Enfin, pas exactement. Est-ce qu’il y a vraiment un moment où la guilde se couche ? C’est comme un vieux relais de montagne, la porte est toujours ouverte. Plus ou moins. La notion du temps semble avoir été perdue depuis bien longtemps pour beaucoup. Tarek a levé les yeux de ses dossiers quand Gris et Roux ont miaulé pour leur nourriture. Les yeux piquaient et il n’avait pas vraiment notion depuis combien de temps il parcourait et étudiait les rapports de mission par rapport au retour des clients pour les prochains paiements.
Quoi qu’il en soit, il est cinq heures et dans la cuisine de la guilde, enfin, plus le bar de la guilde pour être exact, il se faisait chauffer de l’eau pour un petit remontant. Est-ce qu’il devait rentrer chez lui pour dormir un peu ? Surement. Mais pas sans avoir l’esprit un peu moins endormi et que ses chats n'ont pu manger. Pire que des chiens, ces deux-là à le suivre et jouer dans son périmètre.
— Oh ! Bon… jour ? On dit bien bonjour même si le soleil n’est pas encore debout n’est-ce pas ?
Il a un doute sur les conventions sociales d’un coup. Il hausse les épaules comme pour se répondre à lui-même au final. Qu’importe au final.
— Je te prépare une boisson aussi Nevaeh ? Tu commences ou termines ta journée ?
Sa façon de lui demander si cela allait bien. Une façon aussi de faire le point du niveau de fatigue de l’hôte de guilde en face. Est-ce qu’il pouvait tout de suite parler travail ou est-ce qu’il faudrait attendre une prochaine fois ? Quoi que, il était aussi possible que la jeune femme est terminé elle-même une quête et souhaite faire un rapport.
— Aucune blessure mortelle à déplorer ?
Même si la formulation était tout sauf rassurante c’était aussi sa façon à lui d’accueillir ses proches. Avant de vraiment discuter, il fallait savoir si la personne n’allait pas nous crever sous le nez après tout. Il se souvient d’un aventurier stressé ayant voulu rendre son rapport de quête avant d’aller se faire soigner, résultat, même s’il était encore en vie il n’était plus aventurier.
— J’aurais dû demander cela en premier. Je suis désolé.
Et il l’était. Il sourit à la jeune femme comme on lui a toujours appris à le faire sans trop savoir pourquoi c’était vraiment bien et donna un bout de poisson fumé à Roux et Gris qui miaulaient toujours dans ses jambes.
Il est cinq heures et il n’a pas sommeil encore de toute manière.
Tifié
Était-ce la capitale qui ne dormait jamais ou était-ce seulement la guilde ? Peu importe l’heure, il y avait toujours un client ayant besoin d’un aventurier et il y avait toujours des aventuriers à la recherche de travail. C’était à croire que personne ne dormait dans cette ville. Ni les clients, ni les aventuriers ni même les hôtes qui devaient toujours être présents pour répondre aux besoins de tout le monde. De jour ou de nuit, il était impossible de trouver la guilde vide.
Il était encore très tôt lorsque Nevaeh arriva à l’établissement pour remplacer une collègue qui avait travaillé toute la nuit. Bien qu’elle aimât commencer tôt pour avoir le reste de l’après-midi pour s’entraîner, puis traîner dans les tavernes le soir, ce matin elle aurait bien dormi un peu plus longtemps. Même arriver à son lieu de travail, elle pouvait encore entendre l’appel de son lit qui lui manquait déjà un peu. Malgré ce manque de sommeil, cela ne l’empêchait pas d’être de bonne humeur en voyant Tarek.
« Je pense… ? Nous ne sommes plus nuit et je suis réveillée que depuis peu… Donc… Bon matin. »
Toujours prête à répondre à des questions, elle se creusa les méninges pour essayer de trouver une réponse convenable pour son collègue. La ligne divisant le matin et la nuit était parfois floue. Si elle dormait et le bruit extérieur devait la réveiller vers trois heures, elle aurait dit qui faisait nuit. Mais si elle devait commencer à travailler et se lever volontairement vers trois heures, alors il était le matin… Peut-être que le temps n’était qu’une question de perspective.
