« S-I-L-E-A-S ! Argua-t-elle en découpant soigneusement chaque syllabe son nom. »
À peine arrivée à sa hauteur, la jeune femme sauta dans ses bras, enroulant ses jambes autour de sa taille. Ses lèvres laissèrent échapper un rire spontané, et elle déposa un baiser sur sa joue, elle semblait s’éclairer d’une joie non dissimulée.
« Alors mon chaton ? La chasse était belle ? Pas trop longue ? Non en fait, je m’en fous ! Tu vas bien ?»
Elle gloussa, sans relâcher sa prise, laissant tout son poids se faire porter par l’imposant aventurier. Durant cet instant, Illwy sortit de sa cachette afin de venir s’installer sur l’épaule de la barde qui continuait à déblatérer sans fin les éloges sur la guilde, ne cachant pas l’ironie de ses propos derrière son sourire angélique. Pendant qu’il la soulevait, elle posa son menton sur son épaule, les joues gonflées. Elle ressemblait davantage à une petite fille qu’à la jeune femme dont l’allure divergeait selon les situations.
« Ça fait des lunes qu’on s’est pas vus, j’suis sûre que c’est Lucy qui voulait nous réunir car… »
La jeune femme s’interrompit un instant en se décrochant de l’aventurier pour retomber sur ses deux pattes. Elle attrapa familièrement son poignet, en se dirigeant aussitôt vers la sortie sans se préoccuper des états d’âme de l’aventurier. La barde avait décidé de l’embarquer dans son aventure, elle ne le lâcherait certainement pas de sitôt.
« J’ai entendu parler de bouffe gratuite ! Alors on y va ! »
Et surtout que seule, elle n’avait aucun intérêt à s’inscrire à un concours de nourriture organisé dans la cité. Saisissant à bras le corps son second renard, elle serra Eira contre sa poitrine pour être certaine que celle-ci ne lui fausse pas compagnie comme elle en avait l’habitude, puis se remit en route.
« Tu tombes à pic, acquiesça la jeune femme pour approuver ses propres dires. Tu n’imagines même pas l’ennui de reconnaître personne. »
Elle pencha la tête en arrière, flashant un nouveau sourire en direction de l’aventurier. Durant le trajet, elle commença à lui expliquer ce qu’elle avait entendu à propos de ce fameux concours qui avait lieu, ainsi que la coquette somme à remporter à la fin. Et bien organisée, il était possible désormais d’entendre le grognement de son ventre. Son expression s’assombrit, et elle tapa nerveusement son pied sur le sol. Calcilia se retourna en pointant son doigt sur le torse de Sileas, les sourcils froncés au-dessus de son regard prune.
« Tu imagines ? Il a osé me dire que je ne gagnerai jamais ! Quel mufle ! Je compte bien l’écraser ! Tempêta la barde. »
En s’inscrivant, un homme s’était bien moqué de la petite carrure de la jeune femme, et bien que son pied ait rencontré des bijoux bien particuliers, l’honneur de la barde avait été mis en péril – et son égo d’autant plus, même si elle ne l’avouerait probablement pas.
Son regard loucha sur le métal lustré de son armure. Son regard clignota quelques secondes, puis elle toqua contre la paroi de torse. Le visage se détendit sur un sourire amusé, et bien vite, la fureur disparut pour laisser apparaître un éclat malicieux.
« C’est nouveau non ? »
Calcilia papillonna gracieusement autour de l’aventurier pour observer son nouvel attirail. Vilainement curieuse, elle le contourna à plusieurs reprises comme un chaton qui découvrait sa nouvelle proie. Elle se hissa ensuite sur la pointe de ses pieds pour regarder dans l’encolure. Lorsque son regard se posa sur la jeune femme, elle planta son doigt dans sa joue avant d’exploser d’un rire franc et de reprendre sa route.
« T’as plus d’allure avec celle-là ! L’autre, tu ressemblais à un vieux rabougri. T’as bien fait de changer ! »
La joie de la barde habituellement contagieuse, elle était toujours frustrée de voir que le visage de l’aventurier ne se défronçait que trop rarement à ses côtés. Elle garderait donc de côté les futures farces qu’elle lui préparait pour les jours à venir.
Son attention fut soudainement attirée par le bruit de foule. Elle se détacha de Sileas en lui faisant de grands signes.
« Allons s’inscrire ! »
Il n'a même pas besoin de se demander de qui il s'agit, vu que la barde se fait déjà repérer au milieu de tout le monde. Et fait encore plus magnifique, personne n'en semble surpris. Chacun est bien heureux de voir qu'il n'est la cible des espiègleries de cette jeune femme dont la réputation n'est plus à faire. Sauf le blond, qui finit très rapidement avec une tornade humaine bien décidée à se servir de lui comme d'un support improvisé. Et bien sur, naïf qu'il était -ou simplement que le temps avait effacé les traits les plus pointus du caractère de la charmante bleutée-, il allait lui répondre, entrouvrant les lèvres pour formuler sa phrase avant de se faire couper en plein vol. Finalement, quand le moulin à paroles semble se tarir pendant quelques secondes d'eau pour le faire tourner, il peut ENFIN venir lui parler.
-"Bonjour Calcilia ! Toujours aussi active à ce que je vois. Et toujours aussi légère, vu que tu as décidée de te servir de moi comme support."
L'aventurier aurait adoré répondre aux questions de la jeune femme, mais déjà elle est passée à autre chose. Il se souvient ensuite qu'elle s'en fiche au fond de ses réponses. Il a l'air en forme, ça lui suffit amplement. Et elle même ne semble clairement pas manquer d'énergie, vu la façon dont elle occupe l'espace de sa simple présence. Une seule personne, et la Guilde semble soudainement avoir doublée d'activité. Certains regards emplis de commisération se posent sur Sileas, qui attends de voir combien de temps la barde pourra tenir ce rythme infernal avant de se calmer. Et la réponse est : longtemps.
Calcilia arrive néanmoins à attirer son attention quand elle parle de Lucy. Évoquer la déesse arrive toujours à le concentrer sur quelque chose. La raison est néanmoins plus intéressante encore. Un concours de nourriture, typiquement le genre d'évènements qui peuvent faire oublier à l'aventurier une longue journée. Se laissant emporter, il étire pendant une seconde le coin de ses lèvres en ce qui pourrait être un début de sourire.
-"Comme quoi, malgré le temps, tu sais toujours me parler. Il est où ton concours ?"
Et quelle question il n'a pas posé la. Bien sur, au lieu de faire une simple réponse, c'est trois paragraphes qui lui sont servis. La dissertation continue longtemps, et il ne sait même plus quoi dire. Il se contente donc de l'écouter en hochant la tête avec véhémence, parfois ponctué de "Hm hm." et de "Je vois." pour signifier qu'il continue à écouter. Difficile de parler sans l'interrompre, et il a bien compris son erreur. Trop parler et essayer d'occuper l'espace auditif est toujours pris par un défi par la jeune femme qui se fera un plaisir d'en rajouter encore plus par dessus. Mais quand elle évoque enfin ce malotru qui a osé douter de ses capacités, il ne peut s'empêcher de venir lui répondre.
-"Je ne doute pas que tu l'écraseras. Comme tout de toi, ton appétit est bien camouflé par ta taille. Mais tu penses vraiment gagner en m'invitant ? Tu as du oublier mon appétit."
L'aventurier se sent soudainement très fatigué. Bien sur qu'il est content de revoir cette excentrique femme à la chevelure électrique, mais pour autant ce n'est pas forcément ainsi qu'il espérait passer cette soirée. Surtout quand il la voit et la sent commencer à fouiner sa nouvelle armure. Elle est tel un petit furet curieux, essayant de se faufiler partout, et n'hésitant même pas à venir glisser les doigts dans son gorgerin pour vérifier qu'il ne soit pas trop serré dedans. En la voyant faire, même Sileas ne peut réprimer un léger sourire tout en confirmant ses propos d'un mouvement du chef.
-"Toute nouvelle et toute neuve, oui ! Tu as l’œil, l'ancienne a fini par rendre l'âme et il me fallait plus solide pour les nouvelles quêtes que je prends actuellement."
