*Pixie, content !*
Je souris à cette parole mentale de mon familier qui vient alléger mon humeur. Le petit dragon blanc au ventre noir et aux cornes jaunes tourne autour de moi, visiblement excité. D’une note mentale je lui demande de venir se percher à mon épaule et de faire attention d’y rester tant que je lui dis. Je sais qu’il ne va pas forcément écouter, bien trop curieux pour son bien, mais il vient quand même se percher, profitant d’être encore assez petit pour cela.
Nous atteignons rapidement les portes de la Forteresse, et avec elles je sens ma boule au ventre revenir. Je me mords l’intérieur de la joue, commence à jouer avec mes doigts, la nervosité revenant.
*Tu crois que mes cadeaux vont lui plaire ?*
Le dragon miniature me regarde sans vraiment trop comprendre. C’est un animal, et encore un bébé, bien sûr qu’il ne comprend pas tout. Mais j’ai besoin d’être rassurée.
*Pixie est sûr que oui ! Pixie aime les cadeaux.*
Je souffle un petit rire à cette réponse. Je prends une grande inspiration et me dirige donc vers le bourg. J’espère pouvoir la trouver facilement, après le Solstice nous n’avons échangé qu’une lettre pour nous retrouver. Des missives assez courtes pour pouvoir se retrouver rapidement. Nous avons été séparées pendant plusieurs lunes, nous nous retrouvons enfin. Nous avons besoin d’être entre sœur, sans amis ou maître forgeron. Je rejoins le bourg pour trouver le petit marché dont nous avons parlé dans nos lettres, plusieurs stands de nourriture étant présent.
Je repère un petit banc bien visible, mais suffisamment calme pour que je laisse mon dragon voleter autour de moi. Je m’y installe, et sors alors les cadeaux que j’ai préparés et soigneusement emballés. Je ne sais pas s’ils vont vraiment lui plaire, mais je pense connaître à peu près les goûts de ma sœur. J’attends ainsi patiemment son arrivée, la nervosité revenant à l’idée de la décevoir ou qu’elle m’en veuille après tout ce temps.
*Pixie voit une grande dragonne !*
C’est elle, j’en suis sûre. Sans même regarder, je sais que c’est ma petite sœur Sio.
Chaque chose en son temps. Jetant un dernier coup d’œil à ton reflet, tu trouves bien adorable dans cette petite tenue d’aventurière. Même si tu ne vas pas très loin finalement, tu espères de tout ton petit cœur qu’elle verra que tu as fait de ton mieux pour être plus que présentable ! Que c’est un rendez-vous important pour toi. L’air est vrai, mais cela ne t’a jamais dérangé. Tu te diriges vers le portail pour aller à la forteresse. Au fond de ton petit être, tu espères qu’elle ne sera pas vexée que tu n’aies rien pour elle... C’est que ton porte-monnaie est plutôt vide depuis que tu vis seule... Mais tu y travailles ! Dur. Tu essaies, c’est déjà bien. Et si cela ça ne va vraiment pas en s’améliorant tu pourras toujours rentrer chez tes parents la queue entre les jambes. Ton père dira qu’il savait que tu n’étais pas faite pour ce genre de vie et ta mère ne dira surement rien. Son regard parlant bien assez pour que les mots ne soient pas du tout utiles.
Puis en arrivant finalement, tes yeux d’un rubis flamboyant se posent à peu près partout sans réel but jusqu’à ce que tu te décides enfin à te mettre en route pour retrouver ta sœur. Tu serres ton œuf contre ta poitrine et avance en regardant où tu mets tes petits pieds pour éviter les mauvaises surprises... Ça serait quand même dommage de le perdre avant même qu’il ait éclos... Ça te rendrait triste. Malheureusement, en voyant ton ainée assise sur ce banc tu te mets à agiter ton bras pour lui faire un grand coucou et manques de peu de faire tomber ton bien que tu rattrapes tant bien que mal en rougissant. Tu finis d’achever la distance entre vous en trottant. Ton sourire s’élargit en voyant le petit dragon qui l’accompagne.
