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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    Vert de gris | Nikolaos
    Lyf de YllorLunarya
    Lyf de Yllor
    Informations
    Vert de gris | Nikolaos
    Mar 25 Jan 2022 - 22:38 #
    Lyf connaissait les boyaux du Village Perché comme sa poche. De jour, comme de nuit, en tant que garde ou comme dealeuse, elle avait arpenté ses rues sous toutes les coutures, s’était cachée dans les recoins les plus crasseux et avait découvert les plus beaux lieux.  Ce soir-là l’eau battait les arbres à torrents, imprégnait les vêtements et flétrissait la peau. Lyf avait laissé derrière elle sa tenue de soldat pour revêtir des vêtements qu’elle ne portait qu’en ces occasions, lors de ces sorties nocturnes. Faites pour se fondre dans l’obscurité, cette tenue était constituée d’un pantalon noir, d’un corset de la même couleur surmontée d’une veste duveteuse aussi sombre que le reste de son accoutrement. Ella avait soigneusement plaqué ses cheveux sur son crâne avant de les lier avec un lien en cuir à la base de sa nuque, le reste de sa crinière blanche bien cachée dans le dos de sa veste. Sur sa tête, elle avait rabattu une capuche à larges bords qui dissimulait son visage à quiconque tenterait de l’observer.  Puis elle s’était extirpée de la caserne sans un bruit. Personne ne ferait attention à elle, elle avait prétexté un violent mal de tête pour décliner l'invitation d’Eleror à aller boire un verre. Prenant des chemins détournés, des portes dérobées, elle arriva dans la ruelle adjacente au bastion et disparu dans l’ombre des cristaux de lumière qui éclairait faiblement la route, faisant réfléchir les ondulations des gouttes de pluie dans les flaques.

    Elle descendit en direction de la bibliothèque devant laquelle elle ne s’attarda pas, puis passa deux paliers avant de rejoindre la place centrale qu’elle évita avec attention. Les Faucons n’avaient pas les yeux dans leurs poches et Lyf le savait mieux que quiconque. Bercée par le son de l'eau, elle s’accroupit pour observer les lieux. Il n’y avait pas âme qui vive, la colère des cieux avait fait rentrer les plus téméraires. Ce soir, elle n’aura à éviter que les siens et cette idée lui transperçait l’estomac à chaque fois qu’elle effleurait son esprit. Alors qu’elle était sur le point de se redresser, une délégation de quatre soldats entra dans le faisceau des lumières, immédiatement elle recula de quelques pas et tendit l’oreille.

    - P’tain quelle plaie !
    - J’te le fais pas dire. Une ronde sous c’te pluie c’est la merde assurée.
    - Arrêtez de vous plaindre vous deux, au moins c’est calme.
    - Je t’en foutrais du calme moi, on va s’faire chier.
    - Le calme est une bonne chose.


    Lyf n’attendit pas d’entendre la fin de leur conversation, elle s’élança dans une ruelle parallèle et les dépassa en sens inverse. Lorsqu’ils arrivèrent à l’angle où elle était cachée, elle avait déjà disparu. Elle emprunta un escalier dissimulé dans le tronc d’un arbre centenaire et manqua de se rompre le cou tant le bois était glissant. Ses pieds atterrirent dans un craquement douloureux et la garde ne put s’empêcher de sautiller en se mordant les lèvres. Toutefois elle ne resta pas immobile bien longtemps et reprit sa course éperdue, elle dévala d’autres escaliers, sauta par dessus des plateformes peu espacées, bifurqua sur des ponts suspendus, empruntant mille et un chemin détournés pour atteindre le parc. Lorsqu’elle y parvint enfin, le souffle court, une silhouette l’attendait à l’ombre d’une plante que Lyf aurait bien été incapable de nommer.

    - T’en a mit du temps, t’es livraison sont moins précises c’mois ci.
    - J’ai été retardé. Répondit Lyf sur un ton dédaigneux tout en faisant un effort pour ne pas paraître essoufflé.
    - Ouais bah fait plus d’effort ou la patronne en entendra parler. Grogna son interlocuteur.
    - T’as été livré en temps et en heure il me semble ? Un visage aussi ravagé que le sien la fusilla de ses yeux noirs. - Alors prend la cam et ferme ta gueule.

    Lyf savait mieux que quiconque à quel point contenir son manque pouvait être difficile, elle le ressentait à l’instant même. Mais sa dernière dose était bien trop récente et elle devait se rationner, si Viviane ne mentait pas, la prochaine livraison était pour bientôt et il lui restait de quoi tenir encore quelques jours. Elle tendit le flacon à l’autre qui s’en empara et disparut derrière le rideau de pluie. “ Plus que trois.” Songea la belluaire avant de plonger la main dans la bourse contenant les flacons. “Plus que trois et tu rentres à la maison”. La maison, la caserne, sa caserne, ce lieu qu’elle s’échinait à trahir jour après jour mais qu’elle aimait au-delà des mots. Ajustant sa capuche sur sa tête, elle repartit au petit trot.

    Lyf avait l’avantage de la connaissance, elle avait intégré les bullaires depuis de nombreuses lunes maintenant, la garde depuis plus longtemps encore. Elle passait avec aisance les différents groupes de surveillance, sa seule crainte venait des Faucons et de leurs familiers. Si elle avait appris à les éviter, elle était loin d’être infaillible et avait manqué de se faire pincer une bonne dizaine de fois. Heureusement jusqu'à lors personne n’avait réussi à lui mettre la main dessus. A leurs yeux, il ne s’agissait que d’un petit dealer de pacotille. Ses deals ne se passaient jamais au même endroit, les quantités étaient toujours minimes afin de pouvoir se déplacer facilement. Pas de point d'ancrage, pas de preuves, rien qui ne puisse les mettre sur sa piste et après tout, qui irait soupçonner un belluaire ?

    Alors que son dernier client de la soirée tournait les talons, la garde resta un moment à l’observer puis elle se tourna vers la cité, levant les yeux elle en admira toute sa grandeur. Le Village Perché lui avait toujours donné l’impression de n’être rien d’autre qu’une fourmis. Ses troncs centenaires, peut-être même millénaire étaient leur bras de part et d'autre, supportaient leurs maisons, les protégeaient des aléas des températures et du climat, ils offraient des cachettes aux créatures de la forêt et ils l’avaient accueilli en leur sein comme personne auparavant. Au-delà de sa hauteur, le village était riche de tant de choses, de connaissances, de culture et de joie. Lyf ferma les yeux et apprécia simplement de sentir la pluie ruisseler sur sa peau. Ses vêtements étaient alourdis par l’eau dont ils étaient imbibés et même ses bottes émettaient un “spouik spouik désagréable”. Il est temps de rentrer, songea-t-elle. Mais avant qu’elle ne puisse amorcer le moindre mouvement une voix lui parvint de derrière elle.

    - Eh toi !

    Elle tira sa capuche vers l’avant et osa un regard vers l’homme. Les hommes auraient été plus juste.

    - Alinor. Souffla-t-elle en serrant les dents. Alinor, un vieux de la vieille des tortugrams, si Lyf l’adorait en tant que soldat, elle exécrait l’idée d’être sur son chemin. Non pas pour l’amour qu’elle pouvait lui porter mais bien parce qu’il était redoutable. Trop souvent considéré comme lent en raison de leurs armures lourdes, plus encore pour l’homme qui approchait de l’âge vénérable, ils étaient de redoutables guerriers et parmi eux Alinor se démarquait par son expérience. - Pas ce soir, bordel. Elle avança d’un pas.

    - Halte là. Décline ton identité.

    “Certainement pas !” Répondit-elle mentalement en s'élançant aux devants de la cité.

    - Ces foutus trafiquants ! Vociféra le vieil homme en s’élançant à la poursuite de la jeune femme. - Vous  là, bougez vous l’fion, on l’laisse pas filer ! D’un coup d’oeil Lyf avisa des compagnons d’Alinor. Ils ne revêtaient pas l’armure des tortugrams, ils étaient aussi bien plus jeunes et élancés que le maître d’arme. Peut-être que c’était eux dont elle ferait mieux de se méfier. Ses questions viendraient plus tard, pour l’heure elle devait d’abord échapper à l’ancien dont la botte regorgeait de tour de passe passe pour coincer les intrus dans son genre.

    Déjà fatiguée par ses dernières courses Lyf réussit néanmoins à redoubler d’effort, elle étira ses jambes au plus loin qu’elle put, ses bras battaient la cadence avec une force décuplée, elle n’avait plus besoin de protéger sa marchandise. Avec agilité, elle sauta par dessus un muret qu’Alinor fut obligé de contourner à cause de son armure. Les autres cependant le passèrent avec aisance. Glissant sur le bois humide, elle réussit à bifurquer sur la gauche, agrippant un mur, elle obligea son corps à se glisser dans une autre ruelle plus étroite. Bientôt elle arriva à un embranchement, dans son dos le Tortugram vociférait des ordres incompréhensibles mais qui portaient leurs fruits puisque quand elle s’engagea dans la rue de droite, elle vit deux des nouvelles recrues débouler dans son sens.

    - Fais chier.

    Elle rebroussa chemin. Mais la route qu’elle venait d’emprunter était occupée par nul autre que l’armure imposante d’Alinor. Ne lui restait plus que les escaliers. Lyf hésita un bref instant et s’élança à l’intérieur, se rattrapant in extremis quand son pied ripa. Les marches passaient quatre par quatre, puis deux par deux. Son corps fatiguait. Les dents serrés elle se fit violence pour reprendre son rythme mais quand elle arriva au milieu de son ascension, surplombant les toits des niveaux du dessous, deux hommes arrivèrent d’en haut.

    - Vieille bique d’Alinor, tu connais de sacrés raccourcis.Marmonna-t-elle. Un sourire fendit son visage et contre toutes attentes elle sauta dans le vide. Deux mètres plus bas un toit en chaume la réceptionna en roulé boulé. Sa capuche parti vers l’arrière et manqua de tomber mais d’un mouvement parfaitement disgracieux elle réussit à la maintenir en place. Elle était sur le point de s'exclamer, victorieuse, quand dans l’ombre de la cité, elle vit une silhouette emprunter le même chemin.

    - C’est des recrues ou des fenrir ? Et elle se remit désespérément à courir, jouant de toute l’agilité dont elle se savait capable pour ne pas s’étaler de tout son long malgré ses jambes engourdies. Un regard en arrière lui permit de voir la main tendue qui s'apprêtait à se refermer sur le col de sa veste. Ni une ni deux elle pila et se saisit du bras qui la manqua de peu. “Désolé” souffla son esprit silencieusement, à l’attention de la recrue qu’elle s’apprêtait à malmener et alors qu’elle lui assenait un parfait coup de genou dans l’estomac, elle décela l’éclat d’un regard bleu gris sous sa tignasse brune. Il retomba lourdement sur un balcon un mètre plus bas. Il n’en fallut pas plus à Lyf pour tirer sa révérence ; elle disparu dans la nuit sous le regard flamboyant de colère d’Alinor.


    ***

    - Soldats ! Beugla l’un des maîtres d’armes sur le terrain d'entraînement. Lyf releva la tête et abandonna le mannequin sur lequel elle était en train de se défouler depuis au moins une heure. Ses frères et sœurs d’armes en firent de même et tous convergèrent vers l’homme qui les avait appelés.

    - Entraînement des recrues. Dit Kenma, que Lyf adorait surnommer “la chouette” en raison des bésicles qui grossissaient ses yeux jusqu’à leur donner l’air de soucoupes.

    - Aujourd’hui nous recevons de nouvelles recrues ! Poursuivit le maître d’arme.  
    - Et il ne faut pas les malmener.
    - Je vous serais gré de ne pas les malmener !
    - Ils sont là pour apprendre.
    - Ils sont là pour apprendre !

    - On a pas besoin d’un perroquet, Kenma. Persifla Lyf en lui coulant un regard entendu. Kenma avait toujours été particulière. Plus attiré par les livres et les archives que par les entraînements, elle n’en restait pas moins redoutables mais bien moins que lorsqu’elle se trouvait en compagnie d’Arolk, son familier. Membres des Faucons, elles s’étaient rapidement liée d’amitié malgré leurs différences, toutefois Lyf avait toujours eut du mal avec le côté perroquet de cette dernière. Elle ne chercha d’ailleurs pas à répliquer et s’éloigna lorsque son nom fut appelé et lié à une nouvelle recrue -qui finirait sûrement les fesses par terre en un rien de temps si il sous-estimait le petite Kenma.-

    - De Yllor avec Lershn… Lersnheu… Lereuhsn… Nikolaos. Contenant à grand peine un sourire Lyf se démarqua de la troupe de guerrier pour venir à la rencontre de son nouveau camarade attitré. Mais alors qu’il s’extirpait du groupe, elle fut incapable de louper l’éclat vert de gris dans ses yeux et lorsque sa main se referma sur son avant bras pour le saluer, elle ne put s’empêcher de l’empoigner avec force.

    - Lyf, bienvenue chez les belluaires, Niko.
    Nikolaos LehnsherrLa Garde
    Nikolaos Lehnsherr
    Informations
    Re: Vert de gris | Nikolaos
    Dim 30 Jan 2022 - 16:52 #
    Bordel, j’ai mal. Pratiquement plié en deux, je tiens mon estomac et, au loin, la silhouette fantomatique s’éloigne jusqu’à disparaître derrière les toits et la végétation. J’ai comme des petites étoiles qui dansent devant mes yeux. Il, ou elle, a une sacrée poigne et un genou solide. Alinor, celui qui s’occupe de certaines recrues ce soir, s’approche de moi et je vois à son regard noir que je vais probablement passer un sale quart d’heure. Je me redresse, le souffle encore un peu court, et je retiens une grimace de douleur. Mon bras me lance aussi mais je sens qu’il n’est pas cassé et que tout est à sa place. Un peu de repos et tout serait oublié. Sauf si Alinor me met une raclée pour avoir laissé le criminel s’échapper.

    - Putain, Lehnsherr. C’était quoi ça ? Cette façon de te déplacer ? C’est ça qu’on t’a appris à la Capitale ?

    Mon air ahuri ne doit pas lui plaire et le fait probablement encore plus sortir de ses gonds. Je n’ai même pas le temps d’ajouter quoique ce soit qu’il se remet déjà à vociférer. J’arrive tout juste à éviter, avec agilité, les gouttelettes de salive - mêlées à la fine pluie - qu’il projette à chaque fin de mot. Qu’est-ce qu’elle avait, ma façon de se déplacer ? Je l’avais rapidement rattrapé, non ? Ce n’était pas ça qui comptait ? Je joins mes mains derrière mon dos, estimant qu’il valait mieux ne pas répliquer pour ma propre survie. Au coin de mon œil, je sens une larme qui menace de perler. C’est que mon bras me fait encore mal. L’autre me l’a probablement tordu plus fort que ce que j’imaginais.

    - … se déplacer presqu’aussi agilement qu’un mist dans sa brume… pas être foutu de l’arrêter… On m’a vraiment collé des abrutis…

    J’écoute un mot sur deux, trop concentré pour ne pas trahir ma peine. En plus, je suis trempé, j’ai froid et je n’ai même pas été capable de l’empêcher de s’enfuir. Je le tenais pourtant, j’en étais sûr. Sitôt qu’Alinor en avait donné l’ordre, j’avais senti mes muscles se tendre et se détendre à toute vitesse. L’adrénaline avait suinté de tous les pores de mon épiderme et j’avais bondi de branches en toits pour coincer le délinquant. Ces facultés, ce n’était pas la Garde qui m’avait permis de les développer. C’est plutôt comme si elles avaient toujours été là et que j’avais veillé à les entretenir toute ma vie d’avant. Avec ça, je n’avais pas vraiment respecté la façon de faire et, en tant que recrue, ça la foutait mal. Vraiment mal.

