En soirée
Dans une taverne
Contexte libre
Avoir autant de narration que de dialogues.
Calcilia relâcha sa chope, bouche bée avant de rouler des yeux. Mais dans quel univers s'était-elle fichue en une soirée ? Une soirée identique à toutes les autres si ce n'était que la plupart des tourtereaux profitaient d’un restaurant avec oisiveté.
« Alors chéri, t’es bien mignon. Mais ta cible est plutôt par là, répondit-elle en désignant une demoiselle plus jeune et certainement dont l’âge correspondait mieux. Désolée, mais dans tous les cas, je ne regarde pas chez les plus jeunes. Tu aurais eu mon attention avec quelques années de plus. »
Elle lui offrit un clin d’œil suivi d’un baiser dans le vide, mais avant qu’elle ne puisse se lever, la fichue moule qu’était cet aventurier s’accrocha à la jambe de la barde qui le repoussa agacée.
« Mais c’est pas possible ! Ce n’est pas parce qu’on a partagé une quête que tu dois me suivre partout ! Rouspéta la jeune femme en s’animant de vifs mouvements impétueux. Et je n’ai pas de temps à perdre avec tes bêtises.
- Une soirée ? Chouina l’aventurier dans ses jupes.
- Non.
- Une heure ?
- Non plus. Maintenant vire tes pattes de ma jambe. Je suis fatiguée et j’aimerais profiter de ma soirée. Seule.
- Mais Calciliiiiiiaaaaa ! »
Quittant quelques secondes sa chope des mains, la barde se leva sous le regard brillant d’espoir du Valentin en quête d’un amour ridicule. Elle repoussa avec élégance la cape qui pendait à son épaule pour venir s’accroupir face à cet agaçant personnage.
« Écoute, je souhaite passer ma soirée en présence d’un bon bouquin qui saurait me raconter des histoires plus passionnantes que tes éternelles gamelles dans la boue. Cette quête était d’une, un désastre. Et de deux, je n’ai pas envie de perdre plus de temps à tes côtés. »
Elle se releva après avoir tonné fermement ses propos, et que s’ils étaient vrais, elle n’en pensait pas un traître mot. Seulement, elle désirait sa soirée. Et la passer en paix. La jeune femme se rassit sur son tabouret en croisant ses longues jambes pour repartir en tête-à-tête avec sa boisson.
« Mais tu es infernal ! Jura la barde dans ses dents alors que l’aventurier revenait s’installer à ses côtés. Fiche-moi la paix par Lucy ! »
Le livre marmonnait tout seul en traversant les rues de la Forteresse. Après les évènements des derniers jours, il en était désormais convaincu. Il devait trouver pour Almassar l'âme sœur, avant qu'il ne soit trop tard pour le salut de son existence. C'est donc investi d'une mission divine qu'Ivoire avait décidé de commencer un tour des tavernes, à la recherche de la perle rare.
-"Mais tu ne comprends pas douce barde de mon cœur, sans toi, mes jours me semblent plus fades, mes nuits plus froides. Si tu ne m'autorises pas à partager ta vie, la mienne sera terne et sans éclat. Accorde moi au moins cette soirée pour que je puisse te prouver que de tous tes prétendants, je suis celui qui deviendra ton amant !"
Cette déclaration pleine de toupet attire l'attention d'Ivoire alors qu'il entrait dans une taverne relativement pleine. Pivotant lentement sur son axe, il repère l'énergumène en compagnie d'une charmante jeune femme. Une cible de choix pour sa recherche. Après tout, même si elle n'a pas de répondant, elle restera au pire un agréable support physique. Et parfois, on a pas besoin de plus pour passer une agréable nuit. Tout en s'approchant de ce duo improbable, le tome vient soudainement donner un coup sur le crane de l'aventurier épris, avant de se redresser.
-"Tu vois pas que tu déranges la demoiselle ? Allez, du balai avant que tu n'aies hérité d'assez de coups pour que ton crane soit aussi rouge que ton fessier, et surement aussi chaud que ce que tu caches sous ton pantalon, vu comme tu la harcèles."
