*Tu es sûre qu’il est fait pour moi ? Je ne sais pas si je suis prête à le rencontrer … Cela fait si longtemps que je suis seule*

Je gloussai à l’intention de Silène qui ne m’écoutait absolument pas. Nous marchions en direction de l’entrée du domaine où elle m’avait dit que mon promis m’attendrait. J’avais fini par abandonner, elle avait beau me présenter tous les beaux partis de la forêt, je ne trouvais jamais cette petite étincelle qu’on appelle l’amour. Il ne fait pas bon être une dinde célibataire. Certes, on me laisse courir dans les jardins de Madame Musque, car je suis sa préférée, mais je suis si las de ma solitude. Je ne rêve que d’un bel étalon qui m’emmènera loin de cette prison d’ennui et me donnera des ailes.

Je soupirai.

*J’espère que tu ne me fais pas marcher Silène, je ne suis pas une dame qu’on abuse aussi facilement ! J’ai encore une fierté, alors n’essaye pas de m’embobiner sinon … Oh par le dieu Hibou !*

Je fus stoppée nette dans ma phrase. Nous venions de dépasser la limite du portail quand nous tombâmes immédiatement sur lui. Je crus que mon cœur avait raté un battement. Non, elle ne m’avait pas menti, il était parfait. Ses cheveux noirs de jais, ses yeux d’un vert si intense, son corps si finement ciselé … Oui, elle m’avait trouvé un véritable Adonis, rien que pour moi ! Je secouai mes plumes pour me rendre présentable, gonflant ma poitrine pour me grossir au maximum.

*Ravie de vous rencontrer soldât Lehnsherr. Je suis dame Josiane de Monsimart, c’est un plaisir de passer cette délicieuse soirée en votre compagnie.

J’entends Silène émettre un petit rire à côté de moi.

*Il ne parle pas ta langue* me chuchote-t-elle.

Et bien traduis lui bécasse ! Il me regarde déjà de manière étrange à cause de tes mystères ! Moi, la dinde la plus noble d’Aryon ! Elle s’approche de lui et pose sa main sur son épaule et plonge son regard dans le sien. Euh Silène ? Vous me faites quoi là ? Je croyais que j’étais ici pour l’épouser ? J’en étais sûre, c’était un mensonge.

Mais avant que je hurle d’indignation, elle s’écarte de mon promis en nous faisant signe de la suivre. Qu’est-ce qu’elle me prépare encore cette harpie ? Elle a intérêt à dégager rapidement que je puisse entamer les rapprochements avec mon fiancé. Nous arrivâmes à la fête que nous avions soigneusement évitée pour rejoindre Nikolaos. De nombreux humains étaient déjà présents en train de discuter par groupe de 5 ou 6 personnes. Nous avions à peine mis un pied dans leur champ de vision que des murmures nous parvinrent portés par le vent :

« Ce ne serait pas la lieutenante Angrboda ?

- Cela fait un moment qu’elle ne l’est plus ma chère. Elle est redevenue simple garde …

- Ce n’était pas elle qui avait perdu sa fille dans les flammes …

- Chut ! elle va vous entendre. »

Silène coupa court à toutes les discussions en débarquant au milieu de la foule qui se détourna bien vite de sa contemplation. Elle ne s’était pas vêtue comme mon fiancé. Elle portait une simple robe blanche, qui ressemblait à une toge. Elle marchait pied nu, mais de magnifiques bijoux ornait ses chevilles. Un léger châle reposait sur ses épaules, ses deux extrémités attachées à ses doigts par un anneau donnaient l’impression qu’elle avait des ailes en écartant les bras. A son bras, elle arborait un bracelet sur lequel était gravé un faucon. Je crois que c’est un signe utiliser par certains garde ?

*Bon Silène tu nous laisse … faire connaissance maintenant ?* m’enquis immédiatement.

Les regards s’étaient posés sur mon bien aimé, je dus m’interposer entre lui et les autres en écartant les ailes pour marquer ma propriété. Silène se retourna enfin, comme s’il elle s’était perdue dans ses pensées et s’adressa à moi.

