“Pourquoi j’suis convoquée…” Grommela son esprit avec un peu plus d’énergie alors qu’elle atteignait l’étage où se trouvait la place forte des lieutenants. Elle s’engagea dans l’allée, vira sur la droite et longea un couloir en bois brut dont elle laissa ses doigts épouser les formes. Lyf repassa l’ensemble de sa soirée. Elle s’était d’abord esquivée parmi le flot des gardes quittant la caserne pour trouver refuge dans une taverne. Elle s’était joint à un groupe de joyeux lurons puis s’était éclipsée dès qu’ils avaient tourné à l’angle d’une rue. Personne n’avait dû remarquer son absence, il était commun de la voir disparaître pour réapparaître plus tard. Cependant, elle n’avait jamais rejoint qui que ce soit, si quelqu’un était entré dans sa chambre il avait pu signaler son absence. Mais qui se souciait qu’elle puisse disparaître à la nuit tombée ? Du moment qu’elle était sur le terrain le lendemain matin.
Elle se frotta les yeux en arrivant à l'embranchement de deux couloirs. En temps normal, elle aurait emprunté celui de droite pour rejoindre le bureau de Java ou celui de Tasyaen. Mais aujourd’hui aucun d’eux ne l'avait fait mander. Ses yeux cerclés ne noir se posèrent sur le couloir de gauche. L’ombre des feuilles se reflétait sur les murs qui donnaient sur le vide menaçant des abords de la ville. A contre cœur elle avança à l’intérieur, s’arrêtant à hauteur de la fenêtre pour observer le village qui s’étendait aussi haut que loin. Ses doigts effleurèrent le verre avant qu’elle ne serre le poing. Par la sainte ! Si elle ne se dépêchait pas, elle finirait par devenir folle. Au temps savoir tout de suite ce qui l’attendait.
En quelques enjambées elle franchit la distance qui la séparait de la porte austère. Dessus trônait encore la plaque indiquant le nom de l’ancienne lieutenante. Lyf inspira longuement, puis expira avant de bomber le torse. Elle repassa une énième fois sa soirée en revue, préparant tout un imbroglio d’excuses moins valables les unes que les autres et toqua fermement. A cet instant, la voix de Alamar lui revint, rémanence d’un souvenir matinal embué. “Le nouveau lieutenant te convoque dans son bureau. Je sais pas ce que t’as foutu, mais bouge toi les fesses.” Mais que pouvez bien lui vouloir un lieutenant nouvellement arrivé et dont elle ne connaissait même pas le visage ? Sa question aurait tôt fait d'obtenir une réponse car on l'invitait déjà a entrer. Raide comme un piquet, le visage lisse, elle entra.
'' Oui, oui, c'est bien ça, pour la troisième fois lieutenant, Lyf de Yllor. ''
'' Lyf, ça j'ai bien compris mais...De Yllor ? ''
Soupir d'exaspération. Oh non, pas le sien, mais bel et bien celui du garde qui lui faisait face. Une personne ma foi fort sympathique, qui lui avait fait faire un petit tour rapide des effectifs de par l'occupation actuelle de Java, affairée à des trucs beaucoup plus importants que de présenter Ryf aux nombreuses recrues et soldats de son régiment. En prenait-il ombrage ? Absolument pas, il se sentait déjà beaucoup plus en confiance et compréhensif de tout ça, tout lui avait bien été expliqué en amont, il avait accepté en connaissance de cause. Là, Ryf avait peut-être joué de sa patience, car dans une des listes d'un régiment qui n'était pas le sien -autant tenter d'en apprendre le plus possible, non ?-, un nom qui sonna familier à son oreille. De Yllor...Des flashback d'auberge hantée, de personnes à qui il manquait une partie cruciale de l'anatomie (la tête quoi) et d'un mercenaire assez cavalier qui se retrouva être un binôme plus qu'agréable malgré une allure qui n'en présentait à l'origine aucun signe.
'' Oui, oui, de Yllor. Pourquoi ? ''
'' Et cette Lyf, là. Elle pose, je ne sais pas...Quelques soucis ? ''
'' Hein ? Lyf ? Euh...Pas trop ? A la limite, elle semble avoir moins d'entrain que les autres le matin, fût un temps, elle rentrait tard le soir, mais... ''
'' Je vois. Possible de la faire v'nir ? ''
'' Vous...Souhaitez la convoquer ? Pour ça ? ''
'' Convoquer, c'est ça ! Et...Pourquoi pas ? ''
'' Euh...Bien. Je ferais passer le mot au plus vite. ''
Il hocha la tête en guise de remerciement, patienta en souriant que le garde passe la porte de son bureau avant d'enfouir son visage dans ses mains, se frottant les yeux et les tempes. Et comment il allait justifier ça ? Qu'il est encore un peu paumé, plein de choses à faire, tant à apprendre, et l'ego débile de ne pas vouloir demander d'assistance au premier venu.
Au moins son cadre de vie avait-il évolué pour le mieux. Finit, de faire le planton ou des patrouilles, engoncé dans sa lourde armure, qu'il pleuve, vente ou fasse une chaleur à en cuire un homme sous plusieurs kilos de métal. Dorénavant, il a son petit bureau, bon, pas si petit et heureusement vu sa carrure, encore très impersonnel, puisqu'il n'a pas encore prit la peine de customiser à son goût, pour dire, ce n'est pas le nom ''Danvil'' qui trône sur la porte, toujours celui de sa prédécesseur, et de la même manière, il n'a en définitive aucune idée de qui sont ces personnes dans ce cadre magique. Allez, il est temps de se replonger dans la paperasse et l'apprentissage. Puis faudra aussi apprendre les habitudes et coutumes du village perché, aussi. Oh la galère. Bon, où en était-il ? Al-var. De. Bru-me-rive...