Outré, la cible de cet assaut se retourne en redressant le doigt... Vers le livre. Surpris, il cligne des yeux avant de recevoir un nouveau coup qui le fait couiner de nouveau.
-"Comment oses-tu te mettre en travers de mon amour, vulgaire tas de pages ? Je vais me servir de toi pour alimenter mon prochain feu de camp, si tu ne me laisses pas en paix ! Ouste, du vent !"
Bien sur, Ivoire prends plutôt mal cette insulte qui lui fait voir rouge. Agacé, il commence à voler autour de l'amoureux transi de la soirée, enchainant les coups de sa couverture renforcée sur le crane de ce dernier, qui tente de l'attraper dans les cieux sans succès. Tant d'agitation attire quelques regards, et bien rapidement les moqueries des habitués qui voient un aventurier se faire ainsi maltraiter par un simple livre volant agile. Quelques secondes de plus suffisent pour que l'aventurier finisse par concéder sa cuisante défaite, s'en allant sans pour autant s'empêcher de finir sur un.
-"Nous nous reverrons, Calcilia ! Sois-en assurée, nos destins sont liés ! Jamais je ne laisserais la volonté d'autrui se mettre entre nous, jamais !"
Et sans plus de cérémonie, le tome volant prends la place laissée libre, dardant son regard sur la demoiselle désormais seule.
-"Maintenant que votre ennuyeux partenaire est parti, je vois que la place est libre, donc vous ne m'en voudrez pas de l'occuper. Je me présente, je suis Grimoire Ivoire, votre sauveur de la soirée il semblerait. Et vous êtes ... ?"
« Prenez donc place mon ami, répondit la jeune femme d’un ton amusé. En plus d’avoir sauvé ma soirée, vous l’avez également bien égayée. Il faut dire qu’elle commençait très mal. »
Elle appuya sa tirade d’un rire jaune, avant de s’adosser plus confortablement contre son siège en jetant une œillade dans la direction de l’ouvrage, non sans prendre une belle rasade de sa boisson au passage.
« Même si je dois avouer que c’est assez inhabituel pour moi d’être secourue par un livre. Mais je vous remercie sincèrement, cher Grimoire Ivoire, et vous pouvez m’appeler Calcilia. »
Lorsqu’elle avait parlé de passer sa soirée avec un bouquin, elle ne pensait pas que ce serait au sens littéral du terme, mais c’était de toute façon plus agréable que de devoir se coltiner l’agaçant aventurier, et Lucy savait à quel point il risquait de devenir un personnage récurrent dont elle ne saurait se défaire.
« Que venez-vous faire dans cette taverne miteuse en cette belle soirée ? À en considérer votre joli langage, je doute que ce soit la place d’un érudit. Car je pense qu’à part quelques ivrognes et de bons vieux chants paillards, vous ne trouverez pas énormément d’intellectuels par ici.
»
Calcilia fit tourner le fond restant de sa boisson, pour le terminer d’une gorgée avant de reposer sa chope vide sur le comptoir, la repoussant un peu plus loin du bout des doigts. Puis elle fit signe au tavernier de lui en apporter une autre.
« Non pas que je doute que votre compagnie soit agréable, peut-être que la mienne et celle de mes congénères ici présents risque, elle, d’être moins amusante d’ici quelques heures. Mais soyez sans crainte, votre couverture sera sauve avec moi, personne n’aura l’audace de tenter de vous renverser la moindre goutte d’alcool sur vous, termina-t-elle avec un clin d’œil. »
Lorsqu’une nouvelle boisson fit miroiter son reflet à travers le liquide ambré, elle poussa un faible soupir sans l’entamer. Un froid soudain s’engouffra dans la taverne alors que la porte s’ouvrait à nouveau, tirant à la jeune femme un léger frémissement. Elle s’était habituée à la chaleur des lieux. Elle se tourna vers l’arrivée impromptue de deux ivrognes déjà complètement soûls, se soutenant par les épaules. Ils hurlèrent un chant, bien vite accompagnés par le reste de la taverne.
Calcilia choisit ce moment pour plonger ses lèvres dans sa boisson, un léger sourire narquois flottant sur ses lèvres.