« Je la commence, je remplace Alina ce matin et un thé serait très apprécié. »
S’approchant de lui, deux autres petites créatures vinrent la saluer avec un miaulement. Avec un sourire, elle se pencha pour gratter leur tête derrière les oreilles. Satisfaits d’avoir réclamer l’attention de l’hôtesse, les chats décidèrent de la laisser tranquille étant bien plus intéressés par le morceau de poisson.
« Je ne pense pas ? Personne ne m’a signalé que quelque chose important s’était passé durant la nuit. »
Elle était un peu confuse par la question, ne comprenant pas qu’il lui demandait si elle allait bien. Si quelque chose s’était passé, alors Alina avait oublié de le mentionner. Et puis… S’il avait été là toute la nuit, n’aurait-il pas été déjà au courant que quelqu’un soit blessé mortellement ?
« Ah, ne t’en fais pas, inutile de t’excuser. »
Le thé maintenant près, elle prit la tasse bien chaude dans ses mains et la leva jusqu’à son visage pour savourer l’odeur de celui-ci. Elle lui sourit et le remercia pour la boisson.
« Sinon, toi Tarek, ta journée commence ou termine ? »
Il n’avait pas l’air d’être fatiguer et elle ne voyait pas de cerne sous ses yeux. Cependant, il semblait avoir été là depuis un moment déjà puisqu’il était là avant qu’elle n’arrive. Peut-être qu’il était simplement arrivé un peu avant elle et qu’ils allaient passer la journée ensemble ? Cela allait s’annoncer agréable si c’était le cas.
— C’est bien que tu ne sois pas blessé. C’est toujours problématique de l’être.
Cela ralentit le travail en plus d’être mauvais pour la santé. C’est deux choses importantes. Le travail permet d’avoir assez de cristaux pour mener une vie bien tout en s’occupant l’esprit. Il aurait été certainement compliqué pour Nevaeh d’être blessé.
— J’ai normalement terminé, mais il y a encore des dossiers en attente. Rien d’urgent heureusement, la dernière plainte de client a été traitée, mais il manque le témoignage de l’aventurier Galibier pour clôturer cela.
Sombre et classique histoire de geste vu comme déplacé d’un côté lors d’une escorte alors que c’était une prérogative à l’utilisation du pouvoir de l’aventurier en question. C’est compliqué d’expliquer que non, un aventurier n’est pas exhibitionniste, il se met à nue simplement pour mieux défendre la cible. Il serait tout de même de bon ton que Galibier arrive à régler ce souci de vêtement pour le bien de ses relations entre la guilde et la clientèle qu’il escorte en quête.
Une petite ébullition semble se former. Quatre-vingt-cinq degrés à vue de nez. Il faudra un thermomètre magique pour évaluer cela rapidement. Pour prendre la température des aventuriers aussi. Parfois savoir si on parle à une personne ivre ou malade aide à orienter la conversation ou les boissons à offrir plus facilement. Moins de risque de vomir sur les documents.
Il verse l’eau doucement sur le thé, remplissant la théière à son maximum. Thé vert au citron et riz soufflé. Une odeur douce de tarte au citron meringué chaude se met à flotter dans l’air doucement. Les yeux sur la pendule au fond, il compte les trois minutes exactes d’infusion. Pensez à ajouter un tempus dans la liste de course. Il aurait eu le temps il aurait pris aussi une vraie tarte au citron pour accompagner l’odeur quoi que, peut-être un désert au fruit rouge aurait été plus adapté pour varier les plaisirs. À réfléchir pour une prochaine fois.
— Je ne suis pas encore fatigué et personne ne m’attend à la maison, donc si tu veux on peut commencer ta journée de travail ensemble.