Bien sur, le temps qu'il finisse de parler elle est déjà passée à autre chose. Le concours de nourriture approche, et un homme est déjà occupé à attirer les chalands pour venir assister à l'attraction de la soirée. Nourriture à volonté, un prix d'inscription et le dernier debout rafle le tout et une belle prime supplémentaire. Voyant la demoiselle sautiller en direction de la scène, le blond ne peut s'empêcher de souffler entre ses lèvres :
-"Moi aussi je suis content de te revoir, tu sais."
Elle ne l'entendra surement pas, mais c'est l'intention qui compte au fond. Et c'est peut être mieux ainsi, qui sait ce qu'elle pourrait rétorquer à cet instant de sentimentalisme. Ne souhaitant pas la faire attendre plus que de nécéssaire, et surtout ayant lui même faim, il rejoint rapidement la personne en charge des inscriptions, sortant de sa bourse le montant nécéssaire à régler son entrée dans la course. Quelques minutes sont encore à attendre avant le début de l'épreuve en elle même, et profitant de cela, il vient de son propre chef retrouver la barde.
-"Tu fais quoi de beau par ici au fait ? Comme tu le disais, ça fait longtemps qu'on s'est pas croisés ! Tu avais trouvé quelqu'un d'autre à torturer de ta douceâtre présence ?"
Par Lucy, il s'est permis de la taquiner. La fin des temps est sur lui, et il ne le sait que trop bien au regard qu'il lui jette juste après avoir fini sa phrase. Il aurait VRAIMENT mieux fait de se taire.
Le visage de la barde s’était camouflé d’un sourire curieux, elle avait parfaitement entendu l’aventurier, mais par simple plaisir de l’entendre se répéter, elle n’hésita pas à jouer l’imbécile. Son expression débordant d’une niaiserie parfaitement contrôlée, la jeune femme termina par lui offrir un clin d’œil évident. Malgré l’insupportable comportement de Calcilia et la sensation que celle-ci s’éparpillait pour ne pas s’intéresser aux autres, il y avait cette pointe d’affection qu’elle ne cachait jamais pleinement.
« Moi aussi chéri, j’suis ravie de te revoir, chatonna-t-elle gaiement. »
Sautillant au milieu des géants qui s’inscrivaient pour ce concours, la barde se désintéressa bien vite de l’aventurier afin de se faufiler jusqu’au stand. Son corps svelte lui permit sans mal d’atteindre sa destination.
Quelques signes en direction de la personne qui inscrivait les noms, elle fut royalement ignorée. La barde dût attirer l’attention d’un jury en tapant son poing sur la table. Munie d’un sourire aimable, Calcilia n’en était pas moins contrariée d’avoir été injustement ignorée.
« Je vous remercie, siffla-t-elle rudement entre ses dents. »
Un air boudeur sur le visage, elle s’était égarée un peu plus loin, les bras croisés. Le froid ambiant de ce début de saison froide, n’aidait pas à redorer l’âge de la jolie barde, dont les joues s’étaient colorées d’un rosé candide. Encore un peu, et elle aurait très certainement créé un nouveau scandale qui aurait très probablement annulé le concours si durement préparé. Mais bien inscrite, il valait très certainement mieux qu’elle ronge son frein pour ne rien laisser paraître. Calcilia repoussa ses mèches bleutées avec véhémence lorsque l’aventurier d’approcha d’elle.
« Tu plaisantes ! Tout le monde m’adore ! S’insurgea-t-elle. »
Elle se détacha de son dossier pour s’approcher de Sileas, les deux mains posées sur ses hanches. Le buste penché en avant, et la tête levée, elle le jaugea d’un regard sévère. Bien vite, celui-ci disparut, et le visage de la jeune femme retrouva son entrain habituel. Ses bras s’enroulèrent autour de celui de l’aventurier qu’elle enlaça sans témoigner la moindre gêne, puis elle pencha son crâne pour le déposer contre son épaule, lorsqu’un long soupir traversa la barrière de ses lèvres.
« Ce n’est jamais aussi amusant que lorsque c’est toi, affirma-t-elle songeuse. J’adore voir ton visage se déformer par le dépit lorsque tu me vois. C’est particulièrement hilarant, et je me demande quand est-ce ce que tu finiras par perdre patience. »
Les paupières fermées, elle resserra sa prise comme un contact intime qu’elle ne souhaitait pas perdre. Il était bien plus qu’évident que son passe-temps d’enquiquiner l’aventurier n’était plus une surprise pour aucun des deux. Et c’était sûrement ce qui la poussait à maintenir cette relation bancale qui s’était construite avec le temps. Une douce odeur de nourriture lui fit rouvrir les yeux aussitôt, et elle se détacha presque aussitôt de l’aventurier.
« J’ai faim ! Clama-t-elle en se rapprochant des tables. »
Soulevant ses deux renards qu’elle enfourna dans sa besace spécialement aménagée pour eux afin qu’aucun ne lui fausse compagnie alors qu’elle pouvait se concentrer sur un autre problème. Calcilia appuya gentiment le bout de son doigt sur le museau d’Illwy. Approchant son visage, son nez effleura la truffe vulpine, et la jeune femme laissa échapper un doux rire.
« Je compte sur toi pour ne pas voler la nourriture, hein, souffla-t-elle presque imperceptiblement. »
Puis elle déposa un baiser sur le sommet du crâne de son familier. Calcilia reprit le bras de l’aventurier afin de l’entraîner vers la table où plusieurs participants commençaient à s’installer. Malgré la silhouette menue de la barde, celle-ci réussit tout de même à s’imposer une place pour elle-même et son partenaire d’infortune qui avait eu le malheur de croiser sa route en ce jour. Ils avaient cependant encore du temps devant eux avant que les premiers plats ne leur soient apportés. La jeune femme allait relancer la conversation d’un ton léger, mais la lourde sensation d’être observée lui fit tourner la tête en direction d’un participant qui la dévisageait avec insolence et très certainement une légère envie de meurtre.
« Oups, gloussa-t-elle. Je crois que j’ai peut-être un peu trop agacé une certaine personne. »
Elle lui tira puérilement la langue mais se reconcentra bien vite vers ce vieil ami. Ses doigts coururent le long du métal de son armure, puis elle appuya dessus afin de faire un mouvement de balancier. La barde réitéra ce mouvement quelques fois, avant de se stopper avant de faire perdre patience à l’aventurier.
« Tu es sûr que tu pourras manger confortablement avec ta boîte ? Ça n’a pas l’air très confortable. »
-"Tout le monde t'adores, c'est vrai. A tel point que tu fais trembler de peur les hôtesses de la Guilde partout ou tu passes. Un amour qui ne sera jamais partagé, à tout jamais. Tu pourrais écrire une Ode à ce drame quotidien, je suis sur."
Et de nouveau, il sert d'appui impromptu à la jeune femme. Elle doit vraiment aimer s'accrocher à lui de cette façon, pour le faire aussi régulièrement. Le regard sévère n'est absolument pas crédible pour deux cristaux et il le soutient sans sourciller. La réponse lui arrache un grognement de dépit profond, l'air las. Son regard se demande ce qu'il a pu faire à Lucy pour mériter cela, mais pourtant il répond quand même.
-"Quelle belle amitié. Tu ne m'apprécies que car je suis un petit jouet amusant à embêter. Mais je pense avoir une patience plus solide que tes nerfs, tout de même. Je t'aurais déjà encastrée dans un arbre, sinon."
Le sourire qu'il lui adresse ensuite est clairement un mélange entre la taquinerie et un sérieux imperturbable. Il aurait parfois vraiment envie de le faire, et il ne se retient que par... Amitié ? Il ne saurait même pas réellement dire si c'en est réellement. Il arrive à la supporter quand il côtoie sa présence, même si il apprécie aussi les pauses entre deux rencontres et le calme que son absence apporte. C'est une bien étrange relation qu'ils partagent, avec un coté presque symbiotique. Elle sait bien se battre et se défendre, et quand elle sait se taire -autant dire quand les glooby auront des dents-, la barde est même agréable.