« Vous voyez ? C’est comme ça tous les soirs, et c’est d’autant plus exacerbé aujourd’hui en sachant qu’ils se sont tous faits jeter à la porte par leurs femmes mécontentes. Quelle idée de prendre tant à cœur une histoire d’amour pour une soirée ? Au final, ce n’est que faire semblant pour oublier les problèmes de couple. »
Perdue dans une description particulièrement pessimiste de l’amour, elle grimaça légèrement.
« M’enfin, c’est toujours plus joyeux que lorsqu’ils se mettent à pleurnicher. »
-"Mais je suis un être inhabituel Calcilia, vous ne l'avez déjà pas remarqué ? Hélas pour vous, ce n'est hélas pas à des fins romantiques que je cherche compagnie ce soir. Du moins, pas pour moi, je m'explique."
Laissant un instant le silence planer tel un grand orateur, Ivoire observe la femme face à lui. Un petit bout de demoiselle qui n'est clairement pas pour laisser de marbre un être humain constitué, et le cobaye parfait pour le Grimoire. Après tout, si l'enchanteur n'est pas attiré par elle, c'est soit qu'il se ment sur sa sexualité... Soit qu'il en a aucune.
-"Voyez-vous, je viens ici pour un ami. Ce dernier a beau savoir se montrer sociable, il laisse son travail le dévorer, un peu trop pour son bien. J'ai beau essayer de lui faire changer d'avis et de l'attirer un peu hors de ses livres -ne vous en faites pas, il n'a néanmoins jamais glissé sa plume luisante d'encre sur mes délicates pages vierges-, il n'en fait qu'a sa tête. J'ai donc décidé de prendre les devants et d'essayer de lui trouver une prétendante pour qu'il se rappelle qu'il existe plus, et surtout bien plus agréable dans le monde que l'enchantement et la magie."
La suite se fait hélas interrompre par la porte qui s'ouvre à toute volée. Si au début ce n'est qu'un duo, le filet d'habitués et de cœurs éplorés devient rapidement de plus en plus important. Et bien sur, tous veulent boire jusqu’à l'oubli. Le tavernier est ravi étant donné que la boisson coule à flots, et les cristaux rentrent à la même vitesse dans sa caisse. Mais tant de personnes qui viennent oublier leur tristesse et leurs chagrins ne font pas bon ménage, et bien rapidement, un nouveau prétendant vient tenter sa chance, poussant de la main le livre sur le coté avant de s'installer sans demander son avis à coté de Calcilia.
-"Que une une si charmante jeune femme seule par cette soirée ? Vous aussi vous cherchez l'âme avec qui passer votre nuit ? Je suis sur que je pourrais être votre prince pour la nuit, et qui sait, peut être même pour la vie..."
Bien sur, sa voix empeste l'alcool presque autant qu'elle tremble. Il commence déjà à lever sa paluche pour venir la poser sur l'épaule de la barde quand Ivoire vient à son tour lui mettre un grand coup à l'arrière du crane, pas heureux du tout.
-"La place était déjà prise, espèce de rustre ivrogne ! Ce n'est pas car ta main est la seule amante qui sait te supporter qu'il faut empêcher les honnêtes gens de discuter ! Donc maintenant, tu me rends ma place avant que je ne me fâche réellement, et plus vite que ça !"
« Mon cher ami, je suis navrée, mais je pense bien que tu t’es trompée de cible ce soir. Si j’ai passé ma soirée à repousser des pochtrons, ce n’est malheureusement pas pour accepter les avances d’un livre pour un homme que je ne connais pas, répondit-elle avec un sourire amusé. Cependant, je reste flattée. »
La jeune femme s’était soudainement autorisée une certaine familiarité en changeant le ton de la conversation. Elle inclina la tête sur le côté, incapable de décrypter les expressions du bouquin. La barde devait avouer qu’il y avait un côté perturbant, et ainsi elle ne pouvait pas aussi bien jouer des mots comme elle avait l’habitude de faire.
Mais bien vite, leur conversation interrompue, elle se saisit du livre volant pour le tenir contre elle.
