Le royaumed'AryonForum RPG light-fantasyPas de minimum de ligne
AccueilAccueil  
  • RechercherRechercher  
  • Dernières imagesDernières images  
  • S'enregistrerS'enregistrer  
  • ConnexionConnexion  
  • AryonpédiaCarte interactiveDiscord

    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

    En savoir plus

    Accueil Aryonpédia Carte interactive
    Haut de page Bas de page
    Nobles
    Citoyens
    Gardes
    Aventuriers
    RP de la semaineEn lire plus
    Trappe-Trappe Gardé

    Red et Bridget se transforment en instructeurs de la Garde de la Forteresse pour une journée, en compagnie d'une véritable instructrice...

    Administrateurs
    Modérateurs
    Maîtres du jeu
    Luz WeissTeam Mono-compte
    Admin amoureuse du rangement et de l'administratif, venez me voir !
    Message privé
    Nikolaos LehnsherrIvara Streÿk
    Administrateur-MJ, préposé au lore et toutes ses histoires
    Message privé
    Ivara StreÿkNikolaos Lehnsherr
    Administratrice générale, hante ceux qui n'ont pas leur JDB à jour.
    Message privé
    Aord SvennAurélius | Vivianne | Sarah | Silène
    Modérateur RP, prêt à lâcher Sainte Pampersa sur vos bêtises alors attention…
    Message privé
    Kasha ShlinmaRalia
    La modo-caméléon, qui vous guette dans chacun de vos RPs
    Message privé
    Hryfin DanvilWarren | Nephali
    Petit padawan du staff, modérateur général
    Message privé
    Whiskeyjack CallahanNicholodéon
    Chef suprême des glooby
    Message privé
    Olenna BelmontKlarion | Lunar | Iris | Circé
    MJ aussi malicieux qu'un chat pour vous plonger dans de belles féeries !
    Message privé
    Zahria AhlyshTeam mono-compte
    Toujours là pour vous faire rêver et vous shiper
    Message privé
    Les nouveautés deOctobre
    Poster une petite annonce Le Blizzard, Régiment de Forteressse est fait pour vous si voulez répondre à vos propres défis et servir le Royaume !L'Ordre des Célantia recherche encore deux joueurs pour incarner les archontes manquants : Sandro Deketzione et Oscar Gauss.L'Académie des Sciences recherche des érudits ou des individus assoiffés de connaissances.
    Evènement InRPLes rumeurs qui circulent et évènements...
    Devenir partenaire ?
    hall of fame
    ChronologieLes groupes de joueursLes dernières rumeurs
    Nos jours an 1002 saison fraiche
    Empyrée an 1002 saison douce
    Le désert volant an 1001 saison douce
    La cité enfouie an 999 saison fraîche
    La tour en ruines an 999 saison douce
    L'académie des sciencesL’Académie des Sciences est le fleuron de la recherche scientifique au sein du royaume. Entre ses murs, on trouve bon nombre d’érudits soucieux du progrès d’Aryon ainsi que de percer les secrets des arcanes du monde qui les entoure.
    L'Astre de l'AubeL’Astre de l’Aube est une organisation médicale qui prône la valeur de la vie et des sciences : ses membres d’élite ont affiné leurs compétences de soin jusqu’au perfectionnement.
    Le trone d'amphitriteLe trône d'Amphitrite regroupe des chasseurs de monstres afin d'éliminer les créatures qui peuplent le royaume et en récupérer certains composants pour les revendre à ses partenaires.
    L'Ordre des CélantiaDissimulés derrière la compagnie Althair, l'Ordre des Célantia regroupe tous les citoyens, aventuriers, gardes ou nobles à la recherche d'artefacts ou de reliques en lien avec le passé d'Aryon.
    Les belluairesLes Belluaires assurent la sécurité de la forêt du royaume. Réputés pour accueillir les « cas désespérés » de la Garde, mais aussi pour leur polyvalence et leur sympathie !
    Le blizzardLes gardes du Blizzard sont de valeureux guerriers. Postés au nord du pays. Pour eux, plutôt mourir que faillir. Voici leur force, voici leur courage
    Régiment Al RakijaGarde Sud. Multiples unités aux profils colorées, assure avec autonomie et indépendance la sécurité de cette région du Royaume. Atypiques, anti-conformistes, professionnels, à contre-pied de la classique image de la Garde.
    Les espionsRégiment de la garde dont les membres experts en infiltration et à l'identité secrète sont chargés de recueillir des informations sur tout le territoire afin d'assurer la sécurité de tous.
    On raconte qu’au terme du tournoi organisé par la maison Tanner, les leçons d’escrime connurent un soudain regain de popularité auprès de la gente féminine. La rumeur, récente et grandiose, voudrait que l’épée soit un excellent moyen de donner la chasse aux meilleurs partis du royaume. … Les filles de la cour feront longtemps des gorges chaudes en se rappelant de la souillon (anonyme) qui avait enlacé un conseiller royal (qu’on ne nommera pas).En savoir plus...
    A une journée de cheval de la Capitale, aux abords d'une petit village quelconque, un véritable massacre a eu lieu. Dans les décombres, on trouve pas moins d'une demi douzaine de corps, morts avant l'arrivée du feu. Que s'est-il passé exactement ? Qui a fait tout cela ? Personne n'en sait rien mais chose encore plus étrange : de longues heures après l'événement, un mist blanc à la crinière bleu y a été vu avant d'en repartir aussi vite. Autant dire que cet événement peu commun soulève bien des mystères...En savoir plus...
    Une maison supposément abandonnée a pris feu en pleine nuit, dans un village aux abords de la Capitale. Certains témoins racontent qu'un combat sanglant s'y est déroulé avant l'incendie. Plusieurs corps calcinés y ont été retrouvés.En savoir plus...
    La Couronne a annoncé la démission officielle d'Arban Höls au poste de Commandant du Royaume ! Si la fête et le discours donnés en l'honneur de son départ ont été dignes de ses nombreux services rendus à la Garde, la liste des invités s'est révélée étonnement courte et fermée. Il se raconte dans certains couloirs que la date de ce départ a été plusieurs fois avancée sous couvert du secret, et que cette démission ne serait pas aussi volontaire qu'elle le semblerait... On lui prête notamment des atomes crochus avec un écoterroriste tristement célèbre dans nos contrées. La Couronne a du moins assuré qu'Arban Höls pourrait désormais profiter pleinement de sa demeure fermière située au nord du Grand-Port, tel qu'il l'a toujours souhaité. Quelques Gardes seront également dépêchés sur place afin d'assurer sa sécurité. ... Ou serait-ce pour le surveiller ? Le poste de Commandant sera du moins provisoirement occupé par notre souverain, Grimvor Renmyrth, qui a réaffirmé sa volonté de protéger le peuple en ces temps incertains ! Il se murmure qu'une potentielle refonte de la Garde serait à prévoir, et qu'un successeur serait trouvé dans les prochains mois. A bon entendeur !En savoir plus...
    L’Astre de l’Aube au marché noir ? Ce matin, une rumeur des plus sombres se répandait dans les salons de la Capital. La célèbre Luz Weiss aurait été aperçue en train d’acheter des objets illégaux au marché noir ? Simple rumeur, tentative de décrédibilisation ou simple mensonge de couloir ? Impossible de le dire ! L’Astre de l’Aube dément officiellement que sa directrice puisse avoir de telles relations avec la pègre. Une mauvaise pub qui pourrait éclabousser l’organisation médicale si elle s’avérait vraie, mais pour l’instant ce ne sont que des rumeurs. Des rousses, il y en a beaucoup dans Aryon et ce ne sont pas toujours la célèbre Médecin à la chevelure flamboyante. Affaire à suivre.En savoir plus...
    Une flamboyante annonce est venue chambouler les bureaux de la Guilde des Aventuriers : un nouveau Saphir est né parmi l'élite de l'élite. Le désormais célèbre Jin Hidoru s'est ainsi fait connaitre au fil de plusieurs aventures. De la récolte d'herbe blanche, une enquête menée sur l'Île sombre au sujet de disparitions, la chasse d'une immense créature bloquant l'entrée du Grand Port ou même la révélation d'une affaire criminelle derrière un mystérieux pinplume dorée, Jin s'était également démarqué en revenant vivant des Ruines des corbeaux sur le Désert volant. Une étoile montante récompensée par l'insigne des Saphirs à suivre de près !En savoir plus...
    Une œuvre d'art s'arrache à prix d'or au profit d'un orphelinat ! La semaine dernière, la célèbre créatrice C. Cordoula, de la maison éponyme, a une fois de plus créé l'évènement en mettant aux enchères sa toute dernière pièce de collection : une paire de tongs de plage à l'effigie de la mascotte Wougy le woggo. De nombreuses personnalités s'étaient rassemblées en ce jour pour participer à la vente et l'engouement généré a dépassé toutes les attentes, surprenant même leurs organisateurs ! De nombreux noms ont tenté de faire inscrire leur patronyme dans l'histoire de cette transaction, dont une partie des bénéfices a été reversée à l’œuvre caritative l'Arche de l'Espoir et aurait été remportée par une des éminences de la Guilde après un incident impliquant une attaque de dinde.En savoir plus...
    Informations personnages
    Sujets des rumeurs généralesla capitalela gardele palais
    Les péripéties des défis de la saison chaudean 1000an 1001
    Connexion

    Récupérer mon mot de passe



    Le Deal du moment :
    Code promo Nike : -25% dès 50€ ...
    Voir le deal

    Pour l'amour de l'art
    Iris DelancyMéduse Flambeuse
    Iris Delancy
    Informations
    Pour l'amour de l'art
    Sam 19 Fév 2022 - 15:41 #
    Iris s’était superbement apprêtée pour ce vernissage, c’était un événement qu’elle attendait depuis plusieurs semaines. Il avait été annoncé dans plusieurs journaux et canards de la Capitale comme un grand événement culturel, une occasion pour découvrir de nouvelles représentations de la vie aryonnaise, une invitation à la contemplation. Bien évidemment, comme d’habitude, il n’y aurait que nobles et bourgeois au rendez-vous. Aucune personne du bas peuple ne se rendait à ce type de réception, bien trop guindé et clivant pour eux. Se retrouver en tenue de travail, couverte de boue et de purin, face à une haute-société tout en soie et satin avait de quoi faire rougir. La cadette Delancy savait qu’elle devrait danser une valse bien particulière, celle ponctuée par des entractes de diamants et champagnes, de rires réservés et d’habiles mouvements d’éventails. Pour l’occasion, elle s’était habillée d’une splendide robe noire à tournure. Son bustier était doublée de sequins ébène qui luisaient à chacun de ses mouvements, et descendaient le long de sa taille pour se perdre dans de longs drapés couvrant le corps de sa robe faits d’organza couleur encre. Autour de ses bras, gantés, Iris avait choisi une splendide étole de fourrure blanche. Elle avait passé un solitaire d’émeraude qui rutilait au-dessus de sa poitrine ainsi que des boucles d’oreilles de diamants, étincelants comme des étoiles.