Ses pensées sont néanmoins interrompues quand le borgne se fait embarquer de nouveau, direction les tables. Le fumet qui s'échappe de la cuisine commence à lui donner de plus en plus l'eau à la bouche, et son ventre commence même à grogner d'un féroce appétit que peu contenu. Tout le monde s'installe, le duo inclus, forçant l'aventurier à déposer son arme d'hast contre un mur. Bien sur, quelques regards sont échangés, et Sileas ne peut s'empêcher de sourire de nouveau en coin à la remarque qui s'ensuit.
-"C'est pas grave, au pire tu lui montreras qu'en plus d'avoir une grande gueule, tu as un grand appétit. Ça surprends toujours, quand on est pas habitués."
Ne prêtant même plus attention aux petits jeux de la jeune femme dont le passe temps semble être de l'ennuyer le plus activement possible, il cligne de l’œil en entendant ses propos. Tournant vers elle il vient plisser le regard en agitant un doigt ganté sous son nez.
-"Et a cause de qui d'après toi je n'ai pas pu me changer ? Tu aurais pu me laisser cinq minutes pour retirer mon armure et être un peu plus confortable ! Ce n'est pas comme si la Guilde ne possédait pas ce genre de vestiaires en plus !"
Elle marque toutefois un point, il est obligé de le lui reconnaître. Si il est habitué à être en armure, entamer un concours de nourriture dans cette dernière n'est guère une bonne idée. Avec un long soupir empli de la lassitude du monde, il se relève et fait quelques pas, se rapprochant de sa lance déposée contre le mur pour y adjoindre son sac sans fond. Et sans plus de procédure, il commence à la retirer pendant que les plats finissent de cuire. Le temps de se débattre avec les lanières des gantelets, puis des épaulières, des brassards, du plastron et des jambières pour tout jeter dans son sac pêle-mêle, les premières assiettes sont installées. Et c'est bien évidemment attiré par l'odeur que Sileas revient ensuite s'installer. Sous leurs yeux, cela commence tranquillement. Salade avec des croutons, des morceaux de fromage et de lard. De quoi s'ouvrir l'appétit de façon gourmande. L'organisateur du concours donne les règles en entamant le décompte, laissant le temps à l'aventurier de souffler entre ses lèvres une dernière phrase avant d'attaquer sérieusement la tâche la plus importante au monde : manger.
-"Je te dirais bien bonne chance, mais je te connais. Bon appétit donc. Mais je ne compte pas te laisser gagner !"
« Un peu déçue du spectacle, je m’attendais à ce qu’il y ait un peu moins de vêtements en-dessous, ronchonna-t-elle. T’as l’air de cacher un sacré matos là-dessous. »
Lorsque les premières assiettes furent distribuées, la barde croisa ses doigts avant d’étirer ses bras pour les faire craquer, un sourire ravi se dessinant sur ses lèvres pleines. Elle attendait ce moment avec impatience afin de se remplir enfin la panse. La tête penchée sur le côté, une aura carnassière voleta autour de la jeune femme qui n’attendait plus que le signal de départ afin de se lancer avec appétit sur les cuisses de volaille fumées.
« Ne viens pas me reprocher ta défaite quand j’aurais allègrement gagné cette compétition. »
Un rire léger secoua les épaules de la barde qui souleva élégamment ses couverts, et qui plutôt de se jeter éperdument sur la nourriture pour se bâfrer, elle entama la viande de son couteau avec une précision chirurgicale. La vitesse à laquelle celle-ci fut réduite en charpies n’était en rien comparable à la rapidité à laquelle Calcilia avalait ses plats. Loin des goinfres qui ne tarderaient pas à s’effondrer, la jeune femme profitait d’un repas amplement mérité alors que cela faisait deux jours qu’elle s’affamait à attendre enfin le début de la compétition.
Comme s’il s’agissait d’un repas quotidien, elle en profita pour reprendre la conversation entre deux bouchées. Alors qu’à côté d’elle une pile d’assiettes vides et propres comme un sou neuf commençait à faire sa tour.
« Donc ? M’encastrer dans un arbre ? Soupira-t-elle avec son insupportable sourire éclatant. Tu n’es pas très original. J’ai eu des retours moins sympathiques de partenaires moins patients. C’est peut-être pour ça que tu es moins ennuyant. »
Outre leur symbiose particulière, Calcilia ne tenait pas à s’encombrer de nouvelles relations qui risquaient l’équilibre déjà précaire de sa vie. Elle ne nierait pas qu’elle appréciait grandement la compagnie de l’aventurier. Seulement, elle avait déjà manqué de se brûler les ailes en s’approchant trop près d’un sentiment aux abords confortables et qui rapidement avait dissolu ses réels besoins, elle n’était donc pas prête à réitérer l’expérience.
La barde croisa confortablement ses longues jambes, déposant la cinquième assiette sur sa pile, puis fit épouser un mouchoir contre ses lèvres pour se les essuyer. À côté d’elle, un énième participant s’écroula, un air nauséeux sur le visage.
« Il manque un peu de boisson, fit-elle remarquer en haussant un sourcil. Le repas en est moins savoureux. »
À nouveau, elle sentit un regard furieux dans sa direction, et elle tourna ses billes violine vers le participant qui lui lançait des éclairs, les joues gonflées par la nourriture qui accumulait dans sa bouche. Calcilia leva les yeux au ciel avant de retourner son attention vers l’aventurier qui avait également dévalisé la totalité de ses plats. Attendant que la nouvelle fournée arrive, la barde enfonça sa joue dans la paume de sa main, l’autre se plongeant dans la masse blonde de Sileas. Elle repoussa les mèches en arrière afin de dévoiler son visage. Lorsqu’elle croisa son œil unique, la barde lui offrit un sourire chaleureux.
« J’avoue que la compétition ne s’annonce pas des plus simples, j’ai peut-être mal choisi mon partenaire, pouffa-t-elle en récupérant sa main. »
Avant qu’il ne puisse relever, elle lui envoya une délicate pichenette sur le nez pour le faire reculer avant de se remettre face à son assiette, dont l’odeur commençait légèrement à l’écœurer. Un profond soupir traversa ses lèvres, et si la découpe était toujours aussi précise, l’entrain d’avaler était bien amoindri. Du coup de l’œil, elle pouvait également voir la grande gueule qui s’était écrasée sur son assiette. Au moins, son réel objectif était finalement atteint. Il ne restait que peu de participants, et la jeune femme n’était pas certaine de tenir encore bien longtemps si le rythme restait aussi soutenu. Au bout de la huitième assiette à peine entamée, elle repoussa son assiette du bout des doigts. L’autre main posée devant ses lèvres.
« Je déclare forfait, soupira-t-elle en détournant le regard. »
L’évocation même de nourriture risquait de lui faire étaler son repas sur la table, et la grande envie de s’allonger sur le premier lit le temps de digérer se faisait grandement sentir. Elle cliqueta ses doigts sur le bois de la table en observant l’état de son partenaire.
Les plats arrivent, et à l'instar de la barde, l'homme les attaque avec une certaine tranquillité. La mission lui a ouvert l'appétit de manière assez impressionnante, mais contrairement à habituellement, il sait que la nourriture ne manquera pas, au contraire. Il a tout son temps pour l'ingérer, et il compte bien le mettre à parti. L'eau est servie pour arriver à faire passer le tout, mais point de bière ou de vin. Un bien grand manquement qui sera rapidement signalé par la jeune femme, et a raison. Quel concours digne de ce nom n'est pas fourni en bière. Peut être que l'organisateur avait peur de la descente de ses clients plus que de leur appétit... Et à raison. Il y'a autour de cette table assez d'ivrognes pour faire rougir n'importe quel quart de nuit de la Garde.
-"Je ne vois pas pourquoi je devrais être original avec toi. De une, c'est efficace, de deux, il faut savoir mériter mon attention, tout comme mes attentions."
L'aventurier se dépite lui même de son commentaire. Peut être est-ce la demoiselle qui déteint sur lui, mais clairement elle a une influence délétère sur son caractère. Les assiettes s'enchainent à un rythme confortable, et le blond finit par pousser un soupir d'aise à la quatrième, pivotant la tête vers sa comparse de débauche pour lui souffler.
-"Après la mission d'aujourd'hui, j'avais bien besoin d'un tel repas. Tu as bien fais de penser à moi, c'est presque adorable de ta part."
