- Oui Pixie. On va te trouver un grand frère ou une grande sœur.
- Pixie, content ! Content !
- Du calme Pixie. Reste bien dans ma capuche.*
Le jeune dragon miniature vient enrouler sa queue autour de mon cou pour se maintenir, reculant son museau pour que le froid ne vienne pas le saisir. Il fait maintenant la taille d’un chat, il ne tiendra plus longtemps sur mes épaules au rythme auquel il grandit, il a déjà du mal de tenir dans ma capuche. Je sens à sa petite voix dans mon esprit qu’il est particulièrement impatient. Il n’a pas été facile de négocier l’acquisition d’un autre familier avec Lyle, mais j’ai su trouver les arguments. Pixidis est avant tout là pour me tenir compagnie, qu’il soit avec moi à la forge comme lorsque je pars sur les routes. Quand il sera assez grand, il pourra même me servir d’éclaireur. Mais il me manque un équipier qui puisse toujours m’accompagner.
Même si j’ai déjà trouvé plusieurs aventuriers avec qui j’aime travailler, je ne peux pas constamment faire équipe avec eux. J’ai pourtant la nécessité d’avoir une personne en plus pour m’aider à surveiller mes arrières. L’idée d’acquérir un familier combattant adulte a donc lentement germé dans mon esprit. Je ne sais pas encore quelle espèce va pouvoir m’accompagner, mais j’espère trouver mon bonheur facilement.
Je sors le petit papier de ma poche. J’ai longuement cherché un établissement réputé pour être bien conseillée et un conseiller de la guilde m’a donné l’adresse de « La meute de la seconde chance ». Je ne sais pas qui la dirige, mais j’en ai entendu du bien. Apparemment, il s’agit d’un aventurier qui a des élevages et recueille des familiers abandonnés ou perdant leur propriétaire. On m’a prévenu qu’il est un peu spécial, mais que je n’ai pas à m’inquiéter.
Nous approchons de l’adresse, le bâtiment étant en vu. Je baisse ma capuche pour que mon visage soit visible si quelqu’un vient à me voir, Pixidis en profitant pour s’envoler et virevolter non loin de ma tête.
*Ne pars pas trop loin.*
Le dragonnet s’amuse à faire des pirouettes, attrapant sa queue tout en voletant devant moi. Je ne peux retenir un petit rire en voyant cela. J’entends alors des aboiements que j’identifie comme ceux de chiens. Je n’arrive pas spécialement à dire si j’entends une autre créature, mais au moins cela me confirme que je suis au bon endroit : le propriétaire élève des chiens. Je m’avance un peu plus rapidement vers la bâtisse pour essayer d’en gagner la chaleur. Pixie me suit en voletant, son attention se portant cette fois sur quelques flocons qui se mettent à tomber lentement, essayant de les attraper au vol.
*Pixie, reviens ici.*
Alors que je gagne l’entrée du bâtiment, le petit dragon s’éloigne pour attraper un flocon, volant un peu plus haut pour en attraper un autre avant de plonger pour rattraper la cible qu’il a ratée. Il continue son petit manège en m’ignorant, tel un chaton à qui on a eu le malheur de donner une pelote de laine. Une bourrasque vient ensuite le déstabiliser, le jeune dragon se laissant emporter plus haut avant de retomber sans réussir à correctement se remettre pour ralentir sa chute. Voyant cela, je me précipite pour le rattraper. Mon cœur bat la chamade alors que je prends peur pour mon petit compagnon à écailles. Tandis que je pense le rattraper de justesse, Pixidis reprend son envol, l’air amusé par ce petit manège. Je pousse un petit soupir soulagé avant de me redresser et prendre un air plus sérieux.
« Pixidis, ne me fait plus peur comme ça. Nous sommes là pour avoir un nouveau membre dans notre famille, pas pour jouer. »
*Pixie, désolé...*
Je souris en le voyant regagner mon épaule, affichant un air plus triste, la queue et le museau bas. Quand il regagne sa place, je viens le grattouiller pour lui signifier que je ne lui en veux pas et il semble regagner sa bonne humeur habituelle. Je m’avance à nouveau vers le bâtiment et cette fois, j'en gagne l’entrée sans attendre. Je signale ma présence avant d’ouvrir la porte de l’établissement, laissant la chaleur de l’intérieur m’accueillir alors que je m’annonce.