« Oh ! Wouah ! Eh ! Un dragon ! »
Tu n’oses pas le toucher pour autant, ne sachant pas si la créature apprécierait d’être manipulé par une inconnue, même si tu es la sœur de sa maîtresse. Cependant tu n’attends pas vraiment et te penche pour prendre ton aînée dans tes bras. Du moins de celui qu’il te reste de disponible pour la serrer avant de t’asseoir à ses côtés. Manquant de près de prendre place sur les petits paquets, Sio tu devrais vraiment commencer à regarder ce qu’il se passe autour de toi. Sinon il va finir par t’arriver des bricoles.
« Tu vas bien ? Je suis contente de te voir ! ‘Fin vous voir ! » Tu regardes le petit dragon avec curiosité, « Je m’appelle Sio ! Je suis la petite sœur de ta maman ! Et ça c’est ... » Tu soulèves l’œuf, te rappelant que tu ne lui as toujours pas trouvé de nom. « J’sais pas encore... Mais vous pouvez m’aider du coup ! » Ton excitation est palpable. Tu es ravie d’être avec elle, et tu as bien du mal à te contenir Sio.
*Pixie content de rencontrer Sio !*
Je souris et décide de prendre la parole. Je reporte mon attention sur ma sœur puis mon dragon miniature avant de revenir sur la dragonne.
« J’espère aussi que tu vas bien, heureuse de rencontrer ton œuf. Sio, voici Pixidis mon dragon miniature. Pixie, voici Sio, ma petite sœur. Et il dit être content de te rencontrer. J’ai aussi mis du temps à trouver son nom, ça doit venir de toi. Personne ne peut t’y aider. Moi, ça m’est venu en regardant longuement son œuf. Pixidis signifierait Boussole dans une vieille langue oubliée... »
Un nouveau sourire et cette fois, je tends les deux petits paquets en direction de ma sœur. L’un est plus petit que l’autre, je tends donc d’abord le plus gros des deux, celui qui va certainement lui faire le plus plaisir.
« Et voilà pour toi. Au Solstice je ne m’attendais pas à te voir, alors je n’avais pas encore pu te préparer tes cadeaux. Les voici. En espérant qu’ils te plairont... »
Le plus gros paquet contient une boite avec des biscuits et petits gâteaux que j’ai tentés de préparer. Des sortes de sablés à la cannelle dont j’ai oublié le nom. Je l’ai trouvé dans une vieille recette dans un livre de la bibliothèque de Lyle et j’ai essayé de la refaire. Je ne suis pas très douée en cuisine, encore moins en pâtisserie, mais j’y ai mise tout mon cœur et ma bonne volonté. Certains biscuits sont un peu difformes ou d’autres légèrement brûlés, mais globalement je me suis bien débrouillée.
Vient ensuite le plus petit paquet. Dedans une petite boite que j’ai essayé de décorer. En l’ouvrant, une jolie bague. Le style est assez simple, plus proche de l’anneau argenté qu’autre chose, mais je me suis arrangée pour la personnaliser. Dessus est gravée de façon stylisée et de manière à faire le tour de l’anneau une fleur avec des branches similaire à du lierre qui se lie à la silhouette d’un dragon à cornes, un dragon nocturne. Quand Sio récupère l’anneau, je lui montre ma main où je porte son jumeau où les dessins sont inversés. Légèrement gênée j’explique mon geste et l’objet en me grattant la joue.