*Nikolaos ne connaît personne ici. Et si tu commençais par lui présenter du beau monde ? Je suis sûr qu’il sera ravi de rencontrer les partenaires de dame Musques. Et ensuite vous pourriez vous trouver un petit coin tranquille pour … tu sais.

Comment ? Il venait d’arriver ?! Laisse faire Dame Josiane, je lui montrerai tout le gratin du Village perché ! Vas-y suis moi mon amour. On va commencer par le grand patron de la scierie, Monsieur Tranduil ! Je picore son pantalon pour l’inviter à me suivre, allez il y a plein de monde que tu dois rencontrer. Silène lui effleure la main et elle disparaît à travers la foule. Je rêve où elle vient de lui glisser un message ? Pourquoi les humains ont-ils besoin de ça, il aurait suffi qu’elle piaille !

Suis la dinde, elle te conduira à tous les partenaires de Musque. Essaye d’obtenir ce que tu peux. Je te rejoins bientôt.

PS : N’oublie pas de la prendre dans tes bras, elle risque de se vexer si tu ne lui donnes pas de l’affection.

Je frottai mes plumes arrière contre sa jambe pour attirer son attention. Rah que ses yeux me fondent fondre. Mon amour ? Jette moi ce morceau de bois blanc et allons-y !

Suis-je morte ? Je ne saurais dire. Depuis que Silène est partie, j’ai l’impression de vivre un rêve éveillé ! J’avais à peine eu le temps de lui montrer une direction, qu’il m’avait prise dans ses bras, faisant battre mon petit cœur de dinde à toute à allure. Étais-je vraiment prête pour cela ? Ici, devant tout le monde ? Roh, Josiane tu as bien assez attendu, il temps pour toi aussi de connaître le bonheur. Je ferme les yeux et je laisse mon bec s’approcher du sien et oh … il m’a esquivé … Il ne veut pas ? Ou alors lui aussi est timide ! Mais oui, il est plus jeune, peut-être que je suis sa première fois. Roh Silène, tu m’as ramené un petit homme innocent. Trèèèèès bien, je vais y aller doucement avec lui, moi qui croyais qu’on allait sauter des étapes au moment où il m’avait soulevé de terre …

Bon je dois avouer que je ne m’attendais pas à devoir lui présenter TOUT le gratin du village perché. N’avait-il donc aucune relation ce garçon ? La moindre douairière, le moindre petit noble devait lui être présenté, à croire qu’il n’avait jamais mis un pied dans le monde de la noblesse ! Pourtant il y avait bien un ministre qui portait son nom, je crois bien … où était-ce une coïncidence. Il faudra que j’en parle à Silène. En attendant, je coupai court aux conversations pour accélérer cette débauche de mièvrerie et accélérer le moment où nous serons enfin seuls lui et moi. Je ne pouvais m’empêcher de trépigner d’impatience tandis qu’il discutait avec Monsieur Devillier le nouvel amant de Madame Musk. Il était plutôt bel homme, mais moins que mon Nikolaos, il faut dire que je les préférais plus frais … enfin jeune je veux dire. Du haut de ses 40 ans, il savait se glisser auprès des femmes, peut-être que Madame Musk se rendra enfin compte qu’il n’en a après son argent et qu’il est passé sur tout le petit personnel du manoir, femme et hommes compris. Quoiqu’il faille dire qu’elle était devenue bien bête depuis qu’elle l’avait rencontré, elle ne s’en rendrait probablement jamais compte cette idiote !

Je tirais doucement la manche de mon homme pour mettre fin à sa discussion ennuyante où il se faisait rabaisser à chaque phrase. S’il continuait à lui parler, il allait finir par succomber à son charme comme les autres ! D’ailleurs je le vis approcher sa main de la joue de mon bien aimé. Ah non, celui-ci est à moi vil pendard ! Un coup de bec et encore un autre le dissuadèrent d’utiliser son étrange machin sur mon Nikolaos ! Essaye encore et je te crève un œil fripon ! Va te trouver une servante à détrousser au lieu de t’en prendre à mon élu ! Nous nous éloignâmes de lui, mais je jetais un regard par-dessus l’épaule de mon soldat pour bien vérifier que ce rat d’égout ne nous suivait pas, mais il n’en fit rien.