    L’exposition avait été, somme toute, relativement agréable, bien que peu sensationnelle. Beaucoup de peintres n’avaient fait que représenter ce qu’ils voyaient, figeant l’instant sans lui donner grande vie. Pour Iris, c’était ce qui faisait toute la différence entre une bonne œuvre d’une création scolaire. Une statue pouvait répliquer à la perfection la figure de son modèle, si aucune âme ne s’en dégageait, alors la jeune femme n’avait aucun intérêt à l’admirer. Pour Iris, l’art se devait d’exploser de vie, de mort ou d’émotion, faire éprouver quelque chose à celui qui le regarde, et pas juste un produit égoïste ou d’entre-soi. Autour d’elle, la foule était relativement bruyante, la coqueluche de la journée n’était pas encore arrivée. Peut-être était-elle déjà sur les lieux, mais cette personne n’était, pour l’instant, pas au milieu de l’assistance.

    Debout au milieu de la cohue, Iris fixait un cadre entre deux autres tableaux. Celui de gauche représentait plusieurs navires et caravelles arrivant aux quais du Grand-Port. Au premier plan, des dockers s’affairaient tandis que plusieurs carrioles pleines à craquer d’épices et de babioles s’engouffraient dans la Ceinture Marchande. À droite, on pouvait voir sur la toile plusieurs lavandières frottant leur linge. L’eau du lavoir ondulait tandis que les femmes avaient l’air de transpirer sous un soleil de plomb, plusieurs d’entre elles étant bien dépareillées, leurs cheveux en pétard. Néanmoins, la technique de ces deux tableaux n’intéressait personne dans la salle. Non, tout le monde avait les yeux rivés sur ce qu’il se trouvait au centre. Malgré l’écriteau décrivant la pièce, l’éclairage des cristaux de lumières posés au-dessus, personne ne semblait pouvoir garder l’œil en place et tout le monde discutaient à droite comme à gauche. Le brouhaha devint bien vite une clameur, si bien que plus personne dans le musée ne parlait d’autre chose.

    Entre les deux tableaux, il n’y avait… rien. Le cadre était vide, la cordelette de sécurité affaissée sur le sol. Quelqu’un avait dérobé le travail du Ministre de la Culture en personne. Pour la première fois depuis moult années, un membre du gouvernement contributeur avait été volé.

    - Mais comment diable cela a-t-il pu se produire ? S’inquiétait un antiquaire.

    - Si le Ministre en personne a pu être volé, alors quid des autres artistes exposés ? Renchérit une gente dame couvertes de froufrous.

    - Le musée n’est-il pas sécurisé ?! Tonna un amateur d’art trapu. C’est un scandale !

    - Regardez, la presse est déjà sur les lieux. Mais où est le Ministre Lehnsherr ?

    Cette dernière interrogation sonna le glas pour Iris qui cessa de fixer le morceau de mur vide et décida de s’exiler dans une salle voisine. Les autres pièces de l’exposition avaient été désertées en raison de l’événement retentissant pour voir de leurs propres yeux l’absence d’œuvre, preuve d’un vol éhonté à l’encontre d’un membre du gouvernement. S’isolant entre deux statues d’athlètes nus, Iris sortit un petit cristal de la taille d’une mandarine de sa pochette à main. Se concentrant, le cristal se mit à luire, clignotant légèrement. Au bout de quelques secondes, la lumière se stabilisa et la belle sut qu’elle pouvait parler.

    - Vous me recevez ? Chuchota-t-elle dans le creux de sa main.

    - Oui, répondit une voix enfantine à l’autre bout du fil.

    La voix appartenait à Capone, enfant membre de la Ligue, groupe d’arnaqueurs duquel faisait partie Iris. Capone était leur faussaire, et plutôt caractériel.

    - Tu t’en sors ? Demanda-t-il en mastiquant quelque chose.

    - Baisse d’un ton, je suis encore sur place et je tiens à être discrète. Il y a un problème, le tableau a déjà été volé.

    Un silence un peu trop long suivit la révélation d’Iris.

    - Attends une seconde, la Vieille veut te parler, répondit Capone.

    Iris retint son souffle. « La Vieille » était le pseudonyme d’Edith, la leader de leur petit groupuscule, une femme de poigne, extrêmement intelligente et calculatrice. Elle traitait les membres de sa Ligue comme une famille, et agissait comme une véritable stratège pour assurer leur prospérité. Iris put enfin l’entendre à travers le cristal de communication :

    - Iris, commença-t-elle, je t’écoute.

    - Je viens à peine d’arriver, je n’ai pas d’informations, le tableau du Ministre Lehnsherr a été dérobé.

    - Je vois… Que comptes-tu faire ?

    - Rester, quoi d’autre ?

    - Excellent, je te laisse continuer. Le temps de me préparer, et je te rejoins.

    - Vous… me rejoignez ?

    - Mais bien sûr, ce voleur va apprendre une leçon qu’il n’est pas prêt d’oublier.

    La communication prit fin. Iris savait pertinemment qu’Edith n’appréciait pas qu’on les coiffe au poteau. Et elle avait, de toute évidence, décidé de prendre les choses en main elle-même… Iris devait mettre la main sur le ministre, puis sur son tableau.

    Après tout, c’était la Méduse qui devait le voler…
    InvitéInvité
    Anonymous
    Informations
    Re: Pour l'amour de l'art
    Dim 20 Fév 2022 - 18:31 #
    Aurélius avait horreur des vernissages. Ils étaient tout ce qu’il combattait en tant que ministre de la Culture. De l’entre-soi impersonnel qui servait plus d’excuses aux plus grands dignitaires du royaume pour se retrouver lors d’une soirée que de vitrine au monde de l’art. D’ailleurs, bien qu’il soit exposé lors de cette soirée, le ministre n’avait pas eu son mot à dire sur le contenu de l’exposition. En cela, il se sentait être le jouet de conservateurs avides d’argent plutôt qu’un artiste qui fait découvrir son art. Il était donc aisé de comprendre pourquoi le peintre arborait une mine affreuse en se rendant à la galerie.

    Une petite tête poilue apparut alors sur son épaule suivie de deux petites pattes. Tango, son lolori de compagnie, se hissa jusqu’au visage de son maître en miaulant pour attirer son attention. Évidement, le grand homme s’en retrouva tout à fait changé, un fin sourire se dessinant maintenant sur ses lèvres, il porta sa main à sa poche et en sortit une petite améthyste qu’il donna au petit chat. La petite bête l’attrapa entre ses dents minuscules et commença à la grignoter tranquillement, ignorant superbement les états d’âme de son maître. Au moins, son intervention avait fait oublier ses ruminations à Aurélius qui s’était retrouvé devant la porte de la galerie sans s’en rendre compte.

    « Aller Tango, c’est juste un mauvais moment à passer.

    - Miaou, lui répondit son familier en jouant avec son casse-croûte tandis qu’il lui caressait le dessus du crâne. »

    Aurélius ouvrit la porte et jeta immédiatement un froid sur l’assemblée. Tous se retournèrent vers lui et il sentit le poids de leur regard courir sur ses vêtements comme autant de jugements acerbes. Il portait en ce jour funeste une veste longue en velours de couleur vert olive. Tout le tour du vêtement avait été brodé de motifs végétaux couleur obsidienne. Il ne fallait pas être une cantatrice reconvertie pour savoir qu’elle était hideuse. Il l’enleva et la confia à un employé de la galerie en jetant des regards curieux. D’où venait donc ce silence si soudain ? Les nobles avaient-ils compris que l’art ne s’appréciait pas durant des soirées bruyantes et futiles ?

    Il ajusta son veston bordeaux dont la couleur ne se mariait avec rien de ce qu’il portait. En dessous, il avait opté pour une banale chemise de lin d’un blanc cassé dont la seule originalité tenait à ses manches ajourées ainsi qu’à sa boutonnière qui était mise en valeur par l'empiècement douteux d’une bande de tulle rouge écarlate apposée et cousue au fil d’or dans une représentation très … contemporaine du terme « dégradé ». S’il existait une police de la mode, il était certain que des têtes seraient tombées pour une pareille création. Un ascot bleu au motif marin apportait une dernière douche de bizarrerie à sa personne.

    « Eh bien, vous êtes bien silencieux ce soir ? Mes efforts incessants pour vous faire ouvrir les yeux sur le monde merveilleux de la peinture auraient-ils enfin porté leur fruit ? »

    Aurélius sourit en prononçant sa plaisanterie avant de se présenter devant l’assistance médusée, la main sur la hanche. Beaucoup se mirent à regarder ses pieds à ce moment. Le bas du ministre était parfaitement de ton avec son haut : catastrophique. Pour agrémenter l’horreur de son buste, il avait choisi un pantalon tout aussi blanc tirant sur le beige dont les motifs à carreaux avaient quelque chose de vomitif. Enfin, le parcours atroce de son accoutrement s’achevait par de simples chaussures de cuir, à moitié cachées par le tissu du pantalon, qui ne semblaient ne rien avoir de spécial si ce n’est quelques taches colorées de-ci de-là.

