Pour l'occasion, nous nous sommes données rendez-vous en terrasse d'une taverne de la ville sous-marine, l'alcool aide toujours à délier les langues et à s'ouvrir aux autres selon moi. Pour peu que l'on reste dans la modération, évitons donc les discussions qui s'aventurent sur des sujets épineux. Par ailleurs, vu ses capacités, il sera également intéressant d'avoir son avis sur ma main avant de m'entretenir avec Nemue! Je ne veux pas inquiéter la belle apothicaire en lui amenant un patient incurable, surtout si ce patient est moi-même! Le sable qui continue à rouler dans ma main gauche, comme une vie grouillante sous ma peau, m'inflige une douleur insupportable et nul doute que l'inquiétude de Nemue ne sera pas apaisée si je la rejoint dans cet état sans tenter d'autres choses avant. Après tout, il ne fait aucun doute que le cristal lié à moi sur son chandelier a du changer de nombreuses fois de couleur durant mon voyage sur l'île volante vu tout ce que j'y ai vécu. Mais soit, cela est une affaire secondaire.
Au bout d'un moment, Vivianne me rejoint finalement et je me lève, souriant, gentleman, séducteur probablement également avant de reculer pour elle une chaise comme le parfait gentilhomme pour l'inviter à s'asseoir. "Vivanne très chère! Quel plaisir de vous revoir. J'espère que vous avez fait bon voyage?" Me réinstallant ensuite à ma propre place, je m'apprête à prendre la parole lorsqu'un serveur de la taverne vient prendre nos commandes : un rhum sec pour moi et ce qu'elle désire pour ma compagne du jour. "Nous avons de nombreux points à aborder ma chère, tout d'abord concernant un partenariat qui, j'en suis certain, pourra nous être profitable. Ensuite j'aimerai avoir votre avis de professionnelle sur disons... Une condition défavorable? Quoi qu'il en soit, rien ne presse alors mettons-nous à l'aise dans un premier temps! J'ai entendu beaucoup de bien des alcools de cet établissement!" Et comme une partition parfaitement exécutée, le serveur revient à ce moment précis avec nos commandes. Je bois donc une gorgée de rhum, profitant de cette saveur bien particulière avant de regarder ma compagne de tablée. "Mais commençons par le commencement très chère. Connaissez-vous le Trône d'Amphitrite?"
Je n’aime pas être ici et encore moins pour rencontrer ce gamin. Bon je dois dire qu’il a mûri depuis notre première rencontre. Il avait eu beau m’emmerder pendant des heures, il avait fini par apprendre sa leçon et à passer par les voies plus officielles pour venir me passer commande. Je dois dire que son invitation m’avait surprise, particulièrement dans cet endroit. Il avait dû se dire que cette ville serait parfaite pour impressionner une jeune enchanteresse, sans se douter que j’étais au contraire une vieille femme qui avait tout fait pour s’en échapper. Il aurait voulu m’insulter qu’il n’ait pas pu faire mieux. Mais mon histoire s’est perdue dans les méandres du temps, il ne peut pas le savoir.
Vivianne sourit en voyant le gamin lui faire de grands signes depuis sa table. Il était agréable à regarder et il le savait, avec ses petits airs de pirate. De quoi faire craquer une femme innocente assurément, mais Vivianne savait comment il finirait : bouffé par les vers, comme tous les autres. Elle le salua et s’assit en face de lui tout en gardant son sourire. Il était à mi-chemin entre le sourire niai qu’elle lui avait servi lors de leur première rencontre et le sourire froid qu’elle arborait lors de la deuxième.
« Merci pour cette invitation, mais était-il nécessaire de nous voir aussi loin ? Cela ne pose pas de problème bien au contraire, les raisons ne manquent pas à une enchanteresse de venir à la ville de la magie … »
Elle s’arrêta un instant pour commander.
« Une choppe d’Hypocras gelé
- Je suis désolé Madame nous n’avons pas les moyens de …
- Amenez-moi simplement la chope, j’ai ce qu’il faut. »
Ses yeux glissèrent vers Aslander, un moyen de lui dire qu’elle avait fait ses petites recherches depuis leur dernière rencontre. Qui ne serait pas curieux ? Et puis, il sortait du lot au sein de la guilde et c’était justement sa boutique que passaient les aventuriers avant de partir. Elle n‘avait eu qu’à laisser traîner ses oreilles un peu.
