Un rire s’échappa des lèvres de la jeune femme qui courait à travers les ruelles de la Forteresse. Virevoltant entre les passants, elle disparut à travers la foule comme une ombre dans les ténèbres, la barde termina par ralentir le pas afin de reprendre son souffle, regardant autour d’elle. Une bourse dans les mains, elle referma étroitement ses doigts autour puis, la rangea dans une sacoche accrochée à sa hanche. Calcilia reprit sa marche comme si elle n’avait pas aux trousses, deux hommes enragés.
La jeune femme traversa une allée déserte prudemment, laissant son regard se perdre sur les architectures de la cité. Elle appréciait ces décors de pierres grises qui évoquait en elle une sorte de nostalgie oubliée. Originaire du village sylvestre, elle avait pourtant passé bien plus de temps au milieu des décors neigeux des montagnes, appréciant le froid éternel qui y régnait. La jolie barde continua à se déplacer, faisant résonner les talons de ses chaussures au sol, il était néanmoins possible d’entendre la vie suivre son cours dans les rues adjacentes à la sienne.
Lorsqu’une tête vulpine leva la tête de sa besace, Calcilia regarda derrière elle aussitôt.
« Elle est là !
- Fait chier ! Siffla-t-elle entre ses dents. Illwy, Eira, rentrez dans le sac. »
Sa course reprit entre les ruelles avant que des fils de soie ne s’enroulent autour d’elle et ne la stoppe dans son élan. Les liens se tissèrent autour d’elle, la privant de tout mouvement. Désormais complètement immobile, la barde cessa de se débattre, constatant en effet que c’était totalement inutile. Droite face aux deux hommes qu’elle avait failli semés, elle observa un instant, dardant sur eux un regard impétueux. Puis soudainement, un sourire candide étira les lèvres pleines de la jeune femme. Déstabilisant les deux hommes face à elle. La beauté naturelle de Calcilia l’avait rendue inoffensive face à ceux qui ne la connaissaient pas. Gracile et pâle, elle donnait l’image d’une créature fragile qu’il était facile de briser.
« Il vous en aura fallu du temps, observa la barde. J’aurais sûrement dû faire plus attention à vos pouvoirs. »
Elle laissa échapper un rire cristallin, avant que l’un d’eux ne vienne saisir son visage, mué d’une colère intarissable. La jeune femme planta alors son regard dans le sien sans faillir, le défiant d’aller plus loin. Pourtant bien consciente du danger qu’elle courait, et du pétrin dans lequel elle s’était fichue, Calcilia n’était certainement pas prête de rendre les armes dès maintenant. Elle avait une mission à accomplir, elle le ferait, même si elle devait se brûler quelques plumes au passage.
« Tu vas nous rendre ce que tu nous as volé, sale garce ! Eructa l’un d’eux en relâchant son visage.
- Ce que j’ai volé ? Rétorqua la barde avec un immense sourire. Aucun souvenir. »
À nouveau, elle explosa de rire avant qu’un poing ne vienne rencontrer sa mâchoire, elle accusa le coup en grimaçant, légèrement sonnée. Au moins, la jeune femme savait qu’ils ne plaisantaient pas avec elle. Calcilia releva le visage sans se départir de son sourire, malgré la situation dans laquelle elle se trouvait. Soudainement, son regard se refroidit et elle le plongea dans celui qui venait de lui asséner le coup.
« Il va falloir régler quelques incompréhensions, gronda la jeune femme. Il ne me semble pas avoir volé quoique ce soit, à l’instar de ceux qui sont face à moi et tellement courageux qu’ils en sont venus à lever la main sur une femme attachée. »
Il la saisit violemment par le col, le poing levé pour la frapper à nouveau, aussitôt, Calcilia ferma les yeux, prête à encaisser. À la place, il la secoua, le visage déformé par la colère.
« Ta gueule ! Tu sais pas dans quelle situation tu te trouves !
- Bien au contraire, je sais exactement dans quoi je me suis embarquée. »
Un coup de pied dans les côtes, la barde valdingua quelques mètres plus loin, le souffle coupé par le choc. Lorsqu’il attrapa sa tignasse d’azur, pour relever sa tête, le poing s’abattit de nouveau dans l’estomac de la barde qui n’eut pas le temps d’émettre la moindre répartie.
« Rends-moi l’orbe ! »
Plutôt que de répondre, d’un simple geste de la main, alors que son bras était immobilisé contre son corps, elle tapota du bout des doigts la besace qui contenait ses familiers. N’étant pas entravée, les deux renards sortirent en concert du sac. Eira se plaça devant sa maîtresse le dos voûté, plantant ses crocs dans le bras qui tenait encore la jeune femme. Calcilia siffla pour signaler à Illwy de se sauver et chercher une aide potentielle. Une lame siffla, manquant de peu le museau du renard de glace.
La renarde avait fait un bond en arrière pendant que la barde coupait ses liens avec la lame qu’elle tenait dans sa manche. Pendant ce temps, le familier givra le sol devant sa maîtresse avant que les deux ne prennent la fuite à travers l’allée, l’adrénaline faisant oublier la douleur des coups qui pulsaient encore sous sa peau.
« Fichus gardes, jamais là quand on a besoin d’eux, siffla-t-elle entre ses dents. Eira, rejoins Illwy, tu cours plus vite que lui. »
L’animal hésita quelques instants avant de se lancer à travers les rues, après avoir dépassé sa maîtresse. Calcilia fit volte-face, sortant les lames de leurs fourreaux, se mettant en position d’attaque. À deux contre un, il allait être difficile de se défendre sans en tuer un, au passage. La jeune femme n’était pas reconnu pour sa force au combat. La lame aiguisée du bandit se dirigea vers la barde qui l’esquiva en la faisant dévier de son épée, puis envoya son coude dans le plexus. Mais avant qu’elle ne puisse faire un autre mouvement, une flèche fusa dans sa direction qu’elle évita de justesse en reculant. L’autre homme enchaîna d’un coup de pied qu’elle para de ses bras avant d’être de nouveau projetée sur le sol.
La situation semblait plus rude que ce qu’elle avait imaginé.
Ses pensées bien sombres pour une fois lui tiennent compagnie alors qu'il traverse les ruelles de la ville de pierre et de givre. Les ombres sont tout aussi insondables que son regard plongé sur ses propres doutes. Fort heureusement pour lui, quelque chose vient enfin le sortir de cette torpeur d'une douceâtre mélancolie. Une forme rase au sol et couverte de fourrure se tenant sur ses quatre pattes. Un petit animal, un renard. Que fait ce dernier dans la ville ,et pourquoi le borgne a l'étrange impression de le reconnaître ? Il ne saurait absolument pas le dire, surtout que ce dernier aussi semble avoir une impression de déjà vu, s'arrêtant net pour commencer à lui japper dessus. Arquant un sourcil, Sileas baisse la tête pour essayer de comprendre ce qu'il se passe.
-"Mais que fais-tu ici petite bête, tu t'es perdue ? Ce n'est pas ton milieu naturel et tu ferais mieux de partir d'ici avant de te faire dévorer par un chien."
Et pourtant, le renard continue de produire ses petits bruits, sautant sur place avant de même finir par lui monter sur la botte pour en mordre le cuir apparent sous la plaque. Grognant, l'aventurier agite un peu le pied pour la dégager. Dans le même temps, Illwy apparait à son tour. Soupirant longuement, l'homme ne sait quoi faire. Les deux bêtes semblent vouloir être suivies, sans réellement qu'il ne puisse comprendre ce qu'il se trame. Mais au fond, il n'a rien de mieux a faire. Donc, grognant après s'être étiré, le grognon blasé vient suivre le pas de ces deux animaux un peu trop malins pour leur bien.
Et bien sur, ce n'est jamais assez rapide. Ce qui est une marche se transforme en petit trot alors que Sileas se fait couiner dessus à répétition par les bêtes qui ne cessent de se retourner pour trouver qu'il va bien trop lentement à leur gout.
-"Je vous jure, je vais retrouver votre portée entière et en faire une brochette à cuire si vous continuez. Y'a pas grand chose à bouffer, mais avec douze, je suis sur qu'on peut faire quelque chose de comestible."
Heureusement pour leur potentielle future descendance, l'homme est attiré par des bruits qu'il entend plus loin et qu'il ne reconnait que trop bien. Des lames qui s'entrechoquent, des hommes qui grognent. C'est un son qu'il aurait aimé ne pas entendre de sitôt en ces murs, lui rappelant un peu trop cette rencontre infortunée avec Nevaeh peu de temps auparavant.
Lance ou glaive. Le choix est vite fait, et ce dernier laisse échapper le son chantant de l'adrénaline et des combats en sortant de son fourreau. Les bruits se rapprochent, le cœur de l'aventurier s'accélère, fait pulser le sang et battre ses tempes. Le dernier angle est franchi, et Sileas n'en croit pour ainsi dire pas ses yeux. Calcilia, en train de se battre avec deux hommes. Son premier réflexe est de jurer à voix haute, s'avançant d'un pas dans la ruelle, avant de se faire arrêter par l'archer qui le cible avant de tonner.
-"Pas un pas de plus, cette affaire ne vous regarde pas ! Retournez d'où vous venez et nous ne vous ferons rien."
L'aventurier cligne des yeux. Ses épaules s'agitent légèrement sous sa fourrure et son armure alors qu'il déteste par dessus tout être ainsi ciblé et menacé. Calcilia est toujours aux prises avec son danseur au couteau qui ne semble pas vouloir la lâcher, et malgré la menace, Sileas ne peut s'empêcher d'ouvrir sa grande gueule.
-"Mais t'as encore foutu quoi la barde ? Je peux pas te laisser deux semaines sans que tu t'embrouilles avec le voisinage entier ! La prochaine fois je t'abandonne attachée au lit de l'auberge, ça te fera les pieds comme ça."
Du coin de l'oeil il capte un mouvement. Comprenant qu'ils se connaissent, l'archer est soudain plus nerveux. Un peu trop au gout du combattant qui plisse l’œil en expirant longuement. Inspirer. Expirer. Sa méditation prends effet et le monde entier semble soudainement plus clair et infiniment plus complexe a la fois. Il sent son cœur battre et le sang pulser, voit presque le tressautement de la corde laissant partir son projectile. Dévier des traits n'est pas quelque chose en lequel il est expert, et il préfère éviter quand ce n'est pas totalement nécéssaire. Ses réflexes ont beau être améliorés et bien supérieurs à celui d'un humain, il n'en est pas pour autant un dieu. La lame se lève néanmoins et viens faucher le projectile, le détournant bien assez pour qu'il finisse sa course contre un mur, la pointe arrachant un léger nuage de poussière à la pierre, la hampe chutant à coté de Sileas après un tour sur elle même suite à l'impact. Clignant des yeux et grognant longuement de manière particulièrement mécontente, l'ours a forme humaine sort de sa transe. Le bandit est dubitatif, clignant des yeux en venant chercher à sa cuisse un nouveau projectile. A peine sorti de son Don, le blond n'hésite pas et commence à le charger, n'hésitant pas à pousser d'un coup d'épaule le second bandit au passage pour essayer de le déstabiliser et ouvrir sa garde pour son amie.
Le tireur, voyant cette masse le charger à toute vitesse et n'ayant pas envie de tenter ses chances entre sa vitesse de tir et celle de charge du combattant, préfère tout simplement prendre la poudre d'escampette en abandonnant son comparse à son -potentiellement funeste- destin. Le borgne le suit jusqu'au coin de la rue, juste assez pour s'assurer qu'il soit bel et bien parti et ne lui tende pas un mauvais coup avant de se retourner vers le combat. Il ne doute pas du tout que la bleutée saura se débrouiller en un contre un, laissant simplement grogner entre ses dents.
-"Tu as une longue histoire à me raconter je crois. Et je compte bien l'avoir aujourd'hui, celle la."
« Mais enfin, chéri, je ne savais pas que tu avais ce genre de fantasme, minauda la barde. On pourra tester la prochaine fois ! Mais je t’avoue, pas les pieds, je suis un peu chatouilleuse.»
Devant l’air outragé de l’épéiste, Calcilia haussa les épaules, désintéressée. Elle n’avait jamais été une femme avec de réels tabous, et si elle pouvait se permettre de plaisanter en plein milieu, elle n’allait pas se gêner. Surtout s’il s’agissait d’un combat de rue. Sans se préoccuper de Sileas – car elle le connaissait suffisamment pour savoir qu’elle n’avait pas besoin de s’inquiéter pour lui – la barde resserra ses prises autour de ses armes, prenant une longue goulée d’air. Celle-ci gonfla ses poumons, dès lors, le rythme de son cœur ralentit drastiquement, et avant même que l’homme puisse cligner des yeux, il était au sol, les deux lames de la jeune femme croisées en ciseaux contre sa gorge. Le visage de la barde s’étirait d’un sourire tendre, pourtant son regard prune ne luisait d’aucune pitié, comme si lui arracher la tête n’était qu’un acte purement anodin dans sa vie. C’est alors qu’il se rendit compte que ni les larmes, ni les supplications n’auraient d’effets sur la personne qu’ils avaient cru être une victime de leurs poings.
