Une fontaine. La nuit. Le froid. Des vêtements blancs qui deviennent transparents. La Forteresse. Une personne entraînée dans la chute. Tout le monde est mouillé, les copies des documents aussi.

Il faut peut-être mettre le contexte de cette histoire. Même si le début résume bien ce qu’il y a actuellement, il faut un peu de cadre à ce qui est arrivé.

Pour commencer à planter le cadre nous somme à la Forteresse, deuxième lune de saison froide, en début de soirée, l’air est frais et il y a eu un peu de neige qui est tombée dans la journée. Le ciel est parfaitement dégagé, la lune est bientôt proche d’une nouvelle lune et les flammes des torches et lueurs des cristaux de lumière éclairent correctement les lieux. L’animation dans les rues est modérée, aucun événement important ne se profile actuellement et il reste encore des enfants jouant sans que cela n’inquiète qui que ce soit. C’est vraiment un moment tout ce qu’il y a de plus calme et banal.

Enfin, pas complètement banal tout de même. Il y avait un petit marché proposant uniquement des vêtements blancs dans ses étalages, une firme de vêtement voulant mettre en avant des tenues simples, confortables et pratiques. Tout avait été proposé en blanc immaculé pour permettre plus facilement de choisir les couleurs par la suite si jamais on était en possession d’une boite de couleurs. Réduire les frais de teinture pour miser sur la qualité, c’était la promesse faite en tout cas.

C’est ce qui avait poussé Tarek à prendre des habits là-bas et à les porter pour ses divers entretiens sur place. Le blanc ça fait sérieux qu’on lui a dit. Il n’y avait que son sous-vêtement qui était d’une autre couleur, mais qui s’en fiche, ce n’est pas comme s’il allait montrer cela pour faire bonne impression. A la place, par un pur hasard de sa main dans ses affaires, il en avait choisi un qui était parfaitement assorti à ses cheveux. La qualité des vêtements avait rendu cette information non visible.

Donc, nous avons ce cadre-là. Une petite place avec des passants qui avancent et même des gardes là pour faire attention que tout aille bien. Il y a une fontaine en son centre et l’examinateur de guilde regarde certaines personnes jeter des cristaux à l’intérieur en faisant des vœux à leur divinité du moment. Une pratique qu’il trouve stupide. Tout cet argent jeté pourrait servir à bien plus qu’à une illusion de vœux pour une divinité qui n’a jamais prouvé sa présence en ce monde.

Un sac rempli de copies de dossier de la guilde à traiter, notamment avec le régiment de la garde du coin, il avance vers la fontaine pour ramasser un papier laissé au sol. Il ne faut pas laisser traîner des déchets sur la voie publique. C’est pourtant pas comme s’il n’y avait pas de bene pour les ordures. Enfin, si, il n’y en a pas autour de lui quand il ramasse le déchet. Un vieux papier gras, sûrement une viennoiserie de la boulangerie qui se trouve à l’angle de la rue un peu plus loin et qui est en train de fermer la porte de son établissement pour ce jour.

C’est donc là, cherchant où mettre ce qu’il vient de trouver, juste à côté de la fontaine qu’on arrive enfin à la situation présente. Un enfant turbulent court en riant pour ne pas se faire attraper par ses petits camarades. L’enfant est plein de vie et avec une bonne musculature, un pouvoir certainement lié à cela ou alors un entraînement pour un futur garde, ce n’est pas le plus important. Donc, il court sans regarder plus que cela autour de lui et dans une esquive d’un camarade bouscule Tarek qui regarde complètement ailleurs et qui n’est pas sur ses gardes. Qui pense être sur ses gardes dans ce genre de situation en même temps ?