« Bonjour, je suis bien à la Meute de la Seconde Chance ? »
— Visiteur, approche.
— Merci Arden. Tu viens avec moi pour les accueillir ?
— Pas Soly ?
— Elle joue avec le petit nouveau.
— Sens souvent peur, mais pas attaquer. Moi gentil, mais lui peur.
— Je sais mon grand, il est comme cela avec moi aussi.
Je lui caresse le haut du crâne et il pousse un peu plus sa tête contre moi alors que je prends la direction de l’entrée du mini domaine que je me suis construit. Presque je pourrais me faire passer pour un noble avec cela. Presque je pourrais reprendre ce statut avec tout ce que cela implique s’il n’y avait pas toute mon affaire avec la garde. Il faudra que je m’occupe de cela d’ailleurs. Peut-être, en parler avec Queen à un moment. Peut-être que Primaël aura un bout de solution comme il m’a aidé avec ma désertion. Tout cela me tourne en tête quand je fais attention à qui est la personne qui demande si c’est bien ici la Meute de la seconde Chance.
— Bonjour, Sia, on est vraiment fait pour se croiser. Peut-être qu'à force on aura la chance de faire ses leçons de drague ou même une quête. Je te vois plus souvent que mes propres sœurs pour te dire. Mon frère aussi, mais c’est un autre débat encore. Sinon, bienvenue effectivement à la meute de la seconde chance, tu viens pour un glooby ? Si c’est le cas, c’est bien dommage, mais on en a aucun pour l’occasion en ce moment.
Il y a une claire ironie dans ma voix alors que je souris. Ardent lève le nez et semble chercher à comprendre ce qu’il arrive avant de sentir Sia et son familier pour se familiariser à leur odeur respective. Je n’avais pas fait attention tout de suite a soin dragon miniature, il a l’air particulièrement de bonne humeur et montre une bonne santé à première vue. Pas que je doute de ses capacités à s’occuper d’un familier, mais la dernière fois qu’on c’est vu c’était pas forcément dans un environnement sain pour des animaux de base.
— Je suppose que tu n’es pas venu pour partager un verre, même si ça sera un plaisir de t’en offrir un. C’est pour une adoption, un hébergement provisoire de familier, un abandon ou rapporter un familier trouver ?
Les deux derniers ne me plaisent pas des masses, mais il ne faut pas que j’oublie que c’est plus souvent pour ça que les gens viennent que pour l’adoption. Étrangement. Enfin, chacun a des raisons différentes, comme celles qui provoquent des hébergements provisoires de familier qui parfois devienne définitif, dans tous les cas il est important de le demander de but en blanc directement pour ne pas me faire de faux espoir pour mes résidents du moment.
*Sia connaît ? Pixie veut jouer !*
Je soupire légèrement. Il a bien trop d’énergie pour moi, mais il a le don de me faire sourire. Je hoche légèrement de la tête dans sa direction.
*Oui, je le connais. Tu peux jouer, mais ne fais rien tomber.*
Avec un petit cri satisfait, le dragon s’envole et cherche à mieux voir l’animal qui accompagne Fauve pour essayer de jouer avec. Il tourne autour de nous alors que je m’approche du comptoir pour m’adresser à l’aventurier.
« Bonjour Fauve. Je ne pensais pas te trouver ici. Nous verrons plus tard pour une quête ou des cours de drague... »
Je lâche un petit rire, retirant mes gants de cuir et essayant de me mettre un peu plus à l’aise.
« Et même si je ne refuse jamais un verre, je suis venue pour les pensionnaires qu’il y a ici. »
J’esquisse un sourire, pointant le petit dragon qui s’installe sur le comptoir pour essayer de jouer à cache-cache.
« Je me suis décidée à adopter des familiers qui puisse m’accompagner à l’aventure. Voici Pixidis qui est sorti de son œuf il y a tout juste deux ou trois lunes. C’est encore un enfant dans sa tête, mais cette première adoption m’a convaincu. J’aimerais avoir un nouveau membre dans notre petite famille. »
Je prends une grande inspiration avant de souffler doucement.