« Ecoute joli cœur, reprit-elle affablement. Non pas que ton visage repoussant vient de ruiner ma soirée, mais sache que c’est le cas. J’avais une conversation fort agréable avec mon ami ici présent. Alors si tu ne veux pas que cela se termine en drame, je te conseille de me ficher la paix fissa ! »
Elle ponctua sa tirade d’un mouvement impérieux de la main, non sans lui jeter un regard foudroyant. Puis Calcilia reporta son attention sur le bouquin sans se départir de son charmant sourire. Offusqué, le nouveau prétendant se dressa face à l’aventurière, très mécontent d’avoir été ainsi repoussé.
« Ecoute la bouseuse, je t’ai accordé mon attention, toutes les filles du royaume se jettent à mes pieds, alors sois un peu reconnaissante. »
Calcilia dissimula ses lèvres derrière le pli de sa main avant d’exploser de rire, relâchant le bouquin par la même occasion.
« Oh allez, ne me fais pas rire ! Tu sais que tu as dépassé l’âge des blagues. Je ne veux pas te vexer mon grand, mais je ne suis aucunement flattée par ton intérêt. En revanche, je te conseille de ne pas trop abuser de ma patience, celle-ci déjà mise à rude épreuve par tes congénères alcooliques.
- Sale…
- Traînée ? Oui oui, je connais le refrain maintenant, je n’arrive même plus à m’en vexer tellement c’est une blague récurrente. »
La féline jeune femme poussa un profond soupir d’ennui en déposant sa joue contre son poing, observant l’alcoolique s’animer d’une colère hilarante. Son expression blasée prouva qu’elle n’en était nullement impressionnée. Puis finalement, elle leva sa jambe droite face à lui et d’un simple coup de pied, elle le fit chuter en arrière.
« Tu vois les ravages de l’alcool ? S’esclaffa la barde. Tiens déjà sur tes deux pieds avant de tenter de de m’intimider. Et si tu es probablement ennuyeux en combat, je ne parle même pas de tes prouesses au lit. »
Jouissant d’un cynisme parfaitement maîtrisé, Calcilia devait avouer qu’elle avait été fortement amusée par les propos du bouquin qui lui tenait compagnie en cette soirée.
Furibond, l’homme se redressa puis tenta d’un poing maladroit d’asséner un coup à la barde qui l’esquiva souplement.
« Allons allons, tu vas te blesser.
- J’vais t’éclater, mugit le pochtron, attirant davantage l’attention sur eux.
- Pour ça il faudrait me toucher ! Rétorqua la jeune femme en explosant de rire. Un petit effort ! »
-"Mais laisse la donc voyons ! Tu ne vois pas qu'elle n'a rien de ce métier dont tu l'affabules ? Je lui ai gentiment proposé de rencontrer un ami dans le besoin, et elle tout aussi poliment décliné mon offre. Tu pourrais faire preuve du même esprit chevaleresque et en rester la avant de t'humilier devant la taverne entière."
Ivoire ne cesse pas la pourtant, et il pivote vers l'assemblée ensuite pour continuer.
-"Néanmoins, si quelqu'un veut parier sur l'issue de ce combat, je suis un intermédiaire totalement fiable et je me ferais un plaisir d'organiser vos jeux et leur offrir une sécurité à toute épreuve contre un petit pourcentage des transactions totales."
Bien sur, les moqueries du livre rajoutées à celle de Calcilia ne font qu'enrager l'homme qui se fait étaler une première fois au sol. Mais il continue, se redressant avant d'attraper une chope sur le comptoir et essayer de la fracasser sur la jeune femme, qui évite agilement. Le tavernier s'énerve et chope l'intrus par le col, sa voix résonnant avec assez de force pour lui décoller les tympans.
-"ON NE CASSE PAS LE MATÉRIEL ! TU TE CALMES TOUT DE SUITE OU TU ME PAYES TOUS LES DÉGÂTS INFLIGES CE SOIR PAR TA FAUTE !"
Le prétendant ainsi calmé recule en titubant, clignant des yeux. La foule continue d'observer la scène et même de s'agiter. L'alcool imprègne les gestes, et la taverne est une poudrière qui ne demande qu'a éclater. Se rapprochant de sa comparse d'un soir, le Grimoire lui souffle.