Plus tard dans la matinée, on frappa à sa porte. Coup d’œil à l'horloge ; ça devait sans doutes être la personne qu'il attendait. Il se redressa d'un bond sur sa chaise, non, il était pas en train d'à moitié dormir sur son bureau, juré craché. S'aidant du bureau en posant les mains dessus, il se leva avant de lancer, d'une fois forte et intelligible.
'' Entrez, j'vous prie ! ''
J'vous prie ? C'était correct ? Dans l'accent, bien sur que non, l'intonation semblait juste, mais le vocabulaire ? La familiarité ? C'est bon, on y est ? A peine avait-il eu le temps de décider quel genre de lieutenant il serait, plutôt le pote qu'on respecte car il est cool et juste, ou le lieutenant qu'on craint et qui gère son régiment d'une main de fer ? Enfin, d'un gantelet de cuir plutôt, comme ceux qu'il portait actuellement, petite acquisition faite juste avant son grand départ, qui jurait un peu avec l'uniforme des belluaires, mais eh, le manque de goût n'a jamais tué, alors que le manque d'équipement, si. Se présenta à lui une femme, de quelques années sa cadette si son sens de l'observation est encore pas trop mauvais. L'air froid, du genre à lui donner envie de mettre une petite laine. Bon, parler, ce serait pas mal déjà.
'' Je t'en prie, assieds toi. Tu es donc bien Lyf de Yllor, n'est ce pas ? '' Une fois Lyf assise à sa place, en face de lui de l'autre côté du bureau, il prit également place dans sa chaise. Le nom de famille avait été prononcé un peu différemment du reste de la phrase. '' J'suis le lieutenant Danvil, fraîchement débarqué. Comme tu l'sais, ta lieutenante est pas mal occupée en s'moment, m'avoir pour combler les trous en attendant, s'bien pratique. Et jsuis là pour ça, s'pour ça que t'as affaire à moi aujourd'hui. ''
Il était un bien piètre menteur, et un encore plus mauvais comédien, un pochtron notoire arriverait mieux que lui à se faire passer pour le nouveau prince du royaume. Il pouvait toujours profiter du fait d'être tout nouveau, que personne le connaisse, lui et son caractère, son leadership, comment il fonctionne. Vous savez quoi ? Lui aussi il le sait pas. Dans l'intimité de sa chambre, il y réfléchit souvent, à ça et d'à quel point avoir une maison en dehors de la caserne, quand il était à la capitale, était une bénédiction, espérant que Lyriss continue à bien la maintenir et soit assez présente pour éviter la présence de certains petits squatteurs. Il croisa ses bras imposants, droit en avant, contre ses côtes et bascula légèrement en arrière sur sa chaise, la pauvre émettant un grincement, clairement pas prête à accueillir un gugusse de son acabit.
'' Du coup. On m'a dit que t'avais eu tendance à rentrer tard ? Aucune idée d'à quand ça r'monte, et jsais que normalement, ce serait sur les côtes de Jav- du lieutenant Anggun, ce genre de soucis, mais si jpeux aider. '' Il haussa les épaules. '' Donc ? Comment tu justifies un tel comportement ? J'sais pas bien encore comment tout fonctionne ici, mais jpeux te dire qu'à la garde royale, sur ce sujet, ça filait droit comme il faut ! ''
De ces deux assertions, une seule est vraie, aucun suspense sur laquelle il s'agit, puisque c'est presque de notoriété publique, pour tous les détracteurs de la garde royale du moins, qu'à part se planquer dans la capitale et sortir une fois tous les trimestres en dehors pour faire acte de présence tout en essayant de briller un peu, il se passe pas grand chose à part quand certains rejoignaient certaines dans la discrétion de la nuit, avec seule la lune pour juger leur mauvais esprit. Par Lucy, faites que tout se passe bien ici. C'est en bonne voie. Mais là bas aussi, à l'origine, c'était en bonne voie.
- C’est moi. Murmura-t-elle le cœur au bord des lèvres. La seule issue possible était dans son dos. L’avantage c’est qu’elle était plus proche que lui de la porte, si la confrontation virait au drame elle avait encore une chance d’en réchapper. Elle se tortilla sur sa chaise mal à l’aise. Par la Déesse! elle se fichait bien de son nom, qu’il se mette à table une bonne fois pour toutes. Priant mentalement Lucy ou ses propres dieux, n’importe qui qui puisse lui venir en aide, elle riva ses yeux céruléens sur le jeune homme. Il était de quelques années son aîné, elle pouvait le deviner aux traits qui venaient légèrement marquer ses yeux. Elle les observa eux aussi, graves et profonds, recelant quelque chose qu’elle ne saisissait pas. Elle s’en désintéressa lorsqu’il reprit la parole.
“La royale hein ?” songea-t-elle alors qu’un soupçon de sourire soulevait le coin de ses lèvres. Elle s’intima de garder son sérieux même si, dans ses prunelles, brilla une pointe malicieuse. Lyf n’était pas connue pour ses frasques, elle était turbulente, impulsive mais bien plus gérable que d’autres membres de la garde. Elle le laissa terminer puis reprit la parole. Déjà son corps se détendait ; il ne semblait pas posséder quelconques informations qui pu la mettre dans l’embarras si ce n’est ses sorties tardives et pour cela elle avait l’argument adéquat.
