Le temps s’alourdissait et larmoyait quelques gouttes de pluie. L’inquiétude me tassait, et le mutisme m’avait emprisonné dans un tourment de terreur. Le ciel revêtait le manteau grisonnant, de mauvais augure. Le monde sonnait son requiem inaudible, j’étais distrait. J’étais sur mes gardes, la tête basse.
Le vent frôla les quelques mèches dorées qui caressaient ma joue. La fenêtre tout juste ouverte, creusant la petite chambre d’un froid glacial. Je me laissai finalement retomber entre les draps car en dépit de tous mes efforts, les stigmates du passé ne s’effaçaient jamais. Je ramenai une main tremblante contre ma poitrine. Les yeux se fermèrent pour étouffer les diverses pensées qui écrasaient ma poitrine au point que j’en avais perdu mon souffle. Finalement, je me redressai faiblement, légèrement pataud car encore vacillant de mon sommeil. Je me devais de fermer cette fenêtre. Je ne savais pas comment elle s’était ouverte, mais le vent froid s’était bien engouffré, et j’allais peiner à réchauffer de nouveau la pièce.
Un dernier sifflement sinistre et celle-ci se ferma dans un cliquetis discret. Puis lourdement, je retournai m’effondrer au milieu de la prison de mes draps. Je fermai les yeux, étouffant les voix de mes songes les plus sombres. Elles chantaient dans mon crâne comme le bourdonnement d’un insecte, aussi désagréable que la voix aiguë d’Ophelia. Je voulais sortir de l’enfer de mes tourments, tout bonnement incapable de m’y soustraire dans la douleur lancinante de mon crâne s’évertuait à fredonner les spectres du passé.
Mais je ne pouvais pas continuer à me morfondre, Sia viendrait, Ivan me jetterait ces regards d’une pitié qui m’exaspérait. Poussant alors un profond soupir, je m’extirpai de mon cocon chaleureux afin de me diriger vers la forge. N’habitant que dans la bâtisse au-dessus, il ne me fallut pas longtemps pour rejoindre l’établissement. Les fourneaux braisés crachotaient des étincelles, artère indispensable pour notre travail pour le métal que nous faisions s’écouler. Un épais nuage noir opaque se formait en un tourbillon houleux au-dessus des cheminées.
Sans montrer la quelconque émotion, je poussai la porte de la boutique. Elle grinça d’un soupir fatigué. Surpris, je vis Sia me jeter un regard inquiet, et aussi surprenant que cela puisse paraître, sa jeune sœur était assise non loin. Sio était venue nous rendre visite ? J’en souriais d’avance.
Pourtant, une tension régna à peine avais-je traversé le seuil. Tous les regards étaient tournés vers moi.
« Rentre chez toi gamin. »
Je clignai les yeux d’incompréhension, j’étais déjà jeté d’ici avant même de pouvoir commencer mon service. Je ne pus répliquer.
« T’es tellement brûlant de fièvre que je peux le sentir jusqu’ici. »
C’était donc ça… Avant même que je le réalise, j’étais déjà tombé sur le sol gelé, un tourbillon abyssal m’avalant dans les tréfonds de l’inconscience.
Et merde… Foutue fenêtre.
La panique passé, Ivan porta Adam jusqu’à son lit et tu as gentiment proposé de rester avec lui. Avec ton petit sceau d’eau et ton éponge, tu tapotes son petit front et prépare une soupire sous l’œil attentif de Luciole alors que Leonard veille consciencieusement sur Adam. Ça fait beaucoup de travail pour juste toi, mais c’est ton ami alors tu veux bien faire. Tu suis à la lettre la recette que les grands t’ont écrite et tu fais de ton mieux pour être au top. Une fois prête tu mets la soupe de côté et retourne éponger le front du renard, te demandant comment il a fait pour être aussi mal-en-point. Après un temps qui t’a paru infiniment long, Adam finit par ouvrir les yeux alors tu lui souris, toujours assis au bord de son lit.
– Ça va mieux ? On prend bien soin de toi, regarde chef ! Leonard t’a veillé pendant que je faisais la soupe avec Luciole. Tu t’agites un peu. On fait de la soupe ! Tu veux de la soupe ? De l’eau ? Les deux ? Un autre coussin ?
Pas de panique Sio, tout va bien se passer. Il faut juste que tu lui laisses le temps de se réveiller. Respire par le nez, il ne va pas mourir d’une fièvre. Du moins tu l’espères parce que tu n’as pas beaucoup d’amis pour commencer alors ça t’embêterait vraiment d’en plus les voir mourir d’un coup de froid nul.
Un maigre sourire apparut alors sur mes lèvres et je ne pus m’empêcher de me sentir touché par la présence réconfortante de Sio. Puis je me laissai aller à un léger rire en hochant la tête.
« Je veux bien de la soupe, soufflai-je d’une voix fatiguée. Ça me fait plaisir de te voir. »
Je me doutais un peu de ce qui avait dû se tramer pendant que j’étais resté inconscient. Je détournai le regard, les joues légèrement rouges de gêne. Je m’étais encore fichu dans une situation embarrassante. C’était une habitude dont je devais me débarrasser maintenant. Je glissai alors un regard dans la direction de l’hybride, me couvrant de ma maigre couverture pour me protéger du froid ambiant. J’avais la bouche pâteuse et j’étais un peu confus, remettre mes idées en place ne fut pas chose aisée.
Le sommeil engluait mes sens, et je mourrai d’envie de retourner dormir entre mes draps. Seulement, je ne voulais pas laisser la cadette Zmeï rester à mon chevet pendant que je continuais à me prélasser entre mes draps. Je m’habituais bien trop à la gentillesse de cette famille et j’avais cette sensation chaleureuse dans le creux de ma poitrine lorsque je croisais les deux sœurs dans mon quotidien. Je m’en voulais de ma propre faiblesse, et quelques années auparavant, j’aurais probablement été jeté de mon lit pour assumer le rôle qui aurait dû être mien. Mais aujourd’hui, tout était si différent.
Brasier rampa le long de mon bras, avant de m’offrir une caresse affectueuse de son petit crâne. Le glooby resta sur mon épaule avant que je jette un regard vers Sio, me saisissant du bol offert. Le saisissant à deux mains, je fermai les yeux profitant de la faible chaleur que dégageait la soupe.
« Je te remercie. »
Et pas seulement pour le bol.
« Tu es venue rendre visite à Sia ? C’est la raison de ta présence à la Forteresse ? Pas trop dépaysée par le froid ? »
Il était vrai que la cité de glace apportait un climat inhabituel et peu accueillant. Mais je me persuadais que c’était bien le lieu adapté à mes besoins. J’en étais même certain. Je sirotai ma soupe silencieusement pour l’écouter parler. Ça me faisait du bien. J’appréciais tant sa gaieté, c’était un plaisir de l’écouter parler, et d’un côté ça me reposait de me sentir aussi en sécurité dans ma petite chambre.
« D’ailleurs, lorsque je pourrai me lever, si tu veux, nous pourrons aller nous entraîner si tu veux améliorer tes techniques à la lance. »