La quiétude de cette belle nuit d’hiver fut rapidement interrompue par l’arrivée d’un messagerbou, qui se posa tranquillement sur le bras de l’aventurière. Cette dernière prit rapidement le temps de gratifier l’animal d’une petite noisette - normalement prévue pour soudoyer les écureuils - avant de s’emparer du petit parchemin présent dans le petit sac à dos de l’animal. Profitant de sa friandise, et son message délivré, le volatile secoua rapidement ses plumes, avant de reprendre son envol.
Les sourcils froncés, la brune était assez inquiète par l’arrivée d’une lettre - un évènement assez rare pour l’aventurière solitaire qu’elle était, et qui constituait rarement des bonnes nouvelles. Elle s’était attendue à y trouver le cachet de la guilde, mais rien de tout cela. Peut-être une blague de l’autre crétin? Non, le premier mot ne laissait que très peu de doutes quant à l’auteur d’une telle missive. D’abord rassurée, son expression se mit à s’éteindre à nouveau progressivement au fur et à mesure de sa lecture, la faisant passer au travers d’un véritable ascenseur émotionnel.
- La lettre d'Inaros:
- Violette,
Ma sœur. Comme j’ai pu te l’expliquer dans une autre de mes lettres, j’ai sûrement trouvé un moyen de quitter le corps de la sculptrice. Je t’ai parlé de l’incertitude des effets et que je pourrais sûrement y trouver la mort. Je dois le faire. Malgré tout ce que cela peut impliquer. Je pense que je n’aurais pas de meilleures fenêtres que celle-ci, et je suis désolée que nous n’ayons pas pu nous voir, seuls, ces derniers temps. Si tout fonctionne, tu retrouveras ton grand-frère, je te le promets. Je t’ai aussi dit que je ne t’abandonnerai plus et c’est ce que je fais. Si c’est Lucy ou n’importe quel dieu qui m’accueille près de lui, alors sache que je lui demanderai qu’il garde une place pour toi près de moi. C’est bien maigre et tu connais mon pragmatisme, mais je fais ça pour que nous ne l’ayons plus entre nous deux.
[L’écriture est un peu plus compacte, comme s’il s’était souvenu d’inscrire ça quelque part] S’il-te-plaît, ne la blâme pas. Elle n’est pas responsable de mes décisions. Si tu veux récupérer quelques-unes de mes affaires, tu peux toujours la contacter.
PS : Sois heureuse, Violette. Toi plus que moi l’a toujours méritée. J’espère que ta vie d’aventurière te comblera et que, peut-être, un jour, tu auras le bonheur de me faire tonton - que je sois physiquement présent ou non.
Ton frère, Niko
Retrouver son grand frère... Pourquoi cette lettre sonnait-elle autant comme une lettre d’adieu, alors? Elle avait ce sentiment que rien n’était réellement prêt, que tout était expérimental. Pourquoi lui parlait-il autant de Lucy, ce crétin? Et pourquoi finissait-il sur cette fichue envie de devenir tonton? Si elle avait pu, elle l’aurait certainement secoué bien fort en lui mettant quelques claques, espérant lui remettre ses idées en place. Mais c’était certainement déjà trop tard au moment où cette lettre était arrivée entre ses mains.
L’aventurière réfugia son visage entre ses mains, se penchant un peu vers les flammes comme si le léger panache de fumée lui donnerait une excuse face à la larme qui venait de couler sur une de ses joues. Même si elle n’avait personne à qui mentir en ce moment, à part peut-être Lumi qui profitait encore du repos des braves dans un froid qui lui convenait parfaitement, à elle.
« Crétin, elle va aller où, ton âme, si tu n’as plus de corps…? »
Il avait bien spécifié dans sa lettre que ce n’était pas sa faute à elle, la sculptrice. Et pourtant, Violette avait cette impression qu’il avait fait tout de même ça pour elle. Qu’il s’était en quelque sorte suicidé pour la laisser retrouver une vie normale. Et la brune la détestait encore plus pour ça, même si elle avait certainement tort de le faire. Mais, plus que de ses affaires, elle avait besoin de nouvelles. De savoir comment ça s’était passé. Qu’est-ce-qu’il est devenu.
« Et me revoilà, comme à l’époque, à chasser un fantôme… »
Son regard embué rivé sur les flammes oscillantes, consumant désespérément quelques bûches dans l’atmosphère sèche de la saison froide, elle resta ainsi une petite minute. Une petite minute à rassembler ses pensées, ses esprits. Une seule personne pouvait avoir les réponses qu’elle cherchait, et elle savait parfaitement où la trouver. Même si elle avait espéré ne jamais y remettre les pieds et ne jamais lui refaire face comme elle l’avait fait à l’époque. Violette n’était pas une femme à se lamenter et à rester inactive. C’était une personne d’action. Peu importait si c’était le milieu de la nuit. Peu importait si cette fichue quête prendrait une journée ou deux de retard parce-qu’elle devait faire un détour par les portails de téléportation. Elle se leva d’un coup.