Donc, c’est là que tout arrive. Dans la surprise, l'examinateur de guilde ne fait pas attention et recule d’un pas et trébuche en arrière. Derrière lui, il y a la fontaine. En se sentant partir en arrière son premier geste instinctif et de tenter de s’accrocher à ce qui est autour de lui. Dans notre histoire c’est un bras, humain, c’est bien de préciser ce genre de chose. Dans une belle histoire, cela le rattrape, là, avec un manque de chance sublime et la surprise, ça l'entraîne simplement encore plus dans sa chute et embarque la personne avec lui. Et plouf dans l’eau bien froide de la fontaine.

C’est face à cette situation, lui complètement tremper, les vêtements commençant à prendre une transparence certaine et le froid s’infiltrant sans demander son reste sur sa peau, quelques feuilles flottant dans l’eau sortant de son sac avec l’impact, que Tarek se rend compte que c’était pas un bon réflexe du tout de chercher à se rattraper. En même temps, cela ne se contrôle pas et son regard se porte sur son comparse tout aussi mouillé que lui. Tout aussi mouillé parce que, dans le manque de chance, les deux ont fini sous la bouche de la fontaine qui crache de l’eau en continu.

   — Je… Je suis sincèrement désolé…

Il n’y a rien qui sorte d’autre sur le moment mortifié d’avoir mis quelqu’un dans ce genre de situation sans le vouloir. À côté de la fontaine, il y a l’enfant responsable de tout cela à la base qui se confond aussi d’excuse et ses camarades qui demandent pardon avec lui aussi. Pas de mauvais enfants, juste un mauvais enchaînement de tout. Comme le nez de Tarek qui lui pique après une brise de plus et son éternuement en plein sur sa victime de son manque de chance. Parce que la situation est pas assez stupide ainsi sinon.

Ploc. Plouf. Plic.

Ça fait un bruit plus ou moins comme cela les gouttes qui tombent peu à peu de ses cheveux alors qu’il regarde un moment l’encre qui se mélange à l’eau. Ce n’est pas une bonne chose. Cela salit l’eau et c’est un trouble à l’ordre public.

Sans même y réfléchir il donne une impulsion de magie et l’encre qui coule des documents disparaît de l’eau instantanément alors qu’il ramasse les papiers encore un peu sauvage et met dans un de côté ceux complètement morts. Instinctivement son corps agissait par réflexe malgré les tremblements de froid.

   — Oh ! Je n’ai aucune magie qui nous transformera en blocs de glace et il me semble que cette fontaine n’a pas cette magie… C’est votre pouvoir de faire cela ? C’est assez inconvenant dans ce genre de moment, je suppose…

Tous les pouvoirs ne se valent pas et visiblement certains étaient plus compliqués à vivre que d'autres mine de rien. Il n’avait pas vu la métaphore sur le moment et sortit simplement de la fontaine alors que l’eau coulait de lui encore et encore. Tarek regarde à nouveau ses documents, puis la personne qu’il avait entraînée dans sa chute qui s’était aimablement présentée.

   — Je suis Tarek, Tarek Tifié, examinateur de la Guilde. Enchanté de rencontrer une personne aussi polie dans…

Il s’arrêta dans sa phrase pour laisser sortir un lourd éternuement bien baveux qui venait de lui piquer le nez. Heureusement, il avait eu le réflexe de se tourner sur le côté pour éviter d’avoir Haydan en cible directe. C’est une partie des documents qu’il tentait de sauver qui servit de cible à la base sous son regard un peu dépité par la scène.

   — Ha… Je suis bon pour les refaire depuis le début, je suppose, heureusement que je travaille sur des copies et non directement sur les originaux…

Il marmonna cela plus pour lui-même qu’autre chose. Oui, définitivement il allait pouvoir sauver quelques dossiers, mais la plupart étaient bons à refaire depuis le début. Ça lui apprendra à ne pas commander des feuilles hydrofuges pour avec un maximum de sécurité. Peut-être aussi commandé des feuilles ignifugées aussi. On ne sait jamais.

   — Les documents sont toujours importants pour une personne, sinon ils n’existeraient pas… Enfin, ce n’est pas comme si on pouvait changer ce qui est arrivé de toute manière.