    ***

    Le lendemain, après seulement quelques heures de sommeil - que mes cernes noires trahissent malgré mes cicatrices -, j’apprends que j’ai encore un entraînement en dépit de la nuit éprouvante que je viens de passer. Cette fois, ce ne sera pas contre des objets inanimés mais contre d’autres soldats. En même temps, à quoi est-ce que je m’attendais ? Être garde n’est pas de tout repos et, de ce que j’en vois depuis quelques semaines maintenant, on est bien loin des individus qui passent leur temps libre à la taverne ou sous le bureau les uns des autres. J’ai encore un peu mal au bras, mais pas suffisamment pour être déclaré inapte. Je prends donc sur moi et, après avoir rempli mon estomac, je me rends sur le terrain d’exercices. Au moins, ce matin, le soleil brille et ses rayons, qui me réchauffent la peau, m’apportent aussi un peu de réconfort. Je me sens encore seul, dans cette grande caserne où l’un des mots d’ordre est « Famille ». J’ai toujours la sensation désagréable d’être pointé du doigt et montré comme le vilain petit canard. Les autres recrues qui étaient avec moi la veille, et dont je peine à me rappeler les noms, ont sans doute déjà colporté mon échec. C’est sans doute pour me protéger que je préfère toujours imaginer le pire.

    J’arrive sur l’aire d’entraînement en jetant plusieurs coups d'œil rapides autour de moi. Je ne suis pas en avance mais pas en retard non plus. D’autres bleus continuent d’affluer. Je reconnais plus ou moins certaines têtes mais je suis incapable de les nommer ; j’ai déjà dit que j’étais une bille pour retenir les prénoms des autres ? Un peu plus loin, il y a d’autres soldats qui s’entraînent sur les mannequins ou entre eux. Ceux-là ont l’air bien plus aguerris que nous. Je ne sais pas encore combien de temps il nous faudra avant de pouvoir officiellement choisir notre garnison mais j’espère pouvoir rapidement partir en mission. À côté de moi, j’entends quelques éclats de rire. Je tourne la tête et j’aperçois une blonde et une brune qui essaient de déterminer sur qui il vaut mieux ne pas tomber. L’une d’elle était en train d’affirmer que celle qui portait des lunettes pouvait être redoutable, tandis que l’autre soutenait qu’il valait mieux se méfier de celle à la chevelure blanche.

    - Parce que je l’ai entendu, disait l’une.
    - Tu sais bien qu’on peut pas se fier aux bruits de couloirs. Je suis sûre que l’autre, la chouette là, a un pouvoir en rapport avec ses yeux.
    - Et l’autre, la blanche, je l’ai vu battre à plat de couture trois recrues le même jour, la semaine dernière.
    - Je me méfierai des deux, si j’étais vous.

    Elles s’arrêtent de jacasser et la brune à la peau d’ébène me jette un regard empreint de curiosité mais n’a pas le temps de répliquer puisqu’une voix forte et masculine résonne pour annoncer les duos. Lorsqu’on m’annonce que je suis avec une « De Yllor », je regarde avec appréhension quel soldat va venir à ma rencontre.

    Faut croire que c’est mon jour de chance puisque c’est la nana aux cheveux blancs dont parlaient les deux autres.

    Je présente mon bras valide à la soldate et, lorsqu’elle me le serre, je sens qu’elle a de la force. Beaucoup de force. Il va falloir que je donne tout ce que j’ai pour ne pas tomber à terre au premier coup. Je lève les yeux pour observer plus en détails son faciès. Elle aurait pu être jolie si elle n’avait pas l’air d’être passée sous un fenrir - ou bien je me fais des idées ? Je remarque quelques piercings, quelques cicatrices mais rien de bien notable. En réalité, c’est surtout sa chevelure d’une blancheur immaculée - c’est si rare - que je remarque et ses yeux. Ses yeux. Un tel éclat dans le regard, d’un bleu aussi profond que celui de la mer. Ses yeux. Ils sont jolis.

    - Merci. Lyf.

    Son prénom est court. Trois lettres que je devrais pouvoir facilement retenir. Je peux bien faire un effort là-dessus, surtout que ses premiers mots sont plutôt encourageants. Bienvenue chez les Belluaires. Ah, comme j’aimerais m’y sentir comme chez moi. Je ne demande plus que ça.

    - On m’a dit que tu avais mis trois recrues à terre la semaine dernière, c’est vrai ?

    Je récupère une épée d’entraînement et nous nous dirigeons vers un espace libre. Nous nous éloignons de quelques pas, suffisamment pour pouvoir porter nos coups et toujours s’entendre. Je lui fais face et j’observe sa position.

    Nous commençons à échanger quelques coups, sans que l’un de nous ne semble prendre l’avantage. Mon bras me fait moins mal que prévu, mais il n’est pas non plus au maximum de ses capacités. Et puis, elle commence à être plus agressive. J’ai à peine parré un de ses coups qu’un deuxième arrive. Je recule de plus en plus, luttant pour ma vie comme si j’étais vraiment sur un champ de bataille. Et, alors que son épée plonge vers ma gorge, j’ai le réflexe de maintenir mon arme d’une façon différente. Comme si je maniais une dague, je pointe la lame droit vers son cœur. Qui de nous aurait touché en premier ? Je ne sais pas et je préfère éviter d’y penser. On m’a déjà fait la réflexion à plusieurs reprises, je ne suis pas censé me battre comme ça. Alors, je me redresse et je lève aussitôt les mains en l’air. Il faut que j’apprenne à corriger cette fâcheuse habitude.

    - Désolé, mauvais réflexe. Tu m’as eu !
    Lyf de YllorLunarya
    Lyf de Yllor
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    Re: Vert de gris | Nikolaos
    Lun 31 Jan 2022 - 18:07 #
    Maintenant qu’elle le voyait de plus près, Lyf se demanda sincèrement comment elle avait pu louper les cicatrices, rouges comme si elles dataient de la lune dernière, qui cernaient ses yeux. Elle aurait pu s’attarder un moment de plus si seulement sa voix ne l’avait pas rappelé à l’ordre.

    - Ne me remercie pas trop vite. Ajouta-t-elle avant de lâcher sa prise sur son bras et de lui tourner le dos pour prendre le chemin de leur emplacement. Même si ça n’en avait pas l’air, les mots qu’elle lui adressa n'étaient rien d'autres que la vérité. Tout le monde ne s’épanouissait pas au Village Perché et la réputation du bastion n’était plus à faire. Tous les exilés finissaient chez eux, cela comprenait des cas particulièrement retors et quelques coupes jarret qui avaient réussi à tirer leurs épingles du jeu en entrant dans la garde en guise de repentance. Si Lyf était mal placée pour les juger, elle était toutefois on ne peut mieux placée pour savoir à quel point la vie pouvait parfois être dure dans les hauteurs du village. Surtout si vous étiez pris en grippe. Elle n’appréciait peut-être pas Nikolaos, notamment à cause de leur altercation de la veille mais elle ne lui souhaitait pas ce mal pour autant.

    - Ils étaient deux. Rectifia la garde en coulant un regard en direction du jeune homme. - Et mauvais. Des gamins qui sortent tout juste de l’académie. Ils récupérèrent chacun une épée d'entraînement et prirent place.

    Lyf coupa immédiatement court à la conversation en offrant le premier coup d’estoc. Il fut paré sans difficulté visible. Alors elle poursuivit. D’abord sur des échanges lents, permettant à son adversaire de prendre en main son arme factice, de s’habituer à son poids et à sa forme mais aussi à positionner son jeu de jambe. Sans être un parangon de talent, elle devait admettre qu’il se débrouillait plutôt bien. Une excuse valable pour augmenter la cadence ; ce qu’elle fit sans se faire prier. Force était de constater que Nikolaos tenait le rythme. Il commençait à peiner, un aveugle aurait pu le voir mais pour un débutant n’ayant jamais affronté qui que ce soit en combat singulier, c’était tout à fait honorable. Seulement, Lyf appréciait -sans doute un peu trop- démontrer ses talents, plus encore lorsque la personne qui lui faisait face avait manqué de lui faire passer le reste de sa vie dans une des geôles de sa propre garnison. Son épée en bois fendit l’air vers le haut sans crier gare mais alors que sa lame aurait dû atteindre la gorge de l’assaillant, ce fut lui qui, d’un geste impromptu la tint en joue.  Sous la surprise, ses yeux s’agrandirent et son mouvement resta en suspend. “Ce n’est pas le maniement d’arme d’un gosse d'artisan…” Songea-t-elle en abaissant son épée.

    - N’essaie pas d’acheter mon silence en me donnant un point de victoire, imbécile. Elle leva les yeux au ciel et posa la point de sa lame sur le sol. - Tu n’es pas une recrue de la garde toi, hein ? Il n’était pas bien compliqué de le deviner. - Tu m’as pas l’air d’un fils de fermier non plus. Eux, ils se contentent de te foncer dessus tête baissée en pensant qu’ils vont pouvoir faire de toi une passoire. Tout c’que je peux te dire ; c’est que toute technique est bonne à prendre. Si ta façon de bouger te permet de te sauver la vie : Fais le. C’est pas quand tu seras mort qu’on pleurera sur ton cadavre en se disant que tu appliquais diablement bien les techniques de la garde. Elle pointa du doigt leurs supérieurs qui passaient entre les rangs. - Ils te diront jamais que j’ai raison. Mais je suis prête à parier qu’ils sont d'accord.  Maintenant, si tu veux bien, je vais t’apprendre une autre technique.

    A pas de velours, elle réduisit la distance qui les séparait pour se retrouver juste sous son nez. Lyf était un peu plus grande que la moyenne, pourtant Nikolaos l’a mangeait d’une tête sans problème. Elle lui offrit l’ombre d’un sourire avant de glisser doucement sa main sur sa chute de rein.

    - Gaine plus. Ton dos flotte trop, tu as besoin d’être solide. Ton bras, celui-là, elle désigna celui dont il se servait le moins. - Trop faible. Il te déséquilibre. Et pour finir… Alors qu’elle levait la main en direction de sa joue, elle lui faucha les chevilles d’un coup de pied net et précis, attirant inexorablement sa grande carcasse vers le sol.

    - On ne fait jamais confiance aux jolies filles. Ce sont de vraies connasses ! Dit-elle en se penchant au-dessus de son visage, un sourire barrant le sien d’une oreille à l'autre. - C’est pour m’avoir fait croire que t’avais aucune notion d’combat. ajouta-t-elle avec l’air d’un chat hautement satisfait. Puis elle lui tendit la main. - J’te paierais peut-être un verre pour me faire pardonner. Mais avant ça, y a quelque chose qu'tu voudrais travailler ? Quitte à ce que t'aies déjà quelques bases autant passer outre le blabla pour débutant.
    Nikolaos LehnsherrLa Garde
    Nikolaos Lehnsherr
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    Re: Vert de gris | Nikolaos
    Dim 13 Fév 2022 - 18:05 #

    Je n’ai même pas le temps de dire quoique ce soit que mes chairs rencontrent le sol et, à ce moment-là, je regrette de ne pas être un peu plus charnu, juste histoire d’amortir la chute un minimum. Mon regard est un peu plus dur et froid, mais je suis le seul responsable. Elle a juste utilisé ses atouts pour me déconcentrer et me battre. J’attrape la main qu’elle me tend et je me redresse, puis me relève, avec son aide. J’enlève la terre et la poussière qui couvrent mes genoux, mon derrière, mes coudes et l’arrière de mon crâne en réfléchissant à ce qu’elle vient de dire.

    Je suis un peu bloqué. D’un côté, j’ai envie de répliquer que j’aurais dû me méfier et ne pas me laisser berner par ses deux grands yeux bleus et la chaleur de sa main qui corrigeait mes positions ; mais j’appuierai le fait qu’elle est une connasse. Je n’ai pas eu de conversations galantes depuis des semaines - je n’ai même pas souvenir d’en avoir déjà eu une - mais je suis à peu près certain que je peux faire de meilleur compliment qu’appuyer le fait que c’est une connasse. De l’autre, je ne peux pas lui répliquer qu’elle n’est pas une connasse ; elle pourrait comprendre que c’est un laideron. Hé, c’est peut-être le cas, mais c’est pas à moi de dire ça. Pas quand elle vient de m’aider à me relever et qu’il lui suffit d’un seul geste pour me refaire tomber. Alors, je garde le silence sur cette phrase et je décide d’embrayer sur le reste. Elle m’a déjà donnée quelques informations - ici et là - certaines appuyant le fait que, oui, nos supérieurs n’apprécient pas que je ne reproduise pas à la perfection les mouvements qu’on attend de moi. Je repense avec amertume au savon qu’Alinor m’a passé la nuit dernière.

    - Cool, j’ai pas encore eu l’occasion d’aller à la taverne depuis que je suis arrivé ici. Tu m’feras visiter la meilleure ?

    En fait, depuis que je suis ici, je n’ai pas vraiment eu le temps de visiter le Village. L’entraînement est au moins aussi intense que celui que j’ai suivi à la Capitale, tout est fait pour qu’on ne tire pas au flanc. Je reprends mon épée d’entraînement bien en main et je fais quelques moulinets avec celle-ci - à distance raisonnable de Lyf, bien entendu. Il ne s’agirait pas de l’éborgner, quoique je ne sais pas si elle se ferait prendre par surprise. Depuis combien de temps est-elle belluaire ? Elle semble jeune, moins de trente ans, et en même temps suffisamment âgée pour avoir presqu’une dizaine d’années d’expérience au sein de la Garde.

    - Maintenant qu’t’en parles… J’aurais bien une question sur quelque chose d’assez… Particulier J’attends de savoir si j’ai toute son attention avant de poursuivre. La nuit dernière, on m’a salement chopé par le bras alors que j’essayais de courser un de ces foutus dealer qui traîne dans les environs. Bon, je voudrais savoir si t’as une technique, un truc, pour éviter soit de me faire attraper comme ça, ou bien d’retourner cette technique contre l’autre. Hé, me regarde pas comme ça, tu m’as demandé un truc qui ne soit pas les bases mais j’ai pas vraiment fait l’Académie…

    On m’avait appris quelques trucs, après m’avoir fait passer une batterie de tests et d’examens pour savoir si j’étais apte à être soldat. Peut-être que ma demande était quelque chose qu’on apprenait avant sa majorité de garde, lorsqu’on suivait un cursus dit « normal », ou bien qu’on m’avait déjà inculqué pendant ma formation de quelques semaines à la Capitale. Hé, chaque parcelle de mon être avait beau crever d’envie de faire ce métier, je venais quand même de revenir à la vie alors… Quelques petites erreurs d'inattention avaient pu se glisser ici et là.

    Elle décide pourtant de m’aider et de me montrer quelques petits trucs. Je travaille mon approche, mon esquive, mon jeu de jambes. J’ai beaucoup de mal sur certains mouvements et je dois presque m’y reprendre une dizaine de fois avant d’obtenir quelque chose de passable. À plusieurs reprises, mon bras me lance et, après une dizaine de minutes - voire plus car je n’ai pas compté - je demande une pause. Je masse mon bras et je me demande si je n’ai pas la peau déjà luisante à cause des efforts que je fournis depuis tout à l’heure.

    - Si j’avais pu savoir ça hier, je me serais pas fait avoir aussi bêtement par c’foutu trafiquant… J’le hais.

    Les mots sont forts mais il y a aussi autre chose, quelque-chose de sous-jacent dans le choix de ces mots. Alinor. Encore et toujours.

    - Et…
    - Lehnsherr ! Beugle soudain une voix masculine.
    - Quand on pense au loup… marmonnais-je à voix basse, jetant un regard successif à Lyf et au gradé qui s’approche.
    - Lehnsherr, on a besoin de ta déposition sur les événements d’hier soir. Ah Lyf, c’est toi qui l’entraînait ! J’espère que tu l’as bien recadré.