« Donc je viens pour une adoption. Enfin, j’espère pouvoir trouver une créature avec qui les choses iront bien. On m’a chaudement conseillé cet établissement... Je cherche avant tout un familier qui puisse combattre à mes côtés, protéger mes arrières ou protéger Pixidis qui semble aimer partir en éclaireur et à l’aventure tout seul. Je n’ai pas spécialement d’exigence, ou en tout cas pas qui me viennent à l’idée. J’espère que tu vas pouvoir me conseiller pour cela. »
J’affiche un sourire sincère à Fauve, espérant qu’il sente que je suis sérieuse dans cette décision. Je sais que ce n’est pas une décision facile, qu’adopter un familier adulte est souvent plus compliqué que de faire éclore un œuf, mais j’ai longtemps pesé le pour et le contre, décidant que je verrais bien en fonction des espèces et caractères présents pour trouver le familier qui pourra rejoindre notre duo pour en devenir un duo.
— Cet endroit est à moi. C’est ce que j’ai construit avec l’argent de mes quêtes et de mon travail de garde du corps. Ça me fait plaisir que cela commence à se faire connaître pour autre chose que l’élevage de chien.
Je regarde avec une certaine tendresse Arden se mettre à répondre au jeu visible du dragon miniature de Sia avant de tourner mon regard à nouveau vers Sia. Elle pourrait peut-être le faire, ça semble être une bonne gamine, en bonne santé en prime.
— Tu peux avoir le verre et les pensionnaires, ils ne vont pas disparaître d’un coup. J’adorerais en vrai qu’il trouve toute une famille d’un claquement de doigts, mais c’est tout sauf le cas.
Par contre, je suis un peu sceptique sur ce que je vais lui proposer, mais on ne sait jamais. Sur un coup de chance, il peut avoir une bonne connexion et si tous les critères ne sont pas tous là ce n’est pas grave. Je n’en sais rien.
— En tout cas, tu as l’air sérieuse de vouloir trouver un familier déjà mature pour protéger ton nouveau-né. J’ai un dragon, un peu froid, qui est classé en familier combattant, mais qui a la particularité d’être couard à l’état sauvage, mais cela se travaille.
Comme tout, mais il est bon de le rappeler et surtout de ne pas cacher ce détail-là.
— Il a du mal avec les hommes même s’il n’est pas agressif avec. Son ancienne propriétaire était une aventurière et donc il a déjà pu être sur le terrain. Est-ce que tu souhaites commencer cela pour voir ? Je te donnerais des conseils de drague qui fonctionne aussi avec les familiers. C’est juste plus pratique avec eux parce qu’ils sont bien plus fidèles une fois liés à toi. Tu as tout ce qu’il te faut pour Pixidis au fait ?
On sait jamais, si je peux voir pour améliorer un peu plus son quotidien de jeune maman de familier autant le faire. Au début on ne rend pas forcément compte de la merde dans laquelle on s’est foutu avec tout cela.
Je réfléchis à ce qu’il me propose. Je hoche la tête pour signifier que je veux bien voir ce pensionnaire tout en listant mentalement tout ce que j’ai actuellement pour Pixie.
« S’il me manque une chose, c’est surtout de jeux. Peut-être des choses qu’il peut utiliser pour s’occuper quand je travaille ? Ou des jeux plus... ludiques ? Qu’il apprenne des choses en s’amusant. Pour l’instant il joue surtout avec moi et s’ennuie rapidement si je ne m’occupe pas de lui. Et il a l’attention d’un chaton avec une pelote de laine. Peut-être qu’avoir un autre familier ou un animal de compagnie l’aidera sur ce point, mais j’aimerais bien des conseils pour des jeux adaptés pour son âge. »
Avoir un familier, c’est un peu comme un gamin : ça mange, ça dort, ça joue, mais ça chouine aussi, notamment si vous lui donnez la parole. Et j’ai l’impression d’avoir pour le moment un enfant de cinq ans qui apprend à parler correctement et qui s’amuse d’un rien. Et quand il commence, il ne veut plus s’arrêter de jouer. Pyxidis est une sorte de chiot. Et parfois il ressemble plutôt à un chaton. Et d’autre fois à un jeune oiseau. Après un nouveau moment de réflexion, je décide de questionner Fauve sur son pensionnaire.
« Sinon, pour le dragon, cela ne me dérange pas qu’il soit couard. Tant qu’il est capable de se protéger et au besoin d’emmener Pyxidis dans sa fuite, c’est le principal. Il serait plutôt comme... ma garde arrière ? Du genre à surveiller mes arrières… Ou partir en éclaireur avec Pixie. S’il a déjà été avec une aventurière, il doit avoir une base d’entrainement plutôt intéressante. »
Tout en parlant, je pèse déjà les pour et contre de ce qu’il m’a dit sur l’animal.