« Ne vous inquiétez pas, je possède des remèdes contre les conditions défavorables les plus … inavouables. »
Elle émit un petit rire cristallin, n’en disant pas plus sur le genre de condition dont elle voulait parler.
« Oui j’en ai entendu parler. Pas mal d’aventuriers passants à ma boutique semblent travailler pour eux, ou devrais-je dire pour vous ? Avec vous ? À force de vous voir, j’ai fini par apprendre des choses. C’est un commerce intéressant sur lequel vous avez mis la main. Vous reprenez donc les partenariats depuis votre descente de l’île flottante ? »
Son rire me surprend pour être parfaitement honnête il faut bien l'avouer, je ne m'attendais pas à un tel éclat de voix même si, pour avoir déjà discuté avec elle, je sais parfaitement qu'elle doit effectivement pouvoir régler bien des problèmes - tout comme les créer d'ailleurs - ce qui est bien l'une des raisons de notre présence. Sa connaissance de mon entreprise me surprend moins cependant, après tout, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour la faire connaître, elle m'ouvre chaque jour de nouvelles portes, de nouvelles possibilité. Je prends mon verre, buvant une nouvelle gorgée avant de "refroidir" celui de la jeune femme en usant ma main droite, dissimulant pour l'instant ma main gauche, tout en plongeant mon regard dans celui de la demoiselle.
"Je vois que vous avez fait vos devoirs... J'en serai presque flatté si cela n'était pas habituel que l'on s'intéresse à moi!" Léger rire. Et bien, je ne m'attendais pas à être d'une telle franchise mais en même temps, il est vrai qu'un homme actif et efficace dans les affaires, cela attire les convoitises et l'intérêt de beaucoup. "Croyez-bien que je ne vous ai pas fait venir ici pour vous impressionner très chère, il est parfois nécessaire d'être en terrain neutre pour certaines discussions. Celles d'affaire notamment! Puisque vous connaissez mon entreprise, je suppose que vous avez déjà compris la raison de cette rencontre : je n'ai jamais cessé les partenariats, mon exploration de cette île volante n'a fait que me donner de nouvelles ambitions! Une tour qui apparaît de nul part, une cité enfuie sous les profondeurs de la terre et maintenant une île flottant dans le ciel! Combien de mystère, de lieu inexplorés se trouvent encore dans notre royaume? Vous comprendrez, j'en suis certain, qu'un homme tel que moi voit dans ces découvertes de nouvelles opportunités! Combien de matériaux non-découvert? De créatures inconnues? Combien de possibilité et de cristaux à se faire si l'on a le monopole et des partenaires efficaces pour les utiliser?" Dis-je avec un grand sourire entendeur de bien des offres.
« Monopole bien inutile au demeurant, tant que vous ne savez pas quoi faire de ces fameux matériaux. Ce sera tout au plus un produit de luxe, voir exotique qui n’intéresseront que la petite noblesse. »
Elle fronça les sourcils en s’entendant parler. C’était exactement ce qu’elle pensait, mais cela sonnait moins agressif dans sa tête étrangement. Elle prit une autre gorgée pour faire passer le froid qu’elle venait de jeter.
« Si on allait droit au but hum ? J’ai l’habitude qu’on vienne me démarcher pour toute sorte de chose. Je sais ce que je vaux et je sais ce que je mérite. Mais ce que j’aimerai comprendre c’est que vous cherchez. Une cliente ? Moui pourquoi pas. Je pourrais acheter certains de vos produits. Comme je ne fais pas de la magie industrielle, j’ai souvent besoin de matériaux rare et particuliers. Si vous me garantissez que vous serez plus efficace qu’un chasseur et que le prix est intéressant, alors oui pourquoi pas ? »
Elle était devenue une vraie pipelette par Lucy.
« Ou alors vous cherchez autre chose. Deux siècles d’expérience par exemple ? Une érudition sans pareille pour expertiser vos « trouvailles » et vous dire quoi en faire pour créer de nouveau marcher avec ? »
Je me tus et mon visage blêmit. Qu’est-ce que je venais de dire ? Comment j’avais pu cracher une telle chose sans m’en rendre compte. Attends, cette sensation ? Je la connais …
Les yeux de Vivianne glissèrent, terrifiés, vers le contenu de sa choppe. Sa main trembla et tout d’un coup son visage se déchira de colère.