- Effectivement, il parait qu’à la royale ça file droit. Tellement que même son capitaine à filé tout droit se réfugier en laissant son escouade derrière lui. Sacré exemple. “Tu as encore perdu une occasion de te taire” gémit son esprit alors que son moi intérieur s'assommait contre un mur imaginaire. Mais la perche était trop belle pour qu’elle ne l'eût pas saisie. - Ici on nous demande d’être efficaces et présents. Je n’ai jamais loupé les entraînements ou fait défaut à mes missions. Et c’était en partie vrai car si Lyf arrivait à tenir un tel rythme c’était uniquement grâce aux flacons de drogue que son corps ingurgitait régulièrement. Les phases de redescente étaient cependant bien plus pénible et il n’était pas rare qu’à ces périodes son irritabilité soit équivalente à sa fatigue. Ces jours là elle traînait la patte, effectuant son travail à grand renforts de coup de pompe dans le derrière. Mais ça, le lieutenant Danvil n’en était peut-être pas informé et c’était l’une des cartes qu’elle comptait abattre. - Pour ce qui est des sorties… Elle joignit ses deux jambes et se tortilla comme elle avait vu faire les petites demoiselles de la noblesse, son ongle glissa jusqu'à ses lippes et elle le mordilla nerveusement. Une mascarade parfaitement exécutée. - Une jeune femme de mon âge doit-elle véritablement expliquer où et avec qui elle passe ses nuits… ? Un regard faussement fuyant et le tour était joué. Du moins elle l'espéra sincèrement car actuellement elle n’avait pas l’ombre d’une idée concernant celui qui jouerait son éventuel amant. - Est-ce un crime que de préférer la chaleur d'un autre à celle des draps froids du bastion ? Son ton se fit presque implorant.
Garder son sérieux était une épreuve de chaque secondes, elle avait envie de hurler de rire. Lyf ? Avoir un amant ? Elle demandait à voir. Mais une fois de plus elle espérait jouer sur l'ignorance du soldat pour s'en sortir indemne, ne restait plus qu'à espérer qu'il tombe dans le panneau.
- Comptez vous me réprimander, Lieutenant ? Demanda-t-elle, cette fois avec sérieux. Si il la condamner à passer ses nuits enfermées, son travail n'en serait rendu que plus fastidieux.
Oh, Solveig, petite maligne effrontée.
Elle avait vainement tentée de se rattraper, néanmoins, et son attitude un peu stressée, un état qu'il n'enviait pas et qu'il ne comprenait que trop bien, lui même détestait se faire convoquer par son supérieur, car pour ce qui est de dire ce qui va pas, pas de soucis, on vous convoque, on vous fait les remontrances nécessaires, et vous repartez tout penaud. Par contre, personne n'est là pour vous féliciter ou vous le dire, quand tout va bien et que vous faites un super taff. Ostensiblement, Lyf était de ceux là, puisqu'à part ça, il n'y avait pas grand chose à dire sur elle, bien que les cernes soient effectivement un marqueur d'une vie nocturne agitée. Dont il ne veut pas entendre parler. Mais il en entendra parler. Et c'est chiant.
De toutes façons, elle l'avait coincé sur un point. Elle pourrait très bien ne jamais être présente et rater coup sur coup ses assignations qu'il n'en saurait rien, elle ne dépend pas de lui, tout ce qu'il peut croire, c'est les bruits de couloirs et les autres soldats, de par son expérience, la plupart sont assez soudés pour ne pas se balancer les uns les autres avec la même aisance qu'on a lorsqu'on se sépare d'une chaussette trouée. Les doigts du lieutenant pianotaient sur son bureau. Elle n'avait pas pris la peine de s'excuser pour ce qu'elle venait de dire. Un aplomb et un suffisance bienvenue.
Et là, ouais, elle a finit par en parler, de sa vie nocturne, qu'il aimerait balayer d'un revers de main ; oui, pour lui aussi, les draps sont froids, et alors ? Il va pas s'amuser à sortir en pleine nuit pour courir la fleurette et espérer se sortir d'un sommeil solitaire ? On a tous sa sensibilité, et la sienne ne devait pas être trop élevée. Il n'a aucunement besoin de savoir quelle recrue couche avec laquelle comme il n'avait pas besoin de savoir ce qu'il se passait dans la vie privée de son supérieur ou de son capitaine, bien que cette dernière puisse directement répercuter sur une carrière, mais bref, passons.
'' Te réprimander ? Si tu arrêtes genre, tout d'suite de parler de tes ébats nocturnes, nan, jle ferais pas. ''
Et le ferait-il de toute manière ? C'est là qu'allait, en partie, se décider de quel type de lieutenant il serait ; un modèle de vertu ? Le pote des soldats ? Un gros con intransigeant ? Ou de ceux qui préfèrent justement aller dragouiller plutôt que de s'occuper de la vie à la caserne et de ses troupes ? Le dernier est en tout cas hors de question.