C’était un simple constat. Accros au travail comme il était, c’était les points qui préoccupent vraiment Tarek pour avoir une justification de rentrer chez lui. Il aime bien aussi travailler et fréquenter Nevaeh en prime, donc rester ne serait que bénéfique. Les trois minutes passent et il sort le thé et verse le liquide ambré dans les deux tasses avant d’en tendre une à sa collègue.
— Est-ce que tu souhaites du sucre ou du citron avec ? Le lait tourne dans cette infusion et rend malade.
Lui de son côté attrape un citron, le fait rouler sur la table en l’écrasant de sa main avant de le couper et en verser quelques gouttes dans son breuvage et remuer le tout. L’odeur éclate un peu plus et une envie de tartelette aux framboises arrive. En fond il y a le bruit de bottes qui claque sur le sol et de grognement, visiblement des aventuriers viennent de passer la porte de l’accueil.
Tifié
Être blessé n’est pas que problématique. Ça fait mal et il faut dire que Nevaeh n’est pas quelqu’un appréciant la douleur. De plus, en étant blessée, elle savait qu’elle devait écouter son frère la réprimander. Entre la douleur engendrer par les blessures et le mal de tête qui suivait la visite de son frère, elle n’était pas certaine ce qui était le pire. Alors, même s’il faut dire qu’il lui arrivait d’être imprudente, elle faisait son possible pour éviter d’être blessé par sa témérité. Cela dit, parfois, elle avait l’impression que certains aventuriers prenaient plaisir à se blesser. Ou ils craignaient d’aller voir un docteur. Dans tous les cas, le sang était particulièrement difficile à enlever du comptoir et ruinait les documents.
« Ah, lui. Ce n’est pas la première plainte, je crois. Il devrait vraiment investir dans un objet enchanté pour l’aider à régler ce problème. »
Elle avait entendu parler de la plainte. En se souvenant de ce qu’on lui avait raconté, elle ne put s’empêcher de rire un peu. Le rouge de ses joues de la cliente s’était propagé sur son visage en entier lorsqu’elle expliqua que l’aventurier s’était dénudé devant elle. La voix de la demoiselle avait monté d’un ou deux octaves durant l’échange. C’était probablement la première fois qu’elle voyait un homme complètement nu. Bien que Nevaeh n’avait pas beaucoup de pudeur, voir quelqu’un retirer ses vêtements au milieu de nulle part avec très peu d’explication au préalable pouvait être surprenant.
« Sinon, il pourrait investir dans une pancarte pour que les gens ne soient pas trop choquées. »
Elle ponctua ses paroles avec un dernier ricanement lorsque l’odeur de tarte aux citrons chatouilla ses narines. Si elle ne savait pas que son collègue préparait du thé, elle aurait pu croire qu’il cuisinait une vraie tarte au comptoir. Si elle n’avait pas faim plus tôt ce matin, le thé lui donnait envie de manger. Peut-être des petits biscuits secs seraient idéals pour accompagner le breuvage ? Avant de répondre à Tarek, elle prit une petite gorgée. Il était assez sucré à son goût et elle goûtait parfaitement le citron. Mais en voyant le rouquin ajouter quelques gouttes de citron, elle voulut faire la même chose.
« Juste un peu de citron s'il te plait. »
Tandis qu’elle lui tendit sa tasse pour qu’il lui rajoute du citron, son attention fut dirigée vers la porte qui s’ouvrit laissant voir un groupe de quatre aventuriers. Elle déposa sa tasse avant de prendre quelques pas vers eux et d'observer leur apparence. Leur mission n’avait pas dû être de tout repos. Comme un soleil s’étant levé trop tôt, elle les aborda avec un grand sourire et trop d’énergie pour le groupe.
« Bon matin ! Comment puis-je vous aider ? »
N’étant pas prêt à faire face à quelqu’un d’énergétique à une telle heure, les premières réponses qu’elle reçut fut quelques grognements supplémentaires. Après quelques secondes, le jeune homme le plus près força un léger sourire sur son visage.