« J’ai réussi à mettre la main sur un cristal de communication, mais vu leur rareté et leur prix élevé, je me suis dit que tu n’arriverais pas à t’en procurer... Alors j’ai trouvé ces bagues. On peut chacune envoyer un message d’une vingtaine de mots tous les jours à l’autre comme ça... Je sais que l’on ne se voit plus beaucoup, tu as ta vie d’aventurière, moi, j’ai décidé de me concentrer sur la forge et j’ai des projets. J’ai entendu de Père que tu as décidé de quitter la maison, pour te forger le caractère selon lui. Je ne vais pas te retenir, t’empêcher de voyager. Je sais que tu aimes ça et maintenant je comprends pourquoi, la vie d’aventurière j’y ai pris goût. Ne te retiens pas de vouloir vivre ce que tu souhaites, d’explorer et faire des rencontres, je serais toujours là pour toi. Et si jamais tu désires me parler, on pourra échanger un peu. C’est plus rapide que les lettres et on est sûr que ça arrive à destination. Bon vingt mots, c'est court, surtout qu’une fois par jour, mais c’est déjà pas mal, non ? Et plus abordable qu’un cristal de communication... »
Je me rends compte que je me suis mise à paniquer, ne m’arrêtant plus de parler de plus en plus vite sans vraiment réfléchir à mes mots. Pixie se moque légèrement de moi mentalement et je me gratte un peu la tête, gênée et légèrement rougissante. Je crois que je suis devenue bien plus bavarde et sociable ces dernières lunes, je ne me rappelle pas avoir déjà parlé autant avec Sio. Je la regarde alors en essayant d’afficher n large sourire.
« Enfin voilà, j’aimerais qu’on puisse à nouveau discuter tous les jours petite sœur... »
Heureusement pour toi, elle sauve les cadeaux de ta maladresse. Ah ! Sio, il va vraiment falloir que tu travailles là-dessus aussi. Tellement de choses que tu n’arrives pas à faire correctement. Pas encore du moins. Comme, le simple fait de trouver un nom pour ton familier. C’est plus difficile que ça n’en a l’air comme exercice. Pourtant tu ne penses pas manquer d’imagination lorsqu’il s’agit de trouver des sobriquets ridicules pour les gens que tu n’aimes pas. Mais là, c’est important. Tu n’as pas envie de lui donner un nom ridicule. Non, non, tu as envie que son nom soit joli et agréable. Comme celui de Pixidis ! Cela dit, le conseil de ta grande sœur ne t’aide pas beaucoup, parce que toi, plus tu regardes cet œuf moins tu sais comment tu as envie de l’appeler.
– Je finirai bien par trouver quelque chose qui me plaira autant qu’à lui.
Tu hoches la tête comme pour te donner du courage. C’est pas si difficile. Puis tu fais une petite moue en pensant que toi, tu n’as rien à lui offrir... En même temps tu n’as pas beaucoup de moyens. Pour le moment du moins. Tu travailles aussi la-dessus. En quelque sorte. Lorsque que tu te sentiras suffisamment prête pour oser aller prendre une quête par exemple. Puis tu ouvres le paquet et tes yeux deviennent ronds comme deux énormes billes. Oh ! Des biscuits ! On dirait qu’elle les a fait elle-même et ça, ça te touche vraiment beaucoup.
– Oh la la ! Ça a l’air trop bon !
Tes jolis yeux rubis se posent sur la bague que ta grande sœur te tend et ton cœur s’emballe de joie. Sio, il faut d’abord que tu poses la boite de biscuits avant de récupérer la bague. Aussi précautionneusement que possible, tu tiens ton œuf contre toi et de ta main libre tu déplaces la boite sur le banc à côté de toi. Tu fourres un biscuit dans ta bouche avant de prendre le bijou quand même. Tu observes la gravure avec toute l’attention du monde. C’est si joli. Tu pourrais presque en pleurer petit Sio, mais tu fais de ton mieux levant les yeux vers ton ainée en mâchant lentement. Un peu gauchement, tu enfiles la bague à ton annulaire et la regardes avec des étoiles dans les yeux. Comme tu as la bouche pleine de sucrerie, tu t’agites un peu comme l’adolescente que tu es parce que tu as quelque chose à dire aussi. Sio, il faut vraiment que tu commences à mettre de l’ordre dans ta façon de faire les choses. Ta petite langue passe contre ta joue alors que tu sors de ta poche le cristal de communication que tu possèdes. Très fière de toi, tu redresses ton menton. Sio, la grande aventurière, n’est-ce pas !