-"Je pense que nous ferions mieux de nous éclipser. Cette taverne ressemble de plus en plus à une fabrique d'huile dont quelqu'un approche une lanterne. Une fuite, enfin désolé, je voulais dire un repli stratégique semble être la meilleure option."
La fuite ne se passe hélas pas comme prévue. Alors qu'il commençait à remonter en hauteur pour s'approcher de la porte, le prétendant ivre ainsi repoussé dans ses avances hurle de sa voix brisée :
-"Eh la, le livre ... Le livre ? Comment ça se fait que tu es un livre et que tu parles ? Oh et puis merde, reste ici, on en a pas fini tous les deux ! Tu viens de briser ce qui allait être la meilleure romance... De toute la Forteresse en cette journée des amoureux ! Tu viens de ruiner ma nuit alors que j'allais surement tirer le coup de ma vie !"
-"Fais toi une raison. La seule chose que tu pourrais arriver à séduire dans ton état c'est une poule, et encore, il faudrait qu'elle soit particulièrement fatiguée ou affamée pour qu'elle se laisse approcher par toi. Fous moi donc la paix et va jouer ailleurs, j'ai pas envie de perdre ma soirée."
Bien sur et bien compréhensiblement, l'homme ne semble pas aimer se faire ainsi rembarrer, et il vient attraper une première chope encore pleine, la première qui lui passe sous la main, pour la lancer à Ivoire... Qui l'évite. Faisant de ce fait pleuvoir une bruine de bière qui n'est au gout ni des arrosés, ni du précédent détendeur de la boisson.
« Mais quel gâchis... Soupira-t-elle en essuyant les dégâts sur sa tunique avec un mouchoir en tissu. En plus de ruiner ta propre soirée, il faut que tu gâches celle des autres. C’est un peu égoïste tu ne crois pas ? Et je ne pense pas être la seule à le penser. »
Calcilia jeta une œillade dans la direction de son partenaire d’un soir, puis réajusta élégamment ses gants, s’approchant de leur agresseur d’une démarche chaloupée. Arrivée à sa hauteur, elle déposa sa main sur son épaule, sans se départir de son sourire.
Le visage de l’ivrogne s’éclaira.
« T’as changé d’avis poulette ? Tu vas voir, on va s’éclater. »
Elle ne répondit pas tout de suite, puis un éclair fugace traversa son regard.
« Je suis certaine qu’on va s’éclater, tellement que tu vas en perdre quelques dents. »
À ces mots, son poing s’écrasa dans le nez de l’homme qui vacilla de quelques pas en arrière. Calcilia secoua légèrement sa main.
« Bordel ! Sortez de chez moi si c’est pour foutre le boxon !
- Désolée patron ! Rit doucement la barde.
- ALLEZ ! Hurlèrent à l’unisson les mécontents de leur douche alcoolisée.
- Le public a parlé ! Je te le laisse pour qu’il paye les dégâts. »
Vaincu il baissa les épaules puis fit un bref signe de la main à la jeune femme comme pour donner son accord final.
« Me casse quand même pas tout.
- Promis ! »
L’autre pochtron se releva difficilement, le nez en sang, crachotant un glaviot sanguin sur le sol. Il essuya son visage du revers de la main, puis vint tenter maladroitement de répondre à la provocation de ses mains. Sauf que bien trop alcoolisé, il trébucha sur le sol, provocant l’hilarité générale.
« Tu m’en diras tant. Une superbe soirée donc ? Mon pauvre, tu n’auras le droit qu’à quelques points de suture ce soir. Tu sais, quand on tient pas debout, je pense que la seule chose que tu pourras faire, c’est t’étouffer dans ton vomi avant même d’atteindre ton lit. »
Calcilia releva le visage de son agresseur du bout de son pied, elle fit un mouvement du crâne pour attirer l’attention du bouquin volant. À moitié comateux, et rouge de honte, l’homme ne se redressa pas tout de suite.