L'assiette suivante est avalée avec une précision méthodique. Pas de raisons de changer une méthode qui gagne. Il termine presque en même temps que la bleutée, qui n'hésite absolument pas à prendre ses aises avec lui. Heureusement qu'au fur et à mesure des voyages, la notion d'espace personnel et de pudeur est devenue particulièrement floue à ses yeux et qu'il sait subir ces petits assauts sans réellement sourciller. Mais cette pichenette fournie sur le nez pour le faire taire lui arrache un grognement alors qu'il fronce de nouveau les sourcils. En cet instant précis, il adorerait avoir ses deux yeux pour la fusiller du regard. Mais hélas, il est obligé de composer avec un seul pour lui offrir son regard le plus noir. Du moins, pour le moment.
-"Assume que tu n'avais juste pas envie de passer le concours et la soirée seule. Je ne pense même pas que ça soit pas crainte de cet homme qui semble vouloir te faire avaler la moitié de ton arbre généalogique de force, tu sais très bien te défendre. Juste tu voulais un peu de compagnie."
Les assiettes suivantes sont clairement plus pour la gourmandise que le besoin. Autour d'eux, les participants s'effondrent comme des mouches, au point qu'ils finissent rapidement à quatre. Presque à la surprise de Sileas, sa compagne d'une soirée déclare forfait au moment de toucher sa nouvelle assiette. Elle est bien rapidement suivie des deux autres. Et a vrai dire, l'aventurier lui même termine difficilement son assiette. Ils auront tous été vaincus à la même, et même si les plats étaient bons, l'homme lui même trouve qu'il a trop mangé. A tel point qu'il ne savoure presque pas cette victoire qui est annoncée. La bourse de cristaux par contre, elle, termine vite dans son sac sans fond sans demander son reste. La grande gueule ne sait plus qui regarder de manière mauvaise, celle ayant mis en péril sa future descendance ou l'aventurier a l'appétit d'ogre. Et dans le doute, il fait les deux, totalement ignoré par le blond qui revient à la charmante demoiselle à ses cotés.
-"Même moi je ferais pas ça tous les jours je t'avoue... Mais tu avais raison, si les plats étaient bons, j'ai trop mangé et ça manque de boisson. Il va falloir passer à l'alcool maintenant, si on veut pas finir par s'ennuyer. Surtout que je sens que tu veux prendre ta revanche."
Tout en parlant l'homme vient se redresser, mais lentement. Toute cette nourriture lui reste sur l'estomac, et il aurait bien besoin d'une petite marche pour arriver à s'en remettre. Et pour s'assurer que Calcilia ne s'affale pas sur la table, il vient l'attraper sous les épaules pour la redresser à son tour, avant de retourner chercher son arme.
-"Allez, en route pour la première auberge avec de bonnes bières. Il faut que je fasse descendre tout ça, sinon je vais juste rouler dans un lit."
« Par tous les diables marins, comment est-ce que tu arrives encore à te tenir debout… ? Ronchonna la demoiselle en s’écartant de son partenaire. J’ai bien l’impression que mes jambes ne me tiennent même plus. »
Elle poussa un profond soupir, se penchant pour saisir sa besace ainsi que son sac, donnant le reste de son assiette aux deux gourmands qui avaient attendu impatients que la becquée leur soit donnée. La barde s’approcha de Sileas en venant s’appuyer sur lui, une grimace déformant son joli visage. Elle apprécia le contact de sa musculature, et l’envie de dormir se faisait de plus en plus plaisante.
« Je me plais à croire que tu auras assez de force pour me porter jusqu’à la fameuse taverne, et que la belle barde que je suis pourra égayer ton trajet de quelques vers. Mais ce n’est qu’un doux rêve. »
Calcilia baissa les épaules en étouffant un rire chantant entre ses doigts. Maintenant que le spectacle s’achevait, les nuées de monde se dissipait à travers les ruelles. Les deux compagnons suivirent le pas dans une danse patraque. L’idée attrayante de se coincer dans des draps parut aux oreilles de la barde comme une solution, mais son obsession pour la boisson balançait également ses choix totalement biaisés. La marche qui s’était originellement montrée comme un effort surhumain permit cependant au duo de laisser leur repas se tasser. De même que le bol d’air frais qui s’était présenté à eux fit faiblement sourire la barde, donc le visage s’était délesté de la moindre malice.
Un rideau irisé venait de marquer la voûte céleste, et le pas de la jeune femme se ralentit lorsqu’elle voulut profiter du spectacle inédit qu’elle pouvait pourtant croiser à chaque soirée où son matelas était un étang de verdure. Seulement, Calcilia appréciait s’en extasier, car chaque fois qu’elle le croisait, ça lui rappelait cette liberté dont elle ne souhaitait jamais se défaire.
Sortant de sa rêverie, elle gloussa dans sa main en attrapant le bras de Sileas, et ignora totalement le fait que celui-ci devait probablement lever son œil unique vers le ciel.
« Désolée chéri, je me suis perdue dans mes pensées ! S’amusa-t-elle. Allons boire, et profiter de ta récompense bien méritée. »
Sous-entendu bien évidemment qu’elle imposait à son ami de payer sa tournée. Mais avant qu’il ne puisse lui échapper, la jeune femme le repoussa contre un mur, espiègle. L’emprisonnant entre le mur et elle-même. Son doigt courut le long d’une ligne de son armure jusqu’à arriver à son menton, qu’elle frôla à peine.
« Allez, tu me dois bien ça pour le repas gratuit. »
D’humeur encore plus taquine qu’à l’accoutumée, son corps se pressa contre le sien, et elle papillonna des yeux comme pour attendrir le mur qui lui faisait face.
« Et la récompense, reprit-elle avec plus d’entrain. Ou juste pour l’adorable demoiselle qui t’accompagne. »
Sa main parcourut la joue de l’aventurier, faisant danser élégamment ses doigts contre la peau. Elle dégagea à nouveau les mèches dorées qui masquait son visage – et elle devait bien avouer qu’elle trouvait attirant. Calcilia se hissa sur la pointe des pieds, s’approchant dangereusement de Sileas, et tandis que la chevelure blonde frôlait tendrement les joues de la jeune femme, et que son souffle chaud caressa ses lèvres, elle le repoussa fermement en se détournant.
« Promis, je te ruine pas ! Et je connais un endroit parfait ! S’exclama-t-elle en un rire spontané. »
Terminant sa phrase avec un sourire en coin, le même qu'il affiche éternellement, ils avancent en la marche peu assurée et presque titubante de deux êtres ayant bien trop mangés. Heureusement, chaque pas semble plus aisé que le précédent, et le mélange d'effort physique léger combiné à ce léger souffle frais aide à la digestion de ce repas bien trop copieux pour leur bien. Voyant que la barde est bien plus silencieuse, le blond profite très clairement de cette pause agréable. Une charmante demoiselle ainsi blottie contre son bras tandis qu'ils traversent des rues peuplées, mais relativement calmes, sous un ciel d'hiver sans le moindre nuage pour le perturber, qu'espérer de mieux ? Que Calcilia reste silencieuse un peu plus longtemps. Bien sur, cela n'arrive absolument pas, et bien rapidement la demoiselle revient à elle, prête pour de nouvelles histoires.
Ces dernières n'attendent absolument pas. Il allait rétorquer qu'il n'avait aucune raison de payer forcément les boissons qu'il finit soudainement plaqué contre le mur. Surpris du geste, il voit la jeune femme ainsi le provoquer et se presser à lui en laissant ses doigts parcourir son armure. Elle devient clairement entreprenante, et il arque le sourcil en baissant la tête. Leurs souffles se croisent, ils sont terriblement proche, et il ne sait quoi dire pendant une seconde. Cette jeune demoiselle lui plait. Il serait difficile de dire qu'elle n'est pas séduisante, et elle possède son propre charme, assez singulier.
-"Voyons charmante barde au verbe aussi acéré que la lame, je pourrais vous retourner la chose. Ce n'est pas car vous vous êtes inclinée face à moi que vous méritez récompenses, cela devrait même être l'inverse. Et si vos charmes sont bien présents, je trouverais dommage de devoir ainsi les monnayer contre une boisson, vous valez mieux que cela."