Je dois dire que je suis déçue. Je m’attendais à un endroit plus … romantique. Des toilettes, c’est un peu un endroit pour les paysans. Faire sa première fois ici … comment dire. Je ne souhaiterais ça à personne, même à mon pire ennemi. Et puis il me parle encore de Devillers. Non, par le dieu dindon, ne me dites pas que lui aussi a succombé ? Pour une fois que je trouvais un homme respectable, bien qu’un peu ignorant des choses adultes … Eh, mais attendez, en fait non, il n’est pas sous son charme. Que le dieu dindon en soit remercié ! Oui, arrête-le donc pour atteinte à la pudeur et à la bienséance ! Un séjour derrière les barreaux lui fera le plus grand bien et réduira le taux de natalité de pays de moitié j’en suis certaine !

Heureuse d’avoir retrouvé mon chéri comme je l’avais rencontré, je sautais joyeusement dans ses bras et nous allâmes aux enchères. Je ne voyais vraiment pas l’intérêt de cet évènement, Madame Musk vendait la plupart de ses possessions, même les plus précieuses. Si je ne m’abuse, ce doit encore être une idée de son chéri d’amour, alias le Devillers qui n’est même pas présent pour voir ça … Elle va mal finir je vous le dis !

«  … oui, Madame Musk nous a tous étonnés quand nous avons lu la liste des lots qu’elles mettaient aux enchères. Vous rendez-vous compte ? Elle vend son Rembranle, l’une de ses toiles les plus rares et précieuses. Cela nous a tous étonnés !

- Hum, hum … »

Je tournai la tête pour découvrir Silène en pleine « discussion » avec une vieille femme dont le corps devait être fait d’or pur tellement elle s’était recouverte de bijoux. Je lui fit signe de se rapprocher et elle me répondit par un clin d’œil.

« Je vous assure, elle prend des décisions financières désastreuses ces derniers temps. Elle investit dans des entreprises de piètre qualité, donne sans compter à d’autres et vend la plupart de ses biens de grande valeur. Je ne veux pas paraître alarmiste, mais je crains que Madame Musk finisse bientôt sur la paille ! Et puis ... oh Albert qu’elle bonne surprise, vous êtes rentré de la forteresse ? »

La vieille femme quitta la compagnie silencieuse de Silène qui s’approcha alors de nous. Parfait c’était le moment de lui demander de traduire pour moi.

»*Psst Silène, il faut que tu m’aides. Il ne connaît rien du tout au romantisme, c’est une catastrophe. Tu ne pourrais pas lui donner quelques idées ? Des fleurs, de la musique … Il m’a emmené avec lui aux toilettes tout à l’heure, je crois qu’il est stressé !* »

Elle me répondit avec un rire amusé, mais mon regard sérieux coupa court à ses moqueries.

« *Si ce n’est que ça … Je vous ai vu parler avec Monsieur Devillers tout à l’heure, il a dit quelque chose d’intéressant ?

- Lui ? Dire quelque chose d’importance ? Voyons Silène, je crois t’en avoir assez parlé ! Rien de ce qui sort de sa bouche n’est vrai. Il a essayé de lui embrouiller l’esprit, mais je l’ai remis à sa place immédiatement !

- Je vois … Dis-moi, si je transmets tes souhaits à ton nouveau chéri, tu pourrais … disons me rendre un service ? *»

Je plissai les yeux, avec Silène, il fallait toujours se méfier. Elle prenait ses airs innocents, mais elle venait d’avouer qu’elle nous observait en douce depuis une heure. Elle savait que j’étais dépendante d’elle, la barrière de l’espèce m’empêchait de vivre pleinement mon amour et elle le savait.