« Et comment ça du mal avec les hommes ? Il a été maltraité ? Ou est-ce lié à son abandon ?... »
Mon cœur se serre légèrement. Même si je ne suis pas du genre à m’apitoyer sur le sort des animaux, je comprends désormais le lien qui unie un familier et son maître. J’ai du mal à concevoir d’abandonner un animal avec qui on a établi un tel lien, ou le laisser se faire maltraiter. S’il était avec une femme appartenant à la Guilde, tout a pu arriver.
Nous arrivons rapidement devant une sorte de petit enclos où le pensionnaire s’amuse avec un chien. Après un petit moment, j’ai l’impression de reconnaitre ce chien. Ce serait celui avec qui Fauve était au manoir ? Le pensionnaire est concentré sur son jeu. D’un blanc presque immaculé, il ouvre ses ailes dans un mouvement de jeu. Il a de grands yeux bleus qui finissent par percevoir notre présence. Son excitation du jeu devient subitement une sorte de timidité. Il vient comme se cacher derrière la chienne qui semble heureuse de repérer son maître. En l'observant, j’ai l’impression de revoir Lumi, la laium de Violette que j’ai rencontré il y a quelques lunes.
« C’est lui ? C’est un laium, non ? Je les pensais très rares... »
Mon regard commence à pétiller malgré moi. Je ne peux m’empêcher de revoir Lumi et la douceur dont elle faisait preuve. Cette petite laium était adorable et attendrissante. C’est déjà un premier coup de cœur pour moi…
— C’est un chaton avec une pelote en même temps. Tout animal a…
Je me coupe dans ma phrase en voyant le laïum approcher doucement de nous et pour une fois ne pas vraiment faire attention a moi. Enfin, si, comme souvent, il va instinctivement à une distance respectable de moi pour éviter le contact, mais son approche reste tout de même surprenante. Il est visiblement curieux de la présence de Sia face au petit enclos. Enfin, est-ce qu’il approche vraiment ou suis les mouvements de Soly qui est heureux d’avoir de la visite ?
— Hum… Oui, c’est lui du coup. Il n’a pas été maltraité, au contraire, sa propriétaire l’aimait beaucoup. C’était une très bonne personne.
Elle est malheureusement partie trop tôt, comme beaucoup d’aventuriers. J’aurais voulu pouvoir réconforter le petit, mais ce n’est pas possible.
— Il n’a pas été abandonné, sa maîtresse n’est pas revenue d’une quête. Il a toujours eu du mal avec les hommes qui prenait un peu trop l’attention de cette dernière et son dernier partenaire de quête a été un homme qui a fui.
Il n’avait pas tellement le choix pour survivre d’après les rapports. C’était sa vie ou la sienne et il n’était pas le genre d’altruiste qui donne sa vie pour une simple camarade de guilde, il avait une famille et tout ce qu’il avait pu sauver avait été la familière de cette dernière. Bien sûr, d’un point de vue humain on peut comprendre cela, pour un familier ce n’est pas la même chose, loin de là.
— C’était une question de vie ou de mort, mais il n’a pas vu cela de la même manière. Il est couard, mais protecteur, donc si tu arrives à créer un lien avec toi et Pixie il est certain qu’il fera attention à vous deux à sa façon.
Il a une habitude du terrain et mine de rien il a des bases de survie en milieu hostile ou de comment agir en quête.
— Comme tu parlais de jeu un peu plus tôt, ça serait le bon moment de faire d’une pierre deux coups et jouer tout en voyant si le courant passe bien entre vous. Cela te tente ? Attraper une friandise est quelque chose de simple pour une première approche. Ça reste un petit gourmand et je suis certain qu’il sera rapidement dans l’ambiance.
Tout en disant cela, je lui donne un sachet de friandises aux pommes qui fait très visiblement remonter le museau de la laïum dans notre direction.
- Lancé de dés pour une action:
L’histoire qui est racontée est toutefois attristante. Une aventurière comme moi qui est partie en quête et n’est pas revenue. Son compagnon est rentré sans elle, le dragon étant le seul qu’il ait pu sauver. Je comprends le déchirement qu’il a pu ressentir et cela me fend un peu le cœur. Je l’observe avec un regard légèrement attristé, comprenant pourquoi il est désormais méfiant. Cela risque de demander du travail si le courant passe entre nous, il m’arrive souvent d’être accompagnée d’hommes. À vrai dire, je suis surtout entourée d’hommes.