Abandonné de son partenaire, l’épéiste était seul, face à la colère de Calcilia qui se pencha en avant, les lames se resserrant, faisant naître un mince filet écarlate sur la peau du mercenaire.
« Je suis plutôt clémente, j’espère donc ne pas avoir besoin de finir ce que j’ai commencé. Laissez cette gamine en paix, ou cette fois-ci, je n’aurai aucun remords. »
La barde relâcha sa prise en rangeant les lames dans son dos, à peine libéré, le bandit prit également ses jambes à son cou, disparaissant dans les ruelles de la cité. L’atmosphère enfin détendue, Calcilia sentit ses jambes se dérober sous son poids et elle se retrouva sur le sol, les deux renards se jetant sur elle pour l’accueillir de léchouilles, s’armant de quelques jappements de mécontentement. Elle rit doucement en caressant le crâne de ses créatures, puis tourna la tête en direction de l’aventurier.
« Heureusement que tu passais par là, s’exclama-t-elle d’un ton jovial. J’allais peut-être commettre l’irréparable s’ils m’avaient acculée. Désolée que tu te sois retrouvé embarqué dans mes histoires, mais tu me connais, j’attire les ennuis. »
Elle l’éblouit d’un large sourire, puis souleva Illwy pour frotter affectueusement son visage contre son museau. Puis, la jeune femme le déposa sur ses genoux, tout son corps le lançant de douleur, son regard se perdit dans un autre univers alors qu’elle se fit pensive. Ce n’était pas tant l’émotion du combat, mais bien le soulagement qui l’avait fait s’écrouler, et il faudrait qu’elle se rattrape bientôt, sinon son maître allait se retourner dans sa tombe avant de la hanter pour le restant de sa vie. Cette pensée la fit grimacer, et elle s’adossa au mur de la maison la plus proche.
« Tu veux que je te raconte quoi ? Le moment où je t’ai laissé dans le lit avec un joli dessin sur la joue, ou bien celui où j’ai caché ton sac sous le plancher de l’auberge ? »
À ses propres bêtises, elle ne put s’empêcher d’exploser de rire à nouveau, bien consciente que l’aventurier avait dû la maudire pour ses dix prochaines générations. Calcilia ferma les yeux en sentant la brise fraîche caresser les mèches bleutées, soupirant d’aise, puis, elle pencha la tête dans sa direction afin d’observer l’œil sévère qui la dardait d’éclairs. La jeune femme poussa un profond soupir en se levant enfin, ignorant la douleur qui s’étendait dans son abdomen. Il ne serait pas étonnant qu’un hématome vienne naître sur sa peau blanche, et ce serait un miracle s’il n’avait pas fêlé une côte dans son entreprise.
« C’est une longue histoire, si tu veux je te la raconte, mais je dois d’abord reprendre la route. Libre à toi de me suivre. »
La barde lui fit un mouvement de la tête pour l’inviter à se joindre à elle, et elle devait bien avouer que si elle s’était habituée à encaisser des coups, ce n’était jamais plaisant à supporter après la bataille. Cependant, elle ne manifesta aucun signe de ce qu’elle ressentait, se déplaçant toujours aussi souplement qu’à son habitude.
Elle sortit alors de sa pochette, la bourse qu’elle avait rangée plus tôt, pour en dévoiler le contenu à l’aventurier. Un orbe lisse aux couleurs nacrées se tenait dans le creux de la main de la barde, à peine mis à la lumière celui-ci se mit à luire. Elle referma alors ses doigts autour et le rangea aussitôt en l’enfournant dans son sac.
« Je ne sais pas ce que c’est, je t’avoue, mais ça semblait assez précieux. Ils l’ont dérobé à une gamine qui habite dans un village un peu éloigné de la Forteresse. Par chance, ils n’ont blessé personne, si ce n’est le cœur de la petite, elle semble vraiment tenir à ce truc. »
Un léger rire nerveux secoua les épaules de Calcilia qui agita la tête pour ne pas croiser le regard de Sileas, comme si elle craignait d’y voir quelque chose qui l’effrayait.
« Mais bon… Je ne résiste pas aux larmes des enfants, sourit-elle tristement se rappelant de souvenirs peu plaisants. »
Elle s’arrêta subitement, puis se déplaça furtivement devant l’aventurier, les bras croisés derrière son dos, légèrement penchée dans sa direction.
« Donc ? Tu m’en colles une et on est quittes ? Ou tu attends la prochaine bourde ? »
-"Tu n'attires pas les ennuis Calcilia, tu les crées toi même. Et oui pour une fois tu as de la chance que je passais dans le coin. Je sais pas si je peux en dire autant d'avoir croisé ta route, vu que je finis encore dans tes embrouilles, mais explique moi ce que tu as fais encore."
Néanmoins, Sileas voit bien qu'elle est épuisée, un peu plus qu'elle ne veut bien le montrer et l'assumer. Comme toujours, elle veut garder une façade inébranlable et avant qu'elle ne continue, il vient se rapprocher de la jeune femme qui enchaine bien rapidement. Il n'a clairement pas oublié ces petites taquineries de la dernière fois alors qu'un nouveau souffle échappe de ses lèvres tandis que ses yeux roulent.
-"Rappelle moi pourquoi je t'apprécie déjà. A chaque fois que j'essaye d'être gentil avec toi tu me taquines et tu viens me prouver que j'ai fais une erreur. Je n'arrive vraiment pas à savoir si tu m'apprécies réellement et que c'est ta manière de le montrer ou si tu joues uniquement avec moi pour te passer le temps."
Nul jugement dans sa phrase, nulle tristesse. Un simple questionnement sur une situation qu'il ne comprend pas pleinement et sur laquelle il doute. Et ne voyant nul signe des bandits, l'aventurier se permet enfin de rengainer son arme en place. Une journée ou le sang ne coule pas, surtout entre les murs de la ville, est toujours une bonne journée. L'invitation est répondue d'un léger grognement alors que Sileas monte au niveau de son amie, détaillant plus longuement son état. Se mordant un instant la lèvre, il est hésitant sur la marche à suivre, sur quoi lui proposer. Le regard du blond est toutefois attiré par cette orbe lumineuse, se décrochant enfin des agréables courbes de la barde. Son sourcil se hausse de curiosité, et il vient pencher la tête pour essayer de mieux apercevoir de quoi il s'agit, avant que le tout ne soit rangé. L'homme est songeur, quelque chose est particulier dans cette bribe d'histoire et bien rapidement il vient mettre des mots dessus.
-"Une enfant, posséder un objet aussi précieux ? Il y'a une histoire la dessous, forcément. Un héritage de famille, un bien rare au village ? Il faut qu'on aille le lui rendre, c'est important je pense. Et on pourra avoir des réponses à nos questions sur place, du moins je l'espère."
Il pile d'un coup sec et soudain, baissant le regard sur la petite bleutée qui se plante face à lui. Sa question est si candide, si insupportable en même temps. Un long soupir échappe de nouveau des lèvres de Sileas, qui ne sait comment répondre. Il a envie de la claquer un bon coup, et pourtant il n'arrive à pas lui en vouloir. Finalement, il fait un pas en avant pour s'en saisir par les aisselles pour la soulever à sa hauteur et la regarder droit dans les yeux.
-"Je t'adore Calcilia, mais tu es insupportable. J'ai envie de te baffer, mais j'arrive pas à t'en vouloir. Et en plus tu es blessée. On s'occupe de tes blessures, tu me racontes l'histoire entière sans en cacher la moitié, et on voit pour y aller."
Car elle a beau faire la vaillante, l'aventurier voit bien qu'elle n'est pas en glorieux état. Posant une main sur ses épaules il commence à la guider vers une auberge qu'il connait et où justement il avait une chambre. Sans même passer par la case repas ni boisson, il l'embarque dans ce petit lieu confortable. Il y'a même un bac avec de quoi se laver, tandis qu'il dépose son sac sans fond pour commencer à fouiller dedans et sortir un kit de premier soins. Une fois cela fait, l'homme pivote le regard vers sa surprenante amie.
-"Tu veux que je m'en occupe ou la fière barde que tu es préfère essayer de contorsionner dans tous les sens pour se débrouiller toute seule ? Et maintenant, je veux l'explication complète. Car tu parles de surement plusieurs jours de voyage et de traque pour les larmes d'une enfant ? Je sais que ton cœur n'est pas fait que de glace et de sarcasme, mais tout de même."
Suite à la réponse de la demoiselle, il la laissera soit faire toute seule et en profitera pour faire l'inventaire de ses affaires, réfléchir à quoi il aura besoin pour le voyage -car oui, il compte bien l'accompagner, pas besoin de le souligner une nouvelle fois-, soit il viendra l'aider à nettoyer ses plaies, passer un baume et un bandage dessus pour les aider les contusions à se résorber rapidement. Dans les deux cas, de quoi s'occuper un peu. Surtout si la bleutée se décide à devenir un peu plus taquine comme à son habitude.
Très souvent les interrogations de l’aventurier restaient sans réponse, soigneusement dissimulée derrière ses expressions impénétrable. Calcilia appréciait tout particulièrement Sileas sans savoir ce qui l’attirait chez lui, tout d’abord, elle avait immédiatement pensé au physique de l’aventurier. Elle ne nierait jamais que celui-ci avait attiré son regard car il possédait un charme indéniable, mais maintenant qu’elle y réfléchissait plus sérieusement, il y avait sûrement autre chose, quelque chose de plus profond. Peut-être cette impression qu’elle avait que parfois il arrivait à voir à travers ses défenses les plus solides. Elle ne saurait trop dire, mais un certain confort s’était installé depuis qu’elle passait du temps à ses côtés. C’était sûrement la raison pour laquelle, elle avait fini par surjouer ce rôle auprès du chasseur, mais pouvait-elle simplement fuir tout le monde sans se heurter durement à la réalité de la vie.
Lorsque l’aventurier la reposa sur le sol, elle n’avait pas bougé, attendant la permission, telle l’aurait fait une enfant.
« Quoi ? Quoi ? Quoi ? Répéta la barde sans se départir de son sourire juvénile. Tu m’accompagnes ? Moi aussi je t’adore ! Ah mais attends, je vais très bien !»
Elle leva ses bras pour contracter ses faibles muscles, puis en inspirant, la barde boxa dans le vide comme pour lui prouver que tout était parfaitement sous contrôle. Puis lorsqu’il la poussa, Calcilia baissa les épaules vaincues, elle n’avait pas beaucoup d’arguments, si ce n’était la fuite, et à son état, il était difficile qu’elle puisse réellement sautiller dans tous les sens comme à son habitude alors qu’elle serrait les dents au moindre mouvement.
« Je n’ai pas le choix c’est ça ? Insista-t-elle. Je n’ai pas le choix. »
Bien forcée de reconnaître que son ami avait entièrement raison, la barde suivit au pas Sileas à travers le dédale de la cité, pour une fois étrangement silencieuse. Pensive, elle ne se rendit même pas compte de ce qu’ils avaient parcouru, jusqu’à ce qu’elle se retrouve dans la petite chambre, au chaud. Un doux rire se dissimula derrière la main de la barde avant qu’elle ne commence à retirer délicatement ses gants pour dévoiler une dextre aussi fine que délicate, au point qu’il était difficile d’imaginer qu’un tel petit bout de femme était capable de tenir aussi fermement son épée.
« C’est peut-être ça, songea la jeune femme en observant l’aventurier d’un regard perçant, presque déstabilisant. Tu restes toujours fidèle à toi-même, c’est sûrement ce que j’aime bien chez toi. Prêt à m’aider à la moindre occasion alors que tu passes ton temps à ronchonner. »
Posant les gants sur une table non loin, elle en profita pour retirer ses jambières, se dénudant sans pudeur, loin d’être gênée par la présence du blond à ses côtés. Toute intimité était de toute façon à oublier lorsque l’on menait son train de vie. Le lacet défait, ce fut ses longues jambes qui redécouvrirent l’air pour respirer. Il était déjà possible d’apercevoir quelques égratignures sans gravité, se marquant de plaies rougeoyantes au milieu des vieilles zébrures qui faisaient office de stigmates de son passé.
« Je t’avoue qu’en effet, je ne suis pas contre un coup de main, souffla-t-elle en terminant de se libérer de sa tunique moulante. Aïe… »
Calcilia grimaça alors que la tenue se décollait de son corps, humidifiée par la neige. Elle se décrocha lentement des ecchymoses créées lors de sa confrontation. Les bleus n’étaient pas encore apparus, mais la barde pouvait aisément ressentir quelles étaient les zones douloureuses. Sifflant de douleur, elle peina à retirer complètement sa tenue, mais une fois fait, elle ressentit un profond soulagement d’être pleinement libre de ses mouvements.
« Je t’emprunte ton lit quelques secondes, grogna-t-elle mécontente d’exprimer une faiblesse face à quelqu’un. »
Elle s’assit confortablement dessus, avant de se laisser tomber en déposant une main sur la surface de son ventre où la douleur continuait de pulser. Ses yeux se fermèrent un instant, puis elle les rouvrit afin d’observer les courbes des poutres qui maintenant le plafond au-dessus de leur tête. Sans chercher à réellement se soigner, Calcilia sortit de nouveau l’orbe de sa sacoche pour l’observer calmement. Plein de mystères entouraient cette affaire qu’elle avait pris soin d’attaquer seule sans savoir ce qui l’attendait au final.
