Mais il avait raté son coup après quelques jours. Alors que la forêt devenait de moins en moins dense. Il avait malheureusement croisé trois grognours au réveil. La poisse. En tout cas, ça l’avait réveiller instantanément. Sauf qu’il n’était pas prêt. Il prit donc la fuite essayant tout de même de garder le chemin qu’il suivait pour ne pas se perdre. Oui, objectif capitale n’oublions pas. Il se devait d’aller prier au temple de Lucy. Il se devait d’aller le détruire comme on lui avait demandé. Et c’était pas trois grognours qui allait l’en empêcher.
- Par helmex, détruit donc ces bestioles de merde qu’elles me foutent la paix.
Le bâton dans sa main s’illumina légèrement, provoquant un léger bruit. Il ne restait plus que cinq minutes à tenir. Heureusement qu’il s’était entraîné pour ça. La fuite pour lui était la meilleure option d’une contre-attaque. Et vu la bombe qu’il venait de déclencher. Celle-ci serait foudroyante. Sauf s'il raté son coup. Continuant de courir, il compta dans sa tête combien de temps ça faisait.
Pas longtemps. Peu à peu les grognours gagnaient du terrain. Plus fort, plus agile que lui. Il arriva dans une clairière ou une jeune femme était présente. Enfin je dis jeune par politesse hein. Dante comme moi, nous ne connaissions pas son âge. Et elle était dans le chemin. Un problème. Non que Dante se préoccupait de la vie d’une humaine. Mais si elle était croyante envers Helmex, il ne pouvait pas l’utiliser comme chair à canon. Et ce n’était pas à lui de décider de la vie ou de la mort d’une personne. Même si c’était autre chose lorsqu’il s’agissait de dommages collatéraux. Il cria sans avoir l’air paniqué.
- Vous devriez courir aussi, les grognours sont vénère aujourd’hui !
3 minutes. Trois minutes étaient passées. Plus que deux minutes à attendre et le bâton exploserait suffisamment fort pour faire disparaître au moins un grognours sans soucis. Peut-être même les trois si l’attaque était bien placée. Il fallait juste courir.
Et justement, elle avait trouvé la trace de ses proies dans une des nombreuses clairières que la forêt offrait, après seulement 2 jours et demi de marche. D'après les empreintes, c'était un groupe de deux, probablement même trois Grognours. Deux adultes et un autre encore juvénile. C'était frais de la veille, tout au plus. Quelle que fut leur position, elle les aurait rapidement rattrapé, puisqu'elle les traquait avidement alors qu'ils se déplaçaient tranquillement.
Elle était encore là, la visière de son casque relevée et son arme bien rangée, un genou à terre pour observer les empreintes, lorsqu'elle entendit du raffut derrière elle. Elle se retourna, main sur la poignée de son arme, prête à dégainer, pour constater que la « menace » était un jeune homme qui courait à tout allure.
« Vous devriez courir aussi, les grognours sont vénère aujourd’hui ! »
De prime abord, elle ne saisit pas ce qu'il venait de dire. Ce ne fut que lorsque les grognements se doublèrent d'une apparition soudaine de trois bestiaux qui fonçaient droit vers le type, et par extension vers elle aussi, qu'elle percuta de quoi il parlait. Deux adultes, et un plus petit... C'était exactement ce groupe là qu'elle traquait.
Son côté carnassier se réjouit : ses proies étaient livrées sur un plateau d'argent, avec en bonus une âme égarée qui ne manqueraient pas de se montrer reconnaissante et de la récompenser pour lui avoir sauvé la vie. Elle allait pouvoir s'en donner à cœur joie, et en plus le combat allait peut-être être un peu ardu du fait du nombre de Grognours.
D'une main, elle dégaina son épée d'un geste sec et appuya sans attendre sur le mécanisme pour déployer la faux ; de l'autre, elle tira sur sa jupe pour la détacher et être plus à l'aise en trousse de combat.