    « Par la déesse, mais que quelqu’un dise quelque chose. Le tableau a déjà été exposé ? Et bien qu’en pensez-vous ? Cela fait des mois que j’y travaille d’arrache-pied. Y avez-vous vu le pied de nez face à la société représentative qu’est la nôtre ? Avez-vous compris le silencieux, mais fort message que j’essaie de porter. Ah ! Je vois pourquoi vous restez silencieux, vous avez enfin compris à quel point votre vision de l’art était simpliste, voire même enfantine. Maintenant comprenez-vous pourquoi vous devez financer mon projet ? Pourquoi nous avons besoin de plus d’exposition et non de cet entre-soi ridicule et … et … »

    La foule venait de s’ouvrir tandis qu’il marchait en déclamant son discours à tout le monde et ce n’est que lorsque le dernier gêneur se fut écarté qu’il réalisa que le monde de la noblesse n’avait eu aucune révélation artistique ce soir. Il s’arrêta sur place, droit comme un I. Tango en profita pour bailler et agiter sa petite queue multicolore. Le chaton s’était nourri dans la boîte à bijoux d’une vieille douairière ce matin et cela lui avait donné des teintes assez fantaisistes ajoutant encore un peu de folie à l’allure de son maître.

    Aurélius tremblait sur place et une clameur commença à se créer derrière lui, puis il pivota tel un automate, le visage écarlate de colère.

    « Quelqu’un peut-il m’expliquer pourquoi l’emplacement de ma toile est totalement vide ? Où est le directeur !? »

    L’homme en question, un vieux bonhomme caché dans un manteau de fourrure trop grand pour lui, se retrouva alors éjecté de la foule. Aurélius l’attrapa par la manche et l’attira à l’écart pour lui passer une soufflante que tous purent entendre, bien que le brouhaha habituel venait de reprendre. On parlait déjà de faire venir la garde et le ministre se décomposait à vue d’œil lorsqu’il réalisa que son travail avait bien été volé et pas seulement oublié par l’exposant.
    Iris DelancyMéduse Flambeuse
    Iris Delancy
    Informations
    Re: Pour l'amour de l'art
    Dim 20 Fév 2022 - 23:18 #
    L’appel que venait de passer Iris à l’aide de son cristal de communication pris fin que des éclats de voix ulcérés attira son attention. Un bonhomme croulant sous un manteau de fourrure trop lourd pour lui venait d’être tiré par l’épaule dans la salle aux statues par le ministre Lehnsherr, enfin arrivé. Le noble dignitaire était, il fallait s’y attendre, terriblement furieux de la disparition de son œuvre. Iris savait, pour en avoir fréquenté un certain nombre et pour en être une elle-même, que les vrais artistes voyaient leurs créations comme des morceaux de leur être. Chaque tableau, chaque sculpture, chaque pièce de théâtre, poème ou roman que créait un artiste sincère pouvait être considéré comme un fragment de leur âme qu’ils taillaient sans relâche pour partager leurs émois. La jeune Delancy le ressentait à chaque fois qu’elle posait sa plume sur le papier et écrivait paragraphes et chapitres. À chaque mot, l’encre dansant sur les pages, la Méduse s'échappait d’Aryon pour vivre des épopées dont elle seule était à la fois la déesse, mais aussi l’aventurière. Elle y mettait tout son cœur et aurait été extrêmement peinée de les voir disparaître…

    Aurélius Lehnsherr n’éprouvait aucune gêne à invectiver le conservateur aussi fort que possible, faisant pleuvoir blâmes et reproches sans discontinuer. Depuis l’autre salle, toute la foule s’était réunie face aux portes grandes ouvertes, sans cesser de parler, pour profiter de toute la scène. Une aristocrate vêtue d’amples vertugadins, lui donnant l’air d’une cloche sur pattes, dissimulait ses lèvres derrière un éventail d’ivoire et de nacre pour deviser avec sa voisine. Iris passa les yeux sur cette dernière et reconnut aussitôt Henrietta Bellegarde et sa chevelure de ronces. Cette noble haute en couleur était patronne de plusieurs comptoirs d’embellisseurs et cachait savamment ses rides de septuagénaire grâce à des enchantements et injections d’élixirs de jouvence. Iris l’avait croisé à la Ville Aquatique lors d’une vente aux enchères où elle avait raflé une sacrée mise en collaborant avec un certain Non-Mort, vente au cours de laquelle l’hybride roncier s’était d’ailleurs entichée du mort-vivant, risquant de ruiner toute leur combine. Iris ne la voyait pas comme un obstacle, Henrietta était bien ignorante de ce qui s’était joué sous son nez, mais elle avait eu la fâcheuse tendance à involontairement entraver leurs plans. Il faudrait garder un œil sur elle…

    Le ministre n’en démordait pas et exigeait des comptes de la part du directeur, le brouhaha ne faisant que s’intensifier. Certains s’impatientaient du retard de la Garde, d’autres commentaient le manque de sang-froid du membre du gouvernement, d’autres critiquaient l’incompétence du directeur. Le chaos s’installait peu à peu et quelqu’un se devait de prendre la barre de ce navire qui, petit à petit, fusait à grands nœuds vers les récifs. Iris rangea son cristal avant de sortir de sa cachette et se diriger à grands pas en direction des deux hommes en pleine altercation.

    - Si je ne m’abuse, monsieur le ministre, il serait plus judicieux de votre part de relâcher ce pauvre homme.

    Les deux intéressés se tournèrent vers Iris qui esquissa un fin sourire mutin, continuant d’évoluer vers eux. Elle avait savamment fait glisser son étole de fourrure le long de son bras, révélant l’une de ses épaules.

    - Iris Delancy, petite-fille d’Edmond Delancy, ancien Commandant de la Garde et héros du royaume. Permettez-moi de vous dire que ce vernissage était d’un ennui mortel jusqu’à ce que le vol de votre tableau soit découvert. On pourrait qualifier ça de performance.

    Le ministre n’avait pas l’air de vouloir rire, si bien qu’Iris s’empressa de se tourner vers le conservateur :

    - À ce propos, monsieur, je pense que tout le monde se le demande ici : comment cela a bien pu arriver ?

    - Je… je n’en ai aucune idée, ma dame ! Mugit-il d’une voix plaintive, de la sueur plein le front, tous les yeux rivés sur lui. Le tableau a été accroché cette nuit, je m’en suis assuré, ce matin avant l’ouverture, il était encore là. J’ai placé un petit rideau dessus pour l’inauguration de l’exposition. Mais… Mais… Quand je l’ai ouv- ouvert il… Il…

    Le bonhomme allait éclater en sanglots, écarlate de honte. S’il avait pu fondre sur place, il ne s’en serait pas privé. Il sursauta lorsqu’une voix avec un fort accent tonna au milieu de l’assistance :

    - Mesdames et messieurs, à partir de maintenant, personne ne sort de ce musée !

    Plusieurs nobles émirent de grands cris de surprise. Toutes les têtes se tournèrent et plusieurs personnes s’écartèrent. Au milieu des nobles, une nouvelle figure venait de faire son entrée. Habillée d’un tailleur de feutre sombre et perchée sur de hauts talons vernis, cette femme portait un capelet noir et blanc en fourrure de primate. Sur ses cheveux blonds impeccablement coiffés, ondulant autour de son visage, elle avait épinglé un bibi très sobre au-dessus de son front, trois plumes de corbeau agrémentant sa coiffe. Son visage, sévère, impérial, était sublimé par un rouge à lèvres aussi éclatant et grenat que du sang. La Vieille Edith était arrivée.

    - Qui êtes-vous ? Demanda immédiatement Iris, faisant semblant de ne pas la connaître.

    - La grande Elsa Mars, répondit-elle de façon théâtrale, détective privée. Il est grand temps que quelqu’un prenne les choses en main. Et je crains, monsieur le ministre, que l’arrivée de la Garde ne scellerait le destin de votre tableau. Comme ce monsieur l’a souligné, votre œuvre était encore là ce matin jusqu’au début du vernissage.

    - Ce qui signifie que… Non ! S’écria Iris, faussement choquée, levant une main devant sa bouche.

    - Oui ! Reprit Edith avec son accent fardé. Le coupable se trouve encore entre ses murs. L’arrivée de la Garde forcerait tout le monde à quitter les lieux ! Et tout le monde ici est donc suspect…!

    En son fort intérieur, Iris souriait, Edith était une comédienne fabuleuse. Plusieurs nobles affichaient des figures terrorisées. Pour parfaire la scène, la Méduse s’accrocha au bras du ministre en haletant légèrement, comme si elle allait s’évanouir.

    - Nous sommes donc piégés ici, avec un voleur… Qu’allons-nous faire, monsieur le Ministre ?
    InvitéInvité
    Anonymous
    Informations
    Re: Pour l'amour de l'art
    Dim 20 Mar 2022 - 19:24 #
    Il était bien rare de voir le ministre de la Culture dans une telle colère. Lui qui était un personnage très effacé, venait de se transformer en harpie hystérique. Le pauvre conservateur en faisait maintenant les frais. Aurélius le submergeait de question, d’interrogations et de remarques assassines. On oubliait souvent qu’Aurélius avait été élevé par les Lehnsherr. Bien qu’il se soit écarté de leurs adages, il pouvait parfois les retrouver quand il était hors de lui. Devenant ainsi le dernier représentant d’une des familles nobles les plus exigeantes qu’Aryon n’est jamais porté. Le brouhaha ambiant ne faisait qu’accentuer sa colère, car il ne parvenait pas à entendre les réponses misérables de sa victime.

    Soudain, le bruit se calma pour laisser place à une voix aiguë. Aurélius tourna la tête vers la jeune femme qui s’avançait avec un air supérieur et parfaitement insupportable. Peut-être aurait-elle mieux fait de rester dans le rang, car le ministre lui répondit des plus sèchement.