Il frissonna et regarda aussi sa tenue devenir transparente. C’était désagréable sur la peau comme sensation. Vu qu’il avait fait une bonne rencontre et autant profité de cela pour finir sec avec la sensation d’humidité et de froid qui part le plus loin possible de lui.

   — J’avoue que je ne dirais pas non à une possibilité de ma séchée par contre. Être malade n’est jamais agréable. Merci beaucoup de la proposition.

Être poli est la base de ce qu’on lui a appris avec les autres, mais il y a toujours des interrogations sur le fait de l’avoir bien fait ou non. L’homme en face de lui est bien bâti aussi. Ça, il ne faut pas le dire, on lui a expliqué cela.

   — J’espère que je ne vous détourne pas de vos activités avec tout cela. Je vous ferai un justificatif officiel si jamais cela vous met en retard.

Il est important d’assurer les arrières d’une personne qui aide une autre, surtout quand on est en faute de base. Les enfants, eux, sont partis rapidement ayant vu qu’on ne leur reprochait pas vraiment quelque chose après une nouvelle excuse et un appel de parent pour l’heure de la soupe visiblement.

Champignon, crouton et lardons.

Oh ! Il s’était trompé. Mince. Il n’avait pas compris le principe de la plaisanterie à base de blocs de glaçons. Enfin, si, mais il n’avait pas trouvé cela drôle. Est-ce que c’était supposé être drôle ? Surement pas, simplement lui qui avait mal compris.

   — Désolé pour le malentendu et merci pour ta bienveillance.

Il n’y avait pas mort d’homme pour le moment donc ça devait être bon. Il avait pardonné la chute dans l’eau froide, cet homme pardonnerait ça certainement, mais s’excuser était tout de même important. Certaines personnes n’aiment pas qu’on assume leur pouvoir. Certaines personnes s’énervent sur le nom d’une couleur aussi. Il y a beaucoup de personnes étranges de base. Lui le premier.

Machinalement, Tarek suivit Hayden sans même se poser la moindre question. Il lui faisait naturellement confiance et même si cela avait été un piège. Qui aurait voulu le piéger de toute manière ? Sérieusement. Même pour le peu de cristaux qu’il avait en poche, cela n’en valait pas le coup. Ce n’était pas un hôte bavard, mais très prévenant dans tous les cas.

Là tout de suite, sa seule hâte était plus de se changer rapidement et de retirer les vêtements froids et humides qui lui collent de plus en plus à la peau. C’était tout sauf agréable et son corps frémissait de plus en plus avant l’air qui accentue l’impression de froid sur lui. Il jeta un œil à sa pauvre victime de maladresse qui ne semblait pas être dans un meilleur état que lui, bien qu’avec une carrure bien plus entretenue que la sienne. Clairement, cet homme n’était pas un bureaucrate ou alors devait faire beaucoup de sport à côté pour s’entretenir ainsi.

C’était d’une certaine façon adorable de se soucier de l’état du rouquin, mais le pauvre avait l’air au bout de sa vie aussi. La conscience de Tarek ne pouvait pas simplement profiter de l’hospitalité et laisser l’homme avoir froid ainsi sans rien faire.

   — Je ne sais pas si vous êtes à l’aise avec ça, mais on devrait certainement prendre notre douche en même temps ou dans tous les cas vous ne devriez pas rester aussi trempé. Vous allez être malade. Vos lèvres ont une couleur inquiétante. Mauve. Ce n’est jamais bon quand c’est de cette couleur.

Sans même y réfléchir, il passa sa main gauche sur la joue droite de l’autre homme.

   — La chaleur humaine aide à ne pas avoir froid. Je suis responsable de votre état, être le premier a sortir du froid sans vous aidez serez stupide. Il y a des plaintes de non-assistance en danger qui sont formulées pour moins que cela.