*Soit …

- Je savais que tu serais coopérative Josiane, j’ai juste besoin que tu le guides à la salle de poker, tu sais celle dont tu m’avais parlé …

- Il est hors de question qu’il s’approche de lui !

- Mais enfin Josiane, tu viens de me dire qu’il avait déjà essayé. Il faut que tu … marques ton territoire tu me suis ?* »

Je réfléchis un instant, il est vrai que je ne serais pas toujours là pour le chasser. Devillers reviendrait à la charge. Hum …

*Très bien, j’accepte … Mais trouve nus des bougies d’accord ?

- Ah je savais que tu comprendrais. Ne t’inquiète pas je vais te préparer un moment parfait …* »

Elle me sourit et sourit à Nikolaos qui affichait une tête bien étrange. Ah oui, c’est vrai qu’il ne parlait pas notre langue ce bel idiot. Aller Silène, fait ton travail, tu l’as promis ! Elle lui glissa un autre de ses papiers avant de s’enfoncer dans la foule.

Mme Musk semble avoir perdu sa fibre d’entrepreneuse ces temps-ci. Certains parlent d’une faillite imminente, ce qui expliquerait son besoin pressant de fond. Je vais creuser ça avec elle, mais j’ai besoin que tu ailles investiguer du côté de Devillers, ton intuition était la bonne tout à l’heure, il cache quelque chose. Suis la dinde.

PS : Gratte-lui un peu le bas du ventre sur le côté gauche, ça lui fera plaisir.

« Je vous puis vous assurer, Silène, que mon esprit n’a jamais été aussi clair de toute ma vie ! »

Silène acquiesça à la remarque de Mme Musk sans émettre le moindre son. Voilà une bonne dizaine de minutes qu’elles échangeaient sur un banc à l’abri de la foule. L’ancienne lieutenant avait doucement glissé à ses côtés pendant la vente aux enchères et ses regards insistants avaient fini par pousser l’entrepreneuse à se confier à elle.  

« Comprenez-moi bien, les Belluaires ont BESOIN de ses montures. C’est un immense cadeau que je vous fais. Avec le désert Volant, beaucoup de vendeurs se sont spécialisés dans les créatures volantes. Si la garde ne se met pas à jour, elle sera dépassée quand la criminalité conquerra le ciel ! Je ne pouvais pas rester sans rien faire ! De plus, je sais de source sûre que ses fonds seront bien utilisés. »

Silène haussa un sourcil circonspect. Elle comprenait à peine ce qui pouvait pousser la femme à vouloir aider la garde. Une entrepreneuse comme elle n’avait rien à y gagner si ce n’est un peu de prestige. Au début, la garde avait pensé qu’elle cherchait juste un prétexte pour attirer des investisseurs chez elle. Une soirée caritative classique, sauf qu’à la place des petits orphelins, elle avait misé sur la sécurité du royaume. Il n’aurait rien eu d’étonnant à cela, mais plus elle parlait et plus Silène avait l’impression qu’elle croyait vraiment qu’elle devait aider la garde et elle avait l’impression que cette envie lui était tombé du ciel, tout comme celle de vendre la plupart de ses biens de valeur aux enchères ce soir. L’insulaire tourna ses yeux vers la grande scène ou un magnifique Rembranle trônait, majestueux et sombre. Au premier rang, un homme grand, habillé comme un clown de cirque s’époumonait en agitant son petit carton, essayant de gagner le plus beau des lots de ce soir. En plissant les yeux, Silène cru reconnaître le ministre de la Culture. Cette vente devait être une aubaine pour lui …

« Je sais ce que vous pensez Silène, tout le monde ne cesse de me le répéter ce soir ? Mais enfin, pourquoi vends-tu ton Milèle Angle ? Ou ton Picassiette ? Je ne veux plus être attachée à ces choses matérielles, voyez-vous ? Philipe dit que cela m’enlaidit. »

Le regard de Silène revint immédiatement sur sa cible. Un regard perçant, mais qu’elle dissimula derrière un sourire graveleux. Mme Musk devint alors toute rouge, comme une jeune jouvencelle qu’on venait de surprendre avec son premier amant. Si Silène n’était pas aussi professionnel, elle aurait sûrement levé les yeux aux ciels.