Le premier Grognours, le plus jeune, arriva à sa hauteur alors que l'homme avait continué sa course. Elle effectua une roulade habile vers le côté gauche qui lui permit d'esquiver un coup de mâchoire qui lui aurait sûrement coûté la vie, et se releva dans l'instant pour donner un coup circulaire à ce premier spécimen, mais un peu trop court, ce qui eut pour conséquence d'entailler assez profondément la patte arrière droite de l'animal, sans la sectionner. Sans attendre une seule seconde, elle se releva et continua sa valse sanglante en tournoyant sur elle même avant de faire cingler la lame de sa faux de bas en haut vers la gorge du second bestiau qui approchait, ce qui lui ouvrit plus de la moitié de la gorge en deux et le fit tomber raide mort en un battement de cils.
D'un mouvement expert entre ses mains, l'ange mortel qui signait la fin de ce groupe de Grognours fit virevolter son arme, et se plaça correctement entre les deux survivants, reprenant ses appuis, ses yeux allant de l'un des spécimens à l'autre, guettant lequel des deux passerait à l'assaut en premier, même si le plus jeune qu'elle avait blessé ne représentait plus vraiment une menace...
Le combat c’était calmé. Les monstres sentaient que le danger ne venait pas que d’eux. La femme était violente et meurtrière. Une personne qui ne fallait pas énerver à moins de courir très très vite. Et d’esquiver de potentiels projectiles. Une personne que Helmex auraient appréciée. Dante se releva doucement. Sans geste brusque, alors que le grognours derrière la jeune femme passa à l’attaque. Quinze secondes. C’était le moment de l’aider. De toute façon, Dante ne pourrait pas en faire plus. Pour une seule bonne raison. Il n’avait pas d’arme et n’avait pas préparé d’autre bombe. Ce boulet. Il manquait clairement d’expérience. Trop habitué à courir. Ça c’était la faute de son entraîneur. Celui qui l’avait formé et qui oublier à chaque fois la plus grande faiblesse du pouvoir de notre homme. Les cinq minutes d’attente pour que la bombe explose. Lentement, il se positionna pour jeter son bâton et le lança. Quatre secondes. Juste à temps.
- Pousse-toi !
Il avait crié. Sa voix claquant dans la clairière. Au pire, elle aller mourir dans l’explosion. Mais bon, vue son talent pour le combat, Dante ne voulait pas la sacrifier pour rien. Oui, c’était le genre de personne qui aurait un accès au paradis. La seule chose importante dans la vie. Le bâton toucha le grognours encore en bon état. Rebondis légèrement, et tomba sur le sol. Mauvais calcul de Dante hein. Deux secondes plus tard, il explosa. Une explosion suffisamment forte pour arracher les pattes arrière du plus proche. Suffisamment forte pour provoquer une bourrasque et une détonation énorme. Une détonation à rendre sourd. Mais le tueur ne frémit même pas. Il avait l’habitude, ça ne le faisait même plus hausser un sourcil. Maintenant, il était reposé, ayant profité du combat pour se poser. Il fronça les sourcils afin de voir s'il devait se remettre à courir ou pas. Savoir si la femme avait survécu. La était toute la question.
Cette tension était tellement agréable. Le stress qui montait alors qu’elle sentait le risque pour sa vie. Et pourtant, elle était confiante. Elle avait toutes les raisons d’être confiante : elle venait de blesser grièvement l’une des bestioles, et de tuer l’autre. Face à elle, le groupe dangereux et sauvage n’était plus composé que d’un Grognours en bon état et d’un estropié. Elle n’avait plus rien à craindre, quasiment. Il suffisait d’y aller, d’avancer, et de trancher. Allez…
Elle fit un premier pas, et s’arrêta net lorsqu’elle entendit un grand cri. Cette voix inconnue mais qui lui rappelait quelque chose, qui hurlait de se pousser… Qui était-ce ? Elle se tourna dans la direction d’où venait cette voix, et percuta finalement : le type, le coureur ! Qu’est-ce qu’il voulait ? Instinctivement, elle commença malgré tout à s’écarter des monstres, doucement, jusqu’à ce qu’elle voit un objet tomber à côté du spécimen encore entier. Elle n’avait aucune idée de ce que c’était, mais ça semblait bien inoffensif…
Incrédule, elle continua de reculer, un peu plus vite. Elle ne comprenait pas pourquoi elle devait reculer, mais si le type l’avait crié c’était qu’un danger était présent, probablement. Il l’avait vue déchiqueter une patte et une gorge de Grognours d’un coup sec, donc ce n’était pas qu’il était inquiet pour elle et voulait qu’elle se replie en sécurité. Non, il devait comprendre que les Grognours n’étaient pas des menaces pour elle. Ce truc qui était tombé, c’était la men…
KABOOM !!