Il a beau déclamer cela d'une voix narquoise, le borgne ne peut pas nier que la situation n'est pas la plus aisée. Il n'est pas insensible à ces fameux charmes dont il vient de faire à la fois l'éloge et la moquerie, ni à la demoiselle les possédant. Heureusement, la bleutée vient rompre d'elle même le dilemme en le libérant de son emprise. Lui laissant quelques pas d'avance, il finit par la rejoindre et même l'attraper par surprise par la taille, approchant les lèvres de son oreille tandis que son souffle chaud vient caresser son cou, avant de venir lui souffler d'une voix basse et volontairement provocatrice.
-"Après, si l'idée de vouloir discuter en termes financiers votre présence à ma table vous passe, je serais ravi de profiter de la soirée en votre compagnie et partager quelques verres."
Quelques. Le mot est juste, un peu trop bien choisi. Sileas pense avoir une idée de l'affaire dans laquelle il s'engage, mais il sera surement bien rapidement prouvé dans le faux. Il suit néanmoins la jeune femme jusqu’à cette fameuse enseigne parfaite. Une taverne installée dans une petite ruelle tranquille de la ville. Sileas demanderait bien comment elle connait un tel lieu, mais au fond, il n'est pas sur de vouloir savoir. Finissant par la précéder, il vient pousser le battant de la porte face à elle, une vague de chaleur venant les enserrer dès que la lumière de l'intérieur illumine de sa chaleur accueillante la nuit des pavés.
-"Après vous mademoiselle. Une barde de votre rang ne mérite rien de moins, après tout. Et je m'en voudrais de fatiguer plus que nécéssaire vos poignets déjà fort usités par l'usage de la fourchette et du couteau."
Une tapette rencontra la main de l’aventurier, tandis qu’elle se détournait savamment d’une pirouette coléreuse. La barde s’égara entre les rues pour les diriger, tandis qu’aucun son ne traversait ses lèvres rosées. Ses traits étaient fermés, et il était clair que les mots de Sileas avaient fait mouche, d’autant plus que maintenant celui-ci continuait de la taquiner de quelques fourberies bien trouvées. Son regard s’était plissé et les orbes prune se dissimulaient derrière les longs cils graciles, maintenant qu’elle observait le blond continuer à déblatérer ses absurdités.
« Raaah ! C’est bon ! Explosa Calcilia. »
La jeune femme se retourna vivement en pointant son doigt sur le poitrail musclé de son partenaire. Chaque trait de son visage s’était crispé de contrariété, la courbe de ses lèvres s’était déformée d’une colère peu crédible. Pourtant, la barde s’affirma de grands mouvements impétueux, s’avançant dans la direction de l’aventurier pour le faire reculer, les talons de ses chaussures claquaient sur le sol comme pour appuyer la véhémence de ses propos.
Elle avait peut-être cherché un peu trop loin son ami, et le retour en force étaient tout aussi mérité. Mais, il n’était pas question de se laisser marcher sur les pieds, ni même de courber l’échine sous la défaite d’un combat de langage soigneusement élaboré.
« Je vais payer ! Garde tes propos pour la jolie demoiselle que tu mettras dans ton lit en échange de tes cristaux si bien gardés ! Moufta la barde en soufflant par le nez. T’es qu’un sale radin va. »
Calcilia se détourna fièrement, en allant choisir une table plus éloignée de l’entrée. D’une main, elle repoussa ses mèches en arrière, puis s’assit sur le tabouret, les jambes croisées, et le menton enfoncé dans la paume de sa main. Lorsqu’elle croisa le visage de l’aventurier, la barde le détourna aussitôt, boudant comme une forcenée, encore vexée des réflexions déplacées qu’il avait pu lui faire.
Son regard se balada entre les tables, elle attendait patiemment qu’un serveur daigne leur apporter de l’attention. Les lèvres désespérément closes, une certaine tension s’était installée entre le duo, et Calcilia n’allait certainement pas être la première à briser ce silence que l’aventurier avait initié, d’autant plus que celui-ci devait bien savourer sa victoire. Une truffe froide contre sa joue fit baisser les yeux de la jeune femme vers son familier qui tentait d’attirer son attention. Délicatement, ses doigts s’enfouirent dans le pelage neigeux d’Illwy, alors qu’un sourire bienveillant étira les lèvres de la jeune femme.
Enfin, un serveur se pointa à leur table, la barde sortie sa bourse en ronchonnant, puis indiqua le nombre de pintes avec ses doigts.
« La Dorelei, votre format le plus grand, convint-elle avant de jeter un bref regard vers l’aventurier. Une deuxième. »
Elle lui laisserait le choix plus tard, et le temps ne réactivait pas le dialogue entre les deux partenaires. Finalement, Calcilia se redressa sur ses deux pieds, puis contourna la table pour venir faire face à Sileas. Il était temps de reprendre les rênes de la conversation pour ne plus se laisser mener par le bout du pif. La barde vint le surplomber de toute sa hauteur, les deux mains ancrées dans les accoudoirs de sa chaise. Un combat de regards ridicule s’en suivit, elle poussa un soupir d’exaspération, puis s’assit sur ses cuisses en cessant ce débat interminable.
Les bras croisés sous sa poitrine, la beauté irrésistible de la jeune femme était volontairement dissimulée derrière ce rideau où seul l’agacement qu’elle procurait était la seule image que ses partenaires finissaient par conserver.
« J’espère que tu tiens aussi bien l’alcool que ce que tu es capable d’ingérer, tu perdrais bien des points dans mon estime. »
Après lui avoir soufflé ces quelques mots, elle déposa ses doigts contre sa joue en relevant le visage contre le sien, puis apposa un baiser sur le coin de ses lèvres, en étirant un sourire scandaleusement aguicheur. La barde se releva d’une impulsion des jambes en quittant la chaleur de son corps pour se réinstaller à sa place, fredonnant un air joyeux.
-"Car il faut payer des cristaux maintenant pour avoir des femmes ? Je crains aimer de moins en moins la capitale, si le charme d'un aventurier avec ses cicatrices provenant de missions lointaines et exotiques ne suffisent plus à attirer de la charmante compagnie à son bras."
Sa propre réponse le fait sourire tandis qu'il voit Calcilia se rapprocher de lui. Levant le regard vers elle, il ne peut empêcher un léger sourire provocateur de naître sur ses traits, et a raison, vu qu'elle ne tient que quelques secondes cet affrontement pour venir tout simplement se servir de lui comme d'un fauteuil, alors que l'homme arque un sourcil, se demandant ce qu'elle peut bien lui vouloir. Et le provoquer d'autant plus est la réponse. Le baiser le fait légèrement frémir tandis qu'il plisse le regard, ne s'étonnant même plus de la voir l'instant d'après le quitter pour retourner s'installer. Elle aime souffler le chaud et le froid, et Sileas semble avoir grande peine à savoir si c'est uniquement du jeu ou si elle le cherche réellement. Dans le doute, il réfléchit le temps que le serveur arrive avec leurs deux grandes pintes. Attrapant la sienne, il se redresse pour venir trinquer avec sa compagne de descente, lui répondant enfin.
-"Je crains hélas avoir moins d'expérience que toi dans la descente de boissons divers et variés. Mais j'ose tout de même apporter un certain défi à la demoiselle revancharde que tu es. Essayons juste de passer une bonne soirée avant de se faire virer des lieux."
N'étant plus pressés par le temps, l'aventurier peut prendre le temps de boire sa boisson avec plus de tranquillité et de calme. Sans être exceptionnel, c'est toujours agréable une bonne pinte bien fraiche, surtout après avoir tant mangé. Un soupir d'aise sort des lèvres de l'homme qui finit par river son regard d'acier sur Calcilia et sa chevelure d'une couleur proche de son œil.
-"Mais dis moi, tu provoques énormément mais je suis toutefois curieux. Comme tu le disais avant de m'embarquer dans cette soirée dont je crains déjà la fin, cela fait quelques lunes que nous avons eut l'occasion de nous voir. Où donc tes pas ont pu te porter ? Je suis sur que tu as bien des aventures à conter."