    « Et qui êtes-vous pour me demander cela, Madame ? »

    On se doutait à son ton que la question était rhétorique et que la réponse qu’il attendait était simplement la disparition séance tenante de cette personne, mais la pédante n’en avait cure. Heureusement pour elle, le pedigree de sa famille arrêta un instant la colère d’Aurélius qui marqua une hésitation.

    « Si je ne m’abuse vous êtes rattachée aux Blizzards ? »

    Oui, l’héritière Delancy était garde au Blizzard aux dernières nouvelles, ou était-ce l’autre. Aurélius avait bien du mal à se rappeler ses détails insignifiants des arbres généalogiques des nobles tellement son esprit était embrouillé par la rage d’avoir vu son travail disparaître. Aussi, au lieu de réfléchir, il s’énerva de nouveau.

    « Vous qualifiez le vol de mon travail de performance ? »

    Le dernier mot avait été craché plus que prononcé signe qu’il avait été interprété comme une insulte. La jeune femme dut s’en rendre compte, car elle détourna rapidement l’attention du ministre sur le conservateur de la galerie. Il lui darda son regard le plus insistant en attendant qu’il s’explique sur son incompétence et l’explication ne lui suffit pas.

    « Et il a simplement disparu ? Comme ça ? Vous me prenez pour le dernier des … »

    Aurélius tourna la tête vers la seconde personne à l’avoir interrompu. Qui était-ce encore ? Il valait mieux pour elle qu’elle de quoi le calmer, sinon elle allait elle aussi subir son caractère exécrable du moment. Et elle s’en sortit à merveille. Le ministre se mit immédiatement à observer tous les invités avec un regard méfiant, lequel avait osé le prendre pour un jambon en lui volant son travail ? Ses traits se tirèrent, mais se détendirent immédiatement lorsqu’il sentit son bras s’alourdir soudainement. Cette Iris semblait être une grande dramaqueen, mais cela marchait à merveille sur notre artiste.

    « Allons du calme, se vit-il obligé de dire. Nous allons trouver ce voleur séance tenante. Vous n’êtes pas sans savoir que je suis quelqu’un d’observateur et de particulièrement attentif. Madame … pardonnez moi votre nom m‘a échappé … Mars. Vous êtes engagée pour cette enquête ! Jusqu’à ce que la toile soit retrouvée, personne ne sortira de cette salle ! C’est clair ? »

    Le ministre s’était tourné vers le conservateur avec des yeux si injectés de sang que le pauvre homme faillit en souiller ses chausses. Les portes furent fermées et pour contenir la rage des invités, des petits fours furent servis avec un peu de vin. Il allait être difficile de les confiner toute la journée. Aurélius créa une pseudocellule de crise dans un bureau attenant. Il ne s’était entouré que de la détective, du conservateur et de la fille Delancy, qui le collait étrangement depuis un moment.

    « Madame Mars, que me conseilleriez-vous ? dit-il en s’assaillant dans l’épais fauteuil de velours rouge du conservateur en soupirant.

    - Comme nous savons que le voleur se trouve parmi nous, un interrogatoire de chaque invité s’impose ! Pendant ce temps, je pourrais aller inspecter la scène de crime afin d’en trouver extraire toutes les pistes possibles. »

    Aurélius posa les coudes sur le bureau, croisant les doigts, plongé dans une profonde réflexion. Soudain, il sembla basculer sur le côté, avant de se récupérer in extremis. Les sons du bâtiment vinrent agresser ses oreilles à mesure que son ouïe s’affinait avec son pouvoir. Il grimaça, en s’enfonçant dans le dossier du fauteuil visiblement pris de vertige. Il n’avait toujours pas répondu aux conseils avisés de la détective, comme s’il écoutait autre chose. Soudain, le ministre afficha un air mauvais et cria :

    « Dame Bellegarde, si vous avez le temps de critiquer ma peinture, je suis certain que vous en trouverez pour venir m‘expliquer ce que vous avez fait depuis votre entrée dans cette salle. »

    Un long silence tomba sur les invités. Plusieurs d’entre eux se regardèrent pour s’assurer qu’il avait bien entendu. Comment le ministre pouvait avoir entendu l’hybride ronce alors qu’elle se trouvait à l’autre bout de la salle, noyée dans les conversations. Cette dernière avait même un peu pâli, avant de se pencher vers sa voisine pour lui chuchoter quelque chose, ce qui ne manqua pas de faire ressortir un nouveau cri du bureau.

    « Dame Bellegarde, je ne doute pas que votre bouche soit une délicieuse source d’insulte sur ma personne, mais je vous saurai gré de bien vouloir vous dépêcher de ramener votre « postérieur de dinde » pour reprendre vos formulations. »

    Cette fois, la noble devint blanche comme un linge, réalisant que non seulement le ministre pouvait l’entendre à cette distance, mais qu’en plus il avait dû entendre des choses très compromettantes. Elle se dirige vers le bureau sous l’œil curieux de l’assemblée. Tout le monde savait maintenant qu’ils étaient espionnés, un coup de maître du ministre pour leur rappeler qu’il n’était pas le dernier des imbéciles.

    La septuagénaire entre pour découvrir un Aurélius plus froid que jamais.

    « Monsieur le ministre, je suis confuse, il n’était …

    - Cessez donc de me mentir Henrietta, je peux entendre votre respiration et votre cœur battre quand vous me mentez. Et vous aviez l’air d’avoir une haute opinion de ma peinture tout à l’heure. J’imagine que vous ferez tout pour m’aider à la retrouver ?

    -Bien sûr monsieur le ministre …

    - Alors asseyez-vous ma chère. »

    Le ministre n’avait en aucun cas la capacité de détecter les mensonges. Il entendait bien les battements de cœur, mais il lui était impossible de détecter une différence quelconque à l’oreille nue. Il pouvait tout au plus dire qu’une personne était stressée, ce qui était le cas de la vieille femme, rien d’étonnant. L’artiste la laissa s’asseoir avant de se tourner vers sa détective.

    « La salle est toute à vous, madame Mars. Faites donc votre œuvre, et n’oubliez pas, je garde une oreille sur vous si jamais vous souhaitez me transmettre des informations. »

    Il lui sourit et tourna son attention sur la première personne qu’il allait interroger.
    Iris DelancyMéduse Flambeuse
    Iris Delancy
    Informations
    Re: Pour l'amour de l'art
    Lun 21 Mar 2022 - 21:01 #
    Le ministre Lehnsherr avait réussi à entendre les messes basses d’Henrietta Bellegarde au milieu du grand brouhaha, Iris comme Edith l’avaient remarqué. S’il avait été capable d’une telle prouesse, cela voulait dire que sa magie lui permettait d’une quelconque manière d’exacerber ses sens. Le dignitaire n’avait même pas essayé de le dissimuler, alpaguant l’aristocrate comme un professeur qui enguirlande un enfant trop bavard. Lady Bellegarde avait pincé les lèvres du mieux qu’elle le pouvait pour ne pas répliquer face au ministre, et le reste de l’assistance toisant le grand homme de regards qui en disaient longs. Aurélius Lehnsherr avait, en plus de tout cela, fait fermer le musée suite à l’irruption de la « grande Elsa Mars » pour être certain que le coupable ne s’en échappe pas. Cette mesure eut pour effet d’augmenter un peu plus la tension générale. Entre les nobles outrés, les journalistes sur le qui-vive et de rares enfants inquiets, tout ce petit monde ne semblait pas avoir le ministre dans leurs bonnes grâces. Ceci pourrait être bien profitable pour Iris tout comme lui faire office d’obstacle. Si l’un d’eux mettait la main sur le tableau disparu, alors son grand coup serait définitivement terminé. Et plusieurs personnes discutaient déjà pour s’organiser et fouiller le musée et retrouver la peinture le plus rapidement possible afin de pouvoir sortir. Iris devrait faire vite.

    Elle ne pouvait pas échanger avec Edith, de peur de se faire découvrir à cause du pouvoir de Lehnsherr. La cadette Delancy lui accorda cependant un rapide mouvement de tête avant de se mettre à bouger. Le ministre était déjà parti interroger un critique d’art, lui faisant pleuvoir un torrent de questions auxquelles il n’avait aucune idée de comment répondre. Iris passa à côté d’Edith qui sortit un calepin de sa pochette pour prendre des notes. Alors qu’elle s’apprêtait à suggérer à un serveur d’offrir des boissons à tout le monde afin de détendre l’atmosphère, Iris fut surprise par Henrietta qui lui coupa la route. Elle était vêtue d’une robe à crinoline dont le tissu semblait fait de nuages. Certains, tout gris, émettaient quelques éclats de lumière pour simuler un éclair, et plusieurs boutons de rose bourgeonnaient sur ses cheveux de ronces. Passant une main gantée dans un nuage de sa robe, la Bellegarde en ressortit un petit poudrier de laiton pour se farder délicatement les joues en les tapotant.

    - Henrietta, quelle robe ! Lui sourit Iris. C’est de…?

    - Belmont, qui d’autre ? Répondit l’intéressée en glissant son poudrier dans un autre nuage. Personne d’autre n’aurait pu créer quelque chose d’aussi distingué et impressionnant.

    - En effet, répondit Iris d’un ton jovial. Comment vous sentez-vous ?

    - Comme tout le monde, énervée ! Le ministre passe ses nerfs sur nous alors que nous ne sommes aucunement responsables de la perte de son tableau. Et voilà que cette enquêtrice fait irruption, elle l’a emberlificoté en quelques répliques et nous voilà tous confinés ici ! Vous pensez qu’elle l’a envoûté ?

    - Je ne sais pas, je n’ai jamais vu cette femme. Mais si c’était elle qui avait volé le tableau, elle serait partie avec son butin, elle ne se serait pas enfermée à l’intérieur avec nous tous.

    - Hm… Bon point, fit Henrietta, pensive. Mais que faire ? On ne peut pas rester les bras croisés.