Fauve enchaine alors sur la possibilité d’un jeu et je me mets à légèrement cligner des yeux à cette évocation. Je ne comprends pas tout de suite, Pyxidis réagissant en premier au mot « friandise ». Le dragon miniature glouton revient directement vers nous, m’ignorant presque pour s’intéresser uniquement à l’aventurier ayant prononcé ce mot magique.
*Friandise ?*
Je me frappe le front, légèrement désespérée de l’appétit qu’il peut avoir. Après un petit soupir, je viens récupérer le dragonnet pour me laisser au moins voir mon interlocuteur.
« Pixie veut participer. Qu’est-ce que je dois faire ? »
Je laisse l’homme m’expliquer. C’est plutôt simple : je n’ai qu’à lancer une friandise de manière que le familier l’attrape et augmenter ensuite la difficulté quand il s’habituera. Un jeu facile à mettre en place, surtout quand l’animal en question est un ventre sur patte. Récupérant le sachet de friandises pour le laium, je viens aussi récupérer les préférés de Pixie dans mon sac. En voyant le sachet, le dragon s’excite et se met à voler autour de moi à toute vitesse, me donnant presque le tournis. À croire que je ne l’ai pas nourri depuis des jours…
*Pixie, ça suffit !*
Le petit dragon s’immobilise au-dessus de l’enclos, le laium et le chien nous regardant faire ce petit manège.
« Pixie, tu vois cette friandise ? »
*Oui !*
« Je vais la lancer. Tu n’as qu’à l’attraper. »
*Friandise !*
Comprenant que le dragon se fiche un peu du jeu et veut juste son gâteau, je souffle de façon amusée. Je viens alors récupérer un gâteau parfum fraises des bois, ses préférés, l’agiter pour lui montrer tout en lui ordonnant de ne pas approcher. Quand il se met à obéir, je lui lance et il se précipite pour le récupérer. Même s’il ne le récupère pas tout de suite et le laisse tomber, il vient le récupérer en plein vol avant qu’il ne touche le sol.
Mon dragon désormais un peu occupé à savourer son gâteau, je viens ouvrir le sachet pour le laium. Ce dernier a le museau qui frétille, son regard se mettant à briller quand il reconnait l’odeur du biscuit que je sors. C’est comme si pendant un moment Fauve n’existe plus et il ne voit que cette sucrerie. Refaisant les gestes de plus tôt, je viens lui lancer pour que la friandise fasse une jolie cloche devant arriver à peu près au-dessus de lui. Malheureusement pour le familier, il loupe de peu sa cible et vient ensuite rapidement faire givrer puis récupérer le biscuit. Un petit rire m’échappe en le regardant faire, venant m’appuyer sur le bord de l’enclos pour l’observer. Définitivement, j’aime cette espèce, mais j’ignore si Fauve va trouver qu’un lien pourra s’établir ou non entre nous. Entre le laium et moi. Pas avec Fauve.
Je ne tourne vers ce dernier, lui montrant le sachet comme pour l’inviter à essayer. Qui sait ? Avec un peu de jeu, peut-être que le dragon de glace acceptera un gâteau de sa part. En tout cas, je ne cache pas mon intérêt pour ce petit pensionnaire.
« Il a un nom ? J’ignore comment ça se passe quand on souhaite adopter un familier adulte… Le nom donné à la naissance, c’est ce qui définit le lien avec le maitre. Il faudrait en donner un nouveau ou garder l’ancien ? »
— Tu te débrouilles bien avec lui.
Ma voix fait frémir le laïum, même avec mon pouvoir son traumatisme est fort mine de rien. Ce n’est pas miraculeux. Beaucoup de gens semblent minimiser les deuils que peuvent faire les animaux. Enfin, s’il joue avec Sia c’est une bonne chose. Remplacer de mauvais souvenir par des bons est important, tout comme avoir fait un passage chez moi avant d’avoir une nouvelle famille lui permet d’avoir un moment de transition plus en douceur.
— Tiamat.
Comme à chaque fois que je prononce le nom qui le lie à son ancienne propriétaire, il stoppe ses mouvements et semble la chercher du regard. Normal d’une certaine façon, mais ça me fait mal au cœur à chaque fois. Les liens de familiers sont terriblement cruels quand un des deux côtés disparaît et laisse l’autre seul. C’est encore plus cruel pour les familiers que pour les humains selon moi.