    Je n’ose rien répondre, parce que je sais que c’est inutile et je préfère éviter d’entendre ce qu’elle pourrait dire à mon sujet. J’ai adoré m’entraîner avec elle, mais je me dis qu’elle pourrait peut-être se ranger du côté d’Alinor, malgré tout ce qu’elle m’a dit, histoire de garder la face devant lui. Je ne la connais pas et il serait sans doute un peu bête de ma part d’espérer autre chose. Et puis, je ne pourrais pas lui en vouloir si c’est le cas.

    - J’y vais de suite. Lyf, merci pour l’entraînement. J’espère que tu tiendras ta parole… Pour te faire pardonner.

    J’espère qu’elle a compris que je parlais du verre. Je quitte le terrain d’entraînement pour me diriger vers ce qui s’apparente aux bureaux des gradés belluaires. Peut-être que, un peu plus tard, j’aurais la chance de la recroiser. Je m’accroche à cet espoir parce que c’est le premier visage amical que j’ai croisé depuis que je suis arrivé ici et qu’elle m’a prodigué de très bons conseils.
    Lyf de YllorLunarya
    Lyf de Yllor
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    Re: Vert de gris | Nikolaos
    Sam 19 Fév 2022 - 14:30 #
    - La meilleure pour sûr ! Répondit-elle dans un sourire. Elle lui devait bien ça. Malgré ce qui avait manqué de se produire la nuit dernière, elle ne le détestait pas complètement. Et c’était mieux ainsi car à en croire ce qu’elle voyait, il allait tôt ou tard devenir l’un de ses frères d’armes, il partagerait son quotidien et ils seraient peut-être même amenés à travailler ensemble. Mais elle n’arrivait pas à se débarrasser complètement de toute la rancœur que lui inspiraient les souvenirs de la veille et ça ne fit qu’empirer lorsqu’il évoqua à nouveau cette entrevue.

    Son regard s’était d’abord agrandi et ses sourcils haussés alors qu’elle le fixait avec circonspection. Il n’allait donc pas se contenter de panser ses plaies et oublier ? Non. Il semblait déterminé à mettre, un jour ou l’autre, la main sur cet intrus qui lui avait échappé. Ne restait plus qu’à espérer que leurs routes ne se croiseraient plus. Pas dans ce cadre là en tout cas et qu’il jetterait son dévolu sur les dizaines d’autres voyous qui vivaient au Village Perché. Raide comme une statue de sel, tendue comme un arc, elle écouta religieusement ce qu’il lui disait. Son esprit s’agitait frénétiquement ; sa demande était-elle complètement anodine ou était-ce une façon déguisée de lui dire qu’il la savait coupable ? Elle ne le connaissait pas assez pour deviner le fond de ses pensées, même son regard était insondable. Lyf ne put s’empêcher de rembrunir de nouveau. Quand il se tut, un sourire de façade avait de nouveau pris place sur ses lèvres.

    - Dépend de la taille de ton adversaire et de son expérience. Elle posa son épée sur le sol, sur le point de s’avancer pour guider ses pas lorsqu’elle se souvint, au dernier moment, qu’elle n’était pas censée savoir ce qui s’était passé. - Montre moi comment vous étiez positionné. Une seconde de plus et elle se serait vendu comme la plus grande des imbéciles. A contre cœur elle lui enseigna ce qu’elle savait, gardant quelques bottes secrètes pour elle-même au cas où il lui faudrait l’affronter à nouveau. Plus que des attaques ou des positions de défenses, elle lui montra également comment tomber. Cela aurait pu sauver son bras ou au moins lui permettre de la poursuivre à nouveau. Enfin pas elle, le malfrat. Quand ils eurent enfin terminés, Lyf transpirait, ses pommettes étaient devenues rouges, son cœur battait contre ses tempes et elle se sentait beaucoup plus détendue.

    - Il te hais aussi. Elle marqua un temps d’arrêt. - Je crois. Enfin ça serait logique…Si elle avait pu s’assommer elle-même, elle l’aurait fait. Heureusement le maître d’arme vint à sa rescousse, arrachant Nikolaos au terrain d'entraînement pour l’envoyer rendre des comptes. Elle frissonna à cette simple idée, si il l’avait reconnu, elle le saurait rapidement.

    - Je serai là en temps et en heure. Répondit-elle avec un sourire énigmatique aux coins des lèvres. Le regardant s’éloigner avant de se tourner vers l’autre homme. - Il est plutôt bon élève. Comme le gradé lui lançait une œillade, elle poursuivit. - Il a déjà quelques bases et il apprend vite. Il pourrait rapidement devenir un bon élément. Quoi qu’un peu téméraire peut-être.

    Il hocha la tête avant de lui tendre un morceau de parchemin qu’elle déplia. L’ordre de mission d’aujourd’hui. Elle lut rapidement les inscriptions puis hocha la tête avant de quitter les lieux.

    Le reste de l’après-midi se passa dans le calme. Quand le soleil de l’après-midi s’était mit à réchauffer les plaines elle était déjà en train de sortir son coursier de l’écurie. Sa coéquipière, peu bavarde, était d’une efficacité redoutable et toutes deux arpentèrent la grande forêt à brides abattues, allant là où on leur ordonnait. Elles effectuèrent quelques basses besognes, éloignèrent quelques créatures qui s’approchaient trop près des habitations puis partirent en patrouilles pour le reste de la journée. Lorsque l’heure fut au retour, le soleil disparaissait déjà derrière un horizon baigné de camaïeu rose et violet. Au petit trot elles regagnèrent les écuries pour prendre soin de leurs montures. Quand Lyf en eut terminée, sa camarade s’était déjà éclipsée depuis longtemps. Elle lorgna la volée de marche vertigineuse qui la séparait du bastion, soupira avant de se faire violence et de commencer son ascension.

    Une douche bien chaude, il n’y avait rien de tel pour ragaillardir le corps. Rien de mieux pour en faire ressortir toute la fatigue aussi car Lyf dû lutter de toute la force de son esprit pour ne pas simplement aller se lover sous ses couvertures afin de grapiller quelques heures de sommeil. Pourtant elle regagna bien sa chambre mais au lieu de s’allonger, elle sortie de son sac un flacon contenant un liquide d’un noir d’encre. Elle le fit tournoyer doucement avant d’en prélever quelques gouttes qu’elle versa dans chacun de ses yeux, puis elle s’assit sur son lit. Dans quelques minutes, l’euphorie viendrait la faucher et elle serait dans une forme olympique, toute disposée à traîner la nouvelle recrue derrière elle une bonne partie de la soirée.

    L’immanquable se produisit et moins de vingt minutes plus tard elle était déjà en train d’enfiler l’un de ses pantalons en cuir, attrapant son justaucorps noir qu’elle passa par dessus. Elle attrapa un manteau long aux couleurs de la garde et le passa sur ses épaules, laissant ses cheveux partiellement humide se répandre en auréole dans son dos puis elle quitta la pièce.

    - La chambre de Niko ? Demanda le garde qui la regardait, la tête penchée.
    - Grand, brun, qui a l’air de s’être battu avec le chat de la voisine.
    - AH ! Lehnsherr ?
    - Appelle le comme tu veux.
    - La 201.

    Le remerciant un peu trop chaleureusement et l’invitant à les rejoindre à un moment où à un autre dans la soirée, elle s’éclipsa en direction de la chambre qui était en vérité à deux pas de la sienne. Armant son poing, elle frappa deux coups succinct mais puissant.

    - Debout Nikolaos, j’ai une promesse à honorer ! Clama-t-elle d’une voix forte, puis impatiente et débordant d’une énergie qui n’aurait jamais dû être sienne, elle se mit à faire les cents pas dans le corridor.
    Nikolaos LehnsherrLa Garde
    Nikolaos Lehnsherr
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    Re: Vert de gris | Nikolaos
    Dim 20 Fév 2022 - 0:09 #

    Courbaturé et déjà usé par l’entraînement avec Lyf, j’arrive dans le bureau de mon supérieur pour lui faire mon rapport sur la nuit dernière. Je prends place sur l’une des chaises en bois, qui est plutôt un entrelacement de racines de tailles plus ou moins égales et qui est très confortable, malgré ce que l’on pourrait penser de prime abord, et je joins mes mains devant moi. L’interrogatoire commence. Non, je n’ai pas reconnu la personne et je ne saurais même pas déterminer son genre. Femme, homme, tout ce que je peux assurer c’est que cette personne avait une sacré poigne et qu’elle devait sûrement bien s’y connaître en combat rapproché pour m’avoir attrapé comme ça. Regard circonspect du supérieur qui note soigneusement ce que je raconte et qui doit en profiter pour évaluer mon aptitude à faire mes rapports à l’oral. C’est que je n’ai pas encore eu l’occasion de me prêter à l’exercice et que je n’ai pas eu beaucoup de cours théorique ou pratique sur la chose. Au bout d’un moment, je me rends compte que je commence à répondre un peu trop amicalement, sur le ton chaleureux d’une bonne conversation entre amis. Je me reprends. Il faut juste que j’énumère les faits. Il pleuvait, j’ai vu aucun signe distinctif, l’individu était couvert. Sa corpulence ? Qu’est-ce que j’en sais ? Je réfléchis, puis je réponds qu’elle m’avait semblé fine et gracile. À la réflexion, peut-être une femme. Ou un adolescent prépubère en manque de sensations fortes.

    - Cette remarque n'amuse que vous, Lehnsherr. Vous êtes ici pour me dire ce que vous avez vu, pas pour me donner votre ressenti personnel. Je veux des faits.

    C’est interminable. Et puis, sa scribouilleuse cesse de s’agiter et il se lève en déclarant qu’il en « a fini avec moi sur cette histoire mais qu’il doit me parler d’autre chose ». C’est un homme qui, malgré quelques rides apparentes ici et là, a conservé charme et prestance dans chacun de ses gestes. Il me sert une tasse de thé au juiceytea avec une pointe de citron et quelques amandes grillées avant de regagner sa place. Je renifle la substance à plusieurs reprises avant de me laisser tenter et de retenir une grimace de dégoût. C’est dégueulasse.

    Il aborde alors un autre sujet. Il me parle de moi. Il veut savoir si j’ai commencé à bien m’intégrer et si les bruits de couloir sont toujours présents. Il me répète ce que m’a dit Lyf, les Belluaires accueillent plusieurs gueules cassées, tous ne sont pas des anges ici mais finissent par trouver une seconde famille. Je hoche la tête à plusieurs reprises. Je ne veux pas montrer que je ne suis pas d’accord. Pour l’instant… Les rencontres n’ont pas encore été très épanouissantes. Peut-être qu’il faudrait que je me lâche un peu plus ? C’est ce qu’il a l’air de me sous-entendre. Mais par où commencer ? Puis je repense à ses deux grands yeux bleus. Un début de piste. Jusqu’à ce que…

    - … Je ne peux que te conseiller de ne pas trop t’approcher des spécimens perturbateurs, histoire de repartir sur des bases saines par ici.

    Nouveau mouvement de tête de ma part. J’ai bien compris, je ferais plus d’efforts d’intégration et je veillerai à ce que ça ne soit pas des casse-cous. Un jeu d’enfants, non ?


    ***

    Le reste de la journée s’est déroulé sans encombre et je suis épuisé. J’ai aussi dû faire un passage à l’infirmerie, où on m’a filé une décoction pour que mon bras cesse de me faire mal et soulager mes différents maux - qui sont principalement musculaires. Après une bonne douche chaude, j’enfile un vieux t-shirt et un pantalon large en toile, idéal pour oublier la tenue et l’armure que je dois porter le reste du temps et je m’allonge sur mon lit. Mon colocataire, Alvar de Brumerive si j’ai bien retenu son nom et Lucy sait que c’est un exploit avec moi, n’est pas encore rentré. Je n’ai pas encore pu vraiment lui parler et, de fait, je ne connais pas encore ses habitudes et son emploi du temps. Impossible donc de savoir combien de temps je vais pouvoir profiter de cet agréable silence. Je ferme les yeux, je sens ma mâchoire qui commence à se détendre, ma tête se penche sur le côté, je détends mes épaules et…

    … Je me relève en sursaut quand j’entends tambouriner à la porte. Je me lève à la hâte, ouvrant la porte en reconnaissant le timbre de voix de celle que j’ai rencontrée un peu plus tôt dans la journée. Je dois cligner des yeux à plusieurs reprises pour me réveiller, je passe d’ailleurs vigoureusement ma main sur mon visage, comme si ça allait retirer les traces de fatigue visibles et le manque de sommeil flagrant à cause de mes cauchemars récurrents et de mes nuits agitées. Elle est époustouflante. Enfin, je veux dire, sa tenue, ça change de ce que j’ai vu ce matin. Je n’étais pas prêt.

    - T’as pas oublié. Merde. J’veux dire, trop bien. Attends. Faut qu’je m’change. J’reviens tout de suite. Entre. Reste pas sur le pas de la porte. Euh… Non. La pièce est petite. J’arrive.

    Je me gratte l’arrière du crâne, je lâche la porte et je me remercie d’avoir eu la présence d’esprit de prendre une douche une vingtaine de minutes auparavant. Je me racle la gorge et je fonce vers le fond de la pièce où se trouve mon armoire. Je farfouille dedans, attrapant au hasard un pantalon noir et une chemise blanche à col, fermée et à manches bouffantes. Je les enfile à la hâte, je passe rapidement mes mains dans mes cheveux et j’essaie de les discipliner - c’est-à-dire que je les attache en un semi-bun - avant de retourner à l’entrée de la chambre.

    - Hé alors ! On est partis ? Toujours les mêmes qu’on attend, hein ? Allez !

    J’essaie de faire dans l’humour pour essayer de me remettre les idées en place et parce que, instinctivement, ça m’a fait plaisir qu’elle s’en souvienne, qu’elle vienne me chercher et qu’elle m’emmène là-bas - peu importe où est ce « là-bas ». Je croise le regard de Lyf, qui semble très - trop - en forme. Elle a mangé un fenrir pour être dans cet état ? On rejoint rapidement l’extérieur de la caserne et, à partir de là, je la suis dans le dédale d'ascenseurs, d’escaliers et de rampes qu’est le Village Perché. J’ignore où se trouve la taverne où elle veut m’emmener, mais elle a l’air d’être habituée à y aller… Non mais, réfléchis un peu Niko. Évidemment qu’elle connaît bien les lieux, elle ne t’aurait jamais invité à y aller autrement.

    - Et alors… Le reste de ta journée s’est bien passée ? Encore… Encore merci pour ce que tu m’as montré, tout à l’heure. C’était chouette.

    Ça craint. Je viens vraiment de dire que c’était « chouette ». C’est pas un mot ringard ? J’ai peut-être plus de souvenirs, mais je crois bien que personne ne disait plus ce mot-là, et déjà bien avant ma mort. Et puis, quand est-ce que je vais lui avouer que je n'ai pas bu depuis une éternité ? Je ne sais même pas si je suis capable de tenir l’alcool. Est-ce que j’étais capable de le faire, avant ? Bordel, ce que c’est compliqué d’avancer quand on est incapable de savoir qui on est vraiment.
    Lyf de YllorLunarya
    Lyf de Yllor
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    Re: Vert de gris | Nikolaos
    Mar 22 Fév 2022 - 18:13 #
    Lyf haussa les sourcils. Nikolaos était aussi endormis qu’elle était en forme. Elle le fixa, tout bafouillant qu'il était, un sourire étirant le coin de ses lèvres. Il était sûrement en train de se reposer avant qu’elle n’arrive, persuadé qu’elle n’avait pas retenu ce qu’il lui avait dit et peut-être que si elle avait su qu’à quelques minutes près elle l’aurait sérieusement fait sursauter, l’arrachant au sommeil, elle aurait un peu attendu. Oh pas pour lui faire l'aumône de quelques minutes de répit mais juste pour le plaisir de lui voir une mine plus déconfite que celle-là. “Bien fait” pensa-t-elle avec toute la puérilité dont elle était capable.