« Ne me regardez pas comme ça ! se défendit la riche femme. On ne sait pas quand l’amour peut vous tomber dessus. Pour moi il était inespéré, on s’est rencontré à la réunion du syndicat des scieries et puis … voilà c’était le coup de foudre. »

Silène plissa les yeux, essayant de chercher la moindre trace de sentiment amoureux chez la vieille femme. Elle analysait son langage corporel sous toutes ses coutures de la taille de ses pupilles aux mouvements de ses mains. Elle avait l’air un peu absente quand elle avait commencé à parler de lui, un peu comme après avoir pris un somnifère.

« Et puis il est tellement intelligent, d’ailleurs c’est lui qui a proposé la soir ….

- GLOU GLOU ! »

Un torrent de plume apparut soudainement, faisant sursauter les deux femmes qui virent arriver avec stupeur une dinde affolée qui glougloutait dans tous les sens. Silène se leva immédiatement, car elle savait que quelque chose n’allait pas. Musk, une fois remise de sa surprise, se pencha vers le volatile.

« Cœur de miel, qu’est-ce qu’il te prend de crier comme ça ? Tu veux un petit vers juteux ?

- GLOU GLOU … glou ? GLOU ! »

Oh, Josianne, ne parle pas comme ça de ma mère, je ne suis que le narrateur ! Aïe, ouch … oui pardon, je change de point de vue, pas besoin de le prendre comme ça !

*Silène c’est terrible, hurlais-je maintenant qu’on pouvait me comprendre.

- Où est le bleu ? me répondit-elle d’un air sévère.

- Il est passé à l’ennemi, je te l’avais dit, il ne fallait pas qu’il s’approche de lui ! Maintenant, il va baiser le sol sous ses pas, notre histoire est finie. Tu entends ? Finie ! Je suis de nouveau seul, on m’a arraché mon âme sœur, je dépéris, je me meu …

- LA FERME. *»

Je déglutis de stupeur devant le cri que venait de pousser Silène. Musk aussi semblait abasourdie. La vieille garde semblait soudain réfléchir intensément et son regard de braise me terrifiait. Qu’est-ce qu’elle croyait ? C’était sa faut si mon Nikoni était devenu un suppôt de Devilliers ! J’avais tenté de l’avertir, mais elle n’avait rien écouté ! Moi je voulais le garder pour moi toute seule. Trouver un petit coin tranquille et faire plein de petits oisillons ensemble ! Mais notre avenir ensemble était fichu ! Brisé !

*SOREN, hurla-t-elle pour appeler une chouette qui semblait sortir de nulle part. Retrouve le bleu, je ne sais pas ce qu’il se passe, mais je n’aime pas ça. *Elle se tourne vers moi* Où sont-ils ?

- Mais je n’en sais rien grosse maline, ils l’ont assommé dans un coin et puis ils m’ont chassé à grand coup de bâton. J’ai eu tellement peur pour ma vie, moi la grande Josianne, chassée comme une vulgaire souillonne !

- OU SONT-ILS ? articula-t-elle avec vigueur.

- MAIS JE NE SAIS PAS, criais-je, ils ont dû filer par derrière comme d’habitude et …* »

Soudain tout me parut clair et limpide, mais oui ils sont sortis par l’arrière du manoir ! Le petit chemin dans la forêt. Devilliers faisait toujours venir ses amis louches par là pour ne pas mettre Musk dans l’embarras. Ni une, ni deux, je me précipite dans les allées du jardin. Silène me suit sans discuter, laissant Madame Musk la sans cervelle en plan. Je contourne les écuries et cours à travers les branchages. On peut voir un peu de lumière au loin, oui se sont els cristaux de lumières d’un fiacre. Maintenant on entend des voix. Je déboule comme une furie et je découvre avec horreur l’amour de ma vie en train de charger une voiture avec des caisses. Quand les hommes autour m’aperçoivent, il s’arrête un instant, mais quand ils voient Silène, tout le monde se jette dans la voiture et j’entends le claquement des rênes.