'' En fait, c'était même pas pour ça que j't'ai appelée. S'tait un pur prétexte. Comme tu dis, si tu t’entraînes comme les autres, mène à bien tes missions, qui jsuis pour te casser les c-, hm, t'emmer-, euh, t'embêter avec ce que tu fais d'tes nuits ? Jpeux juste te conseiller de faire gaffe pour ta santé, jsuis pas un grand ''fils de'', jviens du bas d'l'échelle, jsais ce que c'est. ''
Finalement, optons pour une honnêteté franche et brutale, la vérité finit toujours par se savoir, autant que ce soit le plus tôt possible. Et puis, il pourra toujours revenir sur ses décisions, si jamais il finissait par être tourné en ridicule ou pas assez prit au sérieux pour le poste qu'il occupe.
'' C'est juste de par ton nom de famille...De Yllor, c'est bien ça ? Bien sur qu'c'est ça, on m'la déjà dit au moins cinq fois. T'as d'la famille qui traîne non ? Un Obsidian, ça t'parles ? '' Sauf que ce n'est toujours pas pour cela qu'il l'avait faite mander. '' Un brun, taciturne, qui fais un peu l'mystérieux, ptet un mercenaire ou truc du genre ? ''
Il soupira, s'enfonça plus dans son fauteuil, plus détendu que tout à l'heure mais tout de même visiblement croulant sous le poids de quelques chose qui semblait peser sur ses épaules. C'est pas facile à dire, mais au moins avec quelqu'un ayant déjà un rapport avec une connaissance... ? Plus aléatoire et sommaire comme raisonnement, tu meurs.
'' Jpensais que ça passerais plus facilement avec genre, quelqu'un que jconnais, mais jconnais encore personne ici. A part Java, mais t'sais comme moi comment elle est, elle a bien tout fait en sorte que ça s'passe, mais vu qu'elle galère déjà assez comme ça...'' Allez, la vérité. '' En vrai, jsuis juste ultra paumé pour le moment au village perché, et avec votre putain de paperasse là, c'est un putain d'enfer. Et le nombre de têtes et de gens à retenir, c'est juste incommensurable. Donc j'espérais qu'tu puisses, jsais pas, me faire un ptit topo ? T'as bien du remplir des satanées fiches aussi, elles différents un peu d'celles de la royale, jsais plus ou donner d'la tête. En parlant d'tête, ptet me parler de celles qui sont importantes ici ? ''
Toujours difficile, pour un officier supérieur d'appeler à l'aide quelqu'un se situant en dessous de lui dans la hiérarchie, mais quand le choix se fait si mince, la solution la plus évidente est parfois obligatoire même si non souhaitable.
De Yllor. Un nom tombé dans l’abysse du déshonneur depuis de nombreuses générations. Si avant leur maisonnée avait été connue et reconnue, il n’en était aujourd’hui plus rien. Parfois, certains nobles se souvenaient de leur splendeur d'antan mais ce n’était pas un souvenir que Lyf aimait à se remémorer. Elle n’avait jamais connu cette richesse dont parlait son père avec tant de nostalgie et à vrai dire elle n’était pas certaine qu’il l'eût connu lui non plus. Si les De Yllor étaient désormais riches, c’était d’un malheur que personne ne savait abolir. Ses instants de détente disparurent aussi vite qu’ils étaient apparus et elle se tendit à nouveau comme la corde d’un arc. Que pouvait bien vouloir un garde à Obsidian ? Cousin adoré, d’une cousine assassinée. Le garçon qu’elle avait connu s’était égaré dès lors que les deux femmes de sa vie lui avaient été arrachées, le rendant taciturne et emplie d’une noirceur que Lyf côtoyait chaque jour. Elle ne l’avait plus revu depuis des lunes immémorielles et n’avait jamais tenté de le chercher, se tenir loin des siens était un choix de son père et pour lui, elle avait entendu le respecter.
- Obsidian ? Interrogea-t-elle comme si elle n’avait pas compris. Il s’agissait là d’un dilemme infernal. Admettre qu’Obsidian était son cousin reviendrait peut-être à lui coller une cible sur le front. Danvil se servirait-il d’elle pour l’appâter et le prendre dans ses filets ? Son devoir de garde lui soufflait que c’était exactement la manœuvre attendue. Les De Yllor étaient loyaux entre eux et Obsidian et Lyf peut-être plus encore que les autres. Ils avaient vécu des affres similaires et pour cette raison, elle savait mieux que personne qu’il répondrait présent à son appel. Il se jetterait directement dans la gueule du loup et cela, elle ne pouvait le tolérer. L’autre question qui lui vint, fut : “Pourquoi diantre, le lieutenant s’intéressait-il à Obsidian ? Quelle bavure avait-il pu commettre pour attirer autant l’attention ?" Lyf savait la voie qu’il avait emprunté mais jusqu’ici, elle n’avait jamais entendu parler de lui. - Pourquoi le cherchez vous ? Demanda-t-elle enfin. - C’la dit je peux quand même vous présenter la ville et ses grosses têtes, j’suis ici depuis suffisamment longtemps. Même si j’vois pas le rapport avec ce fameux Obsidian. Elle quitta sa chaise avant qu’il ne l’y invite et s’étira un instant. - Venez. Ca sera plus sympa si vous voyez vous même, les bureaux c’est pas mon dada. Puis vous allez vous ratatiner dans votre fauteuil à ce rythme. Elle coula vers lui un regard qui n’avait rien d’amical. Après tout, si il cherchait vraiment Obsidian, cela faisait de lui un ennemi plus qu’un ami.