    Elle était sur le point de le railler, évoquant ses mœurs légères et l’inconvenance d’inviter une femme dans sa chambre avant le premier rendez-vous mais il avait déjà tourné les talons pour regagner le fond de sa chambre. Lyf franchit le pas qui la séparait de la porte et s’y adossa. Ses yeux coururent sur la chambre, sur les affaires des deux hommes, sur les murs relativement vides et sur les armoires mises à leur disposition avant de retomber sur le brun. Ses cheveux longs retombaient en panache sur sa nuque, dévoilant la naissance de cette dernière. Son regard en suivit la courbe, dévala sur ses épaules et lorsqu’il retira le tissu sous lequel on pouvait deviner sa musculature, elle ne put s’empêcher d’admirer les arabesques de son dos avant de terminer par la naissance de ses reins.

    - Kofkofkof… S’étouffant avec sa propre salive, Lyf prit le partie de sortir de la pièce le plus silencieusement possible. Faisant mine d'attendre dans le couloir depuis le début. Elle trouva un intérêt tout particulier à un nœud dans le bois du plafond et lui voua une attention ingénue jusqu’à ce que Nikolaos réapparaisse dans l’embrasure de la porte. - Qu’est-ce qui faut pas entendre ! S’exclama-t-elle tout en lui emboîtant le pas.

    Il ne leur fallut pas longtemps pour quitter le bastion et se retrouver dans les rues tortueuses du Village Perché. Lyf en connaissait presque chaque recoin, du meilleur restaurant au petit taudis sans valeur où quelques âmes égarées allaient parfois se perdre. Elle savait quel était l’endroit le plus enchanteur au petit matin et lequel offrait la plus belle vue sur le royaume d’Aryon au coucher du soleil.  Elle s’était amusée, à son arrivée, à découvrir tous les secrets de la grande ville, si quelques-uns lui échappaient encore elle entendait bien les découvrir un jour. Peut-être lors de l’une de ses excursions nocturnes, peut-être par hasard. Un sourire confiant aux lèvres, elle emporta Nikolaos dans son monde, le guida au travers des passerelles et des ascenseurs, se moqua ouvertement de ses moues incertaines lorsqu’ils empruntèrent l’un de ceux qui les mena à l’un des plateaux les plus hauts perchés. Il y avait de trop nombreuses années qu’elle n’avait pas pris plaisir à redécouvrir cet endroit ou peut-être était-ce la compagnie qui rendait le voyage plus agréable. Elle coula un regard à son compagnon tandis que l’élévateur gagnait en altitude.

    - Une journée comme une autre. Elle lui offrit l’esquisse d’un sourire en songeant aux plaines herbeuses de la vallée. Lyf aimait sa vie. - Si un jour si  t’en a l’occasion tu devrais faire un tour dans la grande forêt. Et il le ferait sans doute si personne ne le renvoyait dans la bourgade d’où il venait. Le Village Perché acceptait tous les profils, toutes les gueules cassées mais certains n’étaient pas fait pour cette vie et cela malgré l’ardeur avec laquelle ils le souhaitaient. D’autres encore faisaient le choix de s’en aller d’eux même. Le matin venu on retrouvait les lits vides. Personne ne s’embêtait à les chercher car aucune recrue n’était forcée d’offrir sa lame aux armées de l’ouest. Cependant, malgré toute la rancœur que le jeune homme lui inspirait, elle était certaine qu’il faudrait plus d’un homme pour le sortir d’ici. Au-delà de l’iris bleuâtre qui cernait ses pupilles, elle pouvait voir la détermination briller avec l’ardeur d’un feu de joie. Elle se surprit à rire devant l’image grotesque d’un Nikolaos caricatural, s'agrippant à la chambranle de son lit en vociférant. L’ascenseur s’ébranla, attirant son attention.

    - On descend ici. Indiqua-t-elle en s'extirpant de leur cage de bois. Le quai donnait sur une plateforme circulaire gigantesque. A chaque extrémités des escaliers descendaient et montaient aux autres niveaux, certains se fondaient dans les troncs larges des tourbiums, d’autres sensiblement mortels se cachaient sous une fine couche de lichens, aussi glissant que s’ils étaient fait de glace. Sur la place l’on découvrait de nombreux commerces, comme s'ils avaient été réunis ici pour le seul plaisir de la garde. Tailleurs, armuriers, forgerons, caviste et au milieu de toutes ces échoppes se tenait la petite enseigne du Fenrir Suspendu. Sa devanture, quelques peu simpliste, pour ne pas dire austère, laissait entrevoir les premières lueurs des cristaux de lumière.

    - Et toi, ta journée ? S’entendit-elle demander, se rembrunissant imperceptiblement. Elle n’avait pas osé lui demander jusqu’ici, de peur qu’il en révéla trop. Même si il lui en avait un peu parlé ce matin la question lui avait brûlé les lèvres toute la journée, qu’avait-il révélé aux hautes instants de la garde ? Avait-il reconnu en elle le dealer de la nuit dernière ? Savait-il qu’il s’était agit d’une femme ? Peut-être qu’elle n’avait pas suffisamment bien caché ses cheveux, reconnaissable entre tous. Non, elle s’était parfaitement cachée ; comme toujours. Et puis il devait y avoir un millier d’autres femmes aux cheveux blanc comme neige à Aryon. - Paraît que t’as l'âme d'un acrobate. Son corps parlait plus vite que son cerveau ne réfléchissait. “Boucle là !” S’intima-t-elle alors que sa bouche continuait à déblatérer. - Mais il t’as quand même mis ko. Il était proche, si proche. Elle avait presque pu sentir son souffle sur sa nuque, la chaleur des doigts à travers sa veste. Elle n’avait dû son salut qu’à l’expérience inégale qu’ils possédaient. Ce souvenir la hérissa ; son visage se renfrogna un peu plus. Glissant la main dans sa poche, ses doigts se refermèrent sur un flacon de Lucis qu’elle gardait toujours sur elle comme si cela pouvait la protéger. Elle se sentit subitement plus sereine. Son visage, impassible, sonda un long moment Nikolaos. Puis ses pupilles, verticales, pulsèrent semblable à un cœur avant de reprendre leur taille initiale. - On rentre ? Sans le remarquer, ils avaient franchit les quelques mètres qui les séparaient de l’entrée de la taverne dont elle poussa la porte sans l’ombre d’une hésitation, la colère affligeant ses traits disparue pour refaire place à l’euphorie qui l’avait emportée jusqu’ici.

    La porte s’ouvrit sur un véritable orchestre de chant et de cris. L’odeur d’un ragoût fumant embaumait la pièce principale où se bousculaient des gardes et quelques citoyens qui avaient osés s’aventurer jusqu’ici. Il y avait également des aventuriers ci et là mais rares étaient les nobles qui osaient amener leurs jolis séants. Lorsqu’ils entrèrent c’est une véritable clameur qui les accueillit et Lyf les salua d’une profonde révérence emplit d’ironie. Ce n’était pas réellement eux qu’ils acclamaient, mais l’insigne de la garde qu’aborait la jeune femme sur sa veste ; ils étaient tous frères. L’ambiance était bon enfant quoi qu’un peu rustre pour le tout venant. S’avançant agilement entre les ivrognes et les tables, Lyf leur dégota une petite place étriquée où elle se glissa en faisant signe à Nikolaos de la suivre.

    - Toujours les mêmes qu’on attend ! Lança-t-elle à la cantonade dans un rire franc.
    Nikolaos LehnsherrLa Garde
    Nikolaos Lehnsherr
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    Re: Vert de gris | Nikolaos
    Mer 2 Mar 2022 - 23:15 #
    Ah, les hauteurs du Village Perché ! On finit par s’y faire, non ? De toute façon, je n’ai pas le choix. Si je veux poursuivre mon service ici, je vais devoir m’y habituer et me plier à ce mode de vie. Bon point pour moi, je ne me suis pas découvert acrophobe et, au contraire, j’aime même plutôt bien la sensation de légèreté que me procure les déplacements entre les différentes structures du village ; comme l’impression d’être un oiseau, avec les ailes et la grâce en moins probablement. Je ne ressens même pas la peur de glisser, de chuter, voire même de mourir - et non pas uniquement à cause des moyens mis en place par le village pour assurer la sécurité de tout le monde lors de ses déplacements. C’est comme si j’avais toujours fait ça. Pourtant, reproduire ces actions ne m’aide pas à me rappeler quoi que ce soit sur ma vie d’adulte passée. Mais je préfère me dire que je n’ai sûrement rien à y gagner. Ce qui compte, désormais, c’est le moment présent et, plus particulièrement, la chevelure blanche devant moi qui me guide de lianes en ascenseurs, jusqu’à atteindre l’un des plus hauts plateaux. Du moins, c’est ce que je devine tandis que l’élévateur continue de monter, monter, monter.

    - La grande forêt est… ? commençais-je à vouloir la questionner, sans avoir le temps d’ajouter autre chose.

    Dans un craquement sourd, l’élévateur ouvrit ses portes et Lyf m’entraîna sur la place que je n’avais encore jamais vu. Après, je n’étais pas encore vraiment sorti et j’étais loin, très loin, d’avoir fait le tour du Village Perché. Je me doutais aussi qu’il devait posséder son lot de passages secrets et de lieux réservés aux connaisseurs. Lyf semblait d’ailleurs être très à l’aise, pourquoi ne pas essayer d’en apprendre plus sur cet endroit par son intermédiaire ? Quoique… C’était vraiment cette vieille taverne dans laquelle elle allait me traîner ? Ouais. Je vais peut-être faire demi-tour, finalement et me dégoter un autre guide touristique. Mais je me retiens de dire quelque chose, je ne sais pas comment elle pourrait prendre ce trait d’humour. Je ne la connais pas encore assez et, au vu de l’enthousiasme débordant dont elle fait preuve - c’est dingue, qu’est-ce qu’elle a bouffé pour être aussi énergisée ? - je ne préfère pas m’y risquer. Je jette un dernier coup d'œil à la devanture qui ne paie pas de mine avant de reporter mon attention sur Lyf.

    - Ah ouais ? Qui t’a dit ça ? J’serais bien curieux d’le savoir. Alinor quand j’suis parti, tout à l’heure ?

    Je suis quand même curieux. J’ai surtout l’habitude - et un peu peur - de n’entendre que des commentaires négatifs sur qui je suis et ce que je fais, alors, savoir qu’on me dit un peu acrobate… J’ai envie de creuser pour en apprendre davantage. Alors je tente, je lance quelques noms ici et là, histoire de voir comment elle va réagir pendant qu’on se dirige vers la porte d’entrée. Je lui révèle aussi, entre deux, que ma journée s’est bien passée, même l’entrevue avec mon supérieur. Je ne dis pas grand-chose de plus, parce que nous entrons maintenant dans l’établissement et que nous sommes interrompus par de nombreux cris de joie. Un peu surpris, je constate que Lyf paraît être dans son élément et salue la ferveur de la salle. J’affiche un sourire, sans me montrer aussi démonstratif que Lyf, et je la suis jusqu’à l’une des tables qu’elle a déniché au premier coup d'œil. C’est qu’elle est vive, bon point pour les Belluaires. Je m’assois en face d’elle et sa remarque me fait rire de bon cœur.

    - Hé, j’réclame ma part pour t’avoir fourni d’aussi belles disse-kaite; quoi que ce mot veuille dire, je sais même plus si on dit ça comme ça…

    J’essaie de me rattraper aux branches, parce que je pense qu’il n’y a rien de pire que de se tromper sur une expression en ayant l’air sûr de soi. Je préfère anticiper. En plus, l’odeur du ragoût qui embaume la pièce fait chavirer ma tête et mon ventre. Je déconne pas, je viens de découvrir que je crève de faim. Pourtant, j’ai dévoré quelques patates et du poulet y’a même pas deux heures. Je pose ma main sur mon ventre et je le tapote distraitement. Il y a de l’ambiance, autour de nous. Les gens rient, boivent, parlent fort. Certains dansent pendant que d’autres jouent de la musique et un barde est même de passage pour déclamer une balade sur de vaillants aventuriers, qui auraient arpenté le Désert Volant en combattant des serpents géants avec une forêt sur la tête. L’intérieur est plus chaleureux et convivial que ce que laisse suggérer la devanture.

    Une serveuse s’approche et demande ce qu’on veut boire. Je commence à hésiter - je me rappelle même pas être allé dans une taverne avant aujourd’hui, on prend quoi pour pas paraître ringard ? -, quand une main se pose sur mon épaule. J’ai un mouvement de recul et je suis même à deux doigts d’attraper le bras couvert d’une manche noire pour lui faire une prise, avant de lever la tête et de voir un homme, à l’air amical, qui m’offre un sourire et retire aussitôt sa dextre.

    - Hé ! J’voulais pas t’faire peur ! T’es nouveau dans l’coin, non ? On t’a jamais vu par ici. Tiens, sers-lui notre meilleur alcool Carla, c’moi qui offre !

    Regard rapide vers Lyf, qui ne semble pas plus inquiète que ça. Je crois même apercevoir un sourire, furtif, sur ses lippes avant que l’homme, qui empeste l’alcool, ne reprenne la parole.

    - Histoire d’te baptiser ! D’ailleurs, t’as pas choisi la pire d’la caserne pour sortir, mon garçon ! Moi, c’est Ben.

    J’ai l’occasion de le regarder plus en détail. Cheveux blancs, barbe hirsute, un œil qui part en vrille, une cicatrice au-dessus de la lèvre et de nombreuses rides de vieillesse et d’expression. Sûrement un local qui passe son temps ici et qui connaît toutes les têtes qui vont et viennent. Je vais éviter de le contrarier.

    - Niko ! J’suis arrivé y’a quelques jours, ouais. Lyf me montre les meilleurs coins du Village, j’vois qu’elle s’est pas trompée.
    - Ah, sacrée Lyf ! On t’a pas vu d’puis longtemps, ça va bien ? C’est la meilleure taverne du village ici. Tiens, tu m’diras des nouvelles de c’qu’on va t’servir. C’est fait ici, par nos meilleurs producteurs.
    - Et qu’est-ce qu’il y a dedans ?
    - J’vais pas t’le révéler. Tu vas l’découvrir et…
    - Beeeeen ! Viens voir !
    - Ah, t’es d’mandé j’crois bien.
    - Ouais, j’vais voir… Profitez bien d’votre soirée les jeunes !

    Je fais un signe de main à Ben, qui est définitivement bien sympathique, avant de reporter mon attention sur Lyf.

    - C’est quoi l’expression ? Connue comme le loup blanc, non ? Plutôt raccord avec ta couleur capillaire, ajoutais-je aussitôt, en me retenant de rire sincèrement.

    Déjà, la serveuse arrivait avec ce qui avait été précédemment commandé - Lyf ayant été épargnée par la choppe qu’on posait sous mon nez. J’attrape la anse de ce qui ressemble plus à une tasse qu’à un verre, et je renifle le contenu. Je manque d’éternuer.

    - Ah mais, c’est quoi ce truc ! Jamais senti un truc aussi fort. D’quoi réveiller des morts.

    Mais, faut bien tester, non ? Puis, maintenant que Lyf a attrapé sa boisson, j’ai plus vraiment le choix. On va devoir trinquer et je vais devoir prendre une gorgée. Je vais probablement m’étouffer et cracher. Je vais être ridicule. Est-ce que j’ai vraiment le choix ? Est-ce que je vais vraiment reculer devant cette épreuve ? Hé, je suis garde ou quoi ? Je lève le contenant à hauteur d’yeux, je trinque avec Lyf puis je me jette à l’eau. Enfin, dans l’alcool. Il me brûle la gorge et je sens que les larmes commencent à me monter aux yeux. J’ai bu une seule gorgée. Longue, ouais, mais une seule quoi. J’aurais peut-être dû y aller cul-sec. J’essuie mes lèvres avec le dos de ma main, essayant de réprimer ma toux, sous le regard probablement amusé de ma compagne de soirée.