« SALE MORVEUX. »
Sa choppe vola dans les airs et se fracassa contre un mur. Promptement, elle s’enfonça deux doigts au fond de la gorge à répétition jusqu’à ce que son estomac ne la fasse vomir sous ses mauvais traitements. Elle toussa, hoqueta, haleta, mais la sensation ne disparaissait pas. Non, au contraire, elle sentait son cerveau de plus en plus affecté, ses pensées glissaient sans qu’elle ne les contrôle. Elle leva les yeux vers Aslander, emplis de rage. Elle n’avait rien de la douce Vivianne et ressemblait plus à une harpie en furie. Chevée ébouriffés, un peu de bave au bord des lèvres.
« Où est-ce que tu as eu cette potion sale merdeux … »
Elle allait lui sauter à la gorge, pour l’empêcher de parler, pour l’empêcher de lui faire cracher ses secrets, mais en s’approchant elle vit ses yeux et surtout ses pupilles et elle s’arrêta.
« Qu’est-ce que tu caches à la dernière femme que t’as baisée, lui cracha-elle au visage. »
Les lèvres d’Aslander se déverrouillèrent comme par magie et il se lança dans un monologue qu’elle interrompit brusquement en lui couvrant la bouche de sa main.
« Putain de merde. Vient-on se casse, potion de vérité, pas le temps d’expliquer. »
Elle l’attrapa par le bras et le tira hors du café, courant dans la rue avec le barman aux fesses très mécontent de leur comportement. Elle lui balança une bourse de cristaux pour le dissuader de les suivre et tourna à l’angle. Là elle sortit une boite de sa poche et la posa sur le sol avant de faire tourner la clé dans la serrure tout en tenant la main d’Aslander.
Ils furent immédiatement téléportés à l’intérieur du monde intérieur. Vivianne lâcha la main de l’homme et pris une grande inspiration avant de se diriger vers la porte du grand manoir qui leur faisait face. Ici, personne ne pourrait leur poser de questions, ils pouvaient attendre que les effets se dissipent.
« Rentre, on doit parler. Tu sais qui a mis cette potion dans nos verres ? »
Sauf que le soucis, c'est qu'apparemment elle me reproche quelque chose et je ne comprends pas spécialement quoi. "Enfin Vivianne! De quelle potion parlez-vous exactement? Je ne comprends pas!" Je tente de lui expliquer cela lorsqu'elle me pose une question pour le moins personnelle... Je souris doucement, croit-elle vraiment me faire répondre à une telle demande? "Pour être parfaitement honnête, je ne me souviens pas! Sans doute mon nom, d'autre détails ou informations quelconques... Il faut dire que cela fait déjà plusieurs lunes que je n'ai pas simplement "baiser" voyez-vous? C'est vrai que j'étais un séducteur, sans doute le suis-je encore je veux dire, regardez-moi! Comment ne pas être séduite n'est-ce pas? Cependant j'ai depuis rencontré une gente dame et je dois dire que, si nos rapports étaient très physique au départ, nous avons développer une amitié, une relation plus émotionnelle également. C'est pourquoi sans parler d'amour, je ne crois pas que l'on puisse considérer nos échanges comme de la simple baisse donc, techniquement, ce ne serait pas elle et donc j'ignore ce que j'ai pu cacher à la dernière mais..." Je suis interrompu par la main de la centenaire du coup alors que je comprends soudainement son énervement : une potion de vérité! Qui? Pourquoi? Personne n'avait conscience de ce rendez-vous, personne ne devrait savoir ce dont nous discutons...
Je la suis sans me faire prier, entre dans cette porte qu'elle fait apparaître du néant : alors ainsi elle possède également un tel objet? Je n'ai même pas encore lié ma propre clef à une porte quelconque mais si quelqu'un se permet de me faire avaler des potions de vérité à mon insu, sans doute faudra-t-il que j'y pense! J'entre ensuite dans le manoir, m'installe dos à un mur et je secoue la tête en signe de négation. "Aucune idée non! Personne excepté mes plus fidèles collaborateurs ne sont au courant de mes rendez-vous d'affaire et je n'en vois aucun qui pourrait me trahir sous peine de disparition "mystérieuse" et de souffrance éternelle..." Dis-je en haussant des épaules. Beaucoup de détails mais qu'importe? Elle sait déjà que je ne suis pas recommandable vu notre affaire passée. "Et toi? Je veux dire, en deux cents ans nul doute que tu n'as pas que des amis..."