    - On se connaît suffisamment pour savoir que nous sommes toutes les deux innocentes, Henrietta. Après tous ces galas, toutes ces fêtes, ces vernissages, nous pouvons nous faire confiance. Il faut que l’enquête se passe rapidement, je vais aller fureter de mon côté. Vous, allez vite chercher le personnel de service et suggérez leur de servir à boire et à manger à tout le monde, ça calmera un peu certains nerfs.

    - Oh, excellente idée ! S’écria Henrietta Bellegarde. J’y vole de ce pas, nous nous tiendrons au courant.

    Toute guillerette, lady Bellegarde laissa Iris, sa robe de nuage adoptant une magnifique teinte rose crépusculaire alors qu’elle s’adressait désormais à un commis en livrée. Iris put souffler un peu. Henrietta n’était pas spécialement maligne, Iris avait déjà utilisé les bonnes manières de la noble pour se rendre service durant ses grandes opérations. Le zèle de la femme-ronce était tel qu’elle en faisait parfois même trop, comme lorsqu’elle était un peu trop amouraché de Khepra et avait risqué, involontairement, de compromettre leur affaire. La pauvre ne savait absolument rien des véritables intentions et activités d’Iris, ce qui rendait bien service à la Méduse quand elle pouvait se la mettre dans la poche. La flambeuse s’en retourna à ses propres occupations et se dirigea vers l’endroit où le tableau avait été volé. L’espace vide entre les autres œuvres ne fascinait plus autant la foule maintenant que l’intégralité de l’assistance était dans la liste des suspects. Iris s’approcha du mur et passa sa main dessus, à la recherche d’un éventuel compartiment secret. Malheureusement pour elle, il n’y avait rien. Le mur était parfaitement normal, lisse, blanc et sans la moindre interstice laissant penser à un double fond. Le tableau n’avait même pas été rendu invisible par le biais d’une quelconque illusion. Elle s’apprêtait à se mettre en route vers une autre salle pour fausser compagnie au ministre et ses interrogatoires compulsifs lorsque quelque chose attira son attention.

    - Qu’est-ce que… ?

    Baissant les yeux vers le sol, elle avait remarqué quelque chose de brillant à quelques centimètres de ses pieds. La belle se baissa pour attraper entre ses doigts une étrange membrane, plus fine encore que du papier, qui brillait de plusieurs reflets verts.

    - Qu’avez-vous trouvé, mademoiselle Delancy ? Fit bruyamment Edith pour attirer l’attention.

    - Hé bien, comme vous pouvez le voir, madame Mars… Répondit Iris en se redressant. Je crois qu’il s’agit d’un morceau… D’aile de papillon.

    - Juste sous l’espace dédié au tableau de monsieur le ministre. Il doit y en avoir d’autres, et elles doivent mener à la cachette de l’objet volé !

    Sitôt qu’Edith eut achevé sa phrase, plusieurs têtes se mirent à zyeuter à droite à gauche sur le sol. La Vieille venait de brillamment distraire la foule, ce qui permettrait aux deux femmes de gagner un peu de temps dans cette course folle et se mettre en chasse du véritable voleur dans les grandes salles de ce musée…
    InvitéInvité
    Anonymous
    Informations
    Re: Pour l'amour de l'art
    Jeu 24 Mar 2022 - 16:38 #
    Le ministre n’était certainement pas un enquêteur de qualité, voire même le pire que cette terre n’ait jamais porté. Les nobles, journalistes et autres membres du personnel défilaient devant lui et il leur posait toujours les mêmes questions, comme si l’un d’entre eux allait soudainement s’effondrer et révéler en pleurant qu’il était le voleur. Autant prier Lucy … Mais Aurélius avait plus d’un tour dans son sac, en créant cette mauvaise ambiance, il créait par la même occasion des discussions sous le manteau. La plupart des invités s’étaient réunis en petit groupe et le ministre tendait une oreille attentive à ce qu’il se disait. Bien qu’ayant tous été prévenus qu’ils étaient écoutés, les nobles continuaient à jacasser, car c’était dans leur nature. Ils s’éloignaient un peu tout au plus, mais pas assez pour être hors de portée d’Aurélius.

    Ce dernier s’agaçait un peu plus à chaque instant. Tout d’abord parce qu’entendre ce que les autres disent tout bas c’était une sacrée épreuve, mais aussi parce que ce qu’il entendait ne lui apprenait rien. Pas le moindre petit aveu, ou indice à se mettre sous la dent. Tout ce qu’il savait, c’était que les gens n’étaient pas contents, aussi salua-t-il Iris d’avoir pensé à les gaver de caviar pour les faire taire.

    Aurélius accourut presque aussitôt quand la noble déclara avoir trouvé quelque chose. Enfin … il essaya d’accourir, mais le contrecoup de son pouvoir l’en empêcha. En effet, le ministre avait soudainement beaucoup de mal à marcher droit. Il faillit tomber plusieurs fois sur des invités qui s’écartèrent bien sagement au lieu de le rattraper. Et quand il arriva enfin devant Iris et Elsa Mars, il s’entrava les pieds dans un napperon et s’étala de tout son long.

    « Ouch, je hais ce pouvoir parfois … »

    Et c’est là qu’il la vit. Une autre aile de papillon un peu plus loin. Maintenant qu’il était couché au sol, le ministre les voyait toutes dépasser du parquet, comme des petites taches rouges et roses qui traçaient un chemin, une piste.

    « Là, j’en vois une autre s’écria-t-il. Dame Mars pourriez-vous … merci. »

    Aurélius s’appuya sur la détective pour réussir à tenir debout. Des invités se précipitaient déjà sur la piste des papillons, pressés d’en finir avec cette histoire ou pour simplement se faire mousser auprès du ministre. Aurélius s’agaça et, tout en s’appuyant sur Elsa, chassa les malotrus qui encombraient son passage.

    « Par la déesse, mais poussez-vous, vous ne voyez pas que nous enquêtons ? Je vais retrouver mon tableau et oh misère … »

    En poussant la porte d’une salle attenante, ils découvrirent une femme aux cheveux carmins qui se tenait droite, les bras écartés, paumes vers le ciel. Deux immenses ailes décoraient son dos, recouvertes d’ailes de papillons qui couvraient tout le spectre du rouge au rose en passant par l’orangé. Le nombre de petites ailes sur le sol avait presque triplé une fois qu’ils étaient entrés dans la salle, prouvant qu’elles provenaient bien de cette femme.

    « On dirait qu’elle est morte … »

    Aurélius s’approcha d’un peu plus près. Tout le monde retint son souffle après sa déclaration, si un vol en choquait plus d’un, un meurtre au sein de la galerie était bien pire et avait fait taire la moindre once d’agacement. La salle entière était suspendue aux lèvres du ministre qui approchait tout doucement son doigt de ceux que la femme lui tendait. Il était terrifié à l’idée de confirmer son premier diagnostic.

    Quand son doigt toucha la « peau » de la femme, il put sentir le froid, un froid caractéristique : celui de la pierre. En baissant les yeux, il put lire sur le piédestal le titre de la statue : Malenia. Il poussa un soupir de soulagement et se retourna vers l’assemblée.

    « Fausse alerte, ce n’est qu’une statue de pierre. Un incroyable travail cela dit, je m’y serais laissé prendre sans une étude plus approfondie. »

    Tout le monde soupira de soulagement ou d’agacement et les conversations reprirent, remplissant la salle de leur vrombissement particulier. Aurélius essuya une goutte de sueur qui perlait sur son front. Tout d’un coup son visage se durcit.

    « J’entends un cœur qui bat … »

    Il devint un petit peu plus blanc et ses yeux se tournèrent vers la statue qui se tenait derrière lui.

    « À l’intérieur de la statue … souffla-t-il. »
    Iris DelancyMéduse Flambeuse
    Iris Delancy
    Informations
    Re: Pour l'amour de l'art
    Jeu 24 Mar 2022 - 19:29 #
    L’assistance fixait le ministre, debout au milieu de la salle aux statues. Un silence de mort régnait, plus pesant et grave encore qu’une messe d’enterrement. Cette absence de son que personne n’osait briser, comme si l’intégralité des personnes présentes retenaient leur souffle, regardant Aurélius Lehnsherr alterner des coups d’œil vers eux puis vers la statue. Les figures qu’arboraient les invités étaient sans aucune équivoque. Certains étaient encore plus apeurés, d’autres le toisaient comme si le dignitaire était devenu fou. Aucun ne semblait le croire ou ne voulait donner une once de crédit à ses affirmations. Le moral et les nerfs du ministre avaient été drastiquement attaqués depuis la découverte du vol de son tableau, tout le monde en était conscient. Et sans même que la foule n’eut à se concerter, une certaine forme de consensus s’était d’elle-même instaurée et personne ne semblait vraiment enclin à suivre davantage les élucubrations du ministre. Même Iris, il fallait bien qu’elle l’avoue, pinça les lèvres en regardant le grand homme perdre sa contenance aux côtés de la femme de marbre. Edith arqua un sourcil avant de sortir un fume-cigarette de sa pochette pour l’allumer à l’aide d’un étrange zippo en forme de dragon serpentin.

    - C’est ridicule ! Siffla une voix dans l’assistance.

    - Tout ceci devient n’importe quoi ! Lança quelqu’un d’autre, plus distinctement.

    Aux côtés d’Iris, madame Bellegarde se raidit, serrant en soie à motifs de plume, tandis qu’Edith souffla une volute de fumée blanche au-dessus de sa tête. La belle flambeuse passa les yeux sur la statue de Malenia, son corps nu, au milieu de ses immenses ailes faites de papillons. Elle commença à s’avancer, non pas vers Aurélius mais vers la statue, brisant le silence alors que ses talons claquaient sur le dallage du musée. Passant sa main sur une de ses deux cuisses, Iris sentit la froideur du marbre sous ses doigts, admirant le travail de l’artiste qui avait taillé le membre comme s’il avait voulu former une pièce d’armure. Elle remonta doucement, consciente que les regards étaient à présent tournés vers elle, comme si elle était désormais la seule capable d’éclaircir la situation, donner une explication rationnelle à ce moment de folie. Arrivant au niveau des hanches de Malenia, Iris remarqua, entre les feuilles d’or disposées sur et autour de son entrejambes, une fissure indiquant que la jambe armure sur laquelle elle avait passé sa main avait été refixée en guise de restauration. S’attardant désormais sur ses membres supérieurs, la Méduse remarqua que l’un de ses bras avait subi le même traitement. Se concentrant à présent sur les massives ailes de la femme de pierre, les papillons qui la composaient avait été recouvert un par un par des feuilles d’or teintées, leur conférant ainsi l’éclat reluisant caractéristique des lépidoptères. Iris lança un regard navré au ministre avant de reporter son regard vers le reste des gens, pendus à ses lèvres.