Il pensait avoir été suffisamment clair, quant au rapport entre la présence de la femme ici et Obsidian. Ostensiblement, non, puisque elle le questionnait de nouveau, l'air dubitative. L'hippogriffe n'avait après tout aucune idée du lien de parenté qui unissait ces deux personnes, ils pourraient tout aussi bien être des frère et sœur fusionnels que de lointain cousins au 18eme degré. La deuxième hypothèse est plus plausible, eh, le lieutenant n'est pas un éminent physionomiste, leurs âges respectifs concordaient à, orf, une dizaine d'années près, mais la ressemble s'arrêtait là. Dans les yeux ? Ce petit quelque chose d'assassin, de froid et calculateur ? Nan, il se fait des idées. Les deux sont aussi causants ; donc pas trop.
De toutes manières, répondre tout de suite était superflu.
A défaut de traiter de la paperasse -qui peut lui en vouloir?-, au moins servirait-elle de guide d'appoint. Parfait, parfait ! Pour peu qu'ils aient les même centres d'intérêts, ça devrait aller. Tant qu'elle ne le traîne pas sur le terrain d’entraînement pour dire ''Voilà, c'est ça, la garde, c'est ma vie, je connais que cet endroit et les autres gardes ! C'était sympa, à plus !''. Faisant mine d'hésiter faussement, se frottant le menton de sa dextre, il finit par hausser les épaules.
'' Eh, t'sais quoi, allons-y ! J'ai même pas eu l'temps d'me renseigner, quand j'ai eu l'offre, j'ai pris mes cliques et mes claques et j'suis parti direct d'la capitale pour, bah, ici. ''
En parlant de cliques et de claques, faudrait pas qu'il sorte autrement et avec quelque chose ? Genre, en armure, ou avec ses gantelets nouvellement acquis ? Elle lui jetait vraiment un mauvais regard...Ne nous laissons pas démonter plus que ça ! Lyf l'a dit elle même, ça va être sympa ! Suivant le mouvement, il s'extirpa de sa chaise et déplaça quelques feuilles, quelques dossiers, un rangement sommaire et improvisé de ce qui allait l'attendre à son retour. Devait-il se soucier du regard des gens ? Le nouveau venu, fraîchement promu, qui au lieu de s'atteler à son travail rébarbatif part s'amuser et découvrir les lieux avec une garde, hors de son régiment qui plus est ?
Son doigt passa sur la clé de son bureau. Il s'en saisit et commença à se diriger vers Lyf.
'' Ouais, désolé, jcherchais ça. Jte suis. ''
Maigre excuse pour justifier son petit silence alors que ses deux rouages s'activaient dans sa tête, après, si il tournent dans le même sens, c'est un autre soucis. Une clé, plutôt des clés, un trousseau, plein d'annotations, de numéro, il sait même pas encore à quoi peut bien correspondre la moitié de tout ceci. Celle de son bureau, il la connaissait par cœur ! Les deux gardes sortirent de la pièce, qu'il verrouilla à double tour derrière eux. Et c'était parti.
'' Donc, ouais, pour Obsidian là... ''
Sans entrer dans les moindres détails, le lieutenant décrivait néanmoins la scène fantasque de leur rencontre ; cette mission d'escorte qui semblait si banale, cette auberge aux allures lugubres, les découvertes macabres qu'ils avaient faites, car il n'y avait pas qu'Obsidian, mais aussi Ayah et un aventurier dont il avait déjà oublié le prénom, de toutes façons, il était si imprononçable qu'il ne l'appelait que par interjections. Qu'il y avait une sorte de monstre, et que celui de la famille de Yllor avait été d'une grande aide. Il ne saurait dire si cela l'avait détendue, rassurée ou non. Toujours est-il qu'ils descendaient les marches, prêts à se rendre en ville. Elle lâchait déjà quelques conseils qu'il peinait à intercepter, puisqu'ils étaient souvent tous deux interrompus.
Des soldats de son régiment abordaient parfois leur nouveau lieutenant, arracher des bribes d'informations, simple causette, salutations rapides ou juste à quel point l'entrainement de demain matin sera compliqué, ce à quoi il aime répondre ''Encore plus qu'à la royale'', et les regarder partir en grinçant des dents ; car pour eux, ça ne veut rien dire, pour lui, tout. Il entendait aussi des murmures sur ses actions au désert volant ; il ne les relevait pas. Lyf aussi avait son lot d'admirateurs, ah non, ça ce n'était que lui, la blanche a peut-être juste ce qu'on appelle ''des amis'' ici.
Bon an, mal an, le duo finit par sortir de la caserne. Là ou se posait son regard ne constituait qu'un lieu inconnu de plus, et pouvoir le balader sur un autre axe que celui du plancher des vaches est déroutant, il y a des gens au dessus d'eux, mais aussi certainement sous eux. Si la capitale est grande de par sa stature imposante, cet endroit doit regorger de lieux masqués, secrets, des petites pépites.
'' Du coup, on commencer par quoi ? Les trucs évidents ; marchés, places ? Eh, on peut ptet aussi lier ça au boulot, non ? Genre, y a des endroits ici qui craignent un peu plus que d'autres ? Ça m'rappellera la maison, tient. ''
Sans qu’elle ne s’en rendent compte, ils avaient parcouru l’intégralité du labyrinthe administratif puis machinalement Lyf avait bifurqué sur la droite pour longer la corniche qui jouxtait les chambres du premier étage, enfin elle leur avait fait dévaler les marches et traversé l’un des terrains d'entraînement avant de franchir les grandes portes. Ils se trouvaient maintenant à l’entrée du bastion. Devant eux s'étendait des dizaines d’escaliers et de plateformes comme s’il s’était agit de racines. Certaines filaient vers le haut, au delà de la cime des arbres, tandis que d’autres plongeait dans la noirceur du cœur du Village Perche. Tranquillement Lyf s’approcha du bord et lorgna quelques étages plus bas. De là où elle était elle apercevait à peine le sol et les point noirs qui s’y déplaçaient lui donner l’impression d’être un oiseau observant des fourmis. Légèrement sur la droite, elle avisa l’écurie ou ses frères d’armes devaient être en train d’harnacher leurs chevaux, légèrement au dessus se tenait l’une des premières plateforme.