»*Ils s’enfuient !* »

Silène me dépasse comme un bolide. Je la vois attraper une fourche qui traînait dans une botte de paille. Soudain, l’amour de ma vie s’interpose pour la ralentir, dégainant son épée. Non par pitié mon amour, ne fais pas ça, résiste je t’en supplie !

Silène s’arrête pour parer un coup d’épée de mon soldat d’amour. Oh par le dieu dindon, tout cela va mal finir … La guerrière recule, surprise de le voir l’attaquer, mais elle se ressaisit très vite et tente une feinte par la gauche avant de faire pivoter son arme et de frapper Nikoni à l’épaule avec la pointe du manche. Il recule un peu, mais revient vite à la charge. Silène essaye encore de parer, mais sa robe l’entrave et elle tombe à la renverse. Mon petit cœur se jette alors sur elle pour l’empêcher de bouger. Oh comme j’aimerais qu’il me chevauche comme ça ! Elle se débat, mais il est trop lourd, il lève son épée de plus en plus pour l’achever et je vois déjà notre avenir à deux qui s’effondre.

Soudain, il s’écroule sur le côté en se tenant l’entre-jambes de douleur. Oh non Silène, ne t’en prend pas à mes petits oisillons. La garde roule sur le côté, totalement décoiffée et essoufflée. Elle attrape sa fourche qui était tombée un peu plus loin et d’un mouvement net et précis, elle assomme mon chéri qui s’écroule inconscient. Je me précipite jusqu’à lui pour le couvrir de bisous et pour voir s’il est gravement blessé. Devant moi, l’ancienne lieutenant se laisse tomber au sol en plantant sa fourche dans la terre. La voiture est déjà loin maintenant, mais au moins on a récupéré mon Nikoni et c’est tout ce qui m’importe.

*Han … han …*

Je courais comme une folle à travers les bois, sentant mon petit cœur fragile tambouriné dans ma poitrine. Par le dieu dindon, comment pouvaient-ils courir aussi vite ? J’avais à peine eu le temps de faire ma danse de fertilité afin d’en finir avec mon tout beau au cas où quelque chose lui arriverait qu’ils s’étaient mis à courir. En fait, je crois qu’ils suivaient la chouette qui était revenue de sa reconnaissance. Et qu’est-ce qu’ils couraient vite ! Je n’étais plus la jeune dinde d’il y a 10 ans moi. Celle qui courait dans la basse-cours et s’entraînait tous les jours pour espérer vaincre le grand Bernard.

Je dus m’arrêter pour reprendre mon souffle. Ils avaient déjà disparu, si ça se trouve j’allais arriver après la bataille … Peut-être découvrirai-je mon amour pour la vie étendu sur le sol, mort. Oh non, dieu dindon, protégez-le, faite qu’il retrouve le chemin de la maison. Il fallait que je me dépêche, mais mes pattes n’arrivaient plus à me supporter. Je sentais que j’allais défaillir, moi Josiane de Monsimart, la plus célèbre dinde de salon du village perché !

J’arrive en haut de la colline et j’aperçois un peu à plus loin la cachette présumée de Devillier et ses brigands. J’entends des cris et le fracas du métal des épée qui s’entrechoquent. J’accours le plus vite possible, mettant tout l’énergie qui me reste pour arriver à temps. Je débarque en pleine bataille. Un chariot est effondré en plein milieu du bosquet et les cristaux et autres bijoux qu’il transportait avaient roulé sur le sol. Plusieurs hommes armées d’épées se battent contre Nikoni et Silène. Cette dernière a réussi à se procurer une vraie lance et un bouclier et les tient en respect pendant que l’amour de ma vie les met hors d’état de nuire en se cachant derrière elle pour attaquer au bon moment. Ravie de le voir en vie, je reste de côté pour ne pas le gêner et l’encourage de loin. Son visage est tellement séduisant lorsqu’il se bat, cette goutte de sueur qui coule le long de sa joue et ses muscles qui se contractent en rythme et …