Et cette fois, c'est à son tour de se relever. La femme veut jouer, ils peuvent être deux. Faisant le tour de la table, il se pose juste à coté d'elle, appuyé contre la table en baissant le regard sur cette jeune femme au visage si charmant, et au caractère pourtant si insupportable. Il se penche de plus en plus vers elle, laissant sa phrase suivante échapper d'un ton bien plus bas.
-"Je suis déjà curieux d'entendre de tes vers ce que tu as bien pu vivre, car tu sembles en pleine forme. Et une charmante barde comme toi, ça doit entendre énormément de choses. Illumine moi de ton savoir, que je sache ce que j'ai raté en passant des mois à enchainer entre la Forêt et la Forteresse."
Tout en parlant, sa voix devient plus joueuse, presque chaude. Il s'amuse à la provoquer et rentrer dans son jeu. Sirotant sa chope d'une main, la seconde se perd et finit même par effleurer le menton et la ligne de mâchoire de Calcilia, avant de glisser en direction de sa chevelure. Les mèches glissent entre ses doigts épais et il vient les caresser avant de soudainement la reculer et lui retirer ce contact qui n'est pas vide d'une certaine douce chaleur, rivant son œil unique dans le regard de la demoiselle sans s'en décrocher. Il a vraiment interêt à bien tenir la bière, sinon la barde risque de finir par vouloir se venger à sa manière.
Calcilia déposa son crâne contre l’épaule de son partenaire pour la énième fois de la journée, observant les oscillations de sa boisson ambrée. Son regard s’y était perdu quelques instants, songeur. Son doigt caressa le bois de sa chope, redessinant son contour, quelque chose la chiffonnait, mais elle ne souhaitait pas en discuter, ni même se repencher dessus. Ses erreurs tant ses craintes avaient été la preuve de son engagement envers les autres. La barde ferma les yeux quelques instants, étirant langoureusement ses bras qui émirent quelques bruits de craquements osseux sous l’effort. Proche des mouvements d’un félin, la jeune femme relâcha sa prise autour de l’aventurier, avant de lui offrir un sourire sincère.
« Peut-être le jour où tu ne traceras pas ta route, tu pourras m’écouter chantonner les épopées de chacun. »
Telle une meilleure amie, sa lyre la suivait dans chacune des péripéties, la seule qui ne serait alors jamais un traître dans la vie de débauche qu’elle avait appris à mener. Elle apporta la chope à ses lèvres, dégustant sagement sa boisson afin de ne pas alourdir davantage son estomac aux abois. Calcilia souhaitait oublier les horreurs de son périple, mais rien n’était jamais simple. C’était elle, la barde qui avait souhaité ce chemin qu’elle s’était tracée loin de tout attache, et ce n’était pas pour rien qu’en réalité elle détestait la représentation même d’un aventurier. Mais pouvait-elle seulement blâmer les actions héroïques que chacun menait ? Son histoire si singulière n’était peut-être qu’un cas exceptionnel.
Lorsque la jeune femme se rendit compte que le fil de ses pensées ne s’achevait pas aussi enjouée qu’elle le souhaitait, un sourire écorcha ses lèvres, plus douloureux qu’elle ne l’aurait imaginé. Ses doigts se croisèrent sous son menton. Celui-ci sonnait bien plus faux que tous ceux qu’elle avait pu offrir à l’aventurier.
« Ou alors, ce sera toi dont l’histoire s’inscrira à travers les lignes du temps, pouffa faiblement la barde. Il est vrai que tu n’as pas trouvé ta place dans mes vers depuis un long moment. »
La tête se pencha sur le côté afin d’attirer l’attention de Sileas pour qu’il la regarde droit dans les yeux. Le masque venait de reprendre place et elle s’égaya d’un rire plus joyeux. L’or liquide traversa de nouveau les lèvres de la barde qui acheva sa pinte bien plus rapidement qu’elle ne l’aurait imaginé. Une mine déçue effleura les traits délicats de son visage, elle n’avait pas l’habituelle sensation de la tête qui s’embrumait, à la place, elle était belle et bien clairvoyante et lucide sur sa situation.
Sourcils froncés, elle fit signe au serveur de lui en apporter une nouvelle. En attendant que celle-ci lui fût apportée, ses doigts se croisèrent sur l’épaule de l’aventurier, où elle vint y déposer son menton pour l’observer pendant que celui-ci savourait avec plus de lenteur sa boisson.
« Tu n’as pas choisi les lieux les plus accueillants, dis-moi, souffla-t-elle dans un doux rire. Une envie spécifique de mettre ta vie en péril ? Ou bien des quêtes particulièrement ardues ? »
Un réel intérêt luisait dans les profonds orbes violines, peut-être une inquiétude, il était parfois difficile de déchiffrer ce qu’elle souhaitait montrer. Elle libéra l’une de ses dextres, repoussant les épis dorés derrière l’oreille de Sileas afin de capter pleinement son regard unique. Lorsqu’ils se croisèrent, Calcilia recula instantanément, comme si la réalité la rattrapait. Et la soudaine affection qui avait semblé apparaître sur son visage s’effaça aussitôt. Un rire nerveux secoua ses épaules, et elle se raccrocha à son reflet intangible qui miroitait dans sa nouvelle boisson.
« Du moins, je ne doute pas que tu t’en es sorti avec brio. »
-"Qui sait, peut être que je ne cherche pas la gloire ? Ou tout simplement que j'ai passé des mois particulièrement ennuyeux, voir même désagréables qui ne méritent pas d'être soulignés. Je ne doute pas savoir un jour revenir de nouveau dans les grâces de tes épopées."
Le borgne ne sait pas si cette tentative a réellement réussi ou si la facette enjouée de la personnalité de la bleutée à repris le dessus, mais le sourire renaît sur ses traits. Et encore une fois, il vient servir de support improvisé alors qu'il termine lentement sa première chope. Il n'est pas pressé, et il a la soirée entière pour les enchainer. Les mots suivants de son étrange amie lui arrachent un long soupir, regrettant d'avoir la main vide. Le regard qu'ils échangent l'est tout autant que leur amitié, celui de l'homme étant teinté de plusieurs émotions qui disparaissent en la voyant ainsi reculer immédiatement et remettre de la distance, tant physique qu'émotionnelle. Le miroir d'acier reprend sa place, et c'est au tour de Sileas de commander une nouvelle boisson en revenant s'installer à sa place. Laissant les doigts glisser sur le bois de la table et le tapoter, ce dernier finit par enfin parler de nouveau.
-"S'en sortir avec brio, je ne sais pas. Survivre est déjà un bon début. Quand a ms missions, oui elles sont ardues, mais pour être sincère, il y'a plus. L'adrénaline du combat et des dangers est quelque chose d'addictif. On finit par s'y faire, le rechercher. Un peu comme une boisson alcoolisée à laquelle on revient toujours, quand la passion du combat enserre son étreinte, c'est difficile de la relâcher, surtout pour quelqu'un comme moi. Donc je prends les missions difficiles tant car j'aime les primes, que je souhaite aider ceux qui en ont besoin que pour ressentir ce petit frisson qui nait dans ta nuque avant de traverser ton corps entier au moment ou tu comprends que le combat est inévitable."
Il n'avait peut être pas envie d'en dire autant, et c'est l'homme lui même qui vient observer son reflet rapidement évanoui sur les vagues de sa nouvelle bière. S'en saisissant d'un geste sec, un bon quart de la boisson disparait immédiatement, avant de dangereusement approcher la moitié. L'homme tient bien l'alcool, mais il n'y est pas immunisé pour autant. La mousse monte tranquillement à son cerveau pour y faire son nid, et si la descente continue à cette vitesse, elle viendra bien assez vite enserrer son étreinte de coton sur ses actes et ses pensées. Fermant le poing pour le frapper sur la table en un geste sourd pour se concentrer de nouveau sur l'instant et émerger de ses songes d'autres temps et d'une sensation perdue, Sileas grogne. La lassitude, la mélancolie, la tristesse et l'inquiétude. Tout peut être noyé dans l'alcool ou étouffé avec assez de volonté. Et c'est exactement l'objectif de l'aventurier tandis qu'il rouvre la bouche.