Une grosse explosion la coupa net dans ses pensées. Une déflagration, dont le souffle lui parvint et la jeta au sol, puis un nuage de fumée et de poussière. Ses oreilles sifflaient terriblement. Tellement qu’elle n’entendit plus rien avant de se relever complètement, le corps endolori par le choc de son dos contre la terre dure. Elle tâtonna pour ramasser son arme, et se mit à tousser. Erreur.
Un bruit sourd lui parvint sur sa gauche, le bruit de pattes lourdes qui accouraient. La bête qu’elle avait blessée surgit de la fumée presque entièrement dissipée, toutes griffes dehors, alors qu’elle armait son coup. En un éclair, elle trancha a mâchoire puis enchaîna avec une taille dans le ventre, qu’elle ouvrit tout du long. Encore déstabilisée, elle reprit ses appuis, et chercha du regard le dernier spécimen.
Il était sur sa gauche, à l’agonie, l’arrière de son corps quasiment entièrement déchiqueté… Elle s’approcha prudemment, et l’acheva d’un coup net, sans fioritures. Puis, à haute voix en direction du type incendiaire, elle cria :
« T’aurais pu faire plus attention bordel, j’aurais pu y passer, oh ! »
Elle constata l’ampleur des dégâts sur les animaux. Ouais, celui qui avait pris l’explosion était irrécupérable, ou presque. Elle pourrait peut-être garder le coeur, le cerveau et la langue. Mais la viande était foutue…
« Merde... » bougonna-t-elle tout bas. « T’as foutu ma proie en l’air ! »
- Je t’ai laissé 4 secondes. Ça suffisait largement.
Il s’étira les jambes bien contentes d’avoir terminé sa course. Laissant la jeune femme examiner les cadavres. Du coin de l’œil, il chercha un autre objet enchantable, il attrapa une autre branche la gardant dans sa main. Oh ce n’était pas pour elle, il préférait juste n’avoir que cinq minutes à courir plutôt que de devoir attraper quelque chose en passant.
- Ta proie ? y’a de quoi manger là, pas besoin d’en faire un plat.
Il souria à sa propre blague tout en faisant tourner le petit bâton. Un truc de quinze cm à tout casser ne représentant aucune menace. De toute façon, il ne l’avait même pas encore enchanté préférant savoir d’abord ce qu’il devait mettre comme explosion dessus. Tant de limites qui lui faisait prendre des risques, s’en été presque soûlant. Lentement, il s’approcha des cadavres et rigola.
- Et encore je l’ai raté, sinon il aurait juste disparus.
Il s’accroupit pour voir les dégâts. C’était déjà pas mal en tout cas. Il devait juste travailler un peu plus la gestion du temps avant l’explosion pour toucher au mieux. SI le bâton n’avait pas rebondit, cela aurait beaucoup mieux marché. Prévenir 4 secondes avant, c’était déjà bien trop. Il secoua négativement la tête en notant qu’il devait passer à trois secondes. Pas plus.
- DU coup tu manges les deux que t’as tuées et je mange le mien ?
Un seul c’était amplement suffisant pour lui, son estomac n’était pas si gros. Le reste, il s’en fichait totalement.
Elle ne fit pas attention à sa tentative humoristique déplorable, ni même à son essai de se faire passer pour plus dur qu'il n'était en prétendant qu'il aurait pu faire disparaître le grognours s'il avait mieux visé...