— C’est le nom qu’elle lui avait donné. Elle était persuadée que c’était un nom qui lui offrirait une force combattante extraordinaire.
Elle avait toujours vu les choses un peu trop grandes. À la toute base il savait de source sur qu’elle voulait l’appeler Fenrir pour s’amuser à pouvoir dire qu’elle avait un Fenrir en familier, mais a elle a renoncer quand c’est devenu le prénom de son neveu.
— Pour ce qui est du lien de familier, j’aimerais te donner une marche à suivre précise, mais chacun est unique. Je sais que j’ai créé le mien avec un frouska en lui donnant un nom de manière presque aléatoire pour le mettre en confiance suite à l’arrestation de contrebandier. Le plus simple à faire est de lui ouvrir ton cœur.
C’est tellement niais dit ainsi. Je ricane un peu de moi-même avant de reprendre un peu plus sérieusement.
— Même s’il n’a pas de magie de familier permettant de communiquer directement avec lui, il comprend quand on lui parle. Tente une ouverture de dialogue, que cela soit à l’oral ou avec tes gestes. Laisse-toi guider par la magie et ce que tu ressens. Si tu sens qu’un nouveau nom est important pour un nouveau départ, tente et vois par toi-même s’il l’accepte, tente jusqu’à trouver cette attache entre vous deux. Si tu ne trouves vraiment pas cette attache, fabrique là avec ta volonté de lui offrir une nouvelle vie. Juste, si tu commences ce chemin il ne faudra pas t’arrêter en route parce que tu trouves cela trop dur, mais j’ai confiance en ta volonté.
Puis, il faut l’admettre, ce petit semble avoir déjà mis un pied dans l’envie d’avoir Sia en nouvelle partenaire sans même s’en rendre compte. Mes yeux pétillent d’impatience de voir de comment ce lien va se faire.
Fauve poursuit ses explications et je l’écoute sans rien dire, observant juste ce pauvre familier meurtris. Ses mots sont très intelligents et je hoche de la tête à plusieurs reprises en l’écoutant. Je ne sais pas trop comment procéder avec ce laium, mais j’y réfléchis déjà. Je peux commencer par le récupérer, lui faire un abri proche de la forge. En cette saison et dans la montagne, il sera certainement à l’aise. Progressivement passer de plus en plus de temps avec lui. Quand je travaille, laisser Pixie avec lui, autant pour occuper mon familier qu’habituer ce petit à son nouveau foyer. Voir avec le temps s’il lui faudra un nouveau nom ou pas.
Quand l’aventurier a fini ses explications, je viens me mettre accroupie derrière l’enclos, regardant le dragon de givre qui est retourné jouer avec le chien. J’hésite un instant avant de prononcer son nom doucement. Lorsqu'il l’entend, il a de nouveau cette réaction de chercher quelqu’un du regard, mon cœur se serrant en le voyant faire. Il finit par me regarder en comprenant que je suis celle l’ayant appelé. Il fait quelques pas timides dans ma direction, comme pour chercher de nouvelles friandises.
« Dis Tiamat, est-ce que tu aimerais venir à la maison avec Pyxidis et moi ? »
*Pixie veut !*
Un petit sourire étire mes traits, mes doigts grattouillant délicatement le sommet du crâne de mon dragon. Le laium se contente de me regarder en penchant la tête, comme s’il cherchait à comprendre ce que je lui demande. Je finis par soupirer et chercher une nouvelle friandise que je lui tends à travers l’enclos. Quand il l’a récupéré, je me redresse et fais face à Fauve. Ma voix est légèrement brisée, étrangement affectée par la situation de ce familier ayant perdu sa maîtresse.
« J’aimerais adopter ce familier. Je ne sais pas s’il a encore besoin d’un temps ici et si c’est le cas ce n’est pas grave. Si passer un peu plus de temps en ta compagnie peut l’aider dans ses traumatismes, je suis prête à attendre. J’ai déjà des idées pour progressivement l’habituer à la présence des hommes, mais j’ai le problème d’en être entourée en permanence. Je veux éviter qu’il soit complètement effrayé ou refuse de m’approcher en vivant chez un homme. Il n’aura presque pas de moment sans la présence d’un homme en étant avec moi actuellement. »
Ma situation actuelle est un peu complexe pour Tiamat. Je suis encore apprentie et suis loin d’avoir mon indépendance. Même si j’ai des idées, je ne veux pas non plus traumatiser.