* Lumi, on y va. *
* Hnng? Déjà? Lumi vouloir dodo… Nuit partout… *
* Oui, nouveau travail. *
Un mensonge, mais elle avait toujours répété à sa laïum que le travail passait avant tout, quand il se présentait à elles. Peu importait la situation. Et Lumi, si elle n’aimait pas le travail, aimait bien les récompenses à la fin du travail. Laissant échapper un petit grognement alors que Violette éteignait le feu, la dragonne se releva, encore un peu groggy de sa sieste nocturne.
❁❁❁
* Toi aller bien? *
C’était bien la cinquième fois cette journée que Lumi lui posait la question. Violette n’avait pas vraiment eu la foi de lui expliquer. Elle était fatiguée de sa nuit blanche de marche. Elle savait que Lumi l’était sûrement aussi. Mais elle devait savoir ce qui s’était passé. Alors qu’elle se préparer à s’engouffrer dans le portail de téléportation du Village Perché, avant qu’elle ne puisse répondre à Lumi, une sonnerie mentale retentit dans son esprit via son cristal de communication. Xylia! Elle ne devrait pas l’inquiéter pour ça, même si sa voix mentale trahissait légèrement sa fatigue et sa détresse… Peut-être devrait-elle lui en parler en détail? Elle en avait envie, elle en avait besoin, mais elle finit par juger avec elle-même que cette affaire était une affaire de sa famille. Et de celle d’Ivara, aussi. Elle ne voulait pas l’impliquer là-dedans.
Mais visiblement, elle appelait car Zahria aussi avait été mise au courant. Certainement de la même façon qu’elle. Après tout, elle était aussi sa soeur, à Inaros, et un peu la sienne aussi, même si elle avait encore clairement beaucoup de mal à se faire à cela. Et qu’elle souhaitait la voir. Violette lui donna donc, par l’intermédiaire de Xylia, l’heure et le lieu de rendez-vous à la capitale, non loin de l’atelier d’Ivara… Elle ne savait pas vraiment si c’était une bonne idée de la mêler à tout ça alors qu’elle s’était encore préparée à un nouvel interrogatoire mouvementé avec la sculptrice de verre. Mais l’heure n’était pas vraiment à rejeter ce genre d’interventions. Au contraire.
* Oui Lumi, ça va aller. Dès qu’on est à la capitale, tu pourras dormir dans le chariot. Je te tirerai. *
Sur les routes et les pavés, beaucoup plus simple que sur les petits chemins. Violette était prête à offrir à son familier un peu du repos qu’elle lui avait privé juste pour son coup de tête. Et elle s’en voulait.
* Si toi pas dormir, Lumi pas dormir non plus! *
Un sourire étira les lèvres de l’aventurière, et elle prit la dragonne blanche dans ses bras pour un gros câlin, alors que le paysage oscillait dans le portail de téléportation pour l’amener à la Capitale. Si elle était sûre d’une chose, c’était qu’elle aimait Lumi.
❁❁❁
Elle se présenta au lieu de rendez-vous, avec les quelques minutes de retard habituelles que l’on pouvait attendre d’elle. L’aventurière reconnut sans mal sa sœur, si elle pouvait vraiment l’appeler ainsi. Elle avait cette tête des gens qui n’avaient pas assez dormi avec de grandes cernes sous ses yeux, son manteau et son pantalon étaient légèrement poussiéreux. Ses chaussures de marches salies par une longue marche. Sans qu’elle ne fasse réellement peine à voir, cela ne faisait aucun doute qu’elle venait d’acourir de l’autre bout du Royaume pour cela. Pas selon la volonté de Zahria, mais selon la sienne.
« Je… suppose qu’il t’a mis au courant aussi? »
Pas même un bonjour, simplement un regard rempli d’une inquiétude qui peinait à dissimuler sa fatigue et sa tristesse. Peut-être savait-elle pourquoi le lieu de rendez-vous avait été fixé ici. Certainement qu’elle le savait. La coïncidence était bien trop grande. Et, malgré son état, et ses doutes, elle avait cette impression que Zahria était au courant.
« Allons-y. J’ai besoin de savoir. Et si tu as voulu me voir, c’est que toi aussi, non? »
L’aventurière avait des œillères en ce moment, uniquement capable de foncer droit vers l’avant comme un attelage déchaîné. Elle était comme ça, fonceuse, à ne jamais s’arrêter, même devant le plus solide des murs. Sa volonté saurait être plus forte. Et ce n’était pas une nuit blanche à marcher aussi rapidement qu’elle n’avait jamais marché qui allait l’arrêter. Même si ses jambes lui faisaient mal et la suppliaient d’arrêter. Elle ne les écoutait pas.
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