Tout le sérieux de cette situation est vu d’un point de vue administratif mine de rien. Comme un peu trop souvent. Son corps tremble de plus en plus et ses dents claquent à intervalle régulier. Ils sont tous les deux ridicules d’une certaine façon d’avoir froid ainsi alors qu’ils sont à l’abri avec un toit au-dessus de leur tête et surtout des murs qui empêchent le vent de refroidir encore plus leur corps.

La main qui attrape la sienne le surprend. Cela ne devrait pas, c’est lui le premier à avoir fait le mouvement, mais une part de lui n’était pas près à cela. Le geste avait eu l’air fluide de l’autre coté, de côté il avait nerveusement relâcher un peu de son pouvoir pour laisser des marques noires au niveau de la peau qui touchait ses phalanges avant d’effacer ces mêmes marques au moment où il c’était rendu compte de ce qu’il avait fait.

Dans tous les cas, il suit le mouvement docilement, il ne connaît pas l’endroit après tout et l’homme qui le guide semble de confiance depuis le début. Heureusement en même temps sinon toute cette situation serait plus étrange que ce qu’elle est actuellement.

Tout est une question d’ambiance. Enfin, certainement. C’est le terme non ?

Qu’importe, quand la main est lâchée pour retirer ses mouvements il en fait de même sans se poser de question ou pudeur mal placée. Ils sont deux hommes, être nus en face de l’autre ne change rien.

Un corps est un corps.

En tout cas c’est ainsi qu’il le voit. Il y en a des plus agréables a observé que d’autre, mais il n’est pas un voyeur et ne va pas observer comme une vieille perverse le corps d’un inconnu. L’important est de se réchauffer après tout.

   – Pas besoin de s’embarrasser d’un bain en plus, les douches sont meilleures pour la santé.

Les fois où il prend vraiment des bains, c’est dans le but exclusif de se détendre dans un bain, pas pour se réchauffer ou laver. Avec plein d’huile parfumée, des bougies, un peu de musique et un plateau pour garder ses dossiers hors de l’eau alors qu’il continue à les remplir. Oui, même dans son bain détente.

   — On m’a toujours dit que le contact physique de deux peaux nues permettait de réchauffer plus rapidement aussi, mais je n’ai jamais à chercher si c’était une manière de mettre dans les rapports de la guilde les parties de jambe en l’air de nos aventuriers ou une vraie solution.

Lui supposais que c’était une vraie solution, mais on lui avait assuré plusieurs fois que c’était la manière que certain aventurier avait de se vanter de n’avoir couché avec un client, partenaire, personne passant par là.

Pourquoi ?

Ça, personne n’a su lui expliquer de manière logique, mais les gens étaient quand même persuadés de cela. Il y a vraiment des gens qui croient au complot de partout. Bientôt on allait leur annoncer qu’il y avait toute une civilisation de l’autre côté de la frontière et préparer une guerre pour les colonisés avant qu’eux-mêmes attaquent.

Vraiment du n’importe quoi.

Qu’importe, une fois ses vêtements retirés et laisser voir un corps qui, bien que sans graisse superflue, n'avait pas les muscles de son comparse, se glissa sans mal sous l’eau de la douche. L’avantage de ne pas avoir une carrure trop imposante était que ça permettait de se glisser facilement dans certains espaces.

Ce n’est pas comme si avec ses activités il allait se muscler des masses de bases. Il laissa sortir un soupir de contentement avec l’eau qui s’était mise à ruisseler sur son corps et déjà la chaleur semblait revenir de plus en plus. Pour Haydan aussi.

   — Tu n’as plus les lèvres mauves, c’est bien. Il faudra aussi bien se remplir le ventre après. Il y a beaucoup d’aventuriers qui sont malades après une quête dans le Nord pour avoir négligé qu’une bonne alimentation aide à avoir une bonne santé.

Oui, il allait continuer cette conversation comme si tout était normal dans cette histoire et qu’il n’était pas tout les deux nue, sous une douche, très proche au point que leur peau se touche sans le moindre souci et qu’ils ne se connaissaient que depuis quelques minutes, et tout cela à cause d’un coup du sort foireux.