« Si tu estimes que quelques jours ou semaines en ta compagnie peuvent l’aider, je vais suivre ton conseil. Je ne souhaite pas précipiter les choses. J’aimerais adopter ce laium, mais je ne suis pas pressée au point de le brusquer. Je veux l’adopter, mais je vais suivre tes conseils et ce que tu penses le mieux pour toi. »
Je suis résolue même si cela s’annonce légèrement difficile. Je ne sais pas ce qu’en pense Fauve, mais s’il a besoin que je remplisse des papiers ou dépose des cristaux pour m’engager à adopter ce familier, je suis prête à le faire.
— Vu ses réactions avec moi plus vite il trouvera une famille où il se sentira vraiment à l’aise, mieux ça sera. Est-ce que tu te rends compte du temps qu’il lui a fallu pour simplement accepter de manger ce qu’on lui apporte ?
C’est dit presque avec un certain dédain, mais c’est plus du dépit envers moi-même qu’autre chose. Heureusement que j’avais mistinguette pour devenir une femme et approché le lame sinon il se serait laissé mourir de faim après la perte de sa propriétaire d’origine. Seulement, je ne peux garder cette forme juste pour lui. Même si je veux bien faire faire ce genre de chose en continu sera négatif pour lui sur du long terme.
— Enfin bref… Ce n’est pas le plus important. Si tu es avec lui, il devrait ce focus sur toi comme il le fait actuellement. En soi il est craintif avec les hommes, mais n’a jamais été agressif. Un peu comme un chat sauvage qui ne se laisse pas approcher, mais qui reste tout de même à côté de ce qui est important pour lui.
Ce n’était pas aussi simple que cela en vrai, mais c’était l’exemple le plus simple que j’avais pour le coup. Il était un peu sauvage, mais pas complètement, pas du tout même. S’il avait vraiment été sauvage, une réintroduction dans la nature aurait été tentée, alors que là on parle d’un familier. C’est un animal qui ne peut vivre sans un humain avec lui.
— À mon avis ce qui serait le mieux pour lui c’est que tu crées le lien de familier dès maintenant avec lui si tu le souhaites vraiment. Lui donner un nouveau nom ou bien garder l’ancien, mais laisser ta magie et la sienne se lier. Si possible il me faudrait des vêtements qui ont ton odeur et pendant quelques nuits le laisser dormir dans un lieu à l’écart avec ton odeur, peut-être même celle de l’homme qui vis avec toi pour qu’au moins son odeur soit connue et non vue comme une agression. Si jamais tu es vraiment chaude pour cela, je te proposerais aussi de laisser Pixie avec lui pour que les deux s’habituent doucement ainsi à la présence de l’autre avant de le bouger chez toi. Possiblement le temps de lui faire une place bien a lui si tu as besoin.
C’était des conseils assez basiques et qui la majorité des fois sur les familiers de petites et moyennes tailles fonctionnaient relativement bien.
— Est-ce que tu as besoin de documentation sur les habitudes alimentaires et de manière générale de vie des laïums ? Beaucoup de trucs me semblent évidents, mais je sais que c’est parce que j’ai étudié de manière intensive les animaux.
Tiamat s’est approché un peu plus de Sia et la sent de plus en plus, sa curiosité très clairement attisée par la demoiselle. Je suis devenu une plante verte dans son décor ce qui est une très bonne chose pour le coup. Petit ingrat.
« Je trouve que Tiamat est un nom qui lui correspond plutôt bien… Et je ne me sens pas d’effacer entièrement le souvenir de sa maîtresse. Je vais laisser Pyxidis avec lui et rentrer pour lui préparer un abri où il pourra être à l’aise quand il y a du monde. J’ai des vêtements de rechange avec moi que je peux te laisser. »
Un large sourire se dessine sur mes traits. Le dragon de glace me regarde avec une certaine curiosité dans le regard. Je viens lui donner une nouvelle friandise, Pixie en profitant pour en réclamer à son tour.
« Pixie, est-ce que tu penses que Tiamat ferait un bon grand frère ? »
*Pixie aime bien ‘Mat.*
Je souffle un rire à cette réponse. Mon dragon miniature vient même se frotter au laium, cherchant son attention. Il l’a déjà adopté sans même discuter, son jeune âge devant jouer en sa faveur. Tiamat ne semble pas contre ce contact, poussant un petit grognement amical à mon familier. Je les laisse faire avant d’attirer l’attention du glacé.