- Sans vouloir vous manquer de respect, lieutenant. Son ton était à la limite de la raillerie. - Vous avez l’air de bien aimer traîner dans les tavernes. Je vais vous présenter les coins sympas. On f’ra le tour des sites culturels plus tard. Elle sourit a pleine dents puis attrapa son bras et l'entraîna de force dans un ascenseur. La machine trembla et grinça sous le poids du géant. Lyf le gratifia d’un sourcil arqué ; son regard en disait long. Ensuite, elle lui passa devant, activa le levier et sélectionna un étage. Le petit monte-charge exigu s’ébranla, les gonds grincèrent et il se mit enfin en marche.
- Ils sont solides. Affirma Lyf en regardant ses pieds comme si elle pouvait voir à travers la paroi. Leur voyage dura une poignée de minutes avant que l'ascenseur ne lâche un “DING” strident. - On descend ici. La jeune femme se faufila à l’extérieur de la cabine et attendit que son collègue en fasse de même. Quand il se fut extirpé à son tour, elle lui présenta la place circulaire d’un geste magistral. - Et voici la taverne favorite des gardes. Enfin il y en a d’autres mais je pense que c’est celle que nous fréquentons le plus souvent. Ils y servent un ragoût divin et leurs boissons… Ma foi… Sont plutôt sympa. Oh il y a Carla aussi, la serveuse. Je crois que la moitié de la garde a essayé de lui faire du gringue. Vous pouvez tenter vot’ chance. Elle lui offrit un sourire goguenard avant de l'entraîner vers un escalier qui descendait en apique vers l’étage en dessous.
- Y a un type d’endroit qui vous f’rez plaisir ? Demanda-t-elle avant de s’aventurer dans la volée de marche. Avec un peu de chance, il ne lui parlerait plus d'Obsidian.
Donc, du coup, les tavernes hein ? C'est donc cette impression qu'il donnait ? En vrai, oui. Et c'est aussi ce qu'il était. Ce qu'il aimerait ne plus trop être, être un peu plus prit au sérieux tout de même. Sans non plus rentrer dans les mêmes travers qu'Emeor, son ancien supérieur de la Garde Royale. Lui en tenait une sacrée couche, et les deux hommes ne sont initialement pas de la même trempe. Déjà, il irait pas user de la pitié d'une recrue. Et aurait incendié sur place Lyf pour avoir osé prononcer ces mots. Ryf, lui, de son côté, sourit timidement et haussa les épaules. S'il ne porte aucune séquelles de tous les combats de bar et autres tavernes qu'il a eut dans sa vie, c'est uniquement car il les a tous gagnés. Ouais. Elle dit ça car il a une dégaine de grand bonhomme qui fait voler des dents. Rien de plus. Hein ?
Il doutait que la supposée solidité des ascenseurs, faut dire qu'il se sait ne pas être le plus léger, même sans armure, et il a déjà vu des groupes plus nombreux les emprunter. Mais heh, imaginez, d'un jour à l'autre, ça dysfonctionne ? Lui s'en sortirait indemne, avec ses ailes, ce ne serait pas le cas de tout le monde. Il suffisait de baisser les yeux pour s'apercevoir que si une telle machinerie dégringolait, ça abîmerait escaliers, habitations, vitres, et oh, au hasard, ça écraserait toutes ces personnes juste en dessous qui n'ont rien demandé et vivent juste leur vie ? Le village perché reste la chose la plus proche d'une fourmilière qu'il ait vu dans sa vie, et il vient du Grand Port, a vécu à la capitale ! Cette ville toute en strate, peu importe où l'on tourne la tête, il y a des gens devant, derrière, au dessus, au dessous. Enfin, sauf quand on est tout en haut. Ou tout en bas. Là y a plus personne au dessus. Ou au dessous. Mais vous avez saisi l'idée.
'' Ça paye pas d'mine, comme endroit. C'est l'plus proche de la caserne en vrai j'imagine ? Ça expliquerait beaucoup d'choses ! Et genre vous vous mélangez là d'dans ? 'fin, supérieurs et soldats ? S'pas bizarre l'ambiance ? Surtout si tout l'monde veut monter sur Carla. Pas en même temps j'espère. ''
Même à la régulière, ils le faisaient pas tout le temps. Et c'était relativement tabou dans la garde royale, ou tout devait être bien carré, bien ordonné. Le grand n'avait pas trop d'idée de comment ça fonctionnait, en vrai, sur l'échelle d'une vie, qu'est-ce qu'un an passé parmi eux ? Pas grand chose. Pour ça qu'il continuait à sortir avec les anciens collègues. Retrouver des Trent, rencontrer des Kala. Choses auxquelles il n'aurait eu accès s'il était resté chez '' l'élite ''. Mentalement, il écarta tout ça d'un revers de main, nouveau taff, nouvel environnement, nouveau mindset. Il aimerait juste ne pas avoir à faire d'aller-retour entre la capitale et ici, car ''on a oublié tel truc'' où ''il y a telle chose à rendre''. Ouais, pour des mecs carrés et bien ordonnés, ils sont parfois sacrément paumés.