Plus on prend une situation normalement, plus elle est normale au final.

C’était aussi simple que cela.

   — Par contre. Je suis désolé d’avance. Je n’ai pas d’affaire de rechange sec sur moi.

C’était important de le dire maintenant, parce qu’il aimerait bien ne pas remettre celle humide qu’il vient de quitter pour aller sous la douche. Cela serait un peu contre-productif cette histoire mine de rien.

   — Oh !

Il y avait donc du vrai dans cette histoire de peau contre peau. C’était une bonne chose de savoir qu’il n’avait pas lu des passages sulfureux un peu trop pour rien. C’était pour rien, même avec cette explication en fait. Soyons réaliste, qui est-ce qui donne les détails aussi pointus pour ce genre de rapport, mais oublie de mentionner les bandits ou les proies attraper ? Pourtant la seconde partie était bien plus importante que de savoir l’endurance au lit des aventuriers. En plus, pour ne rien arranger, il y avait sans aucun doute possible de l’exagération par rapport à leur compétence, mais c’était encore une autre histoire. On n’est pas ici pour faire une critique littéraire des rapports de mission de la guilde. Il est juste bon de rappeler que ce n’est pas à mettre devant tous les yeux.

   — Merci pour l’explication, ça va me permettre de mieux comprendre les rapports. Même si ajouter une ligne pour rappeler que les rapports ne sont pas des essais pornographiques serait bien, mais bon, il faudrait aussi rajouter que ce ne sont pas des manifestes politiques non plus. Souvent les gens préfèrent raconter tout ce qui en dehors de ce qu’on demande vraiment.

Tarek a un moment de pause suite à cette phrase avant d’offrir un sourire à Haydan, faire cela permet de détendre. En tout cas c’est ce qu’on lui a dit et son interlocuteur semble de plus en plus à l’aise donc cela doit fonctionner. Cette douche et conversation étaient vraiment positives. Son ventre grogne instinctivement à la mention du potage et sans la moindre gêne de ce bruit naturel il répondit.

   — Cela sera un plaisir de partager un repas avec toi. Merci d’avance pour les vêtements. Flotter dedans ne me dérange pas, je préfère même. J’ai l’impression d’étouffer quand cela me colle trop.

Il n’a aucune idée si c’est normal, en tout cas jamais aucun guérisseur qu’il a pu voir n’a vu de souci là-dedans. C’est plus son manque de sommeil, sa surutilisation de sa magie, ses carences diverses à cause de ses sauts de repas qui revenait comme chose qu’il devait faire attention. Pas sa faute si le travail ne se fait pas pendant qu’il dort.

Il hocha simplement la tête quand Haydan sortit de la douche. Rester un peu plus sous la douche était plaisant, la sensation des gouttes sur sa peau avait quelque chose de relaxant. Un peu comme s’il était un peu hors de son corps. Un tout petit peu seulement. Son ventre se rappela une nouvelle fois à lui et il sortit enfin de la salle de bain après s'être séché et avoir enfilé les vêtements mis à sa disposition. Il prit une grande inspiration et l’odeur de la bâtisse dans son ensemble emplit ses poumons renforçant le côté rassurant du lieu.

Très prudent, comme pour ne rien abîmer autour de lui, il sortit de la pièce. Il se laissa guider par le bruit pour retrouver la présence de son hôte du jour. Cette maison avait tout d’un lieu familial assez plaisant et il s’attendait presque à voir une ribambelle d’enfants courir dans les couloirs en riant. Un petit pincement au cœur se fit ressentir, ça devait être la faim. Quand avait été son dernier repas ? Ce matin, certainement. Le thé vert ça compte bien comme un repas n’est-ce pas ?

   — Est-ce que je peux prendre place sur un divan ?

Il ne voulait pas envahir un espace qui n’était pas le sien. Il avait été certes invité, partagé une douche et été peau contre peau, il était important tout de même de demander. Le consentement n’est pas quelque chose dont on peut se passer ou traiter par-dessus la jambe. Même pour une simple place sur un divan.