C’était sans compter sur la curiosité d’Aslander.
« En deux siècles la seule chose que j’ai accumulé ce sont des cadavres ! Vous ne vivez pas bien longtemps il faut dire ! C’est peut-être un coup de mon fils, il n’était pas très heureux que je mette mon nez dans ces affaires de drogues et … OH PUTAIN Ça SUFFIT LES QUESTIONS. »
Elle poussa Aslander à l’extérieur de son laboratoire.
« T’as qu’à prendre un livre et lire pendant que je nous prépare un contre-poison de fortune. »
Et elle lui claqua la porte au nez pour s’exiler le plus possible de sa foutue langue bien pendue. Elle déboucha frénétiquement plusieurs fioles et versa leur contenu dans une soucoupe qu’elle plaça ensuite sur le feu. Elle était tellement précipitée qu’elle s’en renversa un peu sur la main lui arrachant un hurlement qui retentit dans tout le manoir. Une larme de frustration coulait sur sa joue tellement elle enrageait d’avoir une fois de plus goûté à cette maudite potion. Elle aurait préféré mourir. Si jamais elle mettait la main sur son fils, il allait subir un sort pire que la mort.
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La porte s’ouvrit de nouveau, révélant une Vivianne transformée. Elle avait passé une bonne demi-heure dans son antre et elle en ressortait comme au début de leur rencontre. Finie la tigresse, et bienvenue de nouveau à l’enchanteresse impérieuse qu’elle était. Elle déposa une tasse contenant un liquide peut avenant devant Aslander.
« Voilà de quoi diminuer les effets de la potion le temps qu’ils se dissipent. Ne buvez pas trop d’un coup, c’est un puissant sédatif de quoi embrouiller l’esprit quelques heures. Cela sera suffisant pour nous empêcher de crier nos vérités au monde entier. J’ai rajouté de quoi détoxifié notre corps de ce poison également. Faites comme chez vous en attendant que ça passe. Je vais me reposer. »
Elle s’en alla à l’étage en emportant la deuxième tasse.
Mais bon, je suppose qu'une dame tient à avoir son petit jardin secret même après deux cents années! D'ailleurs, quel âge à son fils dans ce cas? Et je dois dire qu'elle est parfaitement conservée pour son âge mais cela au moins, elle ne l'entendra pas! Je m'installe donc dans un fauteuil quelconque et prends ma gourde fontaine, ma main tremble légèrement alors que je tente de boire, la douleur n'a rien d'agréable et je me vois forcé de prendre un anti-douleur pour calmer le jeu... Foutu désert et foutue main!
Vivianne revient quelques temps après, j'ignore combien de minute exactement mais elle me donne une concoction, m'affirmant que la boire trop vite pourrait m'embrouiller l'esprit quelques heures... Je ris doucement en haussant les épaules. "Avoir l'esprit embrouillé est sans aucun doute le mieux qu'il puisse m'arriver actuellement..." Mais elle ne semble pas m'écouter, prenant déjà la route de l'étage alors que je soupire avant d'hausser les épaules, buvant le breuvage d'un trait contre les recommandation de la dame. Vais-je sombre dans le sommeil ou m'éloigner vers des contrées hallucinée? Je l'ignore mais qu'importe? Tout sera mieux que la douleur de mon membre broyé par le sable!
Un bruit de verre brisé résonna dans les couloirs lorsqu'elle fracassa une glace contre le sol, incapable de se regarder dedans. Derrière ses pensées embrumées, une profonde tristesse commençait à poindre, mêlée de rage et d'agacement. Il était mort, son fils était un homme mort. Même s'il ne lui restait déjà pas longtemps à vivre, il ne s'en tirerait pas comme ça.
Au bout d'une heure, Vivianne redescendit et trouva Aslander endormi dans un fauteuil, fauché par la puissance du somnifère. Rien de bien dangereux, mais elle ne voulait plus l'avoir dans les pattes pour ce qu'elle allait faire. Elle pris la clé de sa boîte et ils furent instantanément téléporté dans la rue où son objet magique était resté caché. Elle récupéra la boîte et jeta un dernier regard à l'aventurier avant de reprendre le chemin de la capitale.