« Tiamat ? »
Il tourne son regard bleuté vers moi cette fois, ne cherchant pas sa maîtresse comme il a pu le faire plus tôt.
« Est-ce que tu veux vivre avec Pixie et moi ? »
Il me regarde avec intensité avec d’échanger des petits couinements et grognements avec mon dragon miniature. Ces deux là paraissent discuter et bien s’entendre, je les observe faire avec une certaine candeur. Je me ressaisis quand la voix de mon familier résonne dans mon esprit.
*’Mat veut venir avec nous !*
Un large sourire étire mes traits et je ne peux m’empêcher de caresser le laium. Ce dernier ferme les yeux et vient frotter son museau contre ma paume. Je ne sais trop si j’ai réussi à créer un lien avec lui, mais j’ai l’impression que quelque chose commence à naitre entre nous. Je laisse mon familier en compagnie de ce nouveau membre de la famille et me tourne vers Fauve.
« Tu peux préparer tous les papiers pour l’adoption. Et je veux bien toute cette documentation… »
Je laisse le propriétaire me guider et commencer à me donner différentes instructions. Je finis bien vite avec une tonne de paperasse à faire, des conseils sur l’alimentation, sur les lieux idéaux pour laisser un laium se reposer, et ce genre de trivialités. Le reste de la journée défile sous les données administratives pour officialiser l’adoption, mais aussi sur toutes les choses à savoir sur cette espèce avec qui je n’ai jamais vécu sur le long terme. On se met d’accord sur une date pour que je vienne récupérer mon nouveau protégé qui va rester en compagnie de Pyxidis. Je confie également un sac avec des vêtements à moi ainsi que des affaires de mon dragon miniature. Je fais plutôt confiance à Fauve pour s’occuper de lui, il est loin d’être un ignorant à ce sujet au vu de son établissement. Quand tout semble plus ou moins réglé, je règle la somme de cristaux nécessaire pour les frais d’adoption. Je laisse aussi un petit surplus sous forme de dons pour les nombreux services rendus pour que cette adoption se déroule au mieux.
Avant de partir, je prends le temps de saluer et câliner Pyxidis qui va visiblement dormir avec Tiamat. Je ne manque pas non plus de saluer ce dernier et lui promettre de rapidement revenir. J’ai l’impression pendant un instant qu’il n’a pas envie que je parte. Quand tout est réglé, je me retrouve en compagnie de Fauve, sur le pas de la porte, n’ayant plus qu’à rentrer pour préparer l’arrivée de ce nouveau pensionnaire. Je décide alors de remercier autant que possible Fauve, même si je l’ai déjà généreusement payé, je trouve que cela n’est pas suffisant.
« Fauve, j’aimerais vraiment te remercier pour aujourd’hui. Même si nos premières rencontres ne t’ont pas réellement mis en valeur, je dois reconnaitre que tu es un très bon éleveur de familiers. On sent que cela te passionne et je t’admire pour tes capacités. Je pense que je ne pourrais jamais assez te remercier pour ta patience aujourd’hui, mais aussi pour tout ce que tu m’as conseillé. Je sais que je vais repartir avec Tiamat qui s’est rapidement attaché à moi, mais selon moi, ce n’est possible que parce que tu as fait un travail formidable avec lui, que tu as été particulièrement attentif à ses besoins et que tu t’es plié en quatre pour qu’il s’ouvre à quelqu’un. Même si nous sommes partis sur des bases plutôt bancales, saches que je vais continuer de t’admirer pour ton travail et que mon jugement à ton propos a complètement changé. Et si un jour, tu as besoin d’une forgeronne… Tu sais où me trouver. »
Les compliments sonnent un peu difficiles, pas vraiment habituée d’en faire, mais j’ai essayé de transmettre mes sentiments. J’ai l’impression d’en avoir fait des tonnes, un peu gênée par l’ambiance que cela met entre nous. Avant que ce charmeur ne se sente pousser des ailes, je le remercie une dernière fois et le salue. La journée touche à sa fin, il va me falloir passer la nuit dans une auberge avant de rentrer. Demain, je préparerai un petit nid pour ce nouveau compagnon, et j’espère que l’avenir fera que nous formerons une formidable petite équipe, voire une famille.