« Je n’en sais pas beaucoup plus je t’avoue. Je suis passée par ce village il y a quelques jours, et durant la nuit, la maison d’un habitant a été cambriolée par ces imbéciles qui ont fui la queue entre les jambes. La petite disait que c’était le précieux cadeau de sa mère, ça ressemble un peu à un cristal de souvenir… Mais je ne suis pas assez curieuse pour fouiner plus loin. »
Elle fit jouer les reflets de la faible lueur qui se dégageait de l’habitacle avant de la ranger à nouveau en la posant sur la table de chevet. La barde d’ordinaire inépuisable, semblait particulièrement fatiguée en ce jour, se décorant d’un visage plus morne. Puis tournant la tête en direction de l’aventurier, la jeune femme tendit sa main dans sa direction, à la recherche de contact. Lorsqu’elle se saisit de sa main, elle y déposa délicatement sa joue en fermant les yeux.
« J’ai juste suivi leur trace après le vol, et vu la paire d’imbéciles que c’était, ça n’a pas été très difficile de leur voler l’orbe. Mais il faut croire qu’ils n’ont pas vraiment apprécié que je me mêle de ces affaires. »
Emprunte d’une douceur réelle, elle se décala plus vers le fond du lit pour attirer l’aventurier, et lorsqu’il fut assis, elle balaya le vide de sa main.
« Mets-toi à l’aise, ça devient angoissant de tout le temps te voir dans ton armure. »
Plus délicat est la chemise, qui révèle certes que peu de choses pour le moment -si ce n'est le corps de la demoiselle-, mais qui s'annonce pleine de surprises. Les bleus ne sont pas encore apparus, mais les ecchymoses semblent déjà présentes. Récupérant le haut pour le mettre à sécher quelque part -c'est toujours mieux que rien-, le blond se concentre ensuite sur son amie qui est occupée à comater a moitié sur son lit, l'air épuisée. Il faut dire que se faire passer à tabac est rarement une expérience plaisante pour quiconque. Et vu que la barde semble plus concentrée à examiner l'orbe que s'occuper de son propre état, Sileas vient retirer ses gants pour les jeter dans son sac avant de s'installer à ses cotés sur le lit.
-"Tu connais la chanson. Ça risque de piquer un peu, râles si vraiment ça fait trop mal, mais c'est pour ton bien. Il faut bien l'un de nous deux qui pense un peu à ta santé quand même."
Ne voyant aucune plaie visible, l'homme se contente de tremper un linge dans une carafe d'eau présente non loin et le passer sur le buste de la jeune femme, avant de passer une couche de baume, insistant bien sur les endroits qui la font grimacer quand il les effleure. Tout en venant ainsi lui prodiguer les premiers soins, le blond écoute son amie parler et lui expliquer le peu qu'elle souhaite. C'est vraiment pas énorme à vrai dire. Si ils veulent comprendre un tantinet ce qu'il s'est passé et pourquoi l'objet a été volé, ils risquent de devoir poser quelques questions. Attrapant le rouleau de bandage une fois le ventre ainsi couvert d'une couche du baume, Sileas reprend.
-"Redresse toi un peu que je m'assure que tu restes en un seul morceau. T'as rien de trop grave mais tu risques d'avoir quand même mal un petit moment. Et c'est moi ou j'ai l'impression qu'ils avaient été commandités pour la livrer à quelqu'un ? Un cambriolage dans un petit village pour en ressortir ça, et rien d'autre ? C'est une commande ça, j'en mettrais mon œil au feu."
A peine le temps de lui bander le torse et couper la bande après avoir fait un petit nœud permettant de maintenir le tout en place et de ne pas tâcher ses vêtements du mélange médicinal qu'elle se saisit de sa main et s'y presse. Elle est épuisée, a besoin d'un peu de contact physique et la demande qu'elle formule ensuite le prouve. Souriant légèrement, il s'installe à ses cotés de nouveau pour retirer la plaque et commencer à la ranger pièce par pièce dans le sac sans fond. Ça prends un peu de temps, mais il commence à être habitué à la manœuvre, même seul.
-"Je suis à l'aise, même avec mon armure. Surtout avec celle la qui est bien plus adaptée que la précédente, tu sais. Et je pense qu'on aura plus de questions une fois de retour au village. J'ai l'impression qu'il y'a autre chose en dessous. C'est un objet bien trop particulier, volé dans un lieu bien trop reculé pour qu'il s'agisse d'un simple cambriolage. Mais qu'est-ce qui mériterait tant d'attentions ? Pas une simple gemme, même si elle est particulièrement belle."
L'armure retirée, il vient se laisser tomber sur le lit et le dos, fermant l’œil avec un long soupir d'aise. Certes il est à l'aise dans son armure, mais Calcilia marque un point, ça fait toujours du bien de la retirer un peu. Avec un léger rire, le blond tourne la tête vers la barde se tenant à ses cotés tout en glissant sa main dans sa chevelure pour lentement la caresser, son pouce effleurant sa joue alors qu'il lui offre un sourire.
-"Et encore une fois tu m'en dois une. Ça commence à faire une sacrée liste, je suis curieux du jour ou tu rembourseras ton ardoise au lieu de t'amuser à enterrer mes affaires dès que tu en as l'occasion pour me faire perdre une heure au réveil. Mais pour en revenir au voyage, tu sembles épuisée, on partira pas avant demain matin dans tous les cas. J'espère juste que cette orbe n'est pas précieuse au point qu'ils vont tenter de venir nous la récupérer dans la nuit. Surtout qu'ils semblent clairement pas contre l'idée d'utiliser la force pour arriver à leurs buts."
Car la est le problème : a laisser les deux bandits partir sans réellement les avoir mis hors combat, si réellement cette orbe est si précieuse que cela -ou si convoitée-, ils risquent probablement de revenir rapidement pour récupérer leur dû et pas en le demandant gentiment. Soupirant longuement en pensant à cela et à la nuit fort peu reposante qui risque de les attendre, Sileas continue de masser le cuir chevelu de la bleutée qui semble avoir fort besoin de se détendre un peu après les évènements de la journée et sa course poursuite qui dure déjà depuis un petit moment...
Elle laissa échapper un doux rire avant de venir saisir sa main entre ses doigts, y collant sa joue chaude. Puis relâchant sa prise, elle se rapprocha de l’aventurier afin d’y déposer tendrement son crâne, appréciant la chaleur qu’il dégageait, surtout que son corps était encore transi par le froid humide qui avait traversé ses vêtements. La barde baissa pensivement sur regard sur les lattes en bois qui traversait leur chambre, tripotant machinalement un cordon de cuir qui persistait sur sa tenue. L’affection dont faisait preuve la jeune femme témoignait un réel besoin de présence humaine sans qu’elle ne sache ce qui la poussait à agir ainsi, probablement la présence réconfortante de Sileas à ses côtés. Elle avait l’impression de toujours pouvoir compter sur lui peu importait les circonstances, et c’était un sentiment qui grossissait malgré elle dans sa poitrine.
Calcilia ferma brièvement les yeux, saisissant la main de l’aventurier, elle entrecroisa ses doigts aux siens, avant d’y déposer sa joue.
« À force, je vais peut-être devoir t’appeler mon prince charmant, pouffa la barde. Il va en effet falloir que je réfléchisse à un moyen de te rendre tout ce que tu as fait pour moi. Le décompte commence à se faire long. »
Elle soupira longuement puis se détacha de son partenaire quelques secondes avant de venir s’installer sur lui, à plat ventre. La pression la fit brièvement grimacer, mais la jeune femme ignora bien vite cet inconfort pour entourer son corps de ses deux bras en une étreinte candide. Loin des habituelles provocations de la barde, celle-ci ne faisait alors preuve que d’une douceur sincère. Elle fit alors rouler sa tête en appuyant sa joue sur son torse, écoutant les doux battements de cœur qu’il était possible de percevoir.
Cette familiarité enfantine marquait désormais l’ambiance sereine de la pièce, et cet étrange sentiment de bien-être fit se gonfler la poitrine de Calcilia. À s’éloigner perpétuellement des autres, elle en avait presque oublié ce que ça faisait de se sentir en sécurité. Un rempart s’était légèrement creusé, fragilisé par la fatigue de la journée. Et pour ne pas baisser pleinement sa garde, elle écouta attentivement son partenaire lui parler.
« J’avais également pensé à la possibilité qu’il y ait un commanditaire derrière cette histoire, mais ils se sont bien gardés de l’évoquer, peu importe le nombre de fois où je les espionnais… Cette histoire sent le Fenrir brûlé, et je crains malheureusement qu’ils n’abandonnent pas leur idée. »
Bercée par la respiration qui élevait le torse de Sileas, Calcilia sentait le sommeil l’emporter, bien qu’elle tenta de lutter contre cette envie irrépressible. Et pour y échapper, elle ne trouva rien de mieux à faire que de rouler sur le côté du lit, se libérant à regret de la chaleur confortable qui émanait de l’aventurier. Sa tête se tourna dans sa direction, afin de planter son regard dans l’orbe d’acier de son compagnon. Elle se mordilla la lèvre inférieure, tique nerveux dont elle ne se rendait même plus compte.
« Je t’avoue que j’aimerais que tu ne te mêles pas de cette histoire, murmura-t-elle. Je m’y suis fichue seule, et c’est à moi de régler ça. »
L’œil sévère la fit se tasser sur elle-même, et la barde reprit aussitôt afin de ne pas le laisser s’imaginer qu’elle était aussi ingrate que ce que laissait supposer sa phrase. Sous-entendant par la même occasion que cette histoire ne le regardait pas.
« On sait pas jusqu’où ils sont capable d’aller pour cette fichue pierre. Si cette fois il ne t’est rien arrivé, ce ne sera peut-être pas le cas la prochaine fois. Et ne t’avise pas de dire que je suis incapable de m’en charger seule, je sais très bien ce que je vaux. »
Et si cela devait sonner la fin des chantres de la barde, qu’il en était ainsi. C’était la vie qu’elle avait décidé de mener après tout. Calcilia n’attendit pas de réponse de sa part, tournant le dos à l’aventurier en fermant les yeux. Elle savait pertinemment que celui-ci s’opposerait à ses choix, et elle était bien trop fatiguée pour débattre. Reproduisant alors une respiration régulière, elle laissa croire qu’elle avait fini par sombrer dans les ténèbres des songes.
Seulement, sa nuit agitée l’empêcha de dormir pleinement, mais lorsqu’elle fut certaine que l’aventurier avait fini par dormir, elle s’extirpa délicatement des draps, s’éloignant du lit en silence. Faisant signe à ses familiers de ne pas faire de bruit, la barde s’habilla en un rien de temps, le plus silencieusement possible, gardant ses chaussures sous le bras. La jeune femme glissa délicatement ses doigts entre les mèches dorées de l'aventurier puis se détourna pour saisir un morceau de papier où elle inscrivit d’une écriture soignée « Merci pour tout, à la prochaine. C. ». Elle le déposa sur la table de chevet, accompagné d’une bourse bien remplie. Jetant alors un dernier regard derrière elle, Calcilia finit par s’enfuir de l’établissement.
Cette réponse aura totalement clos le débat sur la présence ou non de l'aventurier aux aventures de la barde itinérante. Elle n'est pas une enfant, elle sait se battre et gérer une telle situation toute seule, Sileas en est conscient. Mais il sait aussi un peu trop bien, et elle aussi, qu'ils n'ont surement qu'effleurés la surface d'une situation fort désagréable, et qu'ils ne sont clairement pas au bout de leurs surprises. Et il espérait que cela suffise à la bleutée, qu'elle écoute ce qu'il essayait de lui dire et de lui faire comprendre. Elle veut le protéger, mais il sait choisir ses causes, refuser celles qui ne l'intéressent pas et s'investir pour celles attirant son attention. Et il aurait encore plus aimé que la jeune femme en tienne compte au lieu de disparaître comme une voleuse -mais guère de surprise, elle en est une après tout-, en plein milieu de la nuit.
L'aventurier ne s'en rend pas immédiatement compte, occupé à finir sa nuit. Ce n'est qu'en pleine matinée, quand enfin il émerge, qu'il comprends que quelque chose ne va pas. Plus aucune affaire de la jeune femme, et cette dernière est portée disparue. Il est peu probable qu'elle soit partie déjeuner seule, elle n'aurait pas raté une occasion de l'attendre voir de le réveiller pour essayer de se faire payer le repas. Et le mot ainsi que la bourse déposées sur le meuble finissent de confirmer les soupçons du blond qui lâche un long grognement rauque, tant de fatigue qu'il efface avec le réveil que de mécontentement.
-"La prochaine fois, je l'attache au lit celle la. Calcilia, que je te hais parfois."