    - C’est… C’est fort… disais-je en toussotant.
    Lyf de YllorLunarya
    Lyf de Yllor
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    Re: Vert de gris | Nikolaos
    Sam 5 Mar 2022 - 14:56 #
    “Une disquoi ?” S’interrogea la garde sans en avoir l’air. Elle n’était pas née de la dernière pluie et pourtant ce mot ne lui disait absolument rien. Elle s’était donc contenté d’un petit rire nerveux sans lui en faire la remarque. Qui des deux auraient eut l’air le plus sot ? Celui qui s’était possiblement trompé sur l’expression ou celle lui faisant remarqué pour au final constater qu’elle ne la connaissait juste pas ? Lyf ne tenait pas à se tourner en ridicule, Nikolaos lui en avait fait assez voir sur les dernières vingt quatre heures, elle n’allait pas lui offrir une opportunité de plus ! Comme si Lucy avait entendu son débat intérieur, elle repéra très vite son sauveur. Le vieux Ben. Aussi vieux que les plus anciens piliers du bar dans lequel ils se trouvaient. Lorsque Lyf avait prit ses quartiers au sein du bastion de l’ouest il était là, quand elle avait obtenu sa première monture il était là, lorsqu’elle avait effectué sa première mission il était là et elle était prête à parier que lorsqu’elle sortirait d’ici les pieds devant, il serait encore là. Les années ne l’avaient cependant pas épargnées, que ce fussent les rides qui avaient commencés à strier son visage, son œil qu’il lui avait été arraché d’une manière qu’elle n’avait jamais tenu à découvrir, Aryon avait fait de lui un guerrier comme on n’en fait plus. Pourtant il avait gardé un naturel jovial, toujours prompt à aller à la rencontre des petits nouveaux, leur offrir un peu de sa chaleur et un sentiment de bienvenue. Un verre de cette vieille pisse de dragon aussi, que Lyf avait été forcée de boire il y avait bien des années. Elle connaissait le manège de Ben, c’est pourquoi elle s’agita immédiatement lors de la commande ; intimant à Carla de ne servir qu’une seule et unique chope à grand renforts de gestes peu discrets. “Une fois pas deux !”. Quand Nikolaos s’était tourné vers elle, elle avait revêtu un sourire vague, comme si de rien était. Elle n’aurait loupé le spectacle pour rien au monde.

    - J’avais un emploi du temps chargé. Répondit-elle simplement à Ben qui la gratifia d’un hochement de tête tout en s’éloignant. Parfois elle se demandait comment un homme de son âge réussissait à courir partout de cette façon sans jamais être épuisé. - Tu parles d’un loup blanc, je suis juste là d’puis longtemps.

    L’entrechoquement avec le verre de son vis-à-vis sur sa boisson la tira de ses rêveries et elle reposa les yeux sur lui, s’obligeant à rester impassible tant qu’il n’avait pas encore bu une gorgée. Pour sa part, Carla lui avait gentiment ramené un verre de son meilleur Zelop. Un alcool typique du village perché, mélange de lichens et de sève fermenté. A vrai dire elle ne savait pas avec quoi il était fait et elle s’en fichait bien. C’était un liquide de couleur bleu pastel aux relents de lilas mais dont le goût lui rappelait les sucreries de son enfance. De la traîtrise à l’état pur, elle pouvait en boire des litres comme du petit lait avant de se rendre compte qu’elle voyait double ou pire encore. Elle prit une longue gorgée qu’elle manqua de recracher. - Je vois pas de quoi tu parles… Fit-elle en affichant une moue surprise. - Tout le monde boit ça ici… Sous entendu éloquent de la faiblesse du brun.

    - Pourtant tu m’as tout recraché au visage et tu as refusé d’en reboire depuis. Fit une voix traînante derrière elle.

    - Tu n’as définitivement aucun humour… Maugréa Lyf en voûtant les épaules comme si elle était un enfant qu’on réprimande.

    Kenma se tenait dans son dos, droite comme un i. Ses yeux violet, grand ouverts comme ceux d’un hiboux la toisait sans l’ombre d’une émotion.

    - Je suis quelqu’un d’amusant, c’est ce que tu dis souvent.

    Lyf bouda de plus belle et sa compagne s’assit au bout de leur table, juste entre eux. Son regard particulier quitta son amie pour se poser sur Nikolaos. De sa voix traînante, elle poursuivit comme si de rien était.

    - Kenma, enchantée. Toi tu dois être Nikolaos. La recrue qui a manqué de se faire tuer la nuit dernière. Elle ne lui laissa pas le temps de répondre et posa sa propre chope remplie de bière sur la table. - Lyf et moi faisions partie de la même promotion. Nous sommes arrivée au Village ensemble. Le premier soir Ben nous à fait boire… Pour la première fois, fugace, son visage afficha une moue écœurée. - Ca. Elle a bu d’une traite, m’a recraché sa dernière gorgée au visage et à vomit par-dessus le parapet.

    - Stop ! Pas plus ! Lyf aurait volontiers étouffé ses derniers mots mais Kenma fut plus rapide.

    - Il y avait un couple d’adjudant sur la passerelle du dessous. Deux mois de corvées de toilettes et d’écuries. Deux mois de corvées de toilettes. A la garde. Son air s’assombrit. As-tu la moindre idée de ce à quoi peuvent ressembler les toilettes communes lors d’une fin de journée ? Non ? Eh bien, tâche de ne jamais le découvrir. Sur ce… Elle avala sa boisson d’un seul coup. - Je dois aller me resservir. Si jamais je suis là-bas. Kenma quitta sa chaise aussi rapidement qu’elle l’avait occupée puis contourna la chaise de la Tsi’ly, elle marqua un temps d’arrêt pour planter ses yeux dans ceux de Niko. - Bon courage. Pour supporter Lyf ? Pour finir sa boisson ? Pour passer la soirée ? Pour survivre aux Belluaires ? Nul n’avait la réponse en dehors de la jeune femme et elle ne chercha pas à éclaircir le mystère.

    - Comment ça bon courage ?! S’écria Lyf. Mais la membre des faucons s’éloignait déjà, disparaissant derrière quelques larges épaules.  

    - Ne t’avises pas de rire. Averti-elle avec un air faussement rageur. - J’étais jeune. “Excuse bancale” répondit son esprit et elle se promit de rendre la pareille à Kenma dès le lendemain. Mais pour l’heure il lui fallait détourner l’attention sur ce fâcheux incident, et elle ne trouva rien de mieux qu’un classique : - Et toi alors, pourquoi t’es venu te perdre dans l’coin ? Penchant la tête, tout en sirotant son verre, elle attendit le menton posé dans le creux de sa paume. - Le commun des mortels vise la royale, paraît que c’est plus calme là-bas. Comme quoi… Rester debout planté comme un piquet c’est plutôt rentable. Elle soupira en se remettant droite. - Pour ce qui est de tes talents d'équilibriste, je dirais simplement que les rumeurs vont bon train. Alinor, les recrues, un voisin. Tout finit par se savoir ici. Tout sauf ce que l’on voulait véritablement dissimuler, du moins Lyf l’espérait ardemment. Pour se donner du courage et étouffer les bouffées de culpabilités qui l’assaillirent, elle avala le contenu de son verre et le reposa sur la table puis elle leva le bras. En un instant Carla se trouva à côté d’elle, c’était à se demander si la serveuse n’était pas dotée d’un pouvoir de téléportation. - La même chose, avec une assiette du plat du jour s’il te plait.  Elle n’avait pas faim, la Lucis lui donnait presque constamment une sensation de satiété, mais elle s’obligeait tout de même à grignoter un peu.

    - Noté Lyf, et vous ? Carla se tourna vers Nikolaos, attendant qu’il passe commande. Elle lorgna un instant l’intérieur de la choppe et un fin sourire souleva le coin de ses lèvres.

    Tout en attendant elle aussi sa réponse, Lyf ajouta : - Quand on aura mangé un bout, j’te ferais faire le tour des autres gardes si tu veux. C’est toujours plus simple de s’intégrer quand ils sont saouls et d’bonne humeur. Demain matin ils seront tous aussi aimables que des bouctons mal léchés.
    Nikolaos LehnsherrLa Garde
    Nikolaos Lehnsherr
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    Re: Vert de gris | Nikolaos
    Lun 28 Mar 2022 - 20:19 #
    J’ai à peine le temps de me remettre de mes émotions qu’une jeune femme rejoint notre tablée et commence à raconter quelques anecdotes sur Lyf. Je lève un sourcil en entendant ces accusations, les yeux fixés sur la belluaire qui m’a emmenée jusqu’ici et qui a laissé ce traquenard se refermer sur moi sans rien dire. Je suis plutôt amusé par la situation, ce qui doit être trahi par mon regard et le petit sourire que j’ai du mal à retenir au niveau de la commissure de mes lèvres. Bien que le goût amer et dégueulasse - c’est le mot - de la boisson alcoolisée me pique encore la gorge. Je masse brièvement un bout de ma gorge en y pensant et j’ai une subite envie de boire autre chose pour faire passer le goût. Je me dis que l’anecdote de la dénommée Kenma a sa part de vérité, si ce n’est qu’elle l’est entièrement. D’ailleurs, elle me rappelle quelqu’un. Où est-ce que je l’ai déjà vu ? J’ai l’impression que ses yeux vont aspirer mon âme. C’est sûrement ce qu’elle porte sur le nez qui doit les grossir. Je me rappelle alors de la remarque d’une bleue ce matin, sur le terrain d’entraînement. C’était bien elle. C’est étrange de voir tous ces soldats sans leur tenue officielle. Puis je me dis que ce sont des êtres humains comme moi, qui aiment boire, danser, chanter, rire et qui ont besoin de se détendre comme n’importe qui d’autre.

    Ce constat me soulage et me permet de me détendre un peu plus. Si Lyf m’a emmenée ici, c’est pas seulement parce que l’endroit possède une bonne carte. C’est aussi parce qu’on y retrouve nos frères d’armes dans une toute autre situation que celle imposée par notre fonction. Ou peut-être que je pousse la réflexion un peu trop loin. Faut que j’arrête de réfléchir autant.

    Toujours est-il que Kenma a disparu aussi vite qu’elle est arrivée et qu’elle m’a laissée une Lyf à la moue boudeuse et qui commence déjà à essayer de se justifier. Je lève la main et je balaie l’air d’un geste rapide, secouant la tête sans pouvoir me retenir de rire. C’est plus fort que moi. Faudrait qu’elle voit la tronche qu’elle tire aussi.

    - Hahaha ! Vomir sur deux adjudants ! T’as fait fort, j’aurais payé cher en cristaux pour voir ta tête à ce moment-là !

    Je me prends un regard assassin et, si elle en avait eu l’occasion, je suis sûr que j’aurais dû esquiver un projectile. Ça me donne encore plus envie de rire, sûrement à son plus grand désespoir et je suis presque obligé de m’essuyer le coin de l'œil qui commence à devenir humide.

    - Désolé mais… Je m’attendais pas à une telle anecdote sur la louve blanche.

    Je secoue la tête pour me calmer et je décale le verre rempli de l’immondice. Hors de question que je continue de boire une seule gorgée de ce truc. Je trouverai sûrement un moyen de le jeter dans une plante - ou par une fenêtre - avant que le vieux Ben rapplique pour voir où en est mon bizutage. Carla arrive avant que j’ai le temps de répondre un peu plus sérieusement aux questions de Lyf. Je décide de la suivre en prenant l’assiette du jour « et une bière, bien fraîche de préférence, merci ! ». Pas très bon pour le bide et mes entraîneurs me fusilleraient certainement du regard s’ils me voyaient faire. Mais ils ne sont pas là et j’ai besoin de me rafraîchir.

    Je hoche la tête lorsque ma compagne du soir m’indique qu’elle me présentera aux autres. Ça devrait m’aider à m’intégrer. Enfin, j’espère.

    - Est-ce que ça veut dire que toi aussi, tu vas d’venir aussi aimable qu’un boucton mal-léché ?

    C’était trop tentant. Désolée Lyf. J’esquisse un énième sourire, mais je crois bien qu’il est pas parti de ma figure depuis quelques minutes.

    - Ah ouais, j’suis pas trop étonné en fait. C’était comme ça aussi à la Capitale. Tout se savait en quelques heures à peine. À croire qu’ils attendent tous d’avoir un p’tit ragot à se mettre sous la dent pour se jeter dessus comme des charognes.

    Je me souviens des bruits de couloirs sur moi. Pour éviter que cette réminiscence ne vienne noircir mes pensées et me rendre un peu plus aigri, je passe rapidement à autre chose. La Royale. Ah ! J’en ai déjà entendu de biens bonnes sur elle.

    - Pouhaha, m’en parle pas de la Royale ! Tous ces bras cassés qui y aspiraient. Souvent prétentieux, arrogants, stupides. J’espère que les tests sont efficaces et qu’ils recrutent pas ceux-là. Ça m’ferait chier qu’les Renmyrth soient protégés par des glands pareils qui aspirent qu’à la gloire qu’on les appelle garde « royal ». Puis t’imagines si l’un d’eux devient Capitaine…

    Je baisse un peu la voix quand je dis ça. On est peut-être au Village Perché, entourés de Belluaires, on est pas à l’abri d’un fanatique de la Royale ou -pire- de quelqu’un qui n’entend qu’à moitié ce que je dis pense que je critique l’une des hautes instances de la Garde.

    Loin de moi de telles pensées. Ce ne sont que des expériences personnelles.

    - Donc, ouais, nan. Pas la Royale. Pas envie de bosser entouré d’mecs comme ça. Après… J’ai pas vraiment eu l’choix je dois t’avouer.

    Je rigole un coup et nos plats arrivent, ainsi que ma pinte. On remercie Carla et j’observe ce que j’ai dans mon assiette pendant qu’on a le droit à une petite description précise de son contenu. Quelques champignons pudding, du lapin et divers autres ingrédients dont j’oublie le nom sitôt qu’ils sont prononcés. Lorsqu’elle s’éloigne, j’attrape aussitôt ma nouvelle boisson et j’en bois une longue gorgée. Ah ! Quel plaisir. Je sens déjà que je vais mieux. Je suis prêt à continuer de déblatérer les raisons de mon arrivée ici à Lyf. Je lui explique que je me suis fait tardivement à l’idée d’être garde - j’ai pas envie de lui raconter qu’on m’a retrouvé enterré vivant et que j’ai pas de souvenirs de ma vie d’avant - et qu’on m’a fait passer toute une série de tests et d’entraînement au sein de la garde civile avant de m’informer qu’on n’avait trouvé une place pour moi dans l’un des régiments particuliers du pays.

    - … Et donc j’me suis retrouvé affecté ici. Au Village Perché. C’qui est pas pour me déplaire.

    J’ai commencé à manger en expliquant tout ça et je pose quelques questions à mon tour.

    - Et toi ? Pourquoi ici, d’puis combien de temps ? Est-ce que t’aimerais être ailleurs ?

    Sûrement la meilleure technique pour pouvoir manger sans devoir m’interrompre toutes les deux secondes, parce que je n’ai pas envie de parler la bouche pleine et de passer pour un rustre. Une mélodie se fait entendre dans le fond de la salle. Je ne l’avais pas encore perçu, peut-être qu’elle est déjà là depuis qu’on est entrés. Elle me donne envie de dodeliner la tête de gauche à droite mais je me retiens. Je me demande si je suis un bon danseur. Peut-être que je vais le découvrir ce soir. Ça ne me dérangerait pas, je crois - de le découvrir. Si je suis un piètre danseur, j’aurais tout le loisir de m’améliorer, hein ? En tout cas, j’aime beaucoup l’air qui passe. Dans la chambre que j’occupe à la caserne, rares sont les occasions et les objets magiques en ma possession pour pouvoir écouter un morceau de temps à autre. Je me concentre quand même sur le faciès de Lyf, pendant qu’elle me répond. Je m’attarde un instant sur ses traits et j’ai l’occasion de les observer un peu plus en détail. Peut-être un peu trop en détail. Déformation professionnelle probablement. On nous a tellement appris à surveiller, analyser, examiner et remarquer le moindre mouvement suspect en se fiant aux langages corporels des individus que je dois reproduire ça.