En vrai, l'hippogriffe n'a aucune idée de ce qui lui ferait plaisir ici. C'est pas justement pour ça qu'il avait demandé de l'aide, justement ? Pour qu'il ait pas à réfléchir et à activer ses deux neurones ? Bon, allez, il fera un effort exceptionnel. Sa main vint chercher son menton, se gratter la joue, se gratter le cou, alors que son regard se laissait aller partout. Le temps était clément, le bruit des feuilles crissantes, le vent sifflant à travers arbres et branches, au loin, un peu plus haut, un marché semblait animé, tantôt, ils avaient passé les écuries, sans doutes y avait-il aussi un ou deux forgerons ici, toujours intéressant de connaître les producteurs et artisans locaux. Au final, il y avait plein de choses qu'il aimerait savoir.
'' Les points importants, j'dirais ? Le marché, la place centrale ? Eh, et si en ch'min, tu pouvais m'parler de la ville et ses gens importants, ce s'rait pas mal ! Et promis, en échange, j't'emmerde pas avec ton cousin. Ça roule ? J'espère juste que là, c'est pas votre centre ville. Ce serait...Sympa hein. Mais si p'tit. Déjà que j'ai l'impression que j'vais me manger tous les encadrements de porte, jvais finir à l'étroit moi ! ''
Il ricana franchement en s'approchant de Lyf, qui se mit bien entendu à continuer à marcher pour le traîner à travers le village perché. Regard froid, doigts crispés, pas trop la parole là dessus, le brun avait bien remarqué qu'entre Lyf et Obsidian, ça devait pas être une grande histoire d'amour. C'est une anecdote qu'on gardera pour une autre fois. S'il y en a une ? Le pauvre dadais n'a aucune idée de ce que la femme pense vraiment de lui, et puis, elle est même pas de son régiment. Eh. C'est peut-être pour le mieux, en vrai. Alors qu'ils visitaient la ville, il ne pouvait s'empêcher de penser à la réputation que la blanche ne se générais pas de lui donner. On se contentera de tours de terrains pour ceux qui osent élever la voix un peu trop haute.
- Carla est pleine de ressource, répondit Lyf du tac au tac. - C’est elle qui choisit ses victimes en leurs faisant croire qu’ils sont maître de la situation. Elle connaissait suffisamment bien la jeune femme, l’avait vu à l’œuvre de nombreuses fois et si l’un de ses prétendant avait l’outrecuidance de se montrer un peu trop insistant, le père de cette dernière ne rechignait jamais à coller une bonne trempe.
- Tout le monde se mélange. Ça a pas toujours été l’cas mais on va pas se mentir qu’la lieutenante actuelle est plutôt… Elle marqua un temps d’arrêt. - Amusante. C’était le seul mot qu’elle avait trouvé pour définir Java, qu’elle ne connaissait presque pas mais qu’elle avait croisé à plusieurs occasions. Puis elle se dirigea vers les escaliers qu’elle emprunta avec autant de précautions que d’habitude. - Ce n’est pas la faute du Village si tu es trop gros pour passer les portes…
Comme promis, elle le guida dans le méandre de la ville. Elle lui présenta -enfin- le centre du village. Rotonde gigantesque où s’agglutinaient une multitude de personnes, soldats, habitants, nobles, aventuriers, simples citoyens. Il y avait également des échoppes à perte de vue allant du couturier, à la simple taverne en passant par le relais de la guilde. Au milieu de la place trônait une fontaine dont personne ne savait comment elle était alimentée. Lyf l’obligea à retenir le nom des principaux artisans avec qui travaillait la garde. Elle lui montra également une adorable façade, celle d’un lieu de perdition où les clients comme les employés savaient se faire discret. Elle ne s’y était jamais rendu, pour autant, elle savait pertinemment ce qu’il s’y passait. Elle l’emmena ensuite aux abords de la grand bibliothèque. Même s’il n’avait pas l’air d’un érudit, elle aurait pu le parier, c’était un lui fort utile pour un lieutenant. Puis ce fut au tour de la tour d’astronomie, véritable monument gargantuesque. La jeune femme avait toujours eu l’impression qu’il s’en dégageait une magie particulière ; elle était parfaitement incapable de dire si elle aimait ou détestait ce lieu. Encore moins qu’un érudit, Lyf doutait qu’il soit artiste mais elle lui présenta tout de même le Grand Atelier. Ils rencontrèrent par hasard quelques étudiants, légèrement délurés mais pas désagréables.
Leur promenade prit fin lorsqu’ils atterrirent aux pieds des arbres. Dominés de toute la hauteur de la ville, ils se trouvaient dorénavant à l'extrême bassesse de la fourmilière. Autour d’eux s’étendait la forêt majestueuse et envoûtante, accueillant à bras ouvert les voyageurs qui décidaient de la franchir. Ils rejoignirent l’écurie où Lyf décrocha une selle qu’elle cala sur son avant bras.
- Nos chemins s’arrêtent ici. Je dois prendre mon service. Je dirais même que je suis…
- En retard. Grommela une voix dans l’ombre derrière elle.
- Comme dit la demoiselle. Lyf désigna ladite ombre, dont Hryfin ne percevrait sans doute que de simples contours. - Et je dois encore seller mon cheval.