-"Je dois néanmoins avouer que même si tes lèvres s'ouvrent parfois de manière insupportable, j'apprécie ta compagnie et elle me ferait presque défaut lors de mes aventures. Comptes-tu revenir me hanter sous peu pour voir de quoi demain sera fait, ou es-tu déjà prise par un nouvel objet capable d'attiser ta flamme créatrice ?"
« Sileaaaaas, pleurnicha-t-elle. Pourquoi ma bière fait riiiiiieeeeen ? »
Non pas qu’elle souhaitait finir ivre morte, mais boire pour oublier était peut-être une vérité dans la vie de la jeune femme qui savait pourtant très bien gérer sa consommation. Déçue, elle repoussa sa boisson à peine entamée. Puis croisant les bras sur la table, la jeune femme y déposa son visage en faisant bouger son indexe dans la direction de l’aventurier. Elle avait sursauté lorsque l’aventurier avait eu son geste d’humeur, puis la barde enveloppa délicatement sa main entre les siennes.
« C’est vrai, réagit-elle enfin aux propos de l’aventurier, son visage s’éclairant subitement. C’est un passe-temps particulièrement amusant d’être dans tes pattes, alors que tu gardes cette tête moche de ronchon. »
Elle gloussa doucement dans sa main puis se redressa pour venir appuyer tendrement son doigt sur le bout de son nez, tandis que de l’autre, la barde se saisit de sa boisson afin de siroter tranquillement dedans, son regard se perdant dans la contemplation du visage de l’aventurier. Il était difficile de nier le charisme qui émanait de ce personnage, et si elle avait réussi parfois à lui tirer un vague sourire, elle se demandait réellement s’il était capable de lui offrir des expressions moins renfermées.
Sa joue se posa contre son poing, accoudée contre la table, un léger sourire flotta sur ses lèvres.
« Mais je reconnais que c’est toujours agréable de voyager à tes côtés. J’aime beaucoup ta façon de travailler, approuva-t-elle d’une voix sereine. »
Elle gardait de bons souvenirs des quêtes de l’aventurier alors qu’elle n’était qu’une épuisante voyageuse. Sileas avait prouvé à plus d’une reprise son héroïsme que Calcilia avait apprécié narrer à travers le chant de sa harpe. Et malgré les non-dits courants entre les deux amis, elle avait fini par trouver un équilibre confortable et précaire dans leur relation. Dans la coupe de ses mains, elle saisit le visage du blond, dégageant les mèches de devant ses yeux. Une légère inflexion du crâne, et elle le surplombait de sa hauteur, agenouillée sur leur banc, elle le dépassait maintenant d’une bonne tête.
« Je suis toujours surprise de te voir me faire des compliments, je dois bien reconnaître la patience dont tu fais preuve à mon égard. »
Délicatement, ses pouces firent de légers mouvements circulaires sur les joues de l’aventurier. Elle s’abstint cependant de le renverser en arrière. Une expression douce traversa le visage de la jeune femme qui s’écarta à nouveau, se dégageant de cette étreinte qui devenait trop personnelle, et ce malgré les gants qu’elle portait à ses mains. Calcilia avait agi sans réfléchir, mais elle se réinstalla comme si de rien était.
« Et donc pour répondre à ta question, c’est avec plaisir que ma route se joindra à la tienne quelques temps si tu souhaites m’avoir à tes côtés. »
La jeune barde repoussa la chope de bière vide, bien consciente qu’elle n’aurait aucun effet sur son corps. Légèrement lassée, elle se redressa en sortant sa bourse.
« Sauf si tu en veux une autre, je vais régler les conso’, soupira la barde inconsciente de ce qui l’attendait maintenant qu’elle avait arrêté de boire. »
Et ce fut lorsqu’elle se retrouva au comptoir que son vœu termina par agir comme ayant l’effet d’une bombe. Si la jeune femme ne s’était pas retenue sur le comptoir, elle serait sûrement sur le sol. Un écran noir semblait diminuer sa vision et elle avait l’impression que le monde tournait trop vite autour d’elle.
Il lui fallut recompter quelques fois le contenu des cristaux qu’elle versait dans la main du tavernier avant que la barde finisse par rejoindre le blondinet à la table. D’une démarche incertaine, bien qu’habituée, Calcilia tituba jusqu’à tomber contre l’aventurier en un éclat de rire franc. La barde avait de la chance de pouvoir tenir habituellement l’alcool, le revers n’aurait probablement pas été le même dans le cas inverse.
« Je crois que je vais pas pouvoir me lever tout de suite, indiqua la jeune femme en se laissant à nouveau tomber contre Sileas. »
-"Je saurais pas te dire, elle est alcoolisée pourtant. Tu es sure que tu n'as pas eut des soirées trop arrosées dernièrement et qu'il te faut un demi tonneau pour finir joyeuse ?"
La conversation reprend ensuite son cours. Calcilia est toujours aussi tactile et envahissante dans l'espace personnel du blond, et heureusement que ce dernier n'a rien contre ce genre d'intrusions. Il ne peut s'empêcher d'observer ce que la demoiselle vient faire quand elle saisit ainsi l'une de ses mains dans les siennes. Tel un papillon, sa charmante compagnie passe son temps à se rapprocher et s'éloigner en un ballet dont elle est la seule à connaître les règles. Et c'est peut être pour le meilleur, cela permettant à Sileas d'en profiter et de se laisser surprendre par chaque geste qu'elle effectuera, se demandant toujours ce qui l'attend. Entre deux gorgées et chopes, les inflexions changent. C'est son visage qui est désormais pris d'assaut. Souriant de ce doux contact sur ses joues, il vient lui répondre d'une voix tout ce qu'il y'a de plus calme, absolument pas inquiet de ce qu'elle pourrait ainsi lui faire.
-"Pourquoi je perdrais patience ? Tu es certes taquine, provocatrice, exaspérante par moments mais ce n'est jamais méchant. C'est juste ta façon de t'occuper et de montrer que tu apprécies être en compagnie de quelqu'un, et j'ai fini par m'y faire. Ne prends toutefois pas cela pour un laisser passer, je t'enfoncerais bien parfois dans un tonneau pour tes propos et tes gestes."
L'aventurier se sent obligé de rajouter cela tandis que la barde papillonne une nouvelle fois en s'éloignant. Elle semble rechercher le contact physique autant que le fuir, en une alchimie que l'homme connait, apercevant les contours de cette complexe formule sans arriver à en assimiler les ingrédients, ce qui la pousse à ainsi approcher pour mieux reculer ensuite. Néanmoins il est content de passer du temps en sa compagnie et de voir que la demoiselle semble ouverte à l'idée de travailler avec lui. Peut être que l'alcool l'aide à supporter les parties les plus anguleuses de son caractère cavalier, car ce soir il apprécie tout particulièrement sa présence. Ou peut être est-ce les lunes sans la voir qui ont rendues ces retrouvailles plus intenses.
Secouant négativement la tête, Sileas la laisse payer les consommations. Et elle prends un temps plus que certain. Totalement perdu dans ses pensées à propos de ses prochaines missions et de ses plans, il en vient à tourner la tête pour voir si tout va bien au comptoir. Pile a ce moment, il se prend une masse bleutée et joyeuse sur les bras, l'interceptant de son mieux. Dubitatif, il ne peut s'empêcher de sourire et même laisser un léger rire lui échapper, signe que l'alcool, même si il n'en a consommé que trois chopes, l'étreint au moins partiellement.
-"Tu me disais ne pas sentir l'alcool et la soudainement tu tombes ? Par Lucy, tu es vraiment devenue si bonne menteuse ou il s'est passé quelque chose que je n'ai pas compris ?"
Si l'homme savait que la cible de ses prières était justement la déesse taquine en cause de cet état de fait... Resserrant sa prise sur la barde, il vient l'installer sur ses genoux en fermant les yeux, un soupir amusé passant ses lèvres. Vu son état, ils ne risquent plus de consommer beaucoup, et même si le repas s'est tassé avec la marche, l'air frais et les boissons consommées, maintenant qu'ils sont bien installés il est difficile de nier que la fatigue elle aussi vient peu à peu les étreindre. Profitant de ce moment pour appuyer le nez de la demoiselle du bout du doigt, il vient la regarder droit dans les yeux avant de déclamer ce qui sera surement pris par une déclaration de guerre.