« Aaaah… Il me ferait presque de la peine… Soupira la barde en déposant sa main contre sa joue. Tu en penses quoi mon ami ? Non parce qu’à force de se tourner en ridicule, j’ai bien peur que le peu de crédibilité qu’il avait… Elle s’interrompit un instant. Il en avait ? »
La jeune femme poussa à nouveau un soupir avant d’écraser sa chaussure sur le crâne de l’agaçant personnage, appuyant suffisamment fort pour qu’il ne se redresse pas, mais pas suffisamment pour lui faire du mal.
« Il en avait pas, donc le problème est réglé. »
Elle le relâcha pour sortir de cette fatigante taverne. Calcilia s’arrêta sur le pas de la porte, croisant ses bras sous sa poitrine, non sans étirer un large sourire.
« Je n’ai pas envie de perdre davantage mon temps, je te conseille donc de ne pas me suivre. De toute façon, je suis persuadée que d’autres tiendront bien mieux compagnie. »
En effet, les autres picolards se levèrent prêts à un passage à tabac.
« La prochaine fois, chéri, je te conseille de t’arrêter à temps si tu ne veux pas que ta soirée se termine comme ça, puis elle reprit en dirigeant son regard vers le cher Ivoire. Mon ami, c’était une soirée en bonne compagnie, j’espère que nous aurons l’occasion de nous recroiser autour d’un verre. En espérant que celui-ci soit moins animé.»
Rejetant sa cape en arrière, la barde se détourna pour s’échapper entre les ruelles gelées de la Forteresse.
-"L'égoisme est le propre de l'homme. Bien pour cela que je suis fort heureux de ma condition de Grimoire Ivoire. Je suis au dessus de tout cela, et j'observe le monde dans toute sa splendeur et sa tristesse. Si un jour tu as l'occasion, tu devrais essayer. Voir la vie d'en haut, ça a un coté particulièrement exaltant, même si insupportable, quand tu vois la médiocrité de certains. Surtout dans cette taverne."
Bien sur la suite des évènements ne peut pas totalement lui donner tort il semblerait. Calcilia allonge son adversaire avant de se moquer de lui, ce qui provoque quelques rires. L'ambiance est toujours explosive, mais l'aubergiste semble avoir les choses en main... Pour le moment. A l'invitation de son amie, le tome s'avance, surplombant le pauvre ivrogne au sol, alors qu'a l'arrière ça commence à s'agiter avec déjà plus de véhémence.
-"Laisse le donc au sol le pauvre, tu ne vois pas qu'a ainsi l'humilier, il serait presque excité ? Je suis sur que c'est autre chose que la tête qu'il aimerait avoir sous ta botte. Fais attention, il va te salir la tenue si tu continues à lui faire plaisir ainsi. Et c'est pas le genre de tâches qui partent sans une net'noix assez coriace."
-"Mais de quoi tu parles foutu livre !?! Tu crois que j'aime ce qui m'arrive ... ? Lâchez moi bordel, je n'ai jamais demandé tout ça... Je voulais juste te faire taire..."
Lassé de tout cela, le grimoire ne prends même plus la peine de répondre, ignorant même la provocation du fait d'avoir été appelé "livre", préférant accompagner la barde en extérieur. Le froid ne lui fait aucun effet ,et son enchantement permet clairement de résister aux bourrasques qui le frappent, alors qu'il tourne autour de la barde en un rythme tranquille. Une fois le nouveau prétendant ainsi repoussé, cette dernière se concentre sur Ivoire qui s'agite légèrement.
-"Le plaisir de cette soirée était partagée. Si tu es souvent présente à la Forteresse il y'a des chances que nous arrivions à nous recroiser, étant donné que c'est ici que je vis. Bonne fin de soirée à toi aussi, et puisse la route t'épargner d'autres alcooliques un peu trop ivres pour leur propre bien et le tiens. Et cesse de marcher sur des gens qui aiment ça, tu vas finir par avoir des problèmes un jour !"
Et c'est sur cette note que l'ouvrage se détourne, voletant vers la destination de son retour, certes déçu de n'avoir toujours pas trouvé de prétendante pour son enchanteur de compagnie, mais satisfait d'avoir fait une bonne rencontre. Il devrait peut être sortir un peu plus souvent seul, pour enrichir sa culture.