- Il est déjà brossé, tu n’as qu’à mettre ta foutue selle.
- Oui oui… Elle adressa un fin sourire au jeune lieutenant avant de faire demi tour pour s’enfoncer dans les entrailles de l’écurie. - Pour remonter, prenez l’ascenseur principal. Il vous mènera au centre ville. De là, prenez la quatrième nacelle, le deuxième escalier, à droite puis toujours tout droit. Bon courage, Chef. Cette fois, elle disparut pour de bon.
La remarque sur ''la lieutenante'' actuelle n'avait pas été ignorée, mais face à la présentation des endroits par Lyf, il n'y alla pas de son petit commentaire. Ignorant de tout l'effectif actuel, il y avait potentiellement une autre gradée que celle qui lui venait à l'esprit, celle grâce à qui toute cette nouvelle aventure, toute celle nouvelle tranche de vie, allait commencer. Si c'était bien de Java qu'il s'agissait...Il ne pouvait que seconder l'avis de la jeune garde. Même au plein milieu du désert volant, elle semblait si volatile, prompte à ne rien prendre au sérieux sans pour autant se décrédibiliser et prendre la situation par dessus la jambe. Puis y a eu cette discussion, qui l'a mené ici. Puis un pseudo entretien. Puis un échange rapide, fugace, et hop, on y était.
Le Village Perché.
Et tout ce qu'il avait à offrir que la jeune femme était en train de lui montrer. Tout de suite, c'était d'un bien autre acabit que la petite place juste à côté de la caserne ! Après, il comprend le côté pratique, pour ne pas avoir à trop bouger, il a arrêté de compter escaliers et ascenseurs depuis déjà un bien long moment, déjà, car il est pas sur de pouvoir compter aussi loin, et ensuite car, bah mon cochon, y en a des chiées de ces trucs ici. S'il n'était pas accompagné, en quelques coups d'ailes, il ferait qu'une bouchée de la verticalité de l'endroit, et au moins ici, y a pas de risque de voler un peu trop près de la bulle anti magie du palais puis se rappeler que, ouf, dans tous les cas, on est garde royal, et qu'il est donc impossible de piquer de l'aile et de s'écraser au sol et se répandre comme un glooby qu'on aurait lâché du troisième étage.
Enfin des lieux de vie, avec une place noire de monde, de tous horizons, de toutes...Disparités physique ? Il aurait juré en voir un couvert d'écailles de la tête aux pieds, ne s'encombrant pas plus de vêtements que nécessaires. La fontaine était très classe, même si bon, elle valait pas la Luisante quoi. Les boutiques, il en prend bonne note. La guilde, on peut l'oublier, c'est pas la vie qu'il a choisie ; s'il avait croisé un aventurier émérite plutôt que des gardes en armure dans son influençable jeunesse, ça aurait pu. Par contre la bibliothèque, on dort fort hein, ça se voit très bien sur son visage et même tout son corps que c'est pas le genre à se manger les derniers écrits de scientifiques lambda, ni même la littérature de comptoir comme les trucs à l'eau de rose ou quoi. Rien que lire des rapports, ça l'ennuie. Et il en est obligé. C'est pas pour s'infliger en plus de la lecture volontaire !
Finalement, le tour important avait été fait. Et les deux s'étaient retrouvés à l'écurie. Ouais, c'est un devoir de base du soldat, de traîner ainsi aux écuries. Et de s'occuper de leur propre cheval. Faudrait qu'il s'intéresse à l'obtention d'un de ces canassons, un de ces jours, sa transformation, elle est bien sympa, mais loin d'être illimitée, rien que la dernière fois, y a déjà, fiou, un an facile, que le temps passe, qu'il avait aidé un nobliaux à chasser une moloch de ses terres. Fallait la trouver, la carcasse qui serait capable de soutenir son gros corps sur le dos sans finir cassée en deux au bout de deux cent mètres.
Par contre, il était hors de question qu'elle se fasse importuner par sa faute.
'' C'est bon. Elle était avec moi. Pas d'quoi en faire un drame. Si y'a un soucis, j'serais ravi d'avoir un entretien avec votre officier. ''
Ce n'est pas car le pouvoir lui monte à la tête, il reste terre à terre, et sait qu'après tout, il n'est que lieutenant, donc toujours presque rien au niveau du pays. Cependant, pour avoir ''subit'' des années la pression de sa hiérarchie, il se montre toujours bien plus dur avec ses subalternes directs, sergents et autres officiers, qu'avec les troupes de base. L'ayant été pour bien longtemps, ça aurait été agréable, parfois, de sentir un peu de soutien de l'officier supérieur. L'ancien garde royal jete un dernier regard à la blanche, petit sourire, geste de main en guise de salutations.
'' Bon courage et au plaisir, de Yllor ! ''
Ne restait plus qu'à tourner les talons et rentrer.
…
…
Merde.
L'hippogriffe n'avait pas bien écouté. Et le tout mêlé à sa cervelle de moineau...
'' Alors...On prend l'ascenseur principal et on descend- non, jpeux que monter. Ok. Donc j'montes. Centre ville...Quatrième...Escalier ? Puis...Deuxième ? Nacelle...Tout droit, puis toujours...A droite ? ''
Autant dire que ça lui mit plusieurs heures à errer, au moins découvrait-il des coins. Puis au bout d'un moment, les habitant eurent l'occasion de voir un homme ailé se diriger de ci, de là, en pestant contre son manque d'orientation.