-"Je crois que tu as bien assez consommée pour ce soir. Il te faut définitivement une chambre pour dormir et te remettre de tes émotions... Et a moi aussi. Tu sais si ils en ont par ici, ou si je vais devoir te porter à travers la moitié de la Capitale tandis que tu chanteras à tue tête au point de donner envie à la moitié du voisinage de nous assassiner ?"
Interdire à la tornade vivante de boire ? C'est un pari risqué que voici. Mais il espère bien arriver à le noyer sous cette proposition surement assez excentrique pour être au gout de Calcilia. Il l'espère très fort.
« À n’en point douter, j’ai toujours été une excellente petite menteuse, ricana-t-elle. Reste à savoir quels sont les imbéciles qui sont tombés dans le panneau. Par contre promis, cette fois, je disais la vérité. »
Elle explosa d’un rire cristallin en faisant un grand mouvement théâtral de ses bras, collant davantage son dos contre l’aventurier. Calcilia pencha ensuite la tête en arrière afin de lui offrir un sourire rayonnant. Elle avait au moins l’avantage d’avoir l’alcool joyeux. Ses billes violines étaient embrumées, légèrement humide.
« Et d’un coup, c’est venu comme ça ! Ça surprend… »
La jeune femme remua sur le siège confortable, puis entoura les épaules de l’aventurier de ses deux bras, affichant une expression charmante sur son joli visage poupon. Puisant, dans ses dernières ressources elle chevaucha les cuisses de l’aventurier afin de se retrouver face à lui. Et alors que leurs regards se croisèrent le temps de quelques secondes, Calcilia se fit l’étrange réflexion que n’importe quel homme l’aurait déjà faite valdinguer par-dessus le comptoir après toutes les crasses qu’elle avait pu faire à l’aventurier. Mais ce dernier, non, aussi imperturbable qu’un rocher, il se contentait de soupirer de dépit ce qui étrangement attisait davantage son plaisir de le taquiner davantage.
Aux premiers abords, elle devait bien avouer que ce qui l’avait attirée, c’était l’apparence imposante et sacrément plaisante de l’aventurier. Puis cet air trop sérieux qu’il se donnait. À nouveau Calcilia gloussa, puis fit jouer délicatement sa main le long de sa gorge. Complètement ivre, elle se montrait encore plus tactile et affectueuse qu’à l’accoutumée, ne cherchant même pas à contredire l’aventurier quant au fait qu’il était temps pour eux d’arrêter de boire.
« C’est amusant que tu parles de me porter, alors que toute à l’heure je ne le méritais pas. Mais si cette fois tu le fais, je veux bien te pardonner. »
Au final, ces preuves d’affection n’étaient pas totalement qu’à sens unique, et elle appréciait ces courts moments. Ce n’était que passager, car elle le savait bien que tôt ou tard la lame du destin la rappellerait à l’ordre. Un baiser rencontra la joue de Sileas et la barde le libéra de son emprise pour se rasseoir à côté, certaine de ne pas pouvoir se lever plus tard.
« De toute façon, on va pas trop avoir le choix, c’est ça ou je reste ici collée au banc jusqu'à ce que l'alcool redescende. »
En ce qui concernait une chambre, la barde n’en savait fichtrement rien. Pourtant, elle tira sur le bras de l’aventurier pour l’aider à se relever. Elle dut se concentrer longuement pour ne pas voir le monde vaciller autour d’elle, et si la jeune femme ne se retrouva pas sur le sol, elle ne le dût qu’à la présence de Sileas à ses côtés qui était moins sur la tangente qu’elle.
« Ils ont potentiellement une potite chambre ici… Intima Calcilia tout contre l’oreille de l’aventurier. Et un grand lit ! »
La mine se renfrogna, et elle hésita un instant.
« Mais faut monter les escaliers, bougonna-t-elle. Et dans mon état, y a de fortes chances que nous n’arrivions jamais à l’étage. »
Et elle ne disait absolument pas ça par expérience pour toutes les nombreuses fois où elle s’était tournée en ridicule à dévaler toutes les marches. Bien souvent, une chute sans gravité, mais la jeune femme ne pouvait nier qu’elle préférait ne pas se réveiller avec des douleurs inconnues le matin.
« Je t’accorde que ça peut être comique, cela dit. Mais, promis, c’est vraiment pas agréable ! »
Faisant signe au tavernier, elle s’approcha à nouveau du comptoir, elle se déplaça à tâtons, en tenant son équilibre sur les tables, faisant de petits pas afin de ne pas trébucher stupidement. La chambre vite réglée, malgré ses difficultés à ouvrir le cordon de sa bourse.
« J’ai payé pour deux si tu veux dormir aussi ici ! S’exclama joyeusement la barde. »
-"C'est surtout que je n'ai pas envie que tu te blesses stupidement avec l'alcool. Je tiens à toi quand même, tête de linotte. Et j'ai compris, je vais être bon pour te porter durant le reste de la soirée."
Vient ensuite l'étape particulièrement complexe de la soirée. L'épreuve d'équilibre sur ... Un sol plat. A la décharge de la barde, il n'est pas tout a fait plat et certaines planches sont légèrement recourbées par l'usure. De quoi mettre n'importe quel marathonien expérimenté en péril, surtout dans un tel état. Le blond accompagne son amie pour lui servir de support et la rattraper quand elle manque de tomber. Il a fort heureusement bu largement moins que la bleutée, et si il se sent bien et sur un petit nuage, il est loin d'avoir perdu le contrôle de sa motricité. La chambre est réglée et avec un sourire l'homme vient la taquiner avec une pichenette sur le front.
-"J'ai compris, tout cela était un stratagème pour finir la soirée dans mes bras, et la nuit avec moi dans ta couche. J'admets, tu deviens de plus en plus fourbe. Allez, princesse ivrogne, reine du sarcasme et impératrice de l'excentricité, votre lit vous attend après une dernière épreuve."
Comprenant que la barde n'y arrivera surement pas seule -ou sans atteinte à la blancheur de son fessier et à son honneur face aux habitués des lieux-, Sileas n'hésite même pas avant de la saisir pour la porter comme une tête couronnée. Bras sous la nuque et les genoux, tête posée sur son torse il vient grimper en grognant. L'alcool tape particulièrement quand on doit se taper une grimpette avec une légère surcharge juste suffisante pour changer le centre d'équilibre. Mais malgré plusieurs quasi accidents ayant pu finir avec une belle plongée en contrebas et quelques -dizaines- de marches plus bas, ils arrivent enfin à destination.
La porte est enfin ouverte, puis refermée. La chambre est assez petite mais étrangement confortable, et le lit est à la hauteur des promesses enflammées de la bleutée. Sans hésiter un instant de plus il vient déposer cette dernière sur le lit, espérant qu'elle arrive à se débarrasser de ce qu'il y'a en trop toute seule. Pour sa part, seul son ceinturon, la fourreau contenant sa dague, ses bottes, gants et veste sont balancés soit au sol soit dans le sac sans fond. Le minimum vital retiré, il vérifie que Calcilia a su en faire de même, l'aidant au besoin, avant de se laisser tomber sur le lit avec la ferme intention de dormir, après avoir marmonné entre ses lèvres.
-"Bonne nuit à toi Calcilia, pas de bêtises pendant que je dors..."
Vœu pieu rapidement arraché à ses espoirs alors qu'il sent la masse de la jeune femme se presser contre lui et presque lui grimper dessus, à la recherche soit de chaleur soit d'un coussin un peu plus massif que celle qu'elle possède déjà actuellement. Un soupir échappe des lèvres de l'aventurier, qui ne sera toutefois clairement pas gêné pour s'endormir et réaliser la bonne nuit de sommeil de ses rêves nécéssaire à digérer tout ce qu'il a ingéré, tant en nourriture qu'en boisson. Mais alors qu'il sombre, il ne peut qu'espérer que sa demande aie été entendue et que la jeune femme ne fera rien de plus cette nuit que dormir contre lui, et surtout rien de stupidement alcoolisé...