    - Je… commença-t-elle doucement. À moins que cette Malenia ne soit une personne maudite, transformée en statue et maintenue en vie par le maléfice, je ne comprends pas comment

    - Aaah !

    Iris reconnut la voix d’Henrietta Bellegarde et tourna la tête vers elle. La femme-ronce pointait du doigt quelque chose sur le sol, si bien que tout le monde se mit à regarder les dalles au sol à la recherche de ce qui avait bien pu faire crier l’aristocrate. Iris plissa les yeux tout en suivant la direction que montrait Henrietta, droit vers une dalle blanche à côté des pieds de Malenia. Et c’est ainsi qu’elle la vit, une petite souris blanche tachetée de gris, reniflant précautionneusement le sol avec son museau rosé. Le rongeur releva alors soudainement la tête vers Iris, puis vers les invités, avant de filer à toutes pattes vers un corridor et disparaître de leur vue. Lady Bellegarde avait troqué son mouchoir pour un éventail en plume de paon et s’éventait vigoureusement pour ne pas défaillir face à l’odieuse fuite de l’animal. Edith s’avança à son tour, sa cigarette laissant une traînée de fumée dans son sillage.

    - Je crois que cela peut apporter une explication aux battements de cœur dans la statue, déclara-t-elle majestueusement.

    - Ooh, je crois comprendre ! Enchaîna Iris. Vous avez entendu le cœur de la souris, monsieur le ministre. Elle devait être perchée dans son dos avant de descendre.

    - C’est ce que je pensais, jeune fille, reprit Edith. Mais la grande Elsa Mars estime que votre hypothèse n’est pas mauvaise non plus. Si monsieur Lehnsherr persiste à entendre son cœur battre, une malédiction a sans doute frappée une pauvre femme.

    La situation était bien étrange. Plusieurs chuchotements se firent entendre parmi l’assistance, messes basses qui devinrent peu à peu plus bruyantes. Visiblement, les explications apportées par les deux femmes et l’interlude qu’avait servi la frayeur d’Henrietta n’avaient pas suffit à calmer les tensions.

    - Nous ne sommes pas plus avancés !

    - Statue ou pas statue, ça ne nous aide point à retrouver le tableau !

    - Qu’est-ce que c’est que ce numéro… ?

    L’énervement était électrique, presque palpable. Les aristocrates et les journalistes en avaient eu assez du traitement que leur infligeait le ministre depuis le début des investigations, à les traiter comme des moins que rien et aboyer sur tout le monde. Iris fit le tour de la statue avant d’inviter Henrietta à s’avancer également vers le ministre, Edith se joint à eux d’elle-même, formant à eux quatre un petit cercle improvisé.

    - Je sais que la situation vous affecte, monsieur le ministre, mais il va falloir que vous retrouviez votre contenance. Car quand bien même vous n’ayez rien à faire de tout ce beau monde, votre état rend tout le monde nerveux et la situation va vite devenir hors de contrôle.

    - Demoiselle Delancy dit vrai, acquiesça Edith. Cela pourrait affecter votre carrière politique si vous vous mettez à dos la noblesse, et sceller définitivement votre destin dans le monde de l’art.

    - Henrietta, s’empressa de reprendre Iris. Conduisez tout le monde vers le grand salon des impressions printanières et faites servir à boire et dresser un buffet avec ce que vous trouvez. Il faut calmer les esprits.

    - Tout de suite ! Répondit l’intéressée avant de repartir s’adresser à la foule.

    - Madame Mars, vous êtes l’enquêtrice, que suggérez-vous ?

    - Ma chère, fit Edith avec son fort accent, les ailes de papillons trouvées ça et là ont bien dû appartenir à de vrais insectes. Il faut reprendre les recherches, et cette fois loin de tout ce monde…
    InvitéInvité
    Anonymous
    Informations
    Re: Pour l'amour de l'art
    Ven 25 Mar 2022 - 13:25 #
    Aurélius les dévisagea tous comme s’ils étaient devenus fous. Personne ici ne comprenait le profond déchirement qu’il ressentait en sachant que son travail avait disparu et qu’il avait fait tout cela pour rien. Pire encore, il entendait les moqueries des uns et des autres qui le traitaient de fou en se croyant à l’abri dans l’assistance. Non, le ministre n’était pas assez bête pour confondre un battement de cœur de souris avec celui d’un humain. Le battement d’un cœur de souris était infiniment plus rapide, mais il était le seul à l’entendre. De plus, l’intégralité des invités semblait oublier une chose élémentaire, s’ils étaient coincés ici, c’était pour éviter la garde, mais devant les visages énervés Aurélius eut comme un électrochoc. Oui, il était ministre et il devait se comporter comme tel. Elsa Mars avait donc raison.

    « En effet, Madame Mars, vous avez entièrement raison. Rappelez-moi donc pour quoi je vous ai engagé hum ? »

    Le ministre se tourna vers celle qui avait l’impudence de lui donner trop de « conseils avisés » à son goût.

    « Votre intérêt soudain pour le bien-être de ma carrière m’a permis de me remettre les idées en place. Il est vrai que je me suis un peu emporté en découvrant que tout mon travail avait été vilement dérobé et je suis bien peiné que personne ne puisse comprendre ce que l’on ressent lorsque l’une de vos créations vous a été arrachée. »

    Le ministre s’avança dans la salle pour se présenter aux invités.

    « Mesdames, Messieurs. J’entends bien que vous ne souhaitiez pas rester plus longtemps enfermés ici. C’est pourquoi je vais immédiatement convoquer la garde qui prendra vos dépositions et reprendra les reines de cette enquête de façon à ce que vous soyez libres de partir avant le déjeuner. »

    Le ministre envoya immédiatement quelqu’un chercher la garde et offrit ce qu’on lui donnait aux invités pour les faire patienter en attendant. Il lui était difficile de marcher avec son handicap, l’obligeant à utiliser une canne qu’on lui avait prêté. Il clopina jusqu’aux deux femmes qui menaient la danse depuis le début.

    « Merci pour votre aide, Dame Mars, Dame Delancy, vous m’avez fait réaliser que nous n’étions dépassés par cette affaire. Je vous remercie de vos services, la garde va vous relever. Profitez des hors-d’œuvre en attendant. »

    Le ministre s’inclina, fier d’avoir pris la bonne décision, et alla s’enfermer dans la pièce de la statue pour se couper du brouhaha ambiant qui lui agressait les oreilles. Tango sortit sa petite tête qu’Aurélius vint spontanément caresser du bout des doigts. Maintenant qu’il était seul, Aurélius put souffler un peu. Il détestait toute cette politique avide et prétentieuse. Il n’en avait rien à faire de leurs avis. Pris d’un mal de tête il pinça son nez. Le ministre de la Culture n’était décidément pas fait pour donner des ordres, heureusement ce n’était pas ce qu’on lui demandait. Il aurait eu mieux fait d’appeler la garde dès le début au lieu d’écouter cette Elsa Mars. Une perte de temps.

    Le silence de la pièce était bienvenu. Toutefois, Aurélius entendait tout. Il leva les yeux vers la statue. Maintenant qu’il était seul, il pouvait entendre les battements de cœur et plus encore. Il entendait une légère respiration, très lente, et l’écoulement du sang dans des veines. Il s’approcha de l’œuvre, laissant Tango sauter de sa poche pour s’amuser à batifoler dans les ailes de papillons.

    « Je sais que tu n’es pas une statue, dit-il en fronçant les sourcils. »

    Seul le silence lui répondit. Alors Aurélius attrapa un tabouret dans un coin et le leva au-dessus de sa tête.

    « Les autres sont peut-être sourds, mais moi j’entends très bien tas respiration ….hmmglh »

    La statue venait de bouger avec une rapidité sur humaine. Son bras de pierre venait de le saisir à la gorge sans qu’il ne puisse rien faire. Le ministre était estomaqué et cherchait à se défaire de l’étreinte de pierre en donnant de violents coups, mais la statue ne relâchait pas son emprise implacable. Il lâcha le tabouret qui tomba sur le sol et se brisa en plusieurs morceaux. Tango feula derrière eux. Les papillons se mirent tout d’un coup à bouger enveloppant toute la salle. Aurélius vit alors ce qu’il cachait. Sur l’une des ailes de bois était collé son tableau, il écarquilla les yeux avant d’être aveuglé par la danse des insectes. Il avait merdé sur ce coup-là.

    ~~~
    Quand dame Bellegarde ouvrit la porte pour chercher le ministre, elle ne tomba que sur une pièce vide. La statue était comme elle l’avait laissé tout à l’heure, mais aucune traces du ministre. Un tabouret gisait sur le sol, en mille morceaux. Toutefois, on pouvait voir qu’il y avait plus d’ailes de papillons sur le sol maintenant.

    « Le ministre a disparu ! s’écria-t-elle. »

    Plusieurs personnes vinrent vérifier.

    « Mais il n’y a qu’une entrée à cette réserve …, commença un journaliste.

    - Miaou … »

    Une petite frimousse féline sortit de derrière une toile et commença à miauler à qui voulait l’entendre.

    « Ce ne serait pas l’immonde chat du ministre ?