D'un regard qui se voulait furtif et attentif, elle put déceler qu'il flottait un peu dans ses habits. Il n'avait pas l'air bien costaud. Enfin, c'était relatif : face à un garde royal, il faisait pâle figure. Face à Dreina, il était de carrure à peu près similaire. Il ne représentait, du moins physiquement, pas une grande menace. Elle redirigea son attention vers les cadavres encore chauds des bêtes tandis que l'homme s'accroupissait pour les observer de plus près :
« Du coup tu manges les deux que t’as tué et je mange le mien ? »
Plusieurs clignements vinrent agiter ses yeux tandis que ses sourcils faisaient un bond sur son front. Comment ça, manger ? Qu'est-ce qu'il racontait celui-là ? Il s'imaginait qu'elle faisait ça pour se nourrir ? Il rêvait complètement.
Sans prévenir, elle tira le couteau dont elle se servait toujours pendant la chasse de sa botte droite, et le planta violemment dans la gorge du bestiau qui était le plus proche, celui dont elle avait sectionné la jambe quasiment entièrement.
« Je sais pas c'que tu t'imagine, mais... » dit-elle tout en bataillant pour extirper la langue de l'animal de sa gorge. « Moi, je chasse. Les grognours, c'est mon fond d'commerce. Alors si tu veux en bouffer de celui que t'as eu, vas-y, mais j'y prends son cerveau, sa langue, et quelques aut' babioles. »
Elle finit par réussir à récupérer son trésor, et s'attaqua ensuite à la boîte crânienne. Ces deux morceaux étaient les plus importants. Le cœur, s'il était en bon état serait aussi un élément de choix, mais moins important que le cerveau. Les griffes, les crocs, la graisse abdominale et les os des pattes viendraient ensuite. La viande, elle en mangerait un peu mais garderait le plus gros pour la revente.
« Bon et qu'est-ce que fout un type comme toi tout seul dans les bois sans escorte alors que t'es pas capable de gérer trois grognours tout seul ? T'es pas un peu simplet, par hasard ? » lui demanda-t-elle tout en continuant tranquillement sa besogne sanglante de découpe.
- Vas-y, je prends juste de quoi manger un peu.
Il la laissa travailler surveillant autour d’eux. Oui, une explosion pareille risquée d’attirer d’autres bestioles. Mais il laisserait la jeune femme se débrouiller sans hésiter, s’en servant comme diversion. Si ça tournait mal bien entendue. Et elle parla à nouveau. Limite en insultant notre jeune homme.
- Je vais à la capitale. Et le combat se serait très bien passé, j’avais juste à courir encore un peu pour les tuer.
Oui, courir était sa spécialité. Et il pouvait courir longtemps sans aucun problème. Même si il s’en passait parfaitement. Il s’accroupit en te regardant travailler.
- Et du coup, toi ton travail, c’est de découper des gros nounours comme eux ?
Il essayait de s’intéresser. Même si en regardant son visage, on pouvait voir qu’il n’en avait rien à foutre. C’était juste histoire de faire la conversation. Il parait que c’est bien de faire la conversation. C’est une rumeur étrange. Dans sa main, il faisait tourner son bâton réfléchissant a qu’elle puissance il allait mettre dessus. De quoi tuer plusieurs monstres sans doute. Se concentrant légèrement il se remit à parler pour lui-même.
- Par Helmex que tout soit détruit et qu’il ne reste plus rien de leurs corps et qu’elle rejoigne leurs paradis.
Le bâton s’illumina légèrement avant de revenir normal. Il sourit en le faisant tourner à nouveau. L’explosion serait deux fois plus forte. De quoi faire pas mal de dégâts et de se débarrasser des prochains monstres. Peut-être.
Elle était tellement habituée à ce genre de tâches qu'elle fit ça instinctivement. Le sang coulait à flot et ses gants étaient tout tâché du pourpre qui giclait du cadavre qu'elle était en train de dépiauter. Le but étant de faire vite et bien, car l'explosion qui venait d'avoir lieu pourrait attirer des bêtes suffisamment farouches pour s'attaquer à eux, voire pire : des gens.