    Mouais. J’ai plutôt l’impression que je me trouve des excuses là.
    Lyf de YllorLunarya
    Lyf de Yllor
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    Re: Vert de gris | Nikolaos
    Sam 2 Avr 2022 - 14:02 #
    Lyf plissa les yeux. Qu’il rit donc si cela lui chante, elle trouverait le moyen de lui faire ravaler son rire ; si par exemple il venait à avaler sa salive de travers, elle n’hésiterait pas à lui flanquer une grande tape dans le dos pour être certaine que le liquide aille droit dans ses poumons. Malheureusement, ni Lucy, ni Nikolaos n’avaient l’air déterminé à s'étouffer tout de suite. A la place, elle s’adossa à sa chaise, les bras croisés sur la poitrine.

    - Ils avaient qu’à trouver un autre endroit pour faire leur ronde… Marmonna-t-elle tout en se repassant la scène en tête. La nuit noire, le vent chaud de la saison estivale, un pas un peu trop pressé qui l’avait dangereusement fait tanguer et avec lui son estomac déjà fragilisé par une quantité d’alcool aussi écœurante que conséquente. Il n’en avait pas fallut plus pour qu’elle rende trippe et boyaux. C’est Kenma qui l’avait obligé à se pencher par-dessus les balustrades pour qu’elle n’éclabousse pas le sol devant elle. Parfois elle se demandait si tout n’était pas calculé. C'eût été dans les cordes de la Faucon et Lyf aurait pu croire cette théorie si seulement elles n’avaient pas toutes deux étaient embarqué dans les corvées de latrines. Auxquelles Kenma n’avait pas dérogé et cela même si elle n’était responsable de rien. De là, l’une était devenue l’ombre de l’autre et elles ne s'étaient plus jamais quittées.

    Oh par Lucy, son compagnon de tablée méritait une paire de gifle !  Avec ce sourire qui n’avait plus quitté son visage depuis le passage de sa sœur d’arme et l’étincelle vivace et amusée dans son regard. Elle avait la sensation qu’il la scrutait de part en part, comme si le vert de ses iris était capable de transpercer la carapace d’apparence qu’elle maintenait. Pourtant la joie qui émanait de lui était contagieuse et elle ne empêcher le coin de ses lèvres de se retrousser légèrement - a son grand dam.

    - Mon pauvre Niko, tu es tombé sur le boucton le plus mal léché du village perché. Répondit-elle en décroisant les bras mais sans le quitter des yeux.

    Peu de temps après, vint le sujet de la royale et étrangement, la jeune femme écouta religieusement. Cela faisait de longues lunes qu’elle ne s’était pas rendue auprès de ses confrères de la capitale et encore moins au palais. Ses passages y étaient souvent succincts. Elle récupérait une livraison et rentrait se terrer dans les méandres du Village.  

    Alors qu’elle s’apprêtait à lui répondre du peu qu’elle savait sur la royale, Carla fit son apparition et avec elle les odeurs enivrantes d’un plat bien chaud. Lyf qui n’avait pas particulièrement faim de prime abord, sentit son estomac s’aiguiser. Peut-être qu’elle mangerait de bon cœur finalement. Enfin, Nikolaos lui raconta la façon dont il avait atterri ici. Un chemin similaire à beaucoup d’autres, à celui de Lyf également.

    - Beaucoup d’gamin à la Capitale. Reprit-elle. - Ils adorent les ragots. C’est pas pour aider. Pour ce qui est des royaux, ils ont pas super bonne réputation. Sans parler des frasque d’leur capitaine. Arthorias Heykmaquelquechose. Paraît qu’il aurait abandonné son escouade pendant une expédition l’été dernier. Après ça parait qu’y a eu quelques membres qui ont filé à l’aryonnaise pour rejoindre d’autres escouades. J’ai pas réussi à en savoir plus. Elle eut un sourire de fouine qu’elle noya dans une grande bouchée de son plat fumant. Le goût était aussi délicieux que l’odeur et elle eut un mal fou à ne pas soupirer d’aise. - Mais je suis plutôt d’accord avec ta vision des choses. Pas que j’ai eu l’occasion d’en rencontrer beaucoup, ils sont plus ou moins tous planqués au palais. Au passage, elle reprit une gorgée de sa boisson et au lieu de recommencer à manger elle plongea son regard sur son vis-à-vis. Finalement son menton descendit se poser dans la paume de sa main tandis qu’elle réfléchissait.  

    Que pouvait-elle bien raconter d’intéressant ? Il n’y avait rien de grandiose à son parcours. Elle était une garde, rien de plus. Elle ne tenait pas à raconter l’entièreté de son histoire, la simple idée qu’il put la prendre en pitié l’horripilait et elle ne pouvait pas non plus lui partager ses occupations annexes. Elle opta donc pour une semi franchise qu’il ne pourrait sans doute pas déceler car c’était la réponse qu’elle offrait à qui voulait l’entendre.

    - Ici parce que c’est eux qui ont voulu de moi. Je visais la civile. Pour rester proche de ma famille. Car elle avait déjà un réseau de client bien établi malgré son jeune âge et qu’à l’époque l’idée de devoir tout reconstruire la fatiguait. - Le septentrion ne me bottait pas non plus. Trop froid, il fait tout le temps moche, un vrai désert de glace. Et les livraisons auraient été un calvaire à intercepter et livrer. Sans doute aurait-elle pu s’établir au Grand Port mais il régnait là-bas un soleil si brûlant que sa peau laiteuse aurait sûrement rôtie en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. - Mais je me plains pas. Ça va faire… Six ou sept ans que je suis ici. J’ai été débauché dès ma sortie de l’académie. Alinor était intéressé par mon pouvoir avant toutes choses, c’est lui qui a insisté pour que je rejoigne leurs rangs dès la fin de ma formation. Tout ça pour que je lui fausse compagnie en filant chez les Tsi’ly. Je te laisse imaginer sa tête. Elle fut parfaitement incapable de retenir l’air hilare qu’affichait ses traits. D’aussi loin que remontaient ses souvenirs, l’homme avait toujours en travers qu’elle ait pu préférer sa garnison actuelle à la sienne. Mais si il était un peu moins sot, il aurait immédiatement vu que Lyf n’était pas de ceux capable de se contenter des méandres de la ville. - J’ai passé l’interrogatoire, Capitaine ? Et elle sourit, dévoilant ses rangées de canines disproportionnées.

    Sans s’en rendre compte, la garde avait terminé l’intégralité de son plat, qu’elle aurait volontiers saucé si elle avait eut une miche de pain à portée de main. A la place, elle repoussa son assiette.

    - Aller fini, qu’on aille présenter ton joli minois à toute la garnison. Je suis presque sûre que tu vas faire des émules. Dans un ultime sourire énigmatique, elle avala son verre d’une traite et le reposa fermement sur la table. - Sauf si les garçons décident encore de te bizuter. Une lueur aussi moqueuse que celle qu’il avait dans les yeux un peu plus tôt passa dans les siens tandis qu’elle continuait de l’observer, détaillant son visage. C’était la première fois depuis qu’ils s’étaient rencontrés qu’elle prenait vraiment le temps de l’observer. Elle n’avait jamais remarqué la longueur de ses cils, ni la finesse de son nez et encore moins le velouté  de sa peau qui, en dehors des cicatrices qui la striait au niveau des yeux, semblait aussi douce que du marbre lisse.  Lyf aurait voulu lui poser plus de questions, lui demander exactement d’où il venait et ce qu’il faisait avant d’arriver ici. A la place, elle se leva comme un ressort. - Je reviens dans un instant. Et sans demander son reste, elle fila à l’extérieur. Son corps réclamait une dose supplémentaire comme un besoin impérieux et elle comptait bien s’y soustraire.
    Nikolaos LehnsherrLa Garde
    Nikolaos Lehnsherr
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    Re: Vert de gris | Nikolaos
    Sam 30 Avr 2022 - 0:31 #
    - Vous n’oublierez pas de me rédiger votre rapport pour demain matin, à l’aube, soldat. Ce s’ra tout.

    Ma remarque est ponctuée d’un rire sincère et je bois une longue gorgée de ma bière pour faire passer une bonne partie de mon plat. J’ai mangé un peu plus  vite pendant que Lyf me racontait son parcours. Il est intéressant. J’aime bien écouter les autres parler. Encore plus quand la compagnie est agréable. Je repose ma chope et je m’étale contre le dossier de ma chaise avant de m’étirer de tout mon long, bras et jambes compris.

    - Six ou sept ans. J’comprends mieux pourquoi tu connais l’endroit comme ta poche. J’suis sûr qu’t’as encore plein d’endroits à m’faire découvrir.

    Parfois, on aurait aimé tourner sa langue à plusieurs reprises dans sa bouche pour éviter de parler plus vite que ses pensées. Ou simplement se mordre la langue si fort qu’on en devient muet. La bière, le stress de la journée, la fatigue, les excuses que je me trouve… Ouais, sacré mélange explosif. Je détourne le regard le temps qu’on oublie ma dernière phrase. Elle a l’air gentille, mais elle n'est pas non plus là pour jouer les Saintes protectrices des âmes égarées. Elle est déjà bien gentille de m’avoir enseigné quelques techniques ce matin, encore plus d’être venue me chercher pour me conduire dans cette taverne. Je vais éviter de trop en demander. Le moment est bien choisi pour terminer mon assiette, hein ? La sienne est déjà vide, faut que je la rattrape. Avec le reste de la conversation, j’ai l’impression qu’elle n’a pas mal pris ce que je lui ai dit. J’ai presqu’envie de soupirer de soulagement lorsque je vois son regard briller d’une lueur quasi malicieuse. Je m’apprête à lui répondre quand elle se lève avec la même rapidité dont elle fait preuve depuis le début de la soirée. Est-ce qu’elle a simplement besoin d’aller se soulager ? Les cabinets étaient à l’opposé de la sortie, ce n’était donc pas ça. Est-ce qu’elle allait bien ? J’éprouve le besoin impérieux de me lever pour me lancer à sa poursuite et je suis déjà debout et pratiquement arrivé à la porte quand Kenma m’arrête.

    - Et alors le bleu ? Qu’est-ce que tu penses du Village Perché et de Lyf ?
    - Qu’est-ce que je… Quoi ?

    Je suis tellement surpris par la question que je me suis arrêté net et je sens les muscles de mon épaule commencer  à me lancer après être restés tendus plus d’une vingtaine de secondes. Kenma m’attrape par le bras et m’entraîne un peu plus loin, plus loin de la porte par laquelle Lyf a pris la poudre d’escampette. Je ne peux pas m’empêcher de regarder régulièrement de ce côté-là, espérant la voir réapparaître. J’ai peut-être fait quelque chose de déplaisant. Je sais bien qu’elle a parlé de revenir dans un instant, et j’essaie de me le répéter en boucle, mais rien à faire. Je refuse d’admettre que j’ai le sentiment d’avoir été abandonné. Ce serait ridicule et surréaliste. Comment peut-on se sentir abandonné par quelqu’un qu’on connait seulement depuis quelques heures ? Je rejette l’idée que n’importe quel médecin pourrait sûrement me sortir : « … sûrement dans votre enfance… un mal-être… ».

    Je préfère encore répondre à la question de la binoclarde.

    - Je te demande seulement ce que tu penses du Village Perché, comme t’as pas l’air très loquace, observe-t-elle. Elle t’a menacé si tu me disais quoi que ce soit ?
    - Je… Non… Pas du tout… J’ai été un peu surpris par ta question… Le Village est… Sympathique.
    - Le village est sympathique…

    J’ignore ce que signifie le haussement de sourcils de celle que je ne tarde pas à surnommer la Chouette dans mon esprit et je n’y prête plus attention. La chevelure blanche de Lyf vient de refaire son apparition dans mon champ de vision et je me précipite vers elle en lâchant deux mots d’excuse à Kenma qui s’est déjà éclipsée. Je crois lire dans son regard un peu de perplexité quant au fait que je ne sois plus sur ma chaise.

    - J’suis là ! Kenma m’a retenu en otage… Tout va bien ? demandais-je en fronçant les sourcils. On peut rentrer, si tu veux !

    J’ai peut-être été trop insistant sur les taquineries ? On réagit pas tous de la même façon dans cette situation. Peut-être qu’elle avait besoin de prendre la fuite pendant quelques instants pour s’éloigner de moi. Un peu nerveux, je passe ma main dans ma tignasse. Je suis tellement concentré sur les raisons qui l’ont fait quitter précipitamment notre table que c’est comme si je ne voyais plus rien. Un gevaudan aurait pu se poser devant moi que je ne l’aurais même pas vu, c’est dire.
    Lyf de YllorLunarya
    Lyf de Yllor
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    Re: Vert de gris | Nikolaos
    Lun 9 Mai 2022 - 21:37 #
    Le souffle presque coupé par l’envie qui la tiraillait, Lyf traversa la pièce en quelques enjambées, bouscula la jeune serveuse et lui adressa d’un geste de vagues excuses avant de se ruer vers l’extérieur comme si sa vie en dépendait. Elle ne jeta pas l’ombre d’un regard derrière elle pour voir le visage de Nikolaos, il lui suffisait de cligner des paupières pour l’imaginer. L’incrédulité, la surprise. Elle les voyait déjà se peindre sur ses traits. Mais elle était presque certaine que déjà ses iris avaient virés à un bleu gris qui ne tarderait pas a tourner au noir d’encre. C’était ainsi que le manque se manifestait. Pourtant, elle avait pris sa dose avant de venir, cette envie n’aurait pas dû pointer le bout de son nez avant une heure bien plus tardive, voir même le lendemain. La porte s’ouvrit dans un grincement plaintif qui fit vriller ses tympans, comme si elle percevait à nouveau l’univers qui l’entourait avec un trop plein. Trop de bruit, trop de gens, trop d'odeurs. Trop de tout mais pas assez de Lucis. Lorsque la porte se referma dans son dos, elle avait déjà tourné à l’angle de la ruelle la plus étroite.

    “Addiction de merde” siffla-t-elle tout en plongeant la main dans la poche où se trouvait le flacon. Une bouffée de panique grimpa le long de son estomac, remonta le long de sa colonne et manqua d’exploser dans sa gorge. - Je l’avais rangé là ! S’écria-t-elle en écartant la poche jusqu’à en faire craquer les coutures. - J’en suis sûre, je… Non. Non. Relevant la tête, elle avisa de l'ascenseur qui plongeait déjà dans le cœur de la cité. Combien de temps cela lui prendrait-il, de retourner a la caserne ? Pouvait-elle se canaliser jusqu’à la fin de la soirée ? Comme un lion en cage, elle se mit à faire les cents pas. Son esprit tournoyait à des lieues de son corps. “Lucis, Lucis, Lucis, je peux faire l’aller retour en quelques minutes”. Il répétait en boucle comme une litanie.

    Lyf tira le col de sa veste et y enfouit son nez. Si elle faisait vite, personne ne remarquerait son absence.

    Ses mains plongèrent dans ses poches. Elle était sur le point de s’élancer, d’emprunter les escaliers mousseux pour se frayer un chemin jusqu’à sa maison lorsque le bout de ses ongles fit tinter le verre. Une fiole. Une fiole ridiculement petite mais pour laquelle elle avait été prête à risquer de se rompre le cou. Si vite qu’elle manqua de la briser sur le sol, elle l’extirpa de sa veste, de l'autre poche. Le soulagement qui l’envahit était indescriptible, le monde aurait pu s’effondrer subitement autour d’elle qu’elle n’aurait pu s’en sentir atterré. Elle ne réfléchit pas plus lorsqu’elle déboucha le récipient et pipeta la substance noirâtre. L’ombre d’une hésitation passa et les gouttes tombèrent le long de sa cornée.

