La fin d'un cycle
Ses pas dans la neige s'effaçaient rapidement sous le torrent de flocons. Pourtant, elle avait la fierté naïve d'avoir laissé une trace dans ce monde. Elle s'en foutait bien de ce qui se passerait après qu'elle soit partie, mais au moins, elle serait heureuse au moment du départ. C'est ce qu'elle avait souhaité. Emmitouflée dans des habits flanqués d'une myriade d'enchantements adaptés au froid et au pèlerinage, elle pouvait prendre le temps d'apprécier la balade. Azel aussi avait bon dans cet environnement glacial.
Les traits du poste de frontière apparaissaient timidement dans la tempête blanche, tout proches. Comme toujours, elle était sereine, malgré ce qu'elle s'apprêtait à faire. Un sourire léger, témoin d'un bonheur simple et sincère, donnait un peu de chaleur à son visage. Sous sa cape caméléon, difficile de la voir dans le blizzard: elle signala sa présence en appelant les gardes à la surveillance. Entrer dans le poste était la partie facile. On lui ouvra les portes lorsqu'elle montra son badge saphir.
À l'intérieur, elle fut rapidement accueillie par un petit attroupement de gardes curieux. Arya contrastait sur leurs mines graves, avec son air détendu et son thermo magique plein de thé fumant. L'un d'entre eux, certainement le plus gradé, s'enquit de la situation.
- Arya Tolevira, c'est ça? Que nous vaut la visite d'une Saphir dans un endroit pareil?
- Je dois me rendre quelque part. Il me semble que c'est le seul chemin que je puisse emprunter pour y arriver... Vous pouvez m'ouvrir les portes?
- Hum, désolé Mad'moiselle, mais on n'a pas reçu l'instruction de laisser passer quiconque. C'est la guilde qui vous envoie?
- Non, dit-elle dans un soupir. Un tentacule, couvert d'écailles violettes, émergea de son dos et se mit à coulisser lentement jusqu'au sol alors qu'elle parlait. Je suis désolée de vous ennuyer avec ça, mais il va falloir que je passe, d'une manière ou d'une autre. Je ne reviendrai pas, vous n'aurez pas besoin de vous inquiéter de mon retour.
Le garde remarqua le tentacule, qui continuait de grandir et de s'élargir en s'enroulant autour des pieds de l'aventurière. Il devint nerveux en comprenant la situation, la main sur le pommeau de son épée.
- Vous auriez pu choisir un endroit plus simple pour mourir. Il marqua une pause pour réfléchir, sans quitter des yeux l'appendice qui atteignait maintenant les huit mètres de long. J'préfère vous laisser passer que vous combattre. Mais c'est votre dernière chance de rebrousser chemin, Miss... Vous faites peut-être le poids contre quelques gardes, mais pas contre les horreurs qui vivent là-bas, croyez-moi.
- C'est justement pour ça que je ne pouvais pas choisir d'endroit plus simple. Merci de votre compréhension.
Elle rangea son membre et se posta devant la porte qui menait au ravin, dernier obstacle la séparant du grand nord. Encore hésitant, le garde jura avant de donner l'ordre de faire ouvrir la porte, prévenant Arya qu'elle ne resterait ouverte qu'un instant. Dès que le passage fut libre, la jeune femme s'y engouffra, et la porte se referma derrière elle.
Voilà, elle y était. En dehors de la prison. Elle goûtait enfin à la liberté, la vraie, celle dont elle avait tant fantasmé. Avançant vers l'inconnu, apaisée de tous ses doutes et ses craintes. Seule avec la nature sauvage et cruelle, le vent mordant et le plus beau des paysages. Dans ce milieu, elle se sentait en paix avec elle-même. Et elle avançait, riant toute seule de sa vie, en admirant les montagnes qui bougeaient pour lui offrir une dernière danse.