Oh bien évidemment, le sort de son compagnon du moment ne lui importait pas. Elle n'était même pas sûre de pouvoir lui faire confiance. Mais il ne l'avait pas déjà attaquée, et il semblait plus intéressé par sa propre survie qu'autre chose : c'était là leur point commun.
Deux petites minutes passèrent, qui lui semblèrent une éternité, durant lesquelles elle ne perçut rien de l'espèce d'incantation du type à ses côtés. Elle était bien trop concentrée sur l'extraction du cerveau intact, qu'elle réussit avec brio. Une fois son trésor rangé, elle daigna enfin répondre à l'homme.
« Du coup, pour répondre à ta question ! Moi, j'suis aventurière. J'fais partie d'la Guilde. Mais faut bien s'nourrir hein, et les quêtes y'en a pas tous les jours, et y'en a pas que des qui payent bien. Donc ben, pour compenser et survivre, j'chasse les grognours. Parfois des bouctons aussi, mais c'est plus rare, vu qu'ça m'rapporte moins de pognon... »
Son attention se reporta sur le corps sans vie de la bête, et elle y plongea son couteau pour essayer de récupérer le cœur, probablement encore intact contrairement à celui qui avait explosé. C'était une ressource utile et qui pouvait valoir son pesant de cristaux, surtout quand on savait à qui revendre cet ingrédient de potions de fortitude. D'autant que ce cœur là était encore bien jeune et propre. À lui tout seul, il lui permettrait de se payer quelques soirées de débauche à la capitale.
« Super, t'es un beau toi. T'es un très très beau... » dit-elle, un sourire aux lèvres tandis qu'elle observait l'organe posé dans sa main ensanglantée. Délicatement, elle vint le déposer dans un morceau de toile bien propre, à part du reste de ses récoltes. « Bon et toi, c'est quoi ton boulot mon gars ? T'es aventurier aussi ? Ou apprenti chasseur, peut-être, » ironisa-t-elle en repensant à ses méthodes peu brillantes...
Oui, qu’est-ce que Dante faisait. Il n’avait pas réfléchi à une explication. Silencieux, il égoutta le sang de la viande avant de répondre.
- Je démolis des bâtiments gênant pour laisser la place à de nouvelles constructions.
Ouais, c’était bien ça comme réponse. Aucun mensonge, que de la vérité un peu détourner. Les temples de Lucy finiraient par être remplacé par des lieus de culte dédié à Helmex. Parfait. Il sourit satisfait de sa propre réponse avant de commencer à rassembler du bois. Oui, il avait faim, et il comptait bien manger un coup avant de repartir.
- Pour savoir, la capitale c’est bien par las bas ?
Il pointait la direction dans laquelle il courait au début. Avec les grognours, il avait un peu perdu la direction qu’il emprunter à la base et il voulait vérifier. Histoire de perdre le moins de temps possible. Après tout, il avait encore du boulot le petit Dante.
« Ha ! J'connais bien quelques endroits qu'y faudrait faire péter tiens ! Des nobliaux qui payent mal, salauds, » pesta-t-elle tout en se libérant d'un crachat gras à souhait, sur le sol. « Mais bon, j'imagine mal un pro du bâtiment louer ses services pour c'genre de trucs... Bah, j'me vengerais bien un jour. »
Elle le laissa ramasser du bois pour son repas, sans y prêter attention, et continua de son côté à dépiauter les cadavres de ses proies. Elle ne se sentait pas à l'aise. Une telle explosion allait faire fuir le menu fretin de la forêt, c'était sûr... Mais pour ce qui était des plus gros spécimens, farouches et dangereux... Ce serait une autre histoire. Il se pourrait même que des humains arrivent. Le risque de rester ici était élevé.
Elle était tellement plongée dans ses pensées qu'elle mit quelques secondes à réaliser qu'il lui avait demandé la direction de la Capitale.