    Lyf se laissa tomber lourdement sur le sol de la ruelle. Les bruits, les relents, s’éteignirent les uns après les autres pour ne laisser autour d’elle que le silence de la nuit et les senteurs humides et familières de la forêt. La fiole retrouva sa place dans la poche de sa veste et le manque abandonna ses prunelles qui se nimbèrent de leur blanc habituel. La garde ne se releva pas pour autant. Elle restait inerte, assommée. Après le désir et l’impériosité, ce furent le regret et la culpabilité qui se mirent à la ronger comme un seul homme. Dévorant sa fierté sans pitié aucune, déracinant sa volonté et abattant sans ménagement toute ombre de dignité. Elle lorgna le flacon comme si elle pouvait le voir à travers le tissu. Elle était la servante dévouée d’une drogue qu’elle ne maîtrisait plus depuis longtemps. Cette idée la rendait folle de rage. Mais sans elle, elle n’était plus rien, elle n’était plus Lyf. D’un effort considérable, elle s’obligea à se relever et à quitter la ruelle. Ses pas la menèrent à nouveau à la porte de la taverne. Elle aurait voulu rebrousser chemin, sans doute aurait-ce été le meilleur choix. Mais Lyf n’était pas reconnu pour les faire. Alors elle s’arma d’un sourire de façade tandis que l’euphorie prenait à nouveau place dans son corps et entra. Déjà, les clameurs amusées de ses camarades la réchauffaient de l’intérieur. Elle passa devant eux sans s’arrêter et s’en retourna vers la table qu’elle avait occupée avec Nikolaos. Mais force fut de constater qu’elle était vide. Perplexe, elle releva le nez à la recherche de ce visage dont elle apprenait les traits volontiers.

    Il apparut du néant de foule et malgré elle, elle se fendit d’un sourire un peu plus franc.

    “Si naïf” songea-t-elle en le regardant passer une main dans ses cheveux.

    - Tout va on ne peut mieux ! Elle le gratifia d’une tape amicale sur l’épaule avant de poursuivre. - Aurais-tu peur de ce que te réserve le reste de la soirée ? En un tour de main, elle passa dans son dos et le poussa aux omoplates pour l’obliger à prendre la direction des autres groupes de gardes, plus proche du bar. - Kenma adore prendre les gens en otages et si tu ne fermes pas la porte de ta chambre, elle se fera un plaisir d’aller y fouiner. Cela dit, si tu n’as pas de secret à cacher, pas de panique ! Ce n’est pas une voleuse.

    En quelques pas, ils se retrouvèrent au milieu de leurs frères et sœurs d’armes. Certains leur lancèrent quelques regards suspicieux mais la majorité les accueillirent à grands renforts de cris. Lyf avait toujours trouvé ces soirées amusantes, même les ennemis de toujours semblaient être capable de s’entendre, de partager une table, un repas et même un verre. Pourtant le lendemain, ils reprendraient leur air bougon, les rumeurs courraient à nouveau et les tensions oubliées referaient surface.

    - Telenack ! Héla Lyf.

    Parmi les hommes présents, l’un d’eux tourna la tête dans sa direction. De deux années son cadet, il avait les traits d’une jouvencelle, des cheveux aussi blond que les blés qui tombaient sur une mâchoire si carré que Lyf s’était toujours demandé si il n’avait pas mangé une brique. Telenack pencha la tête, l’air de demander ce que la jeune femme lui voulait. Dès qu’il vit le sourire de la jeune femme, il le lui rendit et quitta sa chaise. Debout, il dévorait Nikolaos de deux bonnes têtes. Son cou, aussi large que celui d’un bœuf était strié de veines plus gonflées les unes que les autres. Il s’approcha doucement de Carla, murmura quelques mots à son oreille. Cette dernière éclata de rire, lança un léger regard en direction de Nikolaos et hocha la tête avant de disparaître derrière le bar. Telenack, quant à lui, ne s’arrêta pas en si bon chemin et se dirigea d’un pied sûr vers eux.

    - Tele est le meilleur danseur de Branle du pays. Je te souhaite bonne chance. Courage, on est tous passé par là. Le flot de ses mots étaient si rapide, qu’il ne serait pas évident à saisir, pas immédiatement en tout cas. D’un coup sec, elle poussa le dos de Niko, l’envoyant valser droits dans ceux du colosse qui prit un malin plaisir à enrouler ses bras autour de la taille de la jeune recrue. Au même moment, les premières notes d’une musique dansante se firent entendre. Il n’en fallut pas plus ; Talenack l'entraîna dans sa danse sous le regard hilare de Lyf qui en profita pour s’exiler au bar. Bientôt les autres se joindraient à eux, elle ne tenait pas à y aller sobre !  
    Nikolaos LehnsherrLa Garde
    Nikolaos Lehnsherr
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    Re: Vert de gris | Nikolaos
    Sam 14 Mai 2022 - 21:15 #
    J’ai envie de lever les yeux au ciel lorsqu’elle me dit ça en m’entraînant vers les autres groupes de gardes qui se sont formés. Je l’ai même sûrement fait. On va dire que ça permet aussi de -me- faire oublier le léger instant de panique que j’ai eu en pensant qu’elle avait envie d’écourter la soirée. Il faut que j’arrête où elle va se rendre compte que je suis complètement à côté de la plaque. J’ai toujours été aussi gauche ? Est-ce que c’est juste avec les femmes ? Je me demande comment se comportait mon moi adolescent - ah! si seulement je pouvais le savoir. Puis, tout va très vite. Je me retrouve au milieu de têtes connues, d’autres étrangères. J’entends des sourires, je vois des acclamations. On chante, on tape sur les tables, on rit. L’ambiance est bonne. Je me laisse prendre au jeu. Je lance quelques cristaux vers le bar pour payer ma tournée. J’oublie ce que Lyf vient de me dire sur Kenma. Hé, je crois bien que le type avec qui je partage ma chambre est suffisamment imposant pour ne pas donner l’envie à quiconque de s’y infiltrer en douce. Faudrait que j’essaie de passer un peu plus de temps avec lui. Le soldat Brumesource, c’est ça ? Riveflou ? J’ai oublié. J’ai déjà une autre pinte de bière dans l’estomac. Je me tourne vers Lyf, je lui souris. Je crois qu’elle me le rend. C’est pas encore cette lueur taquine, que je viens de voir dans son regard ?

    J’entends pas tout ce qu’elle me dit. C’est quoi ça la « branle » ? Une danse locale ? Elle se pratique seulement en haut des arbres ? J’ai à peine le temps de plisser les yeux que le visage de la belle disparaît pour être remplacé par celui d’un homme que je ne connais pas. Ah, je réussis à analyser un peu plus ce que Lyf m’a dit avant de me jeter dans ce guet-apens. Tele, ça doit être son nom. C’est pas ce qu’elle a crié, deux minutes avant que je me retrouve sur la piste de danse, avec les bras de ce brave soldat autour de la taille ? Je me laisse prendre au jeu. Je pose mes mains sur… Sur sa taille, parce que ses épaules sont un peu hautes. Putain, je fais pourtant un bon mètre quatre vingt-dix, je devrais pas me sentir aussi petit. On danse, enfin… Est-ce que c’est vraiment de la danse ? On gesticule, ouais. On essaie de bouger en rythme sur une musique de plus en plus effrénée. On est bientôt rejoint par d’autres danseurs. On pose les mains sur les épaules des uns et des autres, on essaie de bouger nos jambes en rythme. L’ambiance est bonne. Je m’amuse.

    Mais où est donc passée la louve blanche ?

    J’essaie de tourner la tête à plusieurs reprises pour la repérer. C’est presqu’impossible, parce que je me fais « rappeler à l’ordre » dès que mon regard s’absente quelques dizaines de secondes. Alors, je continue de danser. Telenack, me donne une tape sur l’épaule, il me dit que je me débrouille bien et que d’autres se sont dégonflés plus rapidement que moi. J’ai quand même un naturel bon-vivant, ça n’a pas été compliqué. C’est ce que j’ai ingurgité qui a bien aidé. D’ailleurs, ça n’a rien à voir avec la pisse qu’on peut retrouver dans les tavernes de la Capitale. Ici, l’alcool est bien plus fort. L’attention cesse petit à petit de se focaliser sur moi. Bah tiens, c’est le moment idéal pour qu’elle me rejoigne. À croire qu’elle l’a calculé. Je la regarde avec un petit air suspicieux, qui est bien vite remplacé par un franc sourire lorsque je la vois commencer à danser. Alors je l’accompagne, mais non sans pointer mon index vers son petit nez.

    - Toi… Toi ! Tu vas voir, j’peux être assez rancunier quand j’le veux.

    Du bluff, parce que j’en sais foutrement rien. Au moins, je ne suis plus le centre de l’attention. Musiciens et chanteurs en ont profité pour jouer un répertoire que tout le monde ici semble connaître car, bien vite, beaucoup se mettent à chanter en continuant de gesticuler sur la piste. J’en profite pour attirer Lyf un peu à l’écart, non sans continuer de bouger sur le rythme en-di-a-blé du moment. Telenack en profite pour revenir à ce moment-là, je crois qu’il dit que je me suis bien débrouillé. Une sorte de rapport à Lyf ? Je la regarde du coin de l'œil, l’air de dire que décidément elle ne perd rien pour attendre. Puis la grande barrique repart. J’en profite pour me pencher vers ma partenaire du soir une nouvelle fois. Rancunier, je sais pas, mais tenace, un peu trop sûrement.

    - Et puis, tu vas finir par m’avouer c’que t’as été faire, dehors ?

    Avant qu’elle ne puisse répondre, je recule un peu mon faciès pour la regarder. Je sais même pas quelle heure il est. J’ai mon service quand, demain ? Tôt, non ? Faut pas que je sois incapable de me lever. Surtout pas pendant cette période.

    - Pas d’excuses, ou j’irais voir Kenma pour lui demander d’autres anecdotes sur toi. Les pires.
    Lyf de YllorLunarya
    Lyf de Yllor
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    Re: Vert de gris | Nikolaos
    Lun 16 Mai 2022 - 17:54 #
    Lyf, qui avait filé en douce dès que Telenack avait jeté son dévolu sur son camarade, puis s’était accoudée au bar. Après avoir lancé les cristaux de musique, Carla était revenue à pas furtif à ses côtés. Elle avait toujours eut un petit air espiègle, un petit nez retroussé et des traits qui pourrait faire pâlir la plus jolie courtisane du royaume. Parfois la jeune garde l’enviait. Mais la serveuse était bien trop gentille pour qu’une seule fois elle en vienne à la détester de détenir pareil faciès. Elle répondit donc à sa présence par un simple sourire.

    - Tu as décidé de faire de sa soirée un enfer ? Demanda la plus petite.
    - Tu devrais savoir que je suis sans doute celle qui lui en fait le moins baver.
    - C’est vrai. Je me souviens de ta première soirée ici.

    Lyf fronça les sourcils en grommelant.

    - Tout le monde s’en souvient mieux que moi visiblement.
    - Ta branle était pitoyable, tu as broyé les orteils de Tele alors que c’était encore un enfant, tu as cassé au moins trois de nos chopes et tu t’es battue avec deux de tes camarades de régiment. Carla marqua une pause et coula un regard goguenard en direction de la blanche. - Puis tu as couronné la soirée en vomissant sur tes supérieurs.

    Le dos de la garde vint reposer complètement contre le bois et elle termina son verre d’une traite avant de le tendre à la serveuse qui s’attachait à nettoyer un autre verre.

    - Tu oublies que j’ai été de corvée pendant des semaines, qu’ils m’ont sortie du lit en me jetant dans l’abreuvoir des familiers. En pleine saison froide. J’ai cru mourir gelée.

    - Il paraît que l’eau froide est vivifiante.

    - Alors je me ferais un plaisir de t’aider à tenter l’expérience.

    - Certainement pas ! Papa te tuerait ! S’exclama Carla en riant. Elle tendit une nouvelle boisson a Lyf qui ne se fit pas prier pour reprendre une gorgée. - En tout cas l’petit nouveau à l’air à l’aise.

    Lyf suivi le regard de Carla. Nikolaos était en train de danser avec les autres, riait puis fronçait les sourcils pour se reconcentrer lorsqu’il perdait le rythme. Les mèches brunes de son chignon s’étaient évadées, ondulant au même rythme que ses épaules, recouvrant sa nuque à mesure qu’elles s’échappaient. Était-ce bien la nouvelle recrue qui avait failli lui mettre la main dessus la nuit passée ? Aurait-elle pu le confondre avec une autre personne ? Télénack saisit fermement son épaule et le fit pivoter, même si il ne la voyait pas, ils étaient maintenant face à face. Amusement, détente, joie. Lyf lisait les émotions dans son regard, comme dans un livre ouvert, loin du regard acéré qu’elle avait croisé cette nuit-là. Elle prit une longue gorgée, vida la moitié de son verre. Il ne faisait aucun doute qu’il s’était agi de lui. La couleur de ses yeux, le bras qu’elle avait manqué de lui casser. Puis elle se souvint de son agilité sur les toits, de la dextérité surprenante dont il avait fait preuve durant l'entraînement, la désarmant sans qu’elle l'eût vu venir. Lyf n’était pas une combattante d’excellence lorsqu’elle ne maniait pas ses propres armes, mais elle était garde et n’en restait pas moins une fine lame. Aucune recrue, qui n’eut pas un passé de guerrier, ne l’avait jamais battue. Nikolaos cachait quelque chose. Restait à savoir quoi. Elle reposa lourdement son verre vide sur le comptoir.

    - Encore.
    - Tu…
    - Par pitié pas de sermon, je suis grande.
    - Comme tu voudras.

    Une autre chope atterrit à la place de l’ancienne. Carla s’éloigna, sans doute pour éviter que Lyf ne lui redemande une boisson de plus. Cette dernière resta un moment immobile, sondant la foule, Nikolaos, comme si l’observait ainsi allait lui révéler tout ce qu’il y avait à savoir. Pourtant, à cette heure, il n’était rien d’autre qu’un jeune homme, dansant à en perdre haleine avec ses futurs compagnons. S'il restait, il danserait bien d’autres fois, d’autres danses avec d’autres personnes. Au bout de longues minutes et tout autant de lampées, elle abandonna son verre à moitié vide et s’avança parmi la foule. La musique, qui lui paraissait étouffée au-delà du mur de corps, de tissus et parfois d’armure, explosa autour d’elle dans une symphonie furibonde.  

    Lyf n’était pas une bonne danseuse, elle ne l’avait été et ne tenait pas à le devenir. Mais elle aimait ça. Cela l’amusait, lui permettait d’exprimer l’énergie qui se dégageait d’elle et de son addiction. Peu à peu, ses traits se détendirent et si elle n’oublia pas les questions que provoquaient chez elle le brun, elle les remisa dans un recoin de son esprit en le rejoignant.

    - J'attends de voir ça ! Elle loucha sur son doigt tout en tentant -vainement- de prendre le rythme de la chanson qu’elle connaissait pourtant par cœur. Peu à peu leurs pas les menèrent un peu plus à l’écart, ce qui n’était pas pour déplaire à Lyf qui avait déjà écrasé au moins trois paire de pieds en moins de cinq minutes. Vint ensuite Telenack, qui se pencha, pas peu fier d’avoir enfin trouvé un compagnon de danse digne de ce nom. Elle ne put s’empêcher de rire. Tout golgoth qu’il était, le géant n’était qu’un mordu de danse qui, il fallait l’avouer, avait toujours eu du mal à trouver des partisans parmi les gardes. Il s’éloigna l’instant suivant, retournant se fondre dans la foule qu’il dominait naturellement. Quand elle retourna la tête, la jeune femme se retrouva nez à nez avec Nikolaos, manquant son pas de danse, elle se rattrapa in-extrémis pour ne pas broyer son pied.