– J’en ai un aussi ! Pis vingt mots c’est très assez ! Parler semble compliqué pour toi. Vingt mots c’est assez pour te souhaiter une bonne nuit tous les soirs ! Merci !
Tu ne sais pas vraiment comment lui dire que tu es plus que touchée. Ça a toujours été un peu difficile pour toi, petite Sio, de trouver les mots à mettre sur tes émotions. C’est vrai que tu aimes voyager, mais tu aimes aussi ta sœur et c’est plus complexe que tu ne l’aurais pensé de réussir à te détacher d’elle… Tu lui retournes un sourire doux, tâchant d’avoir l’air un peu sûre de toi pour la rassurer.
– J’sais pas trop comment les cristaux fonctionnent… Mais tu peux m’apprendre. Pis, je me suis fait des amis à la guilde. Tu fronces un peu les sourcils. Je crois en tout cas. Et ! Et maintenant j’ai Leonard alors je suis plus toute seule !
Oh ? Oui, voilà ! Tu as trouvé. C’est venu naturellement ! Leonard. C’est joli comme tout. Et sous vos regards, à ta sœur et toi, tu vois ton œuf éclore et un tout petit Nérouj en sortir. Tu ne savais même pas quel genre de créature c’était avant de ne l’avoir sous les yeux. Qu’est-ce qu’il est mignon ! Avec douceur tu l’aides et le récupères dans tes bras.
– Bienvenue dans la famille Leonard !
Mon regard se pose sur son cristal de communication et je viens chercher le mien dans mon sac sans fond. Je la regarde à nouveau et quand je m’apprête à lui expliquer comment connecter nos cristaux, je cligne de l’œil sans comprendre tout de suite. Leonard ? Je baisse les yeux sur l’œuf pour constater que ce dernier éclot. Pixie vient se poser sur mon crâne, observant l’événement autant que certains passants. Il faut dire, c’est toujours des émotions de réussir à faire éclore son premier familier.
Avec un sourire doux, j’observe ma petite sœur s’occuper de son nérouj. C’est un animal très mignon et il semble déjà aimer sans condition Sio. J’aurais presque envie de les laisser, l’image est trop adorable. Leonard remue légèrement la queue alors que ma sœur avec ses grands yeux parait sur le point de pleurer de joie d’un moment à l’autre. Je récupère ensuite mon sac sans fond, fouillant dedans je récupère un petit sachet en tissu. Quand je le ressors, mon dragon le reconnait immédiatement : des petits biscuits universels pour familiers que j’ai acquis il y a quelques jours en faisant des courses. Il parait qu’importe l’espèce, tous les familiers sont d’accord sur le fait que cette friandise est excellente. Je prends un biscuit et le tend à mon dragonnet qui le mâchouille joyeusement en remuant la queue. J’en récupère un autre et le donne à Sio.
« Essaye de lui donner à manger. »
Même s’il ne connait pas la nourriture, le petit nérouj remue déjà de la queue en regardant le biscuit, une certaine excitation dans le regard. Je ris légèrement de cette image avant de m’appuyer un peu plus contre le banc. Les minutes passent et je laisse ma sœur découvrir son nouvel ami. Pendant qu’elle ne regarde pas, je viens synchroniser nos cristaux. Le cours pour apprendre à l’utiliser attendra. Je range un peu toutes nos affaires, rassemblent celles de Sio et me lève en tenant son paquet de biscuits. Telle une mère poule, je range le tout dans son sac avant de me placer devant elle, poings sur les hanches.
« Maintenant que tu es officiellement maman de ton premier familier, allons faire un tour. Tu as des premiers achats à faire pour t’en occuper correctement. Je connais une bonne boutique pas très chère. Et ne t’inquiètes pas si tu n’as pas assez, je t’aide et tu me rembourseras quand tu auras les moyens. »
Avec un sourire confiant, je tends la main à ma petite sœur pour l’aider à se relever. On a beaucoup à faire et je suis certaine que mon écervelée de dragonne n’a presque rien prévu pour l’arrivée de Leonard. Il y a un nouveau membre dans la famille, mais il faut l’accueillir comme il se doit.