    - Je crois bien que oui Odette, regardez comment il est bariolé, il n’y a pas de doute ! »

    Tango regarda l’assistance en miaulant plaintivement, avant de se mettre à gratter un mur avec ses petites pattes, miaulant de plus en plus fort.
    Iris DelancyMéduse Flambeuse
    Iris Delancy
    Informations
    Re: Pour l'amour de l'art
    Ven 25 Mar 2022 - 18:20 #
    - Ôtez-moi d’un doute, qui devait aller chercher la Garde ? S’enquit Iris, tapant le sol de son talon, commençant à être agacée par tout ce micmac.

    - Je crois que lord Byron s’était proposé, répondit Henrietta timidement.

    - Alors pourquoi les portes du musée sont-elles toujours cadenassées ?

    - J’ai donné la clé au ministre quand il a ordonné à ce qu’on ferme tout, plus tôt, s’empressa d’exclamer le conservateur. Mais il s’est enfermé en nous laissant alors personne n’a pu sortir…

    - Donc, nous sommes toujours coincés ici et la Garde n’est pas en chemin.

    Un soupir général de la part de l’assemblée se fit entendre. Tous les nobles avaient de nouveau perdu espoir en découvrant que, en plus d’avoir perdu un tableau inestimable et d’être confinés au sein du musée d’arts, le ministre de la culture en personne s’était également volatilisé. Ce sentiment de danger leur prit alors davantage aux tripes lorsqu’ils réalisèrent, tous en même temps, qu’ils étaient seuls en proie à un kidnappeur doublé d’un cambrioleur. Iris se rapprochait d’Edith qui avait repris la tête de la foule dès l’instant où elle avait compris que le ministre Lehnsherr avait disparu. S’étant avancée de quelques pas, la Vieille fixait la statue d’un regard des plus glaciaux. Le ministre avait été laissé seul dans une pièce qui ne donnait accès qu’à une réserve, et tout le monde ici se doutait bien qu’il n’avait pas fait le choix de s’isoler seul dans un cagibi pour réfléchir ou leur faire une quelconque plaisanterie. Madame Bellegarde avait tout de même fait l’effort d’aller vérifier elle-même dans la réserve mais ne trouva personne, ni rien d’intéressant à part du nécessaire de ménage et des tentures de velours.

    - Madame Mars ! Couina quelqu’un dans le public. Le ministre vous a congédié, mais sa disparition prouve qu’il n’aurait jamais dû le faire. On ne peut pas sortir, il y a des barreaux aux fenêtres… S’il vous plaît, retrouvez le ministre et faites nous sortir d’ici !

    Edith ne fumait plus et continuait de regarder la statue. Quant à Iris, elle commençait à ne pas apprécier la tournure que prenait la situation. Tous les regards seraient tournés vers Edith et on attendait que, sous sa couverture d’enquêtrice, elle retrouve le dignitaire de la Couronne ainsi que le tableau. La belle pouvait bien tenter de leur fausser compagnie et chercher de son côté, mais maintenant qu’un ravisseur sévissait dans le musée, il devenait bien plus risqué d’évoluer seul dans ces couloirs. Et chercher le tableau avec toute la horde de gens qui attendaient de sortir était hors de question, elle n’arriverait certainement pas à mettre la main dessus dans ces conditions. Les boissons et les petits fours avaient servi de bref entracte et les nobles étant au courant de l’existence d’un kidnappeur dans le musée ne pourraient être décemment divertis et tourner les yeux. Le ministre les avait mis dans une situation des plus épineuses et son attitude outrancière à n’en faire qu’à sa tête venait de coûter beaucoup à l’ensemble du groupe.

    - Si je puis me permettre, je pense qu’il serait judicieux de s’y mettre tous ensemble, dit Iris. Chacun forme des groupes et patrouille dans le musée à la recherche du ministre, comme du tableau.

    Edith s’était tournée vers Iris, sortie de sa réflexion.

    - Oui, miss Delancy a raison. Nous couvrirons plus de pièces. Et si jamais certains disparaissent, alors cela éliminera des suspects jusqu’à trouver le véritable coupable.

    - Ooh, Iris, je reste avec vous ! S’écria Henrietta Bellegarde avant de s’élancer aux côtés de la Méduse, apeurée par les propos d’Edith.

    - Si jamais vous trouvez quelque chose, faites-en part aux autres, continua Edith.

    La foule commença à se concerter et partir de la salle à la statue. Plusieurs personnes commençaient à former des binômes ou groupes de trois et s’aventuraient prudemment, mais non sans crainte, dans les couloirs du musée. La moitié des nobles s’engouffra vers l’aile aux peintures, et l’autre s’en était allée vers les verrières aux sculptures. N’étaient restées dans la salle de Malenia uniquement Iris, Edith et Henrietta. Lady Bellegarde avait refusé de quitter Iris, la seule personne en qui elle avait visiblement confiance dans toute cette affaire. La présence d’Henrietta empêchait de facto Iris et Edith d’échanger clairement au sujet de leur entreprise et de leurs manigances. Toutefois, même si la compagnie de la femme-ronce pouvait être gênante, Iris ne s’en était pas formalisé pour autant. Les enseignements d’Edith avaient été suffisamment habiles pour que la flambeuse puisse comprendre sa mentor avec de simples regards et mouvements de têtes. Derrière la statue, le lolori gras du ministre Aurélius continuait de miauler et gratter avec ses petites pattes sur un pan du mur, attirant l’attention des trois femmes.

    - C’est bizarre, fit Henrietta, d’habitude les chats grattent aux portes, et non aux murs.

    Il ne fallut que quelques secondes à Iris et Edith pour comprendre, se jetant mutuellement un regard le signifiant à l’autre.

    - Mais oui Henrietta ! Vous êtes une génie !

    - Ah bon mais… Qu’ai-je dit ?

    Iris et Edith s'avancèrent vers le mur que le chat frappait de ses pattes avec véhémence. Intriguée, lady Bellegarde les suivit tout doucement avant de prendre le lolori dans ses bras. Edith sortit une lamelle de métal de sa pochette, semblable à une lime, et la tendit à Iris qui se mit à suivre doucement la jointure des dalles murales avant de trouver une interstice afin de l’y enfoncer. Elle coinça méticuleusement la lime avant de s’en servir comme d’un levier de fortune et, avec minutie, appuya sur la lamelle pour ouvrir ce qui semblait être l'entrebâillement d’un passage dérobé. Henrietta poussa un petit cri de surprise, lâchant le chat qui partit à l’intérieur du passage, reprenant ses miaulements bruyants.

    - Je crois que nous avons trouvé par où est parti le ministre. Nous n’aurions pas eu l’idée sans vous, Henrietta.

    - Je comprends mieux maintenant. Mais… Quelque chose me tracasse.

    - Dîtes-nous ? Lui dit Edith.

    - Hé bien, répondit la Bellegarde en croisant les bras. Nous étions tous hors de la salle lorsque le ministre a disparu, personne n’est resté avec lui. Même Lord Byron n’a pas osé retourner le voir pour lui demander la clé du cadenas. Si quelqu’un l’a enlevé, alors ça ne peut pas être l’un de nous…

    Henrietta soulevait à nouveau un bon point, cette fois volontairement. Aucun invité ne leur avait faussé compagnie lorsqu’Aurélius était resté seul, ce qui ne voulait dire alors deux choses : soit le voleur n’était pas un des invités, soit il y avait deux malfaiteurs dans ce musée. Edith ressortit son zippo et décida d’ouvrir la marche, s’engouffrant alors, suivie d’Iris et d’Henrietta, dans le passage secret…
    InvitéInvité
    Anonymous
    Informations
    Re: Pour l'amour de l'art
    Sam 26 Mar 2022 - 22:16 #
    Les trois femmes descendirent rapidement dans le passage dérobé et la clameur de leurs discussions se fit de plus en plus lointaine, plongeant la pièce dans un silence presque pesant. Même la grande salle semblait bien silencieuse, maintenant que tous les invités ratissaient la galerie à la recherche du ministre. Un silence de mort qui n’était perturbé que par un son très léger, aussi fin qu’un courant d’air, telle une respiration. Lady Bellegarde avait vu tout à fait juste et les soupçons du ministre auraient pu leur mettre la puce à l’oreille, cependant tout le monde était resté sourd et aveugle aux indices qui se trouvaient juste sous leur nez. Peut-être était-ce dû à l’énervement général qu’Aurélius avait communiqué à tout le monde en apprenant la disparition de son tableau ? Personne ne le saurait jamais.

    Lentement, la statue de « Malenia » se mit à bouger, regardant à droite, puis à gauche, et quand elle fut sûre que personne ne la regardait, un petit sourire s’afficha sur son visage. Lentement, la pierre disparut et sa peau reprit une teinte rosée bien plus humaine. Elle prit une grande inspiration, détendant ses muscles endoloris par la position inconfortable qu’elle avait dû garder pendant des heures. Elle devait bénir sa bonne étoile, grâce à ce ministre un peu fou et ces enquêtrices de pacotilles, elle n’allait pas devoir rester une statue jusqu’au soir comme elle l’avait initialement prévu. Elle décolla les deux objets qui étaient cachés depuis le début par les ailes de papillons. Le premier était bien entendu le tableau que tout le monde cherchait, soigneusement emballé et ficelé, prêt à être expédié au marché noir. Le second, elle venait tout simplement de se le procurer, c’était la clé de la galerie qu’elle avait soigneusement subtilisée au ministre après l’avoir ficelé comme un rôti bien frais. Elle décrocha la toile et la clé et jeta un dernier coup d’œil au passage secret. Les voix étaient très lointaines, elles avaient sûrement fini par trouver le ministre. Elle n’avait pas vraiment eu le temps de bien le cacher, alors c’était facile.

    Malenia haussa les épaules, ce vol avait été assez amusant à vrai dire, utiliser son pouvoir pour se faire passe pour une statue et entrer par ce moyen avec assez de papillons dans une caisse pour décorer une façade … Un vrai jeu d’enfant ! Elle poussa la porte de la pièce, vérifia que personne n’était dans la grande salle et elle prit la poudre d’escampette. Ce travail allait la rendre riche !