« On vient déclarer une quête terminer. Celle avec la tissenuit. »
Sans plus de cérémonie, il lui tendit sa plaque d’aventurier qu’elle attrapa pour vérifier son identité pour ensuite retrouver le comptoir. Après quelques instants, elle trouva leur fiche et la mission en question.
« Ah, oui. Vous étiez censé récolter leurs toiles et les ramener pour les clients. Tout s’est bien passé ? »
— Si cela continue, il va avoir une suspension de ses autorisations de quête avec client à l’intérieur… ou avec d’autres aventuriers ayant du mal avec cela…
Il y avait aussi eu des plaintes d’aventuriers, de sexe et âge divers, ce étant plains à son bureau là-dessus. Les corps entièrement nus étaient visiblement un souci majeur pour beaucoup de monde. Les plaintes étaient d’ailleurs plus souvent de la part de personne masculine que féminine au sein de la guilde. Est-ce qu’il avait toute une absence de pénis pour réagir ainsi à la vue d’un autre quand la personne ne fait qu’utiliser son pouvoir ? Étrange.
— Si seulement la pancarte fonctionnait. Même quand c’est écrit, il y a des gens qui ne prennent visiblement pas le temps de lire. Trop compliqué.
Ce n’est même pas de l’ironie, la lecture n’est pas le fort de tous. Même avec des dessins simples il y avait encore pas mal de gens qui ne voyaient pas forcément l’intérêt de savoir lire ou écrire. Combien de fois est-ce qu’il avait dû lire et relire ou expliquer des quêtes à des aventuriers qui avaient simplement vu le montant de cristaux en bas de la feuille ? Bien trop de fois, heureusement, souvent ils connaissaient les bases, mais clairement, ils n’étaient pas devenus aventuriers pour faire des recherches scientifiques pour la plus grande majorité.
Les aventuriers qui arrivent sont tous en bon état visiblement. Il ne leur manque pas de membres en tout cas. Pas plus que la dernière fois qu’ils étaient venus. Enfin. Si. Il manquait un bout visiblement.
— Le haut de l’oreille droite est à mettre en dommage physique.
— Oh ! Tu as vu Tarek ?
— Oui.
— Hum… C’est un peu gênant, ce n’est pas une perte de la quête.
— Pas exactement de la quête.
— Il a trébuché sur une pierre sur le retour et c’est mal pris une branche en tombant. On devait aller voir un soigneur pour une potion de soin.
L’examinateur de guilde hoche la tête et prépare machinalement un remontant pour les quatre aventuriers. De simples bières, pas les meilleurs disponible, mais qui permet de décompresser un peu le temps du remplissage de rapport.
— Tout s’est bien passé sinon. Mise à part la chute sur le retour. Enfin, pas totalement.
— Oui, on a du mal à trouver une tissenuit qui avait établi une toile, c’est comme si quelqu’un les chassait en même temps que nous, mais on n’a croisé personne.
— Mais si, on a croisé une gamine.
— Tu as cru voir une gamine, nuance.
Un grognement en réponse à cela et visiblement cela sera un des mystères étranges à démêler sur cette quête.
— Est-ce que vous avez besoin d’aide pour remplir votre rapport de mission ?
Un long soupir lui répond et un d’entre eux secoue la tête en sortant une scribouilleuse de son sac au même moment.
— Normalement, c’est bon.
— Bien.
Il ne devrait même plus s’occuper de cela à cette heure-ci, mais c’est plus fort que lui. Gris et Roux viennent se frotter contre lui en ronronnant et il reprend son thé entre ses lèvres pour le boire doucement.
Tifié
Les tissenuits. Ce n’était pas une créature très agréable à regarder ni à affronter. Elle n’était pas une créature particulièrement dangereuse, surtout comparée aux autres bestioles pouvant être trouvé dans les montagnes. En revanche, il ne s’agissait pas d’un monstre complètement inoffensif. Au vu leur taille, elles ne s’abattaient pas d’un seul coup d’épée. Même si la mission ne constituait pas une chasse de créature, pour se procurer la toile, les aventuriers avaient très certainement dû se battre contre une araignée géante. Les marques de combat étaient visibles sur leurs vêtements et leur armure. La fatigue était aussi visible sur leur visage, mais cela, elle ne pouvait pas dire si ça provenait de la mission ou simplement parce qu’il était encore tôt.