S'habillant rapidement avant de remettre son armure, Sileas soupire. Si la barde ne souhaite pas être retrouvée, il y'a peu de chances qu'il n'y parvienne. Elle a toujours été plus douée que lui à se fondre dans la masse et disparaître, après tout. Mais ce n'est pas pour autant qu'il ne va pas essayer. Les pistes sont maigres, mais autant ne pas les gâcher. Accrochant ses armes en place et ceignant son ceinturon à la taille, l'aventurier sort de la chambre pour se diriger dans l'escalier d'un pas lourd. L'ambiance dans la salle commune est tout ce qu'il y'a de plus calme, quelques locaux prenant leur repas matinal dans le silence. L'aventurier se décide de s'approcher du tavernier avec la ferme intention de lui poser quelques questions, déposant la clé de la chambre sur le bois en attendant son arrivée, qui ne tarde pas. L'homme a l'air jovial alors qu'il vient demander.
-"J'espère que la nuit fut bonne ! Vous souhaitez peut être un petit déjeuner avant de repartir ?"
Le blond hoche. Un petit déjeuner, c'est toujours important. Et tandis qu'il fouille dans son sac pour en sortir sa bourse, il en profite pour enfin poser ses questions.
-"La nuit était parfaite. Toutefois, vous n'auriez pas vu la demoiselle qui m'accompagnait hier soir? Petite, chevelure bleutée, plutôt belle jeune femme. Difficile de la rater à vrai dire."
Les cristaux changent de main, et ces derniers aident l'aubergiste à se montrer plus compréhensif et fouiller un peu mieux dans sa mémoire. Toujours acheter quelque chose pour mieux appâter les confessions. Finalement, alors que l'assiette est déposée avec les couverts, le tenancier semble soudainement se souvenir de quelque chose.
-"Si, elle est partie dans la nuit, elle a simplement posé une question... Elle cherchait une auberge, le Cerbère Ardent je crois. Un établissement un peu en bordure du centre de la ville. Pas le meilleur lieu ou chercher, si vous voulez mon avis."
Sileas ne peut s'empêcher de sourire à cette remarque. Chacun essaye de prêcher sa paroisse au mieux, et l'aventurier n'a nulle raison de se plaindre du service fourni ici. Remerciant l'homme "chaleureusement", c'est à dire pour lui en lui offrant un léger sourire et en inclinant la tête, il vient s'installer pour manger en quelques minutes son petit déjeuner. Une fois l'appétit temporairement rassasié et laissant place à une certaine colère teintée de tristesse, le borgne s'échappe du bâtiment pour rejoindre la fraicheur matinale. Le vent souffle fort ce matin, projetant des flocons de neige dans tous les sens. Resserrant sa cape autour de sa gorge et ses épaules, l'homme avance d'un pas rapide vers sa destination. Il ne connait que trop bien l'endroit où Calcilia s'est perdu, particulièrement connu quand il s'agit d'accomplir des affaires au mieux grises, au pire louches. Ou obtenir des informations que quelqu'un ne devrait pas avoir. Le fait que la demoiselle cherche un tel lieu ne le rassure pas sur les idées qu'elle mijote, et il presse le pas pour se rendre le plus rapidement à l'établissement avant que le pire n'arrive.
Et ce qui mijote, autant que l'imagination débordante de la barde pour les coups fourrés est la colère du combattant blindé, qui n'aime que moyennement voir son avis ainsi jeté sur le coté sans plus de considération. Une fois arrivé à destination, un petit tripot proche des murs d'enceinte de la Forteresse, Sileas ouvre la porte avec un peu plus de force qu'il ne l'aurait souhaité, s'attirant quelques regards. Dont celui d'une certaine jeune femme dont la chevelure ne sait passer inaperçue dans la foule. Et avant même qu'elle ne puisse essayer de s'enfuir ou de lui préparer un coup fourré, il se dirige vers elle à grand pas, l'interceptant en posant les mains sur ses épaules et en resserrant sa prise fermement, les pouces gantés et armurés se déposant sur la nuque de la demoiselle tandis qu'il se penche pour lui grogner à l'oreille.
-"Je ne sais pas qui tu sembles attendre ou surveiller, ou pour quelle raison, mais tu me dois quelques petites explications je crois. Et sans essayer de t'enfuir, cette fois. C'est gentil de vouloir me protéger, mais si je dis que je souhaite t'aider, c'est que je le pense sincèrement. Je suis assez grand pour décider des combats que je mène, et choisir les personnes pour lesquelles je m'inquiète et qui comptent à mes yeux, et j'apprécie qu'on ne choisisse pas à ma place ce que je devrais faire vis à vis de ces dernières."
Est-ce qu'il est en colère ? Effectivement. Rancunier ? Totalement. Mais il est aussi très clairement blessé par l'attitude de la barde et la désinvolture avec laquelle elle a rejetée son aide alors qu'il s'inquiétait -sincèrement- pour elle, pour une fois.
Un éclair passa devant ses yeux où elle aperçut l’aventurier encore endormi sur le lit, ignorant ses remords, elle secoua la tête pour remettre ses idées en place et prioriser son objectif. La jeune femme se déplaça avec attention entre les tables, la tension faisant se cacher les deux renards au fond de sa besace. Le silence pesant faisait tinter les clochettes de détresse de la barde qui la prévenait d’un danger imminent. Calcilia s’installa au comptoir en soupirant profondément, ignorant son corps qui criait d’agonie à chaque fois qu’elle se pliait.
Une odeur âpre emplissait les lieux, retournant son estomac vide, alors que la fumée des cigares créant une brume écœurante autour d’eux. Maintenant qu’elle était là, il lui fallait commencer ses recherches, sans plus d’indices. Une large main s’écrasa devant elle, sortant Calcilia de ses pensées d’un sursaut.
« Si tu commandes pas, tu dégages ma jolie, grinça l’aubergiste d’une voix nasillarde.
- Très hospitalier par ici, souffla la barde avec un sourire se retenant d’une remarque cynique. Un bolet de truffe aux amandes. »
Il lui répondit d’un reniflement dédaigneux puis se détourna sans commenter. Pendant que sa commande se préparait, la jeune femme monta ses doigts sous son menton, son regard prune s’égarant dans les recoins de la taverne à la recherche du moindre faciès connu. Calcilia avait vaguement entendu les deux mercenaires évoquer les lieux, aussi, elle se trompait complètement, et elle n’aurait aucune information concernant le commanditaire de ce vol.
Un léger brouhaha assourdissait le bâtiment, permettant la jeune femme d’épier les quelques conversations autour d’elle. Loin d’être concluant, elle voulut se lever pour partir des lieux, mais sa commande sur la table l’en empêcha, et elle paya l’aubergiste à contrecœur. La mixture teintait vers une couleur verdâtre peu appétissante.
« Je te jure t’aurais dû voir leur tête ! S’esclaffa un homme. Il s’est enfui devant une femme ! T’imagine ? Une putain de barde ?
- Baisse d’un ton, tu veux ? Répliqua une voix plus calme. »
Calcilia se rassit aussitôt, tentant de paraître le plus naturel possible. Enfin un détail croustillant à se mettre sous la dent. Bien que difficilement, elle parvint à saisir quelques brides de leur conversation, mais elle ne reconnut aucun des deux mercenaires qui l’avait agressée la veille.
« J’espère juste que tu t’es occupé de récupérer les informations, s’ils ne me servent plus à rien, j’ai quand même besoin de récupérer la clé. Faut qu’on retrouve cette femme.»
Les sourcils de la jeune femme se froncèrent à l’évocation d’une clé. Y avait-il d’autres éléments en plus de l’orbe qu’elle détenait ? Ou bien, les mercenaires avaient volé un autre bien dont elle n’était pas au courant ? La barde plongea sa cuillère dans la mixture, touillant dedans, de plus en plus confuse sur ce qu’il se passait.
« Ça va nous prendre des lunes sans plus d’indices, grommela l’un des deux hommes.
- J’ai besoin de cette foutue clé, alors fais-moi parler ces deux abrutis, pour qu’ils me donnent autre chose que la couleur des cheveux de cette traînée. »
Calcilia hoqueta, manquant de briser sa cuillère en bois entre ses doigts. Elle se retenait de lui envoyer son bol de soupe à la figure à cette espèce d’imbécile pas fini. Ça commençait à bien faire d’être insultée de prostituée à tout bout de champ. La jeune barde inspira longuement pour laisser sa colère retomber. Puis soudain, la conversation devint diffuse lorsque la porte de l’établissement s’ouvrit à la volée, peut-être un peu plus brutalement que ce qu’elle n’aurait dû l’être. C’est cette constatation qui poussa Calcilia à se retourner, et à cet instant même, son visage blêmit. Elle poussa alors un sifflement entre ses dents, la conversation s’étant arrêtée nette. Alors que l’aventurier se dirigeait vers elle d’un pas assuré, seulement, elle n’eut pas l’occasion de lui filer entre les doigts que sa main la pressa de se rasseoir. Un léger couinement douloureux échappa à la barde qui détourna le regard. Bien tentée de répliquer, elle releva alors la tête dans sa direction, mais ce qu’elle y vit dans l’orbe unique de son ami la rendit muette. Calcilia aurait bien été tentée d’utiliser ton orbe de téléportation pour le fuir, mais elle n’eut pas le cœur de le faire. À la place, elle déposa une main douce sur la joue de Sileas, telle une caresse réconfortante.
Accablée par les remords, il n’en aurait de toute façon pas fallu plus pour faire plier les ambitions de la barde. Elle avait des milliards de raisons de repousser le blond, de le pousser à la fuir éternellement, sauf qu’elle n’en éprouvait même pas l’envie tandis qu’elle pouvait voir briller au fond de sa prunelle céruléenne un sentiment qu’elle ne connaissait trop bien. S’apprêtant à lui murmurer quelques mots d’excuse, un mouvement sur sa gauche la fit se retourner. Tous les regards étant rivés sur le duo, et s’il y avait bien une chose qu’elle ne souhaitait pas, c’était attirer l’attention des deux hommes non loin. D’une main ferme, elle saisit le poignet de l’aventurier pour sortir de l’établissement, non sans récolter quelques sourires goguenards.
Et sentant un regard peser dans son dos, elle grommela dans sa barbe. Et lorsqu’ils furent à l’extérieur, la jeune femme plaqua Sileas contre le mur de l’auberge, mettant ses mains à plat, de part et d’autre de son corps. Elle inspira longuement, le regard rivé sur le sol.
« Désolée. Je sais. Je n’aurais pas dû, commença-t-elle un peu rapidement. Tu as raison. C’est juste que… »
Juste que quoi ? Même la barde n’était pas capable de répondre à cette question, et c’est ce qui la fit se tendre davantage. Ce monde n’était inconnu à aucun des deux, et elle refusait encore de prendre les mains qui lui étaient tendues. Lorsqu’elle le réalisa, elle déposa son front contre le buste métallique de Sileas, y tapant sa tête à quelques reprises.
« Je sais même pas où va me mener cette histoire. Et je… »
Elle ne termina pas sa phrase arrivant à court d’excuses. Quoiqu’elle puisse en dire, l’aventurier finirait toujours par trouver une réplique cinglante pour la contredire. Elle regrettait, sincèrement mais à nouveau, elle ne souhaitait pas qu’il s’implique davantage dans ses problèmes. Calcilia finit par fermer les yeux sans attendre de réponse de la part du blond, n’osant surtout pas croiser son regard, ni d’avoir l’indécence de lui demander de comprendre et de pardonner son acte. Sileas n’était pas stupide, bien au contraire, et c’est ce qui poussait la jeune femme à placer une confiance presque absolue en sa personne.
« Je suis désolée, acheva-t-elle simplement. »
La neige crissa non loin d’eux, faisant se redresser la barde d’un bond, reconnaissant sans mal les deux hommes de la taverne. Calcilia jura, forcément, leur petit spectacle n’étant pas passé inaperçu, ils avaient été pris pour cibles à l’instant même où la chevelure d’azur de la barde était rentrée dans leur champ de vision. Un regard dans la direction de l’aventurier, et elle s’accrocha à son bras. Les traits de son visage ayant changé du tout au tout pour se transformer en une expression amoureuse.
« Oui, je suis désolée mon chéri ! Promis la prochaine fois je t’écouterai ! »
Avant même qu’il n’ait le temps d’agir, elle saisit son visage dans la coupe de ses mains pour lui planter un baiser sur les lèvres, sans fermer les yeux afin qu’il saisisse le message à travers son regard.
Emporté à l'extérieur, l'aventurier observe son amie essayer de s'expliquer et de se justifier. Il semblerait que la jeune femme aie compris à quel point ses actes ont pu le toucher et le blesser, et que cette considération prise en compte l'a profondément déstabilisée. Il en serait presque attristé pour la demoiselle, alors qu'il finit par soupirer en glissant un bras autour de ses épaules pour venir lui souffler d'une voix plus basse, légèrement lasse.
-"Ce n'est pas grave, ne t'en fais pas. Évite juste de me refaire cela la prochaine fois s'il te plait. C'est blessant de te voir ainsi ignorer ce que je te dis et l'aide que je te propose."