    ~~~
    Le contact très désagréable d’une langue râpeuse tira Aurélius de ses rêves sans queue ni tête dans lesquels il était plongé. Une douleur sourde bourdonnait contre sa tempe gauche, et il tenta instinctivement de se masser avant de réaliser qu’il ne parvenait pas à bouger ses doigts. Soudain, son esprit eut un éclair de lucidité et il se releva d’un bon. Il avait été agressé, assommé et ligoté comme un vulgaire vaurien, mais où était-il. Tango miaula, pendu à son visage, surpris par le soudain mouvement de son maître. Ses petites pattes grassouillettes pédalaient dans le vide pour chercher un semblant d’équilibre.

    « Rah, mais arrête de t’agiter mon petit Tango. »

    Aurélius se tut en entendant les voix des trois femmes qui lui collaient au train depuis des heures.

    « Par ici ! »

    La lueur d’une lampe vint finalement lui agresser les yeux, l’éblouissant presque instantanément. Il se trouvait dans une pièce dont la seule entrée était un couloir par lequel venait de débarquer le petit groupe de dame.

    « Eh bien Monsieur le Ministre, vous savez comment jouer avec les émotions de vos invités, pérora Elsa Mars en se baissant pour le libérer de ses liens. »

    Aurélius se massa les poignets en faisant la grimace et décrocha le chat ventripotent qui pendouillait toujours devant son visage.

    « Croyez-moi madame, si je vous dis que j’ai eu mon quota d’émotions pour la journée … Où sommes-nous ?

    - Aucune idée Monsieur, nous avons trouvé cette porte dérobée grâce à votre … animal de compagnie, répondit Elsa en jetant un regard sur le lolori obèse, je ne sais pas du tout ce que peut-être cet endroit … Oh par la sainte déesse ! »

    Elsa venait d’éclairer un peu mieux la pièce sombre révélant une grande collection de tableaux représentant des corps hommes et des femmes de la manière la plus crue qu’il soit. Aurélius leur jeta un coup d’œil avant d’afficher un visage de dégoût. Toutes ces représentations pornographiques, cela le dégoûtait.

    « Je crois que nous avons trouvé le petit cabinet secret de notre hôte. Ça ne m’étonne guère qu’il ne m’ait pas parlé de cet endroit comme il m’a donné la clé … »

    Soudain, Aurélius eut comme un soubresaut et mit la main à sa poche. Sa mémoire venait de lui revenir d’un coup.

    « La clé, bon sang la clé, c’est elle qui l’a ! La statue, je vous avais dit qu’elle avait un cœur, c’est elle la voleuse et maintenant elle a la clé de la grande porte. »

    Le ministre bouscula Iris et se précipita dans le couloir, au début il tituba, mais finit par courir avec une certaine adresse à mesure que son pouvoir glissait de l’ouïe au toucher. Il gravit les marches en quelques petites foulées parfaitement calculées et courut dans la grande salle. Plusieurs invités s’étaient rassemblés devant les grandes portes qui étaient désormais grandes ouvertes.

    « Ah monsieur le ministre, vous voilà de retour, vous avez pu ouvrir à lord Byron ? LA garde est en chemin ? »

    Aurélius n’écouta personne et courut sur le perron de la galerie, hagard et désemparé. Son pied heurta un objet métallique qui dévala les escaliers. C’était la clé qu’on lui avait volée.

    « Oui elle est en chemin, mais je crains que ma toile aussi. Et je ne sais pas du tout où elle va … »

    Et il s’assit sur les marches de la galerie, vaincu.
    Iris DelancyMéduse Flambeuse
    Iris Delancy
    Informations
    Re: Pour l'amour de l'art
    Dim 27 Mar 2022 - 18:14 #
    Dès l’instant où les portes du musée furent ouvertes et que les invités l’eurent remarqué, tout le monde se dépêcha de quitter le musée, comme un barrage qu’on aurait réussi à briser. Les journalistes s'empressaient de passer des appels grâce à leurs cristaux de communication pour que leur rédaction change leurs prochains gros titres. Les nobles s’engouffraient un à un dans des carrosses tandis que la Garde peinait à maintenir qui que ce soit en place pour dégoter le moindre témoignage. Personne n’avait envie de passer une seconde de plus au sein de ce musée et aucun aristocrate ne daignait poser le regard sur le bâtiment. Le tout venant allait adorer ces nouvelles histoires une fois les derniers canards sortis et ragoter à n’en plus savoir que dire sur le vol de tableau d’un membre du gouvernement. Henrietta, fidèle à elle-même, avait accordé cinq minutes de son temps pour raconter à un garde ce qu’elle venait de vivre, insistant plus sur sa propre infortune que sur les points véritablement essentiels de l’affaire. Mais il ne faisait nulle doute que lady Bellegarde allait narrer cette histoire dans les moindres détails aux salons mondains de la Capitale. Dans moins de quelques jours, tout le gratin de la noblesse serait au courant de l’humiliation publique qu’avait subi le ministre Lehnsherr suite au vol de son œuvre, ainsi que les collections libidineuses du conservateur.

    Iris, suivie par Edith, était montée bien vite dans la première diligence. Depuis la fenêtre du fiacre, les deux femmes fixaient le ministre alors que leur véhicule s’éloignait petit à petit, roulant sur le pavé. Seul sur les marches, Lehnsherr avait l’air complètement abattu. Personne ne prenait la peine de s’arrêter pour s’enquérir de son état ou de sa peine. Les seuls regards qui se posaient sur lui étaient essentiellement des coups d’œil hautain et chargés de rancune. Les gardes balisaient le terrain et dressaient déjà des barrières pour empêcher l’accès aux curieux et évacuer calmement ceux encore à l’intérieur. Mais aucun militaire ne s’était encore aventuré près du ministre, trop occupés à gérer la foule dans tous ses états. Bien à l’abri dans la calèche, Iris se retourna vers Edith, l’air passablement déçu. Au moins, elle savait que Lehnsherr ne les entendrait pas ici.

    - Bien, soupira-t-elle, je suppose que nous avons perdu notre temps ici.

    - Je ne qualifierais pas cela de défaite, répondit Edith tout en fixant les enseignes au dehors d’un air flegmatique.

    - Le tableau a été volé sous notre nez, je n’appelle pas vraiment ça une journée productive.

    - Ce n’était certes pas l’objectif principal, mais ce n’est pas pour autant une issue décevante. Nous aurions accompli la même chose, vous l’avez bien vu sur les marches.

    - Le ministre ? Dur de le rater avec son air de chien battu. Ceci dit, j’ai du mal à éprouver de la peine envers lui.

    - C’est précisément pour cela que nous avons gagné.

    Edith tourna alors la tête vers Iris, esquissant un fin sourire alors qu’elle retirait son bibi de ses cheveux ondulés. La Vieille sortit à nouveau une cigarette de sa pochette et l’alluma avec son briquet, glissant légèrement la fenêtre du fiacre pour souffler sa fumée.

    - Pendant toute la journée notre cher ministre n’a fait que se conduire de manière exécrable. Il a aboyé sur ses propres convives, passé ses nerfs sur le personnel du musée, nous a regardé de haut alors que nous nous démenions pour retrouver son bien. À chaque tentative infructueuse de le retrouver, le groupe était fautif, pas assez intelligent, pas assez doué, pas assez compréhensif. Tout le monde a essayé d’aider monsieur Lehnsherr, mais à aucun moment il n’a daigné se soucier des autres, de leurs craintes, de leurs états d’âmes, il n’en avait que pour lui et son tableau. Aurélius Lehnsherr mérite ce qui lui arrive, pas parce qu’il est des hautes sphères du pouvoir, mais simplement car il n’a pas l’âme d’un véritable artiste. C’est un homme égocentrique, égoïste et capricieux qui se farde de complaisance et qui peint des tableaux juste pour qu’on l’applaudisse. Il paiera très cher son attitude durant cette affaire.

    - Par rapport à la noblesse, tu veux dire ?

    Edith expira de subtiles volutes de fumées qui disparaissaient presque immédiatement dans la rue. Iris était pendue aux lèvres de son amie, réajustant ses lunettes au sommet de son nez.

    - Exactement, reprit Edith. À force de s’être comporté de façon aussi détestable avec ses invités, le ministre a réussi à se mettre la noblesse de la Capitale à dos, les mêmes nobles qui fréquentent la cour du palais et gravitent dans tous les salons mondains. Il suffisait de voir comment ils le toisaient en sortant du musée, s’ils avaient pu lui cracher au visage, personne ne s’en serait privé. Ils répéteront aux autres à quel point Lehnsherr les a mal reçus et traités.

    - Henrietta ne s’en privera pas, répondit Iris, amusée. Elle m’a dit que sa robe venait de Belmont, si elle le répète à la couturière royale ça risque de faire mal. Ceci dit, j’ai vu plusieurs têtes poudrées qui vont bien cracher leur venin à droite à gauche

    - La Garde retrouvera peut-être son tableau, mais je l'avais bien averti que sa carrière artistique en prendrait un coup, il va devoir en mesurer les conséquences. Il a insulté toute une foule d’aristocrates paniqués qui cherchaient à l’aider. Je peux comprendre la peine causée par la perte de son tableau ; mais quand je vois le cœur de pierre de celui à qui il appartient, je sais qu’il est parfaitement à sa place, seul sur ces marches de marbre.

    Un petit silence s’installa entre les deux femmes, Iris comprenait ce qu’Edith voulait lui dire. Sa mentor ne semblait pas déçue d’avoir manqué de voler le tableau, au contraire, elle avait l’air plutôt amusée et satisfaite de comment la situation s’était déroulée. Après une énième bouffée de fumée, Edith brisa à nouveau le silence :

    - Un détour chez Septime ? J’ai un peu faim.

    - Volontiers. Capone ne va pas nous attendre ? Rétorqua malicieusement Iris.

    - Hm… Nous lui ramènerons un menu enfant.

    Iris acquiesça et attendit quelques secondes avant d’asséner :

    - C’est peut-être au ministre qu’on devrait en ramener un.
    Contenu sponsorisé
    Informations
    Re: Pour l'amour de l'art
    #