« Vaut mieux le haut d’une oreille qu’un bras. »
L’idéal serait de ne perdre aucun morceau, mais entre perdre un bras ou un morceau d’oreille, c’était préférable perdre la dernière option. Même avec un bout en moins, il pouvait encore entendre. Ses mouvements n’étaient pas non plus affectés pas le manque d’oreille. Perdre un membre comme un bras aurait été problématique. Il faut s’adapter à cette nouvelle réalité. Si elle devait perdre le sien, elle pouvait dire adieu à son arc. Après tout, il serait impossible de tirer une flèche si elle n’avait pas de bras pour bander l’arc.
« Une gamine ? Les tissenuits vivent généralement dans des grottes. Ce n’est pas un endroit idéal pour des enfants. »
Nevaeh savait à quel point il était facile de se perdre dans les grottes. Celles-ci formaient un labyrinthe énorme. Le réseau de cavernes et de petits tunnels pouvait devenir un vrai cauchemar lorsque l’on voulait rebrousser chemin. Pour s’assurer de pouvoir revoir la lumière du jour, il était important d’être préparé. Cela dit, on ne pouvait pas dire que l’hôtesse avait l’habitude de prendre beaucoup de temps pour s’équiper. Elle savait toutefois qu’une source de lumière était impérative, que ce soient des torches, des lanternes ou des lampes magiques. Sachant cela, il était étrange d’entendre qu’une enfant pouvait possiblement se balader dans un tel endroit.
« Il est le seul qui a supposément vu cette gamine. On n’a rien vu nous. »
« Très bien… Faites-moi signe si vous avez des questions. »
Peut-être avait-il vu son ombre et cru qu’il s’agissait d’une personne… Ce sera à découvrir. Les papiers en main, elle retourna vers le groupe qui avait pris place à une table avec leur bière. Elle redonna la plaque à l’homme et ceux-ci commencèrent à remplir les feuilles. Maintenant, que les aventuriers avaient tout ce dont ils avaient besoin pour faire leur rapport, elle retourna profiter du temps qu’elle avait avec son collègue. Avec le temps, qui s’était écoulé depuis que le thé avait été fait, celui-ci s’était légèrement refroidi. Ce n’était pas une mauvaise chose. Maintenant, elle pouvait le boire sans craindre de se brûler les lèvres ou la langue. Peut-être était-ce parce que cela faisait un moment qu’elle était réveillée, mais après avoir pris une gorgée de thé, elle sentit la fatigue s’évaporer.
« Ah, j’allais oublier. Hier, je me suis promené dans les bois et j’ai vu un Shupon. Il dormait sur une branche, alors j’en ai profité pour le dessiner. »
Elle aimait bien prendre des marches dans les bois près de la capitale. Il y avait tant de belles choses à voir. Elle fouilla dans son sac un instant et trouva son carnet et tendit le dessin vers Tarek. Elle avait mis beaucoup de temps pour dessiner l’animal de façon réaliste.
« Peut-être que tu pourrais t’en inspirer pour tes prochains tatouages ? »
– Noter tout de même l’enfant dans le rapport, si jamais on a un cas de disparition ou des témoignages se recoupant.
Il n’a pas envie d’avoir de souci avec la garde parce que ce genre d’information n’a pas été remonté à temps. Même si c’est une simple illusion il vaut mieux le mettre que de retrouver un nouveau cadavre de cet enfant plus tard et se rendre compte de l’erreur de n’avoir rien dit, enfin écrite pour ce coup-là. Cela grogne un peu, mais c’est plus la fatigue qu’ils ont accumulée qu’autre chose qui parle sur le moment. Personne n’aime remplir les rapports. Encore moins les aventuriers fatigués qui viennent de finir leur mission et qui ont plus des envies d’alcool et lit douillé sur le moment.