« Euh hein ? Ah... La capitale... Euh... »
Quelques secondes d'hésitation plus tard, elle désigna une direction à quelques degrés au Sud de là où son comparse pensait devoir aller.
« Plutôt par là. Si tu continue d'ton côté là, tu finiras par la louper de plusieurs lieux. Et si l'temps est pas clément t'y verras pas assez pour t'en rendre compte mon gars. »
Puis elle se remit à sa besogne, s'affairant fiévreusement pour expédier le plus vite possible ce travail qui aurait normalement demandé au moins une heure de temps. Elle n'entendait pas de pas, et n'avait pas de sentiment d'être observée, mais elle n'aimait quand même pas ça.
« Bon euh... Moi j'vais m'contenter des meilleurs morceaux, j'laisse la barbaque. Si tu veux j't'accompagne à la Capitale ? J'vais r'prendre la route là, d'ici une dizaine de minutes, à tout casser. »
Ayant terminé son tas de bois, il l’alluma de la manière la plus élémentaire. Un bon coup de briquer dans les brindilles. Il attendit un peu pour que les flamme prennent avant de te répondre.
- Non j’ai faim, je mange et après je trace j’irais plus vite tout seul.
Un ton neutre, presque froid. Il essayait de ne pas paraître trop désagréable. Mais juste suffisamment pour qu’elle parte sans se retourner. Oui, il valait mieux pour lui qu’elle parte. Les flammes grandissant, il planta sa viande avec un morceau de bois et le posa au-dessus du feu. Avec ça. Il pourrait manger tranquillement et tenir jusqu’au lendemain sans soucis. Le reste n’avait pas d’importance. Sans faire attention à la jeune femme, il s’assit devant le feu et attendit son repas. Comme si elle n’exister plus. Comme si l’odeur de sang présente dans l’air ne le dérangeait pas. Ce qui était le cas pour lui. Peu importe ce que faisait la jeune femme, tant qu’elle ne se mettait pas en travers de son chemin, il ne ferait rien contre elle. Pour le moment.
Ce n'était pas la première fois que quelqu'un se montrait soudainement froid envers elle, et ça ne la dérangeait pas plus que ça. Elle trouvait juste son attitude bien louche : un professionnel du bâtiment perdu en forêt qui ne voulait pas être raccompagné jusqu'à la civilisation ? Il devait y avoir autre chose de caché à son sujet, dont il ne voulait pas parler. Elle soupçonnait des activités peu scrupuleuses, mais n'avait ni preuves ni ordre de mission : elle n'en avait donc rien à faire. Si jamais il fallait s'occuper de son cas un jour, elle attendrait qu'une belle prime soit offerte. En attendant, ce n'était pas son problème.
Elle finit de dégager les organes importants des grognours, et rangea le tout dans son sac de voyage qui venait soudainement de tripler de volume. Un superbe cœur, 47 griffes en bon état, deux langues intactes, deux cerveaux de belle taille, 4 kilos de viande et 2 kilos de graisse... Il y avait de quoi faire. Elle était surchargée à tel point que, en vérité, le type ne s'était pas trompé. Elle l'aurait ralenti s'ils avaient fait la route ensemble.
Toujours pas rassurée par l'environnement, Dreina se décida finalement à partir. Si un soucis venait à arriver, ce serait pour la trogne de ce gars là et pour elle. Chacun ses soucis, elle n'avait pas à se soucier de lui. Il pouvait bien crever sous ses yeux qu'elle n'en aurait rien eu à faire.
Après avoir constaté que son attention ne se dirigeait plus du tout vers elle, elle se contenta de s'éloigner en direction de la capitale après avoir proféré à haute voix un « Allez salut » bien sonore. Pas à pas, elle s'éloignait de ce drôle d'énergumène, avec ses interrogations sur qui il était vraiment toujours dans un coin de sa tête. Mais la perspective de son salaire une fois arrivée à la capitale était bien plus attrayante et réconfortante. Peu importait qui il était : seule comptait la paye.