   — Merci pour l’accueil aussi chaleureux, sans toi j’aurais été dans la mélasse, contrairement à toi.

Oui, sans lui il n’aurait pas eu cette chute dans la fontaine mine de rien. Dans tous les cas, son ventre grogna encore une fois. On lui avait parlé de nourriture à lui mine de rien.

S’il était le bienvenu, il allait prendre cela au pied de la lettre sans abuser de l’hospitalité. Sans une once de gêne, il prend place sur le divan. Il appréciait beaucoup le fait qu’Haydan ne lui donne pas mal à la tête avec des ronds de jambe et tournure de phrases bancale. Enfin, presque. Tarek fronce des sourcils en écoutant le fait que son interlocuteur semblait plaisanté sur le fait qu’il pourrait être un potentiel criminel, enfin il lui semble. D’accord, il n’avait rien dit sur les migraines dues aux paroles d’Haydan, il était déjà en train d’en avoir une en cherchant à comprendre. Il fallait peut-être le rassurer tout simplement. Pourtant il a dit être examinateur de la guilde. Peut-être que simplement le dire n’était pas suffisant.

   — Si tu as le moindre doute sur mon identité ou fonction, l’annexe de la guilde de la forteresse te le confirmera. Tout comme s’il y a des factures pour de la casse suite à l’incident, n’hésite pas à l’adresse là-bas à mon nom. Je rembourserais mes dettes.

Bien entendu qu’il n’avait pas compris la pointe d’humour, mais bon, au moins il ne glisse pas dans des pentes trop dangereuses en répondant ainsi. Puis, il était sincère dans le fait qu’il rembourserait ses erreurs. C’était bien son erreur d’avoir entraîné une personne dans sa chute au lieu de la faire seul. Son ventre grogne encore plus avec l’odeur de la nourriture qu’apporte son hôte. Un sourire se dessine sur ses lèvres, il faut faire ça quand on apprécie une situation il paraît.

   — Je suis plus thé, mais le vin rouge me conviendra parfaitement, merci beaucoup.

Il n’allait pas cracher dans la boisson qu’on lui offrait tout de même. Il ne faudrait que faire attention à boire avec modération pour ne pas faire de bêtise. Pas que cela lui soit arrivé, mais voir les frasques des aventuriers complètement déchirés lui avait complètement fait passé l’envie de savoir ce que cela faisait de se sentir ainsi. En plus, ils se plaignaient souvent de douleur à la tête et avaient un estomac fragile ceux abusant. Pourquoi faire cela ? Il ne comprend pas bien.

Bon, il aurait préféré commencer par manger, mais il n’était pas chez lui, ce n’était pas ses règles donc il y aurait une discussion avec du vin rouge avant de mettre la moindre miette de nourriture dans son estomac. Estomac qui semblait ne pas être en accord avec cet ordre des choses, mais ce n’est pas lui qui décide. Voilà.

La question bloque un peu Tarek. Est-ce qu’il veut savoir où il est né ou alors il souhaite savoir où réside actuellement ? Ce n’est pas précis et il n’apprécie pas cela. Enfin, son esprit a du mal avec cela parce qu’il a l’impression de ne pas tout comprendre. Il va opter pour là où il habite en ce moment. Il y est né aussi, alors pas de souci. Pas tout à fait. Il se donne mal à la tête tout seul ainsi.

   — Je viens de la Capitale.

Simple. Net. Précis. Gênant de ne rien dire de plus, mais il ne s’en rend même pas compte. Il n’a pas rendu la question à son interlocuteur parce qu’il est chez lui donc il doit venir d’ici, non ? Surement. En tout cas, il est brave pour vivre à la forteresse et sûrement y travailler. Travailler. Un chemin simple de penser se fait et une réalisation se fait dans les yeux du rouquin.