L’attention de l’examinateur se retrouva très rapidement sur Nevaeh quand elle lui montrait son croquis. Il admira le coup de crayon et instinctivement commença à passer en boucle sur ses doigts au-dessus des traits de certains endroits comme pour s’imprégner du mouvement fait. Sans même réfléchir il laissa son pouvoir sortir et commença a mettre de la couleur sur le croquis de comment il y imaginais le tout avant de s’arrêter en plein mouvement et d’effacer toute son encre colorée d’une impulsion magique consciente que ça ne se faisait pas de dessiner par-dessus le croquis de quelqu’un, encore plus sans son avis.
– Désolé, je réfléchissais à comment lui donner vie au tatouage. Le rendu est bon. Est-ce que tu veux tester d’en avoir un sur ta peau ? C’est quel genre de tatouage que tu aimerais avoir sur toi ?
Il y a une certaine curiosité sur le sujet maintenant qu’elle en parle.
– Peut-être des bijoux éternels sur ta peau.
Il y avait bien des gens qui souhaitaient un maquillage éternel avec le tatouage alors des bijoux ou image de proche, voir prénom ça ne le choquait pas. Il avait bien eu un aventurier qui lui avait demandé de tatouer une fausse alliance pour une quête et ainsi être tranquille pendant cette dernière. Il n’avait pas bien compris le pourquoi du comment et avait simplement réalisé la demande. Quoi qu’il en soit il commença à dessiné de manière simpliste le shupon endormis réalisé par sa collègue, ressemblant presque à la simplification d’une fée si on ne connaissait pas la créature de base et y ajouta une couronne au-dessus de la tête cette fois avec bien plus de détail et cherchant à la rendre un peu réaliste avec le jeu des ombres pour tenter de lui offrir un relief plutôt viable.
Tifié
Ce n’était pas tout à fait un secret que Nevaeh n’aimait pas beaucoup son pouvoir. Ce n’était pas quelque chose qu’elle disait ouvertement, ni quelque chose qu’elle mentionnait souvent, mais c’était facile à deviner lorsqu’elle en parlait. Lorsqu’elle était aventurière, elle se plaignait souvent que celui-ci était inutile au combat. Aussi pratique que cela puisse sembler, lorsqu’il faut se battre contre un marchebrume c’est toujours plus agréable avoir un pouvoir offensif. Même un pouvoir plus défensif serait mieux qu’un pouvoir simplement utilitaire. Sa vision ne lui permettait pas de lire plus vite, ni d’avoir une mémoire photographique phénoménale. Si elle devait choisir entre son don ou celui de Tarek, elle préférait celui de son collègue. Non seulement celui-ci était pratique lorsqu’il travaillait, mais c’était toujours impressionnant de voir ses croquis prendre vie.
« Tu n’étais pas obligé de t’arrêter. J’aimais bien les couleurs que tu avais ajoutées. »
Maintenant que le dessin était revenu à son état naturel, Nevaeh avait l’impression que le shuppon était triste sans couleur.
« C’est une bonne question. Je n’ai jamais vraiment pensé à me faire tatouer quoi que ce soit. J’ai vu des personnes avec des tatouages fabuleux, mais je ne sais pas si j’aimerais en avoir. »
Il est vrai que des bijoux éternels pourrait être intéressant, elle aimait beaucoup ses bracelets et ses colliers. Cependant, avoir un vrai bijou était différent qu’un tatouage. Elle avait une mauvaise habitude de jouer avec son collier lorsqu’elle s’ennuyait. Il serait difficile de faire cela avec un tatouage. Et puis de l’encre, ça ne brille pas comme un bijou.