La suite s'enchaine bien plus rapidement tandis que leurs lèvres se lient quelques instants et qu'elle l'appelle ainsi chéri. Un bon moyen de tromper quelques secondes l'attention des hommes qui les surveillent alors qu'il se prête au jeu. Arquant un sourcil, il essaye de comprendre ce qu'il se passe plus précisément. Sileas se doute bien qu'ils ont bien des regards sur eux, et probablement même certains qui essayeraient volontiers de leur planter un couteau dans le dos pour récupérer cette orbe. Et alors que la demoiselle fait durer le baiser, sa voix résonne en son esprit en une cascade cristalline limpide. Les mots fusent et elle résume rapidement la situation entière, avant de rompre le baiser comme si de rien n'était. Les formes ne s'approchent pas, mais elle est désormais solitaire, la seconde surement partie chercher des renforts. Ou juste prendre une meilleure position, qui sait.
-"Allez, oublions cela. Tu me promets de ne plus jamais recommencer et on quitte la ville, on a beaucoup a faire."
Bien sur que cette information risque d'intéresser les bandits à leur traque. Emportant Calcilia, l'aventurier commence à prendre la marche en laissant crisser ses pas dans la neige. pendant quelques minutes, tout semble calme, comme si personne ne les poursuivait et qu'ils avaient mordus à l'hameçon. Difficile à croire comme sensation, mais le fait d'être hors de portée d'oreilles laisse le temps au blond de souffler entre ses dents et à voix basse.
-"Je ne sais pas ce que tu en penses, mais j'ai l'impression qu'a peine sortis de la ville et de la vue des gardes, on va se faire tomber dessus."
Pour justement éviter que quelque chose ne leur arrive en ville et que cette fois, leur cible s'échappe entre leurs doigts, le borgne fait exprès d'éviter les petites ruelles pour se concentrer sur les rues passantes et marchandes. Bien rapidement, cette désagréable sensation dans la nuque d'être épié le reprend, sans pouvoir s'expliquer d'où cela vient. Ceux qui les filent sont doués, difficile de nier cela. Assez pour se faire prendre, mais pourtant pas suffisamment pour ne pas se faire repérer. Peut être s'estiment-ils assez en confiance pour pouvoir jouer aussi franc jeu, ou encore ils espèrent avoir le nombre de leur coté.
L'aventurier se paye même le luxe de faire un ou deux arrêts pour préparer des rations ou les derniers achats nécessaires pour leur voyage jusqu'au village. A chaque fois il emporte avec lui son amie, profitant de ces moments de calme ou les oreilles indiscrètes ne peuvent percevoir leurs conversations pour échanger rapidement.
-"Maintenant on est dans le même bateau ensembles. Si on se sépare ils vont nous traquer chacun de notre coté et j'ai peur que ça finisse mal, surtout si ils sont à plus de deux. Je t'avoue aussi que je fais un peu exprès de faire tant d'arrêts, j'espère arriver à les faire sévèrement perdre patience pour qu'ils fassent une erreur."
Et en effet, Sileas fait passer la matinée entière de cette façon. Quand enfin le soleil est haut dans le ciel et que le vent porte un air légèrement moins frais, l'aventurier se dirige vers l'extérieur de la ville tout en emportant son amie. Mêlés à la foule traversant les portes, ils pourraient ressembler à n'importe quel duo de voyageurs. Et leur marche dure un moment, tandis que peu à peu les routes se calment. Et peu à peu, il devient plus facile de voir qu'un quatuor les suit. Trois hommes et une femme, légèrement en retrait.
Chacun sait très bien pourquoi l'autre est présent. Les bandits ne cachent même plus leur présence alors qu'ils remontent de plus en plus rapidement pour rattraper le duo et se mettre à portée de tir, et ce dernier est sur ses gardes en se sachant ainsi poursuivi. Avec un soupir, Sileas finit par s'arrêter en récupérant sa lance pour se retourner, histoire de s'assurer qu'il ne prenne pas une flèche dans le dos. Le groupe d'assaut arrive finalement à portée de voix tandis que la femme prends la parole.
-"je crois que vous avez quelque chose qui nous appartient. Vous seriez bien avisés de nous le donner sans faire d'histoire, et il se pourrait que vous repartiez en un seul morceau. Après que l'on se soit assurés que personne ne tente de nous suivre une nouvelle fois."
La dernière phrase est bien sur adressée par Calcilia qui s'est avérée particulièrement gênante ces derniers temps. Sans réellement attendre sa réponse, l'aventurier commence à faire tournoyer l'arme entre ses mains, se doutant bien que les choses ne risquent pas de finir d'une manière particulièrement délicate. Ni lui ni la barde n'ont envie de se rendre sans faire d'histoire, surtout qu'il est loin d'être assuré que les bandits n'en profiteront pas pour les égorger, et ces derniers ne donneront surement pas de réponses sans y être "incités" d'une manière ou l'autre.
Elle lança un bref regard dans la direction de l’aventurier alors qu’ils s’arrêtaient devant un stand pour la énième fois de la journée. Calcilia roula des yeux ennuyée, pourtant parfaitement alerte des mercenaires qui les épiaient. Contrairement à Sileas, la barde était parfaitement détendue, chantonnant parfois un air joyeux. Elle ponctua leur balade de quelques plaisanteries anodines jusqu’à ce qu’ils soient hors des remparts de la cité de givre. Durant les quelques minutes où ils marchaient ensemble, elle saisit la main de l’aventurier dévoilant son poignet pour y enrouler une chaînette argentée.
« Promis, je l’ai pas volée celle-ci ! Se justifia-t-elle en replaçant la manche au-dessus du bijou. Le vendeur disait que c’est un charme qui éloigne la malchance ! »
Elle n’y croyait d’ailleurs pas du tout, mais c’était une façon maladroite de se faire pardonner pour son comportement. La jeune femme n’avait jamais été très douée pour s’exprimer sincèrement, préférant revêtir un masque où son sourire se faisait terriblement agaçant. Finalement, elle poussa un long soupir contrarié en se retournant en même temps que son ami, avant de hausser les épaules avec un léger rire.
« Aucune fichue idée de quoi vous parlez, minauda la barde. Vous n’avez donc pas vu que nous faisions notre sortie de couple ? »
À ses mots elle entoura le bras de son partenaire, évitant de se prendre un coup de sa lance au passage. Et lorsque le regard sérieux de l’aventurier se posa sur elle, Calcilia le relâcha, son visage se marquant d’une expression outrée. Les deux mains sur les hanches, elle lui lança une œillade sévère.
« T’es pas obligé de tirer la gueule à chacune de mes blagues, chéri. À ce rythme tu vas te retrouver avec des rides sur toute la figure. »
Après avoir poussé un sifflement, les deux renards reculèrent pour se mettre en retrait et ne pas gêner les deux combattants. Laissant ses deux épées dans son fourreau, elle décrocha l’espadon de son dos pour le pointer face à elle, manipulant l’arme avec une aisance presque inhumaine tant il était léger. L’air un peu hagard de la barde se dissipa, dévoilant un regard aussi meurtrier que glacial, une certaine rancune continuant à pulser douloureusement contre son estomac. Calcilia ne comptait pas se retenir maintenant qu’ils étaient hors de la ville, loin de la surveillance de la garde.
« Cette fois, je ne reste pas derrière toi, souffla-t-elle sans regarder l’aventurier. Ce sera donc pour le plus rapide.»
Il était difficile d’imaginer que sous les sourires et plaisanteries de la jeune femme, se cachait une telle colère, faisant se tendre chaque muscle, comme s’ils étaient stimulés par des pieux électrifiés. Les mercenaires de leur côté semblaient s’impatienter à mesure que l’aventurier les ait faits attendre trop longtemps. Seulement, ils ne savaient pas non plus quel type d’adversaires ils avaient en face d’eux, et par extension, incapables de savoir quelle stratégie adopter. Ce devait également être la raison pour laquelle le camp adverse n’avait pas encore lancé les hostilités.
Calcilia déposa ses doigts gantés contre ses lèvres, laissant échapper un doux rire, attirant totalement l’attention sur elle.
« Vous savez ce qui est drôle ? Commença-t-elle d’un ton provocateur. C’est que vous êtes si pitoyables qu’aucun de vous n’a réussi à m’arrêter. Tout ça pour… »
Elle suspendit face à elle une bourse en cuir, narguant le groupe de sa possession. C’était un moyen d’attiser leur agressivité, et qu’ils soient les premiers à porter un coup. Ils auraient de fait l’avantage de la surprise pour se départager les hommes. Son rire se transforma en un éclat.
« Cette clé. Vous êtes ridiculement mauvais. »
Ce fut la braise de trop qui enflamma l’un des hommes dont le corps se déforma, cabossant son dos de formes immondes. Les muscles saillants se dévoilant à travers le tissu déchiré, désormais, deux paires de bras en plus sur ses flancs, Calcilia poussa un sifflement admiratif.
Se rapprochant de l’aventurier, elle pointa le métamorphe du doigt tout en le secouant légèrement, après avoir pris soin de ranger l’orbe dans une poche sous sa cape.
« Eh ! Eh ! T’as vu, il a plein de bras ! S’extasia-t-elle d’une voix enfantine. »
Par la suite, elle offrit à son partenaire un petit signe de la main, jetant quelque chose dans la direction du mercenaire aux multiples bras. Celui-ci par réflexe, s’en saisit au vol. Et avant même que quiconque ne puisse faire le moindre mouvement, Calcilia s’était évaporée.
« Tu sais qu’il faut porter une armure, mon lapin ? »
Sous le regard ébahi de leurs assaillants, celle-ci réapparut dans la main du métamorphe, le faisant vaciller, profitant de l’effet de surprise pour trancher les trois bras d’un côté tombant dans un rideau écarlate sur la neige. L’homme hurla de douleur en se tordant dans tous les sens pendant que la barde récupérait son orbe de téléportation.
« Il faut croire que ce n’était pas cet orbe que vous vouliez.
- S-Sale traînée ! Rugit la femme.
- Oui, tu n’es pas la première à me faire cette réflexion, bougonna-t-elle. »
Le mercenaire aux multiples bras était écrasé sur le sol, gémissant sa douleur. À sa merci, elle aurait pu l’achever d’un simple geste de son épée, seulement sa conscience la retint d’agir, et la place, la barde lui envoya son pied dans la figure pour l’assommer. Plantant la claymore dans le sol, elle l’abandonna car trop encombrante, pour sortir ses deux épées.
Les deux autres trop hébétés pour agir finirent enfin de sortir de leur torpeur, lançant leur assaut.
« Oh oups ! J’ai peut-être un peu exagéré… »
Un coup d’épée dans sa direction, Calcilia la para de ses deux épées, lui faisant perdre l’équilibre en déviant la lame. Mais alors qu’elle allait reculer, des entraves semblables à des chaînes s’enroulèrent autour de ses chevilles l’empêchèrent de bouger. Elle claqua sa langue agacée contre son palais faisant serpenter sa lame sur les côtes du mercenaire, entaillant le cuir sans atteindre la peau. Alors qu'une nouvelle épée - tenue cette fois par la femme - s'apprêtait à s'abattre sur la barde.
Malheureusement, cet état ne dure pas au vu des provocations qu'elle ne peut s'empêcher de lui adresser, autant qu'a ces mercenaires. A croire qu'elle se fait pardonner pour mieux remettre ensuite un coup de couteau sur la cicatrice. Vraiment, Sileas alterne continuellement entre l'amitié et une profonde envie de l'enfoncer assez profond dans la neige pour qu'on la prenne pour un poteau de signalisation particulièrement bien déguisé.
-"Je préfère des rides à des cicatrices. Et je vais finir par préférer mon amante à toi, si tu continues avec ton humour, beauté."
Malgré les petites blagues, la tension monte rapidement. Tout cela se finira dans le sang, et si possible celui des mercenaires et non le leur. La lance continue de tournoyer de plus en plus vite, le blond observant ce qu'il se passe face à lui, jaugeant leurs adversaires. Plus nombreux, aucune idée de leurs pouvoirs. Calcilia joue la même carte que lui et continue de les provoquer et de les enrager. Les réactions sur le visage des mercenaires ne font que se durcir en voyant l'orbe, preuve qu'il est définitivement l'objet convoité. Tout s'accélère soudainement, et le borgne expire lentement en sentant l'adrénaline monter à travers son corps entier, le surcharger d'une énergie bienvenue et satisfaisante.
-"Fais attention à toi quand même. Tu es coriace, mais ils ont pas l'air commodes non plus."
Cette phrase signe sa dernière réponse. Il aurait voulu rajouter quelque chose qu'il n'aurait pas pu étant donné que la barde disparait pour réapparaître dans une représentation sanglante. Cris de douleurs et rubis de sang pleuvent sur le sol, et le spectacle peut commencer. Jurant entre ses dents de la voir se mettre toute seule dans une telle situation, l'aventurier se décide de commencer à approcher en courant, chargeant pratiquement sur les ennemis si ce n'est qu'il préfère prendre un chemin en diagonale pour les empêcher de surveiller en même temps son amie et lui avant d'être arrêté par le troisième homme. Ce dernier se concentre, et soudainement le terrain autour de Sileas devient boueux, bien plus difficile à traverser. Les bottes du blond s'enfoncent dans une texture proche des sables mouvants, si ils étaient composés de terre, et le forcent à pratiquement s'arrêter net pour ne pas tomber, et commencer à lentement s'extraire. Ce serait l'occasion parfaite pour l'attaquer, maintenant qu'il est en positif de faiblesse. Hélas, leur cible est tout autre, et est bien plus proche encore.
