bien qu'elle mentît délibérément, l'homme hocha la tête. Il en avait entendu parler. Mais le transfert était censé avoir lieu dans quelques jours. Elle n'en revenait pas de sa chance. Son mensonge était donc vrai pour certains prisonniers. Elle s’excusa d'avoir commis une erreur dans les dates et demanda s'il était possible de voir les prisonniers. Il accepta, cependant, il lui demanda de laisser ses armes à l’entrer. Ce n’était qu’une mesure de précaution. Personne ne voulait que des criminels puissent mettre la main sur une arme. Alors elle laissa son épée et ses dagues à l’entrée sans broncher.
L’homme la guida en silence. Il n’avait rien à dire et elle non plus. Elle ne voulait pas mentionner la fausse mission et dire quelque chose qu’il ne fallait pas. Il finit par s’arrêter devant une cellule. Pendant une seconde, elle pensait que son cœur allait s’arrêter. Elle devait garder son calme. Respire. Tout va bien. Elle discuta un moment avec le garde le questionnant au sujet des criminels. Pourquoi étaient-ils emprisonnés ? Quel était leur crime ? Après lui avoir expliqué que la mission n’avait pas détailler le genre de criminel à escorter, il lui révéla les informations. Chaque réponse était décevante. Alors elle continua de poser des questions, tissant quelques mensonges au passage et exprimant quelques inquiétudes. Elle lui dit qu’elle espérait qu’il ne faisait pas partie d’une organisation quelconque. Si c’était le cas, cela pouvait emmener des complications. Seulement, à ce moment, il lui dit qu’ils étaient suspectés de travailler avec certains grands criminels. Assassinat, vol et enlèvement était dans leur liste d’offense.
Finalement, elle n’eut pas la chance d’apprendre beaucoup sur ses agresseurs et leur patron. Elle aurait voulu parler directement aux hommes sans la présence du garde. Mais il ne pouvait pas la laisser seule. Une fois l’échange terminé, elle retourna à l’entrer avec lui. Elle le remercia pour son temps avant de quitter l’endroit. C’était décevant, mais elle avait tout de même pu apprendre qu’ils allaient être transférés dans quelques jours. Puisque son plan, de questionner les hommes n’avait pas fonctionné, elle allait devoir réfléchir à un autre plan… Peut-être à ce moment, elle pourra tenter sa chance et les laisser s’échapper durant le transfert… Étrangement, maintenant qu’elle n’était plus personne, marcher dans le droit chemin semblait difficile.
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