« La plupart des gens ont des tatouages avec une signification. J’aurais du mal à choisir quelque chose avec une certaine signification derrière. »
Certains avaient un tatouage représentant leur famille, leur familier ou même une personne chère n’étant plus de ce monde. Si elle devait immortaliser quelque chose sur sa peau, que devrait-elle choisir ? Un arc ? C’était son arme de prédilection. Peut-être un chien ou un chat, elle adorait les animaux. Le nom de quelqu’un ? Mais qui ? Les noms de sa famille ? Son camarade pourrait sûrement faire des tests, ce serait facile pour lui de modifier ou effacer un tatouage. En même temps, pourquoi lui faire utiliser son don lorsqu’elle ne savait pas ce qu’elle voulait.
Alors qu’elle réfléchissait à ce qu’elle pourrait possiblement se faire tatouer, elle jeta un coup d’œil vers la table où les aventuriers remplissaient leur rapport. Il faut dire que pour un aventurier, remplir des papiers était rarement la partie la plus excitante. Lorsqu’il s’agit de nouveaux aventuriers, la plupart sont toujours un peu surpris d’entendre qu’il y a des rapports à remplir. En même temps, une telle tâche n’est pas vraiment le point vendeur de la guilde. On n’attire pas des potentiels aventuriers en leur disant « Découvrez le monde, partez à l’aventure et remplissez des rapports ! » Il y a plus de chance que cela attire des gens préférant l’administration. Puisqu’il ne semblait pas avoir terminé ni d’avoir besoin d’aide, elle redirigea son attention vers Tarek.
« Toi, tu voudrais avoir un tatouage en particulier ? »
— Ton dessin donne envie de lui offrir ses couleurs.
Il l’écouta et comprenait son point de vue sur la question, en partie. Il aimait voir les traces d’encre, colorées ou non, traçant des formes qui représentent un bout de la personne qui les porte. Un bout de son histoire. Même les erreurs dues à l’âge ou à l’alcool avaient quelque chose de magique à observer, mais il est vrai que cela devait être une décision à prendre avec assez de recul pour vivre avec cela à vie.
— Tu n’es pas obligé de les avoir éternellement. Il faut simplement choisir le style de tatouage que tu veux en soi. Si tu fais un dessin à l’encre de fumée noire ou si c’est moi qui l’appose, il n’a pas besoin d’être éternel.
Quelque part sans même y faire attention c’était une invitation pour dessiner lui-même sur sa peau les motifs qui lui plairait. L’acte en soi était dans les contacts physiques qu’il acceptait le mieux. Utiliser la peau de l’autre comme une feuille de papier vierge avait quelque chose de vraiment plaisant. Il releva sa manche assez haut pour montrer le début d’un Ink qu’il se dessinait sur l’avant-bras gauche.
— Faire des dessins sur les rapports n’est pas une bonne chose à faire, j’oubliais parfois de les effacer et Lou m’a repris sur cela. Je ne sais pas si je voudrais moi-même avoir une œuvre de manière indélébile pour toujours sur moi, même pour mon pouvoir.
Il avait vu bien trop d’aventuriers avoir un tatouage magique rendu inutile suite à une mutilation de ce dernier lors d’une quête. Même si lui-même n’allait pas sur le terrain, il avait en mémoire certains regards amers sur ces marques de ce qui avait pu être leur puissance passée et qu’ils ne pouvaient rétablir soit pour des causes financières, soit simplement parce que même les meilleurs enchanteurs ne pouvaient rien y faire.
— Après, je sais que j’aime dessiner un peu tout, du moment que ce n’est pas des prénoms ou des dates. Même de manière temporaire je ne pense pas que cela soit une bonne chose.
Les relations humaines étaient trop fragiles, même avec des gens d’une même famille, pour les inscrire sur la peau. Ça aussi c’était quelque chose qu’il avait pu voir. Son visage fut un peu plus triste à ce rappel.
— Si c’est ce que tu souhaites, je ne te le conseille pas, mais c’est ta peau et tes choix. Est-ce que tu voudrais tenter quelque chose du coup ?
La peau de Neveah avait un bon potentiel pour des dessins dessus. Comme toutes les peaux en soit, mais c’est celle de sa collègue qu’il a à portée de main là tout de suite.
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