En effet, maintenant qu'il n'est en théorie plus une menace directe, les bandits se concentrent sur la barde bien plus menaçante, après tout elle a déjà mutilé un des leurs. Un second pouvoir est lâché, lui immobilisant les jambes alors que les coups commencent à se riper, et qu'ils ne semblent clairement pas la pour faire des prisonniers. Toujours extrêmement lent à s'extraire de ce marécage enchanté, Sileas pousse un grognement de colère et de rage de voir qu'il n'arrivera pas à temps pour aider la bleutée. Sauf si. Et ce si n'a besoin que d'une pensée pour faire mouvoir sa main sur l'une des runes de sa lance qui laisse soudainement échapper un sifflement alors qu'elle se nimbe d'une aura d'énergie immatérielle mais pourtant bien présente. Un frisson traverse la nuque du borgne sous cette décharge de puissance qui stimule toujours ses plus profonds instincts et ses plus basses pulsions. La pupille de son œil se dilate alors qu'il attrape son arme à deux mains pour la faire tournoyer dans ses mains, cette dernière prenant de plus en plus de vitesse et d'amplitude. Il est tout juste à portée, mais il ne lui faut rien de plus.
Ils veulent tuer ? Ils peuvent être plusieurs à le faire. La femme allait frapper, et s'arrête soudain alors qu'un son strident, celui d'une lame d'air tranchant la distance se fait entendre. Elle n'a pas le temps de pivoter qu'une nouvelle gerbe de rubis vient marquer le sol, son propre sang cette fois alors qu'elle pousse un cri de douleur. Et ce sifflement se fait entendre deux nouvelles fois, venant trancher les chaines retenant la barde et forcer les bandits à prendre de la distance alors que Sileas sort peu à peu de son bourbier après avoir lancé ses trois attaques.
-"En ... ENFOIRE !"
Le cri de la bandit est perçant, alors que son bras est dans un état pitoyable. L'air a tranché la chair et les muscles jusqu’à l'os avant de se dissiper un peu plus loin, laissant apparaître un flot de sang et de chairs mutilées. De quatre contre deux ils sont pratiquement passés à deux contre deux, le métamorphe et celle semblant être la chef improvisée étant désormais hors service. Profitant de cela, Sileas recommence à faire tournoyer son arme pour lancer plusieurs nouvelles attaques tant que sa pertuisane est chargée, les forçant à reculer et essayant d'ouvrir des opportunités pour la barde qui se retrouve soudainement avec beaucoup d'air et d'espace à disposition. L'aventurier aurait adoré pouvoir ainsi les blesser ou les mutiler, mais ils ont vite compris que le danger venait tout autant de cette lance capable de frapper à distance que de la bleutée, et si ce n'est quelques coupures légères, absolument plus aucune attaque ne frappe avec l'efficacité des précédentes.
Le borgne jette un regard à sa comparse pour vérifier son état, alors que peu à peu les crépitements d'énergie cessent sur la lame et la hampe, Orthos revenant à son état naturel. Pas particulièrement troublé par cela, le moment de battement pour qu'ils comprennent qu'ils ne vont plus se faire harceler d'attaques à distance par l'aventurier lui laissent très clairement le temps de refermer la distance. Même si il n'est pas sur qu'il reste grand chose à faire vu le temps qu'a eut Calcilia pour s'occuper à sa façon de cette menace particulièrement gênante.
Appelant alors le pouvoir de sa broche, des éclats lumineux s’étaient mis à crépiter dans sa main. Un homme chargea dans la direction de la barde qui avait saisi l’autre par le col, ses vêtements se gelant dès qu’elle entra en contact avec lui. Elle esquiva alors d’un mouvement de tête la lame affûtée qui lui était destinée. À peine l’homme transi de froid fut sur le sol, la boue disparut pour libérer pleinement les mouvements de l’aventurier.
« J’ai d’autres charges, et je pense que vous avez vu que nous n’étions pas là pour rire, commença la jeune femme d’une voix tendre. Je ne tiens pas non plus à mettre vos vies en péril, alors il va falloir répondre à mes questions. »
Mais avant même qu’il ne puisse répondre, car complètement acculé, un trait fut tiré par-delà les hauteurs. La flèche se brisa lorsqu’elle rencontra l’épée de Calcilia qui eut tout juste le temps de se protéger, la surprise en revanche permit au mercenaire d’entailler l’armure de cuir, tranchant la peau de l’abdomen. Pas assez profond pour blesser dangereusement, mais suffisamment pour la faire vaciller de douleur. Un genou à terre, la barde observa le tissu s’imbiber de sang, et même partiellement blessée, il avait touché les ecchymoses de la veille.
Voyant ses familiers accourir dans sa direction, Calcilia les arrêta net d’une voix ferme, avant d’inspirer longuement en se redressant, pressant la plaie pour stopper l’hémorragie. L’orbe de jade fut lancé dans la direction du mercenaire, et avant qu’une flèche ne l’atteigne, elle disparut dans son dos, son épée meurtrière décrochant la tête de ses épaules, le laissant inerte sur le sol, au milieu d’un rideau écarlate qui s’étendait sur le sol immaculé.
« J’ai peut-être vraiment abusé, souffla faiblement la barde en souriant. C’est vraiment des lâches… Mais soit. »
En quelques pas, elle rejoignit l’aventurier pour s’asseoir dans son dos.
« Comme d’habitude, la tête, le cœur. Le reste tu laisses à découvert. »
Lorsqu’elle fut certaine qu’elle était protégée par la carrure de son partenaire, un fredonnement s’éleva à travers les airs, une lueur azurée l’entourant comme une caresse tendre. Un nouveau trait fila, se plantant aux pieds de Sileas, pendant ce temps, la barde ferma les yeux pour se concentrer davantage. Telles des lucioles indépendantes, les lumières s’élevèrent en un tourbillon majestueux pour venir entourer l’aventurier. Le chant gagna en intensité, alors qu’un halo bleuté scintilla autour de son partenaire, maintenant protégé par le pouvoir de la barde.
Une flèche, la dernière fusa sur le poitrail de son ami et se brisa avant même de pouvoir l’atteindre. Lorsqu’elle s’écrasa au sol, un hurlement retentit dans les bois non loin d’eux. Calcilia qui avait alors cessé de chanter poussa un sifflement, alors que le liquide chaud gelait sous les vêtements. La jeune femme manqua de tourner de l’œil mais se retint pour garder sa conscience. Elle se redressa difficilement en s’aidant de l’épaule de son partenaire. Pendant ce temps, le renard de la barde avait disparu au milieu des arbres. Un nouveau hurlement, puis un silence presque serein.
Eira revient, son pelage blanc couvert de sang, alors qu’elle tirait le corps inconscient de l’archer. Un véritable massacre venait d’avoir eu lieu, ne restant alors de leur passage qu’un amas de cadavres inconscients. Voyant qu’aucune nouvelle mauvaise surprise ne les attendait, Calcilia poussa un profond soupir de soulagement en se laissant tomber sur le sol.
« Donne-moi juste quelques minutes, murmura la barde en fermant les yeux,allongée dans la neige. Pratique ton nouveau jouet ! »
Elle pointa la lance du bout du doigt, ne s’exprimant qu’en murmures pour ne pas attiser la douleur de ses plaies. La flèche n’avait rien perforé au grand soulagement de la jeune femme, mais elle pouvait sentir les plaies pulser, et bien que ce soit tolérable pour le moment, elle n’était pas prête à refaire des folies tout de suite. Calcilia releva son regard violine en direction de son partenaire avant de se relever durement.
Inspirer… Expirer…
Tout allait à merveille.
La barde observa le chaos qu’ils avaient laissé sur la route, puis elle baissa les yeux sur l’homme qu’elle venait d’assassiner de sang-froid. Puis, le dernier conscient était paralysé par le froid qui se dégageait de ses vêtements. Faisant tournoyer son épée, Calcilia la rangea dans son fourreau, puis se présenta devant l’aventurier, se retenant de l’attraper par les joues afin d’éviter de le couvrir de sang.
« Ça va, toi ? Tu n’as rien ? Demanda-t-elle inquiète. Je crains toujours que mon pouvoir ne protège pas assez bien… »
Elle lui tourna autour quelques secondes pour en être bien certaine, avant de se retourner subitement, alors qu’elle entendait le froissement de la neige. Le sang dans la neige s’était élevé comme des pieux, droits dans la direction des deux voyageurs. Agenouillée sur le sol la femme qui tenait ses plaies pour tenter d’arrêter l’hémorragie.
« V-vous… J’vais vous emporter avec moi ! Hurla-t-elle. »
Les piques de sang s’élevèrent du sol, prêts à frapper dans leur direction. Par réflexe, Calcilia se plaça devant l'aventurier pour faire barrière de son corps en fermant les yeux.
-"Décale toi, je peux la gérer. T'as pas à toujours vouloir te sacrifier, surtout sans raisons."
Et sans plus de manières, mais avec presque une certaine douceur pour la situation, il décale la barde du bout de sa hampe, commençant à faire tournoyer de nouveau son arme entre ses doigts, gagnant de plus en plus de vitesse. L’œil unique du borgne se rive sur sa cible, expirant de plus en plus lentement. Les pieux de sang se forment, prennent une forme de pointe perforante, s'offrant même le luxe de se tisser de barbillons à la base. La femme se sait morte, et elle semble clairement vouloir faire le plus de dégâts possibles avant de partir.
Le regard du blond devient distant durant un instant, alors qu'il plonge dans sa méditation. Les vibrations causées par sa lame, le déplacement de l'air de cette dernière. Les ondulations et mouvements des pointes qui finissent de se former et qu'il garde dans son champ de vision. Tout se déchaine d'un coup et les pieux se lancent de tous les cotés. Appuyant sur la seconde rune de sa hampe, Sileas active l'effet de sa magie une nouvelle fois, laissant l'arme tournoyer entre ses doigts en un ballet meurtrier. Les projectiles se brisent les unes après les autres contre ce rempart de métal mobile, le sang, même cristallisé, ne pouvant résister aux impacts de la lance cinétique chargée.
Mais la bandit a de l'idée derrière la tête, et un animal acculé est toujours le plus dangereux. Assimilant même le sang de ses comparses, les tirs viennent de directions différentes, et surtout ciblent les deux en même temps. Face à un choix et réagissant avant même de pouvoir y réfléchir, la pointe de sa lance brise un projectile destiné à Calcilia, le second s'enfonçant dans son flanc en lui arrachant un grognement de douleur. Heureusement, à force d'habitude cela ne brise pas sa concentration et le barrage de sang cristallisé se termine enfin, alors que la femme tombe au sol, morte ou mourante.
Attrapant la pointe enfoncée dans son flanc, l'aventurier la brise d'un coup sec de son arme, grognant un peu plus alors que cela fait s'agiter les barbillons dans sa chair. Cela n'a rien touché de grave, mais ça reste particulièrement douloureux alors que son regard se pose sur la bleutée et vérifier qu'elle n'a pas gagnée de blessures supplémentaires.
-"Comment tu te sens, tu vas tenir le coup ? Je crois qu'on va devoir rapidement trouver un endroit où s'installer voir retourner à la Forteresse pour se faire soigner correctement et reprendre ensuite le voyage."
Détournant son attention de son amie qui semble encore respirer et ne pas être dans un état critique, il vient se rapprocher du dernier homme encore vivant et a peu près en état. Pivotant son arme dans sa prise, il vient poser la pointe sur son torse, prêt à l'éventrer au moindre geste suspicieux, même si pour le moment il semble totalement immobilisé.
-"Maintenant, tu vas me dire tout ce que tu sais sur cette clé et ce à quoi elle sert, si jamais tu veux avoir une chance de rentrer vivant."
Le bandit réfléchit à ses options en voyant sa vie défiler devant ses yeux, avant qu'un terne éclat d'acceptation finisse par voiler son regard et le fasse rire d'un de ces rires sans joie, de simple abandon. Il se sait mort dans tous les cas, il veut juste que cela en finisse rapidement.
-"Je ne te dirais rien. Si je ne parle pas, tu me tues, si je parle, on me tuera ensuite pour avoir échoué. Donc vas-y aventurier, viens rompre ton serment à la Guilde en achevant quelqu'un au sol que tu devrais emporter à la Garde pour qu'il se fasse juger. Au moins, je te hanterais jusqu'au restant de tes jours ainsi."
L'aventurier réfléchit quelques secondes. Difficile de nier que le bandit a un point, et il réfléchit en fronçant le sourcil, laissant la lame parcourir le vêtement de l'homme ainsi immobilisé, sans pour autant s'enfoncer dans les chairs. Ce serait si simple de l'ouvrir comme un poisson et le laisser agoniser ici pour reprendre la route. Mais ils ont besoin de réponses un peu plus détaillées tandis que Sileas finit par reprendre.
-"Tu sais, outre te tuer, je peux aussi très bien décider de te ramener à la garde et les laisser eux décider de ton sort. Je ne suis pas sur que les prisons de la Forteresse te soient plus agréables que la mort, bien au contraire."
Tout en finissant de parler, le blond pivote la tête vers son amie pour lui faire un léger signe de tête, sait-on jamais qu'elle aie une autre idée en tête pour faire parler ce récalcitrant...