Soudain, un évènement me fait sortir de ma torpeur. Derrière eux, j’aperçois Devillier qui s’approche discrètement. Ses mains s’illuminent d’une lueur que je connais que trop bien. Ah non, cette fois tu n’utiliseras pas ta foutue magie ! Je fonce sur lui, visant son entrejambe qui avait trempé dans tous les tas du royaume. Un coup de bec bien placé et s’en serait finit de lui. Mais il m’a vu et m’accueille d’un coup de pied qui me fait rouler à côté de lui. J’ai si mal, et ma course m’a épuisée. Il continue d’aller vers les deux gardes, et je n’arrive pas à crier. Oh non, mon amour je suis déso ….

*TECHNIQUE ANCESTRALE DU COQ ORIGINEL : LES MILLE BECS DE LA SOUFFRANCE*

Hein quoi ? Qui a dit ça ?

Mon attaque éclair fit mouche et mes coups de bec aussi. Le vil brigand se plia en deux quand j’arrivai à percer son entrejambe d’une série furieuse d’attaques plus rapides que la lumière. Son visage s’approcha, m’offrant l’opportunité de le cueillir d’un coup de griffe bien placé. Il recula en hurlant, me laissant le temps d’aller secourir Josiane.

* Josiane, tu vas bien ?

- Oh, Bernadette, c’est bien toi ? Oh je suis tellement heureuse ! Je n’ai plus aucune force, regarde comme je suis pathétique. Incapable de me lever pour sauver l’amour de ma vie …

- Ne dis pas ça Josiane. Il te reste de la force. Tant que ton amour brûlera pour lui, tu pourras toujours te relever, car c’est ce sentiment qui nous pousse à vivre chaque jour. Regarde-le se battre. Regarde-le se battre pour toi ! Sens l’amour qu’il te porte, son amour qui TE porte. Est-ce que tu vas le laisser sans réponse ? Est-ce que tu vas l’IGNORER ?*

La dinde sembla hésiter. Son regard glissa vers son amant qui parvenait à défaire chacun de ses ennemis en compagnie de Silène. Elle devait le protéger. Elle ne pourrait pas sans arrêt compter sur lui, lui aussi avait besoin qu’elle veille sur lui. L’époque des princesses en détresse était terminée depuis bien longtemps. Aujourd’hui les dames étaient aussi en mesure de se battre pour leur homme !

Josiane se releva devant moi, mon regard plein de fierté lui donnait le courage d’aller au bout. Je voyais dans ses yeux qu’elle avait trouvés la force de reprendre le combat. D’affronter ses ennemis pour aider son bien-aimé.

*Comment on procède Bernadette, me demanda-t-elle e chancelant un peu.

- Nous allons partager notre aura pour le vaincre, est-ce que tu es prête ? *

Elle ne répondit pas, mais je la vis hocher la tête. Notre ennemi était déjà remis de sa douleur et nous fixait avec un air mauvais. Visiblement, ma technique ancestrale ne lui avait pas plu, mais c’était un peu là son but premier. Bernard me l’avait enseigné pour mettre au tapis les adversaires masculins plus grands que moi. Une technique efficace pour une petite poule qui permet de retourner la force de l’adversaire contre lui !

Josiane se place à côté de moi près à lui faire face. J’admire toute la force qu’elle peut déployer grâce à ce sentiment puissant qu’est l’amour. J’aimerais aussi pouvoir aimer quelqu’un aussi fort qu’elle aujourd’hui. C’est vraiment magnifique. Ensemble, nous lions nos auras pour ne faire plus qu’une. Nos énergies se mélangent et je canalise ce pouvoir primordial pour lui donner une force.

*Tu es prête ? demandai-je à ma coéquipière.

- On va lui faire payer ce qu’il a fait à toutes ses femmes.

- Alors, allons-y ! TECHNIQUE COMBINÉE : AVATAR DE LA DÉITÉ GALLINACÉ, MOUVEMENT QUATRIÈME : LA DÉFERLANTE DE LA BASSE-COUR !