    - Ce que je… ? Encore hébétée par le mouvement du futur soldat, elle ne prit pas conscience de ses paroles. Pas tout de suite. Mais quand ce fut le cas, ses joues s’empourprèrent légèrement. L’alcool ? Lucis ? Proximité ? Questions épineuses ? Un mélange du tout ? Peut-être. Sans doute. Elle ne chercha pas à le savoir. Cette question, on l’a lui avait déjà posée. Maintes et maintes fois. Elle n’aimait pas mentir, même à une personne comme Nikolaos qui semblait avoir plus de chose à cacher qu’il ne voulait l’avouer. - Je suis malade. Dit-elle simplement. La plupart du temps, cela suffisait à faire taire les curieux. Mais elle craignait qu’avec lui ça ne suffise pas ; elle poursuivit. - Rien de dramatique. Mais j’avais omis mon traitement. Puis sans lui laisser le temps de surenchérir, elle l’attrapa par la taille et le fit valser pour l’obliger à reprendre la direction du groupe. "Ce n'est pas vraiment un mensonge..." Songea-t-elle en s'enfonçant dans la foule de danseurs.

    Elle le fit danser, lui, les autres. Ils échangèrent de partenaire, en fonction du rythme qu’imposait la musique, de la danse qu’il fallait effectuer mais lorsque la musique tinta pour la dernière fois, c’était bien le coude du Nikolaos qu’elle tenait au creux du sien. Comme les dernières notes, Lyf cessa de gesticuler. Ses joues étaient rougies par l’effort, sa tête tournait à cause de l’alcool et elle se sentait légère comme un nuage. Le visage rieur, elle se tourna vers Niko.

    - Un Niko c’té d’jà beaucoup. Là j’en vois presque deux. Puis elle éclata de rire. - Ouuuh… Elle tituba jusqu’à sa veste qu’elle avait abandonnée sur une chaise. - L’soleil va pas tarder à c’lever. Mais quitte a dormir deux heures, autant pas pioncer. S’tu veux j’peux te montrer le meilleur endroit pour voir l’levé du soleil ! Cadeau d’bienvenu. Son vêtement sous le bras, elle crapahuta jusqu’à l’homme et planta son doigt sur ses lèvres comme une petite fille. - Mais c’t’un secret. Entre toi, elle planta ledit doigt sur la poitrine de Niko puis sur la sienne. - Et moi. Alors ? D’un air aussi radieux que défiant, elle attendit sa réponse.  
    Nikolaos LehnsherrLa Garde
    Nikolaos Lehnsherr
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    Re: Vert de gris | Nikolaos
    Dim 29 Mai 2022 - 22:01 #
    Est-ce que c’est vraiment le bon moment pour essayer de lui tirer plus que ça les vers du nez ? Je veux dire, ça fait déjà un petit moment que l’alcool a fait son travail et je n’ai plus les idées aussi claires que lorsqu’on était sur le terrain d’entraînement. Malade, ça veut tout et rien dire. Est-ce qu’elle me parle d’une maladie chronique ou d’un simple rhume ? Bien que dans le deuxième cas, je ne vois pas pourquoi est-ce qu’elle aurait eu besoin de sortir à l’exté… Elle n'a pas tout lâché sur le niveau d’en-dessous, quand même ? Je suis un peu inquiet, mais ça je n’en dis rien. C’est une grande fille, après tout. J’imagine que si j’étais dans la même situation, je n’apprécierais pas qu’on me pose sans arrêt les mêmes questions et qu’on se montre un peu trop curieux et insistant. Et puis, la musique bat son plein, c’est surtout le moment de se trémousser et elle me le fait bien savoir en m’entraînant une nouvelle fois sur la piste de danse. « Tu n’perds rien pour attendre, Lyf » pensais-je, sans pouvoir la quitter des yeux. Bien que malade, elle a de l’énergie à revendre. Moi, un peu moins, mais je me débrouillais et, malgré mes yeux qui commencent à se faire lourds à cause de la fatigue, je donne tout ce qui me reste. Je vais sûrement le regretter, tout à l’heure, lorsqu’on me demandera d’aider à faire l’inventaire des équipements pour les recrues.

    Lorsque les dernières notes de musique retentissent, je frotte mes paupières irritées par le manque de sommeil et je récupère les affaires que j’ai laissées sur la place que j’ai occupée… Il y a au moins une éternité. Je n’y suis pas retourné durant ces longues heures à gigoter comme je pouvais au milieu des autres. Je n’ai retenu ni prénom ni visage. Excepté celui de la louve, mais ça sonne comme une évidence. Je pouffe de rire lorsqu’elle avoue me voir en double. Je crois que je suis pas loin de voir son double en double, ce qui fait un sacré paquet de Lyf et je suis pas certain de pouvoir toutes les gérer d’un seul coup. Il n’y a pourtant qu’un seul index qui prend appui sur mon torse et deux grands yeux bleus électriques qui me fixent avec un air de défi. Je ne peux pas accepter. Il faut que je rentre, que j’aille me pieuter même si c’est pour faire un petit somme de deux heures. Je vais être trop cuit, inapte au service. Je, on?, ne peux pas vraiment se le permettre, bien que je trouve l’intention mignonne, en cet instant. Mignonne, ouais. C’est vraiment le premier mot qui m’est venu en tête, tandis qu’elle essaie de se tenir droite pour me montrer qu’elle est encore en pleine possession de ses moyens et capable de me conduire jusqu’à ce lieu secret. Mais non. Faut que je rentre.

    - Ça marche, j’te suis.

    Qu’est-ce que je viens de dire ? J’ai pas vraiment le temps d’y réfléchir plus que ça qu’on sort de la taverne, sous un « bonne journée » de la part de la serveuse et de ceux qui sont encore présents. L’air, un peu frais alors que l’aube ne va pas tarder à se pointer, me fait frissonner et je resserre ma cape avant de regarder si Lyf n’est pas en proie au même désagrément. J’en viens même à lui proposer de lui donner ce qui me permet de me couvrir. C’est peut-être parce qu’inconsciemment j’ai un peu associé le fait qu’elle est malade à une forme de faiblesse ? Ou juste de la galanterie ? Je ne sais pas trop et je me plie à sa réponse avant de la suivre à travers le dédale des ascenseurs, montes-charges et escaliers qui constituent le Village Perché.

    L’air me fait de plus en plus de bien, surtout à mesure qu’on grimpe dans les arbres. Je pensais qu'il  y avait moins d’air, quand on montait. Un reste de ce que j’ai pu apprendre lorsque j’étais gamin. Peut-être que j’avais pas très bonne mémoire -c’est le cas de le dire…- et que j’ai oublié certains détails. On est à combien de mètres, là ? Et on continue de grimper ? Je pense même que Lyf me fait passer par des endroits dont elle seule à le secret. Ça me plait aussi de penser qu’elle le fait, même si ce n’est pas vrai. À quelques reprises, mes doigts effleurent son poignet et je lui adresse un regard et un signe de tête pour m’excuser, puis au bout d’un moment j’arrête de le faire, parce que je crois que je suis encore trop bourré pour bien calculer mes distances. À plusieurs reprises, j’ai un pied qui loupe une marche ou j’ai du mal à tirer un levier. Et à chaque fois que ça arrive, je me dis que je vais vraiment en chier tout à l’heure.

    - J’espère que… Que ça… En vaut le coup d'œil… Vraiment…

    En cet instant, on ne pourrait pas affirmer que j’ai suivi une formation et un entraînement physique très strict depuis plusieurs lunes. Je suis là, à me tenir les côtes en crachant presque mes poumons. Le manque de sommeil, la danse, l’alcool, l’altitude. J’ai un tas d’excuses pour expliquer ça. J’en profite pour boire une longue gorgée d’eau, parce que je n’allais certainement pas m’éclipser sans demander à la serveuse de m’en laisser -puis je crois bien que vu nos têtes, elle ne pouvait pas refuser- et j’en propose à Lyf.

    D’ailleurs je crois que nous sommes arrivés car je n’aperçois plus rien pour nous permettre d’aller plus en hauteur. J’inspire un grand coup et je m’assois là où y’a de la place pour profiter du spectacle vendu par la louve. Je pense qu’on arrive au bon moment en plus. Mais mes yeux sont lourds, si lourds… C’est si compliqué de rester éveillé… Surtout quand une épaule légèrement arrondie est juste à proximité et que je sens, doucement, ma tête s’y déposer et mes paupières se fermer…

    - Le… Su… Super… Levé de sol…, marmonnais-je en m’endormant.
    Lyf de YllorLunarya
    Lyf de Yllor
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    Re: Vert de gris | Nikolaos
    Ven 3 Juin 2022 - 18:39 #
    L’air grisant de l’aube s'engouffra dans ses poumons comme pour lui insuffler un nouveau souffle de vie. La tête de Lyf tournait toujours, elle avait un mal fou à rassembler les images kaléidoscopique de Nikolaos qui partaient dans toutes les directions pour revenir à lui et qui se redivisaient ensuite. Le froid environnant ne l’atteignait pas, l’alcool, la drogue, se liaient autour d’elle comme un cocon protecteur qui lui épargnait des frissons et les grelottements. Ses yeux, dont les pupilles étaient si dilatées qu’elles auraient pu paraître normales, se tournèrent vers son compagnon quand il lui proposa sa veste. Gentillesse ? Pitié ? Sobre, elle se serait attardée un peu plus longuement sur cette question. Pour l’heure, elle souhaitait simplement avancer, partager avec lui ce coin qu’elle avait découvert lors de son arrivée ici. Elle refusa l'attention.

    Lyf s’en souvenait comme si c’était hier. Ce n’était pas le premier soir -où elle avait fini quasiment ivre morte-, ni lors de l’une de ses livraisons. C’était une nuit qu’elle s’était accaparée, qu’elle avait soustraite à ceux qui les lui volaient. Elle n’était âgée que d'une vingtaine années, sa sortie de l’académie était récente, peut-être même qu’elle n’était encore qu’une novice ici. C’était un temps où parcourir le Village Perché, découvrir ses méandres et ses passages secrets était son jeu favoris. Les hauteurs de la cité suspendue avaient toujours suscité son intérêt mais contre toutes attentes, elle avait préféré découvrir le labyrinthe du dessous en premier, celui qui serpentait entre les troncs et les maisons, s’enfonçait dans les entrailles de la forêt, liant ses bras à la nature pour lever le reste de la ville vers la cime des arbres. Quand enfin il n’eut plus rien à découvrir, elle jeta son dévolu et toute sa curiosité sur les hauteurs. “Le meilleur pour la fin”. Elle avait découvert maintes choses, des maisonnées divines, qui feraient pâlir de jalousie plus d’un nobliaux de la capitale, elle avait rencontré des nids de créatures, avait observé leurs allées et venues comme s’il s’était agi d’un documentaire. Puis il y avait eu cet endroit. Une nuit de plus sans pouvoir fermer l'œil, une de plus où son corps exhalait d’une excitation surnaturelle. Elle l’avait trouvé. Rapidement il s’était transformé en ce que l’on pouvait aisément qualifier de cachette, celle où personne ne venait la chercher. D’aucun aurait pu dire qu’il était trop tôt pour offrir un présent aussi précieux à rien d’autre qu’une recrue mais Lyf n’était pas avare sur ce genre de chose. Elle se faisait un véritable plaisir de le lui partager.

    - Bien sur qu’ça vaut l’coup d'œil. Pour qui tu m’prends ? Articula-t-elle, la bouche sèche en se tortillant entre deux murs en bois pour atteindre une ruelle tout aussi exigu. Pendant un instant elle se demanda si Nikolaos serait en mesure d’y passer. Force fut de constater que l’alcool lui offrait quelques talents de contorsionniste. Lyf partit d’un petit rire dont elle ne donna aucune explication et poursuivit son ascension. Ils empruntèrent un dernier ascenseur avant que le paysage ne devienne plus que d' immenses volées de marche. Aucun des appareils ne montaient aussi haut. Car il n’y avait rien de particulier à voir. Les maison, les monuments restaient sous le couvert des branchages et des feuillages. Quelques rares personnes s’y étaient toutefois établies mais en raison du manque de transport, c’était chose rare. Enfin, ils arrivèrent devant un tronc aussi large que haut, ses racines n’étaient plus visible de cette hauteur, ses branches serpentaient partout en dessous et autour d’eux comme pour embrasser fermement la ville et soutenir ses fondations. La jeune femme s’était toujours demandé l’âge qu’il pouvait bien avoir. Une fine couche de mousse humide parsemait l’écorce. Un sourire se ficha sur ses lèvres.

    - C’plus très loin.

    Evidemment Lyf n’avait pas dit toute la vérité. Partiellement tout du moins. L’ultime plateforme n’était pas très loin, c’était indéniable mais le chemin pour y accéder n’était pas des plus évidents. Ils durent grimper longtemps, leurs pieds dérapant sur la mousse, sur le bois et sur la pierre quand, parfois, les restant d’un escalier persistaient. Sa peau frémit à chacun des effleurements de Nikolaos ; Lyf fit mine de les ignorer copieusement. Elle était toujours bien plus sensible après ses doses. Elle se concentrait également sur ses pieds pour ne pas glisser, ni écraser les doigts de Niko qui se trouvait un cran dessous du sien. A plusieurs reprises, elle manqua de lui coller son pied dans la figure par inadvertance. Heureusement, elle connaissait suffisamment bien l’endroit pour changer de prise de justesse.

    Enfin, ils se hissèrent sur le petit îlot. Semblable à un plateau posé sur le toit du monde. Lyf imita le futur garde quand il s’installa, laissant ses jambes pendre dans le vide. Sur leur gauche, on pouvait apercevoir les premiers monts enneigés du septentrion baignant dans une fine couche de brouillard caractéristique. Sur leur droite, les vallons se réduisaient pour ne devenir que de grandes plaines herbeuses. Là-bas se trouvait la Capitale et encore plus loin la mer qui ne se réduisait qu’à un fin liseré noir. Lyf tourna la tête pour observer l’est qui se trouvait juste en face d’eux. A la frontière du monde, de leur univers, de leur pays, la lueur du soleil émergeait doucement des limbes. Elle rendait au ciel sa clarté, chassant l’obsidienne pour le teinter d’améthyste.

    - Tu d’vrai regarder ça v… La caresse d’une mèche de cheveux, le poids de la fatigue. Elle tourna la tête pour découvrir le visage de Nikolaos, perclus de fatigue mais serein. Elle hésita à le secouer comme un prunier. Après tant d'efforts déployés pour monter ici, il l’aurait mérité. Mais alors que sa main se releva  pour lui saisir l’épaule, elle se suspendit dans son mouvement et le regarda simplement avant que sa dextre ne vienne ranger une mèche derrière son oreille. - J’imagine que la nuit a été éprouvante. Elle, ne devait son salut qu’à la Lucis. Alors, comme bien souvent, Lyf observa le jour se lever. L’astre dévora entièrement la noirceur de l’éden, comme si Lucy elle-même avait décidé d’engloutir les ténèbres. Le  soleil émit comme un flash et son visage s'inonda de la chaleur de ses rayons. - Dire que t’as loupé ça. Imbécile. M’enfin quitte à avoir fait le trajet, je dois pouvoir te laisser dormir un peu. Elle laissa son dos tomber lentement vers l’arrière prenant soin de ne pas fracasser le crâne de l’intru sur le sol au passage en le soutenant d’une main derrière sa nuque. Quand ils eurent enfin atteint le sol, Lyf ferma les yeux à son tour. - On se repose vingt minutes et on repart sinon on sera jamais à l’heure, Niko aux bois dormant. Et bien plus vite qu’elle ne l’aurait imaginée, elle s’endormit à son tour.
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    Re: Vert de gris | Nikolaos
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