La tête de la jeune femme tournait durement, sonnant comme un tambour incessant dans son crâne. Pourtant, elle s’approcha d’une démarche assurée ne cillant même pas face à la douleur. Assez proche du mercenaire, la barde attrapa d’une main la claymore qu’elle avait plantée au milieu du groupe plus tôt. Ils n’avaient pas beaucoup de choix qui s’offraient à eux, une véritable boucherie venant d’avoir lieux. Son regard d’améthyste longea le corps gelé avant qu’elle ne plante la lame contre la tête de leur opposant.
S’appuyant contre la garde, elle le jaugea un instant puis se tourna vers l’aventurier en soupirant.
« Shiva te tuera à petit feu, tu vas mourir de froid ici si tu ne te décides pas, poursuivit la barde calmement. Tu as juste besoin de nous répondre et tu seras libre.
- Allez juste crever, cracha-t-il à leurs pieds.»
Mais avant qu’elle ne puisse continuer, quelque chose craqua sous la dent du mercenaire. Les veines de ses tempes se dilatèrent et il tomba raide mort en quelques secondes. Les deux amis ne purent réagir à temps avant qu’ils ne se retrouvent tous les deux seul dans un silence glacial. Calcilia secoua tristement la tête, se baissant pour fermer les yeux écarquillés du défunt. Le poison avait été si foudroyant qu’il n’avait qu’à peine eu le temps de ressentir ses effets.
Aucune sensation de victoire ne se reflétait dans les orbes violets, seulement un profond sentiment de regrets. Cette histoire allait beaucoup trop loin pour être simplement enterrée, les vies étaient tant menacées que perdues dans ce cercle infini. La barde resta muette quelques minutes, puis se releva en rangeant sa lame et ses artefacts dans les poches de sa tuniques. Elle appela ses familiers qui accoururent dans sa direction et partit en direction de la vallée.
« Nous sommes plus proches d’un village, il faut rapidement te soigner. »
Les répercussions de son pouvoir n’allaient pas tarder, ils n’auraient donc pas le temps de s’attarder sur les lieux, ni de faire une sépulture pour ces hommes. C’est presque froidement qu’elle abandonna les lieux sans un regard en arrière.
En effet, juste en contrebas du flanc de la montagne vivait un hameau paisible principalement composé de chalets en bois et de huttes en chaume. Une forte odeur de fumier brûlé se faisait sentir, piquant désagréablement les yeux et la gorge. Calcilia avait repris sa route d’un pas feutré, économisant sa voix avant que celle-ci ne lui soit retirée et qu’elle ne devienne complètement muette. Parfois il était possible de voir ses pas chanceler, mais elle reprenait bien vite contenance, jusqu’à arriver au village.
Ils furent accueillis par un groupe d’enfants qui tournèrent autour de la barde joyeusement, celle-ci leur répondit d’un sourire bienveillant. Dissimulant le sang sous son épaisse cape.
« Calci ! Piaillèrent-ils en concert. Tu viens nous raconter de nouvelles histoires ? »
Elle secoua la tête en s’accroupissant face à eux, retirant discrètement son gant pour déposer sa main sur l’épaule de l’un d’eux.
« Pas aujourd’hui, mais promis, demain sans faute. »
Prise d’un soudain vertige la barde tomba sur le sol, supportant de moins en moins la douleur. Assise, elle désigna une maison derrière eux.
« Ellana, va chercher ton père et la soigneuse s’il te plaît, souffla douloureusement la jeune femme entre ses dents. »
Eira vint soutenir la barde du mieux qu’elle put, l’aidant à se redresser fastidieusement. Lorsque celle-ci fut à nouveau debout, elle tourna la tête en direction de l’aventurier pour lui offrir un sourire insondable. Un mélange de tristesse, de douleur et de bienveillance, car dans leur entreprise de conserver cet orbe, Calcilia savait pertinemment que c’était loin d’être terminé.
Un homme d’une quarantaine d’années s’approcha d’eux, les accueillant chaleureusement, bras ouverts. Mais devant les traits crispés de la barde, son visage perdit toutes ses couleurs, et il les pressa de rejoindre sa demeure. Le suivant, Calcilia en profita pour lui faire un rapide résumé de la situation sans pour autant rentrer dans les détails. En quelques minutes, les deux voyageurs avaient rejoint le chalet, rentrant dans un bâtiment dégageant une chaleur réconfortant.
« Calcilia, c’est très grave comme situation, il faut que tu préviennes la garde. »
Après s’être assise sur une banquette aux côtés de Sileas, la barde grogna doucement, devenant de plus en plus pâle. Elle posa sa tête contre l’épaule de l’aventurier pour que le monde arrête de tourner. La jeune femme ne souhaitait pas que la garde se mette à fouiner dans ses affaires, et elle souhaitait encore moins avoir des comptes à leur rendre. Voyant que celle-ci ne démordrait pas de ses convictions, le chef du village poussa un long soupir en se levant.
« Nous discuterons de ça plus tard, occupons-nous d’abord de vos blessures. Je vais déjà voir si on peut s’occuper des cadavres. »
La barde opina du chef, tremblotant contre son ami. Sa vision se troubla au moment où la porte de la bâtisse s’ouvrit et elle sombra dans l’inconscience avant même de le réaliser.
Lorsqu’elle revint à elle, Calcilia était bandée de partout, ses deux renards blottis contre sa cuisse. La jeune femme se redressa lourdement sur le lit pour quitter les draps. Ses affaires avaient déposées sur un meuble, alors qu’un doux feu crépitait dans la cheminée. Elle enfila rapidement une tenue ample après avoir fouillé dans son sac pour sortir du chalet qui leur avait été mis à disposition. Ses plaies avaient été pansées avec soin, mais qu’en était-il de Sileas ?
Enroulée dans une épaisse cape en fourrure, elle descendit les marches en bois pour se retrouver sur la place centrale du village, incapable de définir quel jour il était et combien de temps elle avait dormi. À peine avait-elle posé un pied sur le sol que la barde se prit un coup de bâton sur la figure.
« Plus jamais tu me fais ça, gamine. Des blessures sur des blessures ! As-tu la moindre idée de ce que ça m’a demandé pour te soigner ? Injuria la vieille soigneuse en brandissant son bâton. Et ton ami là ! C’était pas mieux ! Ça fait deux jours que tu dors ! J’ai bien cru que tu te réveillerais jamais ! »
Elle continua à rouspéter en s’animant de grands mouvements, ce qui fit sourire la barde qui secoua la tête. Avant qu’elle ne réalise l’ampleur de son discours. Deux jours entiers à dormir… Et s’ils retrouvaient sa trace ? La barde blêmit en se penchant vers la bonne femme.
« Et où est-il ? Le grand blond avec l’air bougon ? »
Le chemin jusqu’à se dernier se déroule sans un son, sans une parole de leur part. Seul le bruit des pas trouble le calme ambiant. Même si la lance de sang s'est dissipée à la mort de son invocatrice, la blessure reste. Le sang suinte lentement, et une compresse rudimentaire n'est clairement pas assez. Tout juste de quoi limiter le saignement le temps d'arriver. La suite est étrangement cotonneuse, tant à cause de la fatigue que du sang perdu. Il se souvient soutenir Calcilia alors qu'elle s'effondre, clairement en bien pire état que lui. Et il se souvient de ce sourire, presque celui d'un condamné alors qu'il soupire à son tour.
-"Je sais, je sais. Nous ne sommes qu'au début de nos ennuis, je m'en rends bien compte..."
Le chef du village qui semble apprécier la bleutée, même si il tire une sacrée tronche en la voyant blessée. Des explications ou l'intervient que peu, rajoutant parfois simplement un détail. Le corps de la jeune femme pressée contre lui alors qu'elle même continue d'imbiber ses vêtements de son propre sang. Le duo sort accompagné du chef du village, avant que l'insupportable demoiselle ne s'effondre, rattrapée de justesse par les deux qui l'accompagnent rapidement au soigneur du village. Calcilia est prise en charge, puis lui aussi. Il n'est pas aussi gravement atteint que la jeune femme, mais cela ne reste pas joli à voir. Et bien rapidement, entre les produits que la vieille mégère qui ne cesse de se lamenter des jeunes et de leur inconscience, et la fatigue naturelle, Sileas sombre.
Malgré sa fatigue, il dort bien moins que la demoiselle. Émergeant au petit matin, c'est presque seize heures de sommeil qui l'ont ainsi accueilli. Ses affaires sont posées à coté de son sac, non loin, et il lui faut un moment pour totalement émerger. Moment qu'il passe à se recentrer sur lui même, les derniers évènements. Les mots qu'il a prononcé à Calcilia en arrivant au village résonnent de nouveau dans sa tête. Ils n'en sont qu'au début de leurs ennuis. Et avec un grognement, l'aventurier vient se lever, commencer à fouiller dans ses affaires pour sortir des vêtements propres, les précédents semblant avoir disparus. Dommage pour lui, c'est le moment précis que choisit la soigneuse pour venir vérifier leur état. Et si elle ne crie pas à cause de la présence de la barde dans la pièce d'a coté, les grands gestes qu'elle effectue avec sa canne sont en soi déjà assez intimidants. Tout animal plus petit qu'un ours fuirait devant une telle furie de la nature dans son milieu naturel.
-"Tu fais quoi debout toi ? Tu devrais être allongé en train de te reposer ! Tu crois que j'aime devoir recoudre des plaies barbelées tous les jours !?!"
Tout en parlant, elle indique à Sileas de retourner s'installer sur le lit, et ce dernier préfère obéir en soupirant, ne pouvant s'empêcher d'étirer un léger sourire qui est rapidement vu et lui vaut un petit coup de canne sur le front.
-"Et fais pas le malin, sinon ton prochain cataplasme il sera mélangé au gros sel, que tu me dises si tu apprécies les traitement de grand mère Lyiue ! Je vous jure les jeunes, ils n'ont plus aucun respect..."
Et elle continue ainsi, défaisant le bandage légèrement ensanglanté avant de venir appliquer une nouvelle mixture, mélange de plantes transformé en épais baume qu'elle applique sur la plaie suturée pour la faire dégonfler et empêcher les infections. Les évènements de la veille finissent par lui revenir, et le blond serre les dents en repensant à la désinfection particulièrement brutale qu'il a du vivre avant de se faire suturer... Non, définitivement, se faire blesser n'a rien d'agréable. Mais pendant que l'ancêtre travaille à assainir sa plaie, il peut enfin parler.
-"Je ne vous voulais absolument aucune malice... Et merci de nous avoir soigné en tout cas. Je sais que c'est jamais agréable de se retrouver à charcuter des gens, mais vous avez peut être sauvé la vie de Calcilia."
Lyiue s'apaisait presque, avant de laisser échapper un "pfeuh" mécontent au presque. Elle termine ses soins sans rajouter grand chose, avant de se relever en grondant, agitant de nouveau sa canne qui semble bien plus faite pour infliger des souffrances que pour soulager son propre dos.
-"Du repos j'ai dis ! C'est encore frais, ne vas pas tout rouvrir en faisant l'imbécile ! Je vous connais vous les jeunes ! Ca veut déjà repartir à l'aventure et se faire charcuter de nouveau. "Oui mais grand mère, regarde, ce bandit il a une bourse toute brillante, elle irait super bien à ma collection de bricoles qui servent à rien !" Vous êtes pires que des pies, à courir après le premier objet qui semble avoir de la valeur !"
Sileas allait rajouter quelque chose, avant de se prendre un coup de canne de nouveau, juste pour faire bonne mesure. Suite à cet affront, il préfère ne rien dire et simplement se recoucher après avoir mangé un bout. Cette fois, il n'émerge que l'après midi. Bien plus vigoureux, il s'habille un peu plus chaudement pour faire un petit tour du village et des alentours, ayant pensé à attacher une simple épée à sa taille, au cas-où. Bien sur, elle n'est pas particulièrement utile et bien rapidement la nuit tombe. Cette petite ballade lui aura au moins permis de rudimentairement se localiser dans les montagnes. C'est qu'avec les évènements de la veille, il avait presque perdu sa localisation.
Rentrant avec le soleil qui se couche, il vient prendre un repas qui a été prévu à son égard sur la table, surement pendant qu'il n'était pas la, avec un soupir d'aise. La nourriture est simple mais nourrissante. Plus inquiétant par contre est l'état de la barde qui ne semble pas s'en remettre et dort encore. Avec un soupir, le blond la veille un moment, avant de finir par lui même se coucher après avoir soufflé.
-"Toujours à en faire trop, tu ne sais jamais quand tu dois t'arrêter. Espérons que tu récupères vite, ou que ce fameux commanditaire commence à manquer d'hommes à nous envoyer."
Le lendemain matin, même routine avec la guérisseuse. Mais cette fois, l'aventurier ne se sent pas de rester. S'équipant un peu plus lourdement sans mettre encore son armure, il se décide à partir un peu en forêt, pour se dégourdir les muscles et juste profiter de la belle matinée qui s'offre. Entre sa chemise, sa tenue de cuir et son épaisse cape, aucun risque de n'avoir froid, et c'est de belles heures qu'il passe ainsi dans la forêt. Ces dernières lui permettent en même temps de faire le point sur la situation, et dès que la barde sera remise et en état, ils devront reprendre la route, vers ce fameux village connu de la barde.