   — J’espère que je ne te cause pas du tort avec ton travail au moins ou même avec ton jour de repos. S’il le faut, je pourrais faire un justificatif auprès de la guilde pour un retard ou absence au travail. Je prendrais dans mes fonds personnels pour la gêne occasionnée. En quoi est-ce que tu travailles ?

C’est un cheminement tellement foireux pour en arriver à la question finale. Il est foireux de base comme personne de toute façon, alors bon.

La communication avec les autres était quelque chose de base compliquée. Il y avait tellement de nuances qui semblent en premier ordre sans la moindre importance et qui pourtant le sont. Haydan semble être dans le genre a faire des plaisanteries simples, mais même avec l’information que c’était une plaisanterie l’esprit de Tarek avait du mal à vraiment en comprendre le sens et le but. Il y avait plein de buts dans les conversations qui dépassent Tarek.

Cela ne signifie pas qu’il ne veut pas communiquer avec les gens, au contraire, juste qu’il ne comprend pas tout. Ne pas comprendre est frustrant. Il a au moins compris qu’on ne doutait pas de ses propos, mais qu’il avait mal saisi un truc à la base.

   — Merci.

Un mot simple, qui recoupe l’ensemble de tout et qui permet à son esprit de ne pas partir dans tous les sens. Il note mentalement les informations données par Haydan, mais ne les commente pas pour autant. Avoir l’emplacement d’un soigneur de la garde était un point assez intéressant mine de rien pour la guilde.

Pas qu’il souhaite déranger le soigneur pendant ses jours de repos, mais il fallait être honnête et savoir voir qu’il était important d’avoir ce genre d’information si un jour il y avait une urgence avec un aventurier ou une quête dans le champ d’action du garde. Ça ne respecte pas correctement le protocole par contre et cela le ferait littéralement chier d’en arriver là, mais en cas de crise la paperasse est le dernier des soucis. Même lui le sait.

La soupe glisse de manière terriblement agréable dans sa gorge. Il a respecté de manière peut-être un peu trop formelle la demande du soigneur de s’occuper en premier lieu de la nourriture, mais il faut avouer que cela fait beaucoup de bien là où ça passe. Tout son corps semble devenir de la guimauve, comme son esprit à chaque nouvelle bouchée prise. Clairement, la faim ajoutée au froid donne des effets impressionnants quand on offre à son corps le réconfort pour les deux en même temps.

C’est qu’une fois son assiette vide que Tarek réfléchit à ses prochains mots. Il hésite même quelques secondes sur le fait de simplement se resservir et réfléchir à cela un peu plus tard, mais il le sait, s’il mange plus ça ne sera pas une bonne chose. Il ne voulait pas vomir sur le tapis de son hôte pour cause de gourmandise comme un enfant ayant pris trop de bonbons et décidé de tourner en rond le plus rapidement possible.

Oui, cet exemple était pris avec le plus grand des sérieux vu qu’il s’agissait d’une scène vue à la guilde pendant qu’un enfant d’aventurier attendait son parent remplissant son rapport. Il y avait des gens avec des techniques vraiment tordues pour ne pas remplir ce maudit bout de papier. Oui, c’était un subterfuge à la base, mais passons.

   — Je sais que ma demande est un peu déplacée, mais puis-je conserver vos coordonnées personnelles si jamais la guilde a besoin d’un soigneur dans une situation critique ? La plupart du temps nous préférons passer par des guérisseurs indépendants ou demander une coopération avec la garde en cas de mission périlleuse, mais parfois les urgences sont plus imprévisibles que voulu et aussi bien trop dangereuses pour de simples civiles ou des aventuriers spécialisés en soin.

Oui, le voilà qui dérive sur le travail sans même y réfléchir. Ce n’était même pas vraiment la question d’Haydan à la base, mais lui qui l’avait comprise ainsi. Puis, un constat monte dans l’esprit de l’examinateur.

   — Le potage était très bon.

Parce que, vraiment, c’était poli de complimenter un repas qui fait du bien, même si les choses n’avaient pas été faites dans le bon ordre.