Et c'est le visage de cette dernière qu'il aperçoit bien rapidement en rentrant dans ce petit hameau dans lequel ils ont élus domicile. Cette dernière semble bien plus en forme, et l'aventurier s'approche d'elle avec un sourire, la détaillant de bas en haut pour s'assurer qu'elle va bien.
-"Calcilia ! Je suis content de voir que tu sembles remise. Tu as dormi un bon moment tout de même, je commençais à m'inquiéter. Si tu te sens d'attaque, je propose qu'un règle les derniers détails ici et que l'on reparte ? On a surement encore de la route, et je pense que comme moi, tu n'as pas envie de prendre trop de retard. J'aimerais pas apporter des ennuis à ces villageois qui semblent si accueillants à notre égard."
Car en effet, il n'a absolument rien à redire sur l'accueil de cette communauté. Et il serait réellement attristé d'attirer sur eux les foudres d'un autre groupe de bandits, qui sera surement cette fois bien mieux préparé...
- Mais non, mais non ! Rit la barde en esquivant un énième coup. Je te dis simplement que je vais bien mieux, je peux bien aller le retrouver !
- Un jour tu n’auras pas autant de chance et tu ne viendras plus voir les enfants !»
Jouant de sa canne au-dessus de sa tête, Lyiue finit par la prendre en traître en venant appuyer sur les plaies de la jeune femme encore à vif. Celle-ci grimaça en reculant, elle l’avait à peine effleurée, mais il était évidemment qu’elle était loin d’être guérie. Devant l’air victorieux de la bonne femme, Calcilia leva les yeux au ciel, puis s’assit sur les marches du bâtiment, non sans émettre un léger grognement douloureux. Comme si c’était une évidence, son regard ne reflétait aucune crainte ni regret alors qu’elle observait la place du village déjà bien animée.
« Tu sais bien que c’est la vie que j’ai choisi de mener, j’ai hérité ça de ton fils. »
La soigneuse ne réagit pas immédiatement, avant de soupirer longuement de lassitude.
« Ne te trompe pas de voie Calcilia. »
Un sourire énigmatique étira ses lèvres, mais la barde ne répondit pas.
Lorsqu’elle aperçut la silhouette de l’aventurier se diriger vers elles, Calcilia lui fit un grand mouvement de la main pour le saluer, se redressant aussitôt pour venir à sa rencontre. Son visage s’était éclairé et ses lèvres s’étiraient d’un large sourire. Elle se pencha pour tourner un moment autour de Sileas, s’assurant également que celui-ci ne souffre pas non plus de graves séquelles. Lorsqu’elle fut satisfaite de son inspection, la jeune femme revint face à lui. Ses bras entourèrent sa nuque et elle l’enlaça, se mettant sur la pointe des pieds. Une étreinte simple, loin des moqueries habituelles de la barde.
Calcilia s’éloigna ensuite en déposant une main sur sa joue. Puis hocha vivement la tête, elle non plus ne souhaitait pas mettre les habitants du village en danger, tout comme elle s’inquiétait, pour celui vers lequel ils se dirigeaient. Mais avant de se lancer aveuglément à la poursuite de leur quête, ils devraient mettre en place un plan d’action.
Elle coula un regard affectueux dans sa direction, puis saisit sa main entre les siennes en le flashant d’un sourire délicat.
« Je suis contente de voir que tu vas bien aussi, souffla-t-elle rassurée. Désolée d’avoir été un boulet, j’aurais préféré que tu n’aies pas à souffrir d’une telle blessure. Je m’assurerai la prochaine fois de tenir ma magie autour de toi. Surtout que c’est à cause de moi que t’as été blessé… »
S’il n’avait pas essayé de la protéger d’un projectile, Sileas n’aurait pas eu à souffrir d’un nouveau stigmate à son palmarès. Calcilia poussa un profond soupir, regrettant d’avoir encore dû compter sur les armes de quelqu’un d’autre, et c’était bien la raison pour laquelle elle préférait agir seule dans ce genre de cas. Mais elle repoussa rapidement cette idée, l’aventurier ne l’excuserait probablement pas une seconde fois si elle tentait de lui fausser compagnie.
Perdue dans ses pensées, elle ne sentit pas la vieille Lyiue lui asséner un nouveau coup de bâton sur le crâne. Le deuxième était destiné à son ami. La soigneuse les houspilla d’un ton véhément en les poussant à rejoindre le chalet.
« Vous n’allez nulle part les enfants ! Pas tant que vous ne serez pas guéris ! Et mamie Lyiue est là pour veiller au grain. Si ingrats les enfants de nos jours, c’est pas comme ça que j’ai éduqué les miens ! »
Bien que grognant légèrement, Calcilia obtempéra et rentra dans le bâtiment ponctuant les plaintes de la petite vieille, de rires amusés. Ce qui agaça d’autant plus la soigneuse. Celle-ci en profita pour s’occuper des deux blessés malgré les réticences de la barde. Et si ce n’était pas très joli à voir, les plaies n’avaient pas gonflé et étaient en bonne voie de guérison, à condition qu’ils fassent attention à ne pas remuer stupidement leurs épées.
« Vous n’allez pas pouvoir reprendre la route tout de suite les enfants, sinon je vous colle au lit pour une semaine. La cicatrisation n’a même pas encore bien commencé.
- Mais…
- Ne me réponds pas gamine, tu ne t’es même pas rendue compte que la lame qui t’a touchée a manqué de t’ouvrir le ventre. Encore un peu et je n’aurais rien pu faire pour toi. Alors tu vas sagement rester au lit.
- On peut pas rester ici ! Rétorqua Calcilia en se redressant. Tu sais très bien ce qu’il s’est passé, je ne veux pas prendre le risque que vous soyez sur leur liste parce que nous sommes restés trop longtemps ici.
- Arrête d’être stupide ! Tu nous crois sans ressources ? Je te rappelle qu’il y a un poste de garde à deux kilomètres d’ici. Ils n’oseront jamais s’attaquer au village. Et d’ailleurs vous avez eu de la chance avec vos bêtises que nous ayons pu faire passer votre altercation pour un simple règlement de compte ! »
Calcilia baissa les yeux comme une enfant qui se faisait réprimander sévèrement. Puis lorsque la petite vieille termina sa leçon de morale, elle leur claqua la porte au nez en appuyant bien sur le « Vous restez ici encore trois jours, c’est un ordre. » La barde poussa un profond soupir en venant poser sa tête sur les cuisses de l’aventurier, morose. Rester confinés dans le village allait lui paraître terriblement long, mais Lyiue avait raison sur un point, ils ne pouvaient pas faire des folies avec leurs blessures. Et s’ils rencontraient sur le chemin de nouveaux mercenaires, elle n’était pas certaine de s’en sortir aussi bien.
Elle s’allongea sur le dos pour regarder le profil de l’aventurier, venant appuyer délicatement son doigt sur son menton pour attirer son attention.
« Je pense que nous n’avons pas le choix, murmura-t-elle pensivement. Comment va ta blessure ? »
Lorsqu’elle réussit à attirer son regard sur elle, la paume de sa main épousa la joue de Sileas. La barde profita de ce moment de répit, toute trace de malice ayant déserté son visage. Bientôt son regard se fit plus sérieux alors qu’elle réalisait désormais l’ampleur de la situation dans laquelle ils se trouvaient.
« Je ne pensais pas cette histoire si sérieuse… Confia-t-elle. Tu penses qu’on devrait laisser la main à la garde ? Peut-être que nous avons creusé sur un terrain qui nous dépasse. »
Finalement, Calcilia se redressa pour arpenter la pièce, considérant les options qui leur étaient données. Elle ne désirait pas se mettre et mettre Sileas en danger outre mesure, et leurs poursuivants étaient bien décidés à récupérer cet orbe. Qu’avait-il de si précieux ? Qu’ouvrait-il de si précieux ? Après quelques pas, la barde revint s’allonger contre l’aventurier en soupirant par le nez, les pensées polluées par cette histoire.
« Pourquoi cette petite avait un truc aussi précieux dans les mains… ? Ça n’a pas de sens… »
Lassée de trop réfléchir, elle poussa son ami à s’allonger à ses côtés pour se lover entre ses bras, la tête enfouie contre son torse.
-"Arrête de penser que tu es un boulet. C'était deux contre quatre, cinq même en comptant l'archer. Tu aurais été un boulet, on ne s'en serait même pas sortis vivants. Et je ne suis pas en sucre non plus, ce n'est pas une lance barbelée qui va me tuer. Enfin, pas dans le gras."
Quelle erreur d'avoir prononcé ces paroles. La soigneuse passait par la, et c'est son bâton qui annonce son arrivée, arrachant un grognement de douleur et de surprise à l'aventurier. Sans protester plus que cela il retourne dans le chalet, sachant bien que malgré ses méthodes discutables, la vieille a raison. Ils ont quand même reçus leur lot de blessures et ont besoin de repos, qu'ils le veuillent ou non. Fort heureusement, c'est Calcilia qui pose sur la table le sujet qui fâche et leur volonté de ne pas mettre en danger les habitants du cru. Encore une fois, le blond laisse passer la tempête. Effectivement, Lyiue marque un point, et même plusieurs. Finalement la porte se ferme et la sentence tombe. Glissant une main dans la chevelure de la barde, l'homme souffle un rire durant quelques secondes.
-"Ça ne me ravit pas plus que toi, mais elle a raison. Si on repart ainsi, la première difficulté pourrait être fatale. Il va falloir néanmoins être prudents. Même si la garde a un poste non loin, cela ne veut pas dire qu'ils pourront faire grand chose. La garde est mignonne, mais en cas de problème, elle arrivera trop tard pour régler quoi que ce soit."
Et même si il ne le dit pas à voix haute, n'importe qui d'un peu malin pourra aisément réduire la liste de leurs possibles lieux de repos. Car il est pour ainsi dire impossible pour eux d'avoir pu s'en sortir sans demander au minimum des soins, et si les villages sont nombreux, ils ne sont pas non plus si densément rassemblés qu'il est impossible de retrouver quelqu'un quand on le cherche. Surtout deux aventuriers dont une demoiselle à la chevelure bleutée et la langue bien pendue. Tournant lentement la tête vers elle quand elle cherche son regard il sourit de nouveau, amusé de sa question.
-"Elle va bien, ne t'en fais donc pas pour moi. C'est toi qui a été le plus durement touchée dans l'affaire, surtout que tu étais déjà blessée. Même si nous n'aimons pas cela, ces quelques jours loin des ennuis ne nous feront définitivement pas de mal."
Et paradoxalement, du duo, c'est elle qui semble vivre le plus mal ce repos forcé alors qu'elle commence à tourner comme un animal en cage dans la pièce. Sileas ferme les yeux, prenant son mal en patience. Trois jours, cela va être long et rapide en même temps, et plutôt que de compter les heures qui défilent, autant essayer de combler cela de manière productive, ou au moins reposante. Sentant la demoiselle revenir contre lui et chercher à se blottir, le blond lui ouvre les bras pour la laisser s'installer, resserrant légèrement sa prise en ne prenant même pas la peine d'ouvrir l’œil.
-"J'y ai songé, la garde serait surement plus adaptée que nous pour gérer cette histoire... Mais au fond elle n'en sait pas plus sur cette affaire. Et comme tu le dis, cela ne fait aucun sens d'avoir un objet qui semble si précieux dans les mains d'une fillette. Sauf si tout le monde ignore sa réelle valeur. Ou si encore le village cache quelque chose au reste du monde et que son secret a été éventé. Les deux sont possibles. Ou encore de simples rumeurs et légendes sans fondement mais qui ont attirés l'attention d'un riche avec trop d'argent et de rêves."
Nouveau soupir. Cette histoire est à en perdre la tête. Trop d'inconnues, d'illogismes. Sileas ne sait réellement pas quoi en penser de tout cela. Et pourtant, au fond de lui une certaine curiosité subsiste, et c'est cette dernière qui le pousse à continuer, ne pas abandonner cette affaire dans d'autres mains, alors qu'il reprend.
-"Mais maintenant qu'on s'est déjà fait blesser pour cette orbe à la con, et que si on explique tout à la garde -qui fera vite le lien entre cette affaire et les fameux morts d'un règlement de compte sur la route-, on risque d'avoir de sérieux ennuis... Je pense qu'on va devoir régler cela de nous même, que l'on apprécie ou non le résultat. Et d'ici la, on ferait mieux de se reposer de notre mieux, car je sens que les prochains jours ne vont pas être reposants."
Alors, sur ce point, Sileas a tort. En effet, les trois ou quatre prochains jours vont l'être énormément, presque trop. La suite par contre, c'est une toute autre histoire... Mais pour l'instant, tout ce qui compte est ce lit particulièrement confortable pour s'endormir, et de quoi s'occuper l'esprit durant les moments éveillés. Heureusement, entre Calcilia et le contenu de son sac sans fond, l'aventurier se doute bien qu'il ne va pas s'ennuyer même si ils sont au repos forcé durant quelques jours. Et la forêt aux alentours semble agréable, ça sera l'occasion de la visiter un peu plus en détail.